The Debt (terminé) [Contemporain / Ado-YA]

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louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :
louji a écrit :
58
Ensemble




Malgré mon état quelques minutes plus tôt, je souris. Dévouée jusqu’aux bouts des ongles, Lily se préoccupe de tous, quel que soit leur âge, leur sexe ou leur mentalité. Je ne sais pas si ce sont les professions de ses parents qui lui ont donné ce goût de l’entraide et de la justice. Oh, cette Lily-là est tellement adorable (aheeeeem, pas comme l'autre, parfois :lol: ) :arrow: Lilith ? En même temps est-ce qu'on peut vraiment les comparer ? x) Lilith dans un autre contexte, sans être la fille de Loki, sans avoir perdu sa mère et vivant une vie classique... Elle aurait son caractère, mais elle serait peut-être bienveillante ? :?: (plus qu'aujourd'hui en tout cas :lol: ) En vrai, je me suis jamais vraiment posée la question de comment elle aurait été s'il n'y avait pas eu tout le délire mythologique autour d'elle… Question intéressante :ugeek: :arrow: En même temps, c'est tellement dur de la situer hors contexte :shock: Elle aurait eu une évolution totalement différente. :arrow: Elle ferait quel métier tu penses ? :lol: Je sais pas du tout… En fait, le truc, c'est que s'il n'y avait pas eu le bordel mythologique, elle aurait probablement juste grandi avec sa mère… et donc ça aurait donné une personne totalement différente… Elle est pas vraiment dissociable de son univers… :? :arrow: Ouais, c'est pas faux :roll:
Les yeux baissés, Lily Rose remarque nos mains liées. Nous ne sommes pas lâchés avec Jessica et elle relève un regard interrogateur dans notre direction.
– Oui ? fait Jess avec perplexité.
– Est-ce que… Vous avez enfin pris votre décision ? Mais-euh ! J'ai l'impression de voir mes potes en train de magouiller pour me mettre en couple. :lol: :arrow: Il y a de l'idée dans l'air :lol: C'est fourbe, ce genre de tactique. J'en ai été la victime :lol: :arrow: Et ça a marché ? :lol: Ça a donné une relation de cinq ans, donc ouais, je suppose… :lol: :arrow: Ah oui, quand même ! C'est les études sup qui y a mis fin ? :? Études sup plus envie de ma part d'y mettre fin (c'était pas réciproque, donc ça a été plutôt douloureux de son côté à lui, comme rupture) :arrow: IOh :? .

Heuuu… Parce que c'était par rapport à une promesse qu'un autre perso devait tenir, et parce que j'avais besoin d'un level up, et comme elle est déjà surcheatée au niveau puissance magique, fallait trouver autre chose. (Et que j'étais tombée sur un fanart très cool. Surtout pour ça, en fait. :lol: )
En fait, le truc, c'est que TDNC, je l'écris tellement au jour le jour que tu sens mes changements d'humeur entre deux séances d'écriture. :lol: (Et du coup, ça part en sucette.) L'ironie, c'est que dans l'ensemble, c'est pas totalement tiré par les cheveux. Pas totalement. 8-)


Aaaaaah d'accord :lol: Mais elle les garde non-stop ses ailes ?
Oui, je vois XD C'est en partie dû à l'ancienneté de cette histoire, non ? ^^ Tu n'es pas forcément partie en sachant exactement ce qui allait se passer ? Ça fait combien de temps que tu écris TDNC déjà ? ;)


vampiredelivres a écrit :
louji a écrit :Comme prévu, voilà deux chapitres en "un"... Je vais garder ce rythme d'ici la fin de l'histoire...
On laisse de côté la famille de Mark pour repartir dans une autre direction... Voili voilou 0/ Oh yeah, double dose ! :)



59
Un père



Vendredi soir, avant de partir en week-end, je reste quelques minutes à discuter avec Lily Rose devant le lycée. Nous nous sommes peu croisés depuis lundi dernier, alors je prends le temps de savoir comment elle va. D’une voix qui se veut ferme, mais qui tremble un peu, elle m’assure qu’elle n’a plus pensé à sa séparation, qu’elle tire une force nouvelle de la relation balbutiante que Jess et moi entretenons. Elle vit par procuration, quoi. :? :arrow: Pour l'instant oui :? Elle se veut rassurante, mais elle sait aussi bien que moi qu’elle est fragile en ce moment. Je la réconforte maladroitement jusqu’à qu’un groupe de copines vienne la chercher pour qu’elles boivent un coup ensemble au cybercafé. Alors qu’elle s’éloigne en me saluant de la main, je souris. J’espère qu’elle pourra se vider un peu la tête en leur compagnie.

Suivant une demi-douzaine d’élèves, je rejoins l’arrêt du car scolaire. Mon sac à mes pieds, je plisse les yeux devant le soleil rasant en espérant voir le bus arriver. Je rêve de me glisser sous la couette avec un roman ou l’ordinateur pour regarder un film.
Soudain, une voix souffle à mes côtés :
– Zachary ?
Je sursaute et me retourne, mon portable à la main, m’attendant à trouver un camarade de classe. Au lieu de quoi, un homme en costume d’un peu moins :arrow: de ? :arrow: Je sais jamais si on a le droit de se passer du "de"... Je vais l'ajouter quand même, au cas où ^^' quarante ans se tient devant moi. En silence, nous nous dévisageons avec stupéfaction. Son visage est figé en une expression interdite. Quant à moi, je suis trop abasourdi pour réagir.
Je crois qu’Oliver Dent vient de me trouver. Yayyy. Je sens que ça va être la joie. :arrow: Ouééé

Il me ressemble tellement. Ou, plutôt, je lui ressemble tellement. La photo en disait déjà long, mais la vérité est beaucoup plus brutale. C’est moi, dans vingt ans. Nous avons la même silhouette dégingandée, une grande partie des traits du visage en commun. La seule différence notable réside dans son regard, presque noir.
Subjugué, mortifié, tétanisé, je reste immobile devant lui.
– Zachary ? répète l’homme d’une voix pourtant convaincue de mon identité. Ben c'est pas que ce soit pas lui… mais il y a une possibilité que ça ne le soit pas. :lol: :arrow: Tu as tout dit :lol:
Il me faut de longues secondes pour faire redémarrer mes fonctions cognitives. Clignant des yeux, me sentant stupide au plus haut point, terrorisé à l’idée de dire n’importe quoi, je bredouille :
– O-Oui ?
– Je… Je m’appelle Oliver Dent. Je suis le frère d’Elena.
Je l’ai compris depuis un moment, ça.
– Je suis désolé de te rencontrer dans de telles circonstances, reprend l’homme, qui semble moins désarçonné que moi. Mais je devais te voir. De mes propres yeux.
Il toussote en se détournant.
– J’ai fait le plus vite possible, mais je n’ai pu me libérer que cette après-midi. J’espère que tu ne m’en veux pas trop. (Comme je ne réponds pas, il relève les yeux vers moi, songeur.) Zachary ? Je… te dérange peut-être ? Tu voudrais qu’on se voie plus tard ? Ne peut-on pas au moins discuter autour d’un café ? J’avais tellement hâte de te rencontrer…
Il laisse sa phrase en suspens en me dévisageant. Je vois quelque chose fleurir dans ses yeux sombres, une lueur qui me fait peur. Quelque chose naît en lui, quelque chose que je connais bien. L’espoir.
– … mon fils. Il a placé ses espoirs un peu haut. :arrow: Clairement, oui, il vise haut :?
Le mot tombe entre nous comme une masse. J’ai l’impression qu’un poids enfonce ma poitrine et j’ai soudain du mal à respirer.
Il n’a pas le droit. Pas le droit de m’appeler comme ça. Je ne suis pas son fils. Je ne l’ai jamais été.
N’est-ce pas ?
C’est Mark, mon père. Pas biologiquement, mais ouais, au sens moral du terme, c'est pas faux. :lol: :arrow: Ah oui, il parle d'un point de vue affectif pour le coup :)
Un sentiment terrible de peur et d’envie s’envole en moi. J'aurais choisi une autre formulation que "s'envole en moi"… et j'aurais peut-être mis "terrible sentiment", mais là, je chipote. :lol: :arrow: En vrai y'a un côté "positif" au verbe s'envoler qui va pas forcément, je vais trouver autre chose. J’ai envie de lui parler, de le connaître, de lui poser mille questions. Mais je suis effrayé de :arrow: par ? :arrow: Yup, thanks. son existence. Je suis Zachary sans parents, je suis Zach l’orphelin. Je ne suis le fils d’aucune femme et d’aucun homme.

Oliver Dent semble remarquer ma détresse. L’air mortifié, il recule de deux pas et bredouille :
– Je suis désolé, je n’aurais pas dû être aussi brusque. Je… Est-ce qu’on pourrait s’installer quelque part pour parler un peu ?
Mes lèvres tremblent. Je n’ai aucune envie de rester aussi près de lui. Il représente trop de choses en une seule enveloppe charnelle. Il porte avec lui trop de possibilités que je ne peux gérer. Il me fait peur. Je ne suis pas prêt à me confronter à lui. C’est encore trop tôt pour moi.
Trop tôt pour faire la connaissance de mon probable père. Aww, p'tit chat. Après, c'est pas garanti que ce soit ton père, il paraît qu'on peut avoir jusqu'à sept sosies presque parfaitement identiques dans le monde. :lol: :arrow: Yes, ils partent vite en besogne, c'est clair ^^'

Sous ses yeux médusés, je lui tourne le dos. D’une main tremblante, la gorgée nouée, je ramasse mon sac. Je ne sais pas ce qu’il pense. Je ne sais pas à quoi il s’attend.
Je fuis. Je bondis, loin de lui, et je m’enfuis. En courant, en exécutant de longues foulées. Mes pas frappent le sol en rythme avec ma respiration hachée. Je ne suis pas bon sportif, mais aucune importance. Je veux juste de la distance entre lui et moi.
C’est lâche et puéril. Un simple « C’est encore trop tôt » aurait suffi. Néanmoins, je redoute de voir la déception sur son visage. J’ai déçu et meurtri trop de gens, je ne veux pas qu’il s’ajoute à la liste.
Alors, je fuis. Le soleil se couche, la silhouette sombre d’Oliver Dent disparaît derrière moi et j’avale l’air en même temps que la distance. J'adore cette tournure. :arrow: :D
Je sais que je vais le regretter. Tant pis.
Je ne suis pas prêt.
Et c’est tout.


60
Piégé



Déjà, le titre ne dit rien qui vaille. :? :arrow: C'est assez parlant, en effet :? Je m’arrête de courir au bout de quelques minutes. À bout de souffle, les jambes lourdes, je maudis ma condition physique. Je ne fais pas énormément de sport, ou, du moins, je ne suis pas la tendance des lycéens sportifs. Je ne pense pas être si mauvais en endurance, mais je ne vais pas m’amuser à tester mes limites. Littéralement ma définition. :lol: :arrow: :lol: la mienne aussi, no worry
Une drôle de mélasse de sentiments contradictoires me remue l’estomac. La honte, la joie, l’impatience, la peur, l’excitation, les regrets… Je ne sais plus quoi penser.
J’ai laissé le lycée derrière moi et Oliver Dent avec lui. Le pauvre, il devait sortir du travail. Il avait quitté Denver rien que pour me voir. Et je l’ai planté à l’arrêt de car avant de fuir comme un mioche pris en flagrant délit. Je m’en veux. Mais qu’aurais-je pu faire ? Bredouiller, rougir, baragouiner et gesticuler ? Me couvrir de honte ?
Ce n’est pas la première fois que je rentre à pied du lycée. Ce n’est pas bien drôle, mais je préfère faire ainsi. J’ai besoin de m’aérer l’esprit, d’oublier ce qui pèse sur moi pendant quelques temps.

Sur le chemin du retour, je longe un stade entouré de buissons feuillus. D’un coup d’œil, j’avise trois silhouettes qui s’entraînent au baseball. Quand je les reconnais, mon cœur remonte douloureusement dans ma gorge. Je le sens pas…
Sans plus réfléchir, je lorgne la route pour vérifier l’absence de voitures. Une semi-remorque arrive trop vite pour que je traverse. Je jure tous bas. Un cri s’élève derrière moi.
– Eh mais…
J’entends des exclamations dans mon dos et mon cœur se met à tambouriner furieusement contre mes côtes. Non, non !
– Zach ! C’est toi Zach !
Puis, par-dessus les deux autres voix, une que je déteste plus que tout :
– Mon cher Zachary, tu vas où ?
Anthony. Et merde… :arrow: On a la poisse ou on a pas la poisse ? :roll:

J’attends qu’une voiture passe puis cours sur l’asphalte jusqu’à l’autre trottoir. Je n’y serais pas forcément plus en sécurité, mais c’est toujours une distance en plus entre les trois barges et moi.
Mes jambes, déjà lasses d’avoir couru, protestent à chaque pas. Ma gorge me pique et mes poumons me brûlent. Je dérape sur un caillou et reprends difficilement ma course.
On me tombe dessus. Ou, plutôt, quelqu’un plante négligemment son pied dans mon dos, me faisant basculer en avant. Je m’érafle les paumes et le menton sur le goudron. C’est un miracle si je ne me suis pas brisé les dents.
– Petit chéri, raille la voix rauque de Nick au-dessus de moi.
En levant la tête, je lui balance un regard noir. Je sens quelque chose de tiède couler le long de mon menton. À quelques mètres derrière le joueur de football s’avance tranquillement Anthony, une batte en travers des épaules, secondé par un Elliot visiblement réticent.
– Ça faisait longtemps, Gibson ! s’exclame Anthony, une fois proche de nous.
– Laisse-moi partir, je réponds simplement en le fixant d’un air glacial.
Je n’ai pas croisé Anthony depuis notre confrontation dans les couloirs du lycée, en compagnie de Lily Rose. Quant à Nick, ça remonte à notre désagréable escarmouche lorsqu’il s’en est pris à Dante. Je ne veux revoir aucun des deux. La seule chose que j’ai envie de tirer d’eux, c’est leur sang.
– J’aime ce regard, souffle d’un ton suave Anthony en s’accroupissant à côté de ma tête.
Alors que Nick me maintient au sol d’un pied, mon ennemi m’agrippe sans douceur les cheveux.
– Comment tu te portes, Gibson ? Bien ? (Son sourire torve disparaît soudain et ses yeux se font plus froids que la banquise.) Je vois que tu t’amuses bien avec Lily Rose et les deux nouveaux demeurés.
Un sentiment de colère noire m’envahit, me faisant serrer les dents pour retenir les insultes qui me chatouillent les lèvres.
– Qu’est-ce que tu leur trouves, à ces crétins ? L’un est un pédé épais comme un fil de fer et l’autre une geek aussi charmante qu’une truie.
La colère qui me submerge n’a pas grand-chose à voir avec celle que j’ai pu éprouver jusqu’ici. Il ne s’agit plus seulement de moi, de mon passé ou de mes tares. Je refuse de l’entendre parler d’eux ainsi. Dante s’affirme comme il est, lui. Il est sincère, vif d’esprit et plein d’enthousiasme. Jessica… Une flèche brûlante me perce le cœur. Ce n’est pas une truie. C’est une renarde, à l’œil luisant de malice, aux cheveux flamboyants et aux mains agiles. Elle brille, comme un joyau, elle est belle et intelligente.
Sans qu’il n’ait le temps de se défendre, je lève la main pour agripper la manche d’Anthony. Il bascule et j’en profite pour le gifler violemment. Perdant son équilibre, il s’écroule sur les fesses en faisant tomber sa batte.
– Tu as l’air ridicule, mon pauvre, craché-je sans cacher mon mépris.
– Fils de pute ! hurle-t-il en bondissant sur les talons.
Je ferme les yeux lorsqu’il envoie son pied dans ma mâchoire. Des étincelles éclatent sous mon crâne et mes oreilles se mettent à siffler.
À moitié assommé, je l’entends susurrer d’une voix tremblante de rage, de jalousie et de dégoût :
– Tu les baises tous les trois en même temps, tes petits crétins ? Dans quel ordre tu les prends ? Lily en premier ? Dante après et Jessica en dernier ?
Le malade, le grand malade.
J’entends Nick marmonner d’un ton inquiet :
– Anthony, faut qu’on s’éloigne de la route. Les gens vont nous voir.
– Emmenez-le ! beugle-t-il à ses compères tandis que mes repères dansent encore autour de moi.
Je sens deux bras me saisir, l’un plus faible que l’autre. Nick et Elliot. Toujours les deux bons toutous.
Ils me transportent en bas de la route, vers les sous-bois. Un désagréable souvenir surgit dans mon esprit. La râclée :arrow: Pas de circonflexe ;) :arrow: Effectivement, merci ! que ces trois mêmes personnes m’ont fait subir après une journée de lycée. J’ai mis des semaines à m’en remettre.
Me gorge se serre : combien de temps cette fois ? Combien de coups ? Nan nan nan Coline, t'as pas le droit ! Pas après Molly ! :evil: :arrow: J'ai plus rien à dire pour ma défense... En résumé de chapitre, pour celui qui arrive, j'avais juste mis "Il se fait casser la gueule ♥". J'ai des piques comme ça :mrgreen:

Elliot et Nick me font agenouiller par terre. Du sang coule de ma bouche. Pourquoi ? Quelle satisfaction tirent-ils de me voir amoindri et souillé devant eux ?
Anthony se dresse dangereusement au-dessus de moi. Ses yeux sont habités de folie. Il va me tuer. Ce malade va vraiment me tuer.
– Tu vas le payer, Gibson, susurre-t-il avec un sourire qui n’a rien de bienveillant. Tu vas regretter de m’avoir pris Lily Rose. J’espère que tu l’as bien culbutée la dernière fois, car, après ce que tu vas vivre, elle ne voudra plus jamais de toi.
Alors, tout ça pour une pointe de jalousie ? Anthony le brave, le vaillant, le beau, est jaloux. C’est peut-être parce qu’il l’aime encore, en fin de compte.

Les yeux clos, je pense à mes amis. Pour eux, je vais rendre les coups.
Je ne vais pas me laisser abattre. Allez mon chat ! Je suis de tout cœur avec toi ! :arrow: Oué, Zach Fight Club oué :lol:


B'jour.
Tu auras beau me traiter de sadique, tu n'es pas bien mieux, hein. :lol:
Bon. Essayons de pas taper sur les personnages (ni l'auteure :mrgreen: ), mais plutôt d'être constructifs. J'aime pas Anthony, à cause de son comportement d'abruti fini. Je pense que c'est compréhensible. :D Mais en fait, au fond, ça m'irrite de ne pas l'aimer, parce que pour le moment, je ne le comprends pas. Et j'aime pas ne pas comprendre un personnage. (C'est comme je disais sur le Cycle, j'aime pas qu'on ne comprenne pas un de mes personnages, mais ça va dans les deux sens.) Rhah, tu m'énerves, je veux savoir !! Parce que bon, jalousie, ça va bien cinq minutes, mais sur le long terme…
Pour passer totalement du coq à l'âne, j'aime beaucoup la rencontre avec Oliver Dent. C'est très réaliste, pour le coup, ça m'aurait beaucoup plus étonnée si Zach l'avait accueilli à bras ouverts. Le gars, il a pas été là ces dix-sept dernières années, il a appris son existence y'a deux semaines même pas, et il lui donne du "mon fils" ? Nan mais ho. :lol: Et puis, c'est marrant, mais statistiquement, on dit que tout le monde a au moins un sosie sur la planète, donc rien n'est joué. :geek:
Eeeeenfin bref. Au niveau écriture, y'a absolument rien à dire, comme toujours. C'est fluide, le rythme est très bon, les alternances entre réflexions, dialogues et actions sont au poil…
Allez. Zach va s'en sortir, j'ai confiance en lui. Au pire, je lui enverrai Lilith en soutien (quoi que ça va être compliqué de la faire sortir de son trou à rats, mais au moins, ça satisfera tout le monde :lol: ).
Mais en attendant de voir comment il se débrouille tout seul, je te dis à plus !
Bises ^-^


B'soir.
Alors, euh, j'ai seulement des piques de sadisme. Autrement je me sens trop coupable de faire souffrir ces pauvres gens :lol: Toi, t'es sadique sur la durée, c'est bien pire :evil:
Tu peux taper sur les personnages, je le prendrais pas mal :mrgreen: (sur moi aussi, je le mérite un peu). Ha, pour l'incompréhension du personnage... Je pense que ça vient aussi du fait qu'il a franchi la limite de l'acceptable, du compréhensible, de ce que la jalousie pouvait motiver jusqu'ici... Et qu'il est tombé dans quelque chose de plus dark ^^' (J't'afoue que j'attends de comprendre Kaiser. Ou, plutôt, je fais exprès de rien vouloir comprendre à son sujet :lol: ). Autrement, pour Anthony, je dirais que c'est vraiment l'accumulation sur plusieurs années de sentiments très sombres à l'égard de Zach qui commence par les insultes puis finit au tabassage :v Et ç'a commencé par une volonté ""noble"" d'éloigner un danger potentiel d'une fille qu'il aimait. Puis par de la jalousie en constatant que Zach était entouré de personnes qui l'aiment. Finalement par la rancoeur d'avoir perdu Lily. Après, je vais pas tout raconter comme ça, j'espère que les autres apparitions du personnage au fil de l'histoire feront ressortir ses motivations, très noires et égoïstes. Mais Anthony me permet aussi de montrer à quel point un rien peut se transformer en tout, à quel point on peut rapidement tomber dans l'ultra-violence et focaliser toute sa colère sur un seul être :?

Pour la rencontre avec Oliver, oui, je voulais faire le plus réaliste possible... et, clairement, ça aurait été bizarre qu'il lui fasse un check et lui lâche "Ça va poto ?" :lol: Et Oliver abuse un peu avec son "mon fils", carrément héhé. Surtout, que comme tu dis, la génétique n'a pas encore donné son approbation :? (mais Zach n'oublie pas ce point !)

Merci beaucoup ! J'ai toujours un peu peur avec TD que la narration fasse trop légère, ou trop lourde si je me tape un délire dramatico-sentimental :? D'une certaine manière, c'est plus contraignant que la fantasy !

Il aurait vraiment besoin de Lily et sa badassitude, je confirme :roll: Mais Lilith est actuellement hors-service si je ne m'abuse, alors ça risque d'être complicado :lol:

Merci pour ton passage et ton com ! Bises ;)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

2 chapitres pas bien drôles en vue, âmes sensibles s'abstenir comme on dit :lol: (en vrai, ça pourrait être pire :roll: )


61
Pluie de coups



Alors qu’Anthony dresse la batte au-dessus de ma tête, je me lève brutalement, surprenant Nick et Elliot. Ce dernier pousse un cri de détresse quand je m’arrache à sa poigne et le pousse de côté. Mon adversaire n’a pas le temps d’arrêter la descente de la batte et j’en profite pour placer le bras de Nick, qui me tient encore, sur sa trajectoire. Il lâche un cri de douleur en me lâchant.
Elliot, qui se n’est pas éloigné de moi, se protège le visage quand je m’approche de lui. Las, je me contente de susurrer d’une voix menaçante :
– Va-t’en, Elliot, et vite.
Les yeux ronds de peur derrière ses mains, il ne se fait pas prier et prend ses jambes à son cou.
Froidement déterminé, je me tourne vers les deux autres. Nick, le visage rouge de douleur et de rage, se tient le bras tandis qu’Anthony me dévisage.
– Vous devriez partir, vous aussi, soufflé-je en désespoir de cause.
Sans ciller, ils m’adressent des sourires mordants. Une sueur froide me coule dans la nuque.
Le jeu de lumière entre les branches des arbres jette des ombres inquiétantes sur leurs visages. On dirait des démons.
– Jamais, le monstre, marmonne Anthony.
C’est moi le monstre ? Hypocrite. Je ne bats pas mes camarades de classe pour le plaisir, moi.
– Allez, approche, murmure Nick d’une voix mielleuse.
Les mains tremblantes, je laisse tomber mon sac de cours par terre et jette mon portable par-dessus. Je ne veux pas qu’il termine en dommage collatéral.

Sans prévenir – ce serait trop simple – ils bondissent sur moi. J’esquive un coup de poing de Nick et bloque la batte de son camarade des avant-bras. Ça ne fait pas mal. Pas trop.
Toujours aussi leste, Nick envoie sa jambe dans un mouvement rotatif vers mon bassin. Je préfère encaisser le choc pour me défendre contre les attaques plus dangereuses d’Anthony. Ce dernier me harcèle de sa batte.
Après quelques mouvements, il me feinte et parvient à l’abattre contre mon épaule. Le choc m’envoie au sol et j’ai à peine le temps de replier mes jambes que Nick me roue de coups de pieds. Grognant, j’ouvre ma garde, acceptant de me prendre sa basket dans le ventre, pour saisir sa cheville. Avec une force que je ne pensais pas détenir, je l’entraîne au sol. Je l’entends perdre son souffle lorsque son dos rencontre sans douceur la terre.
D’un coup de pied, je repousse Anthony et me dirige vers Nick avant de m’agenouiller au-dessus de lui. Je vais lui faire subir cette délicieuse sensation que d’être à la merci de quelqu’un. Sans retenue, j’abats une première fois mon poing sur son nez. Je ne le lui brise pas, mais ça lui fait assez mal pour l’étourdir. Comme Anthony ne s’est pas encore redressé, j’en profite pour asséner deux autres coups à son acolyte, qui a bien vite le visage en sang.
Du coin de l’œil, j’aperçois Anthony approcher. Quand il lance sa batte vers moi, je me baisse et elle passe au-dessus de ma tête brassant l’air. Je roule sur le côté et me redresse plus loin, le corps de Nick entre nous deux. Ce dernier se positionne sur le flanc en geignant.
– Espèce de saloperie de meurtrier, crache Anthony en essuyant son front couvert de sueur. Je vais te démonter.
– Qu’est-ce que je t’ai fait, espèce de malade ? répliqué-je avec colère et indignation.
– Tout ! hurle-t-il en guise de réponse. Ta vue me dégoûte, entendre ta voix m’horripile… Et, quand tu touches Lily, je… (Ses yeux s’enflamment et j’ai vraiment l’impression d’avoir affaire à un monstre.) Ça me rend dingue.
– Lily Rose est mon amie, soufflé-je avec douceur. Je n’ai pas de sentiments amoureux pour elle, Anthony. Ça n’a jamais été le cas. Je la connais depuis des années et je l’ai toujours considérée comme une amie. Peut-être comme une sœur, mais…
– Ta gueule ! beugle-t-il en me coupant.
Il est dément. Je ne sais pas comment le raisonner. Puis-je le raisonner, au moins ?
Avec un bond, il s’élance vers moi en criant. Je fais de mon mieux pour esquiver et pars sur le côté en courant. Avec Nick au sol, peut-être que je pourrais prendre la fuite. Je ne pense pas qu’Anthony serait en mesure de me rattraper.
Alors que je songe sérieusement à cette option, quelque chose de dur me frappe brutalement la tête. Sonné, je m’effondre par terre. Mon crâne vrille de douleur et je porte les mains à mes tempes en gémissant.
J’entends une respiration haletante derrière moi. La vision floue, je redresse la tête. Anthony est penché en avant. Il ne tient plus sa batte. Confus, j’aperçois cette dernière au sol à côté de moi. Ma gorge se serre. Ce malade me l’a balancée dessus.
Soudain, alors que je le croyais hors-jeu, Nick se lève. La main sur sa bouche ensanglantée, il s’approche de moi. Ses yeux sont éclairés de haine.
– Tu vas morfler, fils de pute. Anthony, viens.
Celui-ci sourit et s’exécute. Avec nonchalance, il ramasse la batte et la fait tournoyer. Oui, il est doué pour ça. Il aurait pu faire partie de l’équipe de baseball. J’hésite à le lui dire.
À l’intérieur de moi, j’entends un rire nerveux. C’est bien le moment de plaisanter.
Merde, j’ai tellement mal à la tête.
Misérablement, j’essaie de me lever sur les coudes. Je n’y parviens pas.
Dépité, je les vois approcher.
C’en est fini de moi.

Les coups pleuvent. Vainement, je protège mon visage de mes mains.
La souffrance est un crescendo de rouge intense et de noir bref. Les sons sont étouffés, les respirations haletantes. Le métal contre mes os produit un bruit sourd. Bientôt, le sang coule et coule. C’est la seule source de chaleur que j’éprouve.
Il y a encore quelques épisodes de rouge intense alors que j’ai l’impression que mon crâne va exploser. Puis le noir s’abat sur moi comme un rideau tombe sur scène.




62
À bout de forces



Le monde est noir et rouge lorsque je rouvre les yeux. Ma respiration est sifflante et chaque inspiration est un poignard dans mes côtes. Je tousse et crachote du sang.
Les alentours sont noirs. L’herbe, les arbres, la route au loin. Mes yeux peinent à capter la lumière. Est-ce qu’ils m’ont abîmé la vue ?
Le sol est rouge et la lune aussi. On pourrait croire qu’elle a bu mon sang.
Au prix d’un cri de douleur, je roule sur le dos. Ma respiration n’en est pas forcément facilitée, mais, au moins, je peux sentir l’air frais sur mon visage meurtri.
En vie. Je suis en vie. Ils ne m’ont pas tué.
Pas encore.

J’attends de rassembler quelques forces misérables avant d’entreprendre le chemin jusqu’à mon sac de cours abandonné à quelques mètres. Comme je n’ai pas la volonté de me lever, je rampe jusqu’à lui. Mes côtes et ma tête protestent alors je dois m’arrêter plusieurs fois au risque de m’évanouir.
Mes coudes sont tout éraflés quand j’atteins enfin mon sac. D’une main tremblante et abîmée par les coups donnés à Nick, j’agrippe mon portable. Lorsque l’écran s’allume, ma gorge se contracte. Il est une heure cinq du matin. Merde. Merde, merde, merde. Une envie de pleurer me prend brutalement et je plisse les paupières à m’en faire mal pour m’en empêcher.
J’ai un appel manqué d’Elena, reçu à dix-huit heures. Elle souhaitait peut-être me parler d’Oliver Dent. À la pensée de l’homme qui a fait le déplacement jusqu’à Daree pour me voir, je baisse la tête. Un peu plus et je mourrais sans avoir pu faire sa connaissance.
Mark m’a appelé dix fois. À partir de vingt heures jusqu’à minuit et demi. Des tas de messages de sa part aussi, la plupart demandant où je me trouve et pourquoi je ne suis pas rentré.
Mark, oh Mark.
Tremblant de froid, de douleur et de fatigue, j’enclenche l’appel retour. La sonnerie envoie une note stridente à mon oreille et une peur sourde s’empare de moi. Que faire s’il ne répond pas ?
– Zach ? Zach, dis-moi où tu es ? Pourquoi tu n’es pas rentré ? Pourquoi tu m’as pas prévenu ?
Son ton angoissé me soulage. Sa voix bourrue est rauque.
La mienne est misérable lorsque je lui réponds :
– Mark…
J’ai le souffle court et peine à parler. Je l’entends retenir sa respiration.
– Mark, faut que tu viennes. Peux pas. Je peux… peux pas marcher.
J’halète comme un chien qui a trop couru. Je suis pitoyable.
– Mark, s’te plaît.
Le silence qui suit est une lame chauffée à blanc dans mon cœur. J’ai tellement besoin de lui à cet instant. Il peut pas me laisser tomber maintenant. Je m’en sortirai pas sans lui.
– Zach, tu as bu ?
Entre colère et hésitation, sa voix frémit.
– N… N-Non, je parviens à articuler.
– Tu es où ?
Son ton froid me fait mal. Tant pis. Je préfère vivre que de m’indigner.
– ‘Sais pas. Entre Daree et Lake Town. Près… du stade de baseball.
– OK. (Comme je ne réponds pas, il ajoute d’un ton las : ) OK, j’arrive.
À bout de forces, je lâche le téléphone sans même décrocher.
Une éternité plus tard, j’entends une voiture se garer. Puis la voix de Mark m’appeler.
– Par là.
Le son de ma voix est tellement risible que j’en ris. Puis j’ai envie de pleurer, mais je me retiens.
J’ai tellement mal. J’aimerais que ça cesse. Que tout cesse.

Mark finit par me trouver. Vue la vitesse à laquelle il se précipite vers moi, au risque de se tordre une cheville, je dois avoir sale mine.
Sans perdre de temps, il s’agenouille près de moi et glisse une main sous ma nuque pour me redresser. Sa présence me réconforte et j’ai soudain juste envie d’être sous la couette, au chaud et sans douleurs.
– Oh, Zachary… murmure-t-il en me dévisageant. Qu’est-ce qu’on t’a fait ?
Du mal.
Soudain, le petit garçon en moi prend le dessus et je me recroqueville sur moi-même.
– Non, non, Zach, souffle Mark fermement, mais sans brusquerie. Tu vas te faire mal.
Il n’a pas tort. Mes mouvements réveillent mon corps blessé. Avec rage, je lève les mains à ma tête et tire mes cheveux.
– Ils avaient pas le droit !
Perdu, Mark me dévisage, le visage tiré en grimace consternée.
– Salauds, je gémis avant d’essayer de me dégager des bras de Mark.
Il me laisse faire et je roule au sol, prostré sur moi-même, ma faiblesse et ma douleur. Je me déteste en cet instant.
– Qui t’a fait ça ?
– Mes démons !
– Zach…
– Mes démons, répété-je d’une voix faible. Mes foutus démons.
D’un geste hésitant, il touche mon épaule et je montre les dents.
– Zachary, il faut que je t’emmène à l’hôpital.
À l’éclat de la lune, je vois ses doigts couverts d’un liquide rouge et poisseux.
Non.
– Non, je parviens à affirmer avec colère.
– Si, rétorque-t-il avec fermeté.
– Non !
Lorsqu’il tend la main vers moi, je fais mine de le mordre et il me jette un regard désabusé.
– Tu vas me faire mal si tu me touches.
– Je sais. Pour ton bien, répond-t-il d’un ton mesuré.
– Non !
– Zachary, bon sang, jure-t-il en se redressant. Tu ne peux pas rester dans cet état. Je t’emmène à l’hôpital.
Ma gorge n’a plus la force de parler. Lorsqu’il me saisit par l’épaule, je gémis de douleur. Ses traits se crispent, mais il serre les mâchoires et me lève. La souffrance éclate dans mon corps et je me mets à pleurer. Fichue douleur. Tu ne me lâcheras jamais ?
Décontenancé, Mark reste sans bouger quelques secondes. Puis il glisse un bras dans mon dos pour me soutenir et marmonnant :
– Je vais trouver les salauds qui t’ont fait ça. (Sa voix devient si grave que je l’entends à peine.) Ils vont payer pour ce qu’ils t’ont fait subir.
– Non…
Les larmes ruissellent sur mes joues, se mêlant à mon sang.
Avec désespoir, je m’agrippe à Mark en enfouissant mon front contre son épaule solide.
– Pas l’hôpital. Par pitié. Pas l’hôpital.
Je ne veux pas y retourner. Je ne veux plus revoir les visages dévastés des urgentistes quand ils sont intervenus sur les lieux d’un accident de voiture tragique. Je ne veux plus subir la pression de ses couloirs. Je refuse de me souvenir de la douleur, du désespoir et de l’envie de mourir.
Cet hôpital porte trop de mauvaises choses. Je ne veux pas y remettre les pieds.

Immobile dans les bras d’un Mark pantois, je continue à sangloter comme un enfant. Avec frénésie, je m’accroche à lui. J’ai tellement peur de le perdre. Il est tout ce qui me reste.
Finalement, il lâche un soupir fébrile.
– D’accord, Zach, d’accord. Pas l’hôpital. Mais j’appelle Sofia dès qu’on est à la maison.
Hochant la tête pour approuver ses paroles, je rassemble mes forces pour me préparer à la distance qui nous sépare de la voiture. J’aime bien Sofia. Je lui fais confiance.
Avec un grognement, Mark fait passer l’un de mes bras par-dessus ses épaules et me porte à moitié jusqu’à la Jeep. Dans une semi-conscience, je remarque que je laisse des gouttes de sang par terre.
Je ne me rappelle plus être monté dans la voiture. Mais voilà qu’on file à toute allure sur la route déserte. La ceinture compresse douloureusement ma poitrine, mais je n’ai pas la force de l’enlever.
Mark me parle. Confus, je peine à saisir ce qu’il me demande.
Ce que je sais, c’est que je lui murmure deux noms avant de sombrer pour de bon : Nick, Anthony. Anthony et Nick.
Mes foutus démons.


Dernière modification par louji le ven. 22 mai, 2020 6:14 pm, modifié 2 fois.
15Lina15

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

Salut,
Ouhha vraiment impressionnant les quatre derniers chapitres. Tu décris bien tous les sentiments de Zach pour qu’on comprenne ses réactions et en même temps tout est d’une violence qui perso m’a happée totalement.
C’est vrai que je trouve dommage que Zach se fasse encore frapper mais j’ai l’impression que celle-ci sera la dernière, qu’ils seront puni. Et puis, le fait qu’il se défend pour protéger ses amis, le fait grandir ^_^.
Je comprends qu’il se soit enfui à la vue de son père bio, j’espère qu’il le reverra bientôt.
Pour Antony je comprends ses raisons et là tu l’as très bien développé mais pour Nick (quelles sont ses raisons, on ne peut pas aller aussi loin juste pour soutenir son pote) ?

C’est fou, tu as beau mettre 2 chapitres maintenant, je ne les ai pas vu passer :D
Bravo, et bonne continuation !
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

15Lina15 a écrit :Salut,
Ouhha vraiment impressionnant les quatre derniers chapitres. Tu décris bien tous les sentiments de Zach pour qu’on comprenne ses réactions et en même temps tout est d’une violence qui perso m’a happée totalement.
C’est vrai que je trouve dommage que Zach se fasse encore frapper mais j’ai l’impression que celle-ci sera la dernière, qu’ils seront puni. Et puis, le fait qu’il se défend pour protéger ses amis, le fait grandir ^_^.
Je comprends qu’il se soit enfui à la vue de son père bio, j’espère qu’il le reverra bientôt.
Pour Antony je comprends ses raisons et là tu l’as très bien développé mais pour Nick (quelles sont ses raisons, on ne peut pas aller aussi loin juste pour soutenir son pote) ?

C’est fou, tu as beau mettre 2 chapitres maintenant, je ne les ai pas vu passer :D
Bravo, et bonne continuation !
Hello ^^
Oh, je suis contente qu'ils t'aient plu ! =D Et tant mieux si j'arrive à bien retranscrire les sentiments de Zach, j'ai parfois l'impression d'être un peu hasardeuse là-dessus ^^'
En effet, c'est un peu l'affrontement de la dernière chance, si j'ose dire :roll: La prise de conscience, quoi, que les choses vont vraiment mal. Oh, j'avais pas vu les choses de ce PDV, mais c'est sûr qu'il gagne en maturité à vouloir se défendre, pour lui et ses amis ^^
Pour Oliver, oui, ça me semblait plus cohérent qu'il fuit plutôt qu'il tape la discut' avec lui x)
Pour Nick, c'est vrai que ça viendra plus tard... Pendant un moment, il se contentait de suivre Anthony, pour s'amuser, puis ça va être un peu plus profond que ça...

Oui, les chapitres sont courts, c'est aussi pour ça ! ;)
Merci bien pour ton comm, ça fait plaisir :)
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par vampiredelivres »

Heyo !

Bon. J'ai la fleeeemme absolue de faire un deuxième comm-citation comme je le fais d'habitude, mais du coup, je vais repartir sur ce que j'avais relevé avant que mon ordi n'efface tout à cause de son update de… ahem. :evil:

Déjà, je suis très fière de Zach, qu'il décide enfin de rendre les coups. C'est pas nécessairement évident, à deux et une batte contre un, mais il y a du progrès dans sa mentalité, et c'est tout ce qui compte. En plus, j'espère vraiment que Mark va au moins porter plainte contre ces deux abrutis. Un vieux procès dans les règles, appuyé par un compte-rendu de médecin détaillé, ce serait la moindre des choses face à ce genre de harcèlement. Mais bon, d'un autre côté, si Zach ne veut pas aller à l'hôpital, ça va être compliqué de faire un compte-rendu. Du coup, je sais pas trop ce que ça va donner, mais j'espère sincèrement qu'on aura au moins une lapidation en place publique (morale ou physique, hein :D ) pour ces deux fils de…

Juste, un p'tit truc que j'ai remarqué en lisant… une batte de baseball, c'est en bois ou en aluminium, pas en acier. Sinon, au niveau du poids… :? (Il n'empêche que ça fait mal. Je connais, je m'en suis pris.)

Aussi, autant Elliot, c'est une tapette, autant Nick… WTF ? D'où tu fais ça pour le fun ? Juste parce que ton pote est un connard ne veut pas dire que tu dois faire pareil !
Pardon, je m'emporte. :mrgreen:

Au niveau de la narration, rien à dire, c'est nickel. Les émotions, la douleur, l'action… Tout y est, ça devient presque douloureux à lire, en fait, tellement c'est bien écrit. J'ai vraiment eu mal pour Zach, d'autant plus qu'il lutte vraiment, pour une fois. (Et j'ai vraiment ragé que Lily soit encore en prison, et pas capable d'intervenir, sinon elle les aurait massacrés. :lol: )

Voilà, désolée pour cet avis en rush, c'est pas ce que je fais d'habitude, mais je ne suis vraiment pas dans la mentalité de mon troll-comm habituel :oops:
À bientôt !
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :Heyo !

Bon. J'ai la fleeeemme absolue de faire un deuxième comm-citation comme je le fais d'habitude, mais du coup, je vais repartir sur ce que j'avais relevé avant que mon ordi n'efface tout à cause de son update de… ahem. :evil:

Déjà, je suis très fière de Zach, qu'il décide enfin de rendre les coups. C'est pas nécessairement évident, à deux et une batte contre un, mais il y a du progrès dans sa mentalité, et c'est tout ce qui compte. En plus, j'espère vraiment que Mark va au moins porter plainte contre ces deux abrutis. Un vieux procès dans les règles, appuyé par un compte-rendu de médecin détaillé, ce serait la moindre des choses face à ce genre de harcèlement. Mais bon, d'un autre côté, si Zach ne veut pas aller à l'hôpital, ça va être compliqué de faire un compte-rendu. Du coup, je sais pas trop ce que ça va donner, mais j'espère sincèrement qu'on aura au moins une lapidation en place publique (morale ou physique, hein :D ) pour ces deux fils de…

Juste, un p'tit truc que j'ai remarqué en lisant… une batte de baseball, c'est en bois ou en aluminium, pas en acier. Sinon, au niveau du poids… :? (Il n'empêche que ça fait mal. Je connais, je m'en suis pris.)

Aussi, autant Elliot, c'est une tapette, autant Nick… WTF ? D'où tu fais ça pour le fun ? Juste parce que ton pote est un connard ne veut pas dire que tu dois faire pareil !
Pardon, je m'emporte. :mrgreen:

Au niveau de la narration, rien à dire, c'est nickel. Les émotions, la douleur, l'action… Tout y est, ça devient presque douloureux à lire, en fait, tellement c'est bien écrit. J'ai vraiment eu mal pour Zach, d'autant plus qu'il lutte vraiment, pour une fois. (Et j'ai vraiment ragé que Lily soit encore en prison, et pas capable d'intervenir, sinon elle les aurait massacrés. :lol: )

Voilà, désolée pour cet avis en rush, c'est pas ce que je fais d'habitude, mais je ne suis vraiment pas dans la mentalité de mon troll-comm habituel :oops:
À bientôt !
Pour un commentaire en rush, il est balèze :lol: Merci beaucoup ! =D

Yes, c'est un grand pas de franchi pour lui... Rien qu'en question d'estime de soi et de légitime défense :? Après, dans le fond, il peut clairement pas faire grand-chose contre 2 gars et une batte :lol: Yes, pour le compte-rendu, c'est difficile :? Après Mark va bel et bien agir pour de bon (hallelujah !), mais ce sera dans quelques chapitres :)

Oula, oui, effectivement, merci de le relever ! J'ai fait un vilain raccourci entre la batte en métal (donc en allu) que j'avais à l'esprit et de l'acier... :roll:

Nick... C'est du fun mélangé à une terrible peur d'être abandonné/sous-estimé... :? Mais ça relève encore mon souci de mettre en avant leurs motivs de manière claire mais pas bêbête "Ouééé, j'te fé sa parce que mé parants y me batté quan j'été peti" (en plus ça concerne aucun d'entre eux :lol: ). Ces motivations sont un peu expliquées (jamais de manière direct, évidemment, c'est trop gros :roll: ) dans la partie 4 de The Debt, dont chaque chapitre est du PDV d'un des personnages de l'histoire ^^

Pour la narration, merci beaucoup ! Je sais pas si c'est parce que j'écris plutôt de la fantasy en ce moment, mais quand je relis les chapitres avant de les poster, je trouve parfois la narration cafouillis ou trop légère... Après ça s'inscrit dans les attendus du YA, et si le ressenti est au rendez-vous, tant mieux =) (Ouais, ce serait incroyablement badass de voir Lily arriver et les dégommer sans même ses pouvoirs ou une arme :lol: )

Encore merci pour ton retour, il est très bien construit pour un truc "fait en rush" !
Courage et à bientôt ;)
vampiredelivres

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par vampiredelivres »

Ben disons que rush ou pas, quand je m'y mets, j'aime bien ne pas juste dire "C'était cool. :D "

Oui, y'a de la progression, et c'est ça qui compte. J'ai hâte de voir ce que va faire Mark !

