On marche depuis des jours, suivants aveuglément Johnny à travers des contrés inconnues. Je n'ai pas oublié la mission que Samedi m'a confiée: me faire passer pour la méchante de service et tenter de découvrir son plan et celui de Séraphina, s'ils sont bien alliés, comme mon ami le pense. Car après tout, il n'a pas de réelle preuve, et Johnny semble jusque là nous guider correctement. Il n'a pas volé de vœux à la génie, et nous sommes à présent dans la cour du palais royal de l'empereur de Chine. Je n'ai pas eu l'occasion de lui parler de tout le voyage, seulement quelque regards ont été échangés entre nous, mais rien de très important. En réalité, j'ai passé la plus part des jours à ruminer dans mon coin ma rencontre avec Edouard, et les choses qu'ils m'a dites. Je ne devrait pas le prendre à cœur. je ne devrais pas laisser mon esprit s'égarer sur les paroles d'un garçon arrogant comme lui. Mais ça me rappelle que je ne pourrais jamais échapper à qui je suis. Et je ne suis pas une bonne personne. J'ai travaillé aux Enfers pour servir mon père, j'ai blessé des âmes des fantômes pour lui, les empêchant de s'évader. Si je confie mes peurs et mes doutes à Athos, il me prendra dans ses bras, me dira que j'étais juste une petite fille terrifiée qui venait de se faire rejeter par sa mère et que tout cela n'est pas ma faute mais celle de mon père tout-puissant et abusif. Il me rappellera que j'ai essayé de m'évader. Et je l'écouterai sans doute. Mais je ne peux pas me permettre de me faire dorloter dès que les choses iront mal pour moi. Je dois affronter mon passé, réparer ce que j'ai fait. Le mal que j'ai fait, je ne le rattraperai jamais, mais je ne peux qu'essayer de faire un peu mieux tout les jours. Pourtant, pendant des jours, je marche à l'arrière du groupe, silencieuse, tentant de me convaincre que je ne suis pas le monstre que Edouard, et sans doute d'autres voit en moi.
Et pourtant, je me tiens dans la cour du Palais Royal de Chine, à mille lieus de la Grèce, des Enfers, et de tout ce que je déteste de mon passé, face à un autre monstre de mon père. L'Hydre de Lerne. Qu'est-ce qu'elle fait là? Pourquoi elle n'attaque pas? Est-ce que... est-ce que mon père est impliqué dans cette histoire de malédiction? Car après tout l'Hydre n'est pas par hasard devant LA fleur qui doit nous aider à briser la malédiction, c'est forcément lié... Et Hadès est un dieu, une sorcière peut-elle l'ensorceler aussi simplement? Une pensé me noue soudainement l’estomac. Est-ce que c'est ma faute? Est-ce que mon père s'est allié à Séraphina pour me punir de lui avoir désobéit tant de fois? Est-ce que j'ai mis un monde entier en danger? Je sens la bile me monter à la gorge. Non, ça ne peut pas être ça. Tout ne tourne pas autour de moi. Il doit y avoir une autre explication.
Réfléchis, Nyssa, les monstres grecs, c'est ton domaine. C'est à toi de sauver la situation. Tu avisera après par rapport à ton père. Si tu dois te rendre et le laisser te punir comme il l'entend, tu le feras, tant pis pour ta précieuse petite vie. Mais réfléchis. L'Hydre est comme moi. La servante d'un homme détestable, forcée de faire des choses détestables. On a manipulé sa peur, sa colère ou son sentiment de solitude, peu importe ce qui la motive. Je suis sûre qu'au fond, elle ne veux pas être là...
Une fille à côté de moi encoche une flèche sur son arc, et la dirige vers la créature, et nous demande si on a une idée, tandis qu'une autre lui demande d'un ton cérémonieux de nous laisser passer. Est-ce que L'Hydre parle anglais? Je l'ignore. J'adopte donc le grec ancien, ma langue natale, et lui parle aussi doucement que possible:
-Salut ma belle. C'est moi, Nyssa... Tu te souviens? On s'est déjà croisé. Je te jure, on ne te fera aucun mal. S'il te plaît, laisse-nous juste passer et prendre une fleur. C'est tout.
Puis je pose ma main sur celle de la fille avec l'arc. Sa réaction est normale, mais si jamais L'Hydre a une chance de nous aider, ce n'est pas en la menaçant qu'on y arrivera.
-Attends, elle n'est peut-être pas malfaisante.
J'ai conscience de la naïveté que j’exhibe sans doute mais s'il y a une chance que L'Hydre se sente comme je me suis sentie quand j'étais sous la coupe de mon père, la meilleure solution et de lui proposer de l'aide.