Le Cycle du Serpent [I-III] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !
TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

Heyoooo~
Nyohoh, ce chapitre 11 rempli de mythologie, c'était génial :D On sent que tu te fais plaisir à écrire tout ça, j'adore !
Syn est très TRES cool, j'ai adoré la scène où Lily se retourne et elle la voit lovée dans le canap comme un gros chat (ou un gros serpent) satisfait :lol: Et Heimadall a un langage très fleuri, c'est charmant ! Ca donne envie d'en savoir bien plus sur eux :3
LE BIFROST : TELLEMENT COOL. J'ai pas 36 représentations du Bifrost en tête, mais je m'attendais pas à une telle description ! Very noice

PARTIE 2
"Où ont-ils emmené mon fils?" J'aurais pas dit mieux que Coline et son Kaiser souffre 8-) J'ai un peu la même réaction que Sam (contente qu'il soit vivant d'ailleurs ♥) par contre : wow, elle perd autant ses moyens ?? Et pour Adam ? Auquel elle a caché pas mal de chose ?(je me rappelle peut-être mal de ce qu'on avait discuté, mais j'avais clairement l'impression qu'il savait rien de rien pour Vanessa :c )
Après, tu vas me dire, tu peux cacher des choses à tes enfants et toujours les aimer :v M'enfin bon, quoi qu'il en soit, coup dur pour la bonne mif.

Ouh Tyko. Yé.

Une Loki-daronne MDRRR c'est génial
Par contre ouais, je sais pas si c'était parce que Levi était clairement pas taillé pour le job, mais j'avais la même impression que Co par rapport à Levi-pas-l'Elu-quelle-surprise-waw. Ca doit piquer de l'apprendre comme ça par contre, bichette, j'ai mal pour lui. Je sens que la rencontre de Lily avec Mimir ne va pas être de tout repos non plus :')

Franchement, bravo pour l'écriture ! Je suis tellement impressionnée par ta façon de faire ! (I see some Lilian on the horizon, that's wonderful 8-) (avec quelques réserves tout de même, on n'oublie pas qui tu es :c ))
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : dim. 23 mai, 2021 5:41 pm Heyoooo~
Nyohoh, ce chapitre 11 rempli de mythologie, c'était génial :D On sent que tu te fais plaisir à écrire tout ça, j'adore !
Syn est très TRES cool, j'ai adoré la scène où Lily se retourne et elle la voit lovée dans le canap comme un gros chat (ou un gros serpent) satisfait :lol: Et Heimadall a un langage très fleuri, c'est charmant ! Ca donne envie d'en savoir bien plus sur eux :3
LE BIFROST : TELLEMENT COOL. J'ai pas 36 représentations du Bifrost en tête, mais je m'attendais pas à une telle description ! Very noice

PARTIE 2
"Où ont-ils emmené mon fils?" J'aurais pas dit mieux que Coline et son Kaiser souffre 8-) J'ai un peu la même réaction que Sam (contente qu'il soit vivant d'ailleurs ♥) par contre : wow, elle perd autant ses moyens ?? Et pour Adam ? Auquel elle a caché pas mal de chose ?(je me rappelle peut-être mal de ce qu'on avait discuté, mais j'avais clairement l'impression qu'il savait rien de rien pour Vanessa :c )
Après, tu vas me dire, tu peux cacher des choses à tes enfants et toujours les aimer :v M'enfin bon, quoi qu'il en soit, coup dur pour la bonne mif.

Ouh Tyko. Yé.

Une Loki-daronne MDRRR c'est génial
Par contre ouais, je sais pas si c'était parce que Levi était clairement pas taillé pour le job, mais j'avais la même impression que Co par rapport à Levi-pas-l'Elu-quelle-surprise-waw. Ca doit piquer de l'apprendre comme ça par contre, bichette, j'ai mal pour lui. Je sens que la rencontre de Lily avec Mimir ne va pas être de tout repos non plus :')

Franchement, bravo pour l'écriture ! Je suis tellement impressionnée par ta façon de faire ! (I see some Lilian on the horizon, that's wonderful 8-) (avec quelques réserves tout de même, on n'oublie pas qui tu es :c ))
Heyooo !

Le chapitre 11, c'est l'éclate totale ! J'ai enfin le droit de taper dans la mythologie, je ne vais pas m'en priver quand même ! :lol:
Syn, je l'adore tellement… elle est totalement le prototype de la fille de Loki sneaky qui se fait oublier et fait genre elle est gentille, donc je l'aime pour ça. Gros chat satisfait, ouais, c'est la bonne image :mrgreen: Heimdall a du vocabulaire, oui. En même temps, en quatre mille ans d'existence, tu me diras…
Moi j'avais en tête un arc-en-ciel des plus classiques, donc j'ai dû moduler un peu.

Wi, Kaiser souffre x)
Alors. C'est pas tant pour Adam (la question sur Adam arrive d'ailleurs tout à la fin, justement), c'est plus sur le principe. Elle a vu débarquer Lilith, toujours vivante et entourée d'enfants de Loki "inconnus" (puisque les Thor n'ont évidemment pas avoué qu'ils ont gardé les Élites vivants dans leurs prisons) et surpuissants. Donc elle flippe un peu. Et du coup, comme elle ne sait pas qui ils sont, même en étant distante avec Adam, elle flippe parce qu'elle n'a aucune idée de ce qu'ils veulent lui faire ou de ce qu'ils espèrent éventuellement lui faire à elle. Et il savait pour Vanessa, il lui parle dans le prélude à la P3 du T1 (ici).

Je ouais, hein. Je voulais faire genre sneaky, mais quand tu prends du semi-heroïc fantasy avec un seul personnage principal en POV interne… Comment dire. Ça spoile un peu juste par principe. Mais pauvre Levi, il était pas du tout taillé pour le job, et ça picote de l'apprendre comme ça.

Lilian en vue, oui ! ❤️Rhoh, c'est gentil, je me sens flattée :oops: :roll:
Merci beaucoup pour ton passage, la bise ~
TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : lun. 24 mai, 2021 2:24 pm Heyooo !

Le chapitre 11, c'est l'éclate totale ! J'ai enfin le droit de taper dans la mythologie, je ne vais pas m'en priver quand même ! :lol:
Syn, je l'adore tellement… elle est totalement le prototype de la fille de Loki sneaky qui se fait oublier et fait genre elle est gentille, donc je l'aime pour ça. Gros chat satisfait, ouais, c'est la bonne image :mrgreen: Heimdall a du vocabulaire, oui. En même temps, en quatre mille ans d'existence, tu me diras…
Moi j'avais en tête un arc-en-ciel des plus classiques, donc j'ai dû moduler un peu.

Wi, Kaiser souffre x)
Alors. C'est pas tant pour Adam (la question sur Adam arrive d'ailleurs tout à la fin, justement), c'est plus sur le principe. Elle a vu débarquer Lilith, toujours vivante et entourée d'enfants de Loki "inconnus" (puisque les Thor n'ont évidemment pas avoué qu'ils ont gardé les Élites vivants dans leurs prisons) et surpuissants. Donc elle flippe un peu. Et du coup, comme elle ne sait pas qui ils sont, même en étant distante avec Adam, elle flippe parce qu'elle n'a aucune idée de ce qu'ils veulent lui faire ou de ce qu'ils espèrent éventuellement lui faire à elle. Et il savait pour Vanessa, il lui parle dans le prélude à la P3 du T1 (ici).

Je ouais, hein. Je voulais faire genre sneaky, mais quand tu prends du semi-heroïc fantasy avec un seul personnage principal en POV interne… Comment dire. Ça spoile un peu juste par principe. Mais pauvre Levi, il était pas du tout taillé pour le job, et ça picote de l'apprendre comme ça.

Lilian en vue, oui ! ❤️Rhoh, c'est gentil, je me sens flattée :oops: :roll:
Merci beaucoup pour ton passage, la bise ~

Clairement ! Elle a l'air incroyable, j'adore :lol: C'est vrai qu'en quatre mille ans d'existence, t'as eu le temps d'apprendre pas mal de joyeusetés, voire même d'en créer.

Mouhéhé, c'est vrai qu'elle n'aurait même pas imaginé que ça puisse se passer comme ça, ça me fait encore plus plaisir.
Ouhlala, je m'en souvenais absolument plus ;w; Faut que je relise le T1...

Ouiiiiii, mais booooon, c'est qu'un détaiiiiiil. Ca doit faire un certain choc, en effet, surtout avec ses intentions.

Owi c: Eeeeeh, it is not de la flatterie, it is la vérité.
Avec plaisir,
La bise~
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : mar. 25 mai, 2021 2:41 pm Clairement ! Elle a l'air incroyable, j'adore :lol: C'est vrai qu'en quatre mille ans d'existence, t'as eu le temps d'apprendre pas mal de joyeusetés, voire même d'en créer.

Mouhéhé, c'est vrai qu'elle n'aurait même pas imaginé que ça puisse se passer comme ça, ça me fait encore plus plaisir.
Ouhlala, je m'en souvenais absolument plus ;w; Faut que je relise le T1...

Ouiiiiii, mais booooon, c'est qu'un détaiiiiiil. Ca doit faire un certain choc, en effet, surtout avec ses intentions.

Owi c: Eeeeeh, it is not de la flatterie, it is la vérité.
Avec plaisir,
La bise~[/size]
Nan mais Heimdall pourrait donner des cours "Invente des insultes liées à la mythologie nordique" x)

Pfff, et c'est moi la sadique. :lol:

Pitit détail. Pitit. Ouais, ça fait un peu mal au kokoro pour lui, là… :cry:
La bise~
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

Coucou !
Est-ce que j'ai dit que j'avais une bonne marge puis j'ai totalement oublié de poster ? Nooon… :roll:
Tout ça pour dire que personne n'a rien remarqué, on continue à barouder entre les merveilles du monde mythologique avec Lily, Selv et Ôké (qui s'est un peu calmé).
Bonne lecture !