En fait, quand tu écris ce genre de trucs, j'ai l'impression qu'il faut y aller par petites couches successives. Mais du coup, ça implique que le perso dont tu utilises le pdv s'intéresse à l'histoire et au passé du perso concerné, et je suis pas sûre que ce soit le cas entre Zach et Nick. Bon, du coup, on verra ça en plus de son point de vue ? Mwarf. :? :lol:

C'est sûr que la différence d'écriture entre YA et fantasy est perceptible ! Mais, d'un autre côté, oui, c'est plus dans les attentes du YA d'avoir une écriture plus légère. Je pense que tu as su trouver un juste équilibre entre trop et pas assez, ceci dit, c'est juste qu'à force d'écrire avec un style de fantasy, ça déteint sur ta manière de te relire.
J'ai trop envie d'écrire la scène… Mais d'un autre côté, elle est pas du genre à se jeter en plein milieu d'une bagarre pour sauver la veuve et l'orphelin. Je sais pas, je le ferai peut-être à l'occase. :mrgreen:

Allez, à bientôt ! :)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :Ben disons que rush ou pas, quand je m'y mets, j'aime bien ne pas juste dire "C'était cool. :D "

Oui, y'a de la progression, et c'est ça qui compte. J'ai hâte de voir ce que va faire Mark !

En fait, quand tu écris ce genre de trucs, j'ai l'impression qu'il faut y aller par petites couches successives. Mais du coup, ça implique que le perso dont tu utilises le pdv s'intéresse à l'histoire et au passé du perso concerné, et je suis pas sûre que ce soit le cas entre Zach et Nick. Bon, du coup, on verra ça en plus de son point de vue ? Mwarf. :? :lol:

C'est sûr que la différence d'écriture entre YA et fantasy est perceptible ! Mais, d'un autre côté, oui, c'est plus dans les attentes du YA d'avoir une écriture plus légère. Je pense que tu as su trouver un juste équilibre entre trop et pas assez, ceci dit, c'est juste qu'à force d'écrire avec un style de fantasy, ça déteint sur ta manière de te relire.
J'ai trop envie d'écrire la scène… Mais d'un autre côté, elle est pas du genre à se jeter en plein milieu d'une bagarre pour sauver la veuve et l'orphelin. Je sais pas, je le ferai peut-être à l'occase. :mrgreen:

Allez, à bientôt ! :)
J'ai l'impression de faire des commentaires minuscules à côté :? :lol:

Oui, exactement... C'est stupide de balancer directement les motivations d'un personnage comme ça :roll: Du coup j'essaie de faire transparaître les choses, mais c'est sûrement pas assez évident :? Pour le PDV de Nick, je te rassure, il n'y aura pas de bagarre :lol:
Effectivement, je crois que c'est relire en parallèle Oneiris qui aide pas :roll: Et ça n'aurait pas un énorme intérêt pour The Debt d'adopter les mêmes habitudes d'approfondissement des descriptions, objectifs... ^^'
Bon, elle a l'air en cours d'écriture cette fameuse scène du coup :lol: Fais-toi bien plaisir !
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Bonjour, bonjour :) Je risque de plutôt poster les samedis pour les deux mois à venir, car je suis en stage et je bosse le samedi alors le vendredi, j'ai tendance à le zapper... Bref, on met un point final à la confrontation des chapitres précédents ^^



63
D’os et de sang



Le lendemain de mon agression est brumeux.
La première fois que j’ouvre les yeux, la panique s’empare de moi. Je ne suis pas dans mon lit. Après quelques secondes d’observation, je reconnais la chambre de Mark. Stupéfait, je fixe l’armoire en bois sombre en face de moi, perdu et la respiration sifflante. Je ne porte qu’un caleçon. Gêné d’être si peu vêtu, je me blottis sous la couette, non sans remarquer les bandages qui enserrent mes côtes douloureuses.
À peine une minute plus tard, Mark entre dans ma chambre, des boîtes de médicaments et une tasse fumante dans les mains. Des valises ont élu domicile sous ses yeux.
– Tu en fais du remue-ménage, soupire-t-il en allant déposer le café sur la table de nuit. Tu vas faire bouger tes bandages, imbécile, ajoute-t-il alors que je me tortille sous la couette, mal à l’aise.
– Il est réveillé ? lance la voix de Sofia depuis le couloir.
– Quoi, tu l’as pas entendu ? raille Mark en se tournant vers elle alors que l’urgentiste entre, un bol entre les mains. Il a remué comme une anguille en se réveillant.
Plutôt que de relever la moquerie, les yeux verts de Sofia me toisent d’un air troublé.
– Tes bandages sont trop serrés ?
J’essaie de lui répondre, mais ma gorge est sèche. Avec une grimace, je tends le bras vers la tasse. Je remarque une photo de la famille Grace sur la table de nuit, ce qui ralentit mon geste.
– Attends, tu vas en mettre de partout, marmonne Mark en récupérant le café avant que je ne l’atteigne. Laisse-moi t’aider.
À ces mots, je lui jette un regard désabusé et il me rend une expression tout aussi irritée.
– Je sais. Mais je préfère insulter ta dignité plutôt que de laver mes draps.
Avec un grognement, je capitule et le laisse s’asseoir à côté de moi pour m’aider à boire. Quand j’ai avalé quelques gorgées brûlantes, je m’éclaircis la gorge.
– Mes côtes me font mal.
– Ah bon ? ironise Mark d’un air faussement étonné.
Agacé, je le fusille du regard, mais il se contente de rouler des yeux. Avant que je ne reprenne, il susurre :
– Ces salauds t’ont froissé les côtes. Ils ont failli te casser le nez et la mâchoire. (Il s’adresse à Sofia : ) Dis-lui, toi, que t’as failli faire une attaque en le voyant.
– C’est vrai, souffle-t-elle d’une voix lasse en s’asseyant sur un fauteuil dans le coin de la pièce. C’était presque deux heures du matin quand je suis arrivée ici. Mark m’a dit qu’il t’avait trouvé comme ça.
Elle pose un regard grave sur moi.
– Zachary, pourquoi tu as refusé d’aller à l’hôpital ? Heureusement que Mark et moi avions du matériel, tu aurais pu mourir cette nuit.
– Mourir ? marmonné-je d’un air moqueur.
– Oui, tonne Sofia avec colère. Tu pouvais à peine respirer avec tout ce sang dans ta gorge, ta bouche et ton nez ! Sans parler des hématomes sur tes côtes. Tu te rappelles la sensation de ton poumon perforé après l’accident ?
Une boule de douleur se coince derrière ma langue. Évidemment, que je me rappelle.
– Ben tu y as échappé de justesse, siffle-t-elle, les yeux luisants. Avec quoi tes agresseurs t’ont blessé ? Tu as de ces marques sur le corps… Et si tu voyais ton visage dans un miroir, tu prendrais peur.
Soudain fébrile, je baisse la tête. Elle a raison : j’ai mal de partout. J’ai l’impression d’avoir le haut du corps en charpie et le visage en compote.
– Je suis si défiguré que ça ?
Les deux adultes échangent un regard.
– Plus que la dernière fois où tu t’es fait agresser, explique Mark d’une voix rauque.
Misérable dans mon lit, je ne réponds pas. Si ça se trouve, cette fois, je ne récupérerais pas une tête normale. À cette pensée, perfide, inutile, et, pourtant, d’une importance non négligeable, je sens les larmes me monter aux yeux.
Qu’ai-je fait pour mériter leur haine ?

– Zach ?
Sofia. Elle est inquiète. Avec un soupir, je secoue la tête.
– Ça va.
Je sais que je ne les dupe pas – plus. Malgré tout, ils restent silencieux, acceptent de me laisser tranquille pour l’instant.
– Comme tu as perdu beaucoup de sang, évite de te lever, de marcher, bois et mange, m’informe Sofia en se redressant. J’ai donné des consignes à Mark pour s’occuper de toi et, au pire, je suis de l’autre côté de la route.
– OK, je réponds laconiquement.
Pensive, elle m’observe un moment puis s’approche de moi. Elle m’enlève la tasse de café des mains puis plante un regard ferme dans le mien.
– Zachary, cette fois, ils ne s’en sortiront pas.
Les yeux baissés, je ne dis rien. Comprenant que je ne cèderai pas, elle marmonne tout bas puis effleure ma mâchoire.
– Prends soin de toi.
Elle dépose une bise sur la joue de Mark et sort de la chambre. Étonné, je dévisage Mark, qui est toujours installé au bord du lit.
– Tu ne la raccompagnes pas ?
– Elle connaît le chemin.
– Oui, mais…
– Zach, me coupe-t-il en se tournant vers moi, il faut que tu me parles.
– Tout de suite ?
– Oui.
Anxieux, j’agrippe la couette de mes mains. Les bandages qui les enserrent provoquent une douleur dont je me passerais bien.
Devant le regard implacable de Mark, je commence mon récit, depuis ma sortie du lycée jusqu’au moment où il m’a retrouvé dans l’herbe ensanglantée.

Je ne réalise que l’on est dimanche que lorsque je récupère mon téléphone pour le faire charger. La gorge nouée, j’efface de mon journal les appels manqués de Mark. Ah, Elena ! Elle m’a laissé un message dans lequel elle explique qu’il faut que je la joigne dès que possible pour qu’on discute de son frère. Merde, j’ai oublié de prévenir Mark qu’il était venu me voir. Tout s’est enchaîné si vite !
Alors que je traînasse au lit, ne sachant quoi faire des douleurs qui me lancent des orteils aux oreilles, une bonne odeur de cuisine me monte aux narines. Poussé par la faim, je me lève et marche maladroitement jusqu’au couloir. Petit détour par la salle de bains pour y laver mes mains. Mon reflet fugace dans les miroirs n’accroche d’habitude pas mon regard. Aujourd’hui, si. Figé, j’observe les gonflements, les rougeurs, les bleus, les bosses qui modèlent mon visage meurtri. Mon œil gauche est à peine ouvert et rougi. Mon nez est croûté de sang, mes lèvres fendues et boursouflées, mes joues enflées. J’ai des bosses sur le front et sur le bas du visage. Mortifié par cette vision, je garde le menton baissé pour me laver les mains. L’eau se teinte de rouge. Et, encore, les bandages couvrent une partie des dégâts.

La souffrance sourde qui palpite dans ma tête s’assoupit quelque peu lorsque j’aperçois des lasagnes sur la petite table de la cuisine.
– Je me suis dit que ça te ferait plaisir, souffle Mark d’un air satisfait. Je les ai préparées ce matin.
– Ça me fait plaisir, confirmé-je en allant m’installer. Merci beaucoup.
– De rien. On guérit plus vite avec un bon moral.
Dans un silence, dû à notre appréciation du repas plutôt qu’à un malaise, nous mangeons les délicieuses lasagnes de Mark. Mon estomac avale presque la moitié du plat et, repu, je m’installe sur le canapé après avoir débarrassé la table. Mark me rejoint quelques minutes plus tard avec un plateau. Deux tisanes embaument l’air.
– Pas de café ?
– Sofia m’a dit que ça pourrait t’aider à guérir, indique-t-il en me tendant une tasse. Je ne sais plus quelles plantes douteuses il y a dedans, mais, si tu aimes pas, je le prendrai pas mal.
– D’accord, lâché-je avec un rire.
Suspicieux, je sniffe l’infusion, ne reconnaissant qu’une vague odeur de plantes médicinales. Après m’être assuré que je ne me brûlerais pas, je goûte la tisane.
– Hum, bizarre.
– Tu l’as dit, marmonne Mark, qui tire une drôle de tête après avoir goûté son propre thé. Si tu veux pas finir, c’est pas grave.
– T’inquiète, je vais la boire.
Soulagé de la chaleur de la tasse entre mes paumes, je la pose sur mes cuisses et ferme les yeux.

Quand je les rouvre, la luminosité a décliné. Surpris, je cligne des paupières en me redressant. La tisane est posée sur la table, maintenant froide. Je me suis endormi comme une masse.
L’esprit confus, je me frotte les yeux avant de stopper brutalement. Aie, trop tard. Avec un geignement, je me laisse aller en arrière. On est déjà dimanche après-midi. Je n’ai pas fait grand-chose de mon week-end.
Elena !
Jurant tout bas, je me lève et vais chercher mon portable dans ma chambre. Par précaution, je m’assieds au bord de mon lit puis enclenche l’appel.
– Oui allô ?
– Bonjour Mme Dent, c’est Zach.
– Oh ! Super, je me demandais quand tu allais m’appeler. Comment tu vas ?
Ma gorge se noue, mais je m’efforce de répondre d’une voix claire :
– Euh, ça pourrait aller mieux. Et vous ?
– Un peu stressée, me confie-t-elle avant de rire. Et tu peux m’appeler Elena, ça me va très bien.
– D’accord.
– Alors ? Euh… Oliver m’a dit qu’il était passé te voir vendredi après le lycée. Il… t’a un peu surpris, non ?
– Euh oui, confirmé-je, gêné. Vous lui direz que je suis désolé… Je ne voulais pas partir comme ça, mais… j’ai eu peur. Pardon.
– C’est pas grave. Il a très bien compris qu’il t’avait brusqué. Il s’est montré impatient et il le regrette. (Son ton prend un accent hésitant.) Tu accepterais quand même de le rencontrer ? Pour que vous puissiez discuter pour de bon, cette fois ?
Une bulle d’angoisse gonfle dans mon ventre. La main tremblante, j’inspire un grand coup pour faire fuir ma peur.
– Je… j’ai besoin d’encore un peu de temps, bredouillé-je d’une voix presque inaudible.
Elena ne répond pas tout de suite, ce qui fait grossir la boule dans mon estomac.
– D’accord, je comprends bien, finit-elle par articuler, de la déception dans la voix. Je… Je te souhaite une bonne journée, on verra ça plus tard.
– O-Oui. Bonne journée à vous.
– Merci. Passe mon bonjour à Mark.
– Je le ferai.
– Au revoir.
Elle raccroche sans que j’aie eu le temps de lui répondre.
Je m’en veux aussitôt. Avec un juron, je lâche mon portable sur mon lit et me prends le visage entre les mains. Je ne suis pas prêt à le rencontrer pour de bon. Une rencontre précipitée ne ferait que jeter un malaise entre nous. Ni lui ni moi ne voulons faire connaissance dans la gêne.
– Zach ?
Surpris, je sursaute, puis lève les yeux vers Mark, qui m’observe depuis le couloir avec gravité.
– Ça va ? Tu en fais une tête.
– Très drôle, grincé-je avant de soupirer. Non, je me sens pas très bien.
En silence, il s’approche de moi calmement puis tire la chaise de mon bureau en face de mon lit. Intrigué, je l’observe faire.
– C’est lié à ton agression ?
– Non.
– À Jessica ?
Je grogne et il lève les mains en signe de paix.
– Non plus, je finis par grommeler en évitant son regard.
– C’est le frère d’Elena ?
Perspicace, le lion.
– Oui. En fait…
Comme je laisse traîner en suspens, il m’adresse un regard agacé.
– Il est venu me voir vendredi dernier après les cours. Sauf que j’ai fui parce qu’il m’a fait juste totalement flipper. (Devant l’expression pensive de Mark, j’ajoute : ) Je viens de joindre Elena, qui s’inquiétait pour moi. Elle m’a proposé de le voir dans de meilleures conditions, mais j’ai refusé. D’ailleurs, elle te passe le bonjour.
– C’est gentil. Autrement, pour Oliver Dent, tu ne te sens pas prêt ?
– Non, soufflé-je d’une petite voix. Peut-être que je ne serais jamais prêt.
Silencieux, il me dévisage quelques secondes. Puis il se lève pour s’installer à mes côtés.
– Quoi que tu décides pour cet homme, et quoi qu’il soit pour toi, je serai là.
– Je sais.
– Zach…
Il soupire.
– Si cet Oliver Dent est ton père et que tu veux vivre à ses côtés, je… comprendrais parfaitement. (Je fronce les sourcils, mais il poursuit en posant une main sur ma jambe : ) Mais j’aimerais tout de même t’avoir près de moi de temps en temps. Quand tu quitteras la maison pour tes études… J’aimerais qu’on garde contact. Qu’on continue à se voir.
Stupéfait, je tourne la tête vers lui, pour le voir orienté vers la fenêtre, comme s’il fuyait mon regard.
– Je ne couperai pas les ponts avec toi, Mark, annoncé-je d’une voix mortifiée. Jamais. Je… c’est toi qui m’as élevé après l’accident il y a cinq ans. Quoi qu’en dise la génétique, c’est toi mon père, Mark. Ça changera pas après mes dix-huit ans.
Je le vois courber les lèvres en petit sourire, comme rassuré.
– Ça me fait plaisir d’entendre ça. (Il se lève brusquement.) Aller, repose-toi et évite de penser à tout ça.
Facile à dire. Pas si facile à faire.




64
Fureur



Ils me dévisagent. C’est d’habitude par curiosité, par méfiance ou par dégoût. Aujourd’hui, dans leurs yeux, c’est de la surprise, de la peur, de la pitié.
Mark voulait que je reste à la maison au moins une semaine. J’ai refusé : j’ai raté assez de cours comme ça et… je dois assumer ce qui m’est arrivé. Je dois montrer à ces lycéens qui me craignent sans me connaître que l’on m’a fait subir ça.
J’avance en grimaçant, mes côtes protestant à chaque pas. Mon visage est encore gonflé et coloré de bleu, rouge, violet, noir. Des murmures sautent à mon passage dans les couloirs. Je suis las des commérages, je ne veux simplement plus cacher le harcèlement qui erre dans ce lycée. Oui, il est privé, avec des profs compétents, des élèves aux profils divers et variés, des scores élevés. Mais que dire des monstres déguisés qui rôdent dans ses couloirs ?

J’ai laissé quand même passer trois jours avant de retourner au lycée. Les jumeaux et Lily Rose m’ont harcelé de messages dès le lundi en constatant mon absence. Je leur ai dit que j’étais tombé malade. Je ne compte pas leur cacher ce qui m’est arrivé, mais je voulais au moins les rassurer pendant que je n’étais pas là.
L’appréhension me compresse la poitrine lorsque j’aperçois Lily Rose près de mon casier. Elle guette visiblement mon arrivée. Au moment où son regard tombe sur moi, je vois son visage s’illuminer. Puis ses yeux s’assombrissent et ses traits se crispent d’effroi.
Salut, Lily, ça va ? Bon week-end ? Mon visage ? T’inquiète, rien de grave.
Décidément, je ne peux pas y aller comme ça.
Elle est blanche comme un linge lorsque je m’arrête près d’elle. En silence, elle détaille mon visage meurtri. Elle sait. Elle comprend. Elle met les pièces du puzzle en place.
Un éclair de colère s’allume dans ses yeux verts. Ses traits si doux, si charmants, se froissent comme du papier et elle pince sévèrement les lèvres. Elle me fait penser à Sofia.
– Ils vont payer.
Sa voix est terriblement rauque.
Soudain, les larmes me montent aux yeux. Pris au dépourvu, je me tourne et ouvre mon casier précipitamment. Mes mains tremblent et j’essuie rageusement les gouttes fourbes qui envahissent mes joues. Je me déteste.
– Zach ? (La main de Lily Rose se pose sur mon bras.) Zach…
Des sanglots secs et silencieux secouent mes épaules. Mes lèvres obstinément pincées refusent de laisser sortir la vérité. J’inspire un souffle tremblant, agrippe nerveusement la porte de mon casier. J’ai envie de disparaître, d’être un gamin qui peut chialer impunément. Mais c’est la poisse de sangloter au lycée à dix-sept ans.
Avec une respiration hachée, j’essaie de reprendre le contrôle de mes nerfs. Le visage entre les mains, j’exécute trois longues inspirations avant d’expirer mes dernières larmes.
OK, c’est bon. Tout va bien.
Non, merde, j’suis mort de trouille. Je veux pas qu’ils me trouvent. Ils vont me faire mal. Ils vont me tuer, ces malades. Ces démons.
La tête blonde de Lily Rose se glisse sous mon bras et elle enlace délicatement mon torse – comme si elle avait compris pour mes côtes douloureuses.
Elle ne dit rien. Je lui en suis reconnaissant.
À mon tour, je la serre contre moi et plonge le nez dans ses cheveux. Ils sentent bon l’été. Ils sentent la jeune fille des voisins, celle qui m’adressait de timides sourires lorsque j’étais encore en béquilles. L’adolescente joviale, tendre et attentionnée, qui a accepté de discuter avec moi, de me regarder dans les yeux – alors que j’étais un meurtrier – et de m’accorder du temps. Je me rappelle la première fois qu’elle a glissé sa main dans la mienne, l’air très sérieux, et qu’elle a soufflé « T’es pas un monstre. »
Elle est ma sauveuse, ma première véritable amie.
Lily. Rose.
Mon été.

– Sale fils de pute, crache une voix détestablement familière dans mon dos. J’en étais sûr.
Lily Rose s’extrait brutalement de mes bras, l’air déconfit. Elle a les yeux rouges et les traits défaits. Je n’ai pas besoin de tourner la tête – j’en n’ai pas envie. Anthony.
– Vous vous amusez bien, tous les deux ? Vous vous êtes tournés autour pendant des années et c’est maintenant que vous vous décidez ? (Son ton rageur m’arrache des sueurs froides incontrôlables. J’ai l’impression d’être transporté cinq jours en arrière, quand il me martelait de coups de batte.) Ben quoi, Lily Rose ? Tu voulais pas de moi dans ton lit, mais ce tueur de gosses, tu veux bien le baiser ?
Ses propos crus me donnent la nausée. Toujours dos à lui, je n’ai pas la force de lui faire face. Il me contrôle et il le sait. Ce salaud manipulateur me rend lâche et faible.
– C’est toi, Anthony ?
La voix calme de Lily Rose me surprend. Quelques élèves présents dans le couloir nous dévisagent avec appréhension. Une aura froide et dangereuse plane au-dessus de nous. La gorge comprimée, je tourne les talons.
Anthony pose ses yeux glacials sur moi et une peur irrationnelle s’empare de mon âme.
– C’est toi qui as fait ça à Zach ? Qui l’a défiguré ?
Il ne répond pas tout de suite, se contentant de la dévisager sans gêne. Puis il fronce le nez en souriant.
– Ouep. (Il fait rouler ses épaules sous sa veste en cuir de marque.) C’était marrant. Tu sais quel bruit fait le métal contre l’os, Lily ? PLAC. Et mon pied dans le nez de ton connard de copain ? CRAC. Et quand je marche dans son sang ? SPOUITCH.
Et il hurle de rire. Il me regarde. J’ai envie de vomir.
– Tu te rappelles, mon Zachounet ? CRAC ! PLAC ! SPOUITCH, SPOUITCH ! T’as eu mal en te réveillant ? T’as senti tes côtes brisées, tes yeux enflés, ton visage déglingué ?
Mes lèvres tremblent. Non. Tout mon corps tremble. D’effroi.
Ce salaud me tient sous sa coupe.

Un silence mortifié nous tombe dessus. Les autres lycéens observent Anthony avec consternation. Bah, les pauvres. Ils le prenaient pour le gars cool, intelligent, populaire… CRAC son image. Je crois qu’il s’en fout, à présent. Il veut se venger, il veut me faire payer.
Soudain, Lily Rose pousse un cri féroce et se précipite vers son ex petit-ami. J’essaie de la retenir, mais je suis paralysé par la peur. Anthony bloque avec une facilité enrageante ses bras et les lève au-dessus de la tête de Lily Rose, qui se crispe.
– Oh, ma jolie. Ma jolie, gentille et intelligente Lily Rose. Ma chère petite-amie. (Elle s’agite et il pouffe.) Oups, pardon, ancienne petite-amie. Tu crois quoi ?
Le sourire d’Anthony disparaît et un frisson de terreur m’envahit. Lily Rose… non, pas Lily Rose.
– Que ton joli minois va mettre à tes pieds les garçons ? Ta gentillesse les filles et ton intelligence les universités ? (Il penche son visage à quelques centimètres de Lily Rose. Je l’entends gémir.) Pauvre idiote. Ton visage et ton corps te vaudront d’être violée au fond d’une ruelle, les gens censés profiteront de ta gentillesse et ton intelligence ne t’enlève pas pour autant ta foutue naïveté !
– Lâche-moi ! crie-t-elle en gesticulant.
– Pourquoi ? Pourquoi ? Merde, qu’est-ce qu’il a, ce pauvre type ? Il rase les murs, il baisse les yeux, il peine à suivre les cours, il est fragile. Pourquoi lui ? Hein, Lily ?
Il parle de moi. Je n’ose pas le regarder. La honte m’étouffe. Il fait du mal à Lily Rose et je le laisse faire. Je suis aussi minable qu’il le laisse entendre.
– Je suis déçu, reprend Anthony d’un ton lointain. On s’entendait bien, toi et moi. On était un joli couple. Puis, t’as tout cassé.
J’ai tout cassé ? répète-t-elle d’une voix outragée. Espèce de salaud, c’est toi qui as brisé notre amour ! Tu t’es comporté comme un enfoiré égoïste, tu as fait du mal à Zach. C’est évident que je ne voulais plus de toi !
Zach, Zach, Zach, raille Anthony d’une voix suraiguë avant de secouer mon amie comme un poirier. Mais ferme-la, sale truie ! Tu sais ce que c’est, ton Zach ? Tu sais ce qu’il a fait, Lily Rose ? Tu en as conscience ?
– Mieux que toi !
Il éclate d’un rire mauvais. Toujours planté près de mon casier, je le regarde s’en prendre à Lily sans réagir. Je suis un minable, un faible, un pleutre bon-à-rien.
– Il a tué une femme et deux fillettes, Lily Rose ! Quelle ordure est capable d’un tel crime ? Elles avaient sept ans, Lily Rose ! Ce connard était alcoolisé et drogu…
– Six.
Ma voix s’est envolée toute seule. À ma grande surprise, elle est ferme.
Soudain encouragé par mon crime impardonnable, je lève les yeux et marche vers eux.
– Holly et Jade avaient six ans, Anthony.
Stupéfait, il me regarde approcher, la bouche entrouverte.
– Je les ai tuées en les renversant en voiture.
Comme si elle allait le protéger, Anthony dresse la silhouette de Lily Rose sur mon chemin.
– J’ai tué leur mère du même coup.
Sans prêter attention aux paroles chuchotées à toute vitesse par mes camarades, ignorant de même le regard haineux d’Anthony, j’enchaîne :
Je le sais. Mieux que quiconque. J’étais là, je l’ai vu, vécu. C’est inscrit dans ma tête, dans mon sang, dans mes putains de cauchemars.
Chassant ma peur, ma honte, ma faiblesse, je fais face à Anthony, à mon ennemi, à mon foutu démon.
– Tu ne sais rien, Anthony. Rien de moi, rien de Lily Rose. Cesse d’agir comme si c’était le cas. Ouais, je suis une ordure, j’ai tué des gens. Je sais. Je sais, putain. Je me le pardonnerai jamais, personne ne me pardonnera.
J’écarte les bras.
– Mais je vais tout faire pour me racheter. Je peux pas le faire si tu m’en laisses pas l’opportunité. Je peux pas le faire si tu te laisses dévorer par la jalousie. Alors, Anthony, s’il te plaît, arrête. Ignore-moi, laisse Lily Rose être heureuse et fais ta vie de ton côté.
Essoufflé, je laisse retomber mes bras.
Alors, sans crier gare, Anthony jette Lily Rose au sol et lève le pied.
– NON ! hurlé-je en bondissant.
J’ai le temps d’apercevoir le visage horrifié de mon amie. Je ne l’arrêterai pas à temps.
Soudain, une main agrippe l’épaule d’Anthony et l’attire en arrière.
– Ça suffit, mec. T’en as fait assez.
Nick. Le visage fermé, il retient son ami par l’épaule. Comme il le dépasse d’une tête, Anthony ne fait pas mine de se rebeller.
– Bande de merdes, siffle-t-il avant de cracher à quelques centimètres du visage de Lily Rose.
Avant de partir, il m’observe. Je n’ai jamais vu tant de haine dans un regard. Même Mark me haïssait moins après l’accident.
Sans pouvoir m’en empêcher, je tombe à genoux à côté de Lily Rose, la prends dans mes bras et la hausse contre mon épaule. Elle s’agrippe à moi comme si j’étais une bouée de secours et pleure.
J’ai le cœur si vide que mes larmes en sont taries.


Dernière modification par louji le ven. 22 mai, 2020 6:26 pm, modifié 3 fois.
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

Salut !
J'ai mis du temps, mais j'y suis :lol:
Je me demande pourquoi Mme DENT insiste autant pour que Zach rencontre son père ? Il y a une raison particulière ?
La souffrance des blessures de Zach après ce qu'il lui ai arrivé est vraiment bien décrit, pas de trop.
Après, perso j’aurai peur de me montrer au lycée avec toutes ces blessures, c'est évident qu'il s'expose, sachant qu’il y a les agresseurs là-bas… même avec l’éducation stricte enseignée par Mark d’aller toujours à l’école.
Je trouve aussi qu’il met beaucoup de temps à réagir quand Lily Rose se fait agresser, c’est quasi sa soeur. Est-ce que sa peur est surexagérée ? Ce moment héroïque nécessaire ? Je ne sais pas, peut-être maladroit :lol:
J’aime bien l’agressivité d’Anthony et Nick qui s’interpose pour respecter ses valeurs mais en restant soumis à Anthony, ce qui est très juste je trouve. :)
Quand Zach se cache pour pleurer c’est vraiment touchant ! :cry:
Je trouve bizarre quand même qu’ils l’aient pas emmené à l'hôpital et obéissent à sa volonté. Peut-être la preuve que Mark a fini de le considérer comme un enfant et écoute ses envies au lieu de lui imposer ses règles ? Mais quand même il a faillit mourir, c'est un peu irresponsable :lol:
J'adore vraiment l'histoire, les personnages et ton écriture. C'est toujours un plaisir de te lire !! :D :D
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

15Lina15 a écrit :Salut !
J'ai mis du temps, mais j'y suis :lol:
Je me demande pourquoi Mme DENT insiste autant pour que Zach rencontre son père ? Il y a une raison particulière ?
La souffrance des blessures de Zach après ce qu'il lui ai arrivé est vraiment bien décrit, pas de trop.
Après, perso j’aurai peur de me montrer au lycée avec toutes ces blessures, c'est évident qu'il s'expose, sachant qu’il y a les agresseurs là-bas… même avec l’éducation stricte enseignée par Mark d’aller toujours à l’école.
Je trouve aussi qu’il met beaucoup de temps à réagir quand Lily Rose se fait agresser, c’est quasi sa soeur. Est-ce que sa peur est surexagérée ? Ce moment héroïque nécessaire ? Je ne sais pas, peut-être maladroit :lol:
J’aime bien l’agressivité d’Anthony et Nick qui s’interpose pour respecter ses valeurs mais en restant soumis à Anthony, ce qui est très juste je trouve. :)
Quand Zach se cache pour pleurer c’est vraiment touchant ! :cry:
Je trouve bizarre quand même qu’ils l’aient pas emmené à l'hôpital et obéissent à sa volonté. Peut-être la preuve que Mark a fini de le considérer comme un enfant et écoute ses envies au lieu de lui imposer ses règles ? Mais quand même il a faillit mourir, c'est un peu irresponsable :lol:
J'adore vraiment l'histoire, les personnages et ton écriture. C'est toujours un plaisir de te lire !! :D :D
Hello !
Pas de soucis, ça ne s'envolera pas de toute manière ;)

Pourquoi elle insiste tant... L'enthousiasme, l'appréhension, l'envie de les rassembler ? :? Après, elle propose une rencontre parce qu'Oliver est venu voir Zach et que ça a précipité les choses (parce qu'il avait demandé d'attendre, à la base :? )
Merci ! =) Justement, c'est la 1e fois qu'il retourne en cours malgré les blessures. C'est pour prouver à tous que c'est peut-être pas lui, le monstre, au fond :v Et qu'il se passe des choses graves dans son établissement ^^'
Je vois ce que tu veux dire ! Je vais voir si je peux pas alléger le côté "manipulation par la peur" ^^
Oh, je suis contente, tu as tout à fait compris la relation assez bizarre entre Nick et Anthony ;) Et tant mieux si ça paraît crédible !
Ouais, le pauvre, il est déjà assez réservé, alors pleurer en public :?
Pour l'hôpital, c'est aussi parce que Mark était certain de trouver de l'aide médicale (Sofia) et que Zach était quand même en mesure de parler (donc voies respiratoires pas complètement bouchées + état de conscience), mais, clairement, s'il avait été en train de vomir du sang en s'évanouissant, Mark n'aurait pas hésité :roll: Et ça relève aussi, comme tu dis, d'une considération pour les désirs de Zach.

Merci beaucoup, ça fait plaisir :oops: Et je suis bien contente de t'avoir en lectrice, c'est toujours sympa de savoir que tu suis l'histoire et peux me donner des retours... Encore merci ;)
A bientôt !
15Lina15

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

louji a écrit :
15Lina15 a écrit :Salut !
J'ai mis du temps, mais j'y suis :lol:
Je me demande pourquoi Mme DENT insiste autant pour que Zach rencontre son père ? Il y a une raison particulière ?
La souffrance des blessures de Zach après ce qu'il lui ai arrivé est vraiment bien décrit, pas de trop.
Après, perso j’aurai peur de me montrer au lycée avec toutes ces blessures, c'est évident qu'il s'expose, sachant qu’il y a les agresseurs là-bas… même avec l’éducation stricte enseignée par Mark d’aller toujours à l’école.
Je trouve aussi qu’il met beaucoup de temps à réagir quand Lily Rose se fait agresser, c’est quasi sa soeur. Est-ce que sa peur est surexagérée ? Ce moment héroïque nécessaire ? Je ne sais pas, peut-être maladroit :lol:
J’aime bien l’agressivité d’Anthony et Nick qui s’interpose pour respecter ses valeurs mais en restant soumis à Anthony, ce qui est très juste je trouve. :)
Quand Zach se cache pour pleurer c’est vraiment touchant ! :cry:
Je trouve bizarre quand même qu’ils l’aient pas emmené à l'hôpital et obéissent à sa volonté. Peut-être la preuve que Mark a fini de le considérer comme un enfant et écoute ses envies au lieu de lui imposer ses règles ? Mais quand même il a faillit mourir, c'est un peu irresponsable :lol:
J'adore vraiment l'histoire, les personnages et ton écriture. C'est toujours un plaisir de te lire !! :D :D
Hello !
Pas de soucis, ça ne s'envolera pas de toute manière ;)

Pourquoi elle insiste tant... L'enthousiasme, l'appréhension, l'envie de les rassembler ? :? Après, elle propose une rencontre parce qu'Oliver est venu voir Zach et que ça a précipité les choses (parce qu'il avait demandé d'attendre, à la base :? )
Merci ! =) Justement, c'est la 1e fois qu'il retourne en cours malgré les blessures. C'est pour prouver à tous que c'est peut-être pas lui, le monstre, au fond :v Et qu'il se passe des choses graves dans son établissement ^^'
Je vois ce que tu veux dire ! Je vais voir si je peux pas alléger le côté "manipulation par la peur" ^^
Oh, je suis contente, tu as tout à fait compris la relation assez bizarre entre Nick et Anthony ;) Et tant mieux si ça paraît crédible !
Ouais, le pauvre, il est déjà assez réservé, alors pleurer en public :?
Pour l'hôpital, c'est aussi parce que Mark était certain de trouver de l'aide médicale (Sofia) et que Zach était quand même en mesure de parler (donc voies respiratoires pas complètement bouchées + état de conscience), mais, clairement, s'il avait été en train de vomir du sang en s'évanouissant, Mark n'aurait pas hésité :roll: Et ça relève aussi, comme tu dis, d'une considération pour les désirs de Zach.

Merci beaucoup, ça fait plaisir :oops: Et je suis bien contente de t'avoir en lectrice, c'est toujours sympa de savoir que tu suis l'histoire et peux me donner des retours... Encore merci ;)
A bientôt !
;) Cool, merci pour ton éclairage, c'est de même un plaisir :D
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Bonzoir !
Deux nouveaux chapitres, dont un plutôt important par rapport au personnage de Jess... Je suis en revanche assez perplexe pour le chapitre 65, car j'ai le sentiment qu'il est maladroit :? N'hésitez pas à me donner votre avis :)




65
Anniversaire



Après notre confrontation enflammée avec Anthony, les jumeaux ont tenté de nous soutenir, Lily Rose et moi, mais la douleur est restée poignante toute la journée et les deux qui ont suivi. Mon cœur ne s’est allégé que lorsque la sonnette de la maison a retenti samedi matin. C’était Dante, pour m’annoncer que Jessica et lui fêtaient leurs dix-sept ans aujourd’hui. Je suis resté planté comme un idiot devant lui, me maudissant de ne pas leur avoir demandé leur date d’anniversaire plus tôt. Dante a avoué qu’il n’était pas prévu que sa sœur et lui fassent quoi que ce soit, mais qu’ils avaient changé d’avis à la suite des événements de la semaine passée. Lorsqu’il m’a annoncé, avec son sourire éclatant, que ça lui ferait plaisir si Lily et moi passions la journée chez eux, j’ai manqué m’effondrer de soulagement. La complicité et la simplicité de l’amitié était tout ce dont j’avais besoin.
J’ai couru prévenir Mark et, avant que je ne quitte son bureau où il préparait ses cours, il m’a réprimandé : « Et tu pars les mains vides ? »
Et je me suis de nouveau planté comme un imbécile devant Dante avec un gâteau à la fleur d’oranger, que j’avais préparé ce matin pour me changer les idées.
« T’as eu une bonne idée ! » s’est exclamé Dante en m’apercevant. « À croire que tu savais que c’était notre anniversaire. »
« Je ne savais pas » ai-je avoué avec gêne. « Et j’ai que ça à vous offrir. »
Il m’a adressé ce regard qui m’avait donné envie de mieux le connaître, de lui ouvrir mon cœur et de devenir son ami.
« Zach, ta présence suffit largement. »

Pendant qu’il allait me chercher, Jess est allée voir Lily Rose, qui a accepté avec joie. La mère des jumeaux nous attendait dans la voiture et nous nous sommes tous retrouvés près de l’auto. J’ai adressé un signe de la main et un sourire un peu crispé à Mme McKinney, qui m’a salué en retour. Quand elle m’a vu, Lily Rose m’a serré dans ses bras et j’ai fait de même. Quant à Jessica, elle m’a fait la bise et c’est tout. J’ai été peiné sur le coup, car elle s’était montrée très proche les trois derniers jours. Puis j’ai fait fonctionner mon pauvre cerveau et j’ai compris qu’elle souhaitait peut-être garder nos moments d’intimité pour nous et ne pas s’exposer devant sa mère et ses amis.
Comme il est plus mince que sa sœur, Dante est passé au milieu et Lily Rose et moi nous sommes installés à ses côtés.
« Bonjour Mme McKinney, a lancé Lily avec enthousiasme. C’est très gentil de nous inviter chez vous, merci beaucoup. »
« Oui, merci beaucoup » ai-je ajouté précipitamment d’un ton mal assuré.
« Avec plaisir, les jeunes » a-t-elle soupiré avant de lancer la voiture sur la route.

Nous avons déjeuné avec les jumeaux et leurs parents un très bon gratin de pommes de terre accompagné de poulet mariné au curry. En dessert, nous avons servi le gâteau que j’avais apporté avec quelques fruits de saison. À mon grand soulagement, c’était mangeable.
Évidemment, mon visage encore gonflé et marqué n’est pas passé inaperçu et j’ai eu droit à un tas de questions des parents McKinney. Alicia, la mère, m’a toisé avec suspicion tandis que Daniel, le père des jumeaux, m’interrogeait. L’homme a le sourire calme et doux de Jess et les mêmes yeux que son fils. Dante et sa sœur ont bien tenté de m’épargner la mise à l’épreuve de leurs parents, mais ils n’ont pas réussi. Je leur ai expliqué ce qui s’était passé à la suite de mon départ du collège public. À la fin de la conversation, je me sentais étrangement dénudé, mais, au moins, je n’avais rien à leur cacher.
Si ce n’est que j’aimais leur fille. Ce dont ils semblaient malgré tout se douter, d’après certaines questions qu’ils m’avaient posées.

En fin d’après-midi, ils nous laissent enfin tranquilles et nous nous installons dans la chambre que partagent les jumeaux. Ils n’ont pas encore déménagé, mais les procédures sont en cours. Bientôt, ils seront nos voisins à Daree.
– Désolé, souffle Dante en nous jetant un regard circulaire. Je pensais pas qu’ils allaient autant t’interroger, Zach.
– Pas de soucis, lâché-je en secouant la tête. Ils… ça me semblait important qu’ils en sachent plus sur moi.
– Je n’aurais pas cru que tu leurs dirais pour… la famille Grace, intervient Lily Rose en posant une main sur ma cuisse.
Son regard plein d’empathie et d’amour m’étrangle la gorge. J’inspire difficilement, prends ses doigts entre les miens, puis explique en observant les jumeaux :
– Vos parents veulent juste votre bien. Ils savaient déjà que j’étais responsable d’un homicide involontaire. Je voulais qu’ils apprennent comment ça s’était passé, pourquoi Mark m’a adopté et comment on s’en sort tous les deux aujourd’hui.
Je serre fort la main de Lily Rose et lui adresse un regard empli de reconnaissance. Elle rougit légèrement.
– Et je voulais qu’ils connaissent les personnes grâce auxquelles je m’en suis sorti.
Soudain, elle pince les lèvres, baisse les yeux, puis les relève, tremblante. Je place sa main contre mon cœur.
– Merci. Merci, Lily Rose.
– Espèce de crétin, siffle-t-elle, les yeux larmoyants. Et, après, ça ose se traiter de monstre. (Elle m’enlace soudain et son front tape ma joue. Je l’entends renifler.) J’espère que tu seras heureux toute ta vie, imbécile.
J’essaierai.
Elle finit par me lâcher. Les jumeaux nous observent avec tendresse.
– D’ailleurs, reprend Lily avec une grimace, je n’ai pas eu le temps d’aller acheter vos cadeaux, à tous les deux. Mais, promis, la semaine pro, je les aurai !
– Tu savais que c’était leur anniversaire, aujourd’hui ? chuchoté-je, étonné.
– Bah oui.
Je me sens rougir.
– Euh… Je n’ai pas de cadeau non plus. Et, euh, c’est… c’est parce que je ne savais pas.
– Pas grave ! me rassure Dante avec un sourire.
Après quoi, nous discutons de tout et de rien. Surtout de rien, car le « tout » nous effraie : l’avenir, le harcèlement, les cours, nos familles…

Alors que le soleil se couche, Jessica va chercher un paquet de chips et un autre de bonbons tandis que Dante ramène des boissons et des gobelets.
Nous nous servons chacun à notre tour et je profite d’un instant de silence pour lâcher ce qui m’envahit l’esprit depuis des jours :
– J’ai peur.
Mes amis s’arrêtent soudain de boire ou manger pour me dévisager.
– Si encore il n’y avait qu’Oliver Dent, lâché-je en serrant les mains en poings. Je sais même pas ce que je dois faire pour lui. Alors avec Anthony et les autres ?
Je lève les yeux pour chercher les leurs. Leurs visages sont crispés et effrayés dans la pénombre de la chambre. Néanmoins, leur silence m’invite à poursuivre.
– Anthony m’a promis qu’il me tuerait. Et je crois qu’il le souhaite vraiment.
J’effleure avec hésitation mon visage.
– Bientôt, il me fera assez de mal pour que je me relève pas.
Soudain, j’entends un grognement sourd à côté de moi. Lily Rose, dont les yeux semblent bouillir, a la mâchoire serrée et les poings crispés.
– Tout ça parce qu’il est jaloux de toi, susurre-t-elle en secouant la tête. Pauvre type !
– Jaloux ? s’étonne Dante en se penchant vers nous.
– Oui. Au début, je pensais que c’était parce qu’il avait du mal à accepter mon amitié avec Lily à cause… de ce que j’ai fait par le passé. Ça me semblait logique et je comprenais ses intentions. Je n’arrivais pas à le détester. Comment détester quelqu’un qui cherche à vous éloigner des autres, car il vous sait capable de malheurs ? Bref… Je crois que notre animosité a commencé ainsi. Après…
Furtivement, j’observe Lily Rose, qui casse des morceaux de chips entre ses doigts fins.
– Lorsqu’il a vu que Lily Rose continuait à me fréquenter, voire plus qu’avant, il s’est énervé.
– Ça m’arrive aussi d’être énervée, intervient Jessica. C’est pas pour autant que je tabasse à presque-mort les gens.
– Je sais, mais…
– Zach, tu lui cherches des excuses, m’interrompt Jess en secouant la tête. Anthony doit être puni pour toutes les violences, physiques ou psychologiques, qu’il t’a fait subir.
Dante et Lily approuvent de la tête, les traits crispés. De nouvelles secondes s’écoulent dans un silence froid et tendu.
– Les gars, lâche soudain Jessica en tapant dans ses mains, ça vous dit un film ?
– Film d’horreur ! approuve son frère en se levant brusquement.
– Oh non, gémit Lily Rose en pinçant les lèvres.
Je souris.
– Je refuse le film d’horreur, réplique Jessica. Film d’aventure ?
– Dans une civilisation étrangère ? propose Lily, déjà plus détendue.
– Aller. Je vais voir si je nous dégote ça ! (Jess me tend la main.) Tu viens ?
Conscient qu’elle m’offre un moment rien que pour nous deux, j’accepte volontiers.

Nous ne nous lâchons pas tandis que nous traversons le couloir pour rejoindre le salon. Ses parents sont en train de regarder la télévision, alors Jessica desserre soudainement ses doigts des miens et passe derrière le canapé d’un pas tranquille. Je la suis, un peu moins à l’aise.
– Vous allez regarder un film ? nous demande son père en se tournant vers sa fille alors qu’elle farfouille dans leur réserve de DVDs. J’ai entendu Dante crier « film d’horreur ».
– Oui, mais non, marmonne Jessica en secouant la tête. On a opté pour de l’aventure.
– De l’aventure, hein, répète son père en passant son regard de Jess à moi.
Je me sens devenir brûlant et me détourne, gêné.
– Papa, maugrée Jess en se relevant, un DVD à la main. Allez, bonne nuit !
Daniel McKinney tapote sa joue et, après avoir roulé des yeux, sa fille va y déposer un bisou. Elle n’embrasse néanmoins pas sa mère, qui la regarde à peine s’en aller.
Avant qu’on ne rejoigne la chambre, je la prends par le poignet.
– T’es si en manque ? chuchote-t-elle d’un ton railleur en s’approchant de moi.
Malgré la chaleur qui se diffuse jusqu’à mes oreilles, je garde un air sérieux.
– Tu t’entends bien, avec ta mère ?
La question semble la prendre au dépourvu. Clignant des yeux, elle réfléchit puis soupire.
– Elle… Je sais qu’elle nous aime, Dante et moi, mais… elle aurait aimé un fils hétéro et une fille dans les lignes droites, tu comprends ?
J’acquiesce, sans vraiment savoir ce que ça fait de ne pas grandir comme ses parents l’auraient souhaité.
– Quand je suis entrée au collège, je n’étais pas de ces filles qui commencent à devenir coquettes, à vouloir mettre du maquillage et des vêtements mignons pour attirer les regards. Moi, j’adorais les jeans larges et les sweats à capuche. J’avais les cheveux longs, mais je les ai teints en rouge, ce qui a failli rendre folle dingue ma mère.
Je ris, imaginant facilement les cheveux hirsutes et les yeux écarquillés de Mme McKinney en voyant sa fille débarquer avec sa chevelure écarlate.
– Ce n’est que récemment que j’ai pris plaisir à m’habiller comme… je le voulais vraiment.
Ce faisant, elle montre les rubans dans ses tresses et son collant déchiré. Elle n’a pas fait d’effort spécial pour son anniversaire et porte un short noir et un t-shirt à l’effigie de Pink Floyd.
J’ai soudain envie de la serrer contre moi et de l’embrasser.
– Enfin, voilà quoi, conclut-elle en haussant les épaules. On est un peu en froid, en ce moment, mais c’est passager. ‘Fin, j’espère.
– Et ton père ?
Ses yeux noisette volent jusqu’à celui-ci puis reviennent sur moi.
– C’est un ange, mon père, sourit-elle. Il s’est vite rendu compte de mon côté garçon-manqué et l’a accepté. Pour ce qui est de mon goût pour la peinture, le dessin… il affirme toujours que j’ai un don précieux et que je dois tout faire pour le garder.
Son regard bascule vers la chambre, où Lily Rose et Dante discutent à voix basse.
– Pour Dan… Papa a appris par hasard qu’il préférait les gars. Un jour, Dante et moi, on en discutait. On devait être en quatrième. On se pensait seuls. Mais papa était à la maison, dans sa chambre, et il a entendu notre conversation. (Elle mordille sa lèvre inférieure, ce qui fait monter mon cœur dans ma gorge.) Lorsqu’il a débarqué dans le salon, j’ai vraiment eu peur. Je me suis imaginé les pires horreurs possibles. Qu’il allait prendre Dante par le col et le lancer contre un mur. L’insulter, lui dire qu’il ne l’aimait plus, qu’il avait honte, qu’il n’était pas son fils, qu’il était sale et contre-nature. J’ai même cru qu’il allait le foutre dehors à treize ans.
Elle expire un grand coup en fermant les paupières.
– Mais, très calmement, je m’en rappelle, il est venu s’asseoir entre nous deux sur le canapé. Il a passé un bras derrière nos épaules et il nous a serré contre lui. Il nous a dit qu’on était ses anges, ses joyaux, ses précieux cadeaux de la nature. Maman et lui ont eu des difficultés pour nous avoir, alors notre arrivée, des jumeaux en bonne santé en plus, les a ravis. Il n’a jamais cessé de nous aimer. Même si je devenais pas la jolie petite fille qu’il s’était imaginée avoir, même si mon gringalet de frère n’était pas un tombeur d’adolescentes en émoi. On a compris ce jour-là qu’on pourrait compter éternellement sur lui.
C’est si touchant que j’en ai l’estomac retourné. Cette crainte de ne pas grandir comme ses parents ont en envie, je ne l’ai jamais connue. Mais je l’imagine bien. Il me suffit de me remémorer la déception dans les yeux d’obsidienne de Mark pour avoir la gorge bloquée. Ce sentiment qu’on n’est pas comme on le devrait, qu’on déçoit ceux qui ont tout fait pour nous.
Sans vraiment m’en rendre compte, j’attire Jess à moi. Son souffle tiède vient caresser mon cou. Fébrilement, je laisse ma main glisser sur sa taille. Je sens sous ma paume sa hanche généreuse, le creux de son flanc, la courbure de son dos. Toutes ces formes murmurent des images tièdes à mon esprit et je les chasse d’un clignement des yeux.
– Désolé.
J’enlève ma main, mais elle la retient en souriant.
– Il y a peu de règles avec moi, Zachary Gibson. Mais la principale que tu dois connaître – et dont tu dois avoir déjà conscience – c’est que tu n’as rien de moi sans mon consentement.
Elle se hausse sur la pointe des pieds pour effleurer mes lèvres. Son souffle frémit contre le mien sans qu’elle daigne m’en donner plus.
– Je te connais, je sais que tu mesures chacun de tes actes. (Elle farfouille dans mes yeux, ce qui met toujours plus à mal mon calme.) Je sais que, chaque fois que je te touche, ton cœur s’emballe.
Avec un sourire moqueur, elle presse sa paume contre ma poitrine.
– Là, tu le sens ? (Du bout des doigts, elle chasse une boucle de mes cheveux derrière mon oreille, me faisant frémir.) Et ces frissons dès ma peau touche la tienne.
Elle met mes nerfs à rude épreuve, la malicieuse. Elle le sait.
Alors que je penche la tête, elle recule avec agilité. J’en grognerais de frustration.
Ses yeux brillent comme des pépites dans la semi-obscurité et ses dents scintillent sous ses lèvres rouges.
– Si je n’ai pas envie que tu me serres dans tes bras, alors tu resteras seul, OK ? lance-t-elle d’un ton badin en s’adossant au mur, en face de moi.
Je hoche la tête.
– Si je n’ai pas envie de t’embrasser, alors que tu garderas pour toi tes envies.
Agacé, j’acquiesce. Qu’est-ce qu’elle s’imagine ?
– Si je n’ai pas envie de coucher avec toi, alors tu dégageras de ma chambre sans un mot, compris ?
Son ton est devenu gelé. Ses yeux durs comme la pierre.
Un seau d’eau froide me tombe dessus et mes genoux manquent de céder.
Devant mon expression atterrée, sa voix se fait toujours plus rauque.
– Oui, je t’ai chauffé, Zach. Oui, je me comporte mal en faisant ça. (Elle se redresse et plonge les yeux dans les miens.) En seconde, je suis tombée amoureuse. C’était un chouette type, un gars qui faisait plus attention aux cours que les autres. Il était intelligent, bienveillant et plutôt mignon. C’était mon premier amour.
Mon cœur bat comme un forcené. Mais c’est un sang gelé qu’il envoie dans mon corps.
– Il te ressemblait. Comme toi, il était très réservé, il faisait attention à ses gestes. Il m’embrassait délicatement, il me touchait que lorsqu’il était sûr que j’étais d’accord.
Mes mains tremblent et mon ventre me fait mal. Une peur viscérale me vrille le corps.
– Il y a un an, pour mes seize ans, je l’ai invité. (Son regard noisette reste calme tandis qu’elle lâche les mots avec une précision mortelle :) Si Dante n’avait pas été là, il m’aurait violée.
Soudain, je n’ai plus envie d’entendre la suite. Je ne veux plus rien savoir, je ne veux plus qu’elle me regarde fixement comme ça, alors qu’elle explique sa douloureuse expérience.
Bordel, comment peut-elle penser ça de moi ?
Pourquoi pas ?
Non, non. NON.
Non, je ne suis pas comme ça.
Je sais ce que ça fait d’être brisé, je le ferais vivre à personne !

Alors que Jess ouvre la bouche, je la bouscule et m’en vais. Je préfère ne pas avoir son amour plutôt que de l’avoir en sachant qu’elle craint que je l’agresse.
Comme je n’ai pas envie de sortir, je me contente d’aller me réfugier dans mon duvet, sur le matelas que les jumeaux m’ont préparé dans le bureau familial. J’entends Lily Rose et Dante m’appeler, mais je les ignore.
– Laissez-moi tranquille ! cinglé-je en les entendant entrer dans la pièce.
Mon ton les dissuade d’essayer une nouvelle fois. La porte se ferme, avale la lumière et me laisse seul avec mon cœur cassé.

Des heures se sont écoulées. À mon propre étonnement, je n’ai pas pleuré. Je suis trop gelé pour ça. Ce n’est pas un froid physique, c’est dans la tête. Ce froid quand une personne qu’on apprécie nous trahit. Ce froid quand on sait que quelque chose de violent s’est produit près de nous sans qu’on en ait eu conscience à ce moment-là. Ce froid qui empêche la passion des larmes et durcit les cœurs.
Alors que mon cerveau en bouillie m’entraîne vers le sommeil, la porte grince. Je ne bouge pas. Un poids creuse mon matelas et une silhouette s’installe à côté de moi.
Je me retiens de frissonner de surprise quand une main caresse mes cheveux.
– Pardon, souffle Jessica d’une voix morne. Pardon.
Mon cœur se remet à battre. Il m’envoie des vagues de peur, d’espoir, de honte, d’amour.
– Pardon, chuchote-t-elle une dernière fois d’un ton qui laisse présager de futures larmes. Tu ne méritais pas ça.
Elle pose ses lèvres sur la peau fine de ma tempe et se lève.
Alors qu’elle s’apprête à sortir de la pièce, peut-être même de ma vie, je la retiens.
– Jessica, attends.
J’inspire un grand coup.
– Reviens, s’il te plaît.
Comme elle reste sans bouger, j’ajoute d’une voix tremblante :
– S’il te plaît.
Ses pas légers reviennent vers moi.
– Je ne te forcerai jamais à rien, murmuré-je dans l’obscurité.
– Il disait la même chose.
– Mais j’ai une conscience, moi ! crié-je soudain de colère en me redressant.
Je tombe nez à nez avec elle et remarque alors qu’elle tient une lampe de poche à la main. Ses traits tirés m’apprennent qu’elle n’a pas non plus fermé l’œil de la nuit. Et son regard sombre qu’elle ne me croît guère.
– J’ai tué des gens, Jessica, c’est vrai, continué-je en plantant mes yeux dans les siens. Mais…
Ma voix tremble, trébuche et s’étrangle. Avec rage, j’abats mon poing dans mon matelas.
– Comme ce type, je suis peut-être un monstre. Mais, moi, j’ai conscience de l’être.
Comme elle ne dit rien, je me rallonge sur le matelas.
– Tout ce que j’ai à t’offrir, c’est le pauvre morceau de cœur qu’il me reste. Mais c’est inutile si tu ne peux pas me faire confiance.
Son silence me rend dingue.
– Bon sang ! fulminé-je en agrippant mon duvet. Si c’est pour rien dire, va-t’en ! Si tu me vois vraiment comme un monstre capable de te faire du mal, alors lève-toi et mets fin à ce qui a commencé entre nous.
Mais elle ne se lève pas, ce qui me met presque en rogne. La respiration hachée, j’attends dans un silence glacial ce qu’elle va décider pour nous deux.
Je sens mon matelas se creuser de nouveau sous son poids puis ses lèvres sur ma joue. Surpris, je tourne la tête et sa bouche épouse la mienne. Comme à chaque fois qu’elle m’embrasse, mon cœur s’agite et mon ventre remue. Ses lèvres délicieuses me feraient presque tout oublier.
Sans délicatesse, je la prends par les épaules et la repousse.
– Non, Jessica, susurré-je en la toisant. Non.
Lorsqu’elle comprend que je ne veux pas de ses baisers, elle écarquille les yeux. Puis elle les baisse.
– Est-ce que… je peux au moins dormir à côté de toi ?
Renfrogné, je hausse les épaules et m’allonge de nouveau sur le flanc, du côté où je ne la vois pas. Je l’entends se relever, traverser la pièce, puis revenir quelques secondes plus tard. Son oreiller à côté du mien, enroulée dans sa couverture, Jessica s’allonge contre moi, dos à dos.
– Peut-être que, demain matin, ce sera fini, souffle-t-elle.
Parle-t-elle de notre dispute ? Si elle pense que je vais oublier si rapidement…
– Mais sache que j’ai aimé les rares moments qu’on a passés ensemble.
Elle parle de notre relation.
– Moi aussi, avoué-je au bout de quelques secondes.
Résolue, elle ne répond rien.

Je finis par m’endormir. Cette nuit, je rêve que je suis un vieil homme qui n’a plus qu’un feu pour se réchauffer. Mais les flammes, malgré mes efforts, ne se ravivent pas. Elles meurent.
Mon cœur se flétrit quand les braises disparaissent définitivement dans un dernier souffle cruel.




66
Aller de l'avant



J’ouvre les yeux avec difficulté, les paupières collantes. La lumière matinale filtre par les volets de l’unique fenêtre. Lorsque je remue les membres pour réveiller mon corps, je sens quelqu’un contre moi. Surpris, je me tourne brusquement et dévisage la silhouette immobile de Jessica. Elle dort encore. Contrairement à la chaleur qui m’envahit la poitrine quand je la vois d’habitude, c’est un éclat glacé qui se loge dans mon cœur.
Sans l’observer plus longtemps, je me redresse en me frottant délicatement les yeux. Ils sont encore douloureux du week-end dernier. Avec un soupir, j’observe la poussière danser dans les rais de lumière.
– Debout ? souffle une voix depuis la porte.
C’est Dante, qui me sourit de manière complice.
– J’arrive, chuchoté-je en m’extrayant du duvet.
Je récupère mon portable, que j’ai éteint pour la nuit, enfile ma veste de la veille et le rejoins. Dante ferme la porte derrière nous puis fait un petit mouvement de tête.
– Jess nous a dit que vous aviez eu une dispute. (Il m’adresse un regard entendu.) Vous avez réglé ça sur l’oreiller ?
Le regard que je lui jette fait voler en éclats son sourire.
– Pardon, murmure-t-il en baissant les yeux. Je… pensais pas que c’était sérieux.
– C’est sérieux, approuvé-je d’un ton grave. Elle…
Agacé, je jure tout bas puis me dirige vers le salon. Je n’ai pas envie d’en parler.
La pièce est vide ; nous sommes les seuls debout.
– Vous avez regardé le film ?
– Oui, mais Lily Rose s’est endormie devant et Jessica était ailleurs, alors j’ai coupé avant la fin. On s’est couchés et puis c’est tout.
– OK.
Je vais m’installer sur le canapé et allume mon téléphone. Dante vient s’asseoir à côté de moi, l’air penaud. La maison est plongée dans le silence.
– Vous allez vous séparer ?
Un rire nerveux s’échappe de ma gorge tandis que j’agrippe nerveusement mon portable.
– On sort même pas ensemble.
– C’est comme si.
– Je croyais aussi.
Ma voix fataliste lui fait lever les yeux.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? Jess nous a dit que vous vous étiez disputés, mais elle a rien voulu dire d’autre.
– Je sais pas trop, avoué-je avec un haussement d’épaules. On est allés chercher le DVD, je lui ai posé des questions sur vos parents, puis… (Je soupire, mais me force à reprendre.) On a commencé à s’embrasser et, soudain, elle m’a parlé de son ancien copain.
Je sens Dante se raidir à mes côtés. Son visage est pâle dans la lumière crue du matin et ses yeux luisent d’un éclat de peur.
– Elle…
– … m’a expliqué, continué-je pour lui.
– Et… ?
Incapable de la refouler, une vague de colère frustrée m’étreint la poitrine.
– Et je n’ai pas envie de partager des sentiments avec une fille qui a peur de moi.
Dante se mord la lèvre, cherche quelque chose à me dire, mais ne trouve rien.
– Je pourrais lui faire toutes les promesses du monde, ça ne servira à rien si elle ne me fait pas confiance. (Devant son expression lasse, j’ajoute avec irritation : ) Oui, je sais, elle lui faisait confiance aussi.
– Je sais pas quoi te dire…
– Moi non plus. Ça me rend dingue. Qu’est-ce que je peux apporter à une fille qui a peur des hommes ?
– Je sais pas. (Il ajoute d’un ton léger : ) Au moins, moi, j’ai pas ce souci.
– Arrête, cinglé-je avec colère, c’est pas drôle. Et tu pourrais très bien tomber amoureux d’une personne qui a aussi vécu un traumatisme de ce genre. Homme ou femme.
Le regard apeuré qu’il me jette ne fait qu’augmenter mon malaise.
Je tourne la tête sur le côté et croise les bras. Ma façon maladroite de faire comprendre que je ne veux plus discuter.

Une heure et demie plus tard, je déjeune en compagnie des parents McKinney, de Dante et Lily Rose. Jessica ne s’est pas encore levée, mais nos hôtes nous ont conseillés de ne pas l’attendre pour manger. Daniel McKinney nous fait des œufs brouillés, Alicia le café, et Dante coupe un ananas. Lily et moi mettons la table.
Nous venons de terminer le repas lorsque mon portable vibre dans ma poche. Je m’excuse auprès de mes amis et pars m’installer vers le hall d’entrée pour plus de tranquillité.
– Allô ? fait Mark d’un air hésitant. Ça va, je te réveille pas ?
– Non, t’inquiète, je suis debout depuis un moment.
– Tant mieux. Dis, j’ai Elena à la maison, là. (Il laisse planer un instant de silence, s’attendant peut-être à une réponse, mais je n’en ai pas.) Euh, elle voudrait discuter avec toi. Si je passe te chercher dans une demi-heure, ça te va ?
– Oui, parfait. À tout.
Je raccroche sans attendre sa réponse.

Avant l’arrivée de Mark, Dante me propose de lancer un jeu sur sa console. Comme Mark n’a jamais été très enthousiasmé par les écrans de tout genre, j’ai rarement eu l’occasion de tâter des jeux vidéo. Au bout de cinq parties perdues, je repose ma manette avec un soupir fataliste.
– T’auras l’occasion de te rattraper, tente de me réconforter Dante en tapotant mon épaule.
– Mouais.
J’entends une chaise racler derrière moi puis Daniel McKinney lancer d’un ton amusé :
– Enfin debout, marmotte ?
Je me ratatine sur le canapé. Les pas de Jessica sont légers sur le parquet, mais je les entends s’approcher de nous.
– Salut Dan, marmonne-t-elle d’une voix empâtée en lâchant une tape légère sur le crâne de son frère.
Un moment de silence. Je ne sais pas si elle me regarde. Je ne l’espère pas.
Finalement, je l’entends faire demi-tour pour se diriger vers ses parents et les saluer.

Dante vient d’éteindre la console quand mon portable vibre de nouveau dans ma poche. Un message de Mark pour me dire qu’il attend en bas de l’immeuble.
– Euh, je dois y aller, annoncé-je avec gêne en observant les parents McKinney.
– Oh, tu rentres déjà ?
– Oui, on a des invités à la maison, alors…
Lily me jette un regard étonné, mais ne dit rien. Le père des jumeaux m’adresse un sourire.
– Pas la peine de t’expliquer. C’était un plaisir de te recevoir à la maison avec Lily Rose.
– Merci encore de l’accueil.
Je tends mon poing vers Dante, qui tape ses phalanges presqu’aussitôt contre les miennes. Avant que je ne m’approche, Lily Rose se lève et vient me serrer dans ses bras. Elle en profite pour murmurer à mon oreille :
– Je suis désolée pour Jess.
Elle n’a pas le temps d’en dire plus, mais ça me suffit amplement. Je la serre une dernière fois avec vigueur puis la lâche. Son regard est comme vidé d’énergie. Un étouffant sentiment de culpabilité m’attrape la poitrine.
Je salue les parents McKinney puis tombe sur Jessica. Ses cheveux rouges sont emmêlés de sa nuit de sommeil, ses yeux gonflés et ses traits tirés. Mais elle reste belle, dans sa façon d’être, naturelle, brute, franche.
Pauvre de moi.
Tremblant, je fais l’effort de m’approcher d’elle. Elle garde les yeux baissés tandis que je dépose du bout des lèvres un bisou de politesse sur sa joue.
Je m’écarte d’elle aussitôt comme s’il s’agissait d’une source de chaleur brûlante.
Avec rapidité, je chausse mes baskets, enfile mon manteau, fais un geste de la main à mes hôtes et amis puis quitte l’appartement.

Le chemin du retour jusqu’à Daree se fait en silence jusqu’à ce que Mark se gare dans l’allée de la maison. Il coupe le moteur, mais bloque les portières.
– Mark ? soufflé-je avec interdiction, les sourcils froncés.
Il pose un regard grave sur moi.
– Est-ce que ça va ?
Ma gorge se serre et je détourne les yeux, la main toujours sur la poignée de la portière.
– Je me suis disputé avec Jessica. Tu peux ouvrir ? Elena nous attend.
– Elena va te chambouler encore plus que tu ne l’es déjà. Tu ferais mieux de reprendre tes esprits ou tu vas craquer, Zachary.
Une pression d’une tonne s’abat sur mes épaules déjà avachies. Serrant les dents, j’arrondis le dos dans un geste futile de défense.
– Ça va aller ? s’enquiert Mark au bout d’un moment.
Évidemment que non.
Je lui jette un regard qui traduit assez bien mes pensées, déverrouille moi-même les portières et sors.

Elena sirote un thé à la menthe en observant les bibliothèques du salon. Visiblement plongée dans sa découverte des livres, elle ne me remarque que lorsque je m’éclaircis la gorge, planté derrière elle. Avec un petit sursaut, elle se retourne, puis me dévisage d’un air mortifié.
– Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
Elle pose sa tasse sur la table et s’y appuie, comme si la vision de mon visage meurtri l’avait ébranlée.
– Je me suis fait tabasser par des camarades de classe, je réponds sans détournement. Les gars qui me harcèlent depuis deux ans.
J’entends les pas de Mark derrière moi puis sa paluche s’abat sur mon épaule.
– Assieds-toi, Zach. Elena veut te parler d’autre chose.
Celle-ci se redresse, pâle comme un linge, puis souffle avec consternation :
– N-Non. Je ne veux pas t’embêter avec tout ça alors que tu es convalescent. (Elle prend place en face de moi à la table.) Je… suis désolée pour ce qui t’est arrivé.
Feignant l’indifférence, je hausse les épaules. Elle mordille sa lèvre tandis que ses yeux sombres détaillent les dégâts de mon visage.
– Oliver ne va pas te reconnaître… murmure-t-elle pour elle-même.
– Il a encore envie de me voir ? lâché-je d’un ton blasé.
Elle blêmit un peu plus en comprenant que je l’ai entendue. Puis elle referme les mains sur sa tasse, l’air pensif.
– Oui. C’est justement pour ça que je suis ici.
Comme Mark revient de la cuisine avec un plateau, elle tourne la tête vers lui. Son visage se détend et son regard se fait bienveillant tandis qu’elle le suit des yeux. Je la soupçonne d’être aussi venue pour autre chose.
L’air grave, elle retourne son attention vers moi.
– On aimerait organiser une rencontre avec Oliver le week-end prochain, à Denver si possible.
Je m’y attendais, mais ça ne m’empêche pas de me sentir dépassé. Puis-je rencontrer cet homme pour de bon ? En suis-je capable ? Est-ce que je le souhaite vraiment ?
Mark pousse une tasse sous mon nez, accompagnée de deux biscuits secs. Je n’ai envie ni de l’un, ni de l’autre. Mais la politesse me fait goûter la boisson chaude et grignoter un bout de gâteau.
– Vas-y, Zach, déclare finalement Mark.
– Quoi ? m’étonné-je en lui jetant un regard interdit.
– C’est l’occasion ou jamais. Au pire, on passera une journée tranquille à visiter Denver, au mieux, tu feras la rencontre de l’homme que tu cherches depuis des années.
Bizarrement, je sens une pointe d’indignation me parcourir.
– Je ne le cherchais pas.
Mark me jette un regard agacé.
– Certes. Il n’empêche que l’identité de tes parents biologiques reste l’un des grands points sombres de ta vie et qu’éclaircir ce fait ne peut pas forcément te faire du mal.
Il n’a pas tort. Comme bien souvent.
– Il vaut peut-être mieux que tu y ailles avec Mark, en effet, souffle d’une voix douce Elena en me souriant. Comme il l’a dit, si le courant ne passe pas entre Oliver et toi, on est pas obligés de forcer la chose. C’est afin de faire connaissance. (Elle pose ses doigts sur ma main et j’ai soudain besoin de tendresse. Fichus sentiments.) On ne s’engage à rien, Zachary. Juste une discussion autour d’un café. Et Mark sera là avec toi pour t’encourager.
Silencieux, je hoche la tête. Ça me semble être un marché correct.
– Puis, rien n’est encore prouvé, trouve bon d’ajouter Mark d’une voix ferme.
– Prouvé ? s’enquiert Elena en portant sa tasse à ses lèvres.
– Biologiquement parlant.
– Oh, lâche-t-elle après avoir avalé une gorgée. Oui, bien sûr. On… pourra peut-être faire des tests ADN quand Oliver et Zachary auront fait connaissance.
– Oui.
Je sens le regard de Mark peser sur moi.
– Zach, va donc te coucher.
Surpris, je le dévisage puis indique l’horloge.
– Il est même pas midi.
– Oui et tu fais une tête de cent pieds de long. (Il agite la main.) Va te reposer, je viendrais te réveiller pour le repas.
– Ça vous… dérange pas ? demandé-je en les observant tour à tour.
– Pas du tout, me rassure Elena avec un sourire bienveillant.
– Si je te propose, c’est que non, marmonne Mark d’un ton bourru en secouant la tête. Allez, ouste !
Sans me faire prier, je quitte la table et monte à ma chambre. Avant de fermer la porte, je vois, en contrebas, la chaise d’Elena se rapprocher de celle de Mark.
Je crois que mon état de santé n’est pas la seule raison pour laquelle Mark m’a congédié.


Dernière modification par louji le ven. 22 mai, 2020 6:35 pm, modifié 2 fois.
vampiredelivres

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit :Bonjour, bonjour :) Je risque de plutôt poster les samedis pour les deux mois à venir, car je suis en stage et je bosse le samedi alors le vendredi, j'ai tendance à le zapper... Bref, on met un point final à la confrontation des chapitres précédents ^^



63
D’os et de sang



Le lendemain de mon agression est brumeux. T'es pas en pleine forme ? Comment ça se fait ?
La première fois que j’ouvre les yeux, la panique s’empare de moi. Je ne suis pas dans mon lit. Après quelques secondes d’observation, je reconnais la chambre de Mark. Stupéfait, je fixe l’armoire en bois sombre en face de moi, perdu et la respiration sifflante. Je ne porte qu’un caleçon. Gêné d’être si peu vêtu, je me blottis sous la couette, non sans remarquer les bandages qui enserrent mes côtes douloureuses.
À peine une minute plus tard, Mark entre dans ma chambre, des boîtes de médicaments et une tasse fumante dans les mains. Des valises ont élu domicile sous ses yeux. J'adore cette tournure ! :)
– Tu en fais du remue-ménage, soupire-t-il en allant déposer le café sur la table de nuit. Tu vas faire bouger tes bandages, imbécile, ajoute-t-il alors que je me tortille sous la couette, mal à l’aise.
– Il est réveillé ? lance la voix de Sofia depuis le couloir.
– Quoi, tu l’as pas entendu ? raille Mark en se tournant vers elle alors que l’urgentiste entre, un bol entre les mains. Il a remué comme une anguille en se réveillant.
Plutôt que de relever la moquerie, les yeux verts de Sofia me toisent d’un air troublé.
– Tes bandages sont trop serrés ?
J’essaie de lui répondre, mais ma gorge est sèche. Avec une grimace, je tends le bras vers la tasse. Je remarque une photo de la famille Grace sur la table de nuit, ce qui ralentit mon geste.
– Attends, tu vas en mettre de partout, marmonne Mark en récupérant le café avant que je ne l’atteigne. Laisse-moi t’aider.
À ces mots, je lui jette un regard désabusé et il me rend une expression tout aussi irritée.
– Je sais. Mais je préfère insulter ta dignité plutôt que de laver mes draps. :lol:
Avec un grognement, je capitule et le laisse s’asseoir à côté de moi pour m’aider à boire. Quand j’ai avalé quelques gorgées brûlantes, je m’éclaircis la gorge.
– Mes côtes me font mal.
– Ah bon ? ironise Mark d’un air faussement étonné.
Agacé, je le fusille du regard, mais il se contente de rouler des yeux. Avant que je ne reprenne, il susurre :
– Ces salauds t’ont froissé les côtes. Ils ont failli te casser le nez et la mâchoire. (Il s’adresse à Sofia : ) Dis-lui, toi, que t’as failli faire une attaque en le voyant.
– C’est vrai, souffle-t-elle d’une voix lasse en s’asseyant sur un fauteuil dans le coin de la pièce. C’était :arrow: "Il était" plutôt, non ? presque deux heures du matin quand je suis arrivée ici. Mark m’a dit qu’il t’avait trouvé comme ça.
Elle pose un regard grave sur moi.
– Zachary, pourquoi tu as refusé d’aller à l’hôpital ? Heureusement que Mark et moi avions du matériel, tu aurais pu mourir cette nuit.
– Mourir ? marmonné-je d’un air moqueur.
– Oui, tonne Sofia avec colère. Tu pouvais à peine respirer avec tout ce sang dans ta gorge, ta bouche et ton nez ! Sans parler des hématomes sur tes côtes. Tu te rappelles la sensation de ton poumon perforé après l’accident ?
Une boule de douleur se coince derrière ma langue. Évidemment, que je me rappelle.
– Ben tu y as échappé de justesse, siffle-t-elle, les yeux luisants. Avec quoi tes agresseurs t’ont blessé ? Tu as de ces marques sur le corps… Et si tu voyais ton visage dans un miroir, tu prendrais peur.
Soudain fébrile, je baisse la tête. Elle a raison : j’ai mal de partout. J’ai l’impression d’avoir le haut du corps en charpie et le visage en compote.
– Je suis si défiguré que ça ?
Les deux adultes échangent un regard.
– Plus que la dernière fois où tu t’es fait agresser, explique Mark d’une voix rauque.
Misérable dans mon lit, je ne réponds pas. Si ça se trouve, cette fois, je ne récupérerais pas une tête normale. À cette pensée, perfide, inutile, et, pourtant, d’une importance non négligeable, je sens les larmes me monter aux yeux.
Qu’ai-je fait pour mériter leur haine ? Rien. Ils sont débiles, c'est pas de ta faute.

– Zach ?
Sofia. Elle est inquiète. Avec un soupir, je secoue la tête.
– Ça va.
Je sais que je ne les dupe pas – plus. Malgré tout, ils restent silencieux, acceptent de me laisser tranquille pour l’instant.
– Comme tu as perdu beaucoup de sang, évite de te lever, de marcher, bois et mange, m’informe Sofia en se redressant. J’ai donné des consignes à Mark pour s’occuper de toi et, au pire, je suis de l’autre côté de la route.
– OK, je réponds laconiquement.
Pensive, elle m’observe un moment puis s’approche de moi. Elle m’enlève la tasse de café des mains puis plante un regard ferme dans le mien.
– Zachary, cette fois, ils ne s’en sortiront pas.
Les yeux baissés, je ne dis rien. Comprenant que je ne cèderais :arrow: céderai ;) pas, elle marmonne tout bas puis effleure ma mâchoire.
– Prends soin de toi.
Elle dépose une bise sur la joue de Mark et sort de la chambre. Étonné, je dévisage Mark, qui est toujours installé au bord du lit.
– Tu ne la raccompagnes pas ?
– Elle connaît le chemin.
– Oui, mais…
– Zach, me coupe-t-il en se tournant vers moi, il faut que tu me parles.
– Tout de suite ?
– Oui.
Anxieux, j’agrippe la couette de mes mains. Les bandages qui les enserrent provoquent une douleur dont je me passerais bien.
Devant le regard implacable de Mark, je commence mon récit.

Je ne réalise que l’on est dimanche que lorsque je récupère mon téléphone pour le faire charger. La gorge nouée, j’efface de mon journal les appels manqués de Mark. Ah, Elena ! Elle m’a laissé un message dans lequel elle explique qu’il faut que je la joigne dès que possible pour qu’on discute de son frère. Merde, j’ai oublié de prévenir Mark qu’il était venu me voir. Tout s’est enchaîné si vite !
Alors que je trainasse au lit, ne sachant quoi faire des douleurs qui me lancent des orteils aux oreilles, une bonne odeur de cuisine me monte aux narines.
Poussé par la faim, je me lève et marche maladroitement jusqu’au couloir. Petit détour par la salle de bains pour y laver mes mains. Mon reflet fugace dans les miroirs n’accroche d’habitude pas mon regard. Aujourd’hui, si. Figé, j’observe les gonflements, les rougeurs, les bleus, les bosses qui modèlent mon visage meurtri. Mon œil gauche est à peine ouvert et rougi. Mon nez est croûté de sang, mes lèvres fendues et boursouflées, mes joues enflées. J’ai des bosses sur le front et sur le bas du visage. Mortifié par cette vision, je garde le menton baissé pour me laver les mains. L’eau se teinte de rouge. Et, encore, les bandages couvrent une partie des dégâts. Bon. Ça a l'air d'aller plutôt bien, en fait. :roll:

La souffrance sourde qui palpite dans ma tête s’assoupit quelque peu lorsque j’aperçois des lasagnes sur la petite table de la cuisine.
– Je me suis dit que ça te ferait plaisir, souffle Mark d’un air satisfait. Je les ai préparées ce matin.
– Ça me fait plaisir, confirmé-je en allant m’installer. Merci beaucoup.
– De rien. On guérit plus vite avec un bon moral.
Dans un silence, dû à notre appréciation du repas plutôt qu’à un malaise, nous mangeons les délicieuses lasagnes de Mark. Mon estomac avale presque la moitié du plat et, repu, je m’installe sur le canapé après avoir débarrassé la table. Mark me rejoint quelques minutes plus tard avec un plateau. Deux tisanes embaument l’air.
– Pas de café ?
– Sofia m’a dit que ça pourrait t’aider à guérir, indique-t-il en me tendant une tasse. Je ne sais plus quelles plantes douteuses il y a dedans, mais, si tu aimes pas, je le prendrai pas mal.
– D’accord, lâché-je avec un rire.
Suspicieux, je sniffe :lol: l’infusion, ne reconnaissant qu’une vague odeur de plantes médicinales. Après m’être assuré que je ne me brûlerais pas, je goûte la tisane.
– Hum, bizarre.
– Tu l’as dit, marmonne Mark, qui tire une drôle de tête après avoir goûté son propre thé. Si tu veux pas finir, c’est pas grave.
– T’inquiète, je vais la boire.
Soulagé de la chaleur de la tasse entre mes paumes, je la pose sur mes cuisses et ferme les yeux.

Quand je les rouvre, la luminosité a décliné. Surpris, je cligne des paupières en me redressant. La tisane est posée sur la table, maintenant froide. Je me suis endormi comme une masse.
L’esprit confus, je me frotte les yeux avant de stopper brutalement. Aie, trop tard. Avec un geignement, je me laisse aller en arrière. On est déjà dimanche après-midi. Je n’ai pas fait grand-chose de mon week-end.
Elena !
Jurant tout bas, je me lève et vais chercher mon portable dans ma chambre. Par précaution, je m’assieds au bord de mon lit puis enclenche l’appel.
– Oui allô ?
– Bonjour Mme Dent, c’est Zach.
– Oh ! Super, je me demandais quand tu allais m’appeler. Comment tu vas ?
Ma gorge se noue, mais je m’efforce de répondre d’une voix claire :
– Euh, ça pourrait aller mieux. Et vous ?
– Un peu stressée, me confie-t-elle avant de rire. Et tu peux m’appeler Elena, ça me va très bien.
– D’accord.
– Alors ? Euh… Oliver m’a dit qu’il était passé te voir vendredi après le lycée. Il… t’a un peu surpris, non ? C'est une manière de formuler la chose, oui. Mais je suis pas sûre que ce soit la bonne. :?
– Euh oui, confirmé-je, gêné. Vous lui direz que je suis désolé… Je ne voulais pas partir comme ça, mais… j’ai eu peur. Pardon.
– C’est pas grave. Il a très bien compris qu’il t’avait brusqué. Il s’est montré impatient et il le regrette. (Son ton prend un accent hésitant.) Tu accepterais quand même de le rencontrer ? Pour que vous puissiez discuter pour de bon, cette fois ?
Une bulle d’angoisse gonfle dans mon ventre. La main tremblante, j’inspire un grand coup pour faire fuir ma peur.
– Je… j’ai besoin d’encore un peu de temps, bredouillé-je d’une voix presque inaudible.
Elena ne répond pas tout de suite, ce qui fait grossir la boule dans mon estomac.
– D’accord, je comprends bien, finit-elle par articuler, de la déception dans la voix. Je… Je te souhaite une bonne journée, on verra ça plus tard.
– O-Oui. Bonne journée à vous.
– Merci. Passe mon bonjour à Mark.
– Je le ferai.
– Au revoir.
Elle raccroche sans que j’aie eu le temps de lui répondre.
Je m’en veux aussitôt. Avec un juron, je lâche mon portable sur mon lit et me prends le visage entre les mains. Je ne suis pas prêt à le rencontrer pour de bon. Une rencontre précipitée ne ferait que jeter un malaise entre nous. Ni lui ni moi ne voulons faire connaissance dans la gêne.
– Zach ?
Surpris, je sursaute, puis lève les yeux vers Mark, qui m’observe depuis le couloir avec gravité.
– Ça va ? Tu en fais une tête.
– Très drôle, grincé-je avant de soupirer. Non, je me sens pas très bien.
En silence, il s’approche de moi calmement puis tire la chaise de mon bureau en face de mon lit. Intrigué, je l’observe faire.
– C’est lié à ton agression ?
– Non.
– À Jessica ?
Je grogne et il lève les mains en signe de paix.
– Non plus, je finis par grommeler en évitant son regard.
– C’est le frère d’Elena ?
Perspicace, le lion.
– Oui. En fait…
Comme je laisse traîner en suspens, il m’adresse un regard agacé.
– Il est venu me voir vendredi dernier après les cours. Sauf que j’ai fui parce qu’il m’a fait juste totalement flipper. (Devant l’expression pensive de Mark, j’ajoute : ) Je viens de joindre Elena, qui s’inquiétait pour moi. Elle m’a proposé de le voir dans de meilleures conditions, mais j’ai refusé. D’ailleurs, elle te passe le bonjour.
– C’est gentil. Autrement, pour Oliver Dent, tu ne te sens pas prêt ?
– Non, soufflé-je d’une petite voix. Peut-être que je ne serais jamais prêt.
Silencieux, il me dévisage quelques secondes. Puis il se lève pour s’installer à mes côtés.
– Quoi que tu décides pour cet homme, et quoi qu’il soit pour toi, je serai là.
– Je sais.
– Zach…
Il soupire.
– Si cet Oliver Dent est ton père, et que tu veux vivre à ses côtés, je… comprendrais parfaitement. Pas la peine de te prendre la tête, Mark, ça m'a l'air mal parti. (Je fronce les sourcils, mais il poursuit en posant une main sur ma jambe : ) Mais j’aimerais tout de même t’avoir près de moi de temps en temps. Quand tu quitteras la maison pour tes études… J’aimerais qu’on garde contact. Qu’on continue à se voir.
Stupéfait, je tourne la tête vers lui, pour le voir orienté vers la fenêtre, comme s’il fuyait mon regard.
– Je ne couperai pas les ponts avec toi, Mark, annoncé-je d’une voix mortifiée. Jamais. Je… C’est toi qui m’as élevé après l’accident il y a cinq ans. Quoi qu’en dise la génétique, c’est toi mon père, Mark. Ça changera pas après mes dix-huit ans. Awww ! ♡
Je le vois courber les lèvres en petit sourire, comme rassuré.
– Ça me fait plaisir d’entendre ça. (Il se lève brusquement.) Aller, repose-toi et évite de penser à tout ça.
Facile à dire. Pas si facile à faire. Belle fin de chapitre :)




64
Fureur



Ils me dévisagent. C’est d’habitude par curiosité, par méfiance ou par dégoût. Aujourd’hui, dans leurs yeux, c’est de la surprise, de la peur, de la pitié.
Mark voulait que je reste à la maison au moins une semaine. J’ai refusé : j’ai raté assez de cours comme ça et… je dois assumer ce qui m’est arrivé. Je dois montrer à ces lycéens qui me craignent sans me connaître que l’on m’a fait subir ça.
J’avance en grimaçant, mes côtes protestant à chaque pas. Mon visage est encore gonflé et coloré de bleu, rouge, violet, noir. Des murmures sautent à mon passage dans les couloirs. Je suis las des commérages, je ne veux simplement plus cacher le harcèlement qui erre dans ce lycée. Oui, il est privé, avec des profs compétents, des élèves aux profils divers et variés, des scores élevés. Mais que dire des monstres déguisés qui rôdent dans ses couloirs ? Ils ont soif de sang.