CHAPITRE 12


Après une trentaine de minutes de marche sur une immense racine glissante et couverte de givre, le vent s’apaisa. La neige cessa de tomber en diagonale, pour ne former qu’un rideau lisse, faussement impénétrable. Dans le calme presque surnaturel qui s’installa, uniquement troublé par les craquements étouffés de la poudreuse sous nos semelles, le monde autour de moi semblait prendre un tout autre aspect. Je voyais toujours aussi peu qu’avant, mais l’air piquant dans mes poumons et la pâle clarté qui filtrait à travers les nuages et illuminait les flocons, donnaient à la scène une beauté surréaliste.
Émerveillée, je tendis les mains, observai le tissu noir de mes gants se parer d’étoiles éphémères. Le régulateur interne de ma combinaison les empêchait de demeurer là plus d’un centième de seconde, mais l’effet de scintillement de leur fonte était sublime. Un sourire nostalgique affleura sur mes lèvres, malgré ma gorge nouée par l’émotion. Ma mère adorait la neige. Dès les premières chutes, elle partait en montagne, et m’embarquait avec elle, qu’importe que j’aie neuf mois ou trois ans. Je n’en avais pas gardé beaucoup de souvenirs, mais je me rappelais clairement l’hiver avant sa mort.
Elle avait loué un chalet dans un coin perdu au milieu de nulle part. Encore aujourd’hui, je ne connaissais pas sa localisation, malgré des recherches intensives. L’espace de quelques semaines, nous avions été totalement seules. Isolées de l’univers entier, le Ragnarök aurait pu arriver que nous ne l’aurions pas remarqué. Je me rappelais qu’elle était partie à la chasse une fois, au début de notre séjour, m’avait laissée seule quelques heures avec la promesse que je serais sage. Elle était revenue avec un cervidé massif, dont les contours étaient flous dans ma mémoire, qui avait constitué notre unique réserve de viande durant notre séjour. Je me rappelais avoir passé des heures à jouer sur la fourrure rêche, amusée et étonnée de découvrir qu’elle n’était pas du tout aussi douce que les dessins animés la faisaient paraître. Je me rappelais nos courses-poursuites dans la neige profonde, nos vadrouilles en montagne, nos balades en traîneau tiré par des lynx qu’elle avait apprivoisés d’un regard et d’une caresse. Je me souvenais de l’aura d’affection et d’amour qui l’entourait à chaque instant, de la douceur infinie de ses sourires et mon cœur se tordait un peu plus à chaque fois que les réminiscences affluaient.
Ma mère n’était plus là. Ekrest n’était pas là. J’avais collaboré avec les Thor. J’avais tué Vanessa. Ma famille – ou sa cheffe en tout cas – m’avait trahie. Toute la belle petite vie d’Élite, que j’avais passé plus de dix ans à construire était partie en fumée en quelques semaines.
Je m’immobilisai, le souffle court, les poumons en feu. Mon nez glacé me picotait, mes yeux s’embuaient. Je pris une inspiration saccadée, expirai en essayant de contrôler mon souffle. J’avais l’impression d’être revenue dans la salle de waterboarding, trachée obstruée, sillons de sel froids sur les joues. Je ne les avais même pas sentis couler.
Je reportai mes yeux sur les flocons qui pailletaient ma combinaison, me remis en marche alors qu’Åke et Selvigia me rattrapaient. Aucun des deux ne fit de remarque sur mon arrêt inopiné. Nous continuâmes à avancer, pas après pas, chacun enfermé dans le mutisme. Je ne pouvais pas m’empêcher de ressasser mes choix passés. Si j’avais eu raison de les faire. S’ils avaient été justes, s’ils avaient été cohérents. Le fait que toutes les réponses tendent vers non m’angoissait. Je ne voulais pas devenir cette autre, solitaire et égoïste, qui travaillait pour elle-même. Elle m’effrayait. Elle était indépendante et elle pouvait faire ce qu’elle voulait, mais elle était aussi douloureusement seule. Aucun soutien, de la part des siens comme de la part d’étrangers. Aucune limite infranchissable, pas même morale.
Cette autre, que je devinais lovée quelque part sous mon crâne, était un serpent. Venimeux et dangereux. Si elle désirait sa revanche, elle la prendrait. Si elle voulait tuer juste pour tuer, elle le ferait. Je savais qu’au fond, il n’y avait qu’une mince frontière entre elle et moi. Parce que l’autre, l’inconnue, c’était moi, sans les barrières que ma Confrérie et mon éducation m’imposaient. C’était si simple, au fond, de sauter le pas. Se renier encore un peu plus, remettre en cause le dernier lien qu’il me restait : celui du sang. Oublier les miens.
Mais la Confrérie avait été ma famille, quoi qu’elle m’ait infligé. Ekrest avait été un père de remplacement, m’avait permis d’oublier les souffrances causées par la mort de ma mère. Il m’avait proposé une cause, un but, en insistant sur le fait que je ne servais pas la Confrérie pour me venger des torts qu’on m’avait causés, mais pour aider ma véritable famille. Il m’avait appris qu’on ne pouvait pas le changer ce qui s’était passé. Il fallait faire la paix avec, et aller de l’avant.
Est-ce que cela impliquait d’accepter que j’aie eu une morale plus que douteuse, durant mon séjour en prison ? Est-ce que cela voulait dire admettre que d’autres avaient aussi fait des erreurs qu’ils choisissaient ou non de regretter ?
Peut-être. Mais il faudrait d’abord que je me pardonne à moi-même, avant de songer à réparer les torts causés. Et le fantôme de sourire sur le visage de Vanessa me hantait autant que les corps inertes au pied du Bifröst.
Dents serrées, j’inclinai lentement la tête d’un côté et de l’autre pour détendre mes cervicales. Ça allait me demander du temps. Je n’étais même pas sûre d’être capable de me pardonner. Mais il fallait au moins que j’essaie, parce que je ne pourrais pas longtemps supporter la culpabilité qui m’étouffait.
Toutes mes réflexions furent progressivement chassées lorsque les flocons s’espacèrent, jusqu’à cesser de tomber, dévoilant à quel point nous étions haut. En pivotant précautionneusement sur mes talons, je pouvais discerner, loin derrière nous, de hautes masses grises à moitié dissimulées par une épaisse brume, qui étaient les montagnes où habitait Heimdall, et le scintillement discret de la mer infinie qui entourait la terre.
Et, haut au-dessus de ma tête, bien au-delà des nuages, une immense voûte noire menaçante s’étirait dans toutes les directions, étendait sa large ombre sur l’ensemble de la terre. Si j’avais été née humaine, j’aurais pu croire à un nuage, haut et sombre, une sorte de montagne spectrale, ou alors au vide de l’espace entre les étoiles. Mais je sentais confusément que, toute cette immense masse qui me surplombait, était tangible. Je devinais le bruissement ténu du feuillage, haut au-dessus des épais nuages neigeux, la courbure presque imperceptible du large tronc du frêne entouré par la brume. Il était si immense que cent mille hommes main dans la main ne seraient pas parvenus à l’entourer. Et j’avais beau renverser la tête en essayant de déterminer sa hauteur, la ramure de l’Yggdrasil n’entrait même pas vraiment dans mon champ de vision. La branche la plus proche, une ombre un peu plus foncée dans la voûte brumeuse, paraissait être à des milliers de kilomètres de distance.
J’avalai difficilement ma salive. Je n’étais jamais allée à Jötunheim, et de fait, je n’étais jamais passée par l’arbre en lui-même. Je me tenais littéralement debout sur le support de l’univers. Haut au-dessus de ma tête, ses épais rameaux s’élançaient vers le ciel sans parvenir à le toucher, loin en dessous de mes pieds, ses racines s’enfonçaient dans le sol pour soutenir la terre.
— Waw… marmottai-je.
Ma sœur pouffa, s’immobilisa à mes côtés, la tête renversée en arrière, ses yeux plissés perdus dans la brume grisâtre.
— Bon, vous vous bougez ? lança Åke, qui nous avait dépassées de quelques mètres.
Je serrai les dents, irritée d’avoir été arrachée à ma contemplation, reportai mon regard sur le roux. Il se tenait un peu plus loin sur la racine, fermement campé sur ses deux pieds, l’air impatient. Une flammèche jaune pâle, tremblotante, dansait au ras de ses doigts, comme écrasée par la masse végétale invisible qui nous dominait.
— On est pressés ? relevai-je d’une voix narquoise, haussant le ton pour qu’il m’entende.
Il me fusilla du regard, mais je fis face à ses iris turquoise familiers sans broncher. Son regard assassin et le souvenir du massacre qui avait eu lieu quelques heures plus tôt était effrayant, mais il ne pourrait probablement jamais parvenir à recréer la torsion de mon estomac, sous l’effet de la honte et de l’angoisse, causée par une seule œillade déçue d’Ekrest. Or j’avais davantage tendance à craindre mes propres démons que les gens qui menaçaient de me tuer.
— Plus tôt on sera arrivés à Jötun…
— Attends, l’interrompit Selvigia.
Je tournai la tête vers elle, surprise. Son regard toujours fiché sur l’immense tronc devant nous, elle s’accroupit, balaya un peu de la neige qui couvrait la racine d’un geste de la main, ôta son gant, posa ses doigts sur l’écorce humide, et ferma les yeux. À ma grande surprise, Åke ne pipa mot, mais fléchit lui aussi les genoux pour se poser un peu plus confortablement en attendant que ma sœur finisse ce qu’elle avait entamé. Je l’imitai, les yeux posés sur une large feuille qui chutait avec une lenteur surprenante, compte tenu de sa taille.
L’esprit ailleurs, apaisée par le calme intemporel des lieux, je m’oubliai. Je fermai les yeux, me laissai emporter par les vibrations magiques que je percevais partout autour de moi. Sur Midgard, le flux magique était relativement ténu, par rapport aux autres Mondes. De ce qu’Ekrest m’avait expliqué, les Cils d’Ymir, une immense barrière qui empêchait les géants d’envahir la Terre, bloquait aussi partiellement le flux. Ce qui faisait que quand un demi-divin passait le Bifröst, sa puissance magique paraissait doubler, voire tripler, et il était souvent capable de percevoir le flux omniprésent rien qu’en se concentrant quelques secondes.
J’écartai à nouveau mes paupières en entendant des couinements aigus, semblables à ceux d’une souris. Mais, au lieu de tomber sur une petite bête grise de dix centimètres de long, tête et queue comprises, j’avisai une masse de poils marron et roux touffus, hirsutes, très semblables à la barbe d’Åke. L’idée me fit brièvement pouffer, juste avant que la bestiole ne dévoile deux paires d’incisives pointues en sifflant d’un air menaçant. Je cillai, stupéfaite par son agressivité, mais n’eus pas le temps de bouger lorsqu’elle prit son élan et me bondit droit au visage. Avant même que je ne le réalise, la douleur irradiait dans mes joues. Je poussai un cri de souffrance et de fureur mêlées, l’attrapai par la peau du cou, et j’étais sur le point de le balancer dans les quelques kilomètres de vide non loin quand Selvigia m’arrêta en m’attrapant fermement le poignet.
Un grondement presque animal m’échappa lorsqu’elle prit l’écureuil dans ses bras avec une délicatesse irritante. Le sang coulait à flot de mon visage, les griffes acérées avaient bien failli me crever un œil, et ma sœur traitait l’animal comme un chaton apeuré.
— Bordel de merde… jurai-je en faisant apparaître ma trousse de secours.
Je m’assis sur mes talons, en équilibre précaire dans la neige épaisse, sortis de la trousse de secours apparue dans ma main une serviette propre, que j’aspergeai d’une généreuse dose de désinfectant. Dans le même temps, grâce au miroir sur la face intérieure de la boîte, j’observais Selvigia. Elle avait attrapé l’écureuil par la peau du cou, tout comme je l’avais fait avant, mais sa prise à elle était ferme et douce, et la sale bête semblait s’être calmée. Ses yeux entièrement noirs étaient plantés dans ceux de ma sœur, et il continuait d’émettre de petits sifflements, plus plaintifs qu’agressifs.
Je posai le linge imbibé d’alcool sur ma joue, frissonnai en sentant la brûlure mais le maintins en place sans broncher. En revanche, lorsque j’entendis Selvigia pousser un couinement de rongeur, je tressaillis, pivotai brusquement vers elle. Elle ne m’accorda pas un regard. Entièrement focalisée sur l’écureuil, elle poursuivit ses bruits étranges, entre cris de gorge aigus et claquements de langue. Et, lorsqu’elle se tut, l’écureuil lui répondit.
Sonnée par la tranquillité qui irradiait de ma sœur, son calme absolu alors qu’elle conversait avec un animal, je me figeai, et l’observai avec attention. Elle était ailleurs, perdue dans un univers auquel je ne savais pas comment accéder. Åke, lui aussi impressionné, haussa un sourcil dans ma direction, mais je ne parvins pas à lui répondre avec autre chose qu’un haussement d’épaules perplexe.
Brutalement, une scène semblable flasha dans ma mémoire. Quelques mois plus tôt, j’étais partie dans le Labyrinthe avec ma sœur, et nous avions croisé un scorpion géant. De la même manière qu’ici, elle s’était arrêtée pour faire un brin de causette. Et j’avais beau la connaître depuis quinze ans et la considérer comme ma meilleure amie, je n’avais aucune idée de l’origine de cette faculté qu’elle avait. Aucune famille, æsir ou vanir, n’avait le pouvoir de parler aux animaux à ce que je sache.
Aucun de nous deux n’osait briser le silence qui s’était installé. Le temps s’était distordu, chacun de mes battements de cœur paraissait s’éterniser dans ma poitrine, faisait vibrer les os de ma cage thoracique par pulsations brèves mais intenses. Les secondes s’étaient fondues en un indissociable magma visqueux, comme étirées à l’infini, les minutes me semblaient durer des heures. Je respirais à peine, à l’écoute du moindre claquement de langue, de la plus petite mimique qui m’aurait donné des indices sur ce que Selvie était en train de faire.
Elle reposa finalement l’écureuil, se redressa, les yeux perdus dans le vague. La bestiole rousse, libérée de la poigne ferme et douce, fit quelques bonds hésitants, s’arrêta, se tourna à nouveau vers Selvie, couina. La brune lui répondit d’un grognement si inhumain que je n’aurais pas pu mettre de qualificatif d’humeur dessus même si je l’avais voulu. Puis, cette sale bête passa à côté de moi, frotta sa queue touffue contre ma jambe en un semblant d’excuse, me considéra un instant de son œil noir, et fila. Je suivis sa progression sur la large racine, jusqu’à ce qu’elle devienne un petit point distant, et ne me redressai que lorsqu’elle eut disparu.
— C’était Ratatosk ? interrogea Åke.
Ma sœur acquiesça d’un bref signe de tête, poussa un long soupir.
— C’est surtout une véritable plaie… pesta-t-elle à voix basse. Désolée que tu en aies fait les frais, Lily.
Je grimaçai, appuyant toujours ma compresse imbibée d’alcool sur ma joue ensanglantée. Cette saleté d’écureuil avait tout juste failli m’éborgner, et Loki savait que traiter un œil lacéré était pénible. Les yeux étaient nos marqueurs identitaires, très douloureux à recréer, contrairement aux autres membres et organes.
— Il a dit quoi ? m’enquis-je comme si la situation était totalement normale.
Encore une fois, j’eus le droit à un soupir, cette fois-ci accompagné d’un front plissé de mauvais augure. Selvie réajusta le col de sa combinaison, découpa une large bande de gaze adhésive dans ma trousse de secours, et répondit :
— Apparemment, le gardien du Bifröst a lancé un avis de recherche à travers les Mondes. Bon, l’info ne voyage pas trop vite, vu qu’elle se transmet à l’oral et par corbeaux, mais d’ici peu, on aura probablement des soucis à se faire.
— Mais pas grand monde ne devrait venir nous chercher à Jötunheim, non ? réfutai-je.
— Ça concerne tout enfant de Loki qui serait vu en dehors de Midgard, lâcha-t-elle de but en blanc. Donc les autres aussi. Clairement, il ne veut pas prendre de risques.
Je jurai à voix basse alors qu’elle pansait mes griffures, mais elle n’en avait pas fini.
— Apparemment, quiconque nous voit doit faire appel à… la foudre… finit-elle par éluder après une hésitation, ou nous ramener enchaînés à Asgard.
Une litanie d’injures en vieux norrois fusa du côté de Åke. Notre sortie relativement tranquille dans les Neuf Mondes venait de se transformer en potentielle course-poursuite avec un abruti du dieu de la foudre qui nous massacrerait avec joie si on lui en donnait la possibilité.
Selvie hocha la tête, recula d’un pas pour contempler le pansement de gaze qu’elle venait d’appliquer sur ma joue.
— C’est bon.
J’acquiesçai, fis disparaître la trousse de secours. J’enlèverais les pansements dans deux heures, lorsque la plaie serait un minimum coagulée et que je ne perdrais pas d’énergie en usant de magie basique. Puis, je me redressai, coulai un regard à ma sœur, qui avait les yeux perdus dans le vague, échangeai une œillade sceptique avec Åke. J’avais presque peur d’aborder le sujet, de découvrir qu’elle m’avait caché autant de choses à propos d’elle-même. Je n’étais pas assez stupide pour croire qu’elle était m’avait toujours tout dit, mais jusque là, j’avais toujours considéré que nous étions honnêtes l’une envers l’autre.
— Comment est-ce que tu…? soufflai-je, sans parvenir à formuler la fin de ma question.
Comment est-ce qu’elle connaissait aussi bien l’Yggdrasil. Comment est-ce qu’elle communiquait avec les animaux. Qui était-elle, au fond ? Parce qu’aucun enfant de Loki ne possédait ce genre de dons.
Semblant deviner la tempête de questions sous mon crâne, Selvigia m’adressa un gentil sourire, se releva, et se remit en marche. Åke suivit le mouvement, muet, à l’écoute, et je devinai aisément que la seule chose qui l’empêchait de poser des questions était la certitude que j’allais le faire à sa place.
— Qu’est-ce que tu sais de moi, en fait ? m’encouragea-t-elle.
Je m’écartai légèrement pour la laisser passer en tête de file, me glissai derrière elle sans trop comprendre ce qu’elle me demandait.
— Tu t’appelles Eva Selvigia Kaldtjis, tu as cinquante… huit ans si mes souvenirs sont bons…
Je vis, alors qu’elle pivotait légèrement dans ma direction, le sourire amer sur ses lèvres, mais je poursuivis malgré tout :
— … tu avais un frère appelé Gimöd, qui était un fils de Njörd. Il a été tué par Levi, sur ordre de Kaiser, après que tu lui aies désobéi, même si tu ne m’as jamais précisé à propos de quoi. Sinon… tu étais l’élève de Kirstin, pareil qu’Ekrest, t’as été en couple avec Adam deux fois – d’ailleurs, c’est pas génial de remettre le couvert, surtout avec un type comme lui. J’ai oublié un truc ?
Un soupir lui échappa, mais elle hocha la tête, fit quelques pas en silence dans la fine couche de neige qui recouvrait l’écorce, se baissa pour esquiver une immense feuille qui tombait en diagonale. Je m’arrêtai pour laisser passer la forme creuse, semblable à la coque d’un bateau aux bords dentelés, rattrapai ma sœur deux mètres plus loin. Ne voyant que son dos, j’étais incapable de lire ses émotions sur son visage, mais au vu de ses épaules crispées et de sa démarche raide, elle s’apprêtait à évoquer des souvenirs douloureux.
— Ça, c’est la version officielle, répondit-elle finalement. Tu ne t’es jamais demandée d’où venait le nom Selvigia ?
J’ouvris la bouche pour répondre que, non, dans la pelletée de noms bizarres du Manoir, je ne m’étais jamais posée une telle question, mais elle ne m’en laissa pas le temps.
— Ma mère n’était personne. Juste une humaine quelconque, sans charme particulier ni statut quelconque, pour l’époque. Elle n’était pas mariée, elle vivait avec son père, s’occupait de la maison puisque sa propre mère était morte quand elle était très jeune… En fait, on n’a jamais vraiment su ce qui avait attiré Njörd vers elle. Toujours est-il que, une fois qu’elle a accouché de Gimöd, les Njörd l’ont accueillie dans la famille, comme c’était la tradition.
Je fronçai un sourcil. Il y avait quelque chose dans sa voix qui m’interpellait, une sorte de distance… comme si ce qu’elle racontait s’était déroulé longtemps auparavant. Alors que, comme je l’avais dit un peu plus tôt, elle n’avait qu’une soixantaine d’années, ce qui, à l’échelle d’un demi-divin, n’était pas énorme.
— Mais ces traditions… osai-je.
— Gimöd avait dix-sept ans, poursuivit Selvigia, imperturbable, quand maman est tombée enceinte de moi. Sauf que… comme elle avait été admise dans la famille Njörd, elle avait appris les mythes. Même si elle n’avait aucune réelle certitude, elle se doutait de l’identité de mon père. Et elle savait que les Njörd ne me tolèreraient pas.
Évidemment, si elle avait accouchée d’une enfant de « l’ennemi » parmi une famille vanir, elle l’aurait voué à une mort immédiate. Je serrai les dents, irritée.
— Ceci dit, elle n’avait pas l’intention de me laisser à la Confrérie. C’était une époque où la Confrérie… était encore plus détestée que d’habitude.
Je fronçai le nez, surprise. Ces dernières années – et j’entendais par là le siècle et demi dernier – les Loki étaient demeurés relativement neutres dans la sphère géopolitique. Bon, bien sûr, il y avait eu les deux Guerres mondiales, mais elles avaient surtout été un conflit d’Æsir et de Vanir, comme d’habitude. La Confrérie avait participé des deux côtés, fournissant les deux camps, l’un en armes, l’autre en ressources, tirant un profit maximal. C’était d’ailleurs pour cette raison qu’elle était aussi puissante aujourd’hui. Tandis que les autres Maisons, qui avaient passé des années à s’affronter, peinaient parfois encore à se relever de deux guerres dévastatrices, la Confrérie avait profité de son avantage momentané pour étendre son réseau et affermir sa puissance.
— Mais la…
— C’était pendant la Guerre de Trente Ans.
Ramener à la surface les souvenirs d’heures passées avec Ekrest à étudier l’histoire de la Confrérie – et donc de ses nombreux conflits avec les autres Maisons – fut long et pénible. L’histoire récente, la géopolitique moderne, je les maîtrisais sur le bout des doigts parce que j’étais constamment plongée dedans. Mais tout ce qui était antérieur au vingtième siècle ne relevait pas vraiment de mon domaine de compétences.
Étonnamment, ce fut Åke qui s’esclaffa joyeusement en entendant le nom de la guerre.
— Mille six cent dix-huit ?
Selvigia hocha la tête, et le roux m’expliqua brièvement :
— C’était le bordel absolu en Europe centrale. Protestants contre catholiques, officiellement, et officieusement, Loki contre Æsir, avec les Vanir en plein milieu pour mettre des bâtons dans les roues de tout le monde.
Comme d’habitude, quoi… songeai-je en ricanant, amère. Quand ce n’était pas un camp, c’était l’autre.
— Je vois, répondis-je. Et donc, tu as en fait… quatre cent ans ?
Je n’obtins pas de réponse clairement formulée, mais je devinais dans son mutisme que c’était oui. Alors, plutôt que de lui poser d’autres questions, je la laissai poursuivre.
— Bref, reprit Selvigia, perdue dans ses souvenirs. Ma mère n’était pas une guerrière, ni même une combattante moyenne, et elle ne savait absolument pas quoi faire. Elle ne voulait pas en parler à Gimöd pour ne pas le mettre en danger, mais au bout du compte, il a compris ce qui se passait. Une nuit, il l’a emmenée en « balade », et a passé le Bifröst avec elle.
Je commençais doucement à comprendre où elle m’emmenait, avec son histoire. J’avais encore du mal à accepter que ma plus proche amie au Manoir m’ait menti sur ses origines durant quinze ans, mais après tout, à l’échelle d’une vie de quatre cent ans… ce n’était probablement pas grand-chose pour elle. Et, dans l’absolu, je ne pouvais pas vraiment lui en vouloir.
— Je suis née dans une forêt à l’ouest d’Alfheim, tout au bord de la mer infinie. Gimöd et ma mère avaient supplié les elfes de m’autoriser à grandir sur leur territoire, de me protéger, mais les elfes n’avaient accepté qu’à une seule condition : que le secret de mon existence là-bas soit gardé à tout prix. Gimöd a prêté serment sur le Leiptr, et ma mère est morte en me donnant naissance, donc… durant des années, le secret a été gardé. Sincèrement, je ne sais pas combien de temps j’ai passé là-bas. Gimöd venait me voir régulièrement, me parlait de l’évolution du monde humain et m’amenait des pommes d’Idunn, mais j’ai vu passer des générations sans bouger de chez moi.
Elle s’interrompit, les yeux dans le vague, esquissa quelques pas dansants, assurés, sur une portion de racine couverte d’un givre à l’allure dangereusement glissante. Pour ma part, je pris un peu plus de précautions, ralentissant même pour éviter de me retrouver catapultée dans vingt mille mètres de vide.
— Au bout du compte, j’ai peut-être plus appris avec vingt générations d’elfes qu’avec un seul vieux sage, poursuivit-elle après avoir apparemment réorganisé ses souvenirs. Les elfes ont une façon très… particulière… d’aborder la magie, en fait.
J’essayai de rassembler mes connaissances sur le sujet mais, trop prise par le récit de ma sœur, n’eus le temps de me rappeler que de quelques bribes d’informations avant qu’elle ne reprenne :
— Comme ils vivent relativement peu, la maîtrise de leurs pouvoirs est très instinctive, et ils se concentrent beaucoup sur la perception de leur environnement immédiat.
Je hochai la tête, l’esprit ailleurs, perdue entre l’histoire qu’elle me racontait et mes propres souvenirs. Les elfes vivaient effectivement très peu, par rapport à nous, ou même par rapport à un humain normal. Une vingtaine d’années, trente tout au plus. Mais c’était un choix de leur espèce, presque inscrit dans leurs gènes. Ils avaient les moyens de prolonger leur durée de vie, mais aucun d’entre eux ne semblait le désirer. Ils passaient littéralement les trois quarts de leur temps à l’écoute de la nature, usant de leurs « facultés » comme ils aimaient les appeler pour communiquer avec les animaux, les plantes, et certaines divinités mineures, parfois… Bref, entrer dans le cliché absolu des elfes des forêts, végans et drogués à toute heure du jour et de la nuit. À ceci près qu’ils décrépissaient aussi vite qu’une rose au soleil.
— Le premier truc que j’ai appris, après avoir maîtrisé mes penchants pyromanes, c’était parler avec les animaux. Un incontournable, là-bas, autant pour se repérer que pour se faire accepter par la communauté. Si tu ne tapes pas quotidiennement la causette avec l’oiseau qui niche dans le même arbre que toi… c’est mal vu. Mais c’est une simple question de perception du flux magique, ajouta-t-elle en guise d’explication. Ça n’a rien de compliqué….
Åke ricana, sceptique.
— Pour l’avoir essayé, je te dirai qu’il faut quand même des affinités particulières avec la nature, lança-t-il. Mais si tu as grandi chez ces illuminés, ça peut marcher.
Il y avait une pointe de mépris non dissimulé dans son ton, mais Selvigia ne sembla pas s’en offusquer. Après tout, Åke avait cette sale manie de prendre tout le monde de haut, pourquoi en aurait-il été autrement pour un peuple entier dont l’espérance de vie moyenne valait à moins que le dixième de sa durée de vie à lui ?
— Et du coup, résumai-je, tu as passé quatre siècles chez les elfes avant de débarquer sur Midgard en plein milieu de la Guerre Froide.
Ma sœur secoua la tête.
— Pas exactement. Vers la fin du dix-huitième environ, j’ai commencé à vadrouiller en solitaire dans les autres Mondes. J’en avais marre de rester à Alfheim, j’en connaissais la moindre branche. Donc je suis partie et, pendant un certain temps, j’ai séjourné un peu partout. J’ai même vécu une bonne décennie à Asgard ! J’avais un commerce d’herboriste en collaboration avec une Eir.
Sa voix se fit nostalgique, elle baissa d’un ton.
— Et puis, à force… j’ai fini par croiser des Loki. Ekrest et Kirstin, en mission à Nidavellir. Je leur ai filé un coup de main, ils m’ont proposé de m’intégrer à la Confrérie, mais… j’ai mis encore quelques années à accepter. J’aimais bien ma vie de baroudeuse. Savoir que je n’avais pas été éduquée par ma famille apaisait souvent les premiers conflits que mon arrivée générait.
— La première panique générale, tu veux dire ? ricanai-je.
Elle acquiesça en riant, et j’entendis même Åke pouffer dans mon dos. Ekrest me l’avait souvent répété, durant mes premières années d’entraînement, mais je ne l’avais réellement compris que lorsque je m’étais aventurée seule pour la première fois à Kodarstrung, une cité souterraine de Nidavellir. Il avait suffi que j’entre dans une taverne sans dissimuler mes yeux, pour que les épées, dagues, arcs, pistolets à impulsion magique et autres armes apparaissent. Seule, face à une soixantaine de nains aux expressions peu avenantes, j’avais battu en retraite, et étais revenue dix minutes plus tard sous une nouvelle apparence, en cachant mes iris turquoise derrière une illusion de marron lumineux de fille de Sif. Et là, personne n’avait bougé le petit doigt.
Alors que, quand l’enfant d’un dieu majeur entrait quelque part, on le noyait presque sous les petites attentions. Certains étaient même prêts à s’improviser serveurs pour un fils de Thor dans l’espoir que ça leur apporte les faveurs du père. Comme quoi nous n’étions vraiment pas tous logés à la même enseigne.
Soudain, un puissant souffle d’air me ramena brutalement au présent, emportant avec lui mes interrogations muettes. Je vacillai sur les racines glissantes, m’accroupis instinctivement pour réduire la surface de mon corps exposée au vent. L’arbre gémit, l’écorce sur laquelle nous étions debout grinça comme du vieux parquet soumis à un poids trop important. L’espace d’une seconde, j’envisageai la possibilité d’une chute, et mon cœur rata un battement. Je pouvais me métamorphoser, là n’était pas le problème. En revanche, atteindre la terre ferme, vingt mille mètres plus bas, et en plus sans savoir où j’allais atterrir…
Les bourrasques successives nous frappaient dans le dos, à intervalles irréguliers. Leur force arrachait de petits morceaux de bois juste sous mon nez et secouait si violemment les racines qu’elles se mirent bientôt à vibrer. Ma langue s’assécha lorsque je me sentis perdre mes appuis sur l’écorce verglacée. Dédaignant les recommandations d’Ekrest, qui étaient de ne pas abîmer l’arbre-monde, au risque de voir les Nornes se fâcher très fort – et les dieux savaient que ces vieilles mégères pouvaient être surprotectrices lorsqu’il s’agissait de leur frêne chéri – je fis apparaître un vieux piolet d’alpinisme que je ne me souvenais pas avoir un jour utilisé, et le plantai profondément dans la racine sous mon nez. Bien m’en prit. Un instant plus tard, un brusque coup de vent me projetait sur le côté, droit en direction du vide, et la seule chose qui me permit de rester accrochée à l’arbre fut mon piolet.
Åke en revanche n’avait pas eu ce réflexe. Je l’entendis hurler en passant à côté de moi, grondai de douleur lorsqu’il attrapa mon pied pour se retenir, et me tira vers le bas. Quatre-vingt-dix kilos de muscle soudain désespérément accrochés à ma cheville, je sentis ma prise sur le piolet se desserrer, et en fis apparaître un deuxième, que j’enfonçai violemment sur le côté.
— SELV’ ! criai-je.
Je n’étais pas sûre qu’elle m’ait entendue, avec tout ce vent, mais elle tourna la tête vers moi. Par je ne savais quel miracle, elle avait réussi à se maintenir sur l’arbre. Ses cheveux s’étaient emmêlés en un épais nid d’oiseau au sommet de son crâne, que les bourrasques secouaient violemment à chaque fois qu’elles frappaient, mais elle tenait miraculeusement accroupie.
— … PAS NOR… HRA… GRR… LÀ ! entendis-je en retour.
Je fronçai un sourcil, mille fois plus concentrée sur la stabilité de mes piolets que sur les paroles de ma sœur, que j’aurais de toute manière du mal à décrypter. Mais, lorsqu’elle pointa la main en direction du ciel – un geste universellement compréhensible – je levai la tête, et mon estomac plongea soudain au fond de mes talons. Un gigantesque – et j’étais encore loin de la vérité – aigle brun-roux, dont les ailes avaient bien douze mètres d’envergure, au jugé, descendait lentement dans notre direction, brassant l’air de ses plumes et causant le vent terrible qui menaçait de nous emporter. Je grondai, me tournai vers Åke, toujours suspendu à ma jambe.
— Essaie de t’alourdir un peu !
L’espace d’un instant, il me jaugea d’un regard torve, puis, en comprenant mes intentions, s’exécuta. Je grognai lorsque, de quatre-vingt-dix kilos, son poids monta en flèche jusqu’à au moins cent vingt, mais compensai pour ma part en renforçant mes muscles et en augmentant ma propre masse corporelle. Les bourrasques, toujours aussi puissantes, perdirent un peu de leur effet sur nous, je sentis le mouvement de balancier de mon corps qui s’atténuait. Un soupir tendu m’échappa, je levai la tête.
L’aigle était à moins de cent mètres de notre position, et je n’avais aucune idée de ce qu’il voulait. En revanche, maintenant que je l’avais repéré, j’avais instinctivement additionné les cris de Selvigia quelques instants plus tôt, et la taille de l’animal, somme toute assez inhabituelle, même pour la mythologie nordique, et j’en étais venue à une conclusion simple. Ce n’était pas un oiseau, en face de nous. C’était un géant transformé en oiseau. Hræsvelgr, si je voulais être précise.
Sauf que, en principe, il était censé être tranquillement perché au bout du monde connu et existant, à battre des ailes pour provoquer le vent dans l’ensemble des Neuf Mondes. Pas en plein milieu du monde, à pourchasser des fugitifs.
Ma prise sur les piolets commençait à se faire moins ferme. Je sentais les muscles de mes bras qui tétanisaient progressivement, la sueur qui envahissait mes paumes à l’idée d’une visite de géant mythologique qui pouvait m’avaler d’un coup de bec si l’envie lui en prenait. Mon poids, plus celui d’Åke, nous tiraient vers le sol mais, plus l’aigle descendait, et plus le vent se faisait turbulent à mes côtés. Plusieurs fois, je me sentis ballottée d’un côté et de l’autre, uniquement suspendue à une lame dentelée plantée dans le bois, pas très sereine quant à l’issue de cette rencontre.
Soudain, mon piolet droit se décrocha. Durant un centième de seconde, qui me sembla être une éternité, Åke et moi demeurâmes immobiles dans le vide, comme en train de flotter. Puis, la gravité nous rattrapa brutalement, et je me raccrochai par réflexe de toutes mes forces au piolet de gauche. Un gémissement m’échappa lorsque mon bras s’étira brutalement, et que nous entamâmes un rapide mouvement de balancier qui mit mon système digestif sens dessus dessous. Gauche. Droite. Gauche. Droite.
Mon repas de ce matin remonta dans ma trachée. Je me mordis les lèvres jusqu’au sang, à la fois pour obliger la nourriture à rester dans mon ventre et pour distraire mon corps de son angoisse principale : les vingt mille mètres de vide desquels nous séparait un piolet approximativement planté dans le bois.
— SELV’ ?! hurlai-je à nouveau.
Recroquevillée dans un creux de l’écorce, elle me coula une brève œillade inexpressive, avant de relever son regard vers l’aigle, qui était sur le point de se poser sur la racine. Je serrai les dents, repérai une aspérité du bois un peu à droite de ma prise actuelle, faillis hurler en sentant sentant la lame plantée dans le bois descendre de quelques centimètres, provoquant une douloureuse secousse dans mon bras. En ahanant, je projetai ma main droite en direction de l’aspérité dans un geste à la précision approximative. La pointe ripa contre le nœud de la racine, mais ne s’enfonça pas, et le mouvement me fit descendre d’encore quelques centimètres.
Évidemment, à l’échelle des vingt mille mètres de vide qui nous attendaient en dessous, ce n’était rien, mais quand on savait que seules quelques dizaines de millimètres supplémentaires pouvaient me faire basculer dans lesdits vingt mille mètres…
— Lilith, quoi que tu fasses, fais-le mieux ! gronda Åke.
Je secouai un peu mon pied, histoire de le faire taire, en profitai pour me donner un meilleur mouvement de balancier, et visai à nouveau. Nous oscillâmes deux fois de gauche à droite, sur un point d’appui de plus en plus précaire, jusqu’au moment où je lançai mon bras vers le haut, piolet tendu comme une serre de faucon. La lame se planta profondément dans le bois, au moment même où l’autre cédait, et où la voix de Selvigia, portée par une bourrasque favorable, pour une fois, s’élevait :
— LILY ! MÍMIR !
Je ne percutai pas tout de suite. En fait, je ne réalisai ce qu’elle me demandait que lorsque je la vis passer à côté de moi en chute libre, à la vitesse d’une fusée. Au même instant, Åke libéra enfin ma cheville. Soulagée, réalisant enfin pourquoi elle venait de me jeter à la figure le nom du dieu de la sagesse, je fis disparaître mes deux piolets, et fis apparaître mon casque de la Confrérie au même moment. Le vide m’enveloppa comme un doux linceul.