J’ai laissé quand même passer trois jours avant de retourner au lycée. Les jumeaux et Lily Rose m’ont harcelé de messages dès le lundi en constatant mon absence. Je leur ai dit que j’étais tombé malade. Je ne compte pas leur cacher ce qui m’est arrivé, mais je voulais au moins les rassurer pendant que je n’étais pas là.

L’appréhension me compresse la poitrine lorsque j’aperçois Lily Rose près de mon casier. Elle guette visiblement mon arrivée. Au moment où son regard tombe sur moi, je vois son visage s’illuminer. Puis ses yeux s’assombrissent et ses traits se crispent d’effroi.
Salut, Lily, ça va ? Bon week-end ? Mon visage ? T’inquiète, rien de grave. Nan, c'est juste ton ex qui avait passé une sale journée, il a décidé de se vider sur moi.
Décidément, je ne peux pas y aller comme ça.
Elle est blanche comme un linge lorsque je m’arrête près d’elle. En silence, elle détaille mon visage meurtri. Elle sait. Elle comprend. Elle met les pièces du puzzle en place.
Un éclair de colère s’allume dans ses yeux verts. Ses traits si doux, si charmants, se froissent comme du papier et elle pince sévèrement les lèvres. Elle me fait penser à Sofia.
– Ils vont payer. Mouais. J'aimerais bien, mais j'ai pas confiance en l'auteure.
Sa voix est terriblement rauque.
Soudain, les larmes me montent aux yeux. Pris au dépourvu, je me tourne et ouvre mon casier précipitamment. Mes mains tremblent et j’essuie rageusement les gouttes fourbes qui envahissent mes joues. Je me déteste.
– Zach ? (La main de Lily Rose se pose sur mon bras.) Zach…
Des sanglots secs et silencieux secouent mes épaules. Mes lèvres obstinément pincées refusent de laisser sortir la vérité. J’inspire un souffle tremblant, agrippe nerveusement la porte de mon casier. J’ai envie de disparaître, d’être un gamin qui peut chialer impunément. Mais c’est la poisse de sangloter au lycée à dix-sept ans.
Avec une respiration hachée, j’essaie de reprendre le contrôle de mes nerfs. Le visage entre les mains, j’exécute trois longues inspirations avant d’expirer mes dernières larmes.
OK, c’est bon. Tout va bien.
Non, merde, j’suis mort de trouille. Je veux pas qu’ils me trouvent. Ils vont me faire mal. Ils vont me tuer, ces malades. Ces démons. Oh, chaton… :cry:
La tête blonde de Lily Rose se glisse sous mon bras et elle enlace délicatement – comme si elle avait compris pour mes côtes douloureuses – mon torse. :arrow: J'aurais plus mis l'incise en fin de phrase, pour la rythmique.
Elle ne dit rien. Je lui en suis reconnaissant.
À mon tour, je la serre contre moi et plonge le nez dans ses cheveux. Ils sentent bon l’été. Ils sentent la jeune fille des voisins, celle qui m’adressait de timides sourires lorsque j’étais encore en béquilles. L’adolescente joviale, tendre et attentionnée, qui a accepté de discuter avec moi, de me regarder dans les yeux – alors que j’étais un meurtrier – et de m’accorder du temps. Je me rappelle la première fois qu’elle a glissé sa main dans la mienne, l’air très sérieux, et qu’elle a soufflé « T’es pas un monstre. »
Elle est ma sauveuse, ma première véritable amie.
Lily. Rose.
Mon été. Lily chérie, je t'aime ! ♡

– Sale fils de pute, crache une voix détestablement familière dans mon dos. Oh, il me fatigue, lui ! J’en étais sûr.
Lily Rose s’extrait brutalement de mes bras, l’air déconfit. Elle a les yeux rouges et les traits défaits. Je n’ai pas besoin de tourner la tête – j’en n’ai pas envie. Anthony.
– Vous vous amusez bien, tous les deux ? Vous vous êtes tournés autour pendant des années et c’est maintenant que vous vous décidez ? (Son ton rageur m’arrache des sueurs froides incontrôlables. J’ai l’impression d’être transporté cinq jours en arrière, quand il me martelait de coups de batte.) Ben quoi, Lily Rose ? Tu voulais pas de moi dans ton lit, mais ce tueur de gosses, tu veux bien le baiser ?
Ses propos crus me donnent la nausée. Toujours dos à lui, je n’ai pas la force de lui faire face. Il me contrôle et il le sait. Ce salaud manipulateur me rend lâche et faible.
– C’est toi, Anthony ?
La voix calme de Lily Rose me surprend. Quelques élèves présents dans le couloir nous dévisagent avec appréhension. Une aura froide et dangereuse plane au-dessus de nous. La gorge comprimée, je tourne les talons.
Anthony pose ses yeux glacials sur moi et une peur irrationnelle s’empare de mon âme.
– C’est toi qui as fait ça à Zach ? Qui l’a défiguré ?
Il ne répond pas tout de suite, se contentant de la dévisager sans gêne. Puis il fronce le nez en souriant.
– Ouep. Si calme. :lol: (Il fait rouler ses épaules sous sa veste en cuir de marque.) C’était marrant. Tu sais quel bruit fait le métal contre l’os, Lily ? PLAC. Et mon pied dans le nez de ton connard de copain ? CRAC. Et quand je marche dans son sang ? SPOUITCH.
Et il hurle de rire. Il me regarde. J’ai envie de vomir.
– Tu te rappelles, mon Zachounet ? CRAC ! PLAC ! SPOUITCH, SPOUITCH ! T’as eu mal en te réveillant ? T’as senti tes côtes brisées, tes yeux enflés, ton visage déglingué ?
Mes lèvres tremblent. Non. Tout mon corps tremble. D’effroi.
Ce salaud me tient sous sa coupe.

Un silence mortifié nous tombe dessus. Les autres lycéens observent Anthony avec consternation. Bah, les pauvres. Ils le prenaient pour le gars cool, intelligent, populaire… CRAC son image. J'aime bien le parallèle :D Je crois qu’il s’en fout, à présent. Il veut se venger, il veut me faire payer.
Soudain, Lily Rose pousse un cri féroce et se précipite vers son ex petit-ami. J’essaie de la retenir, mais je suis paralysé par la peur.
Anthony bloque avec une facilité enrageante ses bras et les lève au-dessus de la tête de Lily Rose, qui se crispe.
– Oh, ma jolie. Ma jolie, gentille et intelligente Lily Rose. Ma chère petite-amie. (Elle s’agite et il pouffe.) Oups, pardon, ancienne petite-amie. Tu crois quoi ?
Le sourire d’Anthony disparaît et un frisson de terreur m’envahit. Lily Rose… Non, pas Lily Rose.
– Que ton joli minois va mettre à tes pieds les garçons ? Ta gentillesse les filles et ton intelligence les universités ? (Il penche son visage à quelques centimètres de Lily Rose. Je l’entends gémir.) Pauvre idiote. Ton visage et ton corps te vaudront d’être violée au fond d’une ruelle, les gens censés profiteront de ta gentillesse et ton intelligence ne t’enlève pas pour autant ta foutue naïveté ! Mais quel fils de… :evil:
– Lâche-moi ! crie-t-elle en gesticulant.
– Pourquoi ? Pourquoi ? Merde, qu’est-ce qu’il a, ce pauvre type ? Il rase les murs, il baisse les yeux, il peine à suivre les cours, il est fragile. Pourquoi lui ? Hein, Lily ? Parce que toi, tu es con.
Il parle de moi. Je n’ose pas le regarder. La honte m’étouffe. Il fait du mal à Lily Rose et je le laisse faire. Je suis aussi minable qu’il le laisse entendre.
– Je suis déçu, reprend Anthony d’un ton lointain. On s’entendait bien, toi et moi. On était un joli couple. Puis, t’as tout cassé.
J’ai tout cassé ? répète-t-elle d’une voix outragée. Espèce de salaud, c’est toi qui as brisé notre amour ! Tu t’es comporté comme un enfoiré égoïste, tu as fait du mal à Zach. C’est évident que je ne voulais plus de toi !
Zach, Zach, Zach, raille Anthony d’une voix suraiguë avant de secouer mon amie comme un poirier. Mais ferme-la, sale truie ! Tu sais ce que c’est, ton Zach ? Tu sais ce qu’il a fait, Lily Rose ? Tu en as conscience ?
– Mieux que toi !
Il éclate d’un rire mauvais. Toujours planté près de mon casier, je le regarde s’en prendre à Lily sans réagir. Je suis un minable, un faible, un pleutre bon-à-rien.
– Il a tué une femme et deux fillettes, Lily Rose ! Quelle ordure est capable d’un tel crime ? Elles avaient sept ans, Lily Rose ! Ce connard était alcoolisé et drogué. J'avais zappé cette phrase à la première lecture, j'ai d'autant plus envie de frapper Anthony maintenant, parce qu'on dirait que c'est lui qui est drogué, actuellement.
– Six.
Ma voix s’est envolée toute seule. À ma grande surprise, elle est ferme.
Soudain encouragé par mon crime impardonnable, je lève les yeux et marche vers eux.
– Holly et Jade avaient six ans, Anthony.
Stupéfait, il me regarde approcher, la bouche entrouverte. Dans ta gueule, connard.
– Je les ai tuées en les renversant en voiture.
Comme si elle allait le protéger, Anthony dresse la silhouette de Lily Rose sur mon chemin. Mais quel fumier ! :o :shock:
– J’ai tué leur mère du même coup.
Sans prêter attention aux paroles chuchotées à toute vitesse par mes camarades, ignorant de même le regard haineux d’Anthony, j’enchaîne :
Je le sais. Mieux que quiconque. J’étais là, je l’ai vu, vécu. C’est inscrit dans ma tête, dans mon sang, dans mes putains de cauchemars.
Chassant ma peur, ma honte, ma faiblesse, je fais face à Anthony, à mon ennemi, à mon foutu démon.
– Tu ne sais rien, Anthony. Rien de moi, rien de Lily Rose. Cesse d’agir comme si c’était le cas. Ouais, je suis une ordure, j’ai tué des gens. Je sais. Je sais, putain. Je me le pardonnerai jamais, personne ne me pardonnera.
J’écarte les bras.
– Mais je vais tout faire pour me racheter. Je peux pas le faire si tu m’en laisses pas l’opportunité. Je peux pas le faire si tu te laisses dévorer par la jalousie. Alors, Anthony, s’il te plaît, arrête. Ignore-moi, laisse Lily Rose être heureuse et fais ta vie de ton côté.
Essoufflé, je laisse retomber mes bras.
Alors, sans crier gare, Anthony jette Lily Rose au sol et lève le pied. MAIS ESPÈCE DE SALE PETIT FILS DE PUTE, CRÈVE EN ENFER !
– NON ! hurlé-je en bondissant.
J’ai le temps d’apercevoir le visage horrifié de mon amie. Je ne l’arrêterai pas à temps.

Soudain, une main agrippe l’épaule d’Anthony et l’attire en arrière.
– Ça suffit, mec. T’en as fait assez.
Nick. BAH QUOI ? T'as un soudain regain de conscience, toi ?! Le visage fermé, il retient son ami par l’épaule. Comme il le dépasse d’une tête, Anthony ne fait pas mine de se rebeller.
– Bandes de merdes, siffle-t-il avant de cracher à quelques centimètres du visage de Lily Rose.
Avant de partir, il m’observe.
Je n’ai jamais vu tant de haine dans un regard. Même Mark me haïssait moins après l’accident.

Sans pouvoir m’en empêcher, je tombe à genoux à côté de Lily Rose, la prends dans mes bras et la hausse contre mon épaule. Elle s’agrippe à moi comme si j’étais une bouée de secours et pleure.
J’ai le cœur si vide que mes larmes en sont taries. Mon p'tit chat, on ouvre le Hug Zach Squad pour te remettre d'aplomb.


vampiredelivres

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit :Bonzoir !
Deux nouveaux chapitres, dont un plutôt important par rapport au personnage de Jess... Je suis en revanche assez perplexe pour le chapitre 65, car j'ai le sentiment qu'il est maladroit :? N'hésitez pas à me donner votre avis :)




65
Anniversaire



Après notre confrontation enflammée avec Anthony, les jumeaux ont tenté de nous soutenir, Lily Rose et moi, mais la douleur est restée poignante toute la journée et les deux qui ont suivi. Mon cœur ne s’est allégé que lorsque la sonnette de la maison a retenti samedi matin. C’était Dante, pour m’annoncer que Jessica et lui fêtaient leurs dix-sept ans aujourd’hui. Je suis resté planté comme un idiot devant lui, me maudissant de ne pas leur avoir demandé leur date d’anniversaire plus tôt. Dante a avoué qu’il n’était pas prévu que sa sœur et lui fassent quoi que ce soit, mais qu’ils avaient changé d’avis à la suite des événements de la semaine passée. Lorsqu’il m’a annoncé, avec son sourire éclatant, que ça lui ferait plaisir si Lily et moi passions la journée chez eux, j’ai manqué m’effondrer de soulagement. La complicité et la simplicité de l’amitié était tout ce dont j’avais besoin. Pourquoi je sens que ça va merder ? :?
J’ai couru prévenir Mark et, avant que je ne quitte son bureau où il préparait ses cours, il m’a réprimandé : « Et tu pars les mains vides ? »
Et je me suis de nouveau planté comme un imbécile devant Dante avec un gâteau à la fleur d’oranger, que j’avais préparé ce matin pour me changer les idées.
« T’as eu une bonne idée ! » s’est exclamé Dante en m’apercevant. « À croire que tu savais que c’était notre anniversaire. »
« Je ne savais pas » ai-je avoué avec gêne. « Et j’ai que ça à vous offrir. »
Il m’a adressé ce regard qui m’avait donné envie de mieux le connaître, de lui ouvrir mon cœur et de devenir son ami.
« Zach, ta présence suffit largement. » Awww ♡

Pendant qu’il allait me chercher, Jess est allée voir Lily Rose, qui a accepté avec joie. La mère des jumeaux nous attendait dans la voiture et nous nous sommes tous retrouvés près de l’auto. J’ai adressé un signe de la main et un sourire un peu crispé à Mme McKinney, qui m’a salué en retour. Quand elle m’a vu, Lily Rose m’a serré dans ses bras et j’ai fait de même. Quant à Jessica, elle m’a fait la bise et c’est tout. J’ai été peiné sur le coup, car elle s’était montrée très proche les trois derniers jours. Puis j’ai fait fonctionner mon pauvre cerveau et j’ai compris qu’elle souhaitait peut-être garder nos moments d’intimité pour nous et ne pas s’exposer devant sa mère et ses amis. Comme je la comprends…
Comme il est plus mince que sa sœur, Dante est passé au milieu et Lily Rose et moi nous sommes installés à ses côtés.
« Bonjour Mme McKinney, a lancé Lily avec enthousiasme. C’est très gentil de nous inviter chez vous, merci beaucoup. »
« Oui, merci beaucoup » ai-je ajouté précipitamment d’un ton mal assuré.
« Avec plaisir, les jeunes » a-t-elle soupiré avant de lancer la voiture sur la route.

Nous avons déjeuné avec les jumeaux et leurs parents un très bon gratin de pommes de terre accompagné de poulet mariné au curry. En dessert, nous avons servi le gâteau que j’avais apporté avec quelques fruits de saison. À mon grand soulagement, c’était mangeable.
Les autres ont dit que c’était délicieux, mais je ne les ai pas vraiment crus. Mais arrête de te dévaloriser ! :evil:

Évidemment, mon visage encore gonflé et marqué n’est pas passé inaperçu et j’ai eu droit à un tas de questions des parents McKinney. Alicia, la mère, m’a toisé avec suspicion tandis que Daniel, le père des jumeaux, m’interrogeait. L’homme a le sourire calme et doux de Jess et les mêmes yeux que son fils. Dante et sa sœur ont bien tenté de m’épargner la mise à l’épreuve de leurs parents, mais ils n’ont pas réussi. Je leur ai expliqué ce qui s’était passé à la suite de mon départ du collège public. À la fin de la conversation, je me sentais étrangement dénudé, mais, au moins, je n’avais rien à leur cacher.
Si ce n’est que j’aimais leur fille. Ce dont ils semblaient malgré tout se douter, d’après certaines questions qu’ils m’avaient posées.

En fin d’après-midi, ils nous laissent enfin tranquilles et nous nous installons dans la chambre que partagent les jumeaux. Ils n’ont pas encore déménagé, mais les procédures sont en cours. Bientôt, ils seront nos voisins à Daree.
– Désolé, souffle Dante en nous jetant un regard circulaire. Je pensais pas qu’ils allaient autant t’interroger, Zach.
– Pas de soucis, lâché-je en secouant la tête. Ils… Ça me semblait important qu’ils en sachent plus sur moi.
– Je n’aurais pas cru que tu leurs dirais pour… la famille Grace, intervient Lily Rose en posant une main sur ma cuisse.
Son regard plein d’empathie et d’amour m’étrangle la gorge. J’inspire difficilement, prends ses doigts entre les miens, puis explique en observant les jumeaux :
– Vos parents veulent juste votre bien. Ils savaient déjà que j’avais tué des gens. Je voulais qu’ils apprennent comment ça s’était passé, pourquoi Mark m’a adopté et comment on s’en sort tous les deux aujourd’hui.
Je serre fort la main de Lily Rose et lui adresse un regard empli de reconnaissance. Elle rougit légèrement.
– Et je voulais qu’ils connaissent les personnes grâce auxquelles je m’en suis sorti.
Soudain, elle pince les lèvres, baisse les yeux, puis les relève, tremblante. Je place sa main contre mon cœur.
– Merci. Merci, Lily Rose.
– Espèce de crétin, siffle-t-elle, les yeux larmoyants. Et, après, ça ose se traiter de monstre. (Elle m’enlace soudain et son front tape ma joue. Je l’entends renifler.) J’espère que tu seras heureux toute ta vie, imbécile. Je l'espère aussi, mais je suis sceptique, vu comment on est partis.
J’essaierai.
Elle finit par me lâcher. Les jumeaux nous observent avec tendresse.
– D’ailleurs, reprend Lily avec une grimace, je n’ai pas eu le temps d’aller acheter vos cadeaux, à tous les deux. Mais, promis, la semaine pro, je les aurais !
– Tu savais que c’était leur anniversaire, aujourd’hui ? chuchoté-je, étonné.
– Bah oui.
Je me sens rougir.
– Euh… Je n’ai pas de cadeau non plus. Et, euh, c’est… C’est parce que je ne savais pas.
– Pas grave ! me rassure Dante avec un sourire.
Après quoi, nous discutons de tout et de rien. Surtout de rien, car le « tout » nous effraie : l’avenir, le harcèlement, les cours, nos familles…

Alors que le soleil se couche, Jessica va chercher un paquet de chips et un autre de bonbons tandis que Dante ramène des boissons et des gobelets. Les grands classiques ne vieillissent jamais :mrgreen:
Nous nous servons chacun à notre tour et je profite d’un instant de silence pour lâcher ce qui m’envahit l’esprit depuis des jours :
– J’ai peur.
Mes amis s’arrêtent soudain de boire ou manger pour me dévisager.
– Si encore il n’y avait qu’Oliver Dent, lâché-je en serrant les mains en poings. Je sais même pas ce que je dois faire pour lui. Alors avec Anthony et les autres ?
Je lève les yeux pour chercher les leurs. Leurs visages sont crispés et effrayés dans la pénombre de la chambre. Néanmoins, leur silence m’invite à poursuivre.
– Anthony m’a promis qu’il me tuerait. Et je crois qu’il le souhaite vraiment.
J’effleure avec hésitation mon visage.
– Bientôt, il me fera assez de mal pour que je me relève pas.
Soudain, j’entends un grognement sourd à côté de moi. Lily Rose, dont les yeux semblent bouillir, a la mâchoire serrée et les poings crispés.
– Tout ça parce qu’il est jaloux de toi, susurre-t-elle en secouant la tête. Pauvre type !
– Jaloux ? s’étonne Dante en se penchant vers nous.
– Oui. Au début, je pensais que c’était parce qu’il avait du mal à accepter mon amitié avec Lily à cause… de ce que j’ai fait par le passé. Ça me semblait crédible, et je comprenais ses intentions. Je n’arrivais pas à le détester. Comment détester quelqu’un qui cherche à vous éloigner des autres, car il vous sait capable de malheurs ? Bref… Je crois que notre animosité a commencé ainsi. Après…
Furtivement, j’observe Lily Rose, qui casse des morceaux de chips entre ses doigts fins. La fureur est perceptible. :lol:
– Lorsqu’il a vu que Lily Rose continuait à me fréquenter, voire plus qu’avant, il s’est énervé.
– Ça m’arrive aussi d’être énervée, intervient Jessica. C’est pas pour autant que je tabasse à presque-mort les gens.
– Je sais, mais…
– Zach, tu lui cherches des excuses, m’interrompt Jess en secouant la tête. Anthony doit être puni pour toutes les violences, physiques ou psychologiques, qu’il t’a fait subir.
Dante et Lily approuvent de la tête, les traits crispés. De nouvelles secondes s’écoulent dans un silence froid et tendu.
– Les gars, lâche soudain Jessica en tapant dans ses mains, ça vous dit un film ?
– Film d’horreur ! approuve son frère en se levant brusquement. J'ai vu la Malédiction de la Dame Blanche récemment. :lol:
– Oh non, gémit Lily Rose en pinçant les lèvres.
Je souris.
– Je refuse le film d’horreur, réplique Jessica. Film d’aventure ?
– Dans une civilisation étrangère ? propose Lily, déjà plus détendue.
– Aller. Je vais voir si je nous dégote ça ! (Jess me tend la main.) Tu viens ?
Conscient qu’elle m’offre un moment rien que pour nous deux, j’accepte volontiers. Awww ♡

Nous ne nous lâchons pas tandis que nous traversons le couloir pour rejoindre le salon. Ses parents sont en train de regarder la télévision, alors Jessica desserre soudainement ses doigts des miens et passe derrière le canapé d’un pas tranquille. Je la suis, un peu moins à l’aise.
– Vous allez regarder un film ? nous demande son père en se tournant vers sa fille alors qu’elle farfouille dans leur réserve de DVDs. J’ai entendu Dante crier « film d’horreur ».
– Oui, mais non, marmonne Jessica en secouant la tête. On a opté pour de l’aventure.
– De l’aventure, hein, répète son père en passant son regard de Jess à moi.
Je me sens devenir brûlant et me détourne, gêné.
– Papa, maugrée Jess en se relevant, un DVD à la main. Allez, bonne nuit ! Je t'aime, mais dégage s'il te plaît :lol:
Daniel McKinney tapote sa joue et, après avoir roulé des yeux, sa fille va y déposer un bisou. Elle n’embrasse néanmoins pas sa mère, qui la regarde à peine s’en aller.
Avant qu’on ne rejoigne la chambre, je la prends par le poignet.
– T’es si en manque ? chuchote-t-elle d’un ton railleur en s’approchant de moi.
Malgré la chaleur qui se diffuse jusqu’à mes oreilles, je garde un air sérieux.
– Tu t’entends bien, avec ta mère ?
La question semble la prendre au dépourvu. Clignant des yeux, elle réfléchit puis soupire.
– Elle… Je sais qu’elle nous aime, Dante et moi, mais… Elle aurait aimé un fils hétéro et une fille dans les lignes droites, tu comprends ?
J’acquiesce, sans vraiment savoir ce que ça fait de ne pas grandir comme ses parents l’auraient aimé.
– Quand je suis entrée au collège, je n’étais pas de ces filles qui commencent à devenir coquettes, à vouloir mettre du maquillage et des vêtements mignons pour attirer les regards. Moi, j’adorais les jeans larges et les sweats à capuche. J’avais les cheveux longs, mais je les ai teints en rouge, ce qui a failli rendre folle dingue ma mère. On dirait moi. :lol: (À part que ma mère à moi m'a demandé s'il me restait de la teinture violette pour se faire une mèche aussi :lol: )
Je ris, imaginant facilement les cheveux hirsutes et les yeux écarquillés de Mme McKinney en voyant sa fille débarquer avec sa chevelure écarlate.
– Ce n’est que récemment que j’ai pris plaisir à m’habiller comme… je le voulais vraiment.
Ce faisant, elle montre les rubans dans ses tresses et son collant déchiré. Elle n’a pas fait d’effort spécial pour son anniversaire et porte un short noir et un t-shirt à l’effigie de Pink Floyd.
J’ai soudain envie de la serrer contre moi et de l’embrasser.
– Enfin, voilà quoi, conclut-elle en haussant les épaules. On est un peu en froid, en ce moment, mais c’est passager. ‘Fin, j’espère.
– Et ton père ?
Ses yeux noisette volent jusqu’à celui-ci puis reviennent sur moi.
– C’est un ange, mon père, sourit-elle. Il s’est vite rendu compte que mon côté garçon-manqué et l’a accepté. Pour ce qui est de mon goût pour la peinture, le dessin… Il dit toujours que j’ai un don précieux et que je dois tout faire pour le garder.
Son regard bascule vers la chambre, où Lily Rose et Dante discutent à voix basse.
– Pour Dan… Papa a appris par hasard qu’il préférait les gars. Un jour, Dante et moi, on en discutait. On devait être en quatrième. On se pensait seul. Mais papa était à la maison, dans sa chambre, et il a entendu notre conversation. (Elle mordille sa lèvre inférieure, ce qui fait monter mon cœur dans ma gorge.) Lorsqu’il a débarqué dans le salon, j’ai vraiment eu peur. Je me suis imaginé les pires horreurs possibles. Qu’il allait prendre Dante par le col et le lancer contre un mur. L’insulter, lui dire qu’il ne l’aimait plus, qu’il avait honte, qu’il n’était pas son fils, qu’il était sale et contre-nature. J’ai même cru qu’il allait le foutre dehors à treize ans.
Elle expire un grand coup en fermant les paupières.
– Mais, très calmement, je m’en rappelle, il est venu s’asseoir entre nous deux, sur le canapé. Il a passé un bras derrière nos épaules et il nous a serré contre lui. Il nous a dit qu’on était ses anges, ses joyaux, ses précieux cadeaux de la nature. Maman et lui ont eu des difficultés pour nous avoir, alors notre arrivée, des jumeaux en bonne santé en plus, les a ravis. Il n’a jamais cessé de nous aimer. Même si je devenais pas la jolie petite fille qu’il s’était imaginée avoir, même si mon gringalet de frère n’était pas un tombeur d’adolescentes en émoi. On a compris ce jour-là qu’on pourrait compter éternellement sur lui. C'est officiel, j'adore ce papa. :)
C’est si touchant que j’en ai l’estomac retourné. Cette crainte de ne pas grandir comme ses parents ont en envie, je ne l’ai jamais connue. Mais je l’imagine bien. Il me suffit de me remémorer la déception dans les yeux d’obsidienne de Mark pour avoir la gorge bloquée. Ce sentiment qu’on n’est pas comme on le devrait, qu’on déçoit ceux qui ont tout fait pour nous.
Sans vraiment m’en rendre compte, j’attire Jess à moi. Son souffle tiède vient caresser mon cou. Fébrilement, je laisse ma main glisser sur sa taille. Je sens sous ma paume sa hanche généreuse, le creux de son flanc, la courbure de son dos. Toutes ces formes murmurent des images tièdes à mon esprit et je les chasse d’un clignement des yeux.
– Désolé.
J’enlève ma main, mais elle la retient en souriant.
– Il y a peu de règles avec moi, Zachary Gibson. Mais la principale que tu dois connaître – et dont tu dois avoir déjà conscience – c’est que tu n’as rien de moi sans mon consentement.
Elle se hausse sur la pointe des pieds pour effleurer mes lèvres. Son souffle frémit contre le mien sans qu’elle daigne m’en donner plus.
– Je te connais, je sais que tu mesures chacun de tes actes. (Elle farfouille dans mes yeux, ce qui met toujours plus à mal mon calme.) Je sais que, chaque fois que je te touche, ton cœur s’emballe.
Avec un sourire moqueur, elle presse sa paume contre ma poitrine.
– Là, tu le sens ? (Du bout des doigts, elle chasse une boucle de mes cheveux derrière mon oreille, me faisant frémir.) Et ces frissons dès ma peau touche la tienne.
Elle met mes nerfs à rude épreuve, la malicieuse. Elle le sait.
Alors que je penche la tête, elle recule avec agilité. J’en grognerais de frustration.
Ses yeux brillent comme des pépites dans la semi-obscurité et ses dents scintillent sous ses lèvres rouges.
– Si je n’ai pas envie que tu me serres dans tes bras, alors tu resteras seul, OK ? lance-t-elle d’un ton badin en s’adossant au mur, en face de moi. J'ai l'impression qu'il y a un truc qui va pas.
Je hoche la tête.
– Si je n’ai pas envie de t’embrasser, alors que tu garderas pour toi tes envies. J'ai l'impression qu'il y a un truc qui va vraiment pas.
Agacé, j’acquiesce. Qu’est-ce qu’elle s’imagine ?
– Si je n’ai pas envie de coucher avec toi, alors tu dégageras de ma chambre sans un mot, compris ? Ok, elle, elle a eu un souci.
Son ton est devenu gelé. Ses yeux durs comme la pierre.
Un sceau :arrow: "seau" ;) d’eau froide me tombe dessus et mes genoux manquent de céder.
Devant mon expression atterrée, sa voix se fait toujours plus rauque.
– Oui, je t’ai chauffé, Zach. Oui, je me comporte mal en faisant ça. (Elle se redresse et plonge les yeux dans les miens.) En seconde, je suis tombée amoureuse. C’était un chouette type, un gars qui faisait plus attention aux cours que les autres. Il était intelligent, bienveillant, et plutôt mignon. C’était mon premier amour. Et un connard, clairement.
Mon cœur bat comme un forcené. Mais c’est un sang gelé qu’il envoie dans mon corps.
– Il te ressemblait. Comme toi, il était très réservé, il faisait attention à ses gestes. Il m’embrassait délicatement, il me touchait que lorsqu’il était sûr que j’étais d’accord.
Mes mains tremblent et mon ventre me fait mal. Une peur viscérale me vrille le corps.
– Il y a un an, pour mes seize ans, je l’ai invité. (Son regard noisette reste calme tandis qu’elle lâche les mots avec une précision mortelle : ) Si Dante n’avait pas été là, il m’aurait violée.
Soudain, je n’ai plus envie d’entendre la suite. Je ne veux plus rien savoir, je ne veux plus qu’elle me regarde fixement comme ça, alors qu’elle explique sa douloureuse expérience.
Bordel, comment peut-elle penser ça de moi ?
Pourquoi pas ? AH NON.
Non, non. NON.
Non, je ne suis pas comme ça.
Je sais ce que ça fait d’être brisé, je le ferais vivre à personne !

Alors que Jess ouvre la bouche, je la bouscule et m’en vais. Je préfère ne pas avoir son amour plutôt que de l’avoir en sachant qu’elle craint que je la viole.

Comme je n’ai pas envie de sortir, je me contente d’aller me réfugier dans mon duvet, sur le matelas que les jumeaux m’ont préparé dans le bureau familial. J’entends Lily Rose et Dante m’appeler, mais je les ignore.
– Laissez-moi tranquille ! cinglé-je en les entendant entrer dans la pièce.
Mon ton les dissuade d’essayer une nouvelle fois. La porte se ferme, avale la lumière et me laisse seul avec mon cœur cassé.

Des heures se sont écoulées. À mon propre étonnement, je n’ai pas pleuré. Je suis trop gelé pour ça. Ce n’est pas un froid physique, c’est dans la tête. Ce froid que tu as quand une personne que tu apprécies t’a trahi. Ce froid quand tu sais que quelque chose de violent s’est produit près de toi sans que tu en aies eu conscience à ce moment-là. Ce froid qui empêche la passion des larmes et durcit les cœurs. Je connais. :?

Alors que mon cerveau en bouillie m’entraîne vers le sommeil, la porte grince. Je ne bouge pas. Un poids creuse mon matelas et une silhouette s’installe à côté de moi.
Je me retiens de frissonner de surprise quand une main caresse mes cheveux.
– Pardon, souffle Jessica d’une voix morne. Pardon.
Mon cœur se remet à battre. Il m’envoie des vagues de peur, d’espoir, de honte, d’amour.
– Pardon, chuchote-t-elle une dernière fois d’un ton qui laisse présager de futures larmes. Tu ne méritais pas ça.
Elle pose ses lèvres sur la peau fine de ma tempe et se lève.
Alors qu’elle s’apprête à sortir de la pièce, peut-être même de ma vie, je la retiens.
– Jessica, attends.
J’inspire un grand coup.
– Reviens, s’il te plaît.
Comme elle reste sans bouger, j’ajoute d’une voix tremblante :
– S’il te plaît.
Ses pas légers reviennent vers moi.
– Je ne te forcerai jamais à rien, murmuré-je dans l’obscurité.
– Il disait la même chose.
– Mais j’ai une conscience, moi ! crié-je soudain de colère en me redressant.
Je tombe nez à nez avec elle et remarque alors qu’elle tient une lampe de poche à la main. Ses traits tirés m’apprennent qu’elle n’a pas non plus fermé l’œil de la nuit. Et son regard sombre qu’elle ne me croît guère.
– J’ai tué des gens, Jessica, c’est vrai, continué-je en plantant mes yeux dans les siens. Mais…
Ma voix tremble, trébuche et s’étrangle. Avec rage, j’abats mon poing dans mon matelas.
– Comme ce type, je suis peut-être un monstre. Mais, moi, j’ai conscience de l’être.
Comme elle ne dit rien, je me rallonge sur le matelas.
– Tout ce que j’ai à t’offrir, c’est le pauvre morceau de cœur qu’il me reste. Mais c’est inutile si tu ne peux pas me faire confiance.
Son silence me rend dingue.
– Bon sang ! fulminé-je en agrippant mon duvet. Si c’est pour rien dire, va-t’en ! Si tu me vois vraiment comme un monstre capable de te faire du mal, alors lève-toi et mets fin à ce qui a commencé entre nous.
Mais elle ne se lève pas, ce qui me met presque en rogne. La respiration hachée, j’attends dans un silence glacial ce qu’elle va décider pour nous deux.
Je sens mon matelas se creuser de nouveau sous son poids puis ses lèvres sur ma joue. Surpris, je tourne la tête et sa bouche épouse la mienne. Comme à chaque fois qu’elle m’embrasse, mon cœur s’agite et mon ventre remue. Ses lèvres délicieuses me feraient presque tout oublier. Presque :(
Sans délicatesse, je la prends par les épaules et la repousse.
– Non, Jessica, susurré-je en la toisant. Non.
Lorsqu’elle comprend que je ne veux pas de ses baisers, elle écarquille les yeux. Puis elle les baisse.
– Est-ce que… je peux au moins dormir à côté de toi ?
Renfrogné, je hausse les épaules et m’allonge de nouveau sur le flanc, du côté où je ne la vois pas. Je l’entends se relever, traverser la pièce, puis revenir quelques secondes plus tard. Son oreiller à côté du mien, enroulée dans sa couverture, Jessica s’allonge contre moi, dos à dos.
– Peut-être que, demain matin, ce sera fini, souffle-t-elle.
Parle-t-elle de notre dispute ? Si elle pense que je vais oublier si rapidement…
– Mais sache que j’ai aimé les rares moments qu’on a passés ensemble.
Elle parle de notre relation. Aiche. :cry:
– Moi aussi, avoué-je au bout de quelques secondes.
Résolue, elle ne répond rien.

Je finis par m’endormir. Cette nuit, je rêve que je suis un vieil homme qui n’a plus qu’un feu pour se réchauffer. Mais les flammes, malgré mes efforts, ne se ravivent pas. Elles meurent.
Mon cœur se flétrit quand les braises disparaissent définitivement dans un dernier souffle cruel.
Ok. J'ai un peu le même ressenti que toi à l'enterrement d'Ekrest, ce chapitre n'est pas à proprement parler triste à pleurer, mais il laisse une sorte de vide…




66
Aller de l'avant



J’ouvre les yeux avec difficulté, les paupières collantes. La lumière matinale filtre par les volets de l’unique fenêtre. Lorsque je remue les membres pour réveiller mon corps, je sens quelqu’un contre moi. Surpris, je me tourne brusquement et dévisage la silhouette immobile de Jessica. Elle dort encore. Contrairement à la chaleur qui m’envahit la poitrine quand je la vois d’habitude, c’est un éclat glacé qui se loge dans mon cœur. Elsa est passée par là ? :lol:
Sans l’observer plus longtemps, je me redresse en me frottant délicatement les yeux. Ils sont encore douloureux du week-end dernier. Avec un soupir, j’observe la poussière danser dans les raies :arrow: "rais" de lumière.
– Debout ? souffle une voix depuis la porte.
C’est Dante, qui me sourit de manière complice.
– J’arrive, chuchoté-je en m’extrayant du duvet.
Je récupère mon portable, que j’ai éteint pour la nuit, enfile ma veste de la veille et le rejoins. Dante ferme la porte derrière nous puis fait un petit mouvement de tête.
– Jess nous a dit que vous aviez eu une dispute. (Il m’adresse un regard entendu.) Vous avez réglé ça sur l’oreiller ? Ce n'est pas exactement la bonne réponse, pour le coup. :?
Le regard que je lui jette fait voler en éclat :arrow: manque le s ;) son sourire.
– Pardon, murmure-t-il en baissant les yeux. Je… pensais pas que c’était sérieux.
– C’est sérieux, approuvé-je d’un ton grave. Elle…
Agacé, je jure tout bas puis me dirige vers le salon. Je n’ai pas envie d’en parler.
La pièce est vide ; nous sommes les seuls debout.
– Vous avez regardé le film ?
– Oui, mais Lily Rose s’est endormie devant et Jessica était ailleurs, alors j’ai coupé avant la fin. On s’est couché :arrow: Je crois qu'il manque un s et puis c’est tout.
– OK.
Je vais m’installer sur le canapé et allume mon téléphone. Dante vient s’asseoir à côté de moi, l’air penaud. La maison est plongée dans le silence.
– Vous allez vous séparer ? Yup.
Un rire nerveux s’échappe de ma gorge tandis que j’agrippe nerveusement mon portable.
– On sort même pas ensemble.
– C’est comme si.
– Je croyais aussi.
Ma voix fataliste lui fait lever les yeux.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? Jess nous a dit que vous vous étiez disputés, mais elle a rien voulu dire d’autre.
– Je sais pas trop, avoué-je avec un haussement d’épaules. On est allé chercher le DVD, je lui ai posé des questions sur vos parents, puis… (Je soupire, mais me force à reprendre.) On a commencé à s’embrasser et, soudain, elle m’a parlé de son ancien copain. Ça part toujours en cacahuètes quand on commence à mentionner les ex. :lol:
Je sens Dante se raidir à mes côtés. Son visage est pâle dans la lumière crue du matin et ses yeux luisent d’un éclat de peur.
– Elle…
– … m’a expliqué, continué-je pour lui.
– Et… ?
Incapable de la refouler, une vague de colère frustrée m’étreint la poitrine.
– Et je n’ai pas envie de partager des sentiments avec une fille qui a peur de moi.
Dante se mord la lèvre, cherche quelque chose à me dire, mais ne trouve rien.
– Je pourrai lui faire toutes les promesses du monde, ça ne servira à rien si elle ne me fait pas confiance. (Devant son expression lasse, j’ajoute avec irritation : ) Oui, je sais, elle lui faisait confiance aussi.
– Je sais pas quoi te dire…
– Moi non plus. Ça me rend dingue. Qu’est-ce que je peux apporter à une fille qui a peur des hommes ?
– Je sais pas. (Il ajoute d’un ton léger : ) Au moins, moi, j’ai pas ce souci.
– Arrête, cinglé-je avec colère, c’est pas drôle. Et tu pourrais très bien tomber amoureux d’une personne qui a aussi vécu un traumatisme de ce genre. Homme ou femme.
Le regard apeuré qu’il me jette ne fait qu’augmenter mon malaise.
Je tourne la tête sur le côté et croise les bras. Ma façon maladroite de faire comprendre que je ne veux plus discuter.

Une heure et demie plus tard, je déjeune en compagnie des parents McKinney, de Dante et Lily Rose. Jessica ne s’est pas encore levée, mais nos hôtes nous ont conseillés de ne pas l’attendre pour manger. Daniel McKinney nous fait des œufs brouillés, Alicia le café, et Dante coupe un ananas. Lily et moi mettons la table. Bonne répartition des tâches. Et là, Jessica va arriver, ne rien faire, et manger tranquille. :lol:
Nous venons de terminer le repas lorsque mon portable vibre dans ma poche. Je m’excuse auprès de mes amis et pars m’installer vers le hall d’entrée pour plus de tranquillité.
– Allô ? fait Mark d’un air hésitant. Ça va, je te réveille pas ?
– Non, t’inquiète, je suis debout depuis un moment.
– Tant mieux. Dis, j’ai Elena à la maison, là. (Il laisse planer un instant de silence, s’attendant peut-être à une réponse, mais je n’en ai pas.) Euh, elle voudrait discuter avec toi. Si je passe te chercher dans une demi-heure, ça te va ? J'crois qu'il sera ravi.
– Oui, parfait. À tout.
Je raccroche sans attendre sa réponse.

Avant l’arrivée de Mark, Dante me propose de lancer un jeu sur sa console. Comme Mark n’a jamais été très enthousiasmé par les écrans de tout genre, j’ai rarement eu l’occasion de tâter des jeux vidéo. Au bout de cinq parties perdues, je repose ma manette avec un soupir fataliste.
– T’auras l’occasion de te rattraper, tente de me réconforter Dante en tapotant mon épaule.
– Mouais.
J’entends une chaise racler derrière moi puis Daniel McKinney lancer d’un ton amusé :
– Enfin debout, marmotte ?
Je me ratatine sur le canapé. Les pas de Jessica sont légers sur le parquet, mais je les entends s’approcher de nous.
– Salut Dan, marmonne-t-elle d’une voix empâtée en lâchant une tape légère sur le crâne de son frère.
Un moment de silence. Je ne sais pas si elle me regarde. Je ne l’espère pas.
Finalement, je l’entends faire demi-tour pour se diriger vers ses parents et les saluer.

Dante vient d’éteindre la console quand mon portable vibre de nouveau dans ma poche. Un message de Mark pour me dire qu’il attend en bas de l’immeuble.
– Euh, je dois y aller, annoncé-je avec gêne en observant les parents McKinney.
– Oh, tu rentres déjà ?
– Oui, on a des invités à la maison, alors…
Lily me jette un regard étonné, mais ne dit rien. Le père des jumeaux m’adresse un sourire.
– Pas la peine de t’expliquer. C’était un plaisir de te recevoir à la maison avec Lily Rose.
– Merci encore de l’accueil. Et pour cette soirée géniale.
Je tends mon poing vers Dante, qui tape ses phalanges presqu’aussitôt contre les miennes. Avant que je ne m’approche, Lily Rose se lève et vient me serrer dans ses bras. Elle en profite pour murmurer à mon oreille :
– Je suis désolée pour Jess. La prescience de cette fille est incroyable quand même. :roll:
Elle n’a pas le temps d’en dire plus, mais ça me suffit amplement. Je la serre une dernière fois avec vigueur puis la lâche. Son regard est comme vidé d’énergie. Un étouffant sentiment de culpabilité m’attrape la poitrine.
Je salue les parents McKinney puis tombe sur Jessica. Ses cheveux rouges sont emmêlés de sa nuit de sommeil, ses yeux gonflés et ses traits tirés. Mais elle reste belle, dans sa façon d’être, naturelle, brute, franche.
Pauvre de moi.
Tremblant, je fais l’effort de m’approcher d’elle. Elle garde les yeux baissés tandis que je dépose du bout des lèvres un bisou de politesse sur sa joue.
Je m’écarte d’elle aussitôt comme s’il s’agissait d’une source de chaleur brûlante.
Avec rapidité, je chausse mes baskets, enfile mon manteau, fais un geste de la main à mes hôtes et amis puis quitte l’appartement.

Le chemin du retour jusqu’à Daree se fait en silence jusqu’à ce que Mark se gare dans l’allée de la maison. Il coupe le moteur, mais bloque les portières.
– Mark ? soufflé-je avec interdiction, les sourcils froncés.
Il pose un regard grave sur moi.
– Est-ce que ça va ?
Ma gorge se serre et je détourne les yeux, la main toujours sur la poignée de la portière.
– Je me suis disputé avec Jessica. Tu peux ouvrir ? Elena nous attend.
– Elena va te chambouler encore plus que tu ne l’es déjà. Tu ferais mieux de reprendre tes esprits ou tu vas craquer, Zachary. C'est pas totalement faux.
Une pression d’une tonne s’abat sur mes épaules déjà avachies. Serrant les dents, j’arrondis le dos dans un geste futile de défense.
– Ça va aller ? s’enquiert Mark au bout d’un moment.
Évidemment que non. Mais ceci dit, il va y aller quand même.
Je lui jette un regard qui traduit assez bien mes pensées, déverrouille moi-même les portières et sors.

Elena sirote un thé à la menthe en observant les bibliothèques du salon. Visiblement plongée dans sa découverte des livres, elle ne me remarque que lorsque je m’éclaircis la gorge, planté derrière elle. Avec un petit sursaut, elle se retourne, puis me dévisage d’un air mortifié.
– Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
Elle pose sa tasse sur la table et s’y appuie, comme si la vision de mon visage meurtri l’avait ébranlée.
– Je me suis fait tabasser par des camarades de classe, je réponds sans détournement. Les gars qui me harcèlent depuis deux ans. Et il balance ça au calme. :roll:
J’entends les pas de Mark derrière moi puis sa paluche On dirait un ours. :lol: s’abat sur mon épaule.
– Assieds-toi, Zach. Elena veut te parler d’autre chose.
Celle-ci se redresse, pâle comme un linge, puis souffle avec consternation :
– N-Non. Je ne veux pas t’embêter avec tout ça alors que tu es convalescent. (Elle prend place en face de moi à la table.) Je… suis désolée pour ce qui t’est arrivé.
Feignant l’indifférence, je hausse les épaules. Elle mordille sa lèvre tandis que ses yeux sombres détaillent les dégâts de mon visage.
– Oliver ne va pas te reconnaître… murmure-t-elle pour elle-même.
– Il a encore envie de me voir ? lâché-je d’un ton blasé.
Elle blêmit un peu plus en comprenant que je l’ai entendue. Puis elle referme les mains sur sa tasse, l’air pensif.
– Oui. C’est justement pour ça que je suis ici.
Comme Mark revient de la cuisine avec un plateau, elle tourne la tête vers lui. Son visage se détend et son regard se fait bienveillant tandis qu’elle le suit des yeux. Je la soupçonne d’être aussi venue pour autre chose. Mais nan voyons. 8-)
L’air grave, elle retourne son attention vers moi.
– On aimerait organiser une rencontre avec Oliver le week-end prochain, à Denver si possible.
Je m’y attendais, mais ça ne m’empêche pas de me sentir dépassé. Puis-je rencontrer cet homme pour de bon ? En suis-je capable ? Est-ce que je le souhaite vraiment ?
Mark pousse une tasse sous mon nez, accompagnée de deux biscuits secs. Je n’ai envie ni de l’un, ni de l’autre. Mais la politesse me fait goûter la boisson chaude et grignoter un bout de gâteau.
– Vas-y, Zach, déclare finalement Mark.
– Quoi ? m’étonné-je en lui jetant un regard interdit.
– C’est l’occasion ou jamais. Au pire, on passera une journée tranquille à visiter Denver, au mieux, tu feras la rencontre de l’homme que tu cherches depuis des années. C'est vrai qu'il n'a rien à perdre.
Bizarrement, je sens une pointe d’indignation me parcourir.
– Je ne le cherchais pas.
Mark me jette un regard agacé.
– Certes. Il n’empêche que l’identité de tes parents biologiques reste un des grands points sombres de ta vie et qu’éclaircir ce fait ne peut pas forcément te faire du mal.
Il n’a pas tort. Comme bien souvent.
– Il vaut peut-être mieux que tu y ailles avec Mark, en effet, souffle d’une voix douce Elena en me souriant. Comme il l’a dit, si le courant ne passe pas entre Oliver et toi, on est pas obligés de forcer la chose. C’est afin de faire connaissance. (Elle pose ses doigts sur ma main et j’ai soudain besoin de tendresse. Fichus sentiments.) On ne s’engage à rien, Zachary. Juste une discussion autour d’un café. Et Mark sera là avec toi pour t’encourager.
Silencieux, je hoche la tête. Ça me semble être un marché correct.
– Puis, rien n’est encore prouvé, trouve bon d’ajouter Mark d’une voix ferme.
– Prouvé ? s’enquiert Elena en portant sa tasse à ses lèvres.
– Biologiquement parlant.
– Oh, lâche-t-elle après avoir avalé une gorgée. Oui, bien sûr. On… pourra peut-être faire des tests ADN quand Oliver et Zachary auront fait connaissance.
– Oui.
Je sens le regard de Mark peser sur moi.
– Zach, va donc te coucher.
Surpris, je le dévisage puis indique l’horloge.
– Il est même pas midi.
– Oui, et tu fais une tête de cent pieds de long. (Il agite la main.) Va te reposer, je viendrais te réveiller pour le repas.
– Ça vous… dérange pas ? demandé-je en les observant tour à tour.
– Pas du tout, me rassure Elena avec un sourire bienveillant.
– Si je te propose, c’est que non, marmonne Mark d’un ton bourru en secouant la tête. Allez, ouste ! Dégage, j'ai une nana à draguer. (Mais du coup, imaginons que Mark et Elena se mettent en couple… Elle devient sa tante et sa belle-mère ? :? )
Sans me faire prier, je quitte la table et monte à ma chambre. Avant de fermer la porte, je vois, en contrebas, la chaise d’Elena se rapprocher de celle de Mark.
Je crois que mon état de santé n’est pas la seule raison pour laquelle Mark m’a congédié. Il veut faire un Monopoly ? :mrgreen:
Heyo !

J'étais un peu à la bourre sur les deux derniers chapitres, donc je t'ai fait un combo (bon courage pour répondre :P ).
Je vois ce que tu veux dire pour le 65, la transition entre la Jessica amoureuse qu'on a eue les quelques derniers chapitres précédents et celle-ci, glaciale et blessée, est un peu brusque. Mais le truc, c'est que comme on n'a jamais eu vraiment le temps de voir Zach et Jess ensemble (on a eu une ou deux scènes où ils communiquaient vraiment), donc la rupture n'est pas aussi douloureuse qu'elle aurait pu l'être.
Bon. Parlons de Jess, maintenant. :| Je la comprends. Ça doit être vraiment traumatisant, comme expérience, surtout qu'au bout du compte, tout dépendait d'une seule personne. Mais d'un autre côté… Pauvre Zach. Je veux dire, lui qui cherche tant à se racheter depuis cinq ans, voilà qu'il se prend ça en pleine figure. Du coup, je suis un peu sceptique sur Jess dans son ensemble. Le truc, c'est que comme l'histoire est majoritairement centrée sur Zach, on n'a pas vraiment l'occasion de la voir, et donc de commencer à deviner, ce qui laisse l'effet un peu brusque, et donc peut-être un p'tit peu maladroit, de la révélation dans ce chapitre. Là, j'ai un peu eu l'impression de voir une allumeuse, qui joue avec un mec blessé parce qu'elle souffre elle-même, et c'est pas cool.

Par contre, le chapitre 66 est vraiment top. La douleur, la froideur, la distance maladroite qu'ils établissent entre eux… C'est vraiment pénible à lire tant c'est réaliste. Et puis, en parallèle, on commence à voir un début de liaison entre Mark et Elena, et ça apaise un peu toute cette souffrance du début, donc c'est vraiment sympa.

Au niveau grammaire et orthographe, je crois que j'ai tout dit dans mon comm. La narration es toujours aussi fluide, les descriptions des émotions de Zach sont vraiment bien retransmises… bref, rien à dire de ce côté là.

Bref. Tout ça pour dire que c'était bien :D
Bizouz, à bientôt !
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :
louji a écrit :Bonjour, bonjour :) Je risque de plutôt poster les samedis pour les deux mois à venir, car je suis en stage et je bosse le samedi alors le vendredi, j'ai tendance à le zapper... Bref, on met un point final à la confrontation des chapitres précédents ^^



63
D’os et de sang



Le lendemain de mon agression est brumeux. T'es pas en pleine forme ? Comment ça se fait ? :arrow: Je vois pas de quoi tu parles 8-)
La première fois que j’ouvre les yeux, la panique s’empare de moi. Je ne suis pas dans mon lit. Après quelques secondes d’observation, je reconnais la chambre de Mark. Stupéfait, je fixe l’armoire en bois sombre en face de moi, perdu et la respiration sifflante. Je ne porte qu’un caleçon. Gêné d’être si peu vêtu, je me blottis sous la couette, non sans remarquer les bandages qui enserrent mes côtes douloureuses.
À peine une minute plus tard, Mark entre dans ma chambre, des boîtes de médicaments et une tasse fumante dans les mains. Des valises ont élu domicile sous ses yeux. J'adore cette tournure ! :) :arrow: Merci ! :)
– Tu en fais du remue-ménage, soupire-t-il en allant déposer le café sur la table de nuit. Tu vas faire bouger tes bandages, imbécile, ajoute-t-il alors que je me tortille sous la couette, mal à l’aise.
– Il est réveillé ? lance la voix de Sofia depuis le couloir.
– Quoi, tu l’as pas entendu ? raille Mark en se tournant vers elle alors que l’urgentiste entre, un bol entre les mains. Il a remué comme une anguille en se réveillant.
Plutôt que de relever la moquerie, les yeux verts de Sofia me toisent d’un air troublé.
– Tes bandages sont trop serrés ?
J’essaie de lui répondre, mais ma gorge est sèche. Avec une grimace, je tends le bras vers la tasse. Je remarque une photo de la famille Grace sur la table de nuit, ce qui ralentit mon geste.
– Attends, tu vas en mettre de partout, marmonne Mark en récupérant le café avant que je ne l’atteigne. Laisse-moi t’aider.
À ces mots, je lui jette un regard désabusé et il me rend une expression tout aussi irritée.
– Je sais. Mais je préfère insulter ta dignité plutôt que de laver mes draps. :lol:
Avec un grognement, je capitule et le laisse s’asseoir à côté de moi pour m’aider à boire. Quand j’ai avalé quelques gorgées brûlantes, je m’éclaircis la gorge.
– Mes côtes me font mal.
– Ah bon ? ironise Mark d’un air faussement étonné.
Agacé, je le fusille du regard, mais il se contente de rouler des yeux. Avant que je ne reprenne, il susurre :
– Ces salauds t’ont froissé les côtes. Ils ont failli te casser le nez et la mâchoire. (Il s’adresse à Sofia : ) Dis-lui, toi, que t’as failli faire une attaque en le voyant.
– C’est vrai, souffle-t-elle d’une voix lasse en s’asseyant sur un fauteuil dans le coin de la pièce. C’était :arrow: "Il était" plutôt, non ? :arrow: Bon, je suis allée chercher sur Internet, car mettre "Il est/était" devant une heure me fait grincer des dents, car je trouve ça super moche :lol: Et j'étais étonnée car, que ce soit dans ma famille ou parmi mes amis, on dit jamais "Il est quelle heure ?" ou "Il est 2h de l'aprem" mais bel et bien "c'est...". Sauf que la partie rationnelle de mon cerveau me souffle que "Il est/était..." est vraisemblablement plus juste :roll: Du coup, "c'est/c'était" devant une heure, c'est une variante régionale, j'ai l'explication hallelujah 0/ En revanche, je sais pas du tout si je laisse comme ça ou si je corrige... Déjà que je me force à enlever mes "y" :cry: presque deux heures du matin quand je suis arrivée ici. Mark m’a dit qu’il t’avait trouvé comme ça.
Elle pose un regard grave sur moi.
– Zachary, pourquoi tu as refusé d’aller à l’hôpital ? Heureusement que Mark et moi avions du matériel, tu aurais pu mourir cette nuit.
– Mourir ? marmonné-je d’un air moqueur.
– Oui, tonne Sofia avec colère. Tu pouvais à peine respirer avec tout ce sang dans ta gorge, ta bouche et ton nez ! Sans parler des hématomes sur tes côtes. Tu te rappelles la sensation de ton poumon perforé après l’accident ?
Une boule de douleur se coince derrière ma langue. Évidemment, que je me rappelle.
– Ben tu y as échappé de justesse, siffle-t-elle, les yeux luisants. Avec quoi tes agresseurs t’ont blessé ? Tu as de ces marques sur le corps… Et si tu voyais ton visage dans un miroir, tu prendrais peur.
Soudain fébrile, je baisse la tête. Elle a raison : j’ai mal de partout. J’ai l’impression d’avoir le haut du corps en charpie et le visage en compote.
– Je suis si défiguré que ça ?
Les deux adultes échangent un regard.
– Plus que la dernière fois où tu t’es fait agresser, explique Mark d’une voix rauque.
Misérable dans mon lit, je ne réponds pas. Si ça se trouve, cette fois, je ne récupérerais pas une tête normale. À cette pensée, perfide, inutile, et, pourtant, d’une importance non négligeable, je sens les larmes me monter aux yeux.
Qu’ai-je fait pour mériter leur haine ? Rien. Ils sont débiles, c'est pas de ta faute. :arrow: Mon p'tit Zachounet :?

– Zach ?
Sofia. Elle est inquiète. Avec un soupir, je secoue la tête.
– Ça va.
Je sais que je ne les dupe pas – plus. Malgré tout, ils restent silencieux, acceptent de me laisser tranquille pour l’instant.
– Comme tu as perdu beaucoup de sang, évite de te lever, de marcher, bois et mange, m’informe Sofia en se redressant. J’ai donné des consignes à Mark pour s’occuper de toi et, au pire, je suis de l’autre côté de la route.
– OK, je réponds laconiquement.
Pensive, elle m’observe un moment puis s’approche de moi. Elle m’enlève la tasse de café des mains puis plante un regard ferme dans le mien.
– Zachary, cette fois, ils ne s’en sortiront pas.
Les yeux baissés, je ne dis rien. Comprenant que je ne cèderais :arrow: céderai ;) :arrow: Merci ! pas, elle marmonne tout bas puis effleure ma mâchoire.
– Prends soin de toi.
Elle dépose une bise sur la joue de Mark et sort de la chambre. Étonné, je dévisage Mark, qui est toujours installé au bord du lit.
– Tu ne la raccompagnes pas ?
– Elle connaît le chemin.
– Oui, mais…
– Zach, me coupe-t-il en se tournant vers moi, il faut que tu me parles.
– Tout de suite ?
– Oui.
Anxieux, j’agrippe la couette de mes mains. Les bandages qui les enserrent provoquent une douleur dont je me passerais bien.
Devant le regard implacable de Mark, je commence mon récit.

Je ne réalise que l’on est dimanche que lorsque je récupère mon téléphone pour le faire charger. La gorge nouée, j’efface de mon journal les appels manqués de Mark. Ah, Elena ! Elle m’a laissé un message dans lequel elle explique qu’il faut que je la joigne dès que possible pour qu’on discute de son frère. Merde, j’ai oublié de prévenir Mark qu’il était venu me voir. Tout s’est enchaîné si vite !
Alors que je trainasse au lit, ne sachant quoi faire des douleurs qui me lancent des orteils aux oreilles, une bonne odeur de cuisine me monte aux narines.
Poussé par la faim, je me lève et marche maladroitement jusqu’au couloir. Petit détour par la salle de bains pour y laver mes mains. Mon reflet fugace dans les miroirs n’accroche d’habitude pas mon regard. Aujourd’hui, si. Figé, j’observe les gonflements, les rougeurs, les bleus, les bosses qui modèlent mon visage meurtri. Mon œil gauche est à peine ouvert et rougi. Mon nez est croûté de sang, mes lèvres fendues et boursouflées, mes joues enflées. J’ai des bosses sur le front et sur le bas du visage. Mortifié par cette vision, je garde le menton baissé pour me laver les mains. L’eau se teinte de rouge. Et, encore, les bandages couvrent une partie des dégâts. Bon. Ça a l'air d'aller plutôt bien, en fait. :roll: :arrow: Oui, il est amoché, mais ça aurait pu être biiiiien pire


– Si cet Oliver Dent est ton père, et que tu veux vivre à ses côtés, je… comprendrais parfaitement. Pas la peine de te prendre la tête, Mark, ça m'a l'air mal parti. :arrow: Il s'inquiète un peu quand même :? (Je fronce les sourcils, mais il poursuit en posant une main sur ma jambe : ) Mais j’aimerais tout de même t’avoir près de moi de temps en temps. Quand tu quitteras la maison pour tes études… J’aimerais qu’on garde contact. Qu’on continue à se voir.
Stupéfait, je tourne la tête vers lui, pour le voir orienté vers la fenêtre, comme s’il fuyait mon regard.
– Je ne couperai pas les ponts avec toi, Mark, annoncé-je d’une voix mortifiée. Jamais. Je… C’est toi qui m’as élevé après l’accident il y a cinq ans. Quoi qu’en dise la génétique, c’est toi mon père, Mark. Ça changera pas après mes dix-huit ans. Awww ! ♡ :arrow: Ouais, même eux, ils sont capables de se dire des choses tendres :roll:
Je le vois courber les lèvres en petit sourire, comme rassuré.
– Ça me fait plaisir d’entendre ça. (Il se lève brusquement.) Aller, repose-toi et évite de penser à tout ça.
Facile à dire. Pas si facile à faire. Belle fin de chapitre :) :arrow: Merci ! J'avais peur que ça fasse bateau ou cucul :roll:




64
Fureur




L’appréhension me compresse la poitrine lorsque j’aperçois Lily Rose près de mon casier. Elle guette visiblement mon arrivée. Au moment où son regard tombe sur moi, je vois son visage s’illuminer. Puis ses yeux s’assombrissent et ses traits se crispent d’effroi.
Salut, Lily, ça va ? Bon week-end ? Mon visage ? T’inquiète, rien de grave. Nan, c'est juste ton ex qui avait passé une sale journée, il a décidé de se vider sur moi. :arrow: Pas mal pas mal :lol:
Décidément, je ne peux pas y aller comme ça.
Elle est blanche comme un linge lorsque je m’arrête près d’elle. En silence, elle détaille mon visage meurtri. Elle sait. Elle comprend. Elle met les pièces du puzzle en place.
Un éclair de colère s’allume dans ses yeux verts. Ses traits si doux, si charmants, se froissent comme du papier et elle pince sévèrement les lèvres. Elle me fait penser à Sofia.
– Ils vont payer. Mouais. J'aimerais bien, mais j'ai pas confiance en l'auteure. :arrow: Meh. Quand même :cry:
Sa voix est terriblement rauque.
Soudain, les larmes me montent aux yeux. Pris au dépourvu, je me tourne et ouvre mon casier précipitamment. Mes mains tremblent et j’essuie rageusement les gouttes fourbes qui envahissent mes joues. Je me déteste.
– Zach ? (La main de Lily Rose se pose sur mon bras.) Zach…
Des sanglots secs et silencieux secouent mes épaules. Mes lèvres obstinément pincées refusent de laisser sortir la vérité. J’inspire un souffle tremblant, agrippe nerveusement la porte de mon casier. J’ai envie de disparaître, d’être un gamin qui peut chialer impunément. Mais c’est la poisse de sangloter au lycée à dix-sept ans.
Avec une respiration hachée, j’essaie de reprendre le contrôle de mes nerfs. Le visage entre les mains, j’exécute trois longues inspirations avant d’expirer mes dernières larmes.
OK, c’est bon. Tout va bien.
Non, merde, j’suis mort de trouille. Je veux pas qu’ils me trouvent. Ils vont me faire mal. Ils vont me tuer, ces malades. Ces démons. Oh, chaton… :cry: :arrow: Oui :?
La tête blonde de Lily Rose se glisse sous mon bras et elle enlace délicatement – comme si elle avait compris pour mes côtes douloureuses – mon torse. :arrow: J'aurais plus mis l'incise en fin de phrase, pour la rythmique. :arrow: Yep !
Elle ne dit rien. Je lui en suis reconnaissant.
À mon tour, je la serre contre moi et plonge le nez dans ses cheveux. Ils sentent bon l’été. Ils sentent la jeune fille des voisins, celle qui m’adressait de timides sourires lorsque j’étais encore en béquilles. L’adolescente joviale, tendre et attentionnée, qui a accepté de discuter avec moi, de me regarder dans les yeux – alors que j’étais un meurtrier – et de m’accorder du temps. Je me rappelle la première fois qu’elle a glissé sa main dans la mienne, l’air très sérieux, et qu’elle a soufflé « T’es pas un monstre. »
Elle est ma sauveuse, ma première véritable amie.
Lily. Rose.
Mon été. Lily chérie, je t'aime ! ♡ :arrow: J'aime l'autre Lily aussi, même si elle est dans une passe difficile en ce moment :v

– Sale fils de pute, crache une voix détestablement familière dans mon dos. Oh, il me fatigue, lui ! :arrow: J'aimerais faire un Ctrl + F "Anthony" puis "Suppr" sur mon fichier :lol: J’en étais sûr.
Lily Rose s’extrait brutalement de mes bras, l’air déconfit. Elle a les yeux rouges et les traits défaits. Je n’ai pas besoin de tourner la tête – j’en n’ai pas envie. Anthony.
– Vous vous amusez bien, tous les deux ? Vous vous êtes tournés autour pendant des années et c’est maintenant que vous vous décidez ? (Son ton rageur m’arrache des sueurs froides incontrôlables. J’ai l’impression d’être transporté cinq jours en arrière, quand il me martelait de coups de batte.) Ben quoi, Lily Rose ? Tu voulais pas de moi dans ton lit, mais ce tueur de gosses, tu veux bien le baiser ?
Ses propos crus me donnent la nausée. Toujours dos à lui, je n’ai pas la force de lui faire face. Il me contrôle et il le sait. Ce salaud manipulateur me rend lâche et faible.
– C’est toi, Anthony ?
La voix calme de Lily Rose me surprend. Quelques élèves présents dans le couloir nous dévisagent avec appréhension. Une aura froide et dangereuse plane au-dessus de nous. La gorge comprimée, je tourne les talons.
Anthony pose ses yeux glacials sur moi et une peur irrationnelle s’empare de mon âme.
– C’est toi qui as fait ça à Zach ? Qui l’a défiguré ?
Il ne répond pas tout de suite, se contentant de la dévisager sans gêne. Puis il fronce le nez en souriant.
– Ouep. Si calme. :lol: :arrow: Gros taré :roll: (Il fait rouler ses épaules sous sa veste en cuir de marque.) C’était marrant. Tu sais quel bruit fait le métal contre l’os, Lily ? PLAC. Et mon pied dans le nez de ton connard de copain ? CRAC. Et quand je marche dans son sang ? SPOUITCH.
Et il hurle de rire. Il me regarde. J’ai envie de vomir.
– Tu te rappelles, mon Zachounet ? CRAC ! PLAC ! SPOUITCH, SPOUITCH ! T’as eu mal en te réveillant ? T’as senti tes côtes brisées, tes yeux enflés, ton visage déglingué ?
Mes lèvres tremblent. Non. Tout mon corps tremble. D’effroi.
Ce salaud me tient sous sa coupe.

Un silence mortifié nous tombe dessus. Les autres lycéens observent Anthony avec consternation. Bah, les pauvres. Ils le prenaient pour le gars cool, intelligent, populaire… CRAC son image. J'aime bien le parallèle :D Je crois qu’il s’en fout, à présent. Il veut se venger, il veut me faire payer.
Soudain, Lily Rose pousse un cri féroce et se précipite vers son ex petit-ami. J’essaie de la retenir, mais je suis paralysé par la peur.
Anthony bloque avec une facilité enrageante ses bras et les lève au-dessus de la tête de Lily Rose, qui se crispe.
– Oh, ma jolie. Ma jolie, gentille et intelligente Lily Rose. Ma chère petite-amie. (Elle s’agite et il pouffe.) Oups, pardon, ancienne petite-amie. Tu crois quoi ?
Le sourire d’Anthony disparaît et un frisson de terreur m’envahit. Lily Rose… Non, pas Lily Rose.
– Que ton joli minois va mettre à tes pieds les garçons ? Ta gentillesse les filles et ton intelligence les universités ? (Il penche son visage à quelques centimètres de Lily Rose. Je l’entends gémir.) Pauvre idiote. Ton visage et ton corps te vaudront d’être violée au fond d’une ruelle, les gens censés profiteront de ta gentillesse et ton intelligence ne t’enlève pas pour autant ta foutue naïveté ! Mais quel fils de… :evil: :arrow: Je suis contente de te faire subir cette frustration, j'ai la même avec Kaiser (mais en pire, car je comprends toujours pas ses motivations :evil: )
– Lâche-moi ! crie-t-elle en gesticulant.
– Pourquoi ? Pourquoi ? Merde, qu’est-ce qu’il a, ce pauvre type ? Il rase les murs, il baisse les yeux, il peine à suivre les cours, il est fragile. Pourquoi lui ? Hein, Lily ? Parce que toi, tu es con.
Il parle de moi. Je n’ose pas le regarder. La honte m’étouffe. Il fait du mal à Lily Rose et je le laisse faire. Je suis aussi minable qu’il le laisse entendre.
– Je suis déçu, reprend Anthony d’un ton lointain. On s’entendait bien, toi et moi. On était un joli couple. Puis, t’as tout cassé.
J’ai tout cassé ? répète-t-elle d’une voix outragée. Espèce de salaud, c’est toi qui as brisé notre amour ! Tu t’es comporté comme un enfoiré égoïste, tu as fait du mal à Zach. C’est évident que je ne voulais plus de toi !
Zach, Zach, Zach, raille Anthony d’une voix suraiguë avant de secouer mon amie comme un poirier. Mais ferme-la, sale truie ! Tu sais ce que c’est, ton Zach ? Tu sais ce qu’il a fait, Lily Rose ? Tu en as conscience ?
– Mieux que toi !
Il éclate d’un rire mauvais. Toujours planté près de mon casier, je le regarde s’en prendre à Lily sans réagir. Je suis un minable, un faible, un pleutre bon-à-rien.
– Il a tué une femme et deux fillettes, Lily Rose ! Quelle ordure est capable d’un tel crime ? Elles avaient sept ans, Lily Rose ! Ce connard était alcoolisé et drogué. J'avais zappé cette phrase à la première lecture, j'ai d'autant plus envie de frapper Anthony maintenant, parce qu'on dirait que c'est lui qui est drogué, actuellement. :arrow: Ivre de rage et de jalousie, ça lui va très bien, en effet :?
– Six.
Ma voix s’est envolée toute seule. À ma grande surprise, elle est ferme.
Soudain encouragé par mon crime impardonnable, je lève les yeux et marche vers eux.
– Holly et Jade avaient six ans, Anthony.
Stupéfait, il me regarde approcher, la bouche entrouverte. Dans ta gueule, connard. :arrow: Pour que toi, tu en viennes à de tels mots, il doit vraiment te rendre dingue :lol:
– Je les ai tuées en les renversant en voiture.
Comme si elle allait le protéger, Anthony dresse la silhouette de Lily Rose sur mon chemin. Mais quel fumier ! :o :shock: :arrow: Et là, on a ton Emma dans la place :lol:
– J’ai tué leur mère du même coup.
Sans prêter attention aux paroles chuchotées à toute vitesse par mes camarades, ignorant de même le regard haineux d’Anthony, j’enchaîne :
Je le sais. Mieux que quiconque. J’étais là, je l’ai vu, vécu. C’est inscrit dans ma tête, dans mon sang, dans mes putains de cauchemars.
Chassant ma peur, ma honte, ma faiblesse, je fais face à Anthony, à mon ennemi, à mon foutu démon.
– Tu ne sais rien, Anthony. Rien de moi, rien de Lily Rose. Cesse d’agir comme si c’était le cas. Ouais, je suis une ordure, j’ai tué des gens. Je sais. Je sais, putain. Je me le pardonnerai jamais, personne ne me pardonnera.
J’écarte les bras.
– Mais je vais tout faire pour me racheter. Je peux pas le faire si tu m’en laisses pas l’opportunité. Je peux pas le faire si tu te laisses dévorer par la jalousie. Alors, Anthony, s’il te plaît, arrête. Ignore-moi, laisse Lily Rose être heureuse et fais ta vie de ton côté.
Essoufflé, je laisse retomber mes bras.
Alors, sans crier gare, Anthony jette Lily Rose au sol et lève le pied. MAIS ESPÈCE DE SALE PETIT FILS DE PUTE, CRÈVE EN ENFER ! :arrow: Apportez un nuage de douceur et de fluff pour Sarah...
– NON ! hurlé-je en bondissant.
J’ai le temps d’apercevoir le visage horrifié de mon amie. Je ne l’arrêterai pas à temps.

Soudain, une main agrippe l’épaule d’Anthony et l’attire en arrière.
– Ça suffit, mec. T’en as fait assez.
Nick. BAH QUOI ? T'as un soudain regain de conscience, toi ?! :arrow: C'est le plus sensé des deux disons :? Le visage fermé, il retient son ami par l’épaule. Comme il le dépasse d’une tête, Anthony ne fait pas mine de se rebeller.
– Bandes de merdes, siffle-t-il avant de cracher à quelques centimètres du visage de Lily Rose.
Avant de partir, il m’observe.
Je n’ai jamais vu tant de haine dans un regard. Même Mark me haïssait moins après l’accident.

Sans pouvoir m’en empêcher, je tombe à genoux à côté de Lily Rose, la prends dans mes bras et la hausse contre mon épaule. Elle s’agrippe à moi comme si j’étais une bouée de secours et pleure.
J’ai le cœur si vide que mes larmes en sont taries. Mon p'tit chat, on ouvre le Hug Zach Squad pour te remettre d'aplomb. :arrow: Va falloir organiser le planning avec Lily, Kal, Ness & co...


louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit :
louji a écrit :Bonzoir !
Deux nouveaux chapitres, dont un plutôt important par rapport au personnage de Jess... Je suis en revanche assez perplexe pour le chapitre 65, car j'ai le sentiment qu'il est maladroit :? N'hésitez pas à me donner votre avis :)




65
Anniversaire



Après notre confrontation enflammée avec Anthony, les jumeaux ont tenté de nous soutenir, Lily Rose et moi, mais la douleur est restée poignante toute la journée et les deux qui ont suivi. Mon cœur ne s’est allégé que lorsque la sonnette de la maison a retenti samedi matin. C’était Dante, pour m’annoncer que Jessica et lui fêtaient leurs dix-sept ans aujourd’hui. Je suis resté planté comme un idiot devant lui, me maudissant de ne pas leur avoir demandé leur date d’anniversaire plus tôt. Dante a avoué qu’il n’était pas prévu que sa sœur et lui fassent quoi que ce soit, mais qu’ils avaient changé d’avis à la suite des événements de la semaine passée. Lorsqu’il m’a annoncé, avec son sourire éclatant, que ça lui ferait plaisir si Lily et moi passions la journée chez eux, j’ai manqué m’effondrer de soulagement. La complicité et la simplicité de l’amitié était tout ce dont j’avais besoin. Pourquoi je sens que ça va merder ? :? :arrow: T'as un bon flair 8-)

Pendant qu’il allait me chercher, Jess est allée voir Lily Rose, qui a accepté avec joie. La mère des jumeaux nous attendait dans la voiture et nous nous sommes tous retrouvés près de l’auto. J’ai adressé un signe de la main et un sourire un peu crispé à Mme McKinney, qui m’a salué en retour. Quand elle m’a vu, Lily Rose m’a serré dans ses bras et j’ai fait de même. Quant à Jessica, elle m’a fait la bise et c’est tout. J’ai été peiné sur le coup, car elle s’était montrée très proche les trois derniers jours. Puis j’ai fait fonctionner mon pauvre cerveau et j’ai compris qu’elle souhaitait peut-être garder nos moments d’intimité pour nous et ne pas s’exposer devant sa mère et ses amis. Comme je la comprends… :arrow: Clairement ^^'
Comme il est plus mince que sa sœur, Dante est passé au milieu et Lily Rose et moi nous sommes installés à ses côtés.
« Bonjour Mme McKinney, a lancé Lily avec enthousiasme. C’est très gentil de nous inviter chez vous, merci beaucoup. »
« Oui, merci beaucoup » ai-je ajouté précipitamment d’un ton mal assuré.
« Avec plaisir, les jeunes » a-t-elle soupiré avant de lancer la voiture sur la route.

Nous avons déjeuné avec les jumeaux et leurs parents un très bon gratin de pommes de terre accompagné de poulet mariné au curry. En dessert, nous avons servi le gâteau que j’avais apporté avec quelques fruits de saison. À mon grand soulagement, c’était mangeable.
Les autres ont dit que c’était délicieux, mais je ne les ai pas vraiment crus. Mais arrête de te dévaloriser ! :evil: :arrow: Il fait des efforts, mais c'est encore dur :roll:

En fin d’après-midi, ils nous laissent enfin tranquilles et nous nous installons dans la chambre que partagent les jumeaux. Ils n’ont pas encore déménagé, mais les procédures sont en cours. Bientôt, ils seront nos voisins à Daree.
– Désolé, souffle Dante en nous jetant un regard circulaire. Je pensais pas qu’ils allaient autant t’interroger, Zach.
– Pas de soucis, lâché-je en secouant la tête. Ils… Ça me semblait important qu’ils en sachent plus sur moi.
– Je n’aurais pas cru que tu leurs dirais pour… la famille Grace, intervient Lily Rose en posant une main sur ma cuisse.
Son regard plein d’empathie et d’amour m’étrangle la gorge. J’inspire difficilement, prends ses doigts entre les miens, puis explique en observant les jumeaux :
– Vos parents veulent juste votre bien. Ils savaient déjà que j’avais tué des gens. Je voulais qu’ils apprennent comment ça s’était passé, pourquoi Mark m’a adopté et comment on s’en sort tous les deux aujourd’hui.
Je serre fort la main de Lily Rose et lui adresse un regard empli de reconnaissance. Elle rougit légèrement.
– Et je voulais qu’ils connaissent les personnes grâce auxquelles je m’en suis sorti.
Soudain, elle pince les lèvres, baisse les yeux, puis les relève, tremblante. Je place sa main contre mon cœur.
– Merci. Merci, Lily Rose.
– Espèce de crétin, siffle-t-elle, les yeux larmoyants. Et, après, ça ose se traiter de monstre. (Elle m’enlace soudain et son front tape ma joue. Je l’entends renifler.) J’espère que tu seras heureux toute ta vie, imbécile. Je l'espère aussi, mais je suis sceptique, vu comment on est partis. :arrow: Rho, t'es pas très optimiste :roll:
J’essaierai.
Elle finit par me lâcher. Les jumeaux nous observent avec tendresse.
– D’ailleurs, reprend Lily avec une grimace, je n’ai pas eu le temps d’aller acheter vos cadeaux, à tous les deux. Mais, promis, la semaine pro, je les aurais !
– Tu savais que c’était leur anniversaire, aujourd’hui ? chuchoté-je, étonné.
– Bah oui.
Je me sens rougir.
– Euh… Je n’ai pas de cadeau non plus. Et, euh, c’est… C’est parce que je ne savais pas.
– Pas grave ! me rassure Dante avec un sourire.
Après quoi, nous discutons de tout et de rien. Surtout de rien, car le « tout » nous effraie : l’avenir, le harcèlement, les cours, nos familles…

Alors que le soleil se couche, Jessica va chercher un paquet de chips et un autre de bonbons tandis que Dante ramène des boissons et des gobelets. Les grands classiques ne vieillissent jamais :mrgreen: :arrow: Jamais :mrgreen:
Nous nous servons chacun à notre tour et je profite d’un instant de silence pour lâcher ce qui m’envahit l’esprit depuis des jours :
– J’ai peur.
Mes amis s’arrêtent soudain de boire ou manger pour me dévisager.
– Si encore il n’y avait qu’Oliver Dent, lâché-je en serrant les mains en poings. Je sais même pas ce que je dois faire pour lui. Alors avec Anthony et les autres ?
Je lève les yeux pour chercher les leurs. Leurs visages sont crispés et effrayés dans la pénombre de la chambre. Néanmoins, leur silence m’invite à poursuivre.
– Anthony m’a promis qu’il me tuerait. Et je crois qu’il le souhaite vraiment.
J’effleure avec hésitation mon visage.
– Bientôt, il me fera assez de mal pour que je me relève pas.
Soudain, j’entends un grognement sourd à côté de moi. Lily Rose, dont les yeux semblent bouillir, a la mâchoire serrée et les poings crispés.
– Tout ça parce qu’il est jaloux de toi, susurre-t-elle en secouant la tête. Pauvre type !
– Jaloux ? s’étonne Dante en se penchant vers nous.
– Oui. Au début, je pensais que c’était parce qu’il avait du mal à accepter mon amitié avec Lily à cause… de ce que j’ai fait par le passé. Ça me semblait crédible, et je comprenais ses intentions. Je n’arrivais pas à le détester. Comment détester quelqu’un qui cherche à vous éloigner des autres, car il vous sait capable de malheurs ? Bref… Je crois que notre animosité a commencé ainsi. Après…
Furtivement, j’observe Lily Rose, qui casse des morceaux de chips entre ses doigts fins. La fureur est perceptible. :lol: :arrow: Elle détend ses nerfs comme elle peut :lol:
– Lorsqu’il a vu que Lily Rose continuait à me fréquenter, voire plus qu’avant, il s’est énervé.
– Ça m’arrive aussi d’être énervée, intervient Jessica. C’est pas pour autant que je tabasse à presque-mort les gens.
– Je sais, mais…
– Zach, tu lui cherches des excuses, m’interrompt Jess en secouant la tête. Anthony doit être puni pour toutes les violences, physiques ou psychologiques, qu’il t’a fait subir.
Dante et Lily approuvent de la tête, les traits crispés. De nouvelles secondes s’écoulent dans un silence froid et tendu.
– Les gars, lâche soudain Jessica en tapant dans ses mains, ça vous dit un film ?
– Film d’horreur ! approuve son frère en se levant brusquement. J'ai vu la Malédiction de la Dame Blanche récemment. :lol: :arrow: Il est bien ? :) J'ai regardé Shining hier, ça fait pas peur, mais c'est un classique à voir :D
– Oh non, gémit Lily Rose en pinçant les lèvres.
Je souris.
– Je refuse le film d’horreur, réplique Jessica. Film d’aventure ?
– Dans une civilisation étrangère ? propose Lily, déjà plus détendue.
– Aller. Je vais voir si je nous dégote ça ! (Jess me tend la main.) Tu viens ?
Conscient qu’elle m’offre un moment rien que pour nous deux, j’accepte volontiers. Awww ♡

Nous ne nous lâchons pas tandis que nous traversons le couloir pour rejoindre le salon. Ses parents sont en train de regarder la télévision, alors Jessica desserre soudainement ses doigts des miens et passe derrière le canapé d’un pas tranquille. Je la suis, un peu moins à l’aise.
– Vous allez regarder un film ? nous demande son père en se tournant vers sa fille alors qu’elle farfouille dans leur réserve de DVDs. J’ai entendu Dante crier « film d’horreur ».
– Oui, mais non, marmonne Jessica en secouant la tête. On a opté pour de l’aventure.
– De l’aventure, hein, répète son père en passant son regard de Jess à moi.
Je me sens devenir brûlant et me détourne, gêné.
– Papa, maugrée Jess en se relevant, un DVD à la main. Allez, bonne nuit ! Je t'aime, mais dégage s'il te plaît :lol: :arrow: "T'es gênant"
Daniel McKinney tapote sa joue et, après avoir roulé des yeux, sa fille va y déposer un bisou. Elle n’embrasse néanmoins pas sa mère, qui la regarde à peine s’en aller.
Avant qu’on ne rejoigne la chambre, je la prends par le poignet.
– T’es si en manque ? chuchote-t-elle d’un ton railleur en s’approchant de moi.
Malgré la chaleur qui se diffuse jusqu’à mes oreilles, je garde un air sérieux.
– Tu t’entends bien, avec ta mère ?
La question semble la prendre au dépourvu. Clignant des yeux, elle réfléchit puis soupire.
– Elle… Je sais qu’elle nous aime, Dante et moi, mais… Elle aurait aimé un fils hétéro et une fille dans les lignes droites, tu comprends ?
J’acquiesce, sans vraiment savoir ce que ça fait de ne pas grandir comme ses parents l’auraient aimé.
– Quand je suis entrée au collège, je n’étais pas de ces filles qui commencent à devenir coquettes, à vouloir mettre du maquillage et des vêtements mignons pour attirer les regards. Moi, j’adorais les jeans larges et les sweats à capuche. J’avais les cheveux longs, mais je les ai teints en rouge, ce qui a failli rendre folle dingue ma mère. On dirait moi. :lol: (À part que ma mère à moi m'a demandé s'il me restait de la teinture violette pour se faire une mèche aussi :lol: ) :arrow: Mais non ?! Trop bien !! :mrgreen: :lol: T'as les cheveux de quelle couleur actuellement ? :lol:
Je ris, imaginant facilement les cheveux hirsutes et les yeux écarquillés de Mme McKinney en voyant sa fille débarquer avec sa chevelure écarlate.
– Ce n’est que récemment que j’ai pris plaisir à m’habiller comme… je le voulais vraiment.
Ce faisant, elle montre les rubans dans ses tresses et son collant déchiré. Elle n’a pas fait d’effort spécial pour son anniversaire et porte un short noir et un t-shirt à l’effigie de Pink Floyd.
J’ai soudain envie de la serrer contre moi et de l’embrasser.
– Enfin, voilà quoi, conclut-elle en haussant les épaules. On est un peu en froid, en ce moment, mais c’est passager. ‘Fin, j’espère.
– Et ton père ?
Ses yeux noisette volent jusqu’à celui-ci puis reviennent sur moi.
– C’est un ange, mon père, sourit-elle. Il s’est vite rendu compte que mon côté garçon-manqué et l’a accepté. Pour ce qui est de mon goût pour la peinture, le dessin… Il dit toujours que j’ai un don précieux et que je dois tout faire pour le garder.
Son regard bascule vers la chambre, où Lily Rose et Dante discutent à voix basse.
– Pour Dan… Papa a appris par hasard qu’il préférait les gars. Un jour, Dante et moi, on en discutait. On devait être en quatrième. On se pensait seul. Mais papa était à la maison, dans sa chambre, et il a entendu notre conversation. (Elle mordille sa lèvre inférieure, ce qui fait monter mon cœur dans ma gorge.) Lorsqu’il a débarqué dans le salon, j’ai vraiment eu peur. Je me suis imaginé les pires horreurs possibles. Qu’il allait prendre Dante par le col et le lancer contre un mur. L’insulter, lui dire qu’il ne l’aimait plus, qu’il avait honte, qu’il n’était pas son fils, qu’il était sale et contre-nature. J’ai même cru qu’il allait le foutre dehors à treize ans.
Elle expire un grand coup en fermant les paupières.
– Mais, très calmement, je m’en rappelle, il est venu s’asseoir entre nous deux, sur le canapé. Il a passé un bras derrière nos épaules et il nous a serré contre lui. Il nous a dit qu’on était ses anges, ses joyaux, ses précieux cadeaux de la nature. Maman et lui ont eu des difficultés pour nous avoir, alors notre arrivée, des jumeaux en bonne santé en plus, les a ravis. Il n’a jamais cessé de nous aimer. Même si je devenais pas la jolie petite fille qu’il s’était imaginée avoir, même si mon gringalet de frère n’était pas un tombeur d’adolescentes en émoi. On a compris ce jour-là qu’on pourrait compter éternellement sur lui. C'est officiel, j'adore ce papa. :) :arrow: Ça fait du bien d'en voir des comme ça :roll:
C’est si touchant que j’en ai l’estomac retourné. Cette crainte de ne pas grandir comme ses parents ont en envie, je ne l’ai jamais connue. Mais je l’imagine bien. Il me suffit de me remémorer la déception dans les yeux d’obsidienne de Mark pour avoir la gorge bloquée. Ce sentiment qu’on n’est pas comme on le devrait, qu’on déçoit ceux qui ont tout fait pour nous.
Sans vraiment m’en rendre compte, j’attire Jess à moi. Son souffle tiède vient caresser mon cou. Fébrilement, je laisse ma main glisser sur sa taille. Je sens sous ma paume sa hanche généreuse, le creux de son flanc, la courbure de son dos. Toutes ces formes murmurent des images tièdes à mon esprit et je les chasse d’un clignement des yeux.
– Désolé.
J’enlève ma main, mais elle la retient en souriant.
– Il y a peu de règles avec moi, Zachary Gibson. Mais la principale que tu dois connaître – et dont tu dois avoir déjà conscience – c’est que tu n’as rien de moi sans mon consentement.
Elle se hausse sur la pointe des pieds pour effleurer mes lèvres. Son souffle frémit contre le mien sans qu’elle daigne m’en donner plus.
– Je te connais, je sais que tu mesures chacun de tes actes. (Elle farfouille dans mes yeux, ce qui met toujours plus à mal mon calme.) Je sais que, chaque fois que je te touche, ton cœur s’emballe.
Avec un sourire moqueur, elle presse sa paume contre ma poitrine.
– Là, tu le sens ? (Du bout des doigts, elle chasse une boucle de mes cheveux derrière mon oreille, me faisant frémir.) Et ces frissons dès ma peau touche la tienne.
Elle met mes nerfs à rude épreuve, la malicieuse. Elle le sait.
Alors que je penche la tête, elle recule avec agilité. J’en grognerais de frustration.
Ses yeux brillent comme des pépites dans la semi-obscurité et ses dents scintillent sous ses lèvres rouges.
– Si je n’ai pas envie que tu me serres dans tes bras, alors tu resteras seul, OK ? lance-t-elle d’un ton badin en s’adossant au mur, en face de moi. J'ai l'impression qu'il y a un truc qui va pas. :arrow: Effectivement :v
Je hoche la tête.
– Si je n’ai pas envie de t’embrasser, alors que tu garderas pour toi tes envies. J'ai l'impression qu'il y a un truc qui va vraiment pas. :arrow: T'as bien sniffé le début de chapitre :lol:
Agacé, j’acquiesce. Qu’est-ce qu’elle s’imagine ?
– Si je n’ai pas envie de coucher avec toi, alors tu dégageras de ma chambre sans un mot, compris ? Ok, elle, elle a eu un souci.
Son ton est devenu gelé. Ses yeux durs comme la pierre.
Un sceau :arrow: "seau" ;) :arrow: Ce sceau va me hanter encore un moment je crois :roll: Merci ! d’eau froide me tombe dessus et mes genoux manquent de céder.
Devant mon expression atterrée, sa voix se fait toujours plus rauque.
– Oui, je t’ai chauffé, Zach. Oui, je me comporte mal en faisant ça. (Elle se redresse et plonge les yeux dans les miens.) En seconde, je suis tombée amoureuse. C’était un chouette type, un gars qui faisait plus attention aux cours que les autres. Il était intelligent, bienveillant, et plutôt mignon. C’était mon premier amour. Et un connard, clairement. :arrow: Un loup dans un agneau :?
Mon cœur bat comme un forcené. Mais c’est un sang gelé qu’il envoie dans mon corps.
– Il te ressemblait. Comme toi, il était très réservé, il faisait attention à ses gestes. Il m’embrassait délicatement, il me touchait que lorsqu’il était sûr que j’étais d’accord.
Mes mains tremblent et mon ventre me fait mal. Une peur viscérale me vrille le corps.
– Il y a un an, pour mes seize ans, je l’ai invité. (Son regard noisette reste calme tandis qu’elle lâche les mots avec une précision mortelle : ) Si Dante n’avait pas été là, il m’aurait violée.
Soudain, je n’ai plus envie d’entendre la suite. Je ne veux plus rien savoir, je ne veux plus qu’elle me regarde fixement comme ça, alors qu’elle explique sa douloureuse expérience.
Bordel, comment peut-elle penser ça de moi ?
Pourquoi pas ? AH NON. :arrow: L'estime de soi hein :roll:
Non, non. NON.
Non, je ne suis pas comme ça.
Je sais ce que ça fait d’être brisé, je le ferais vivre à personne !