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Dernière modification par vampiredelivres le ven. 25 juin, 2021 9:06 am, modifié 2 fois.
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

Coucou !
Petit chapitre de transition pour amorcer le début d'une intrigue qui n'aura de réelle incidence que beaucoup, beaucoup plus tard dans l'histoire… mais après tout, pourquoi pas maintenant ? :mrgreen:
Bonne lecture !


CHAPITRE 13


Une ruée d’adrénaline déferla dans mes veines, je me mis instinctivement en position de parachutiste : à l’horizontale, bras et jambes largement écartés. Je voyais, une trentaine de mètres plus bas, Selvigia et Åke qui faisaient de même, l’unique différence étant qu’Åke n’était pas équipé comme ma sœur et moi. Les combinaisons thermiques nous protégeaient du froid agressif, et en outre, le casque était étanche et m’empêchait de me prendre dans les yeux les milliers de poussières qui flottaient dans l’air. Et même si j’avais quasiment atteint ma vitesse terminale, le sol semblait se rapprocher à une vitesse étrangement lente, malgré ma chute vertigineuse.
Loin au-dessus de nous, un glapissement furieux résonna. Je me contorsionnai pour me retourner – les entraînements de parachutisme aidant – parvins à repérer la forme distante de l’aigle géant qui piquait dans notre direction, apparemment furieux de nous avoir manqués. Je grinçai des dents dans mon casque, pivotai à nouveau la tête en bas, et collai mes bras contre mon corps pour plonger plus vite. Il était hors de question que je serve de casse-croûte à un géant, métamorphe soit-il.
Une vingtaine de secondes plus tard, j’atteignis la hauteur de Selvigia, qui d’un geste hasardeux m’indiqua le sol encore loin en-dessous. Dans la masse verdoyante de forêts et de vallées que je discernais, un point clair, d’un bleu liquide, s’élargissait à vue d’œil. Je hochai la tête.
Quand nous fûmes à quelques trois cent mètres d’altitude et que le sol parut soudain bien trop proche, un vicieux courant d’air, aussi froid que traître, nous frappa latéralement, charriant avec lui des nuées de grêlons douloureux. En quelques secondes, la tempête de neige qui nous avait accompagnés durant la moitié de notre voyage à pied revint à la charge, certainement portée par les courants d’air que causait Hræsvelgr. Un brouillard, sombre et dense, nous enveloppa, tamisant la clarté du soleil jusqu’à ce qu’elle se réduise à un scintillement discret et lointain, plongeant mon champ de vision dans une pénombre grisâtre. Je perdis Åke et Selvigia de vue, et le sol par la même occasion.
Un nouveau cri de rapace parvint à mes oreilles, je frissonnai et, instinctivement, me transformai. La large paire d’ailes blanches que je déployai ralentit quelque peu ma chute, mais il me fallut un moment pour m’ajuster et réapprendre à naviguer avec les bourrasques violentes qui me fouettaient les plumes et me déviaient trop fréquemment de la trajectoire que je m’étais choisie.
L’habituelle sensation grisante de pouvoir voler s’était noyée dans la peur de la tempête et la sensation d’urgence causée par l’apparition du géant. La descente semi-contrôlée, qui menaçait de se transformer en chute libre au moindre coup de vent traître, fut une lutte de tous les instants, toujours à l’écoute du moindre bruit qui aurait trahi l’approche de l’aigle géant. Déterminée à échapper au plus vite à sa zone de chasse de prédilection – soit l’air dans lequel je volais – je plongeais aussi rapidement que le chaos ambiant me le permettait sans risquer de m’écraser à soixante à l’heure dans un arbre ou dans le sol. Parce que, la vérité, pure et simple, c’était que je ne voyais presque rien. Au mieux, j’entrevoyais à trois mètres avec les courants d’air chargés de neige épaisse. Ce qui était toujours mieux que ce que j’aurais vu sous forme humaine, certes, parce que j’aurais certainement eu du mal à distinguer le bout de mes doigts, mais c’était loin d’être une condition idéale pour voler. Il fallait que je reprenne contact avec le sol, je ne pouvais pas me permettre de rester vulnérable.
Mes poumons se frigorifiaient au contact de l’air glacial que j’inspirais. Furieuse contre ma propre peur, je poursuivis ma descente durant de trop longues minutes, jusqu’à ce que finalement, avec ma vision de rapace, je parvienne à discerner les cimes des arbres frémissant dans la neige. J’écartai mes ailes, sentis un frisson d’excitation me parcourir quand l’air s’engouffra dans mes plumes et ralentit brutalement mon vol. Planant difficilement au ras du feuillage, je jaugeai un instant les branches, cherchant une ouverture. Quand, au travers du blizzard, j’en repérai enfin une, je repliai mes ailes, m’engouffrai dedans en piqué, puis me métamorphosai une seconde avant de toucher le sol et me mis à sprinter. Je savais très bien que, sous forme humaine, je n’étais pas en sécurité, mais je préférais toujours avoir accès à mes armes et pouvoir me défendre que me faire happer par une sale bête plus grosse que moi en plein vol.
L’esprit alerte malgré ma course folle dans les courants glacés, je courus vers la direction dans laquelle je me rappelais vaguement avoir vu le fameux point bleu, le lac que Selvigia m’avait indiquée. J’espérais pouvoir retrouver les deux autres là-bas par la même occasion parce que, seuls dans les Neuf Mondes, je ne donnais pas cher de nos peaux.
Les branches basses me fouettèrent le visage. Bientôt, j’eus les joues couverte de stries et les cheveux emmêlés, mais je me gardai d’user de ma magie. Si Hræsvelgr était, sur ordre d’Heimdall, à la poursuite d’enfants de Loki, si les corbeaux volaient en ce moment même pour transmettre le message, si même Ratatosk le savait, notre quête vers Mímir venait de se transformer en mission de survie suicidaire.
Je haïssais cette idée. La terreur primitive qui faisait battre mon cœur, la sensation d’être une proie aux abois. Le simple fait de sortir de Midgard me donnait déjà cette sensation, sans même que les autres Maisons, peuples ou divinités s’en mêlent. Je préférais Midgard, sa densité humaine, son flux magique réduit qui me permettait de me fondre dans la masse la plupart du temps. Sa sécurité, aussi. Au moins, là-bas, les chances qu’un aigle géant débarque pour me croquer étaient plus que minimes.
Je secouai la tête, irritée, m’immobilisai quelques secondes près d’un arbre en réfléchissant, le souffle court. Mon sang battait à mes tempes, pulsait dans les artères de mon cou, si fort que j’entendais chaque battement de cœur résonner dans mes oreilles. Il fallait que je trouve un endroit où me terrer le temps que la tempête passe. Mais je ne pouvais pas simplement me permettre de me métamorphoser en petit animal et me cacher dans un terrier, j’y serais trop vulnérable. Les Neuf Mondes grouillaient de petits monstres, plus vicieux les uns que les autres. J’avais déjà eu l’occasion de croiser un nirhjäl, quelques iskams, et même un dalmar des marais à Nidavellir, et ces rencontres avec ces bestioles, pourtant relativement petites – en comparaison à d’autres comme un simple dragon ou mon cher frère Fenrir par exemple – m’avaient toujours fait frôler la mort de bien trop près. Le dalmar, savant mélange entre un crocodile, une salamandre et un rhinocéros, et véritable saloperie, m’avait fait perdre une jambe dans le combat avec son acide gastrique corrosif. Et en plus ça se déplaçait vite, malgré ses allures de reptile préhistorique !
Mais à l’heure actuelle, j’avais d’autres problèmes plus urgents qu’une vieille histoire qui remontait à plus de cinq ans en arrière. Très spécifiquement, j’avais aux trousses Hræsvelgr, soit un géant métamorphosé en aigle qui en principe créait le vent dans les Neuf Mondes, perché aux confins de l’univers connu. Et j’avais perdu Åke et Selvigia. Je ne pouvais qu’espérer qu’ils avaient atterri en toute sécurité et que, comme moi, ils se déplaçaient actuellement sans user de leurs pouvoirs afin de ne pas attirer l’attention, mais de fait, je n’avais aucun moyen de les contacter. Et avec la brume épaisse qui s’était infiltrée entre les arbres et m’empêchait de voir à plus de trois mètres, j’avais peu de chances de les retrouver facilement.
Tout en réfléchissant, je finis par reprendre une course un peu plus posée une fois que j’eus retrouvé un semblant de souffle stable. Je n’arrivais pas à évaluer si j’étais davantage en danger sous le couvert des arbres, ou en-dehors. En théorie, dessous valait mieux puisque toutes les créatures un minimum sensées avaient cherché refuge dans leurs tanières à l’approche d’une tempête de neige pareille. Les frondaisons épaisses ne parvenaient pas à bloquer les violentes bourrasques chargées de flocons qui manquaient trop souvent de me projeter contre un arbre, une sorte de semi-pénombre blanchâtre aux allures de mauvais rêve régnait. Ce n’était pas un temps à faire sortir un dragon, alors j’estimai que les bêtes plus petites se seraient planquées.
Il fallait que je me dirige vers ce petit lac que j’avais vaguement repéré pendant ma chute. Je n’avais aucune idée spécifique d’où il était, mais il me semblait avoir atterri quelque part à l’ouest, donc si je me fiais à la boussole sur ma combinaison, je devais avancer droit devant moi. Avec un peu de chance, je trouverais même une caverne inhabitée le temps que la tempête passe et que l’aigle s’éloigne. Il volait bien trop haut pour que je puisse estimer sa position – et je priais pour que ce ne soit pas parce qu’il chassait Selvigia – mais ce n’était pas plus mal. S’il s’était déjà posé quelque part non-loin, je me doutais que le vacarme du choc aurait été audible malgré les hurlements du vent. J’étais certaine d’avoir mésestimé sa taille dans la panique et la distance. Il devait plutôt aller sur les quarante mètres d’envergure, un véritable petit avion de ligne.
Je finis par chasser mes réflexions sur la taille de l’aigle, songeai un instant à ma sœur. Avec ma course, mes pensées s’apaisaient, et j’avais le temps de revenir sur la discussion que nous avions eue juste avant toutes ces folies, avec Ratatosk et son histoire d’elfes. Elle avait quatre cents ans. Quatre cents années, dont un peu plus d’une quinzaine passées avec moi. Combien de personnes étaient réellement au courant de ses origines ? Ekrest et Kirstin, certainement, puisque c’était grâce à eux qu’elle avait fini par intégrer la Confrérie, Åke, désormais, mais qui d’autre ? Kaiser ? Adam ? Ou était-ce un secret qu’elle avait préféré garder enfoui autant que possible.
Ce qui me perturbait le plus, c’était que j’avais été certaine de la connaître. Au Manoir, en grandissant, j’avais, comme tous les Élites, développé un réseau d’espions et fouillé dans le passé de tous les autres membres du haut du classement. J’avais même parlé directement avec Selvigia de sa famille, de qui elle était avant. Jamais cette histoire n’était ressortie. Pourtant, j’aurais peut-être pu le deviner plus tôt, quand elle m’avait avoué avoir un frère Njörd qui avait déjà à l’époque quatre cents ans. Mais, sur le coup, ça ne m’avait pas perturbée, et j’avais fini par oublier ce détail.
Mais qui étais-je pour la juger ? Elle avait fait ses choix, et elle avait vingt fois plus d’expérience que moi. Je n’étais pas une gamine qui allait lui faire la tête parce qu’elle m’avait menti. Au moins, désormais, j’en savais un peu plus sur elle, et je savais aussi que je ne pouvais plus exactement me fier à ce que je pensais avoir su auparavant. Pour le reste, jusqu’à ce qu’elle me fasse comprendre le contraire, je persisterais à croire que notre relation n’avait pas changé, que nous étions toujours amies, malgré quelques mensonges et quelques siècles de décalage.
La tempête ne s’était pas calmée, et ma progression était toujours aussi laborieuse dans la dense forêt. Mais soudain, je freinai des quatre fers, tous les sens en alerte. Je ne l’avais guère senti jusque là, mais d’un seul coup, je percevais un massif dégagement d’énergie, plus puissant que tout ce que j’avais eu l’occasion de sentir jusque là. Le flux magique, probablement concentré en un point, étouffé à cause de la tempête qui hurlait toujours, m’avait frappée d’un seul coup, comme une puissante vague, comme s’il venait de se manifester. Alors que, maintenant que j’étais immobile, je réalisais qu’il était partout dans l’air environnant, vibrant comme une sourde pulsation, rayonnant dans toutes les directions. Rien qu’en percevant la puissance, probablement affaiblie par la distance qui me séparait de la source, j’avais les poils qui se hérissaient et la chair de poule aux bras et aux jambes, malgré ma combinaison thermique.
J’inspirai profondément, lentement, réfléchissant à toute allure. J’étais certainement encore trop novice pour en juger correctement, mais la régularité du flux m’incitait à penser qu’il n’était pas agressif. Il allait et venait contre ma peau, si physique qu’il en devenait presque effrayant, comme un doux ressac. Ce n’était pas un combat non-loin entre divinités, sinon ça aurait été plus explosif. Cela pouvait être une barrière magique, j’en avais déjà ressentie des semblables auparavant, mais pas d’une puissance aussi écrasante, radiant certainement à des centaines de mètres autour. Cela pouvait aussi être, quoique moins probable, un artefact égaré.
Quoi qu’il en soit, j’étais soudain dévorée par la curiosité. Je décidai d’infléchir ma course dans la direction du rayonnement, consciente de la folie de cette entreprise, mais après un regard à ma boussole, il s’avéra que c’était de toute manière dans la direction dans laquelle je courais déjà depuis le début. Un instant, je me demandai s’il était possible que ce soit Mímirsbrunn qui émette un tel flux, mais l’idée me paraissait improbable, sans que je ne sache réellement le justifier.
Aussi, je poursuivis mon chemin, droit devant, à la fois excitée et un peu effrayée de découvrir ce qui pouvait émettre autant de magie. Je parcourus près d’un demi-kilomètre dans le silence le plus absolu de la forêt, veillant à rester aussi discrète que possible, la peau toujours hérissée par les pulsations magiques…
Et puis d’un seul coup, plus rien.
Silence radio, plus de magie, plus de sensation vertigineuse de vibrations ambiantes. Juste le silence total d’une forêt muette et vide, à peine troublé par les hurlements du vent au-dessus des feuilles. Je me figeai, interdite, regardai autour de moi, à la recherche d’une cause, mais ne vis rien, à part des feuilles secouées par le vent. Alors, je reculai de quelques pas, et après une dizaine de mètres, les fourmillements revinrent. Je refis un pas en avant précautionneux, puis deux, puis trois, et les fourmillements disparurent à nouveau. Je tendis la main derrière moi, et sentis le flux autour de mes doigts.
C’était bien un rempart magique, mais totalement immatériel. D’habitude, ce genre de barrière était apposée à quelque centimètres d’un mur pour parer les assauts magiques ou dissimuler un bâtiment. C’était le cas pour le Manoir, qui était rendu invisible et presque invulnérable aux attaques grâce à un rempart magique semblable. Là, j’avais l’impression que la barrière flottait dans le vide, sans aucune raison valable. Il n’y avait rien d’intéressant autour, rien qui ne justifie un tel déploiement de puissance.
La traque, l’aigle géant, la tempête, tout ça m’avait abandonnée. Je fronçai le nez, la main toujours tendue vers la zone où le flux pulsait. C’était impossible qu’il n’y ait aucune raison. Ce qui signifiait que la raison était dissimulée plus profondément dans la forêt, dans la zone protégée par la barrière. Bénissant silencieusement ma thermo-combinaison qui, grâce à l’ingéniosité des ingénieurs de la Confrérie, n’était pas alimentée à l’électricité mais au flux magique lokien, je me remis en marche en direction de l’est. En théorie, j’étais dans la bonne direction, ou du moins j’essayais de m’en persuader. Que ce soit si simple aurait été surprenant, mais il y avait un vieil instinct un peu maladif chez toutes les créatures : on essayait tous désespérément de se placer au centre de notre espace protégé.
Tout en marchant, j’essayai d’estimer la distance que je parcourais. Je commençais à douter du fait que ce soit la source de Mímir. Même si le lieu était quasiment sacré, et certainement très bien protégé aussi, je ne pensais pas que de tels sorts auraient été déployés. Ekrest ne m’en avait jamais parlé, et j’étais à peu près certaine d’avoir lu, au moins en diagonale, tous les traités sur la géographie des Neuf Mondes.
Malgré ma progression lente et laborieuse, je finis par parvenir, enfin, non loin de ce qui ressemblait vaguement à une lisière de la forêt. À une vingtaine de mètres de là, la luminosité était plus forte que partout ailleurs – ce qui ne m’empêchait pas de ne guère y voir plus clair qu’en pleine nuit dans la grisaille. C’est donc par là que je m’orientai, décidée à tirer au clair ce mystère. Et, quand j’y parvins enfin, toujours sous le couvert des arbres, je me figeai, sidérée par la scène que je voyais.
De l’autre côté d’un petit rempart végétal de buissons et de fougères, il n’y avait pas le moindre signe d’une trace de neige, malgré la tempête qui rugissait dans mon dos. Au lieu de cela, il y avait une vaste vallée herbeuse dont les hautes fleurs se balançaient, balayées par un vent léger. Les pentes de la vallée étaient douces, et descendaient vers une étendue d’eau stagnante d’un bleu limpide, presque turquoise en son centre. Et, autour de l’immense lac dans lequel plongeait une tout aussi gigantesque racine, une nuée de femmes vêtues de robes blanches étaient assises sur l’herbe ou alors sur des rochers et tissaient chacune une sorte de toile, qu’elles se passaient occasionnellement de main en main.
Un frisson courut le long de mon échine. Oubliant le déchaînement derrière moi, je m’assis à même le sol, décidée à ne pas bouger, la menace de Hræsvelgr reléguée quelque part dans un coin de mon esprit.
Ce n’était pas Mímirsbrunn. Loin de là.
Ces femmes étaient les Nornes, déesses du destin qui régissaient le sort de tous les êtres vivants, même des dieux. Petites et grandes, jeunes ou vieilles, leur diversité m’aurait presque étonnée. Il y avait des elfes et des naines, des humaines et des géantes – qui, certainement pour le confort des autres, ne mesuraient que trois mètres et demi  – des créatures étranges que j’associai à des hybrides entre un homme et un animal… Et il y avait même quelques trolles, facilement dissociables des autres à leur peau gris sombre, écailleuse, et à leur taille semblable à celle des géantes.
Elles œuvraient en bavardant discrètement entre elles, focalisées sur leur travail, et le calme qui régnait sur les lieux était contagieux. J’étais trop loin pour discerner leurs mouvements avec précision, mais je distinguais les structures de leurs métiers à tisser, autour desquels elles s’asseyaient, allaient et venaient. Il y avait quelque chose de magique dans l’idée que, malgré la magie omniprésente dans mon monde, cet endroit était un univers totalement à part, un lieu où même les lois de notre monde n’avaient plus de prise ou presque.