Alors que Jess ouvre la bouche, je la bouscule et m’en vais. Je préfère ne pas avoir son amour plutôt que de l’avoir en sachant qu’elle craint que je la viole.

Comme je n’ai pas envie de sortir, je me contente d’aller me réfugier dans mon duvet, sur le matelas que les jumeaux m’ont préparé dans le bureau familial. J’entends Lily Rose et Dante m’appeler, mais je les ignore.
– Laissez-moi tranquille ! cinglé-je en les entendant entrer dans la pièce.
Mon ton les dissuade d’essayer une nouvelle fois. La porte se ferme, avale la lumière et me laisse seul avec mon cœur cassé.

Des heures se sont écoulées. À mon propre étonnement, je n’ai pas pleuré. Je suis trop gelé pour ça. Ce n’est pas un froid physique, c’est dans la tête. Ce froid que tu as quand une personne que tu apprécies t’a trahi. Ce froid quand tu sais que quelque chose de violent s’est produit près de toi sans que tu en aies eu conscience à ce moment-là. Ce froid qui empêche la passion des larmes et durcit les cœurs. Je connais. :? :arrow: :?

Alors que mon cerveau en bouillie m’entraîne vers le sommeil, la porte grince. Je ne bouge pas. Un poids creuse mon matelas et une silhouette s’installe à côté de moi.
Je me retiens de frissonner de surprise quand une main caresse mes cheveux.
– Pardon, souffle Jessica d’une voix morne. Pardon.
Mon cœur se remet à battre. Il m’envoie des vagues de peur, d’espoir, de honte, d’amour.
– Pardon, chuchote-t-elle une dernière fois d’un ton qui laisse présager de futures larmes. Tu ne méritais pas ça.
Elle pose ses lèvres sur la peau fine de ma tempe et se lève.
Alors qu’elle s’apprête à sortir de la pièce, peut-être même de ma vie, je la retiens.
– Jessica, attends.
J’inspire un grand coup.
– Reviens, s’il te plaît.
Comme elle reste sans bouger, j’ajoute d’une voix tremblante :
– S’il te plaît.
Ses pas légers reviennent vers moi.
– Je ne te forcerai jamais à rien, murmuré-je dans l’obscurité.
– Il disait la même chose.
– Mais j’ai une conscience, moi ! crié-je soudain de colère en me redressant.
Je tombe nez à nez avec elle et remarque alors qu’elle tient une lampe de poche à la main. Ses traits tirés m’apprennent qu’elle n’a pas non plus fermé l’œil de la nuit. Et son regard sombre qu’elle ne me croît guère.
– J’ai tué des gens, Jessica, c’est vrai, continué-je en plantant mes yeux dans les siens. Mais…
Ma voix tremble, trébuche et s’étrangle. Avec rage, j’abats mon poing dans mon matelas.
– Comme ce type, je suis peut-être un monstre. Mais, moi, j’ai conscience de l’être.
Comme elle ne dit rien, je me rallonge sur le matelas.
– Tout ce que j’ai à t’offrir, c’est le pauvre morceau de cœur qu’il me reste. Mais c’est inutile si tu ne peux pas me faire confiance.
Son silence me rend dingue.
– Bon sang ! fulminé-je en agrippant mon duvet. Si c’est pour rien dire, va-t’en ! Si tu me vois vraiment comme un monstre capable de te faire du mal, alors lève-toi et mets fin à ce qui a commencé entre nous.
Mais elle ne se lève pas, ce qui me met presque en rogne. La respiration hachée, j’attends dans un silence glacial ce qu’elle va décider pour nous deux.
Je sens mon matelas se creuser de nouveau sous son poids puis ses lèvres sur ma joue. Surpris, je tourne la tête et sa bouche épouse la mienne. Comme à chaque fois qu’elle m’embrasse, mon cœur s’agite et mon ventre remue. Ses lèvres délicieuses me feraient presque tout oublier. Presque :(
Sans délicatesse, je la prends par les épaules et la repousse.
– Non, Jessica, susurré-je en la toisant. Non.
Lorsqu’elle comprend que je ne veux pas de ses baisers, elle écarquille les yeux. Puis elle les baisse.
– Est-ce que… je peux au moins dormir à côté de toi ?
Renfrogné, je hausse les épaules et m’allonge de nouveau sur le flanc, du côté où je ne la vois pas. Je l’entends se relever, traverser la pièce, puis revenir quelques secondes plus tard. Son oreiller à côté du mien, enroulée dans sa couverture, Jessica s’allonge contre moi, dos à dos.
– Peut-être que, demain matin, ce sera fini, souffle-t-elle.
Parle-t-elle de notre dispute ? Si elle pense que je vais oublier si rapidement…
– Mais sache que j’ai aimé les rares moments qu’on a passés ensemble.
Elle parle de notre relation. Aiche. :cry: :arrow: Ouais :?
– Moi aussi, avoué-je au bout de quelques secondes.
Résolue, elle ne répond rien.

Je finis par m’endormir. Cette nuit, je rêve que je suis un vieil homme qui n’a plus qu’un feu pour se réchauffer. Mais les flammes, malgré mes efforts, ne se ravivent pas. Elles meurent.
Mon cœur se flétrit quand les braises disparaissent définitivement dans un dernier souffle cruel.
Ok. J'ai un peu le même ressenti que toi à l'enterrement d'Ekrest, ce chapitre n'est pas à proprement parler triste à pleurer, mais il laisse une sorte de vide… :arrow: Ah, ouais :v Heureusement que j'étais persuadée qu'Ekrest était en vie, d'ailleurs :c




66
Aller de l'avant



J’ouvre les yeux avec difficulté, les paupières collantes. La lumière matinale filtre par les volets de l’unique fenêtre. Lorsque je remue les membres pour réveiller mon corps, je sens quelqu’un contre moi. Surpris, je me tourne brusquement et dévisage la silhouette immobile de Jessica. Elle dort encore. Contrairement à la chaleur qui m’envahit la poitrine quand je la vois d’habitude, c’est un éclat glacé qui se loge dans mon cœur. Elsa est passée par là ? :lol: :arrow: Elle est venue avec ses petites ailes 8-)
Sans l’observer plus longtemps, je me redresse en me frottant délicatement les yeux. Ils sont encore douloureux du week-end dernier. Avec un soupir, j’observe la poussière danser dans les raies :arrow: "rais" :arrow: Argh, merci de lumière.
– Debout ? souffle une voix depuis la porte.
C’est Dante, qui me sourit de manière complice.
– J’arrive, chuchoté-je en m’extrayant du duvet.
Je récupère mon portable, que j’ai éteint pour la nuit, enfile ma veste de la veille et le rejoins. Dante ferme la porte derrière nous puis fait un petit mouvement de tête.
– Jess nous a dit que vous aviez eu une dispute. (Il m’adresse un regard entendu.) Vous avez réglé ça sur l’oreiller ? Ce n'est pas exactement la bonne réponse, pour le coup. :? :arrow: Très maladroit même :?
Le regard que je lui jette fait voler en éclat :arrow: manque le s ;) :arrow: Cer-mi ! son sourire.
– Pardon, murmure-t-il en baissant les yeux. Je… pensais pas que c’était sérieux.
– C’est sérieux, approuvé-je d’un ton grave. Elle…
Agacé, je jure tout bas puis me dirige vers le salon. Je n’ai pas envie d’en parler.
La pièce est vide ; nous sommes les seuls debout.
– Vous avez regardé le film ?
– Oui, mais Lily Rose s’est endormie devant et Jessica était ailleurs, alors j’ai coupé avant la fin. On s’est couché :arrow: Je crois qu'il manque un s :arrow: Je crois que les 2 orthographes sont possibles mais comme j'ai pris le parti de mettre un "s", autant aller jusqu'au bout :roll: et puis c’est tout.
– OK.
Je vais m’installer sur le canapé et allume mon téléphone. Dante vient s’asseoir à côté de moi, l’air penaud. La maison est plongée dans le silence.
– Vous allez vous séparer ? Yup.
Un rire nerveux s’échappe de ma gorge tandis que j’agrippe nerveusement mon portable.
– On sort même pas ensemble.
– C’est comme si.
– Je croyais aussi.
Ma voix fataliste lui fait lever les yeux.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? Jess nous a dit que vous vous étiez disputés, mais elle a rien voulu dire d’autre.
– Je sais pas trop, avoué-je avec un haussement d’épaules. On est allé chercher le DVD, je lui ai posé des questions sur vos parents, puis… (Je soupire, mais me force à reprendre.) On a commencé à s’embrasser et, soudain, elle m’a parlé de son ancien copain. Ça part toujours en cacahuètes quand on commence à mentionner les ex. :lol: :arrow: Et là particulièrement :lol:
Je sens Dante se raidir à mes côtés. Son visage est pâle dans la lumière crue du matin et ses yeux luisent d’un éclat de peur.
– Elle…
– … m’a expliqué, continué-je pour lui.
– Et… ?
Incapable de la refouler, une vague de colère frustrée m’étreint la poitrine.
– Et je n’ai pas envie de partager des sentiments avec une fille qui a peur de moi.
Dante se mord la lèvre, cherche quelque chose à me dire, mais ne trouve rien.
– Je pourrai lui faire toutes les promesses du monde, ça ne servira à rien si elle ne me fait pas confiance. (Devant son expression lasse, j’ajoute avec irritation : ) Oui, je sais, elle lui faisait confiance aussi.
– Je sais pas quoi te dire…
– Moi non plus. Ça me rend dingue. Qu’est-ce que je peux apporter à une fille qui a peur des hommes ?
– Je sais pas. (Il ajoute d’un ton léger : ) Au moins, moi, j’ai pas ce souci.
– Arrête, cinglé-je avec colère, c’est pas drôle. Et tu pourrais très bien tomber amoureux d’une personne qui a aussi vécu un traumatisme de ce genre. Homme ou femme.
Le regard apeuré qu’il me jette ne fait qu’augmenter mon malaise.
Je tourne la tête sur le côté et croise les bras. Ma façon maladroite de faire comprendre que je ne veux plus discuter.

Une heure et demie plus tard, je déjeune en compagnie des parents McKinney, de Dante et Lily Rose. Jessica ne s’est pas encore levée, mais nos hôtes nous ont conseillés de ne pas l’attendre pour manger. Daniel McKinney nous fait des œufs brouillés, Alicia le café, et Dante coupe un ananas. Lily et moi mettons la table. Bonne répartition des tâches. Et là, Jessica va arriver, ne rien faire, et manger tranquille. :lol: :arrow: Elle arrive plus tard, mais c'est l'idée :lol:
Nous venons de terminer le repas lorsque mon portable vibre dans ma poche. Je m’excuse auprès de mes amis et pars m’installer vers le hall d’entrée pour plus de tranquillité.
– Allô ? fait Mark d’un air hésitant. Ça va, je te réveille pas ?
– Non, t’inquiète, je suis debout depuis un moment.
– Tant mieux. Dis, j’ai Elena à la maison, là. (Il laisse planer un instant de silence, s’attendant peut-être à une réponse, mais je n’en ai pas.) Euh, elle voudrait discuter avec toi. Si je passe te chercher dans une demi-heure, ça te va ? J'crois qu'il sera ravi. :arrow: Ironiquement, oui :roll:
– Oui, parfait. À tout.
Je raccroche sans attendre sa réponse.

Dante vient d’éteindre la console quand mon portable vibre de nouveau dans ma poche. Un message de Mark pour me dire qu’il attend en bas de l’immeuble.
– Euh, je dois y aller, annoncé-je avec gêne en observant les parents McKinney.
– Oh, tu rentres déjà ?
– Oui, on a des invités à la maison, alors…
Lily me jette un regard étonné, mais ne dit rien. Le père des jumeaux m’adresse un sourire.
– Pas la peine de t’expliquer. C’était un plaisir de te recevoir à la maison avec Lily Rose.
– Merci encore de l’accueil. Et pour cette soirée géniale. :arrow: Qui a mal fini, mais y'avait du potentiel :roll:
Je tends mon poing vers Dante, qui tape ses phalanges presqu’aussitôt contre les miennes. Avant que je ne m’approche, Lily Rose se lève et vient me serrer dans ses bras. Elle en profite pour murmurer à mon oreille :
– Je suis désolée pour Jess. La prescience de cette fille est incroyable quand même. :roll: :arrow: Extrême empathie + grande sensibilité :D
Elle n’a pas le temps d’en dire plus, mais ça me suffit amplement. Je la serre une dernière fois avec vigueur puis la lâche. Son regard est comme vidé d’énergie. Un étouffant sentiment de culpabilité m’attrape la poitrine.
Je salue les parents McKinney puis tombe sur Jessica. Ses cheveux rouges sont emmêlés de sa nuit de sommeil, ses yeux gonflés et ses traits tirés. Mais elle reste belle, dans sa façon d’être, naturelle, brute, franche.
Pauvre de moi.
Tremblant, je fais l’effort de m’approcher d’elle. Elle garde les yeux baissés tandis que je dépose du bout des lèvres un bisou de politesse sur sa joue.
Je m’écarte d’elle aussitôt comme s’il s’agissait d’une source de chaleur brûlante.
Avec rapidité, je chausse mes baskets, enfile mon manteau, fais un geste de la main à mes hôtes et amis puis quitte l’appartement.

Le chemin du retour jusqu’à Daree se fait en silence jusqu’à ce que Mark se gare dans l’allée de la maison. Il coupe le moteur, mais bloque les portières.
– Mark ? soufflé-je avec interdiction, les sourcils froncés.
Il pose un regard grave sur moi.
– Est-ce que ça va ?
Ma gorge se serre et je détourne les yeux, la main toujours sur la poignée de la portière.
– Je me suis disputé avec Jessica. Tu peux ouvrir ? Elena nous attend.
– Elena va te chambouler encore plus que tu ne l’es déjà. Tu ferais mieux de reprendre tes esprits ou tu vas craquer, Zachary. C'est pas totalement faux. :arrow: Mark s'amuse pas à extrapoler ou à raconter des bêtises :?
Une pression d’une tonne s’abat sur mes épaules déjà avachies. Serrant les dents, j’arrondis le dos dans un geste futile de défense.
– Ça va aller ? s’enquiert Mark au bout d’un moment.
Évidemment que non. Mais ceci dit, il va y aller quand même. :arrow: Eh oui...
Je lui jette un regard qui traduit assez bien mes pensées, déverrouille moi-même les portières et sors.

Elena sirote un thé à la menthe en observant les bibliothèques du salon. Visiblement plongée dans sa découverte des livres, elle ne me remarque que lorsque je m’éclaircis la gorge, planté derrière elle. Avec un petit sursaut, elle se retourne, puis me dévisage d’un air mortifié.
– Qu’est-ce qui t’est arrivé ?
Elle pose sa tasse sur la table et s’y appuie, comme si la vision de mon visage meurtri l’avait ébranlée.
– Je me suis fait tabasser par des camarades de classe, je réponds sans détournement. Les gars qui me harcèlent depuis deux ans. Et il balance ça au calme. :roll: :arrow: Un peu en train de péter un câble le Zach :v
J’entends les pas de Mark derrière moi puis sa paluche On dirait un ours. :lol: :arrow: Ah c'est totalement ça :lol: s’abat sur mon épaule.
– Assieds-toi, Zach. Elena veut te parler d’autre chose.
Celle-ci se redresse, pâle comme un linge, puis souffle avec consternation :
– N-Non. Je ne veux pas t’embêter avec tout ça alors que tu es convalescent. (Elle prend place en face de moi à la table.) Je… suis désolée pour ce qui t’est arrivé.
Feignant l’indifférence, je hausse les épaules. Elle mordille sa lèvre tandis que ses yeux sombres détaillent les dégâts de mon visage.
– Oliver ne va pas te reconnaître… murmure-t-elle pour elle-même.
– Il a encore envie de me voir ? lâché-je d’un ton blasé.
Elle blêmit un peu plus en comprenant que je l’ai entendue. Puis elle referme les mains sur sa tasse, l’air pensif.
– Oui. C’est justement pour ça que je suis ici.
Comme Mark revient de la cuisine avec un plateau, elle tourne la tête vers lui. Son visage se détend et son regard se fait bienveillant tandis qu’elle le suit des yeux. Je la soupçonne d’être aussi venue pour autre chose. Mais nan voyons. 8-) :arrow: D'ailleurs, c'est pas trop indélicat entre Mark et Elena ? :?
L’air grave, elle retourne son attention vers moi.
– On aimerait organiser une rencontre avec Oliver le week-end prochain, à Denver si possible.
Je m’y attendais, mais ça ne m’empêche pas de me sentir dépassé. Puis-je rencontrer cet homme pour de bon ? En suis-je capable ? Est-ce que je le souhaite vraiment ?
Mark pousse une tasse sous mon nez, accompagnée de deux biscuits secs. Je n’ai envie ni de l’un, ni de l’autre. Mais la politesse me fait goûter la boisson chaude et grignoter un bout de gâteau.
– Vas-y, Zach, déclare finalement Mark.
– Quoi ? m’étonné-je en lui jetant un regard interdit.
– C’est l’occasion ou jamais. Au pire, on passera une journée tranquille à visiter Denver, au mieux, tu feras la rencontre de l’homme que tu cherches depuis des années. C'est vrai qu'il n'a rien à perdre.
Bizarrement, je sens une pointe d’indignation me parcourir.
– Je ne le cherchais pas.
Mark me jette un regard agacé.
– Certes. Il n’empêche que l’identité de tes parents biologiques reste un des grands points sombres de ta vie et qu’éclaircir ce fait ne peut pas forcément te faire du mal.
Il n’a pas tort. Comme bien souvent.
– Il vaut peut-être mieux que tu y ailles avec Mark, en effet, souffle d’une voix douce Elena en me souriant. Comme il l’a dit, si le courant ne passe pas entre Oliver et toi, on est pas obligés de forcer la chose. C’est afin de faire connaissance. (Elle pose ses doigts sur ma main et j’ai soudain besoin de tendresse. Fichus sentiments.) On ne s’engage à rien, Zachary. Juste une discussion autour d’un café. Et Mark sera là avec toi pour t’encourager.
Silencieux, je hoche la tête. Ça me semble être un marché correct.
– Puis, rien n’est encore prouvé, trouve bon d’ajouter Mark d’une voix ferme.
– Prouvé ? s’enquiert Elena en portant sa tasse à ses lèvres.
– Biologiquement parlant.
– Oh, lâche-t-elle après avoir avalé une gorgée. Oui, bien sûr. On… pourra peut-être faire des tests ADN quand Oliver et Zachary auront fait connaissance.
– Oui.
Je sens le regard de Mark peser sur moi.
– Zach, va donc te coucher.
Surpris, je le dévisage puis indique l’horloge.
– Il est même pas midi.
– Oui, et tu fais une tête de cent pieds de long. (Il agite la main.) Va te reposer, je viendrais te réveiller pour le repas.
– Ça vous… dérange pas ? demandé-je en les observant tour à tour.
– Pas du tout, me rassure Elena avec un sourire bienveillant.
– Si je te propose, c’est que non, marmonne Mark d’un ton bourru en secouant la tête. Allez, ouste ! Dégage, j'ai une nana à draguer. (Mais du coup, imaginons que Mark et Elena se mettent en couple… Elle devient sa tante et sa belle-mère ? :? ) :arrow: Eh bien... oui :lol:
Sans me faire prier, je quitte la table et monte à ma chambre. Avant de fermer la porte, je vois, en contrebas, la chaise d’Elena se rapprocher de celle de Mark.
Je crois que mon état de santé n’est pas la seule raison pour laquelle Mark m’a congédié. Il veut faire un Monopoly ? :mrgreen: :arrow: Why not ? XD
Heyo !

J'étais un peu à la bourre sur les deux derniers chapitres, donc je t'ai fait un combo (bon courage pour répondre :P ).
Je vois ce que tu veux dire pour le 65, la transition entre la Jessica amoureuse qu'on a eue les quelques derniers chapitres précédents et celle-ci, glaciale et blessée, est un peu brusque. Mais le truc, c'est que comme on n'a jamais eu vraiment le temps de voir Zach et Jess ensemble (on a eu une ou deux scènes où ils communiquaient vraiment), donc la rupture n'est pas aussi douloureuse qu'elle aurait pu l'être.
Bon. Parlons de Jess, maintenant. :| Je la comprends. Ça doit être vraiment traumatisant, comme expérience, surtout qu'au bout du compte, tout dépendait d'une seule personne. Mais d'un autre côté… Pauvre Zach. Je veux dire, lui qui cherche tant à se racheter depuis cinq ans, voilà qu'il se prend ça en pleine figure. Du coup, je suis un peu sceptique sur Jess dans son ensemble. Le truc, c'est que comme l'histoire est majoritairement centrée sur Zach, on n'a pas vraiment l'occasion de la voir, et donc de commencer à deviner, ce qui laisse l'effet un peu brusque, et donc peut-être un p'tit peu maladroit, de la révélation dans ce chapitre. Là, j'ai un peu eu l'impression de voir une allumeuse, qui joue avec un mec blessé parce qu'elle souffre elle-même, et c'est pas cool.

Par contre, le chapitre 66 est vraiment top. La douleur, la froideur, la distance maladroite qu'ils établissent entre eux… C'est vraiment pénible à lire tant c'est réaliste. Et puis, en parallèle, on commence à voir un début de liaison entre Mark et Elena, et ça apaise un peu toute cette souffrance du début, donc c'est vraiment sympa.

Au niveau grammaire et orthographe, je crois que j'ai tout dit dans mon comm. La narration es toujours aussi fluide, les descriptions des émotions de Zach sont vraiment bien retransmises… bref, rien à dire de ce côté là.

Bref. Tout ça pour dire que c'était bien :D
Bizouz, à bientôt !
Hello ! Pas de soucis :o

D'acc, je comprends ton ressenti ! En fait, quand j'ai écrit ce chapitre, je pensais pas du tout le tourner ainsi... Mais, finalement, j'ai préféré donner cette profondeur à Jess et corser les choses entre eux (sadisme, oups :oops: ). Sauf que comme c'était pas prévu, c'est assez brusque :roll: D'un côté, je voulais cet aspect-là, pour renforcer la brutalité de l'annonce, mais faudrait pas que ça fasse trop trop venu de nulle part non plus ^^'
Par rapport à Jess... Elle a clairement deux aspects qui ressortent là :v Et Zach ne méritait clairement pas ça, elle en a conscience et elle s'en veut d'être incapable de lui faire confiance et de lui faire subir ça :? Après, ils vont en reparler, plus calmement, et essayer de s'expliquer.

Oh, merci ! C'est plutôt un chapitre de transition, mais je suis contente qu'il passe bien :)

Yep, merci encore ;)

Bizous !
15Lina15

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

Salut !
Effectivement je suis d'accord avec @vampiredelivres, Jess est vraiment trop agressive et c'est injuste pour Zach, après toutes les épreuves qu'il a vécu c'est vraiment… Et puis, le fait que leur relation n'ai pas été assez développée, arriver à une dispute comme ça c'est frustrant et incompréhensible. Un peu de tendresse ne ferait pas de mal… surtout qu'après l'ascenseur émotionnel ne suit plus, il vaut mieux redescendre un peu avant de remonter.
Après, ça serre la gorge quand il lui tourne le dos et qu'elle essaie de se rattraper, c'est sûr.
La dispute avec Dante est aussi très réaliste et vraiment bien menée, je trouve.
Je comprends toujours pas pourquoi Elena insiste encore :lol: ça fait quoi 1, 2 semaines qui sont passées ? Elle est vraiment pressée… :lol: Intéressant d'ajouter qu'aucune preuve ne certifie que c'est son père ;)

En tout cas, j'attends la suite avec impatience, comme d'habitude :D
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

15Lina15 a écrit :Salut !
Effectivement je suis d'accord avec @vampiredelivres, Jess est vraiment trop agressive et c'est injuste pour Zach, après toutes les épreuves qu'il a vécu c'est vraiment… Et puis, le fait que leur relation n'ai pas été assez développée, arriver à une dispute comme ça c'est frustrant et incompréhensible. Un peu de tendresse ne ferait pas de mal… surtout qu'après l'ascenseur émotionnel ne suit plus, il vaut mieux redescendre un peu avant de remonter.
Après, ça serre la gorge quand il lui tourne le dos et qu'elle essaie de se rattraper, c'est sûr.
La dispute avec Dante est aussi très réaliste et vraiment bien menée, je trouve.
Je comprends toujours pas pourquoi Elena insiste encore :lol: ça fait quoi 1, 2 semaines qui sont passées ? Elle est vraiment pressée… :lol: Intéressant d'ajouter qu'aucune preuve ne certifie que c'est son père ;)

En tout cas, j'attends la suite avec impatience, comme d'habitude :D
Hello !

C'est clairement pas juste pour Zach, effectivement, mais Jess s'est laissée emporter par ses émotions et son expérience passée :? Il mérite pas la violence des paroles de Jessica, mais il les prend quand même, car elle voulait tout de suite mettre les choses au clair avec lui (sauf qu'elle s'y est très mal pris :v).
Ouais, elle l'a clairement blessé et, même s'il est pas réellement rancunier, elle a quand même laissé sous-entendre qu'il pouvait clairement aller contre son gré et lui manquer de respect (alors que Zach fait extrêmement attention avec les autres depuis l'accident qu'il a provoqué). Donc, forcément, ça va pas passer en quelques heures :roll:
Merci ! C'est assez délicat à écrire, mais Dante est un personnage assez facile à manier je trouve alors ça va :)
Parce qu'elle est assez impatiente et vit les choses de manière complètement différente de Zach :roll:

Merci beaucoup pour ton retour et à bientôt ;)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

B'soir, voilà la suite des épisodes, si j'ose dire... J'espère que la rencontre (plus sérieuse) avec Oliver Dent vous semblera crédible ainsi que les réactions de Zach... :)



67
La fille aux yeux bleus



Malgré la proximité de Denver avec Lake Town et Daree, je n’y ai pas souvent mis les pieds. Nous partons une heure avant l’heure du rendez-vous. Beaucoup trop angoissé par la perspective de la rencontre, plus officielle si je puis dire, avec Oliver Dent, je ne fais pas vraiment attention au paysage.
La semaine qui s’est écoulée depuis la proposition d’Elena a été difficile. Mes blessures n’ont cessé de me lancer, le lycée entier n’a pas arrêté de me dévisager, j’ai croisé à plusieurs reprises Nick et Anthony, qui m’ont adressé des sourires narquois et des regards assassins à chaque rencontre, j’ai à peine parlé à Jess, si ce n’est pour lui dire bonjour, et les profs commencent à me mitrailler de questions.
Si j’avais eu le choix, je serais resté tout le week-end au lit à me reposer et à éviter de me stresser encore plus. Mais j’ai conscience de l’importance de cette rencontre. Alors je serre les dents et prends mon pauvre courage à deux mains.

Nous avons rendez-vous dans un petit café tranquille à côté de l’appartement d’Oliver Dent. Après avoir garé la Jeep près d’un square, nous marchons quinze minutes dans l’air doux de cette mi-avril. Je ne sais pas de quoi nous avons l’air, tous les deux, Mark avec son costume impeccable et son air grave, moi avec ma dégaine d’ado renfrogné au visage meurtri.
Elena nous attend sur le perron du café. Elle porte une jupe noire – la première fois que je la vois se vêtir autrement qu’avec un jeans sombre – qui lui va très bien. Mark semble le remarquer aussi.
– Bonjour, nous accueille-t-elle d’une voix chaleureuse en nous embrassant tour à tour.
– B’jour, je réponds du bout des lèvres alors que Mark laisse sa bise de politesse s’attarder sur la joue de la journaliste.
– Oliver nous attend à l’intérieur, annonce-t-elle en nous ouvrant la porte. La table contre la fenêtre au fond à droite.
Mark s’engage en premier et je le suis de près. Collé à ses talons, je garde la tête baissée, de peur de croiser le regard d’Oliver Dent. Je dois être ridicule à me comporter comme un gamin qui ne quitte pas les jupes de sa mère. Tant pis. Il sait que je suis un meurtrier, alors me prendre pour un gosse immature ne peut pas être pire.
Alors que je garde obstinément les yeux au sol, Mark s’arrête puis déclare d’une voix légèrement tendue :
– Bonjour Mr Dent.
J’ai l’impression qu’Anthony écrase ma gorge entre ses mains diaboliques. Tremblant d’angoisse, je relève les yeux. Oliver Dent est assis seul à une table de quatre, une tasse de café devant lui. Il est vêtu d’une chemise noire qui fait ressortir sa pâleur. Une expression penaude se peint sur son visage et, alors qu’il me cherche du regard derrière le dos imposant de Mark, il souffle :
– Bonjour Mr Grace, bonjour Zachary. Je vous en prie, installez-vous.
Sans attendre, Mark ôte son imperméable et me fait signe de m’installer côté fenêtre, en face de l’homme. Je me sens rougir brutalement, mais trouve quand même la force de retirer ma veste à motif camouflage, de la poser sur le dossier de la chaise et de m’asseoir. Mark prend place à son tour et se retrouve en tête-à-tête avec Elena, qui lui adresse un sourire fugace. Au moins un qui est content.
– Elena m’avait prévenu, commence Oliver Dent d’un ton mesuré en me dévisageant, mais la réalité est plus parlante.
Je me demande s’il parle de notre ressemblance. Nous nous sommes pourtant déjà croisés.
– À quel point peut-on être cruel pour en venir à dévisager quelqu’un ? marmonne-t-il.
Soudain, je comprends qu’il fait référence à mon visage meurtri. Et, encore, les dégâts ont bien diminué depuis le soir de mon agression.
– Enfin, je suppose que ce n’est pas le sujet, reprend-t-il d’un air embarrassé. Je suis ravi de faire votre connaissance, Mr Grace.
Ce faisant, il tend une main à Mark, qui la serre en retour avec un sourire de politesse.
– Le plaisir est partagé, souffle-t-il en hochant la tête. Avant toute chose, Mr Dent, je vais vous paraître peut-être un peu dur, mais… le harcèlement de Zach – et tous les soucis qui vont avec – font partie de sa vie. (Comme je le dévisage avec consternation – quelle idée de commencer une discussion ainsi ! – il me fait taire d’un regard et poursuit : ) Si vous souhaitez entrer dans sa vie, il faudra accepter ça.
Son annonce a fait chuter l’ambiance de quelques degrés. Malgré tout, Oliver Dent avale sa salive puis lui rend son regard ferme.
– Je m’en doute bien, Mr Grace. Et, si jamais Zachary et moi sommes amenés à nous côtoyer plus souvent, je ne fermerai pas les yeux face à ce qui lui arrive au lycée.
Je me sens de trop. On parle de moi, mais ce n’est pas vraiment moi. Comme si je n’avais pas mon mot à dire.
L’intérêt d’Oliver pour ce qui m’arrive au lycée me gêne, mais me rassure aussi. Si jamais nous venons à nous fréquenter plus sérieusement, je sais qu’il n’ignorera pas ce sujet.

Après avoir commandé nos boissons, Oliver me demande de lui parler de ce que j’aime faire dans la vie. De mes passions ou, si je n’en ai pas spécialement, de mes passe-temps. Un peu penaud, je lui explique que les cours m’occupent une bonne partie du temps et que, lorsque j’ai terminé mes devoirs, j’aime bien lire un roman policier ou regarder une série historique. Sur quoi il rebondit en me questionnant sur l’intérêt que je porte à l’histoire. La pression de mes épaules diminue légèrement quand je remarque un sourire sincère sur ses lèvres tandis que je lui parle de cette discipline qui me passionne.
– Tu aimerais en faire ton métier ? me questionne-t-il alors que j’avale quelques gorgées de café noir.
– Euh… commencé-je, pris au dépourvu. Je sais pas trop. J’ai pas encore d’idées exactes pour ce que je vais faire après le lycée. Mais des études d’histoire ? Pourquoi pas…
Mark m’observe en silence, visiblement intéressé. Il ne me questionne pas trop sur mon avenir, car il sait que c’est un sujet stressant qui me rend fébrile. Évidemment, je devrais bien finir par me décider. Pour l’instant, j’y réfléchis doucement. Je ne suis pas encore en terminale, alors je me persuade que j’ai encore un peu de temps devant moi.
Après m’avoir questionné, c’est à mon tour de m’enquérir de ce qu’il aime faire. Avec un sourire, il explique qu’il va régulièrement courir – brrr, quelle torture physique – et qu’il aime bien cuisiner des pâtisseries. Autrement, télévision, bouquins… classique.
Quand il a terminé de parler de lui, il questionne cette fois Mark qui, un peu piteux, avoue que son boulot de prof l’occupe en grande partie. Maintenant qu’il le dit, c’est vrai que je ne le vois pas souvent s’accorder du bon temps.
– Tu devrais mieux prendre soin de toi, le gourmande Elena en faisant la moue.
En guise de réponse, Mark la dévisage d’un drôle d’air. On dirait qu’il a vu un fantôme. Finalement, il secoue la tête et murmure :
– Alison, ma femme, me disait toujours ça.
Un sourire triste pend à ses lèvres. Blême, Elena baisse les yeux, visiblement embarrassée. Une gêne flotte entre nous avant que Mark ne reprenne la discussion :
– Et votre compagne, Mr Dent ? Sharon, c’est bien ça ?
Le visage d’Oliver se détend alors qu’il sourit à la mention de la femme.
– C’est ça. Eh bien, nous sommes fiancés… (Il croise les doigts et observe les passants à travers la fenêtre.) Nous nous marions cet été.
Mark hoche la tête en silence puis souffle d’un air un peu crispé :
– Et… des projets après ce mariage ?
– Nous allons peut-être acheter une maison en banlieue. Mais rien de sûr !
Comme Mark continue de l’observer, le visage d’Oliver grimace.
– Vous vous demandez si nous souhaitons des enfants ?
– Oui, reconnaît-il d’un air presque désolé. Je… j’aimerais savoir, pour Zach.
Il ponctue sa phrase en plantant son regard dans le mien. J’aimerais disparaître. Demander à cet homme ce qu’il compte faire de sa vie… j’ai l’impression d’être un voyeur.
– Euh, on en parle pas trop, finit par déclarer Oliver avec un rire nerveux. Je… (Il humidifie ses lèvres gercées.) En fait, Sharon est stérile.
À ces mots, Elena soupire, les traits défaits. Je me demande si elle est aussi déçue que les futurs mariés de ne pas voir d’enfants agrandir leur famille.
– Oh, je suis désolé, annonce Mark avec sincérité.
– Voilà, répond Oliver en se passant une main dans les cheveux, nerveux. On évite le sujet, à la maison, car elle se sent coupable. Si on avait pu, on aurait peut-être déjà eu des enfants.
Il pose ses yeux sombres sur moi, ce qui envoie des frissons dans mon dos.
– On a songé à l’adoption, mais on a laissé de côté l’idée avec la préparation du mariage. Et, maintenant…
Il laisse sa phrase en suspens pour m’observer attentivement.
Alors que je m’apprête à lui demander s’il se sent bien, il souffle du bout des lèvres :
– Nora.

Un silence étonné tombe sur nous. Elena et Mark, dont les mains se sont rapprochées sur la table, nous observent en silence. Interdit, je me demande si j’ai mal entendu.
Oliver cligne soudain des yeux en baissant le nez. Il a l’air perturbé.
– Tu…
Une expression médusée collée au visage, il me regarde de nouveau.
– Tu as les yeux de Nora.
J’ai l’impression de recevoir un pieu dans le cœur. Un millier d’idées explose sous mon crâne.
– Nora ? répète Mark en fronçant les sourcils.
– Une… une fille avec qui je suis sorti à l’université.
C’est comme si une main énorme venait de m’enserrer dans son poing. Le souffle me manque, mon cœur peine à battre.
Nora ? Nora, Nora. Nora
Je retourne cent fois le prénom sous mon crâne, le fais rouler sur ma langue sans le prononcer, imagine un visage derrière la sonorité.
– Une ancienne petite-amie, alors ? reprend Mark d’une voix insistante. Et… dont Zach aurait les yeux ?
Visiblement gêné de sa déclaration, Oliver s’éclaircit la gorge.
– Je me rappelle pas grand-chose d’elle, pour être honnête. Simplement qu’elle s’appelle Nora et qu’elle avait des yeux bleus impressionnants. (Il m’observe de nouveau avec attention.) Du même bleu glacé que les tiens.
Je ne sais pas quoi lui répondre. Est-il certain de ce qu’il affirme ?
– Est-ce que ça peut être une coïncidence ? souffle Mark d’un air pragmatique, comme s’il avait entendu mes pensées.
– Euh… eh bien, oui. Mais… on est restés assez longtemps ensemble pour… qu’un incident se produise.
Embarrassé, je plonge le nez dans ma tasse vide, les joues chaudes. Un incident.
Finalement, Mark croise les mains, pensif.
– Eh bien, c’est un mystère de plus.
– Oui, soupire Oliver Dent en se passant une main dans les cheveux. Mais, hum, Zach ?
– Oui ? murmuré-je d’une voix crispée.
– Est-ce que… tu voudrais bien qu’on fasse un test ADN ?
Même si je m’attendais à ce qu’il me la soumette, sa demande me laisse tétanisé. Est-ce que j’en ai vraiment envie ? Que faire si le test révèle un lien de parenté ?
Et s’il ne le fait pas ?
La bouche sèche, j’avale ma salive. Rien qu’un test pour savoir s’il existe un lien de parenté entre nous. Rien qu’un fichu test pour savoir si c’est mon père.
À cette pensée, l’image de Mark s’imprime dans mon esprit. Connaître l’identité de mon géniteur serait évidemment une bonne chose, mais… n’est-il pas trop tard ? Qu’aurions-nous à partager après tant d’années à vivre séparément ? Ma petite enfance n’est qu’un brouillard, mon enfance une série d’années à voyager de foyer en foyer. Quant à l’adolescence, étape si cruciale de la vie, je l’ai passée sous l’œil avisé de Mark.
Il te reste toute une vie pour apprendre à le connaître, souffle une voix au coin de ma tête alors qu’Oliver Dent me dévisage, curieux de ma réponse.

Tandis que le doute s’empare de moi, une main rassurante se glisse entre mes épaules. D’un coup d’œil, j’aperçois Mark qui m’observe en silence. Il m’adresse un léger hochement de tête.
– Je ne te force à rien, ajoute Oliver d’une voix crispée en constatant mon indécision.
Avec nervosité, je croise les mains et expire profondément.
– Non, on… on peut en faire un. Je crois que c’est ce qui vaut le mieux.
Elena approuve en silence tandis qu’Oliver esquisse un petit sourire soulagé.
– Si le test nous apprend que je suis bel et bien ton père… je pourrais avoir une reconnaissance légale envers toi et… essayer de t’aider comme je peux.
Je sens que la présence de Mark à mes côtés l’oblige à choisir ses mots avec soin. Il a conscience que j’ai déjà un père, qu’un homme m’a déjà aidé à grandir et à devenir adulte. Son désir d’avoir tout de même une place dans ma vie me touche.
– Alors je te contacterai pour te faire parvenir le nécessaire, m’informe-t-il d’un ton rassurant.
– D’accord, je réponds sans trouver quoi dire d’autre.
Il me sourit d’un air légèrement soulagé et je sens mes lèvres se recourber en retour.
Après tout, pourquoi refuserais-je une présence bienveillante en plus dans ma vie ?