Je ne savais pas combien de temps j’étais restée là, assise sur le sol froid, quand l’une des Nornes les plus proches de la bordure fit un signe à deux de ses compagnes, puis se leva et se dirigea résolument vers moi. Les deux autres levèrent les yeux au ciel, puis tendirent chacune une main pour reprendre le contrôle sur son métier à tisser.
À mesure qu’elle s’approchait, je pus distinguer un peu mieux son visage. Elle avait des traits fins, doux et avenants, un brin chevalins. Son visage était presque imperceptiblement allongé, le menton s’avançait davantage et la face était un peu plus étroite et aplatie que celle d’un humain. Ses oreilles pointues partaient de ses tempes et piquaient vers l’arrière à la manière d’un chat mécontent. Elle avait une peau sombre, couleur écorce, veinée de lignes plus claires comme les rainures d’une feuille. Elle s’immobilisa à quelques pas de la lisière, en face de moi, et je pus constater sa petite taille. Elle paraissait toute fine, légère comme une plume. Même ses longs cheveux blonds tirant sur le vert semblaient peser plus qu’elle.
— Bonjour ? me salua-t-elle en vieux norrois.
Sa voix, basse et claire, me mit instantanément en confiance. Je lui souris, et elle poursuivit :
— Tu sais que vous n’êtes pas autorisés à vadrouiller dans le monde des vivants, toi et tes semblables ?
Je haussai les sourcils.
— Comment ça ?
— Oh, tu ne l’as pas encore compris ? Ou alors tu t’es égarée en chemin… ajouta-t-elle plus pour elle même. Tant pis, viens, je vais t’expliquer.
Curieuse de comprendre ce qu’elle voulait dire, mais aussi stupéfaite qu’elle m’invite à entrer dans un domaine aussi sacré qu’Urdarbrunn, je me redressai et la suivis, l’esprit embrouillé de questions. Je franchis la lisière d’obscurité, avec la sensation diffuse d’être une étrangère, une clandestine en territoire interdit. La source d’Urd était le domaine des Nornes, qui dictaient leurs lois à tout être vivant, même aux plus puissants. Les trois principales, Urd, Verdani et Skuld, étaient des géantes qui avaient mis fin à l’âge d’or des dieux en emprisonnant leurs destins dans leurs trames. Personne n’était censé être autorisé près de la source.
Mais à l’intérieur de la clairière, l’air était chaud et doux, d’un calme apaisant après les rugissements de la tempête au-dehors. Une clarté irréelle nimbait les lieux. Il n’y avait pas de vent, mais j’avais malgré tout la sensation qu’un léger courant d’air agitait mes cheveux et amenait à mes narines un parfum de fleurs sauvages que je n’avais jusque là senti nulle part ailleurs, léger, un peu sucré, enivrant.
— Je m’appelle Verania, ajouta l’elfe à mon intention en me guidant vers son métier à tisser.
— Et elle aime ramener les oisillons blessés, ajouta une naine brune et trapue assise à ses côtés, caustique. Mais bienvenue pour l’instant, je suppose. Ça aurait été dommage de te laisser geler dehors par cette tempête.
— Hræsvelgr est vraiment agité… Je me demande ce qui l’a poussé à venir jusqu’ici.
Celle qui venait de renchérir était courtaude, un peu enveloppée, mais avait des proportions et un visage humains.
— Verania, tu sais qu’Iza va te faire des remontrances au sujet des esprits que tu ramènes ? ajouta-t-elle après m’avoir longuement considérée.
— Un esprit ? rebondis-je pour la seconde fois.
— Ah, elle n’a pas encore réalisé ? pouffa la naine. Écoute-moi alors : quand un être vivant meurt, nous coupons la trame de sa vie. Toi, on te l’a coupée, puisque nous ne la voyons plus au-dessus de toi.
Parvenant enfin à assembler les morceaux épars des explications des trois Nornes, je compris. Elles me prenaient pour une morte, une âme réchappée de Helheim. Un fantôme.
Cela n’avait aucun sens.
— Ce n’est pas improbable qu’elle se soit perdue en cours de route, surtout avec un flux magique pareil…
— C’est rare que ça arrive, quand même, contra l’humaine.
— Mais pas improbable.
— Certes… Mais n’empêche, tu imagines les dégâts qu’elle pourrait faire si elle était laissée libre ?
Elles s’entre-regardèrent un moment, songeuses, comme si elles avaient oublié ma présence, puis Verania me demanda avec douceur :
— Quelle est la dernière chose dont tu te souviens ? Et comment t’appelles-tu ?
L’esprit soudain bouillonnant, sortie de la transe dans laquelle la vue des lieux m’avait plongée, je fis mine d’hésiter. Je venais de réaliser pourquoi elles m’avaient laissée entrer… et ce que je risquais si elles découvraient que j’étais bien vivante.
— Elsa. Et… je ne sais pas… je me rappelle d’un verre de vin… puis d’une forêt… celle dans laquelle j’ai tourné en rond pendant un bon moment…
En même temps que je parlais, je laissais mes réflexes de la Confrérie reprendre le dessus, je préparais une histoire. Âge, lieu de naissance, passé, scolarité, profession. En moins de vingt secondes, avec mes hésitations, j’avais une identité presque cohérente avec laquelle j’aurais pu berner un inspecteur des services secrets… mais probablement pas les déesses du destin. Il fallait que je les détourne de moi, et que je déguerpisse dès que possible. La quiétude des lieux m’empêchait de me sentir réellement en danger, apaisait les instincts qui m’auraient maintenue en vie dans d’autres circonstances. Mais je savais désormais à quel point cette impression de sécurité était factice. Ces trois-là paraissaient jeunes, inconscientes de ce qui se passait réellement, mais une Norne avec davantage d’expérience pourrait certainement me percer à jour. Et alors, je serais dans de beaux draps.
— Donc je suis… morte ? demandai-je, feignant le choc.
Leurs expressions s’adoucirent, elles hochèrent la tête de concert avec des sourires attristés de circonstance.
— Et vous… êtes de celles qui coupent les fils ?
Elles pouffèrent, gênées.
— Oh, non ! répondit la naine. Ce sont plutôt les psychopathes de Dises comme Ezar ou Siwga qui font ça.
Elle désigna discrètement du menton deux géantes non loin qui se passaient une paire de ciseaux dorés en rigolant. Elles allaient de métier en métier, coupaient court les trames, parfois au mépris des plaintes de celles qui s’étaient attelées à tisser, parfois en laissant quelques fils encore tendus. Et je réalisai en observant leur manège que ce n’étaient pas vraiment les trames qui passaient de main en main, mais plutôt les Nornes qui passaient de métier en métier au gré de leurs envies. Leurs déplacements fugaces, souvent concertés, étaient ce qui créait les périodes de chance et de malchance chez chaque être vivant. Chacune de ces femmes était responsable soit d’évènement heureux, soit d’évènement malheureux. Parfois, elles s’occupaient même de deux métiers en même temps. Et, plus j’y regardais, plus elles me paraissaient nombreuses, leur immense atelier s’étendant à perte de vue dans la plaine.
Je reportai mon regard sur le métier que Verania avait abandonné en venant me voir. La navette, étrangement semblable à une pointe de flèche, faisait de lents allers-retours sur la trame sans jamais ajouter de ligne complète puisque personne n’appuyait sur les pédales. Les cordes étaient raides, d’un rouge brunâtre, tout comme les fils à tisser. Il me fallut un moment – et un regard aux poids en forme de crânes – pour me rappeler que les cordes étaient faites en boyaux humains. Le souvenir du vieux texte qui décrivait ces métiers m’arracha une grimace.
— Je ne devrais pas être là, n’est-ce pas ?
Verania baissa le nez comme une gamine prise en faute, puis ses yeux verts s’éclairèrent.
— Viens, je vais te montrer le lac. Et ensuite tu partiras. Mais il faut que tu voies l’Arbre de plus près !
Elle s’éloigna en sautillant, un grand sourire aux lèvres, et je questionnai du regard la naine et l’humaine.
— Et son métier ?
Elles haussèrent les épaules.
— Ça ira, répondit la naine. Il aura juste quelques années moins chanceuses qu’avant, le temps qu’elle revienne.
Comme l’elfe me faisait des signes de la main impatients, j’acquiesçai et m’engageai à sa suite, peu désireuse d’attirer davantage de regards. Avec ma combinaison de combat noire au milieu des robes blanches, je me faisais l’effet d’un rat dans une colonie de souris, mais je n’osais pas user de magie pour changer de vêtements, de peur de provoquer quelque chose qui causerait ma perte. En me déplaçant parmi les divinités maîtresses de la vie et de la mort, j’avais une conscience aiguë de ma fragilité et de ma mortalité.
Mais, pour la plupart, elles se contentèrent de me dévisager sans animosité, à l’exception de quelques rares qui esquissèrent des grimaces de mépris. Cependant, elles finirent toutes par invariablement retourner à leur travail. Alors je continuai à progresser parmi elles, précautionneuse. La distance que je parcourais paraissait s’étirer à chaque pas, comme si l’espace-temps n’avait aucune continuité ici. Un instant, je me demandai même si nous n’étions pas dans une bulle spatio-temporelle – l’idée n’était pas totalement absurde – puis mon attention fut attirée par le lac qui venait d’apparaître devant moi, et j’oubliai cette pensée.
L’énorme racine que j’avais aperçue de loin à mon arrivée était désormais toute proche. Si épaisse que mille hommes n’auraient pas pu l’entourer, elle plongeait vers le sol en dessinant une large spirale, avant de s’enfoncer dans la terre meuble en créant des monticules verdoyants autour. L’écorce était d’un brun vif, à l’allure saine. Dans l’ensemble, une aura rassurante émanait de la racine. Elle brillait même de son propre éclat, un scintillement discret mais aisément remarquable. Je compris après coup que c’était l’eau de la source avec laquelle les géantes arrosaient le pied de l’arbre, et qui ruisselait totalement à l’encontre des règles de la gravité, vers le haut. En levant la tête, je remarquai que la spirale de bois s’élargissait, jusqu’à ne dessiner plus qu’une longue ligne presque droite qui s’étirait vers le nord.
Verania me fixait avec un grand sourire, le bout des doigts trempés dans l’eau du large lac. Je hochai la tête et m’approchai, la gorge nouée par une étrange appréhension.
— Quand tu te sentiras prête à partir, tu auras deux solutions. Soit emprunter l’Arbre pour te rendre à Niflheim, mais la descente près de Hvergelmir est compliquée. Soit tu peux passer par la terre et t’orienter vers le nord, mais le voyage sera bien plus long.
J’acquiesçai, feignant l’ingénue qui découvrait le voyage entre les mondes. Tout cela, je le savais déjà. Si j’empruntais les racines de l’Yggdrasil, mon voyage serait considérablement raccourci, mais deux problèmes se posaient. D’une, je ne connaissais pas parfaitement les chemins, contrairement à Selvigia. De deux, avec l’avis de recherche d’Heimdall, ça risquait de grouiller de mercenaires æsir ou vanir. J’avais clairement plus de chances de survie par les terres, même si ma progression serait bien plus lente. Il faudrait que je me trouve un cheval, de préférence un descendant de Sleipnir, sinon je mettrais des mois à faire le voyage.
— Merci pour tes conseils.
— Il faut que je te laisse ; si je ne retourne pas travailler, je vais avoir des ennuis. Mais reste autant que tu le souhaites !
Elle se redressa, m’adressa un signe de la main, puis tourna les talons, ses longs cheveux couleur blé frémissant dans le vent. Je me laissai tomber sur la terre meuble et humide, et fixai mon regard sur Urdarbrunn, sidérée par la tournure des évènements. J’étais chez les Nornes, qui me prenaient pour une morte, et me laissaient librement aller et venir sur leur territoire. Elles étaient là, dans mon dos, toutes entièrement focalisées sur leur tâche. Une quiétude irréelle, surnaturelle, même pour le monde magique dans lequel j’évoluais, régnait sur les lieux. Mais elle ne parvenait pas à dissiper totalement la sensation de torpeur, un brin anxiogène, qui m’habitait.
Une question, qui ne m’avait que vaguement effleurée jusque là, revint soudain à la vue des métiers d’os et de boyaux tendus : comment se faisait-il que je n’aie pas de trame de vie ? Aucune des trois Nornes n’avait assumé autre chose que ma mort… sauf que j’étais encore certaine d’être vivante. Presque par réflexe, je portai les mains à mon visage, fus rassurée de sentir la peau de mes joues, échauffée par le soleil, contre mes doigts froids. J’étais réelle. Tangible. Pas un esprit réchappé. Alors pourquoi…?
Ça n’avait aucun sens. Mais, pour le moment, cela me laissait la vie sauve, paradoxalement. Et vivante, je voulais bien le rester encore un peu.
— Tu ne devrais pas être ici.
Je tournai brusquement la tête, le cœur battant, pour tomber nez à nez avec une femme d’âge mûr, la tête recouverte d’un châle blanc, vêtue d’une tunique viking traditionnelle. La large ceinture noire qui couvrait ses hanches était brodée de runes d’or. Soudain tétanisée par une peur primitive, je me figeai, certaine de me faire vaporiser dans les secondes qui suivaient. Verdandi, la Norne du présent.
Elle jeta quelques brefs regards autour d’elle, comme à la recherche de ses deux sœurs, puis m’adressa un sourire grinçant.
— Tu ne devrais même pas exister, en fait… poursuivit-elle de sa voix âpre, songeuse. Ironique que ce soit moi qui te rencontre.
— Mais je…
— Tu n’es pas morte, oui. Je sais. Les autres l’ont cru, à juste titre d’ailleurs. Mais si tu ne pars pas, tu risques effectivement de mourir.
L’avertissement avait une allure insidieuse de menace qui me fouetta le sang, même si je devinai à son attitude qu’elle ne comptait pas me tuer elle-même. Elle me mettait en garde contre les autres. Stupéfiant.
— J’ai trop de questions, soufflai-je en me redressant, le poing serré.
— Et tu n’auras pas de réponses ici. Tu finiras par comprendre toi-même.
Comprendre quoi ?
— Mais d’ici-là, permets-moi de te raccompagner, sourit-elle en posant une main sur mon épaule pour me pousser vers la lisière de la forêt.
Les paumes moites, le souffle court, je me laissai entraîner. La Norne originelle, l’une des trois qui tenaient les destins des dieux entre leurs mains, demeura muette sur les quelques centaines de mètres qui nous séparaient des hauts arbres. Ce fut seulement une fois à l’orée qu’elle se tourna à nouveau vers moi. Ses traits de géante, plus sévères et rêches que ceux d’une humaine, s’étaient figés en un masque impénétrable.
— Ne reviens jamais.
Je déglutis difficilement, acquiesçai. Il y avait des ténèbres insondables dans ses yeux, plus sombres que ce que j’avais pu voir chez les pires tueurs des Neuf Mondes. Elle semblait presque regretter de m’avoir amenée jusque là, comme si sa pitié envers ma misérable vie s’effilochait d’un seul coup. Mon instinct, assoupi par la léthargie qui régnait sur les lieux, eut soudain un sursaut. Brutalement lucide, je fis appel à ma magie au moment même où l’expression de la Norne se muait en une froideur implacable d’assassin. Elle leva la main.
Je bondis dans la forêt en lui jetant au visage la poignée de terre que j’avais ramassée près du lac. Un instant de distraction improbable, qui me permit de me transformer en minuscule oiseau et de m’éloigner à tire d’ailes entre les branchages.


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Dernière modification par vampiredelivres le sam. 10 juil., 2021 6:36 pm, modifié 2 fois.
TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

Holà~

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH
Bon, on est de retour à la case jargon-logorrhée. Chouette.
Non mais les deux chapitres que tu viens de nous balancer. La mythologie, les personnages (SELVI BON SANG), le récit, sa fluidité, LES NORNES.

Je suis fan. Et ça se sent que tu aimes ce que tu fais et que tu t'éclates à écrire, ça fait tellement plaisir. Tout est bon, y a pas un passage de flottement, c'est prenant. Je suis scotchée.
Le début du chapitre 12 était vraiment génial, j'admire toujours autant ces longs passages de descriptions/réminiscences/introspection, mais là wow. ;w;
J'ai adoré en apprendre plus sur Selvi (j'espère tellement que rien ne va lui arriver. Te connaissant, j'espère juste que ce ne sera rien de trop permanent ;w; ) Et bon, ok, les goûts et les couleurs, mais quand même, deux fois en couple avec Adam ? Vraiment ?
Je me souviens plus si tu en avais parlé ou non, mais au final, Ôké a quel âge ?
Puis la partie avec les Nornes. Je wow. Tous les éléments de mythologie que tu nous saupoudre (je t'imagine en salt bae du trauma et de la mythologie nordique) délicatement depuis quelques chapitres sont magnifiques.
Bien évidemment, qui dit début d'intrigue dit nouvelles interrogations ! J'ai bien hâte de voir ce que tu nous réserves.

Franchement bravo, les chapitres ne font que s'améliorer avec le temps, les changements de mondes apportent une bouffée d'oxygène au récit, qui était déjà excellent, c'est top !
J'attends la suite avec impatience ! :D

La bise~
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : jeu. 24 juin, 2021 5:44 pm Holà~

AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH
Bon, on est de retour à la case jargon-logorrhée. Chouette.
Non mais les deux chapitres que tu viens de nous balancer. La mythologie, les personnages (SELVI BON SANG), le récit, sa fluidité, LES NORNES.

Je suis fan. Et ça se sent que tu aimes ce que tu fais et que tu t'éclates à écrire, ça fait tellement plaisir. Tout est bon, y a pas un passage de flottement, c'est prenant. Je suis scotchée.
Le début du chapitre 12 était vraiment génial, j'admire toujours autant ces longs passages de descriptions/réminiscences/introspection, mais là wow. ;w;
J'ai adoré en apprendre plus sur Selvi (j'espère tellement que rien ne va lui arriver. Te connaissant, j'espère juste que ce ne sera rien de trop permanent ;w; ) Et bon, ok, les goûts et les couleurs, mais quand même, deux fois en couple avec Adam ? Vraiment ?
Je me souviens plus si tu en avais parlé ou non, mais au final, Ôké a quel âge ?
Puis la partie avec les Nornes. Je wow. Tous les éléments de mythologie que tu nous saupoudre (je t'imagine en salt bae du trauma et de la mythologie nordique) délicatement depuis quelques chapitres sont magnifiques.
Bien évidemment, qui dit début d'intrigue dit nouvelles interrogations ! J'ai bien hâte de voir ce que tu nous réserves.

Franchement bravo, les chapitres ne font que s'améliorer avec le temps, les changements de mondes apportent une bouffée d'oxygène au récit, qui était déjà excellent, c'est top !
J'attends la suite avec impatience ! :D

La bise~
Yo :)

La logorrhée est de retouuuuuur :lol:
(Juste pour la blague, sur mon téléphone tes AAAA font six lignes. :D )
Eh, on attaque enfin la mythologie, ça devient vraiment fun !

Contente de voir que tu te plais dans ta vocation de ventilo x)
Franchement, les passages d'introspection de Lily sont vraiment les parties les plus sympa à écrire… c'est ce qui est vraiment fun avec le personnage, aussi :roll:
Rhoh je me sens vexée, c'est pas nécessairement parce que j'introduis le background d'un perso qu'il va nécessairement lui arriver quelque chose ! Par contre je n'avais pas spécifié l'âge d'Ôké, mais ça va venir. ^^
Ouais, pour une fois que j'ai l'occasion de l'utiliser, je prends quand même du plaisir à sortir la vraie mythologie nordique pure et dure de son placard… d'autant plus que, dans le tome précédent, il n'y a pas eu tant d'infos que ça.

Mais merci à toi pour tes commentaires réguliers et ton enthousiasme :D
La bise ~

TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : mer. 30 juin, 2021 6:47 pm Yo :)

La logorrhée est de retouuuuuur :lol:
(Juste pour la blague, sur mon téléphone tes AAAA font six lignes. :D )
Eh, on attaque enfin la mythologie, ça devient vraiment fun !

Contente de voir que tu te plais dans ta vocation de ventilo x)
Franchement, les passages d'introspection de Lily sont vraiment les parties les plus sympa à écrire… c'est ce qui est vraiment fun avec le personnage, aussi :roll:
Rhoh je me sens vexée, c'est pas nécessairement parce que j'introduis le background d'un perso qu'il va nécessairement lui arriver quelque chose ! Par contre je n'avais pas spécifié l'âge d'Ôké, mais ça va venir. ^^
Ouais, pour une fois que j'ai l'occasion de l'utiliser, je prends quand même du plaisir à sortir la vraie mythologie nordique pure et dure de son placard… d'autant plus que, dans le tome précédent, il n'y a pas eu tant d'infos que ça.

Mais merci à toi pour tes commentaires réguliers et ton enthousiasme :D
La bise ~


Ouiii, la logorrhée :lol: (MDRRRR aled 6 lignes)

Ah, tu sais : ventilo un jour, ventilo toujours.
Désolée mais tu nous as appris à ne pas avoir trop d'espoir (un peu, mais pas trop) par rapport à tes persos, j'essaie de me distancier émotionnellement de ce qui pourrait arriver :roll: D'accord pour Ôké (il va rester celui-là :lol: )
Mais oui c'est génial :D

Avec plaisir~ Merci à toi !
La bise~
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

CHAPITRE 14


Un long soupir m’échappa lorsque, après de longues heures de vol, je repérai enfin une clairière dégagée, quelque part dans la direction – du moins je l’espérais – de la source de Mímir. Après mes trois voyages de plus de deux jours au sein de l’Yggdrasil, je ne connaissais les Neuf Mondes que grâce à la carte que j’avais passée des mois à mémoriser, et mon antique boussole. Haletant sous l’effet de la tension nerveuse qui se relâchait enfin un peu, épuisée par les heures de vol que je venais d’enchaîner, je repris difficilement forme humaine, mais eus tout juste la force de me traîner jusqu’à l’orée de la profonde forêt avant de m’affaler entre les racines d’un immense hêtre et de sombrer dans un sommeil comateux.
Lorsque je rouvris les yeux, mes yeux ne rencontrèrent tout d’abord que l’obscurité. Un souffle de vent chaud caressa mes oreilles, portant les doux crissements du feuillage et le chuintement de l’herbe qu’il agitait. Je bâillai longuement, étirai mes muscles courbaturés par le sol dur et transis par la rosée vespérale qui s’était déposée à la tombée de la nuit. Sous le couvert des épaisses branches d’arbre, il faisait un noir d’encre ; pas une lueur ne filtrait entre les feuilles. Mais, lorsque je me tournai en direction de la clairière dont je me rappelais vaguement, j’eus le souffle coupé par la beauté du lieu.
L’herbe haute, gorgée d’eau, réfractait les rayons de Mani en un millier d’éclats irisés, ni réellement gris, ni réellement colorés. Nimbée d’une clarté irréelle, cristalline, la clairière entière semblait dotée d’une vie propre. Elle respirait au rythme des caresses de la brise, frissonnait lorsque ces dernières se faisaient un peu trop agressives, puis se tranquillisait lorsqu’elles s’apaisaient. Pas un son ne venait troubler la quiétude des lieux, la beauté de l’instant, et je me surpris à retenir ma respiration pour ne pas briser l’enchantement du moment, qui me paraissait en cet instant douloureusement éphémère. J’avais peur que, en soufflant un peu trop fort, je romprais le charme, je briserais la magie des lieux.
Toute l’angoisse de ces dernières heures se dissipa, comme absorbée par le calme des lieux, soufflée par le vent. Je fermai les yeux, la conscience en paix, l’esprit, pris simplement quelques inspirations profondes, lentement, sans chercher à les précipiter. Je n’avais aucune idée de l’heure qu’il était, ni de la distance qui me restait à parcourir, ni des épreuves qui m’attendaient encore. Je savais seulement que ici, dans cet environnement parfait, je pouvais prendre le temps de me ressourcer, de penser à moi.
Les minutes s’écoulèrent ainsi en silence, à peine troublées par le cri lointain d’un loup, et les hululements tout aussi distants d’un hibou. Toujours debout, à l’orée de la clairière, je souriais. L’instant était parfait. J’étais en communion totale avec mon environnement et, pour une fois, je percevais même l’infime pulsation de mon propre flux magique qui radiait à quelques centimètres de ma peau. C’était un exercice particulièrement difficile, que je n’avais réussi qu’en de très rares occasions, et seulement dans un cocon de privation sensorielle, à Midgard.
Et puis, soudain, un craquement.
Discret, plutôt distant. Mais, dans le silence absolu qui régnait sur les lieux, il résonna comme une note d’orgue discordante au milieu d’une harmonieuse symphonie. Mon instinct s’éveilla immédiatement, en alerte maximale. Que ce soit un animal ou un demi-divin, ou même quoi que ce soit d’autre, j’étais en potentiel danger de mort. La grosse faune locale n’était pas spécialement accueillante, les Æsir ou les Vanir, ce n’était même pas la peine d’en parler, et la technologie humaine ne pouvait pas me sauver ici.
Mannheim avait toujours été ma zone de prédilection, notamment à cause de sa technologie. Parce que dans les huit autres mondes, une arme technologique développée sur Terre était inutile. Les ondes magiques omniprésentes déréglaient son fonctionnement. J’avais testé une fois en voulant utiliser mes Glocks favoris face à un nirhjäl d’Alfheim, un étrange croisement entre l’ours, le serpent et l’écureuil. Ça avait la taille d’un ours, des crochets venimeux, un regard fourbe, et une terrifiante capacité à grimper aux arbres si vite que ça en devenait flou. Et mes pistolets n’avaient tout simplement pas tiré, qu’importe combien de fois je presse la détente ou tente de les décharger et de les recharger.
Je m’étais finalement débrouillée avec mes flammes, manquant de carboniser la moitié de la forêt locale au passage. Le problème, c’était qu’en rentrant au Mannheim, mes armes avaient quand même refusé de fonctionner, et j’avais dû les remplacer.
Là, en connaissance de cause, je réprimai mes vieux réflexes durement acquis qui me commandaient de préparer mes Glocks, et préparai à la place un bouclier et mon épée, cadeau de mon père. J’avais certes un pistolet à impulsion magique, un véritable petit bijou mêlant magie et technologie naine, mais je préférais le garder en réserve. D’une part pour l’effet de surprise, mais d’autre part… tout simplement parce que les circuits s’usaient vite, et les réparations coûtaient affreusement cher. Il valait mieux ne l’utiliser qu’en dernier recours, à moins de vouloir payer l’équivalent d’un petit appartement en centre-ville parisien à chaque réparation.
Mon instinct en alerte maximale, ma magie fourmillant au bout de mes doigts, j’ouvris les yeux. L’auteur du craquement, qui qu’il soit, s’était rendu compte de son erreur, et ne bougeait plus. Je balayai les arbres en face de moi d’un regard perçant, attentive à tout éclat inhabituel, que ce soit le reflet de la lumière dans une prunelle ou le discret mouvement d’une fourrure sombre. Mais rien. Pas un bruit, pas un détail anormal, et à cette distance, les seuls parfums que je percevais étaient ceux, capiteux, de la terre et de l’herbe humide.
Dans ma poitrine, mon cœur palpitait, nerveux, diffusait l’adrénaline dans toutes les cellules de mon corps. Je savais que je n’étais pas folle, que ce n’était pas qu’une impression. Mon instinct ne me mentait jamais ; la magie des lieux avait été rompue à cause de quelque chose qui avait posé le pied au mauvais endroit. Animal ou divin, cela ne m’importait pas, je voulais juste savoir.
Alors, au lieu de continuer à sonder l’obscurité de l’autre côté de la clairière, je me relâchai. Je détendis mes muscles, laissai un sourire affleurer à mes lèvres et, lentement, esquissai un pas en avant, en direction de l’espace dégagé, nimbé de lumière. Je prenais un risque absurde, j’en étais consciente. Mais c’était probablement nécessaire. J’avais besoin de paraître vulnérable pour faire sortir mon adversaire, quel qu’il soit, de sa cachette.
Un bref mouvement, à la périphérie de mon champ de vision, attira mon attention. Une pointe d’acier, lustrée, brillante, capta un instant l’éclat de la lune. Je fis apparaître mon large bouclier rond, le dressai devant ma tête. La flèche se ficha dedans avec un bruit mat, si véloce qu’elle fendilla les planches du côté de la poignée, ébranlant mes muscles. Je grognai en encaissant le choc, écartai légèrement le bouclier. Mon assaillant venait d’apparaître de l’autre côté de la clairière. Une silhouette droite, encapuchonnée, armée d’un arc. Je me figeai, tétanisée par une douloureuse impression impression de déjà-vu. Le tireur de la Confrérie ? Celui qui avait essayé de me tuer au Manoir ?
Je n’eus pas le temps de m’attarder sur la question. Déjà, un seconde projectile fusait dans ma direction, si rapide et précis que j’eus tout juste le temps de remonter mon bouclier pour couvrir mon front. La pointe d’acier cogna contre la bordure métallique de mon écu viking, taillé à l’ancienne, la tige de bois se brisa sous le choc. Avant même que je n’abaisse ma protection, je sus qu’il était en train d’en encocher une troisième.
En toute hâte, je me dissimulai derrière une illusion, me déplaçai latéralement de quelques pas, et abaissai mon bouclier pour jauger mon adversaire. L’empennage bleu sombre de la première flèche, profondément fichée dedans ne m’échappa pas. Un Njörd. Je n’aimais pas les Njörd. En fait, je n’aimais aucune Maison autre que la mienne, et même ce dernier point était aujourd’hui discutable.
Le quatrième trait rasa ma cuisse de si près que, durant un instant, je doutai de mon invisibilité. Puis, au cinquième, tout aussi ajusté, l’évidence s’imposa, et mon pouls s’accéléra légèrement. S’il était capable de deviner ma présence, même dissimulée derrière une illusion, il percevait les fluides de mon corps. Ces Njörd là étaient rares, et particulièrement pénibles à affronter, j’en avais déjà fait l’expérience. Je grimaçai, fis apparaître mon épée, me recroquevillai pour réduire la surface de mon corps exposée. Ça ne servait à rien que je reste à distance, il sentait ma présence. Il valait mieux foncer au corps à corps.
Ma longue bâtarde fermement en main, je m’élançai au pas de charge en direction de mon adversaire. Percevant mon approche, il décocha une dernière flèche dans ma direction, qui se planta brutalement dans mon bouclier, puis fit disparaître son arme, et se concentra intensément. Soudain, je hoquetai, fis par réflexe disparaître mes armes, portai mes mains à ma gorge. Mon corps entier se raidit alors que j’essayais de recracher le liquide qui venait d’apparaître dans ma trachée, la panique m’envahit, les souvenirs se superposèrent devant mes yeux ouverts. Je voulus pousser un hurlement, qui ricocha dans mon larynx, fit vibrer l’ensemble de mon corps, sans parvenir à sortir.
Mon invisibilité tomba après seulement une poignée de secondes de suffocation muette et, à l’instant où il put me voir à nouveau, le Vane relâcha sa pression sur ma gorge. Je toussai, hoquetai, encore sous le choc, le fusillai du regard. Il m’adressa un sourire vicieux, hautement satisfait de lui-même.
— À la loyale ? m’interrogea-t-il.
Malgré la clarté lunaire, je ne parvenais pas à bien discerner le visage dissimulé sous la capuche, mais sa voix remua quelques lointains souvenirs. J’inspirai profondément, essayant de maîtriser mon souffle haché sans grand succès. Les Njörd, fils du dieu de la mer et des vents, étaient les pros du waterboarding et de la suffocation. Certains, suffisamment puissants et entraînés, étaient capables de créer des bulles d’air dans les veines de leurs ennemis, ce qui causait une mort presque instantanée lorsque c’était fait au bon endroit, et sinon une bonne vieille hémorragie interne par éclatement des vaisseaux.
Celui qui me faisait face faisait partie de cette catégorie. Mais il avait envie d’un affrontement à l’ancienne, apparemment. Et, vu la démonstration qu’il venait de me faire, je n’allais certainement pas protester.
— À la loyale, grinçai-je avec un sourire faux.
Il inclina la tête sur le côté, fit apparaître une hache et un bouclier. Je fronçai les sourcils en voyant la combinaison, traditionnelle quoiqu’inhabituelle en ces temps modernes, reculai de deux pas pour mettre une distance de sécurité, et me mis en garde.
Máni illuminait nos lames respectives : gris acier pour sa hache, noir poli pour mon épée. Mais ce n’était pas le fil aiguisé que je regardais, c’était le visage de mon adversaire. Je guettais ses mimiques, le scintillement de ses yeux, l’endroit où ils se posaient, les points vitaux qu’il visait. Tout ce qui pouvait m’indiquer quand et où il passerait à l’action.
Avantagée par la longueur de ma bâtarde mais désavantagée par la nécessité de porter un bouclier, je fis trois pas vers la droite, dessinant un début de demi-cercle autour de lui sans qu’il ne bouge autre chose que son torse pour me suivre. Puis, soudain, alors que l’instant s’éternisait, je plongeai. Il leva son bouclier, bloqua mon attaque, lança sa propre hache en direction de ma cuisse. Je parai, virevoltai, grinçai des dents en sentant ma lame glisser entre mes doigts, renforçai imperceptiblement les muscles de main droite. En principe, je n’étais pas censée user de magie dans un combat à la loyale, mais c’était la règle officielle. L’officieuse, c’était que tous les coups étaient permis tant que l’ennemi ne se rendait pas compte qu’on utilisait nos pouvoirs.
Nous échangeâmes une série de coups violents, qui n’aboutirent à rien d’autre que des fissures dans le bois de nos boucliers respectifs et des copeaux de bois qui volaient, puis reprîmes nos distances. Muette, je calculais. Il était bon, maîtrisait ses armes. Alors que moi, ça faisait longtemps que je n’avais pas combattu à l’ancienne, mes réflexes avec un bouclier étaient rouillés, et je manquais de vitesse et de force à la main droite pour le défaire aisément.
Mon adversaire ne me laissa pas le temps de réfléchir trop longtemps. Après avoir jaugé la distance, il s’élança, couvrit en trois pas la distance qui nous séparait. Nos boucliers cognèrent l’un contre l’autre, sa hache s’élança à la rencontre de mon visage. Soudain désavantagée par la longueur de ma lame, je ne parvins pas à le bloquer à temps, et le fil aiguisé déchira la chair de ma joue. Je grondai, poussai brutalement sur mon bras gauche. Il vacilla, et je lui donnai un vicieux coup de pied dans ses parties génitales mal protégées. Il hurla, se replia sur lui-même. Je reculai à nouveau, essuyai d’un revers de manche le sang qui coulait à flots de l’entaille. Ça brûlait, mais pas autant que les lames incandescentes des Thor.
Mais, bien plus inquiétant que cette première blessure, j’avais le souffle étrangement court. Mon cerveau réclamait de l’oxygène, comme si j’étais en train de m’asphyxier lentement, alors que je n’avais pas fait de grand effort. Il était possible que l’autre use de ses pouvoirs sur l’air ou l’eau contenus dans mon corps pour me ralentir, ce qui voulait dire que je perdrais en rapidité.
La décision s’imposa. Profitant de la distance que j’avais instaurée entre nous et du temps qu’il mettait à récupérer de mon coup de genou, je balançai mon bouclier au loin. L’herbe humide se froissa lorsqu’il roula dedans, des gouttelettes giclèrent dans tous les sens. Je pris une profonde inspiration, fis face au regard soudain narquois du Njörd. J’avais bien plus besoin de ma vélocité que de ma défense.
Lorsque j’eus les deux mains fermement serrées sur de la bande de cuir qui enroulait la poignée de mon épée, les réminiscences de mes nombreux entraînements avec Ekrest déferlèrent. Instinctivement, je relevai ma garde, me campai plus fermement sur mes deux pieds, sereine. Soudain, ma respiration inhabituellement rapide n’importait presque plus. Un sourire vicieux étira mes lèvres, j’abandonnai tout calcul, me fiai entièrement à mon instinct. Ma lame chanta en fusant vers mon adversaire. Il para. J’enchaînai. Un coup, deux coups, trois coups. Botte, feinte, parade. Il s’avança, hache en avant. Je la déviai d’un coup sec, assénai un high-kick dans son bouclier. Il chancela, j’en profitai pour me glisser dans son dos.
Rapide, efficace, je le harcelai d’assauts. Aucun ne portait, mais ça ne m’importait pas. Je dansais autour de lui, vive et agile, telle un serpent. Mon souffle était court, mais régulier. Je ne me mettais pas en danger, je ne me fatiguais pas. La distance entre nous était l’assurance de ma sécurité. Il ne pouvait pas m’atteindre, et je voyais que les violents coups que je lui assénais ébranlaient ses bras.
J’arrêtai de combattre pour vaincre. Je me fondis dans le rythme de mon corps, dans les souvenirs d’enchaînements mille fois répétés et d’heures que j’avais cessé de compter. Mes attaques fusaient, vives, brutales, de plus en plus rapprochées. La pointe de ma lame ripait contre la bordure métallique, arrachait des débris de bois coloré de bleu au bouclier. Malgré la terre humide, j’étais stable même quand je voltigeais. Je voulais le pousser à l’erreur. L’obliger à m’ouvrir sa défense de lui-même.
Je levai haut les bras. Le tranchant acéré étincela d’un éclat argenté. Le Njörd leva son bouclier pour parer, mais à la dernière seconde, j’avançai d’un pas, abaissai mes mains. Ma lame siffla en changeant de direction, déchira la cuisse de mon ennemi. Il gronda, se pencha en avant, lança sa hache vers mon visage. Je glissai le long du fil comme un courant d’air, légère sur mes appuis, en équilibre précaire dans l’herbe mouillée. Puis je retournai mon épée, lui assénai le pommeau dans le sternum. Ses côtes craquèrent, il hoqueta. Je lâchai ma lame, collai mon poing dans son visage. La capuche bascula en arrière, un rayon de lune tomba sur son visage.
Alors seulement, je percutai. Sa voix, ses yeux, mes fragments de souvenirs, tout ça se remit en place, et je me rappelai son nom. D’un dernier mouvement souple, vif et adroit, je me fendis en avant, m’effaçai de la trajectoire de sa hache qui s’élançait à la rencontre de mon front, lui frappai le front du plat d’une dague apparue entre mes mains. Fort, mais pas assez pour l’assommer. Il vacilla, soudain instable sur ses jambes, et j’en profitai pour le culbuter prestement, l’envoyer au tapis, face contre terre. Avant qu’il n’ait le temps de se redresser, je me plaçai sur le côté, écrasai d’un pied sa main droite, et piquai la pointe de la dague entre ses omoplates afin de le clouer au sol. Le nez dans l’herbe humide, incapable de se relever, il poussa un grondement de rage et de douleur. Haletante, vidée de toutes mes forces, je ne pus m’empêcher de sourire.
— Salut Max.
— Salut Lilith.