68
Amères paroles



Nous discutons encore une bonne heure avec Elena et son frère. Celui-ci met fin au rendez-vous suite à un appel professionnel inattendu. Après s’être excusé, il nous quitte, non sans m’adresser un salut de la main enthousiaste et un sourire sincère. Je crois que je commence à bien l’aimer.
Une fois Oliver parti, Elena et Mark se dévisagent de manière assez ouverte pour que je comprenne qu’il est temps de leur laisser de l’intimité. Je m’éclaircis la gorge.
– Euh, j’ai des amis dans le coin qui m’ont proposé de les voir, alors je vais vous laisser.
– Des amis ? s’étonne Mark en fronçant les sourcils.
Il sait comme moi que je n’ai aucune connaissance habitant à Denver. Je le dévisage avec de gros yeux tandis que j’enfile ma veste. Finalement, il cligne des paupières puis m’adresse un sourire légèrement crispé.
– Bon, d’accord, pas de soucis, finit-il par souffler en s’avançant pour me laisser passer. Amuse-toi bien !
– Euh, ouais, merci. (Je leur jette un regard gêné.) Vous aussi.
– À bientôt, Zach ! s’exclame Elena avec un large sourire.
Elle ajoute plus bas d’une voix douce :
– Merci.
Je me demande si elle me remercie de leur laisser du temps pour eux ou si c’est par rapport à Oliver Dent. Sûrement les deux.
Une fois dehors, je me dirige vers le Jeep de Mark. Je me rappelle que nous nous sommes garés à côté d’un petit square. Je n’ai qu’à attendre là-bas.
Assis sur un banc à la lisière du parc, j’observe les joggeurs zigzaguer entre les enfants, les poussettes et les chiens. Je me sens bête et seul, avachi sur un banc tagué de partout.
La joie de faire la connaissance d’Oliver Dent se fracasse contre la douleur d’avoir perdu Jessica. Je n’arrive pas à maîtriser le flot de sentiments qui déborde de ma poitrine lorsque je songe à elle. J’aurais tant aimé mieux la connaître, passer plus de temps avec elle. Mais je l’ai perdue avant même de l’avoir conquise. Son cœur s’est fermé alors qu’elle venait de me l’ouvrir. Quand je pense à notre dispute, une terrible envie de tout casser et de pleurer me tenaille. Je me sens impuissant, incapable de résoudre le problème.

Mon pouce flotte à quelques millimètres de l’icône « Envoyer » sur l’écran de mon portable. J’ai écrit un message à Jessica lui proposant de se retrouver ici pour qu’on discute. Je n’en peux plus du silence, du non-dit, des mots vides entre nous. J’ai besoin de la voir, d’entendre sa voix, de toucher sa peau. Tant pis si c’est pour la dernière fois. Mais j’ai besoin de savoir.
Comme si ça allait m’aider à surmonter l’épreuve, je ferme les yeux au moment d’envoyer le message. Mon cœur bat à une vitesse folle. Les mains moites, la gorge serrée, je pose mon téléphone sur mes cuisses et attends la réponse fatale. Qui ne tarde pas à arriver. Moins d’une minute plus tard, une vibration me fait ouvrir les yeux.

OK. Suis là dans 45min.

Laconique, clair. Soulagé et terrifié en même temps, je regarde son message fixement jusqu’à ce que l’écran s’éteigne. Le temps qu’elle se prépare et prenne les transports en commun jusqu’ici, j’ai le temps de réfléchir.

Quand je la vois arriver au loin, immanquable avec sa tignasse rouge, ses Doc Martens bordeaux, son short coupé dans un jeans, ses collants troués et sa chemise noire, je me rends compte que je n’ai, en réalité, pas du tout idée de comment je vais aborder les choses.
Je me pousse au bord du banc pour lui laisser de la place lorsqu’elle arrive près de moi. Son visage est tiré, ses lèvres plissées et ses yeux n’ont plus cette lumière que j’aime tant.
– Salut, lâche-t-elle froidement en se laissant choir à côté de moi.
– Bonjour. Je… désolé de te faire venir ici.
Le regard levé vers le ciel dégagé de fin d’après-midi, elle hausse les épaules.
– Pas grave, j’avais besoin de bouger, de toute façon. Mais qu’est-ce que tu fais ici ?
Rapidement, je lui conte les événements de la journée. Lorsque je lui révèle que j’ai accepté de passer le test de parenté, elle hoche doucement la tête.
– Tu as bien fait. Dans le pire des cas, c’est pas ton père et vous mettez éventuellement fin à votre relation et, dans le meilleur, tu as enfin découvert une partie de tes origines. Et, d’après ce que tu me dis, cet Oliver Dent a l’air quelqu’un de bien.
– C’est vrai. Il s’intéresse à moi, malgré les conditions difficiles de notre rencontre, malgré… ce que j’ai fait.
– Une preuve que tu as bien fait d’accorder une chance à cet homme, approuve Jessica en posant une main sur mon bras.
Lorsqu’elle remarque que je me raidis à son contact, elle enlève ses doigts, mais je les retiens in extremis. Elle est pâle sous sa frange rouge.
– Jessica, il faut que je sache.
Comme elle détourne le regard, je me penche vers elle.
– Dis-moi si tu veux qu’on arrête tout, ici et maintenant.
L’air mortifié, elle m’observe sans rien dire.
– Jess, j’ai besoin de savoir, insisté-je d’une voix suppliante. Je ne peux pas rester comme ça.
Pas alors que je suis en train de tomber amoureux de toi.
– Alors, dis-moi juste si, oui ou non, on continue à se fréquenter en étant plus que des amis.
Je vois ses mains trembler alors qu’elle mordille ses lèvres. Elle croise puis décroise les jambes. Sa nervosité me met mal à l’aise.
– C’est que… commence-t-elle avant de soupirer.
L’air décidé, elle tourne la tête vers moi pour m’observer. Il n’y a aucun jugement, aucune colère, aucune accusation dans ses yeux noisette. Juste du dépit, des regrets et, peut-être, une étincelle d’affection.
– Je t’assure que tu es quelqu’un de bien, commence-t-elle d’un ton posé en prenant mes mains dans les siennes. Tu m’en donnes la preuve chaque fois que tu regardes Lily Rose ou Dante avec cette bienveillance toute fraternelle, ou dans la façon dont tu parles de l’homme qui t’a adopté. Malgré ce que tu as vécu, tu as trouvé le courage d’affronter le mépris et la colère des autres, tu as accepté d’être élevé à la dure pour tenter de te racheter.
– C’est le minimum… commencé-je avant d’être interrompu par Jess.
– Non, Zach. Tu as un cœur généreux et un esprit sain et ton père adoptif a dû le remarquer comme moi pour accepter de te donner une deuxième chance. (Avec délicatesse, elle fait tourner mes mains entre les siennes et en caresse le dos.) Ce que je veux dire, c’est que s’il y a un problème entre nous, tu n’y es pour rien.
À moitié convaincu, je hausse les épaules et marmonne :
– Si j’avais su gagner ta confiance et me montrer comme quelqu’un de raisonnable et sensé, on en serait peut-être pas là.
Bornée, elle secoue la tête.
– Zach, c’est parce que j’ai une peur bleue des relations amoureuses depuis… la mauvaise expérience avec mon ex, qu’on en est là. Pas parce que tu as mal agi ou je ne sais quoi. (Elle m’adresse un sourire tendre qui manque faire fondre mon cœur entre mes côtes.) Au contraire, dans chacun de nos baisers, de nos câlins, tu as toujours été prévenant, attentif et doux.
– Alors, je suis censé faire quoi ? lâché-je d’un air abattu. Tu me dis que ce n’est pas ma faute, que j’ai agi correctement avec toi, mais… que ce n’est pas possible entre nous ?
– Zachary, je ne veux rien t’offrir si je ne suis pas sûre de le faire pleinement. J’ai peur. J’ai une peur irrationnelle des hommes, maintenant. Tu as envie d’aimer une fille qui a peur de toi ?
– Non. Et je ne voudrais pas que tu aimes quelqu’un qui te fait peur.
– Au moins, nous sommes d’accord sur ça, soupire-t-elle en lâchant mes mains.
Lorsque sa peau cesse d’être en contact avec la mienne, je me sens comme vidé.
– Et je suppose que te dire des choses comme « Je ferai attention », « Je t’écouterai », « Je n’irai pas contre ta volonté, on ira à notre rythme » n’y changeront rien.
L’air sincèrement désolé, elle hoche la tête.
– Alors, tu resteras seule pour toujours ? demandé-je, perplexe et meurtri.
– J’en sais rien. Peut-être que, quand je me sentirai plus en confiance, j’essaierai de commencer une nouvelle relation.
La déception brutale qu’elle vient de m’infliger me fait chuter brutalement. J’étais empli de vains espoirs en lui proposant de venir. Au moins, je suis fixé quant au devenir de notre relation.
Et ça fait un mal de chien.

Comme si ni l’un ni l’autre n’étions capables d’assumer notre décision, nous restons assis sur le banc, moi à fixer le ciel, elle à contempler le sol entre ses pieds. Ses cheveux lui tombent sur le visage alors je ne peux pas la voir. Je me demande si elle se sent aussi dépitée que moi.
– Alors, à ton avis, ton père et Elena Dent ont l’air de se plaire ?
Le changement de conversation me fait grimacer. Prenant sur moi, je fais l’effort de répondre :
– Ça saute aux yeux. Et Mark m’a clairement dit qu’il restait pas de marbre face à elle. Elena est plus réservée sur ce qu’elle ressent, mais elle a l’air de vraiment bien l’aimer.
Elle m’a observé pendant que je lui expliquais et je l’entends soupirer bruyamment lorsque je me tais.
– Ce serait bien pour eux, s’ils pouvaient entamer quelque chose de sérieux, souffle-t-elle en râclant le sol du bout de sa bottine.
Ce serait bien aussi pour nous si on pouvait faire la même chose.
– Oui, je réponds d’un ton distant.
Comme si elle venait de lire dans mes pensées, elle me jette un regard en coin, mais ne dit rien.
Je me demande comment je vais faire à présent. Je ne me sens pas de la fréquenter sans l’aimer de la façon dont j’ai envie. Mais ne plus la fréquenter reviendrait à ne plus voir Dante, à devoir l’éviter… Trop compliqué.
Après quelques secondes de silence, je murmure :
– Tu peux t’en aller, si tu veux.
– Je sais.
Mais elle reste à côté de moi, l’air concentré. Qu’est-ce qui la pousse à rester ?
Alors que je m’apprête à lui poser la question, elle se tourne vers moi, le visage fermé.
– Je vais y aller.
– OK, chuchoté-je, mi-soulagé, mi-déçu.
Comme elle se penche vers moi, je lui tends pudiquement ma joue. Elle se fige une demi-seconde, glisse son index sous mon menton et m’oblige à tourner la tête. Sans que j’aie eu le temps de reculer, ses lèvres sont contre les miennes.
Una vague de colère et de reconnaissance m’envahit. J’ai envie de la repousser comme de l’attirer à moi. Quand j’essaie de casser le baiser, elle enlace ma nuque pour me retenir.
Jess, bon sang.
Mon cœur frappe mes côtes et le souffle me manque lorsqu’elle recule enfin, les yeux baissés.
– Je devais le faire, explique-t-elle d’une voix grave. Quoi qu’il advienne de nous plus tard, je devais le faire. Pour ne pas regretter. (Elle m’adresse un petit sourire penaud.) Pour me rappeler ce que ça fait de t’embrasser.
J’ai les joues brûlantes et une terrible envie d’être ailleurs.
Une silhouette au loin derrière Jessica attire mon regard. Mon estomac remonte vers ma gorge lorsque je reconnais Mark qui approche d’un pas tranquille.

Avec précipitation, j’agrippe Jessica par les épaules.
– Jess, il faut que j’y aille. On… se voit au lycée demain.
– Oui.
Ses traits s’affaissent lorsque je la lâche et me lève du banc.
Sans me retourner, je vais à la rencontre de Mark, qui me fait signe en me voyant approcher.
– Alors, c’était comment ? demandé-je aussitôt dès que je suis à portée de voix.
– Très bien. On devrait manger ensemble dans la semaine qui arrive.
Un sourire flotte sur son visage détendu. J’aimerais tellement le voir ainsi tous les jours. Le savoir heureux et accompagné d’une bonne personne. Pas comme un veuf sans enfants qui ne vit plus que pour son travail.
Je reprends la marche en direction de la voiture garée, mais Mark me retient par l’épaule. Il donne un coup de menton en direction du banc où Jess est encore assise, la tête entre les mains.
– Tu ne me présentes pas ton amie ?
Mortifié, je le dévisage. Que dois-je lui dire ? Mentir ? Dire la vérité ?
– Euh… commencé-je, pris au dépourvu. En fait, c’est…
En constatant que je bafouille et rougis comme un abruti, il prend un air de connivence. Je n’aime pas ce regard amusé et ce sourire en coin.
– C’est la fameuse Jessica, non ?
– Oui, je reconnais, les épaules basses.
– Vous ne vous êtes pas expliqués ?
– Si, justement, chuchoté-je, sentant la peine m’emprisonner la poitrine dans un étau glacé.
– Zach… Je suis désolé.
Il serre mon épaule, mais je recule, les yeux brûlants. Je n’ai pas très envie d’exposer mon chagrin en public.
– Tu la laisses seule ici ? reprend-t-il en observant mon amie.
– Qu’est-ce que tu veux que je fasse ? répliqué-je avec hargne, piqué au vif.
– Peut-être lui proposer de la ramener chez elle. Elle habite à Lake Town, c’est ça ? (Devant ma bouche béante et mon air interdit, il marmonne : ) Zach, elle souffre autant que toi. Lui éviter les transports en commun ne l’aidera pas à surmonter sa peine, mais ça lui fera au moins gagner du temps.
Il s’engage dans la direction du banc, ce qui gèle mon sang dans mes veines.
– Mark, non…
– Et je pourrais faire sa connaissance, conclut-il en m’ignorant.
Merde, c’est pas vrai.

Je sais parfaitement que m’enfoncer dans mon siège et regarder obstinément par la fenêtre ne me fera pas disparaître, mais je le fais quand même. Le paysage défile à toute allure tandis que nous avalons les kilomètres dans un silence tendu.
Jessica a hésité un certain moment avant d’accepter la proposition de Mark. Elle était gênée et l’idée de passer encore du moment avec moi ne devait pas non plus la réjouir. Néanmoins, devant l’insistance de Mark, elle a fini par capituler et est montée avec nous dans la Jeep.
Trente minutes se sont écoulées. Mark et Jessica ont fait connaissance l’un de l’autre, se sont apprivoisés. Passions, famille, passé… Ils ne laissent rien passer et se confient l’un à l’autre avec une confiance qui me laisse pantois. Jamais je n’ai vu Mark s’ouvrir aussi facilement et rapidement à quelqu’un – peut-être avec Elena, mais c’est tout. Je sens que le courant passe bien entre eux. Lorsque Mark mentionne le dessin de Jade que Jessica a modifié pour m’ajouter dessus, mon amie explique d’une voix douce et posée les raisons qui l’ont poussée à cet acte. Loin de la juger ou de se moquer d’elle, Mark hoche la tête d’un air compréhensif.
Puis il faut que Mark aborde le sujet de notre relation. Comme je m’y attendais, Jessica s’est refermée comme une huître et a murmuré du bout des lèvres que ce qui était né entre nous était en suspens pour le moment. Que nous étions dans une passe difficile d’où nous sortirions soit soudés comme des aimants, soit si déchirés que nous ne nous reverrions plus jamais.
Mark n’a pas osé répondre et je lui en ai été reconnaissant. Il m’avait déjà rendu mal à l’aise en proposant à Jess de la ramener et en la questionnant, alors qu’il n’en rajoute pas une couche ne pouvait que me soulager.

Une vingtaine de minutes plus tard, Mark arrête la voiture en bas de l’immeuble de Jessica.
– Merci beaucoup de m’avoir ramenée, Mr Grace, lance-t-elle en ouvrant la portière. Au revoir et à bientôt. Passez une bonne soirée.
– Merci, bonne soirée à toi aussi, répond Mark d’un ton enthousiaste.
– Salut, me contenté-je de marmonner, beaucoup plus sobre.
Je sens le regard de Jess sur ma nuque, mais je me contente de la voir disparaître dans le hall de l’immeuble grâce au rétroviseur. Mon cœur se serre légèrement lorsque sa chevelure n’est plus visible dans le miroir.
– Cette fille est extra, souffle Mark en redémarrant.
Tu crois que je ne le sais pas déjà ?
– C’est dommage que ce soit tendu entre vous. Je pense qu’elle t’apporterait beaucoup de bonnes choses.
– Je le pense aussi, chuchoté-je, la gorge comprimée. Ce n’est malheureusement pas possible entre nous.
Mark me jette un coup d’œil de côté, mais il a la bonne idée de ne pas me demander de détails. Avec un soupir, je m’enfonce toujours plus dans mon siège et fixe le vide par la fenêtre.
Oui, j’aimerais vraiment disparaître.


Dernière modification par louji le ven. 25 sept., 2020 4:25 pm, modifié 2 fois.
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Holà ! 2 chapitres avec pas mal de questionnements et d'avancées sur la relation de Zach aux autres... N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez ^-^



69
Choix et liberté



Cinq jours plus tard, je récupère dans la boîte aux lettres un petit carton envoyé par Oliver Dent. Une boule d'appréhension dans le ventre, je rentre m'installer sur le canapé du salon, une tasse de café dans une main, le colis dans l'autre. Sûrement le kit de test ADN. Est-ce que je devrais attendre Mark ? Peut-être sait-il comment ça fonctionne ?
Pourquoi il le saurait ? Et pourquoi tu peux pas le faire toi-même ? me réprimandé-je mentalement.
Ruminant contre moi-même, je récupère une paire de ciseaux dans ma trousse et déchire le scotch qui ferme le colis. Les mains légèrement tremblantes, j'en sors une feuille pliée en trois ainsi que des espèces de coton-tige assortis à des pochettes plastique hermétiques. Je déplie la notice explicative et lis avec attention les consignes. C'est moins compliqué que prévu. Un peu de salive sur l'espèce de coton-tige, le glisser dans une pochette plastique et renvoyer le colis à Oliver Dent pour qu'il se charge de faire faire les tests.

Une fois les cotons scellés dans les petites poches, je range le tout et vais poser le carton sur la table à manger. Je me demande ce que les résultats annonceront. Partagé-je la moitié de mon ADN avec Oliver Dent ? Ou notre ressemblance n'est-elle que le résultat d'une mauvaise coïncidence ?
J'ai tout de même du mal à le croire. N'importe qui nous verrait dans la rue nous associerait comme des parents. Ce ne sont pas juste les traits du visage, mais aussi notre silhouette, certaines de nos mimiques, la démarche… Avec un grognement, je me penche au-dessus de la table, les mains posées à plat sur le plateau. Après tant d'années de questionnement, d'incertitude, je fais la connaissance de mon père grâce à un quelconque hasard. Si Elena Dent ne s'était pas trompée de bus, si elle n'avait pas fini à Daree, où elle m'est rentrée dedans, nous serions-nous jamais connus ?
Sans compter sur cette Nora. Deux syllabes. Prononcées du bout des lèvres par Oliver Dent. Un point de plus pour une probable relation entre nous. Je lui rappelle l'une de ses anciennes petite-amie de la faculté. Peut-être encore une fichue coïncidence.

Pensif, je tire une chaise de la table à manger et m'y installe. Que dois-je faire ? Questionner un peu plus Oliver Dent sur son ancienne copine pour tenter de glaner quelques informations ? Si le test ADN se révèle concluant, devrais-je entreprendre des recherches sur ma mère ?
C'est peut-être la personne qui m'a le plus manqué durant mon enfance. Petit, les Mères de l'orphelinat s'occupaient de nous correctement, mais sans affection ni attention particulières. J'étais un orphelin à élever, pas un garçon à aimer. Plus tard, je n'avais noué aucun lien d'attachement avec les mères de famille qui m'avaient adopté. Karen Vohen, ma tutrice jusqu'à l'accident qui a coûté la vie à la famille de Mark, ne m'avait jamais montré le moindre signe d'affection. Il a fallu que Mark m'adopte pour que je découvre l’amour. Mais il s'agit d'un amour paternel. Je n'ai jamais connu la voix rassurante d'une mère, ses sourires complices, son regard bienveillant et ses mains douces sur les blessures de mon corps comme de mon cœur.
La gorge serrée, je songe à Sofia. En de rares moments, que je n'ai pas toujours très bien vécus, elle m'a témoigné une inquiétude toute maternelle. Son masque impassible d'urgentiste s'est fissuré pour me laisser entrevoir la mère de famille aimante et attentionnée qu'elle est. Néanmoins, même si j'éprouve un tas de sentiments bienveillants envers elle et une reconnaissance éternelle pour tout ce qu'elle a fait, à commencer par me sauver la vie, je n'arrive pas à réellement la voir comme ma mère. Plus d'une fois, elle a été dure, cassante et implacable avec moi. Et puis… c'est la mère de Lily Rose et de Maximilian, son cœur et son esprit sont déjà engagés ailleurs.

Avec un geignement, je me frotte le front, sentant venir une migraine. Si cette femme, Nora, m'a abandonné, c'est qu'elle ne voulait pas de moi dans sa vie. Je n'ai jamais été contacté par une quelconque personne qui aurait pu être ma mère ces dernières années. Si elle avait voulu me retrouver, elle l'aurait fait.
Et si c'était à moi de la retrouver ? Non. Ma mère a fait son choix : nos vies ne seront jamais liées l'une à l'autre. Malgré la peine que cette fatalité provoque en moi, je serre les dents. Il ne s'agit pas seulement de ma petite personne, de mes désirs, mais aussi ceux d'une femme qui a décidé de me mettre au monde, de m'offrir une chance, mais non de m'élever.
Je lui en veux, évidemment. L'inverse serait impossible. Mais je ne connais rien des circonstances de ma naissance. Si l'ex-petite-amie d'Oliver Dent est ma mère, elle était alors étudiante au moment de sa grossesse. L'espace de quelques secondes, je me mets à sa place : être sur les bancs de la fac et le nez dans les couches ? Non merci. La vie fonctionne par étapes, que l'on doit franchir pas à pas – du moins, c'est ainsi que j'aimerais que ça se passe.
Pour autant, je ne lui pardonne pas. Mon cœur hurle de colère à l'idée qu'elle m'ait abandonné, tout juste âgé de deux mois, sur les marches d'un orphelinat. Sa grossesse ne devait donc pas être voulue. Oubli de protection ? Problème de contraception ? Ou pire… ? Comment en vouloir à une femme de ne pas vouloir un enfant si elle a été contrainte ?
Pense-le, m'intime fermement une voix au coin de ma tête. Ça s'appelle un viol, Zach. C'est une réalité. C'est ce qui a failli arriver à Jess.
Les nerfs en compote, je me prends le visage entre les mains. Alors, suis-je le fruit d'un viol ? Le fils d'un homme qui a meurtri une femme jusqu'au plus profond de son être ? Ça expliquerait nombre de mes torts.

– Zach ?
À moitié endormi, je sursaute et manque faire tomber de la table le carton contenant le kit de test ADN. J'essuie avec gêne le filet de salive qui a coulé sur mon menton et me frotte énergiquement le visage pour paraître éveillé.
– Qu'est-ce que tu fabriquais ? s'enquiert Mark en déposant son manteau sur le dossier du canapé. Ça va ? Tu en fais une tête.
– Je me suis assoupi. Et, euh, j'ai le kit de test ADN.
– Ah ! Alors, ça va, pas trop compliqué ?
Sa question m'arrache un rire crispé.
– Frotter un coton-tige contre ma joue interne n'est pas la tâche la plus difficile qu'on m'ait demandée.
Devant mon ton léger, son visage se détend. Tout en sortant des feuilles de son cartable en cuir, il s’approche de moi.
– Autrement, tu es sûr que ça va ?
Alors que je m’apprête à mentir, un flot d’émotions me monte à la gorge.
– En fait…
J’inspire un bon coup, croise les mains sur la table et lâche d’une traite les craintes que j’entretiens à propos des circonstances de ma conception. Finalement, je termine par une déclaration fataliste :
– Être le fils d’un violeur expliquerait un grand nombre de choses sur moi.
Mark, qui m’a écouté d’un air grave tout le long, secoue la tête puis pose une main sur mon épaule.
– Zach, si Oliver Dent est bien ton père, il… ça m’étonnerait qu’il ait violé son ancienne petite-amie. Et si ce n’est pas ton père, si ta mère a… été forcée de t’avoir, ça ne veut pas dire que tu es comme ton géniteur.
Avec dépit, je pince les lèvres et ferme les yeux. Je me dégoûte. Être le rejeton d’un violeur est bien pire que tout ce que j’aurais pu imaginer.
– Zach, tu es un bon garçon, insiste Mark en posant sa main à l’arrière de ma nuque. Tu dois me croire. (Il rit nerveusement.) Tu crois que je t’aurais adopté si j’avais vu en toi un véritable déchet ?
Un silence gêné s’installe entre nous. Ému, embarrassé, je n’ose pas le regarder. J’ai encore du mal à croire qu’il ait tant d’estime pour moi. Je ne la mérite pas.
– Quand je t’ai regardé dans les yeux, ce jour-là à l’hôpital, après que tu aies rejeté ma proposition, je n’ai pas vu de pitié, de colère ou de volonté de faire du mal. (Il frotte gentiment la base de ma nuque, ce qui me fait tressaillir.) J’ai juste vu un gosse paumé qui ne savait plus quoi faire de sa vie, qui étouffait de culpabilité et était persuadé qu’il méritait la haine du monde entier.
– Tu me haïssais, Mark, chuchoté-je du bout des lèvres. Ne dis pas que tu…
– Je te détestais, oui, me coupe-t-il d’une voix cassante. Il y a encore des jours où je te déteste. (Il glisse ses doigts sur ma glotte et un frisson glacé me parcoure le dos.) Parfois, j’aimerais t’étrangler de mes mains, savoir que le meurtrier d’Alison et les filles subit le même sort.
Soudainement, il retire sa main et agrippe mon menton pour que je le regarde.
– Dans tes yeux, Zachary, il y a un malheur aussi grand que le mien. Ma peine a résonné avec le vide de ton cœur. Quand j’éprouve des intentions mauvaises à ton égard, je m’en veux terriblement.
Avec un soupir, il secoue la tête, les traits tirés.
– Je ne t’aimerai jamais comme j’ai aimé mes filles et, pourtant, je suis incapable de te haïr.
Son regard s’adoucit en même temps que son ton.
– Je crois que je ne pourrai jamais me passer de toi. J’ai été dépendant de ta présence les années qui ont suivi la mort de ma famille ; ce n’est que parce que tu étais là et que je devais m’occuper de toi que je n’ai pas… que je me suis pas tiré une balle, bordel.
– Mark…
– Je sais, je devrais pas te dire ça, marmonne-t-il en se détournant. Enfin, tout ça pour dire que… que tu n’es pas mauvais, Zachary. Même si tu es le fils d’un violeur, ça ne fait pas de toi une mauvaise personne.
Je hausse les épaules, mais Mark n’y fait pas attention.
Tout en marmonnant, il récupère les feuilles qu’il a sorties de son sac et s’éloigne dans le bureau. Dépité, morose, je reste assis à la table à manger, le menton posé sur mes bras. Je sais que notre relation avec Mark est particulière et instable. Je me doutais qu’il avait eu des envies de meurtre envers moi. Mais l’entendre à haute voix… c’est autre chose. Je me demande s’il éprouve une affection sincère à mon égard ou si c’est seulement un amour d’intérêt, celui d’avoir quelqu’un à la maison pour ne pas se sentir seul.
Non, il t’a dit qu’il t’aimait, s’indigne une voix fluette quelque part en moi.
Mais le pensait-il vraiment ?




70
Liens



Les deux semaines qui suivent sont longues et difficiles. Ma dispute avec Jessica me reste encore en travers de la gorge. Les résultats du test ADN m’empêchent de dormir et les paroles de Mark hantent mes nuits. J’ai hâte que l’année se termine pour rester à la maison, ou me trouver un job. Quoi que ce soit qui m’empêche de penser à mes relations bancales.
Ces derniers jours, j’ai dû prétendre que tout allait bien, que j’allais bien. Lily Rose et Dante ne sont pas dupes, mais Jess et moi savons pertinemment qu’ils préfèrent nous voir souriants et près physiquement l’un de l’autre plutôt qu’en train de déprimer chacun dans notre coin. Pourtant, c’est ce qu’on aimerait faire. J’éprouvais une attirance tout à fait sincère pour elle et je sais qu’il en allait de même de son côté. L’impossibilité de notre relation me frustre et me donne envie de hurler. De fracasser les murs, de courir jusqu’à m’épuiser. Mais je n’aime pas courir et Mark me tuerait si je faisais des trous dans le plâtre. Alors je prends sur moi, j’essaie de recourber mes lèvres en pauvres sourires, comme je le fais depuis quelques années.
Et je me demande : quand vais-je craquer ?

Je suis en train de travailler sur un contrôle d’économie quand mon portable vibre à côté de ma trousse. Une piqûre d’angoisse me paralyse lorsque je vois le nom d’Oliver Dent. Les résultats. Ça ne peut être que ça.
Avec des mains tremblantes, je décroche et porte le téléphone à mon oreille.
– Allô ? hoqueté-je d’une voix pleine d’appréhension.
– Zach, désolé, je te dérange ?
Le ton d’Oliver est pressé, j’ai l’impression de le sentir trépigner à l’autre bout du fil.
– N-Non, t’inquiète pas. Euh, ça va ?
– Ouais, ça va ! (Il marque une pause, le souffle court puis reprend avec un mélange de gravité et d’impatience : ) Écoute, j’ai eu les résultats du test ADN. Ils sont arrivés aujourd’hui.
Mes côtes semblent poussées en avant par mon cœur tant il bat fort. Ma vision se trouble, le souffle me manque. Famille ou pas famille ? Père ou pas pè…
– Le test a été concluant, lâche Oliver Dent au bout d’interminables secondes. Je… Je suis bien ton père, Zachary.
Père.

Malgré l’énormité de son annonce, je ne trouve rien à répondre. Que répondre ?
Trop bien.
Vraiment ?
Oh, c’est chouette.
Cool, j’attendais ça depuis des années !
En fait, j’ai déjà un père…
ET tu veux vraiment de moi ?
Je suis un fardeau, arrêtons tout ici.


Non, je ne peux pas lui dire ça.

Est-ce que tu voudrais bien de moi dans ta vie, alors ?
Est-ce qu’on peut être une famille ?
Est-ce tu veux bien partager ta vie avec la mienne, malgré ce que j’ai fait ?
Est-ce que tu veux vraiment d’un fils meurtrier ?
Hein, papa ?


– Zach ?
La voix hésitante d’Oliver Dent… d’Oliver… de mon… père… m’arrache à mes pensées. Alors que j’ouvre la bouche, ce sont les larmes qui sortent. Soudainement, avec la même fluidité que des mots. Elles se mettent à rouler comme des voyelles sur mes joues et s’écrasent sur mon bureau avec l’intensité de consonnes.
Je sais qu’il m’entend pleurer. Je ne cherche pas à cacher mes reniflements et les sanglots puérils qui m’agitent. Je suis qu’un gamin, un pauvre gosse qui vient de découvrir qu’il avait un papa, comme tous les autres mômes dans la cour de récré. Je pavane du haut de mes dix-sept ans, clamant avoir expérimenté tout ce que la vie a à offrir, affirmant que plus rien ne peut me surprendre.
Mais j’ai tort. Horriblement tort. Je ne connais rien de la vie, de la vraie, de la belle. Oh oui, je sais qu’elle est cruelle et menteuse ; la haine, la peur et la colère me sont familières. J’ai vécu sur cette bordure floue entre le bonheur d’une vie simple et le vide de la mort. Mon cœur bat, mes poumons se remplissent, mais je ne vis pas vraiment.
Je ne sais pas ce que c’est, la vie de famille. Mark et moi sommes noués par un lien dur, incassable, qu’est ma Dette, mais… mais il ne pourra jamais m’offrir ce qu’Oliver Dent peut m’offrir.
Mais, aujourd’hui, je prends conscience que je peux, que j’ai le droit, de vivre normalement. Tout ce que j’avais, c’était Mark. C’était un homme qui m’aimait tout en me haïssant. Là, j’ai un père, un vrai. Mon père, qui plus est. L’homme qui m’a engendré.

– Pardon, chuchoté-je au bout d’un temps interminable. Je… Je viens seulement de me rendre compte de ce que tu représentais pour moi, à présent.
– Pas de soucis, répond-t-il d’une voix douce. Écoute, je vais pas t’embêter plus longtemps, je te laisse digérer la nouvelle calmement.
– Oui, merci. À bientôt.
– À bientôt, Zach… mon fils.
Ces paroles me coupent le souffle, m’envoient un coup de poing dans la poitrine, ravivent les larmes brûlantes. Mais ce n’est pas douloureux, non, c’est la joie dans son état le plus brutal.
Alors que l’euphorie continue à faire courir du miel dans mes veines, de l’espoir dans mon ventre, de l’amour dans mon cœur, mon portable vibre de nouveau dans ma main.
Encore à moitié sous le choc, j’ouvre le message sans y prêter réellement attention. Puis le miel redevient du sang et une onde gelée remonte ma colonne vertébrale.
C’est Jess. Et elle veut me voir.
J’hésite à refuser. J’avais envie de fêter la bonne nouvelle avec Mark, de travailler mon futur contrôle. Mais Jessica affirme être à Daree et vouloir me voir. Est-elle venue pour Lily Rose ? Il me semble que les filles ont un projet commun d’histoire de l’art. Comme Lily habite à deux pas, Jessica a dû en profiter…
Finalement, je cède et lui annonce qu’elle peut venir. J’ai peur de le regretter.

Comme le printemps s’est bien installé et qu’un air doux souffle depuis deux jours, Jess ne porte qu’une jupe plissée aux genoux et un t-shirt bordeaux aux manches longues. Ses cheveux noués en chignon sont retenus par un simple pinceau. Elle a maquillé ses lèvres de rouge vif et il m’est difficile d’en détourner l’attention.
– Entre, je t’en prie, bredouillé-je, gêné, en m’écartant de l’entrée.
– Désolé de débarquer à l’improviste, souffle-t-elle en me dépassant.
Une odeur de peinture, de rose et de la maison de Lily me parviennent. Je remarque des taches colorées sur ses mains.
– Vous avez travaillé sur votre exposé d’histoire de l’art, avec Lily Rose ? je m’enquiers en fermant derrière elle.
– Oui ! J’ai peint notre affiche, c’est pour ça que j’en ai plein les doigts.
Avec un sourire aux coins des lèvres, elle examine la peinture sur ses mains. J’ai envie de les serrer dans les miennes.
Tout en me maudissant mentalement, je l’invite à se déchausser.
– Attends, ça te dirait pas de s’installer dans ton jardin ? (Devant mon air hagard, elle ajoute d’une voix enthousiaste : ) Il fait super doux dehors, autant en profiter !
Ses yeux noisette pétillent avec l’envoûtement des pierres précieuses. Incapable de lui résister, je hoche la tête puis l’accompagne jusqu’à la porte-fenêtre de la cuisine. Alors qu’elle sort dans le jardin derrière la maison, j’ouvre le frigo pour récupérer du jus de pomme.
Sans gêne, elle s’assied par terre, dans une zone où l’herbe est dense. Le jus de fruit dans une main et deux verres dans l’autre, je la rejoins et m’installe à ses côtés.
– Je t’en sers ?
– Volontiers, répond-t-elle en prenant son verre pour qu’il ne tombe pas sur le sol inégal. Merci. Tu veux que je tienne le tien ?
La gorge encore nouée, je hoche la tête. Que me veut-elle ? Elle est radieuse, loin de l’humeur maussade qu’elle affichait au lycée hier.
– Tout s’est bien passé, avec Lily Rose ?
– Oui, très bien même. Cette fille est vraiment géniale, je suis contente d’avoir fait sa connaissance.
– Tu m’étonnes, soupiré-je en croisant les bras autour de mes genoux pliés.
Je sens son regard sur moi. Puis, d’un ton beaucoup plu sérieux, elle ajoute :
– En fait, c’est elle qui m’a conseillé de te voir. (Étonné, je tourne la tête vers elle pour la voir perdue dans la contemplation de la balançoire cassée. J’en garde un mauvais souvenir. Celui du jour où j’ai tabassé Anthony.) Elle pense qu’on devrait se donner une chance.
J’en crève d’envie, manque hurler mon cœur.
L’air hésitant, elle replie sa jambe droite derrière son dos et fait tournoyer le jus de pomme dans son verre. Elle mordille sa lèvre inconsciemment.
– On a beaucoup discuté en faisant l’exposé. Je lui ai expliqué ce qui s’était passé avec mon ex. Elle… m’a beaucoup soutenue, on a parlé de plein de choses : de gars, de sexe, de ce qu’on aimerait toutes les deux à l’heure actuelle.
Perplexe, je l’écoute parler, sans savoir où elle va mener la discussion. Je suis soulagé qu’elle ait parlé de son expérience traumatisante avec Lily. Au moins, tout notre petit noyau de quatre est au courant.
– Et, à l’heure actuelle, j’aimerais vraiment être avec toi, Zachary.
Sa déclaration me laisse muet. Que croit-elle ? Que je ne souhaite pas la même chose ?
– Je sais ce que tu vas me dire, soupire-t-elle en baissant le nez. Que toi aussi, tu voudrais sortir avec moi. Que c’est chez moi que ça bloque. (Brusquement, elle relève le cou pour planter son regard déterminé dans le mien.) J’en ai conscience ! Et j’aimerais vraiment changer la donne.
Délicatement, elle pose sa main par-dessus la mienne, sur laquelle je m’appuyais depuis quelques secondes.
– Est-ce que tu voudrais bien m’apprendre à faire confiance à nouveau ?
Son ton nerveux et plein de crainte me fait de la peine. Je la connais forte, déterminée, inatteignable. Cette nouvelle facette d’elle-même, craintive, apeurée, fragilisée, me déstabilise.
– Zach, réponds, murmure-t-elle d’une voix rauque. S’il te plaît. Je… j’aimerais vraiment me reconstruire à tes côtés. J’aimerais redécouvrir l’amour avec toi. Connaître le plaisir d’être avec une personne à qui je fais confiance.
Mon cœur s’étouffe dans l’émotion qui m’envahit. J’ai l’impression de rêver. Mais non, c’est bien la réalité. Jessica est en train de me demander de l’accompagner sur le chemin de sa reconstruction personnelle.
Elle n’a pas idée que j’ai, quant à moi, tout un parcours à tracer à ses côtés.

J’ai du mal à réaliser. Quelques semaines plus tôt, elle m’annonçait qu’une tentative de viol avait détruit sa confiance en les hommes et qu’elle ne se sentait pas d’attaque pour une nouvelle relation. À présent, tout sourire, elle me demande de joindre ma vie à la sienne. Quelles paroles magiques a bien pu lui souffler Lily Rose pour qu’elle change ainsi d’avis ?
Malgré tout, je souris pour moi-même. Comment pourrais-je refuser ?
– Évidemment, finis-je par bredouiller en prenant sa main dans les miennes. Oh, bordel, bien sûr que j’en ai envie.
Sous le soleil tiède, son visage se détend, ses yeux malicieux me sourient, ses lèvres me disent mille mots muets. J’ai envie de l’embrasser, de plonger le nez dans son cou chaud, de passer la main dans ses cheveux, de sentir la chaleur de son corps contre le mien.
Soudain, une évidence me frappe de plein fouet :
– Mais, Jess, je… comment je peux t’aider ?
Un masque de surprise et d’incompréhension se peint sur son visage. Avec l’impression d’être le premier des crétins, je lui explique :
– Je… je connais rien à l’amour, aux relations, tout ça…
– C’est pas grave, me rassure-t-elle en venant se lover contre moi. C’est bien ça que je cherche chez toi, Zach : une forme de pureté, d’inexpérience, qui me permettra de tout recommencer.
Avec une boule de douce chaleur dans le ventre, je passe un bras autour d’elle et plonge le nez sur le sommet de son crâne. Le soleil nous réchauffe paisiblement.
J’ai le sentiment que, quoi que j’aie pu faire, quoi que je fasse et peu importe ce que je ferai à l’avenir, Jessica m’acceptera tel que je suis : un sombre idiot, au cœur trop souvent malmené, qui a beaucoup trop de mal à poser les mots sur les maux.
Les yeux clos, l’odeur discrète de ses cheveux dans le nez et la douceur de son corps contre le mien, je laisse l’air tiède nous bercer de ses chuchotements.
Peut-être la vie a-t-elle enfin décidé de m’accorder un peu de répit et de bonheur après tant d’années de solitude et de chagrin.
Peut-être.


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15Lina15

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

Salut !
Me voilà de retour, du coup j'ai pu lire 4 chapitres d'affilé et de ce point de vue, l'histoire avance bien vite !

J'ai trouvé un peu rapide la réconciliation entre Zach et Jess (mais peut-être lié au point ci-dessus) et le fait que leur relation n'ai pas suffisamment durée ou développée ou qu'elle ne soit pas été assez loin… ça diminue grandement l'impact et c'est dommage :roll: Je pensais, pourquoi tu n'as pas fait ce déclic justement à un moment plus intime avec les personnages, que ça paraisse plus 'justifié' comme réaction et surtout que leur séparation soit plus touchante.
Je trouve au contraire les moments entre le père et Zach très bien faits, d'autant plus le moment des résultats d'ADN. C'est rapide, efficace et la réaction des deux personnages est sensible et réaliste, j'ai adoré !

La révélation de Mark sur ses envies meurtrières est certes violente mais nécessaire je pense pour qu'ils puissent être sur de bonnes bases sincères et créer de la confiance.
J'ai trouvé sympa que Mark et Jess fassent connaissance mais dans un tel contexte pas nécessaire ni trop à sa place, mais comme toujours, tu l'amènes très bien !
Assez étrange le moment où Jess évoque le fait d'entamer une autre relation pour se libérer de sa peur des hommes… J'ai bien aimé qu'elle refuse d'abord de continuer leur relation pour ensuite revenir sur ses pas, ça prouve l'attachement qu'elle a pour Zach :) :)
Finalement je comprends mieux Elena au fur et à mesure qu'elle prends place dans l'histoire.

Merci pour ces nouveaux chapitres, j'espère voir Jess et Zach ensemble et un peu plus Lily Rose et le frère de Jess absent de ces derniers chapitres :D ;)
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

15Lina15 a écrit :Salut !
Me voilà de retour, du coup j'ai pu lire 4 chapitres d'affilé et de ce point de vue, l'histoire avance bien vite !

J'ai trouvé un peu rapide la réconciliation entre Zach et Jess (mais peut-être lié au point ci-dessus) et le fait que leur relation n'ai pas suffisamment durée ou développée ou qu'elle ne soit pas été assez loin… ça diminue grandement l'impact et c'est dommage :roll: Je pensais, pourquoi tu n'as pas fait ce déclic justement à un moment plus intime avec les personnages, que ça paraisse plus 'justifié' comme réaction et surtout que leur séparation soit plus touchante.
Je trouve au contraire les moments entre le père et Zach très bien faits, d'autant plus le moment des résultats d'ADN. C'est rapide, efficace et la réaction des deux personnages est sensible et réaliste, j'ai adoré !

La révélation de Mark sur ses envies meurtrières est certes violente mais nécessaire je pense pour qu'ils puissent être sur de bonnes bases sincères et créer de la confiance.
J'ai trouvé sympa que Mark et Jess fassent connaissance mais dans un tel contexte pas nécessaire ni trop à sa place, mais comme toujours, tu l'amènes très bien !
Assez étrange le moment où Jess évoque le fait d'entamer une autre relation pour se libérer de sa peur des hommes… J'ai bien aimé qu'elle refuse d'abord de continuer leur relation pour ensuite revenir sur ses pas, ça prouve l'attachement qu'elle a pour Zach :) :)
Finalement je comprends mieux Elena au fur et à mesure qu'elle prends place dans l'histoire.