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vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus – Partie 2

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………
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louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par louji »

Ah oui, 3 chapitres de retard. C'est cringe un peu louji :vvvv
Du coup, je vais juste commenter comme ça et pas direct dans le chapitre :c


Chapitre 12 :
Ah oui, la madre de Lily elle était d'ascendance divine aussi... me rappelle plus quelle déesse (je crois que c'était une déesse)... mémoire de poisson rouge...
Aaaah j'aime beaucoup l'introspection avec "l'autre". Toutes les ambivalences des Loki qui se reflètent en elle.
OK, la description faite d'Yggdrasil est parfaitement flippante :lol: Mais j'aime beaucoup l'ombre que ça fait planer sur l'atmosphère 8-)
Ah ouais, c'est des cils géants qui nous protègent des... géants. Noice.
AH NON PAS UN ECUREUIL. ILS SONT MAUDITS LES ECUREUILS DANS LA MYTHOLOGIE NORDIQUE. C'est un descendant de l'écureuil taré qui parcoure Yggdrasil ? Ratatok un truc comme ça ? :lol: (bon je suis allée vérifier, Ratatosk. J'y étais presque). Ah non, pas un descendant. Ratatosk lui-même dans toute sa splendeur :evil: :evil:
Ah, donc Thor va carrément rejoindre la partie ? Chiotte.
omg Selvie et Adam ? Je suppose qu'on a vu plus bizarre.
" elfes des forêts, végans et drogués à toute heure du jour et de la nuit" :arrow: AH.
Bon, OK, j'aimais bien Selvie mais c'est vrai qu'on en savait pas beaucoup sur elle, qu'il y avait encore une sorte de barrière. Elle vient clairement de se lever :(
BTW, puisque les Loki sont métamorphes, quand ils se transforment en un animal, ils ne peuvent donc pas communiquer sous cette forme ?
NAN MAIS CA VA LES BORDELS MYTHOLOGIQUES ? UN GEANT EN AIGLE ? ON EST OU LA ? chez Lokinette, pour les tickets de réclamation, c'est à droite
Oh, Oké, d'abord tu te transformes en je-sais-pas-quoi et tu aides Lily stp ok ?
Euh cé koi cette fin ? Je veux un énième ticket de réclamation svp


Chapitre 13 :
Piaf VS Piaf, qui gagnera (oui j'essaie de faire baisser la tension dramatique oké)
"Hræsvelgr" :arrow: j'ai pas tilté sur le coup mais comment on PRONONCE CETTE SALOPERIE. att j'essaie : hraaé-z-vel-grrrr :lol:
Alors madame Lily pourquoi n'avez-vous plus de fil de vie ? :lol: Et pourquoi ça a pas l'air de la déranger ?
MADAME LOKINETTE. C'ETAIT TROP BIEN LE PASSAGE CHEZ LES NORNES. GENRE. JE SUIS OUTREE.
Et très curieuse, mais on verra plus tard comme tu l'as dit :twisted:


Chapitre 15 :
La description de la clairière est trop belle :(
" je pouvais prendre le temps de me ressourcer, de penser à moi." :arrow: ceci est un message pour Mme Lokinette
EMMA ? Bon, apparemment, non.
"des pros du waterboarding et de la suffocation." :arrow: de très bons amis de Lily en définitive
Euh, bonjour, Max.
J'imagine qu'on aura l'histoire de leur rencontre au prochain chapitre. Je sens encore venir des conflits, des embrouilles ou des alliances bizarres :lol:
J'ai beaucoup aimé le combat qui conclut le chapitre, c'était fluide et prenant ! Pas de temps morts dans tes chapitres comme le fait remarquer Sasa. Et s'il y a des passages plus calmes, c'est pas inintéressant !

Puis clairement sur les 3 derniers chapitres, les apports en mythologie nordique mama *-* C'était bien expliqué, suffisamment riche pour qu'on en apprenne vraiment et pas trop lourd ou "classique" pour nous endormir. Encore une fois, tu t'appropries très bien cette mythologie !

Bien évidemment, j'ai hâte de lire la suite à présent et j'espère que l'écriture se passe toujours bien de ton côté !
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : mer. 14 juil., 2021 8:08 pm Ah oui, 3 chapitres de retard. C'est cringe un peu louji :vvvv
Du coup, je vais juste commenter comme ça et pas direct dans le chapitre :c


Chapitre 12 :
Ah oui, la madre de Lily elle était d'ascendance divine aussi... me rappelle plus quelle déesse (je crois que c'était une déesse)... mémoire de poisson rouge...
Aaaah j'aime beaucoup l'introspection avec "l'autre". Toutes les ambivalences des Loki qui se reflètent en elle.
OK, la description faite d'Yggdrasil est parfaitement flippante :lol: Mais j'aime beaucoup l'ombre que ça fait planer sur l'atmosphère 8-)
Ah ouais, c'est des cils géants qui nous protègent des... géants. Noice.
AH NON PAS UN ECUREUIL. ILS SONT MAUDITS LES ECUREUILS DANS LA MYTHOLOGIE NORDIQUE. C'est un descendant de l'écureuil taré qui parcoure Yggdrasil ? Ratatok un truc comme ça ? :lol: (bon je suis allée vérifier, Ratatosk. J'y étais presque). Ah non, pas un descendant. Ratatosk lui-même dans toute sa splendeur :evil: :evil:
Ah, donc Thor va carrément rejoindre la partie ? Chiotte.
omg Selvie et Adam ? Je suppose qu'on a vu plus bizarre.
" elfes des forêts, végans et drogués à toute heure du jour et de la nuit" :arrow: AH.
Bon, OK, j'aimais bien Selvie mais c'est vrai qu'on en savait pas beaucoup sur elle, qu'il y avait encore une sorte de barrière. Elle vient clairement de se lever :(
BTW, puisque les Loki sont métamorphes, quand ils se transforment en un animal, ils ne peuvent donc pas communiquer sous cette forme ?
NAN MAIS CA VA LES BORDELS MYTHOLOGIQUES ? UN GEANT EN AIGLE ? ON EST OU LA ? chez Lokinette, pour les tickets de réclamation, c'est à droite
Oh, Oké, d'abord tu te transformes en je-sais-pas-quoi et tu aides Lily stp ok ?
Euh cé koi cette fin ? Je veux un énième ticket de réclamation svp


Chapitre 13 :
Piaf VS Piaf, qui gagnera (oui j'essaie de faire baisser la tension dramatique oké)
"Hræsvelgr" :arrow: j'ai pas tilté sur le coup mais comment on PRONONCE CETTE SALOPERIE. att j'essaie : hraaé-z-vel-grrrr :lol:
Alors madame Lily pourquoi n'avez-vous plus de fil de vie ? :lol: Et pourquoi ça a pas l'air de la déranger ?
MADAME LOKINETTE. C'ETAIT TROP BIEN LE PASSAGE CHEZ LES NORNES. GENRE. JE SUIS OUTREE.
Et très curieuse, mais on verra plus tard comme tu l'as dit :twisted:


Chapitre 15 :
La description de la clairière est trop belle :(
" je pouvais prendre le temps de me ressourcer, de penser à moi." :arrow: ceci est un message pour Mme Lokinette
EMMA ? Bon, apparemment, non.
"des pros du waterboarding et de la suffocation." :arrow: de très bons amis de Lily en définitive
Euh, bonjour, Max.
J'imagine qu'on aura l'histoire de leur rencontre au prochain chapitre. Je sens encore venir des conflits, des embrouilles ou des alliances bizarres :lol:
J'ai beaucoup aimé le combat qui conclut le chapitre, c'était fluide et prenant ! Pas de temps morts dans tes chapitres comme le fait remarquer Sasa. Et s'il y a des passages plus calmes, c'est pas inintéressant !

Puis clairement sur les 3 derniers chapitres, les apports en mythologie nordique mama *-* C'était bien expliqué, suffisamment riche pour qu'on en apprenne vraiment et pas trop lourd ou "classique" pour nous endormir. Encore une fois, tu t'appropries très bien cette mythologie !

Bien évidemment, j'ai hâte de lire la suite à présent et j'espère que l'écriture se passe toujours bien de ton côté !
On ne parlera pas de mon retard sur SUI, hein. Bonjour sinon, no stress tout va bien x)

Chap 12
La mama de Lily est une fille de Freyja, c'est rapidement mentionné, mais ça n'a pas trop d'importance pour le moment. ^^
J'aime beaucoup cette dualité des enfants de Loki, capables du pire comme du meilleur. Chez Lily, ça se voit d'autant plus qu'elle est vraiment à la frontière, qu'elle arrive pour le moment à contrebalancer les horreurs, mais qu'elle n'est toujours qu'à ça de basculer de l'autre côté.
Eh, on m'a dit un arbre géant qui domine les mondes. Moi j'ai fait géant. (Et la vache, si on se rappelle que juste le ciel est construit avec le crâne du géant Ymir… quelle taille faisait donc Ymir !?)
LES ÉCUREUILS :lol: :lol: Nan mais autant sur terre, on a des démons qui se sont manifestés sous la forme de chats, autant dans les Neuf Mondes… ils ont choisi les écureuils.
Wé, il risque de pointer le bout de son nez à un moment ou à un autre.
J'ai pas de nom de couple cute pour Selvie et Adam… ça fait pas cute entre eux, je suis désolée :lol: Mais ouais, Selvie/Adam.
Non, ils ne peuvent pas communiquer. Enfin, ils peuvent émettre des signaux et "communiquer" comme le font les animaux en question, donc par exemple si c'est des fourmis ils sauront intuitivement émettre les phéromones. Mais non, ils ne peuvent plus discuter comme nous.
Et à gauche, c'est la file pour quoi ? :mrgreen:

Chap 13
Du coup c'est du PvP, si je comprends bien :D (Pardon pour cette blague…)
Ouais, ça ma l'air proche. Faudrait que je vérifie à l'occasion.
Hmm, pourquoi ? Personne ne sait x) Mais pour le moment, elle est plus en train de réfléchir à sauver sa peau qu'à se demander pourquoi elle n'a plus de fil. Et puis, comme ça n'a pas l'air d'avoir posé problème jusque là…
Mici !

Chap 14
Merci !
Je ne vois pas de quoi tu parles !
Non, pas Emma. Ça suffit à un moment donné avec elle. :lol:
Max, dis bonjour à Coline. "Bonjour Coline…"
Oui, on aura l'histoire au prochain chapitre. Mais pour le moment, il passe juste faire coucou… enfin, à sa manière… x)

Et encore, j'ai pas tapé dans le gros de la mythologie, on n'a encore vu personne de vraiment important à part Heimdall :lol: Mais merci, c'est gentil. J'essaie comme d'hab de creuser dans les parties un peu méconnues, mais pas non plus les mythes trop profondément enterrés dans l'histoire et le néant.

Merci beaucoup pour ton passage en tout cas !
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : ven. 16 juil., 2021 11:15 am On ne parlera pas de mon retard sur SUI, hein. Bonjour sinon, no stress tout va bien x)

Chap 12
La mama de Lily est une fille de Freyja, c'est rapidement mentionné, mais ça n'a pas trop d'importance pour le moment. ^^
J'aime beaucoup cette dualité des enfants de Loki, capables du pire comme du meilleur. Chez Lily, ça se voit d'autant plus qu'elle est vraiment à la frontière, qu'elle arrive pour le moment à contrebalancer les horreurs, mais qu'elle n'est toujours qu'à ça de basculer de l'autre côté.
Eh, on m'a dit un arbre géant qui domine les mondes. Moi j'ai fait géant. (Et la vache, si on se rappelle que juste le ciel est construit avec le crâne du géant Ymir… quelle taille faisait donc Ymir !?)
LES ÉCUREUILS :lol: :lol: Nan mais autant sur terre, on a des démons qui se sont manifestés sous la forme de chats, autant dans les Neuf Mondes… ils ont choisi les écureuils.
Wé, il risque de pointer le bout de son nez à un moment ou à un autre.
J'ai pas de nom de couple cute pour Selvie et Adam… ça fait pas cute entre eux, je suis désolée :lol: Mais ouais, Selvie/Adam.
Non, ils ne peuvent pas communiquer. Enfin, ils peuvent émettre des signaux et "communiquer" comme le font les animaux en question, donc par exemple si c'est des fourmis ils sauront intuitivement émettre les phéromones. Mais non, ils ne peuvent plus discuter comme nous.
Et à gauche, c'est la file pour quoi ? :mrgreen:

Chap 13
Du coup c'est du PvP, si je comprends bien :D (Pardon pour cette blague…)
Ouais, ça ma l'air proche. Faudrait que je vérifie à l'occasion.
Hmm, pourquoi ? Personne ne sait x) Mais pour le moment, elle est plus en train de réfléchir à sauver sa peau qu'à se demander pourquoi elle n'a plus de fil. Et puis, comme ça n'a pas l'air d'avoir posé problème jusque là…
Mici !

Chap 14
Merci !
Je ne vois pas de quoi tu parles !
Non, pas Emma. Ça suffit à un moment donné avec elle. :lol:
Max, dis bonjour à Coline. "Bonjour Coline…"
Oui, on aura l'histoire au prochain chapitre. Mais pour le moment, il passe juste faire coucou… enfin, à sa manière… x)

Et encore, j'ai pas tapé dans le gros de la mythologie, on n'a encore vu personne de vraiment important à part Heimdall :lol: Mais merci, c'est gentil. J'essaie comme d'hab de creuser dans les parties un peu méconnues, mais pas non plus les mythes trop profondément enterrés dans l'histoire et le néant.

Merci beaucoup pour ton passage en tout cas !
Mdr t'inquiète !

Chap 12
Aaaah fille de Freyja, merci !
Tu t'es clairement pas facilité la tâche mais on est habitués avec toi :lol: Damn, maintenant j'ai peur que Lily ait une phase "Loki hardcore compas moral à 0" au cours du Cycle... :?
Nan mais donnons pas de nom à ce couple, ça le mérite pas :x
Je vois !
La file pour Dynasties :)

Chap 13
omg. j'adore cette blague.
Bon, t'as prévenu que ça aurait de l'importance bien plus tard, je vais prendre mon mal en patience :evil:

Chap 14
J'suis traumatisée par Emma :lol: (pas autant qu'avec cette putchoin de Kaiser mais bon)
Ca va, Max... ?

... c'est pas faux... :lol: je suis pas rassurée... :lol:

A bientôt !
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : sam. 17 juil., 2021 9:13 pm Mdr t'inquiète !

Chap 12
Aaaah fille de Freyja, merci !
Tu t'es clairement pas facilité la tâche mais on est habitués avec toi :lol: Damn, maintenant j'ai peur que Lily ait une phase "Loki hardcore compas moral à 0" au cours du Cycle... :?
Nan mais donnons pas de nom à ce couple, ça le mérite pas :x
Je vois !
La file pour Dynasties :)

Chap 13
omg. j'adore cette blague.
Bon, t'as prévenu que ça aurait de l'importance bien plus tard, je vais prendre mon mal en patience :evil:

Chap 14
J'suis traumatisée par Emma :lol: (pas autant qu'avec cette putchoin de Kaiser mais bon)
Ca va, Max... ?

... c'est pas faux... :lol: je suis pas rassurée... :lol:

A bientôt !

Chap 12
Alors non, elle ne va jamais totalement basculer dans la Loki hardcore, mais il n'est pas exclu qu'elle devienne à un moment donné un peu plus sauvage et indépendante qu'elle ne l'était jusque là.
Nan, ils ne le méritent pas x)
Ah j'avais oublié la file de Dynasties, désolée :lol:

Chap 14
Je vois ça :lol: Pourtant, elle n'a pas été démoniaquement vache non plus… (Enfin si, elle a tué 'Ness. C'est vrai. Bon, je vais reconsidérer cette phrase.)
"À part que je viens de me faire poutrer la gueule, tranquille…"

Bah on a déjà annoncé l'arrivée prochaine de Thor dans le bordel, donc bon x)
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

CHAPITRE 15


— Je peux reculer sans que tu n’essaies encore de me tuer ? interrogeai-je d’un ton empli de morgue.
Max poussa un long soupir, mais finit par grommeler, grincheux :
— Ouais…
Pas convaincue, je demeurai là où j’étais, guettant sa main droite toujours refermée autour du manche de sa hache. Lorsqu’il comprit enfin, il marmotta quelques jurons à demi inaudibles dans sa barbe, et finit par faire disparaître l’arme. Alors seulement, je libérai sa main gauche et me postai dans la clairière, à un bon mètre et demi de distance pour ne pas me faire avoir par une éventuelle dague, fléchette, lame, ou autre objet tranchant qu’il pourrait me planter dans le cœur sans même avoir à tendre le bras. Mais il n’en fit rien. D’ailleurs, à bien y réfléchir, les armes blanches n’étaient pas exactement ma plus grande préoccupation, avec Max. C’étaient plutôt ses pouvoirs, en fait.
— Tu t’es améliorée, lâcha-t-il, faussement désinvolte.
— Tu as vieilli.
Ma réplique lui tira une moue irritée, qui ne s’attarda pas sur son visage bien longtemps, notamment parce qu’il savait que c’était faux. Du moins, physiquement parlant. Comme les trois quarts des demi-divins, il n’avait pas pris une ride malgré ses quelques deux cent trente années d’existence, probablement grâce aux pommes d’Idunn qu’il consommait assez régulièrement. En revanche, au niveau de ses capacités de combattant… soit il s’était laissé aller, soit je m’étais réellement améliorée. Réaliste, je penchais plutôt pour la seconde option, mais le taquiner un peu ne me ferait pas de mal.
Je le jaugeai de la tête aux pieds avec attention. Plutôt petit et trapu, extrêmement bien bâti, une peau pâle et une barbe sombre soigneusement taillée, il était probablement le fantasme même de toutes les jeunes adultes aux hormones encore déréglées. Avec son regard bleu cobalt aigu, qui semblait lire au fond de mon âme et deviner la moindre de mes faiblesses en un rien de temps, je me sentais mise à nu, vulnérable, telle un chiot en face d’un loup. Bon, j’avais vaincu le loup en combat loyal, mais rien n’excluait qu’il ne me cause pas un infarctus juste en s’amusant à faire apparaître une bulle d’air dans mes coronaires d’ici trois minutes.
— Une fois que tu auras fini de me mater, tu m’expliqueras pourquoi ta tête vaut actuellement cinq cents millions de pièces d’or sur le marché noir ? releva-t-il, caustique, sans pour autant chercher à se soustraire à mon regard observateur.
Je lui retournai un sourire grinçant, impressionnée par les moyens que Kaiser mettait en œuvre pour me faire disparaître. Si elle était vraiment si déterminée, j’avais vraiment du souci à me faire. Même les moins cupides – et donc généralement les plus puissants – seraient attirés par ce genre de pactole, et mon avance confortable ne les freinerait pas bien longtemps. Il suffisait de voir la rapidité avec laquelle Hræsvelgr nous avait trouvés.
— Tu es là pour ma tête ? demandai-je.
Il haussa les épaules, l’air blasé par tant de bêtise humaine.
— Je me suis dit qu’on pouvait faire du tout en un… se revoir rapidement, causer un peu, peut-être s’amuser comme au bon vieux temps, puis je me barrerais avec ton joli minois dans une glacière et un demi-milliard en poche à mon retour à Midgard.
Je secouai la tête de gauche à droite, sincèrement amusée. Max, c’était exactement le genre de type que je ne fréquentais qu’une fois de temps en temps pour assurer ma santé mentale et physique. Il était réellement capable de m’embrasser et de m’affirmer le plus sérieusement du monde que j’étais l’unique femme de sa vie, avant d’essayer de me décapiter. C’était déjà arrivé, en fait, à notre première rencontre, six ans plus tôt. Bon, le baiser avait surtout été là pour épater la galerie et faire le show dans une assemblée humaine particulièrement ennuyeuse, mais il y avait mis tant de force et de conviction que, durant un instant, j’aurais presque pu y croire. Presque.
Ensuite, j’avais essayé de lui voler un paquet de documents confidentiels, il m’avait prise sur le fait, et ça avait failli mal se finir.
Pour ma défense, j’avais été chargée de les lui voler à l’issue de notre mission conjointe, et éventuellement de l’éliminer au passage si la chance se présentait. Dans les faits, on – Adam, pour être exacte – avait « oublié » de me préciser que j’allais affronter un Njörd d’élite, parmi les cinq plus puissants de sa famille. J’avais eu de la chance de ne pas mourir d’asphyxie, une bulle d’eau dans la trachée, comme il me l’avait fait tout à l’heure.
— Mouais. Tu m’avais repérée depuis longtemps ?
Si lui l’avait fait, il y avait des chances que d’autres aussi. Max ne bossait que rarement en équipe, donc je n’avais pas trop de craintes de ce côté là, mais les autres… si j’avais un contingent d’Odin qui me tombaient dessus au beau milieu de nulle part, j’avais de fortes chances d’y passer.
— Pas vraiment. Un Frigg m’avait gentiment réservé l’exclusivité de la vision qu’il avait eue… mais du coup, je me demande comment je vais faire pour le payer sans massacrer mon compte en banque.
Un long soupir théâtral lui échappa ; je haussai les épaules.
— C’est ton problème, lâchai-je sans émotions. J’ai gagné, aujourd’hui.
Il m’adressa un sourire carnassier.
— Ça compense tout juste la dernière fois.
Je serrai les dents, dus forcer sur ma gorge pour garder une voix égale alors que l’envie de l’étriper me prenait soudainement.
— Si je devais compenser toutes tes conneries, j’en aurais pour l’éternité et plus, grinçai-je, sarcastique.
Max haussa son sourcil droit, fendu au milieu par une vieille cicatrice qu’il semblait avoir décidé de garder malgré les soins des filles d’Eir.
— Pas faux, admit-il avec un rictus. Du coup, je peux prendre ta tête en compensation ?
— Va te faire foutre.
— Seulement par toi.
Je levai les yeux au ciel, exaspérée, mais ne pus m’empêcher de pouffer.
— Et Thalia alors ? narguai-je.
Il ricana. Thalia était une fille de Freyr, particulièrement puissante et vicieuse, elle aussi. Max, elle et moi avions exécuté l’année dernière une longue et éreintante mission collaborative qui nous avait menés aux quatre coins du globe, à la poursuite d’un abruti de fils d’Odin qui dérangeait nos trois Maisons. Il avait cette sale manie de camper à l’entrée des bases secondaires et de massacrer quiconque en sortait avant de se volatiliser ; et vu sa maîtrise hors-normes de la nécromancie – un don peu connu des enfants du Alfadr – même à trois, nous avions tout juste réussi à le vaincre. À la suite de cette aventure, j’avais gardé un contact distant, quoique vaguement amical, avec Thalia, et au cours d’une soirée particulièrement arrosée, elle m’avait avoué avoir passé quelques nuits avec Max.
— Elle y survivra, éluda-t-il avec un sourire.
— Vous êtes toujours ensemble ? relevai-je, ébahie.
— Ça ne te regarde pas.
L’expression fermée de Max ne parvenait pas à dissimuler l’amusement dans ses yeux. Impressionnée, je sifflotai sans faire de commentaire. Les amitiés entre Maisons alliées, comme les Freyr et les Njörd, n’étaient pas rares, mais les relations qui perduraient plus de quelques mois l’étaient un peu plus. Pour ma part, j’étais déjà fière d’avoir quelques rares contacts relativement cordiaux avec des demi-divins extérieurs à la Confrérie. Thalia faisait partie de ceux-là. C’était un fort caractère, et nous nous étions disputées – affrontées, plutôt – une ou deux fois au cours de la mission, mais le professionnalisme avait fini par reprendre le dessus, et depuis, ça allait plutôt bien entre nous.
— Bon, et toi alors ? reprit-il après un silence éloquent. On a d’abord entendu dire que tu étais morte, puis ta tête est apparue dans les cibles prioritaires, avec un sacré pactole en guise de récompense, donc je suppose que tu as d’abord simulé ta mort, avant de disparaître et de t’allier à… des Thor ?
Il avait lancé ça d’un ton faussement interrogateur, mais je savais discerner les nuances de son ton, et il était sûr de son information. Pour le pousser à en dévoiler davantage, je demandai, l’air sceptique :
— Je te demande pardon ?
— Lilith l’honorable, Lilith la loyale… traîtresse, et en plus alliée aux Thor ! rétorqua-t-il sans plus feindre son incertitude. Thalia ne voulait pas y croire, mais vu leurs récentes victoires contre la Confrérie, ils avaient forcément une taupe. Mais réaliser que c’était toi et que…
— Ta gueule.
Ma voix claqua, sèche, tranchante, et Max se tut instantanément. Je fermai les yeux, une soudaine rage bouillonnant dans mes veines, regrettant d’avoir cherché à en savoir plus sur ce qui se disait à mon sujet. J’avais trahi la Confrérie, c’était un fait, mais ça ne permettait à personne d’interpréter ainsi mes actions. Ce n’était pas simplement de la déloyauté gratuite, pas après ce que j’avais enduré.
— Tu vois Ekrest ? demandai-je, les paupières toujours abaissées, soufflant longuement pour contrôler ma respiration.
— Le psycho en tête de votre classement depuis une dizaine d’années, mort depuis quelques mois ? Ouais, je vois.
J’ouvris brutalement les yeux, les vrillai dans le regard bleu cobalt de Max qui, face à ma soudaine agressivité, recula d’un pas.
— Il est vivant. Tout comme moi et une demi-douzaine d’autres anciens Élites, qui étaient tous prisonniers. Je les ai retrouvés en taule après que Kaiser m’ait organisé un petit guet-apens avec la collaboration des Thor. Sauf qu’ils ne m’ont pas tuée, mais m’ont d’abord torturée pour mes infos.
Stupéfait, le fils de Njörd cilla, ouvrit la bouche, sans parvenir à formuler un mot. Pourquoi je lui racontais ça, je ne le savais pas vraiment, mais ça faisait du bien. La colère vibrante qui m’avait agitée s’apaisait un peu à chaque mot qui sortait. J’avais besoin de rétablir la vérité.
— Alors ouais, j’ai collaboré avec les Thor au détriment de la Confrérie, mais c’était uniquement pour me sortir d’un trou à rats dans lequel ma commandante m’a foutue pour une raison encore inconnue.
Je pris une profonde inspiration, la relâchai lentement par le nez, soulagée d’avoir enfin pu affirmer haut et fort cette douloureuse vérité. Que je m’en veuille toujours n’empêchait pas que j’avais commencé à accepter les faits. Rien – ou du moins rien de ce que je sache – ne pouvait justifier les actions de ma commandante. J’étais une traîtresse, mais à bien des égards, elle n’avait rien à m’envier.
— C’est une blague ? finit par marmonner Max.
Un rictus mauvais tordit mes lèvres, je me concentrai pour métamorphoser mon avant-bras gauche tendu en avant. La clarté lunaire illumina une entrelacs de profondes cicatrices blafardes, morbides, dont la vue arracha à Max, pourtant combattant émérite, un frisson de dégoût.
— Je te laisse imaginer le reste de mon corps, grinçai-je.
Sous le choc de ma révélation, il recula encore, luttant pour se reprendre.
— Je… Ok. Ouais. Considère que je n’ai rien dit. Tu veux…
— Garde ta pitié, lâchai-je sans une once de considération pour la sollicitude dont il essayait de faire preuve. Maintenant, je bosse en solo. Tu as dressé un camp, je suppose ?
Il demeura un instant muet, puis acquiesça et m’indiqua la direction d’un geste. J’appréciai qu’il se maîtrise ainsi. Je ne lui avais pas dit la vérité pour le voir s’apitoyer sur mon sort, simplement pour qu’il soit au courant. Mais, plus important encore, j’admirai qu’il n’ait pas soulevé la question de mon honnêteté, qu’il se soit fié simplement à ma parole, à ma version du récit. Ce genre de confiance était rare, surtout entre deux Maisons adverses. De la part de Thalia, qui savait que je ne mentais que lorsque c’était nécessaire, ça m’aurait moins étonnée, mais de la part de Max, en général un peu plus sceptique, c’était presque touchant.
Je me détournai pour aller récupérer mon bouclier, puis le fis disparaître en même temps que mon épée. Ensuite, j’essuyai une dernière fois le sang qui coulait toujours de ma joue, consultai la boussole cousue dans ma manche, et me mis tranquillement en marche en direction du camp de Max. Dans le silence nocturne qui s’était réinstallé, le petit sprint boitillant que le Njörd piqua pour se mettre à ma hauteur résonna comme une série de coups de tambour à peine étouffés. Je lui adressai un sourire qu’il me rendit difficilement, encore hésitant.
— Mais… Du coup, comment tu as fait pour fuir les Thor ? J’ai entendu dire qu’il y avait eu un sacré remue-ménage dans leur Q.G. il y a quelques semaines, mais… C’était toi ?
Je hochai la tête, mais ne m’attardai pas sur les détails.
— J’ai eu de la chance. Mais toi, alors ? Il paraît que tu as aussi causé un sacré merdier, non ?
Un rire nerveux lui échappa, il leva les mains vers le ciel en une vaine tentative d’essayer de se disculper.
— J’ai surtout failli y laisser ma tête ! s’exclama-t-il, indigné.
— À juste titre, marmottai-je en lui coulant un regard en biais, qu’il me rendit sans honte.
— Qu’on se mette bien d’accord, les Shell sont des abrutis.
Je ricanai, impressionnée de voir qu’il avait décidé de mettre les pieds dans le plat avec moi. Au moins, ici, en plein milieu d’une dense forêt au beau milieu de nulle part, il était certain de ne pas se faire espionner par l’un des siens, qui se dépêcherait d’aller rapporter ses discours « outranciers » et « déloyaux » – c’étaient les mots que j’avais entendus à la retransmission de son jugement – à la famille souveraine de la Maison de Njörd.
— Ils foutent rien de la journée, notre économie est en train de se casser la gueule, et la seule chose à laquelle ils pensent, ce sont leurs fantastiques soirées !
Vu le dédain dans le dernier terme qu’il avait employé, il avait dû participer à quelques unes de ces fameuses soirées de gré ou de force, et il ne les avait pas aimés. Pour ma part, je me contentai d’un sourire, alors qu’il continuait à m’énumérer, en une longue et ennuyeuse litanie, les travers de la famille Shell, l’équivalent diplomatique des Kaiser chez nous et des Hamershot chez les Thor. À ceci près qu’ils étaient magiquement bien moins puissants que leurs ennemis de même rang. Ce qui signifiait que, lors des rencontres diplomatiques, là où Björn Hamershot et Synnöve Kaiser, sûrs de leur puissance, venaient avec une escorte réduite – quand Kaiser daignait sortir son nez de la grotte qui lui servait de bureau – Magnus Shell, aussi prétentieux que son nom l’indiquait, se pointait en grande pompe, avec un minimum syndical de cent hommes. Et ça faisait enrager tout le monde, y compris ses propres troupes.
Comment se maintenaient-ils au pouvoir encore aujourd’hui, après des millénaires de paresse et d’inactivité, je n’en avais aucune idée.
— Et c’est comme ça qu’ils m’ont eus, ces connards…! acheva Max, toujours outré par le souvenir même de sa presque décapitation en place publique.
— Pour leur défense, marmonnai-je même si je n’avais écouté son histoire que d’une oreille, tu as quand même essayé de les renverser avec l’appui d’un Odin…
— Et donc ? Si mes abrutis de frères n’étaient pas aussi traditionalistes, on aurait pu aboutir à un truc bien !
— Mmhm.
Max grommela, conscient que je ne partageais pas nécessairement son point de vue. Après quelques secondes d’intense réflexion, il finit par marmonner :
— Prenons un cas de figure simple. Actuellement, est-ce que tu envisages de laisser ta cheffe continuer à éliminer des gens qui n’ont rien fait sous n’importe quel prétexte ?
Totalement prise au dépourvu par sa question, je m’immobilisai en plein milieu d’un pas, l’esprit aussi vide que si le vent avait emporté toutes mes réflexions avec lui. Formulée aussi directement, l’interrogation ne laissait pas la place au doute ni aux discussions qui tournaient indéfiniment autour du pot. La réponse était un « non » clair et net, si ferme qu’il me laissa moi-même sonnée quelques instants.
— Absolument pas.
— Voilà, sourit Max, fier de lui-même. Maintenant, ose me dire que ce que j’ai fait était mal.
J’arquai un sourcil en l’entendant faire la distinction entre ce qui était bien et ce qui ne l’était pas, mais compris néanmoins le sens général de sa phrase. Et ma réponse muette à ce défi fut d’autant plus blessante qu’elle m’obligea à faire un clair parallèle entre celle que j’avais été avant de découvrir les manigances de Kaiser et celle que j’étais maintenant. Auparavant, la question du bien ou de mal ne se serait pas posée, parce que je n’avais qu’un seul mot d’ordre : la loyauté. L’obéissance à l’ordre établi, avec certes quelques écarts lorsque les choses se corsaient, mais rien qui ne mette en réel péril quiconque dans ma famille. M’associer avec un Ase ou un Vane pour causer du tort à l’un de mes ennemis internes ne m’aurait même pas effleurée.
Alors que, désormais, je savais que certaines de mes réflexions avaient été biaisées par mon aveuglement. Certes, ma famille était mon unique appui dans l’univers sauvage des Maisons, mais ce n’était pas pour autant qu’elle était parfaite et exempte de travers.
L’interrogation qui demeurait était simple : jusqu’où pouvait-on aller dans le but de faire quelque chose qu’on estimait juste ou bon ?
Pour ma part, j’avais trahi ma famille, mes valeurs, l’ensemble de mon éducation, juste pour sauver une personne. Enfin, techniquement parlant, j’en avais sauvé une dizaine, mais il n’y avait qu’Ekrest qui avait réellement importé tout le long. J’avais mis de côté tout ce que je croyais savoir, vouloir et pouvoir, pour ne me concentrer que sur une seule chose : atteindre mon objectif. Sortir Ekrest de la prison. J’avais vendu mon corps, mon âme, changé une partie de mon raisonnement et tué l’une des miens pour parvenir à mon but. Dans la check-list de la trahison, j’avais coché toutes les cases, et pourtant, aujourd’hui, j’étais presque convaincue que cela avait été nécessaire. Même si je ne voyais pas encore comment arracher la Confrérie au joug tyrannique de Kaiser, j’avais commencé à agir dans ce sens. Avec l’appui des Thor et d’enfants de Loki renégats.
Au bout du compte, j’avais fait exactement la même chose que Max. Et, si un jour on me capturait, j’étais certaine – contrairement à lui – d’y perdre ma tête. Si elle me mettait la main dessus, Kaiser s’assurerait que je rejoigne définitivement Helheim.
— Mmhm, marmonnai-je finalement.
Excédé, Max leva les yeux vers la voûte piquetée de diamants.
— Mais encore ? soupira-t-il.
— Qu’est-ce que tu veux que je dise ?
— Je sais pas, que tu trouves ça débile, que le système est bien fait et qu’il n’a aucune raison de changer… je sais pas, les classiques ?
Je lui flashai un sourire, essayant de préserver un semblant d’assurance.
— Je n’ai jamais dit que je n’étais pas d’accord avec toi.
Ce fut à son tour de s’immobiliser, sous le choc, et de me considérer avec des yeux de merlan frit.
— Attends, quoi ?
Je poussai un grognement, baissai la tête pour esquiver les premières branches basses des arbres qui bordaient la clairière, et pesai longuement mes mots avant de répondre, pensive :
— La morale que j’avais quand tu m’as connue, je l’ai toujours. Mais mes allégeances ont quelque peu… évolué.
— Pour aller vers qui ? demanda-t-il.
— Moi-même, avouai-je après quelques instants de réflexion. Comme je ne peux plus compter sur grand-monde…
Il acquiesça, l’air sombre, et l’espace d’une seconde, je me demandai à quel point les siens l’avaient rejeté après sa trahison pour qu’il en soit réduit au stade de mercenaire des Neuf Monde, qui poursuivait l’argent à défaut d’avoir trouvé la gloire et les honneurs.
— Je vois ce que tu veux dire.
En tournant la tête, je captai son regard qui s’attardait sur ma silhouette, faisait des allers-retours entre mon visage et le reste de mon corps. Il y avait une lueur familière dans ses yeux, une expression avide aisée à lire sur ses traits. Lorsqu’il remarqua que j’avais capté son manège, plutôt que de se détourner et de prétendre qu’il n’avait rien fait, il m’adressa un sourire carnassier.
— On baise ?
— Va chier.
Je ne pus m’empêcher de rire à son expression dépitée.
— Tu ne disais pas non aussi agressivement, avant… pesta-t-il.
Le visage de Kalyan vint flotter dans mon esprit, je haussai les épaules sans élaborer. Plus j’essaierais de m’expliquer et plus il en saurait. Or Max restait Max, donc un Njörd. Moins il en saurait, mieux ça vaudrait pour moi.
— Dans tes rêves, peut-être, mais dans la réalité je ne me souviens jamais avoir dit oui.
— Une partouze, alors ? tenta-t-il, se sentant sur la bonne voie.
Je roulai des yeux, lassée de ses bêtises, me contentai d’avancer. Mais, alors que je pensais que ça allait le calmer, ce fut l’exact contraire. Il avait compris qu’il y avait quelqu’un d’autre.
— C’est quelqu’un de la Confrérie ? Non, mieux, un humain ! Oh, ma pauvre, tu sais pas dans quoi tu t’eng… Attends, non. Vu ta tronche, c’est pas un humain…
— Ça pourrait être une humaine, souris-je.
— Ouais… mais te connaissant, non, rétorqua-t-il, assuré. Donc ça veut dire que c’est soit un Ase, soit un Vane… Un Vane ?
Je ne répondis pas. Il commença à m’énumérer les Maisons vanir une à une, et je gardai mon regard rivé au loin, me préparant déjà mentalement à la mention du nom de Thor. Quand il comprit qu’il était sur la mauvaise piste, Max bascula aux Æsir, et les nomma tous un à un sans parvenir à m’arracher ne serait-ce qu’un battement de cils mal placé. Ce fut été une véritable lutte pour garder mon expression neutre, légèrement blasée, mais j’y parvins. Je ne flanchai pas, malgré les souvenirs qui se déversaient dans ma mémoire et le frisson de mon cœur qui s’angoissa à la simple idée de reparler à Kalyan.
En vérité, je ne savais même pas pourquoi j’appréhendais de le revoir. Peut-être parce que, en partant, nous avions tous les deux avoué que nous aurions aimé que ça marche ? Moi qui, en dehors de Sam, avais toujours eu des histoires d’un soir uniquement, je ne parvenais pas à me détacher de l’impression de sécurité et de la certitude d’avoir été à ma place dans ses bras. Durant quelques jours, malgré ma situation plus qu’ambiguë, j’avais été totalement honnête avec lui. Je m’étais confiée à lui tout comme il s’était confié à moi, et nous avions partagé le poids de nos états d’âme.
J’avais cessé d’écouter Max, qui divaguait toujours de son côté sur le fait que je puisse m’attacher à quelqu’un durablement, sans même parler des problèmes politiques qui, selon lui, étaient inscrits dans mon sang. Il ne m’avait pas connue en dehors des missions, il ne savait pas qui j’étais réellement. Comme je ne l’avais croisé que dans le cadre professionnel, j’avais toujours instauré des barrières entre nous. Pas de conneries au boulot, lui avais-je dit un jour qu’il se montrait particulièrement entreprenant. Depuis, l’ambiance entre nous était demeurée au beau fixe, un mélange de taquineries et de provocations très crues. Au début un peu déroutée par son langage familier – Ekrest ayant grandi au seizième siècle, il avait gardé quelques habitudes linguistiques de l’époque, dont un langage plutôt soutenu – j’avais dû m’adapter très vite. J’avais toujours l’impression de forcer un peu sur mon langage, mais comme Max ne semblait y voir que du feu…
— Hé, tu m’écoutes quand je te parle ? s’exclama-t-il soudain en me secouant par l’épaule.
— Non, rétorquai-je du tac au tac, le plus sincèrement du monde. Pourquoi ?
— Je te demandais si tu voyages seule.
Il avait grommelé, l’air irrité, mais je savais pertinemment que c’était une façade. Je lui adressai un sourire faussement désolé, et répondis :
— En principe, avec ma fratrie, mais on a eu quelques soucis en cours de route…
Un hochement de tête. Je le considérai avec attention, me demandant où il voulait en venir avec cette question. Puis, mon attention fut détournée par la vue du campement sommaire auquel il venait de m’amener. Pas de feu, juste une tente hâtivement montée et un cheval attaché à la racine d’une épaisse souche d’arbre.
Mais pas n’importe quel cheval. D’un gris perle magnifique, il avait un corps musculeux, un regard franc et déterminé, et surtout huit jambes. Quatre à l’avant, quatre à l’arrière. C’était un descendant de Sleipnir.
C’était exactement ce que je cherchais pour voyager plus vite. Les chevaux de ce genre – mes lointains neveux, en théorie, puisque Sleipnir était mon demi-frère – avaient hérité de leur paternel équin l’improbable capacité de distordre l’espace-temps. Avec eux, un voyage de milliers de kilomètres se réduisait à quelques heures seulement. Et en plus, il était toujours harnaché.
— Max ?
Ton traînant de gamine délurée.
— Hmm ?
Un silence. Puis :
— Oh. Oh non. Pas touche.
— Je me permets, souris-je.
Il voulut dégainer, mais je l’attendais. À l’instant où il voulut manipuler mes fluides vitaux, je lui donnai un violent coup de pied dans sa cuisse toujours blessée. Il hurla de douleur, roula au sol. Je ricanai, me précipitai vers le cheval, qui n’esquissa même pas un mouvement de recul en me voyant approcher. D’habitude, ma nature de Loki incitait les animaux normaux à me fuir comme la peste, mais celui-ci devait me sentir que j’étais de la famille. Je me hissai en selle d’un bond, saisis les rênes, me tournai vers Max une dernière fois.
— On repart avec une ardoise blanche la prochaine fois ? Plus de dettes, plus de compensations.
Haletant, le visage tordu de douleur, il tendit la main vers moi, essayant de diriger sa magie. Mais, au vu du hurlement que ça lui tira, sa cuisse ouverte l’empêchait d’agir. Je ricanai, fis apparaître mon casque intégral de la Confrérie. J’avais dû trancher plus profondément que je ne l’aurais cru, ou déchirer quelque chose en frappant. Mais je ne tenais pas à ce qu’il essaie de me faire suffoquer de nouveau, aussi talonnai-je le cheval, et l’espace s’étira autour de moi, étouffant les cris de rage du Njörd.