Merci pour ces nouveaux chapitres, j'espère voir Jess et Zach ensemble et un peu plus Lily Rose et le frère de Jess absent de ces derniers chapitres :D ;)
Heyo !
Oui, pour une fois que ce serait presque mieux de les lire en décalé, parce que le rythme est assez brutal sur ces 4 chapitres, tu les lis d'un coup :lol:

Eh, oui, même moi je trouve ça rapide, mais, en même temps, l'effet est un peu recherché, car les réconciliations peuvent arriver plus rapidement qu'on ne le pense... :) Après, la rapidité de leur réconciliation est aussi justifiée par la brièveté de leur relation ! C'est sûr que ça aurait été plus compliqué s'ils étaient en couple depuis plusieurs mois ^^
Oh, merci beaucoup, ça me fait vraiment plaisir ! :D Comme je n'ai absolument aucune idée de ce qui peut passer dans la tête d'une personne qui vit la situation de Zach, j'essaie d'être équilibrée dans les sentiments, mais c'est toujours délicat ^^

Ouip, ça pas très fun, mais nécessaire comme tu dis :roll:
Alors j'ai franchement hésité à enlever le passage à la relecture, car ça fait un peu brusque, mais j'avais envie de montrer que Mark prête vraiment attention à Jess (pour mieux connaître Zach) et a envie de tisser un lien avec elle.
C'est effectivement assez contradictoire :lol: Mais bon, elle justifie ça par le fait que Zach est vraiment "innocent" de ce PDV-là, et qu'il sera plus prudent que n'importe qui d'autre, car il connait la souffrance et le manque de confiance :?
Pour Elena, c'est vrai qu'elle a une place délicate, un peu coincée entre Oliver, Mark et Zach... Alors que j'aime beaucoup son personnage !

Lily Rose et Dante reviennent vite, promis ;)

Un grand merci pour ton retour et à bientôt :D
15Lina15

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

:lol: Comme par hasard, le seul moment où faut prendre son temps, j'en lis 4 d'affilée. J'ai pas de chance :lol:
Je trouve que tu arrives très bien à te glisser dans la peau de tes personnages.
Oui je comprends que tu ai voulu surprendre avec une réconciliation rapide. Et puis, trop de tristesse et de malheur ça devient lourd à un certain point.
Je comprends que tu ai voulu montrer l'intérêt que porte Mark aux relations de Zach, mais ce n'était peut-être pas le bon moment ?
Youppii :D j'ai hâte de les revoir ^^
Bonne semaine !
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

15Lina15 a écrit ::lol: Comme par hasard, le seul moment où faut prendre son temps, j'en lis 4 d'affilée. J'ai pas de chance :lol:
Je trouve que tu arrives très bien à te glisser dans la peau de tes personnages.
Oui je comprends que tu ai voulu surprendre avec une réconciliation rapide. Et puis, trop de tristesse et de malheur ça devient lourd à un certain point.
Je comprends que tu ai voulu montrer l'intérêt que porte Mark aux relations de Zach, mais ce n'était peut-être pas le bon moment ?
Youppii :D j'ai hâte de les revoir ^^
Bonne semaine !
Bah c'est pas ta faute, d'un autre côté ;)
Oh merci !
Oui, c'est clair que ça deviendrait rapidement lassant ^^'
Ça t'a semblé vraiment peu cohérent leur discussion (sachant qu'il ne savait pas encore que Jess et Zach étaient réellement séparés) :? ?
louji

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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

Deux chapitres plutôt concentrés sur les personnages secondaires... En espérant que ça vous plaise ! :D



71
Famille



Jessica est restée une grosse heure avec moi, simplement calée contre mon épaule, silencieuse et douce comme une brise d’été. Nous n’avons échangé qu’un timide baiser lorsqu’elle est partie et un signe de la main alors qu’elle courrait pour ne pas rater le bus qui la ramènerait chez elle.
Mon cœur est sur un petit nuage. Enveloppé d’une toile d’espoir et de soie de tendresse. Pourvu que tout cela dure.

Mark était de sortie aujourd’hui. En rendez-vous avec Elena. J’espère de tout cœur que, comme pour moi, tout s’est bien passé. Il mérite amplement d’avoir un peu de réconfort et d’affection de la part d’une femme qui est prête à supporter son caractère d’ours mal léché et à soutenir son cœur meurtri.
Pour lui faire plaisir, je prépare des lasagnes et une crème brûlée, ses plats favoris. Alors que je suis penché au-dessus du lavabo à faire la vaisselle, une question idiote me vient : quels sont mes aliments préférés, à moi ? J’ai toujours mangé ce qu’on mettait dans mon assiette sans me plaindre, mais ai-je des préférences ? J’adore les gratins de courgettes, le saumon en papillote, les rizottos… À l’avenir, je ferai attention à m’en faire plus souvent ; j’ai aussi le droit à ces quelques plaisirs.

L’issue du rendez-vous galant de Mark me semble plutôt positive lorsqu’il rentre à la maison, le visage détendu comme je ne l’ai plus vu depuis un moment. Ses yeux d’obsidienne brillent, ses lèvres sourient avec sincérité. Le voir ainsi me soulage.
– Ça s’est bien passé, apparemment, le salué-je en sortant de la cuisine, un torchon entre les mains.
– Oh, bonsoir, Zach, m’accueille-t-il d’une voix enthousiaste. Comment tu vas ?
– Bien et toi ?
– Bien aussi. (L’air ailleurs, il retire ses chaussures puis va s’asseoir sur le canapé.) Très bien, même.
– Elena était…
– Radieuse, me coupe-t-il d’un ton légèrement rauque. Vive, brillante, lumineuse… Elle est beaucoup plus franche et exubérante qu’Alison l’était, mais, par certains côtés, elles se ressemblent tellement. Alison aussi était rayonnante, à l’écoute et bienveillante. Pleine d’enthousiasme et débordante d’amour.
– Tu le mérites, Mark, murmuré-je d’une voix douce en m’approchant de lui. J’espère que quelque chose de sérieux se construira entre vous.
Derrière le canapé, je le vois sourire presque tristement.
– Oui, moi aussi, j’espère. (Il lève les yeux dans ma direction.) Toi aussi, tu sembles heureux.
Il se tait un moment, prenant conscience de ses mots, semble honteux, puis reprend d’un ton hésitant :
– Tu as passé une bonne journée ?
– Oui, je… j’ai appris de bonnes nouvelles.
– Comme quoi ?
Soudain nerveux, j’hésite à répondre. Qu’Oliver Dent soit mon géniteur est-il vraiment une bonne nouvelle aux yeux de mon père adoptif ? Je crains que non.
– Oliver a reçu les résultats du test ADN. (Les épaules de Mark se tendent d’un coup.) Il… Je… je suis bien son fils.
Un silence lourd tombe entre nous. Comme je suis placé derrière lui, je ne vois pas bien le visage de Mark. Comment va-t-il réagir ?
– Je… finis-je par chuchoter, mal à l’aise.
– Tu devrais aller vivre avec lui.
Ses mots, durs et froids, me crispent. Je m’étais imaginé mille scénarios pour sa réaction. Qu’il me rejette est l’un de ceux qui me font le plus peur.
– Tu…
Avec fourberie, ma voix flanche, lâche, m’abandonne. J’ai toujours eu cette part de lâcheté, ce sentiment que le silence parle pour moi. Même si le silence est fort, grave, il n’exprime pas le fond de ma pensée. Il faut que je fasse l’effort de le regarder en face, de lui soumettre mes craintes. C’est mon père, pas juste l’homme qui détient ma dette.
J’avale mes tripes, je serre les poumons et saisis ma voix pour la porter jusqu’à lui, jusqu’à Mark :
– Tu ne veux plus de moi ?
Il croise ses mains et les tord l’une contre l’autre. Même si je ne vois pas son visage, son angoisse est palpable. Une sueur froide se forme sur ma nuque. Une peur viscérale de môme, la peur qu’il m’abandonne, que je le perde, me cueille à l’estomac. J’ai si mal que la nausée m’attrape dans son filet diaphane.
– Zachary, reprend-t-il d’un ton bas, rauque, qui me vrille les intestins, viens t’asseoir.
J’obéis sans attendre, malgré la peur qui pulse dans mes veines. Avec lenteur, je m’installe à sa gauche et fixe la table basse en verre qui me renvoie le reflet de deux inconnus. L’un est trapu, sombre de peau, l’autre est plus filiforme et sombre d’esprit.
– J’ai conscience de ce que la vie est en train de t’offrir. De la chance que tu as d’avoir fait la rencontre de ta… vraie famille. Je ne veux pas t’enfermer dans ma noirceur, dans le passé. (Soudain il me regarde avec des yeux humides.) Zach, je veux que tu vives, que tu passes de bons moments, pas que tu t’autodétruises en étant obligé de vivre près de moi. Va vivre chez Oliver Dent, chez ton père, le vrai. Il a tout une vie à t’offrir, tout un passé à rattraper. C’est évident que tu l’intéresses et qu’il s’est déjà pris d’affection pour toi. Alors ne gâche pas ton temps à…
– Mark, le coupé-je, atterré. Qu’est-ce que tu racontes ?
J’observe ses mains tordues l’une dans l’autre, comme nos deux vies enchevêtrées par une funèbre destinée, mais reliées et soudées ensemble comme de l’acier. Ses paluches grandes et costaudes, ses phalanges caleuses, sa paume rêche. Mark n’a pas la main douce. À vrai dire, ce n’est pas un homme doux. Il est bourru, grave, sévère, et il l’était avant même l’accident. Néanmoins, il a une lueur dans le cœur, un éclat dans le regard, une courbe sur les lèvres, qui le rendent terriblement humain, parfois si vulnérable que j’en ai peur.
Bêtement, timidement et, en même temps, avec une grande effronterie, je glisse ma main hésitante dans la sienne, nerveuse.
Comme si je venais de poser un doigt sur ses lèvres alors qu’il est en train de parler, il fait taire les larmes de ses yeux. Puis, avec une rare délicatesse, il serre ma main.
– Mark, je reprends d’une voix tout juste audible, moi aussi j’ai conscience de ce que la vie m’offre. Moi aussi je sais que l’arrivée d’Elena et d’Oliver dans ma vie est inouïe. Mais il y a autre chose que je sais : que j’aurais beau avoir tous les points en commun du monde avec Oliver, tu resteras… tu resteras celui qui m’a construit pour de bon, qui m’a appris la vie, l’honneur, le courage et la persévérance.
Avec des sanglots sur le palais, je cale mon front contre son épaule solide ; cette épaule qui a tant porté, parfois difficilement, mais qui n’a jamais cédé.
– C’est toi, Mark, mon vrai père.

Le soir, je reçois un message d’Oliver – de mon père. Je crois qu’il va me falloir du temps avant de penser à lui comme mon père et non comme Oliver Dent. Quant à lui dire « papa »… pas sûr d’être capable de le faire un jour.
Dans son message, il m’a proposé de venir déjeuner avec lui et Sharon demain midi. Ils me donnent rendez-vous à Lake Town – pour m’éviter d’aller jusqu’à Denver – si jamais je suis intéressé. Je ne sais pas trop quoi décider. J’ai appris dans la journée les résultats du test ADN et je ne suis pas sûr d’avoir encore bien réalisé. Alors les revoir demain ?
C’est peut-être pas une si mauvaise idée ? murmure une voix narquoise dans ma tête.
Si seulement je pouvais les faire taire toutes ces voix. Il n’empêche que l’idée de passer un moment sympa avec mon père et son épouse ne me déplaît pas. Surtout que je n’ai encore jamais vu Sharon. Ce serait l’occasion.
Avant que je ne change encore d’avis, j’envoie un court message à Oliv… à mon père pour lui confirmer ma venue.

Le lendemain, vers midi, Mark me dépose devant la pizzéria de Lake Town où l’on s’est donné rendez-vous. Il me souhaite un bon repas puis repart, me laissant seul face à la devanture orange du restaurant. Avec un soupir, je consulte ma montre : j’ai quelques minutes d’avance.
Je n’ai pas à attendre très longtemps. Une trentaine de secondes plus tard, un couple apparaît main dans la main avant de se diriger vers moi. Je reconnais sans mal Oliver… mon père vêtu d’une chemise bleu ciel et d’un jeans sombre. À ses côtés, une femme menue en blouse beige et legging rouge sombre m’adresse un petit sourire en m’apercevant. Ses cheveux blonds cendrés lui arrivent à l’épaule.
– J’espère que tu n’attends pas depuis longtemps, lance mon père en guise de salut.
– Non, je viens juste d’arriver.
Soulagé, il m’adresse un sourire penaud puis se tourne vers sa compagne, qui m’observe presque timidement.
– Je te présente Sharon, mon épouse.
– B-Bonjour, bredouillé-je avant de pencher pour lui serrer la main.
– Bonjour Zachary, souffle-t-elle d’une voix émue en m’observant avec attention. Oliver n’a pas menti : tu es son portrait craché.
Embarrassé, je baisse les yeux, ce qui fait rire sous cape mon père.
– Sharon, ne l’embête pas.
– P-Pardon, enchaîne aussitôt la femme en ouvrant grand les yeux.
– Pas de problème, la rassuré-je avec un demi-sourire. Je suis content de vous rencontrer.
– Moi aussi, murmure-t-elle avec un sourire d’une grande douceur.
Alors qu’on s’engage vers l’entrée de la pizzéria, je songe à la tendresse et à la bonne humeur que dégage cette femme. Elle est discrète et introvertie, des traits de caractère que je retrouve sans mal chez moi. Je pense que le courant devrait bien passer entre nous.

Comme je le pressentais, tout se passe bien. Oliver est toujours aussi diplomate et attentif, il choisit ses mots avec soin et fait toujours attention à ne pas nous brusquer, Sharon et moi. Quant à cette dernière, sa douceur la poursuit jusque dans sa façon de penser, ses gestes et ses paroles. Ils me rassurent et me réconfortent, m’écoutent avec bienveillance et attendent calmement lorsque je bafouille ou cherche mes mots. Je me sens idiot devant eux, mais je ne vois jamais la trace d’un quelconque agacement sur leur visage. Bien au contraire, ils rayonnent, ils me relancent sur divers sujets, m’interrogent avec une curiosité presque enfantine.
Il me faut un petit moment pour comprendre pourquoi ils prennent tant de temps pour me connaître et approfondir ce que je laisse apparaître en surface. Pour eux, je suis certes l’enfant caché d’Oliver, un jeune homme en train de devenir adulte, un lycéen qui passera bientôt à l’université, mais… mais, surtout, je suis un potentiel fils. Un enfant pour ce couple stérile. Une promesse de stabilité en plus de leur mariage futur.

Alors que nous attendons les desserts – des tiramisus – je décide d’aborder le sujet qui me fait un peu peur. Je leur demande de m’écouter jusqu’au bout, même si je cherche mes mots comme un imbécile, même si je rougis, même si je pâlis, même si n’importe quoi.
Et je leur dis. Je leur explique que, même si ça ne semble pas évident, j’ai déjà une famille, une vie. Je leur explique que je me sens accepté et aimé – pas tout le temps, mais, globalement, oui – chez moi. Je leur explique que, si je n’ai pas vraiment de figure maternelle, il y a déjà un homme que je n’hésiterais pas à appeler « mon père » dans mon cœur. Et que ce n’est pas parce que je n’ai pas de liens de sang avec lui qu’il est moins légitime que le biologique.
Je conclus, les yeux dans ceux d’Oliver, que je souhaite vraiment partager ma vie avec la leur, passer du temps avec eux, venir à leur mariage, les encourager s’ils souhaitent adopter, les voir pour les fêtes, mais que… que je ne serai jamais complètement leur fils, qu’Oliver ne sera jamais vraiment mon père. Parce que mon père, c’est Mark, même si on s’engueule aussi souvent qu’on s’apprécie, même si c’est vraiment pas simple entre nous, même si je n’ai pas tant de choses en commun avec lui.
À la fin de mon long monologue, Sharon et Oliver m’observent en silence, le visage tiré. J’ai peur de les avoir déçus, blessés, découragés. Je m’en veux réellement.
Alors que je suis déjà prêt à m’excuser, Oliver pose sa main sur la mienne, l’air grave.
– Je ne vais pas te dire que je ne m’attendais pas à ce que tu me le dises. C’est vrai, je ne débarque pas dans ta vie alors que tu n’as rien ; bien au contraire, tu es riche d’amis proches, d’un foyer, d’un… père qui veille sur toi et t’élève depuis déjà des années. (Il m’adresse son petit sourire penaud qui me fend le cœur.) Je ne suis pas surpris de ta déclaration, mais, c’est vrai, il y avait au fond de moi l’espoir fou que je sois… que je sois vraiment important à tes yeux.
– Mais tu es important ! m’exclamé-je aussitôt, interdit.
– Important comme l’est Mark à tes yeux.
Muet, je plisse les lèvres et détourne le regard. Même Sharon semble attristée. Pensaient-ils vraiment que nous allions devenir du jour au lendemain une belle famille unie ? Si c’est le cas, c’est qu’ils ont été naïfs…
– Désolé, soufflé-je en ramenant ma main vers moi. Je… ne voulais pas vous blesser.
– Ne t’en fais pas, me rassure Oliver avec un regard qui n’a rien d’accusateur et qui, au contraire, est plein de compréhension. Ça aurait été cruel de notre part d’attendre de toi que tu t’offres à nous entièrement comme si… comme si tu avais été notre fils pendant des années.
Il m’adresse un petit sourire.
– Prenons notre temps, Zach. Prenons le temps de mieux nous connaître, de se découvrir, de nous comprendre… Nous avons le temps de faire des sorties ensemble, des repas, des fêtes… Tout ce que tu voudras !
Il regarde par la fenêtre, l’air simplement heureux.
– Nous avons toute la vie devant nous, à présent.




72
Journée au lac



Nous profitons d’un samedi de mi-mai ensoleillé pour nous rendre à Lake Town avec les jumeaux et Lily Rose. Je propose aussi à Ashley, la nièce de Mark, de venir par le biais de ce dernier. L’adolescente l’a recontacté par mail peu après sa venue chez nous. Sa mère l’a privée de sortie pendant deux semaines, mais est restée assez… conciliante, si j’ose dire.
Je lui ai envoyé un mail la semaine dernière pour lui demander de nous accompagner. Un bon courant est passé entre elle et moi, ce serait dommage qu’on ne puisse plus se voir. Prenant son courage à deux mains, Ashley en a parlé à sa mère, qui a accepté. À condition que ce soit elle qui l’emmène au lac et que ce soit elle qui vienne la chercher à dix-huit heures pétantes. Marché conclu. Le soir même de l’envoi du mail, Ashley m’a annoncé qu’elle nous rejoignait pour la journée.

C’est la mère de Lily Rose qui nous emmène au lac. Sofia est d’humeur aussi chaleureuse que le temps et parle tout le long du trajet des fleurs qui éclosent dans son jardin, des petits animaux qui réapparaissent, du vent doux qui souffle en milieu d’après-midi… Je l’ai rarement vue ainsi.
Elle en profite aussi pour me harceler de questions diverses, auxquelles je réponds tant bien que mal. Elle me questionne notamment au sujet d’Ashley, qu’elle n’a pas revue depuis des années. Comme je ne sais pas grand-chose de l’adolescente, je l’informe comme je peux, mais le mieux resterait encore que la jeune fille et la femme discutent en tête-à-tête.
Les jumeaux sont déjà là lorsque Sofia gare le 4x4 sur le parking sablonneux du lac. Celui-ci n’est pas immense, mais assez grand pour nager sans être dérangé par les gamins qui braillent en tout sens et pour faire du canoë.
Dante porte un short beige et une chemise à fleurs bleue. J’ai hâte de me ficher de sa tête. À voir l’expression malicieuse de Jess, je crois qu’elle l’a déjà fait pour moi. Elle n’est vêtue que d’une robe tie-and-die qui part du blanc pour finir sur du rouge saumoné aux cuisses. Je devine un maillot de bain deux pièces sous le tissu léger. J’ai du mal à décrocher les yeux d’elle.
– Allô la lune ? ici la terre, se moque gentiment Lily Rose en venant me pincer le flanc.
Rouge comme une pivoine, je me détourne de Jessica pour observer Lily. Je l’ai à peine regardée, mais, elle aussi est jolie dans son combi-short vert et bleu. Néanmoins, je sais très bien qu’elle ne veut pas que je la reluque – nous savons tous les deux quelle relation nous entretenons. Elle m’empêche surtout de passer pour un gros débile.
– Je vous souhaite une bonne journée ! lance Sofia depuis la voiture. Lily, tu as bien pensé à prendre le pique-nique dans le coffre ?
– Oui, maman !
– Zach, tu n’as pas oublié ton sac à dos ?
– Non. (J’adresse un regard amusé à la femme puis souffle d’une voix un peu moqueuse : ) Maman.
Plutôt que de la faire rire, elle tressaille comme si une guêpe venait de la piquer, m’observe bizarrement en silence quelques secondes puis se détourne. Avec l’impression d’être un abruti de première, je baisse le nez. Est-ce que je l’ai blessée ? Je voulais simplement imiter Lily Rose. Peut-être aussi faire un clin d’œil à son comportement maternel envers moi.
Alors qu’elle s’apprête à démarrer le moteur, elle me fait signe de la main.
– Zachary, viens voir.
Avec une boule d’appréhension dans l’estomac, je m’approche. Son visage est un mélange de bienveillance et de fermeté.
– Je sais que tu m’as dit ça pour rire, mais…
Elle soupire, puis agite la main.
– Baisse-toi.
J’obéis sans broncher. Alors elle se redresse sur son siège et dépose un baiser sur mon front. Surpris, je me relève trop vite, me cogne la tête sur la portière puis jure en me frottant le crâne. Les yeux verts de Sofia pétillent.
– Moi, ça me fait plaisir quand tu m’appelles « maman ».
Ahuri, je ne réagis pas tout de suite. La femme m’adresse un sourire penaud.
– J’ai pris soin de toi ces dernières années comme si tu étais mon propre fils. (Devant mon expression interdite, elle ajoute précipitamment : ) Non, je sais, je ne serai jamais ta mère ! Mais… mais sache que si tu as besoin d’attention maternelle, je suis là.
Les traits crispés, elle fixe la route face à elle, les doigts serrés fort sur le volant.
– Voilà, sache-le juste.
Quelques secondes s’écoulent avant que je bredouille ma réponse.
– M-Merci, Sofia.
Elle esquisse un petit sourire puis démarre le moteur pour de bon.
– Veille sur ma fille, espèce de greluche coincée des sentiments, m’ordonne-t-elle en enclenchant la marche arrière.
– Oui, maman, soufflé-je d’un ton obéissant en la regardant partir, sourire aux lèvres.

En attendant que Molly, la sœur de Mark, vienne déposer sa fille, les jumeaux, Lily Rose et moi nous installons sur de grosses roches qui délimitent le parking. Des bâtiments en bois abritent des WC, une location de canoës, un guichet de tickets pour des tours en pédalos, des livrets touristiques… Je suis déjà venu ici dans ma jeunesse, mais pas depuis que Mark m’a adopté.
Même s’il est encore tôt pour se baigner, un peu de canoë peut être tout à fait plaisant sous ce soleil brillant.
– Au fait, lance Lily Rose en profitant d’un blanc dans la discussion, Dante, je…
Elle adresse un regard malicieux à Jess puis à moi.
– J’adore ta chemise, c’est… fleuri.
Plutôt que de se vexer, Dante redresse ses épaules malingres et affirme d’une voix assurée :
– Excusez-moi d’avoir du charme.
– Du charme, répète sa sœur d’un air désabusé avant de pouffer.
– Jess, tu n’as aucun goût.
– Et toi aucun sens de la répartie ! se moque gentiment Jessica.
Comme son frère se rembrunit, vexé pour de bon, cette fois, sa sœur se lève et vient le serrer fort dans ses bras. Elle en profite pour l’embrasser sur la joue.
– Je t’aime, petit frère.
– On est jumeaux, Jess, maugrée-t-il en acceptant néanmoins l’étreinte de sa sœur.
– Mais je suis née la première.
Sur cette dernière boutade, elle lui tire la langue, le décoiffe puis bondit en arrière avant qu’il ne la rattrape pour se venger. Leur complicité me fait sourire.
Soudain, des roues crissent sur le gravier derrière nous. D’un coup d’œil par-dessus mon épaule, j’observe une petite voiture citadine rouge se garer à quelques mètres. Tout juste le moteur est-il coupé qu’une adolescente en bondit, ravie.
– Zach ! s’exclame Ashley d’une voix enthousiaste en fonçant vers moi.
Ses cheveux tressés rebondissent sur ses épaules tandis qu’elle court dans ma direction. Amusé par sa joie spontanée et presque enfantine, je me lève pour aller à sa rencontre. Sans que j’aie le temps de l’arrêter, elle m’entoure de ses bras en plaquant son front contre ma poitrine. Attendri par sa sincérité et sa douceur, je la serre gentiment contre moi.
– Ashley, marmonne Molly Keaton en s’approchant, le visage fermé.
Sa fille se décolle aussitôt de moi pour se tourner vers elle. Ses yeux brillent de détermination, comme si elle s’attend à une énième confrontation.
– Oui, je sais, maman, je ne reste jamais seule, je garde mon téléphone à portée de main, je ne parle pas aux inconnus, je fais attention, je t’appelle si j’ai un souci et, à dix-huit heures, je suis prête à repartir.
L’air toujours pincé malgré les promesses de l’adolescente, Molly marmonne quelque chose à voix basse puis tourne les talons sans un signe pour sa fille.
– Amuse-toi bien.
– Au revoir, Mme Keaton, lancé-je docilement par politesse.
Comme elle rentre une jambe dans la voiture, je me doute qu’elle ne va pas répondre. Contre toute attente, elle lâche néanmoins un « au revoir » un peu sec avant de fermer la portière et de démarrer le moteur.
– Désolée, souffle Ashley en me jetant un coup d’œil gêné. C’est une vraie harpie.
– T’inquiète pas, la rassuré-je en lui adressant un petit sourire contrit. Elle a ses raisons de l’être.
Visiblement guère convaincue, Ashley hausse les épaules en lâchant un faible « mouais » avant de me prendre par le bras.
– Tu me présentes tes amis ?
Les jumeaux et Lily Rose nous ont observés en silence. Dante sourit comme un imbécile, Lily Rose reste figée sur place, les yeux si agrandis que j’ai peur qu’ils s’échappent de leurs globes oculaires, et Jess regarde la voiture s’en aller d’un air perplexe. La froideur de la mère d’Ashley a dû la marquer.
– Bonjour, lâche timidement l’adolescente en restant près de moi.
– Salut, enchaîne aussitôt Dante, le regard brillant d’enthousiasme. Ravi de faire ta connaissance, cousine de Zach !
Je grimace devant le lien qu’il met entre nous. Cependant, Ashley ne se froisse pas et esquisse ce sourire charmeur et innocent qui la définit très bien.
– Et vous vous appelez…
– Dante, répond celui-ci avant de poser une main sur l’épaule de sœur, et voici Jessica, ma jumelle. Puis…
Avant qu’il ait pu continuer, Lily Rose bondit sur Ashley et pose les mains sur ses épaules.
– Ashley, je suis Lily Rose Daniels, la fille des voisins de Mark. Je ne sais pas si tu te rappelles de moi, mais je venais jouer avec toi et les jumelles Grace.
Le silence s’installe entre nous. Le visage d’Ashley se fronce, se crispe, puis se détend comme une corde d’arc. Ses iris noirs scintillent de souvenirs.
– Oui, oui, je m’en rappelle ! (Elle attrape une des mèches blondes de Lily Rose.) Je me rappelle tes cheveux, je les trouvais magnifiques…
– Ah bon ? fait mon amie en rougissant. Moi, j’aimerais qu’ils soient épais comme les tiens, je les trouve tout plats.
– On n’a jamais ce qu’on veut, soupire l’adolescente avant d’observer mes amis tour à tour. En tout cas, je suis ravie de vous rencontrer ! Et merci de m’avoir acceptée avec vous.
– Tu parles ! s’exclame Jess avec un sourire malicieux, c’est normal.
Manifestement curieuse, l’adolescente observe mon amie avec insistance. Comme Jess sent son regard sur elle, elle se détourne, un peu embarrassée.
– Bon, on va louer des canoës ? proposé-je en tapant dans mes mains.
– Oui !

Comme nous sommes cinq, on décide de tourner et de laisser quelqu’un sur la berge pour surveiller nos affaires. Jessica prend le premier tour et je me retrouve à pagayer avec une Ashley débordante d’énergie et de rires. À côté de nous, sur le lac à l’eau vert sombre, Lily Rose et Dante se chamaillent en s’accusant mutuellement de casser le rythme d’avancée.
Profitant d’être tous les deux, je demande à Ashley comment ça va depuis la dernière fois qu’elle est venue chez nous. Sa mère n’était pas au courant et a été bien agacée d’apprendre le voyage « clandestin » de sa fille. Molly est même venue chez nous et s’est pris le bec avec Mark. Et m’a d’ailleurs drôlement bouleversé, même si je le garde pour moi.
Ashley me rassure : elle affirme discuter assez souvent avec sa mère de Mark et de moi, essayant de la convaincre de reprendre contact avec nous. L’adolescente est assez dubitative, mais n’en démord pas et espère améliorer un petit peu l’image qu’a sa mère de Mark et moi.
Touché par son inquiétude, j’essaie de lui faire comprendre que certaines choses ne peuvent être réparées. Que perdre ses nièces dans un accident brutal a dû toucher Molly plus qu’elle ne le laisse paraître. Et que surprotéger sa fille est un moyen pour elle de se rassurer à la suite de cet accident.

Vingt minutes plus tard, nous sommes de retour sur la berge. Dante se propose aussitôt de prendre la place de Jess. Pendant qu’elle nous attendait, notre amie a griffonné sur une feuille un paysage du lac et des montagnes qui l’entourent. Je reste muet d’ébahissement devant l’esquisse brute et sincère.
– C’est magnifique, soufflé-je en m’accroupissant à ses côtés.
– Merci, souffle Jess en baissant le nez, les pommettes roses.
Une mèche de cheveux lui tombe sur les yeux alors je viens la glisser derrière son oreille. Alors que je me relève, Ashley vient m’empoigner par le bras pour nous éloigner de quelques mètres. Elle a un air malicieux collé au visage.
– Alors, ça a progressé entre elle toi ?
Je rougis puis soupire avant de me frotter la nuque.
– Euh… ça a progressé, puis régressé, puis progressé à nouveau, disons.
– Mais, au final, vous…
– Je crois qu’on est partis sur la bonne voie, terminé-je avec un petit sourire.
– Tant mieux alors, souffle-t-elle d’un ton soulagé. Vous allez bien ensemble.
Alors que nous nous apprêtons à retourner vers le groupe, Lily Rose nous hèle :
– Zach, je te laisse y aller avec Jess !
Évidemment, songé-je avec un mélange de dépit et de joie. Ashley remonte en courant vers Lily et les deux filles sautent presque dans l’embarcation avant de commencer à pagayer. Quant à moi, je m’approche doucement de Jessica, qui a coincé son dessin sous le sac du pique-nique.
– Allons-y.
– Attends, j’ai peur de mouiller ma robe.
En la voyant se dévêtir, je me tourne brutalement, gêné, avant de me rappeler qu’elle ne porte pas de lingerie fine, mais son maillot de bain.
Crétin, crétin !

À vrai dire, même en maillot de bain, j’ai du mal à me concentrer sur autre chose que sur sa peau nue, ses courbes, le reflet du soleil sur ses épaules rondes.
Elle monte sur le canoë et je la rejoins à sa suite. Silencieux, nous commençons à ramer puis nous arrêtons vers le milieu du lac pour nous laisser dériver.
– Zach… commence Jess d’un ton intimidé, dis…
– Oui ?
– Ça… (Elle inspire un grand coup puis lâche à toute vitesse : ) Ça te dérange pas que j’aie des poignées d’amour ?
Je reste silencieux devant la question, ahuri.
– Hein ?
– Tu le fais exprès ? marmonne-t-elle en se tournant vers moi, boudeuse.
Elle agrippe ses hanches. Je ne vois à moitié rien, car elle est enfoncée dans le siège du canoë.
– Je te parle de ça.
– Oh. Euh…
J’entends Ashley et Lily Rose rire bruyamment à une dizaine de mètres de nous. Elles sont en train de faire une bataille d’eau.
– Euh, Jess, je reprends devant son regard insistant, je…
– Parce que j’ai pris quelques kilos depuis… depuis ce qui m’est arrivé avec mon ex. Je compense. Le sucre. C’est comme une peluche quand t’es gamin : ça rassure, ça adoucit les soucis, ça t’allège le cœur. Mais pas le corps. J’ai… un peu honte de me montrer en maillot de bain, mais j’allais pas mouiller mes vêtements pour mon complexe.
– Un complexe ? répété-je avant de prendre conscience que ces « quelques kilos » pèsent très lourds sur elle. Jessica, je t’adore comme tu es, d’accord ?
Comme elle est dos à moi, je ne la vois pas, mais elle ne dit rien. Je lâche une pagaie pour toucher son épaule.
– Jess, je suis sincère. Je…
La chaleur me monte brutalement aux joues et je poursuis en bredouillant :
– J’aime beaucoup les courbes de ton corps. J’apprécie aussi les filles plus fines comme Lily Rose, mais… Ben, euh, ben… Je vais pas dire non aux jolies courbes, hein, vraiment pas. (Je hausse les épaules pour moi-même.) Moi, j’ai pas un muscle et plein de cicatrices. Je suis pas bien fier de mon corps non plus, Jessica. Pourtant, tu m’as jamais demandé de me muscler. Tu m’as plu, autant psychologiquement que physiquement, dès que je t’ai vue. Tu n’as pas changé depuis. Alors pourquoi je te demanderais de changer ?
Elle se tourne vers moi, une drôle de lueur dans les yeux. Avant que j’aie pu comprendre, elle bascule soudain sur le côté et fait chavirer le canoë. L’eau froide du lac me happe et me coupe le souffle. Alors que je cherche la surface, la main de Jess m’agrippe le bras et m’aide à immerger. J’ai appris à nager depuis l’incident dans la piscine des Daniels des années plus tôt, mais la brutalité de ma rencontre avec l’eau m’a fait perdre mes moyens.
– T’es dingue ! m’exclamé-je avec un soupçon de colère et un arrière-goût de peur.
– Désolée, souffle Jess d’un air penaud, ses cheveux dégoulinant sur son visage.
Elle me dévisage en faisant du surplace. Glacé jusqu’aux os, je donne un coup de tête vers la berge.
– J’suis gelé, on sort.
– Et le canoë ? s’étonne Jessica en posant la main sur le fond de l’embarcation qui se trouve maintenant hors de l’eau.
– Débrouille-toi ! m’agacé-je, en colère à cause de son geste puérile. C’est ta bêtise.
Je suis vexé et irrité. Alors que je fais l’effort d’être honnête avec elle sur un sujet qui me gêne, elle nous jette à l’eau. Pourquoi, exactement ?
Alors que je ne l’entends plus derrière moi, j’arrête de nager. Oui, pourquoi ? Pourquoi a-t-elle fait ça ? Perplexe, je me retourne. Jessica nage en tirant le canoë derrière elle tant bien que mal. Me sentant coupable de la laisser faire, je finis par revenir vers elle. Lorsque je suis assez près, je remarque qu’elle pleure.
Mon cœur se glace.
– Jess ? murmuré-je d’un ton apeuré. Jess, c’est moi qui…
– Oui, me coupe-t-elle sans hésiter. Oui, c’est toi qui.
Je suis mortifié. Je n’aurais pas cru que je la blesserais de mes mots. Je trouvais pourtant appropriée ma réaction…
– Je suis désolé.
– Imbécile, soupire-t-elle en secouant la tête. T’as pas compris. (Comme j’ouvre la bouche, elle me devance : ) Aide-moi à ramener le canoë, on verra après.

Dante nous accueille avec des yeux ronds en nous voyant revenir à la nage, trempés jusqu’aux os. Lily Rose et Ashley rament derrière nous à notre rencontre.
– Bah, les gars ! crie Dante avec stupéfaction. C’était pas prévu de barboter à la mi-mai dans une eau glacée.
– Sans blague ? grincé-je en remontant la berge.
Heureusement que j’ai pris mon short de bain. Seul mon t-shirt est foutu. J’enlève celui-ci pour ne pas faire plus de dégâts, ignorant le petit sifflement moqueur de Dante, puis vais aider Jessica à redresser le canoë, tâche bien plus aisée avec les pieds ancrés.
Une fois fait, je lui adresse un regard grave. Elle ne pleure plus, mais a encore les yeux rougis.
– J’attends quelques explications.
– Allons nous sécher d’abord.
Elle me passe devant, ignore le regard inquisiteur de son frère et attrape une serviette éponge dans son sac pour se l’enrouler autour des épaules. Tremblant de froid, je fais pareil.
À peine deux minutes plus tard, Ashley et Lily Rose débarquent sur la terre ferme.
– Qu’est-ce qui s’est passé ? s’étonne Lily en venant s’asseoir près de nous.
– Je nous ai faits tomber, déclare tranquillement Jessica, le visage tourné vers le soleil pour se réchauffer.
Muette d’ébahissement, Lily Rose reste plantée à la dévisager avant de lâcher un « Pardon ? » étouffé. Ses yeux verts basculent sur moi, mais je hausse les épaules ; je n’ai pas plus d’explications à apporter.
– Bon, je vous propose de commencer à installer le pique-nique, intervient Dante d’un ton mal assuré.
– Oui, bonne idée, approuvé-je en me redressant. Ça va me réchauffer.

Vingt minutes plus tard, trois plaids en toile épaisse ont été dispersés et les petits plats que chacun a apporté distribués en parts égales. J’ai eu le temps de sécher, mais je grelotte encore. Je n’ai pas emmené de vêtement chaud, car je n’avais pas vraiment prévu de tomber à l’eau.
Me voyant tremblotant, Jessica vient se coller à moi, me prenant de court.
– Pardon pour tout à l’heure, murmure-t-elle à mon oreille alors que nous dégustons le cake jambon-fromage préparé par Ashley. J’ai eu un coup… un coup de sang, en quelque sorte.
Elle pose sa tête sur mon épaule.
– J’ai été très touchée par ce que tu m’as dit et ça m’a presque bloquée. Alors, j’ai réagi comme une gamine : je nous ai balancés à l’eau.
– Oui, marmonné-je en faisant la moue. J’aurais préféré rester au sec.
– Encore pardon, chuchote-t-elle avant de laisser un baiser dans mon cou.
Mille frissons me parcourent le dos et les bras. D’un regard, j’observe ses traits détendus et son expression charmeuse. Je crève d’envie de sentir de nouveau ses lèvres sur ma peau, mais j’ai la désagréable certitude que ce n’est qu’un moyen de détourner ma colère.
– Jess, la prévins-je en la repoussant avec douceur. Je… J’ai besoin d’espace.
Mes mots semblent la percer de part en part. Pâlotte sous sa frange de cheveux rouges, elle hoche la tête pour accepter mon choix et s’éloigne.
Je m’en veux aussitôt d’être aussi peu compréhensif. Si j’ai tendance à me figer comme un imbécile lorsqu’on m’annonce des choses importantes, d’autres réagissent avec impulsivité sous le coup de l’émotion.
À la place de Jessica, qu’aurais-je fait ? Serais-je resté, muet comme une carpe, assis sur le canoë, les yeux dans le vague, la bouche entrouverte, cherchant à comprendre si la personne est sincère ou non ? Elle, en tout cas, a préféré tout envoyer valser sous le coup de l’émotion. Même si je lui en veux encore, ma colère faiblit de minute en minute. Elle est ainsi et ce n’est pas mon irritation qui y fera quoi que ce soit.

J’attends que nous soyons au dessert pour signifier à Jess que mon agacement s’est apaisé. Même si je comprends qu’elle a agi sous le coup de l’émotion, nous devons savoir faire preuve de discernement et de calme si nous voulons d’une relation stable et confiante.
Or, c’est exactement ce qu’on est promis. De se reconstruire doucement l’un et l’autre. Alors je viens m’installer juste derrière elle et commence à lui masser les épaules.
Décontenancée, elle ne réagit pas tout de suite.
– Zach ? souffle-t-elle d’une voix interdite en tournant le menton vers moi.
– Un massage te détendra. Peut-être que ça m’évitera de me faire jeter sur le chemin du retour depuis la voiture si jamais je te dis quelque chose qui te touche.
Elle rit doucement puis se détend pour me laisser masser les muscles crispés de ses épaules et de son cou. C’est un moment simple, mais précieux.
J’aimerais que ça dure plus longtemps. Que ça dure une éternité.


Dernière modification par louji le jeu. 01 oct., 2020 11:06 pm, modifié 3 fois.
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

louji a écrit :Bah c'est pas ta faute, d'un autre côté ;)
Oh merci !
Oui, c'est clair que ça deviendrait rapidement lassant ^^'
Ça t'a semblé vraiment peu cohérent leur discussion (sachant qu'il ne savait pas encore que Jess et Zach étaient réellement séparés) :? ?
Non… je sais pas trop à vrai dire. Disons que je suis pas convaincue
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par DanielPagés »

Je passais juste mais il y a un mot qui a accroché mon œil à l'avant dernière ligne, c'est "préciosité". (C’est un moment simple, mais d’une grande préciosité.)
Je me suis dit que peut-être ce n'est pas le bon mot, celui qui exprimerait ce que tu voulais dire.
Préciosité. s. f. Affectation dans les manières et dans le langage.
Ce qui ne correspond pas du tout à un moment précieux de par sa qualité, au sens où on l'entend aujourd'hui...
Bon, j'ai supposé que tu voulais dire ça... si j'ai pas compris pardonne-moi ! :oops:
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par louji »

DanielPagés a écrit :Je passais juste mais il y a un mot qui a accroché mon œil à l'avant dernière ligne, c'est "préciosité". (C’est un moment simple, mais d’une grande préciosité.)
Je me suis dit que peut-être ce n'est pas le bon mot, celui qui exprimerait ce que tu voulais dire.
Préciosité. s. f. Affectation dans les manières et dans le langage.
Ce qui ne correspond pas du tout à un moment précieux de par sa qualité, au sens où on l'entend aujourd'hui...
Bon, j'ai supposé que tu voulais dire ça... si j'ai pas compris pardonne-moi ! :oops:
Ah oui, effectivement, c'est pas ça :lol:
Merci pour la précision ;)
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Re: The Debt [Fiction "adolescent/jeune adulte"]

Message par 15Lina15 »

Salut !! ;)

Je suis contente que la relation entre Mark et Elena évolue ^^ J’aime bien le lien qu’il fait avec son ex femme qui est toujours là
Je comprend le besoin de Zach d’affirmer qui est son vrai père et je m’étonne de la naïveté de son père biologique qui avait l’air pourtant sensé.
Super cette journée au lac, ça fait du bien de voir les adolescents s’amuser… ou presque. Je suis tout à fait d’accord avec toi et j’adore l’idée que Zach puisse considérer cette femme comme sa mère et d’autant plus la façon dont tu l’amènes. Surtout que sa met encore plus en avant le côté fraternel avec Lily
Je trouve adorable que Zach est pensé à inviter Ashley sa cousine. Elle est bien introduit, sa mère aussi, mais je la trouve moyen crédible. Elle a des réflexions et une conversation que je ne trouve pas adapté non seulement par rapport à son âge mais aussi à son histoire. On ressent pas sa personnalité dans ces mots.
J’imagine déjà le dessin de Jess, c’est dans ces moments là que transparait la personnalité des personnages et que c’est beau !
J’avoue que je n’ai toujours pas compris pourquoi elle les a mis à l’eau, mais certainement que je ne connais pas encore bien le personnage, tout comme Zach ^^
Si elle veut vraiment construire leur relation, il faudrait qu’elle se force à s’expliquer ou que Zach la pousse à s’ouvrir. Certainement qu’il leur faudra du temps…

Bon et bien en attendant la suite :D ;) À bientôt !
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