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Dernière modification par vampiredelivres le mer. 11 août, 2021 9:12 pm, modifié 2 fois.
TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

Holà~

Yessssssssssssss, j'ai bien fait d'attendre un peu (*tousse* de procrastiner *tousse*) avant de lire le chap 14, j'aurais beaucoup trop eu envie de lire la suite :lol: Donc pas de suspense pendant trop longtemps par rapport à Max, c'était bien cool x)
(D'ailleurs, c'est "Chapitre 13" ou chapitre 15, le nouveau ?)

Et puis quels chapitres ! La clairière était magnifique, le combat Max-Lilith était prenant, et ils m'ont bien fait rigoler dans le chap 13/15. Les petites piques qu'ils se lancent omg, ils sont autant cash l'un que l'autre, c'est bien drôle :lol:
Puis rien à dire, le récit est vraiment très très bon, c'est fluide, les dialogues passent super bien, aucun moment de flottement... Bravo !

J'ai eu un moment de pseudo-panique pendant lequel je me suis demandée si on avait déjà vu Max quelque part (et donc que ma mémoire si fragile ne l'avait pas capté), mais ça n'a pas l'air d'être le cas, ouf !

J'ai bien hâte de lire la suite !

La bise~
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : mer. 21 juil., 2021 11:08 am Holà~

Yessssssssssssss, j'ai bien fait d'attendre un peu (*tousse* de procrastiner *tousse*) avant de lire le chap 14, j'aurais beaucoup trop eu envie de lire la suite :lol: Donc pas de suspense pendant trop longtemps par rapport à Max, c'était bien cool x)
(D'ailleurs, c'est "Chapitre 13" ou chapitre 15, le nouveau ?)

Et puis quels chapitres ! La clairière était magnifique, le combat Max-Lilith était prenant, et ils m'ont bien fait rigoler dans le chap 13/15. Les petites piques qu'ils se lancent omg, ils sont autant cash l'un que l'autre, c'est bien drôle :lol:
Puis rien à dire, le récit est vraiment très très bon, c'est fluide, les dialogues passent super bien, aucun moment de flottement... Bravo !

J'ai eu un moment de pseudo-panique pendant lequel je me suis demandée si on avait déjà vu Max quelque part (et donc que ma mémoire si fragile ne l'avait pas capté), mais ça n'a pas l'air d'être le cas, ouf !

J'ai bien hâte de lire la suite !

La bise~
Hellow !

*tousse tousse* Ah ça va, je suis toujours tellement à la bourre sur SUI de Co' qu'on ne va rien dire :roll: Mais ouais, Maxou avait des choses à raconter, donc patienter entre deux, ça n'aurait pas été fun.

Alors oui, c'est le chapitre 15, merci de me l'avoir fait remarquer !
Ils sont géniaux ensemble :lol: Lily avait aussi besoin d'un moment comme ça, où elle pouvait déconner tranquillement et se laisser aller, mais il n'y a pas grand-monde dans son entourage qui soit dans ce mood là. C'est pour ça que l'arrivée de Max était bienvenue !

Je crois que tout le monde l'a eu, ce moment de pseudo-panique, parce que Lily l'introduit comme quelqu'un qu'elle connaît quand même bien, donc ça fait douter :lol: Mais non, à part dans le casting où j'ai affiché sa tronche en disant "il arrivera un jour", on n'a pas encore parlé de lui ^^

À bientôt ! La bise ~
TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

vampiredelivres a écrit : jeu. 22 juil., 2021 1:24 pm Hellow !

*tousse tousse* Ah ça va, je suis toujours tellement à la bourre sur SUI de Co' qu'on ne va rien dire :roll: Mais ouais, Maxou avait des choses à raconter, donc patienter entre deux, ça n'aurait pas été fun.

Alors oui, c'est le chapitre 15, merci de me l'avoir fait remarquer !
Ils sont géniaux ensemble :lol: Lily avait aussi besoin d'un moment comme ça, où elle pouvait déconner tranquillement et se laisser aller, mais il n'y a pas grand-monde dans son entourage qui soit dans ce mood là. C'est pour ça que l'arrivée de Max était bienvenue !

Je crois que tout le monde l'a eu, ce moment de pseudo-panique, parce que Lily l'introduit comme quelqu'un qu'elle connaît quand même bien, donc ça fait douter :lol: Mais non, à part dans le casting où j'ai affiché sa tronche en disant "il arrivera un jour", on n'a pas encore parlé de lui ^^

À bientôt ! La bise ~

MDRRRR on en parle pas, on en parle pas, ça va aller ! Ouiiii (je crois que ce qui me reste le plus en tête c'est le "On baise ? / Va chier" )

Aaah okay, je me disais qu'il y avait dû y avoir un couac ! De rien ;)
Clairement, ça la détend (puis mettre quelques mandales, ça fait aussi du bien :lol: )

Ca me rassure ! Ooooh d'accord, je ne l'avais absolument pas enregistré :lol:

La bise~
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : lun. 19 juil., 2021 10:25 am

Chap 12
Alors non, elle ne va jamais totalement basculer dans la Loki hardcore, mais il n'est pas exclu qu'elle devienne à un moment donné un peu plus sauvage et indépendante qu'elle ne l'était jusque là.
Nan, ils ne le méritent pas x)
Ah j'avais oublié la file de Dynasties, désolée :lol:

Chap 14
Je vois ça :lol: Pourtant, elle n'a pas été démoniaquement vache non plus… (Enfin si, elle a tué 'Ness. C'est vrai. Bon, je vais reconsidérer cette phrase.)
"À part que je viens de me faire poutrer la gueule, tranquille…"

Bah on a déjà annoncé l'arrivée prochaine de Thor dans le bordel, donc bon x)
AH. BON. J'ai à la fois hâte de voir ça et pas du tout :lol:
Oui, la file de Dynastie oui :)

Allez, j'attaque la lecture du dernier chap :

"avait « oublié » de me préciser que j’allais affronter un Njörd d’élite, parmi les cinq plus puissants de sa famille" :arrow: Adam, le plus fidèle de tous, comme toujours

" Pourquoi je lui racontais ça, je ne le savais pas vraiment, mais ça faisait du bien" :arrow: Je me suis demandé aussi :lol: Mais bon, l'effet de catharsis doit être sympa

"— On baise ?" :arrow: je suis :lol: :lol: Max we love u

Bon, ça fait du bien un petit chapitre déconnant comme ça de temps en temps :lol: Max est drôle sans être léger pour autant, j'aime bien ! Et cette fin... la prochaine rencontre entre Lily et lui sera à peine épicée :lol:

Je ne sais pas si tu es en vacances à présent, mais, au cas où, bonnes vacances ! (si non, est-ce que tu vas en avoir avant la rentrée ou c'est mort ?)
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

louji a écrit : lun. 26 juil., 2021 9:30 pm AH. BON. J'ai à la fois hâte de voir ça et pas du tout :lol:
Oui, la file de Dynastie oui :)

Allez, j'attaque la lecture du dernier chap :

"avait « oublié » de me préciser que j’allais affronter un Njörd d’élite, parmi les cinq plus puissants de sa famille" :arrow: Adam, le plus fidèle de tous, comme toujours

" Pourquoi je lui racontais ça, je ne le savais pas vraiment, mais ça faisait du bien" :arrow: Je me suis demandé aussi :lol: Mais bon, l'effet de catharsis doit être sympa

"— On baise ?" :arrow: je suis :lol: :lol: Max we love u

Bon, ça fait du bien un petit chapitre déconnant comme ça de temps en temps :lol: Max est drôle sans être léger pour autant, j'aime bien ! Et cette fin... la prochaine rencontre entre Lily et lui sera à peine épicée :lol:

Je ne sais pas si tu es en vacances à présent, mais, au cas où, bonnes vacances ! (si non, est-ce que tu vas en avoir avant la rentrée ou c'est mort ?)

My bad, la file de Dynasties, je l'oublie souvent :mrgreen:

Last chap

Adam, toujours un amour… nan mais aussi il a du mal à exprimer son affection envers Lily autrement que par l'amour vache :lol:
Lily avait vachement besoin d'évacuer, mine de rien. Et le problème, c'est que comme elle a toujours essayé d'évoluer en étant impeccable aux yeux de tous ceux qu'elle fréquentait, quand elle se prend ce genre de préjugés dans la figure, ça fait mal. Donc ça lui a fait du bien je pense ^^
Maxou, tact et délicatesse avant tout ! :roll:

Oui, ce chapitre est clairement un peu plus chill, ça fait du bien ! La présence de Max aide beaucoup, comme tu dis, il permet à Lily de sortir un peu de son carcan et de se laisser aller. Après, ouais, il a pas spécialement apprécié la fin de la rencontre, donc à voir ce que ça va donner…

Je suis officiellement en vacances, mais je t'avoue que j'ai pas la tête à me poser en ce moment. Mais merci !
À plouche :)
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par louji »

vampiredelivres a écrit : ven. 30 juil., 2021 9:42 am

My bad, la file de Dynasties, je l'oublie souvent :mrgreen:

Last chap

Adam, toujours un amour… nan mais aussi il a du mal à exprimer son affection envers Lily autrement que par l'amour vache :lol:
Lily avait vachement besoin d'évacuer, mine de rien. Et le problème, c'est que comme elle a toujours essayé d'évoluer en étant impeccable aux yeux de tous ceux qu'elle fréquentait, quand elle se prend ce genre de préjugés dans la figure, ça fait mal. Donc ça lui a fait du bien je pense ^^
Maxou, tact et délicatesse avant tout ! :roll:

Oui, ce chapitre est clairement un peu plus chill, ça fait du bien ! La présence de Max aide beaucoup, comme tu dis, il permet à Lily de sortir un peu de son carcan et de se laisser aller. Après, ouais, il a pas spécialement apprécié la fin de la rencontre, donc à voir ce que ça va donner…

Je suis officiellement en vacances, mais je t'avoue que j'ai pas la tête à me poser en ce moment. Mais merci !
À plouche :)
Ah clairement ! Puis même auprès de ses proches-proches (Ekrest, Selvie, Kalyan) y'a toujours un peu la crainte de se montrer vulnérable, de pas avoir 100% confiance en eux (on pourrait pas la blâmer pour ça). Donc se vider en face de quelqu'un où elle se contrefout un peu de ce qui peut faire des infos, c'est pas plus mal.

On verra ce que ça donne, oui :lol: Pas de doute que ce sera sûrement un combo fight/répliques singlantes/onbaiz? très réussi :D

Ah merde ! Préparation de ton semestre à l'étranger ? Quoi qu'il en soit, courage... Et essaie de penser à toi quand même ^^
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

Heyo !
Je tiens à m'excuser par avance, parce que j'ai introduit le transmetteur comme la pire des shlags, et qu'il était censé être mentionné au chapitre 11 mais j'ai totalement zappé. Donc ça fait un peu "abracadabra, voilà une solution pour s'en sortir", et je suis désolée. Ce sera modifié à la correction. :oops:
D'ailleurs de manière générale, je m'excuse pour la fluidité de ce chapitre, il aura besoin d'un bon coup de brosse à la relecture.
J'espère que vous apprécierez quand même un peu ^^


CHAPITRE 16


En toute honnêteté, je ne savais pas comment les fils de Sleipnir parvenaient à courir aussi vite sans jamais se prendre ne serait-ce qu’un obstacle. Je ne pouvais que supposer que, même s’ils distordaient l’espace-temps, ils gardaient une sorte de vision adaptée à la vitesse à laquelle ils couraient… ce qui n’était clairement pas mon cas. Même si je tentais de rester droite sur ma selle, de garder mon regard loin devant, l’univers autour de moi s’était réduit à un flou de couleurs brouillées, gris, bleu et noir, rien de plus des taches de peinture sur ma rétine. Je n’arrivais pas à capter ne serait-ce qu’un élément de paysage, tout défilait bien trop vite. Le sifflement de l’air était l’unique son que je percevais au travers des épaisses parois de mon casque tactique.
De temps en temps, je jetais un bref coup d’œil à ma boussole pour vérifier que nous foncions bien dans la bonne direction – c’est à dire plein est. Mais en-dehors de ces brèves vérifications, je n’avais pas la moindre idée de l’endroit où je pouvais être. Le pire était que je ne savais même pas d’où j’étais partie. Urdarbrunn, la source des Nornes, n’était répertoriée sur aucune carte, aucun plan. Je ne savais même pas si quelqu’un avait un jour découvert son emplacement, ou s’il était mort avec cette information.
Après une longue réflexion, essayant en vain de calculer combien de distance j’avais pu couvrir à cette allure, je me décidai à tirer très doucement sur les rênes. Ma monture ralentit progressivement, repassa d’abord au trot, puis au pas, puis finit par s’immobiliser. Et même si je sentais qu’il l’avait fait aussi délicatement que possible, le changement d’allure faillit bien me projeter hors de ma selle. Je vacillai, me raccrochai d’extrême justesse au pommeau et à la crinière, sentis mon estomac remonter dans ma gorge, et me laissai glisser à terre, nauséeuse. Il me fallut bien cinq minutes, accroupie au ras du sol, les yeux fixés sur une touffe d’épais brins d’herbe, pour faire refluer la sensation que j’allais vomir.
Je n’étais décidément pas habituée aux voyages entre les mondes. Pourquoi l’univers nordique était-il si étendu, si bordélique ?
Une fois que mon estomac revint à sa place initiale et que je réussis à capter les détails de mon environnement sans avoir la tête qui tournait, je me redressai. Le cheval, apparemment habitué à ce genre de réaction de la part de ses cavaliers, me fixait depuis l’endroit où il s’était immobilisé. Ses oreilles pointues étaient franchement dressées sur son crâne, son regard marron clair intelligent me sondait en silence. Finalement, il s’avança de quelques pas, pressa son nez contre mon épaule, et je crus même discerner une pointe de malice dans son attitude. Je posai ma paume sur son encolure, sa peau chaude et douce palpitant contre la mienne.
Je n’avais jamais eu d’animal. Pas le temps, pas les moyens de m’en occuper, pas de réel intérêt pour moi. Mais je devais admettre que la sensation d’une présence à mes côtés était agréable. Je souris silencieusement, appuyai mon front contre le sien, puis me hissai en selle à nouveau. Nous n’avions cavalé que quelques minutes, et même si j’avais déjà mis suffisamment de distance entre Max et moi, je voulais en mettre davantage avant de prendre un peu de repos. Et puis, il fallait que je comprenne où j’étais. Si je continuais à l’aveuglette vers l’est sans jamais m’arrêter, je parviendrais au bord de la mer infinie, et ça ne m’avancerait pas à grand-chose.
Mais cette fois-ci, au lieu de pousser l’animal à bondir directement dans la vitesse supersonique et à pousser ses capacités magiques à prendre le relais, je laissai l’accélération se faire progressivement. D’abord, j’eus l’impression d’être dans un TGV, accélérant foulée après foulée presque sans que je ne le remarque. Puis, passée une certaine vitesse, les arbres se muèrent en une masse informe, sombre et menaçante, même si la distorsion de l’espace fut moins agressive que la première fois, et que les couleurs s’emmêlèrent un peu moins.
J’essayai de me relaxer sur ma selle, et me laissai emporter dans des pensées aussi tourbillonnantes que décousues. Je songeai à ce que j’avais dit à Max au sujet de la Confrérie, à Kaiser, à Adam et à tout ce que j’avais abandonné derrière moi. Je savais très bien que, à ce stade, il n’y avait aucun retour en arrière possible. Mais, tout comme dans mon actuelle cavalcade, je n’avais aucune idée de ce qui m’attendait devant.
Alors que je galopais ainsi, le vent sifflant à mes oreilles, une pensée que j’avais presque occultée depuis ma fuite d’Urdarbrunn et mon combat avec Max me revint. Comment se faisait-il que je n’aie pas de trame de vie ? L’idée, au départ, aurait presque pu sembler inoffensive, ou même rassurante. Je n’avais pas de trame, je n’étais donc pas soumise au joug des Nornes. Je pouvais peut-être même décider de mon destin, dans le plus étendu des cas. Mais, au niveau physique, que cela pouvait-il signifier ? Que j’étais déjà morte ? Que je n’avais aucune incidence avec les gens qui m’entouraient ?
Je ne pouvais pas être déjà morte. Même si les défunts avaient encore une sorte de « corps » essentiellement constitué de flux magique, ils étaient par principe immatériels ou presque. Or toute la vie que j’avais passée au Manoir, j’avais autant interagi avec les gens qu’avec les objets. Je n’étais pas immatérielle, ma cavalcade actuelle le prouvait. Donc je n’étais pas morte. En revanche, au niveau social et matériel… mes actions avaient-elles une incidence dans le flux de l’histoire des Neuf Mondes ? Qu’étais-je censée représenter ? Un électron solitaire, indépendant, arraché à toute continuité temporelle, dépourvu de toute capacité d’agir ? Une gamine déracinée de son cours d’évolution normal ? Par Loki, pourquoi n’avais-je pas de trame ?
Je secouai lentement la tête, l’esprit embrouillé par les questions. C’était absurde. Et, aussi absurde cela puisse-t-il être, Verdandi savait quelque chose à ce sujet, elle avait seulement refusé de me répondre. Or je ne pouvais pas simplement y retourner et exiger des réponses, je me ferais cette fois-ci vaporiser dans l’instant. Il était déjà incroyable que j’aie survécu à une seule entrée dans l’enceinte des Nornes.
J’eus une brève pensée pour Vérania, l’elfe-Norne qui m’avait permis d’entrer. Elle n’avait aucune idée dans quoi elle s’était engagée, dans ce qu’elle avait peut-être fait risquer à l’ensemble de sa communauté. Même si je ne comprenais pas les incidences de mon absence de fil de vie, Verdandi avait été suffisamment claire à ce propos, j’étais suffisamment dangereuse pour que ses sœurs veuillent me tuer. Et, autant en mission je ne me préoccupais pas vraiment des conséquences sur les personnes que j’exploitais pour m’infiltrer, autant je ne voulais pas que Vérania paye pour une erreur que je ne comprenais pas moi-même.
La tête emplie de questions sans réponses, je finis par ralentir alors que la lune était encore haute dans le ciel, amenant ma monture à une allure où je pouvais discerner mon environnement. Consciemment ou non, le cheval avait choisi de rejoindre une petite route de terre battue qui serpentait entre les arbres, direction nord-est, et je me résignai à lui laisser la main le temps que j’aie une vague idée de ma localisation. En toute honnêteté, je n’étais absolument pas certaine d’être capable de retrouver mon chemin dans les Neuf Mondes. Il me faudrait des indications, des gens pour m’aiguiller sur le bon chemin, à moins que ma monture ne soit capable de le faire toute seule. Et j’avais des doutes à ce sujet. Mais après tout, l’argument rhétorique traditionnel dans les autres mondes se résumait bien souvent à « Ta gueule, c’est magique », et avec ce genre de discours, rien ne pouvait être impossible.
À la réflexion, ça valait toujours la peine d’essayer. Je ramenai le cheval au pas, le laissai souffler longuement, puis posai ma paume contre son cou. Capter son flux magique fut une affaire d’une seconde à peine, le flux étant bien plus facilement perceptible hors de Midgard. Je m’infiltrai dans son esprit en douceur, veillant à ne pas marquer mon passage ou donner l’impression que je cherchais à lui imposer une illusion.
En réponse, comme s’il avait été habitué à l’hypno-manipulation, il projeta le long du lien qui s’était établi entre nous une sorte de souvenir, qui résonna dans ma tête. Une femme aux traits indistincts mais aux yeux d’or limpides qui lui murmurait doucement :
— Silfari.
— Silfari, soufflai-je en écho, et il hennit en agitant la tête, les oreilles dressées.
Ça devait être son nom. J’inclinai la tête et lui projetai mentalement une vague d’affection, une sensation calme, paisible et douce, destinée à le mettre en confiance. Puis, lentement, patiemment, je dessinai dans son esprit l’image d’un immense lac dans lequel plongeait une racine de l’Yggdrasil, pareil à celui des Nornes, à ceci près que, au milieu du lac, je laissai flotter quelque chose qui ressemblait vaguement à une tête. En réponse, je perçus sa concentration, et il me répondit en visualisant une sorte de clairière bordée d’arbres géants, au centre de laquelle une large étendue d’eau aux couleurs métalliques s’étirait dans la nuit. J’approuvai, et, comme répondant à ma volonté, Silfari allongea ses foulées et accéléra à nouveau. Éberluée, je haussai les sourcils et rompis la connexion mentale, essayai de m’installer confortablement dans le rythme régulier de ses battements de sabots, puis je laissai ma tête pencher en arrière, toujours songeuse.
Mais très vite, alors que nous émergions de l’épaisse forêt, mon attention fut distraite par la plaine qui s’étendait devant moi. Ou plutôt, par les immenses remparts qui rompaient la plaine en son centre, surplombés de toits dorés qui, à la lumière de la lune, brillaient de mille feux. De là où j’étais, à plus d’un demi-kilomètre de distance, les murs paraissaient toucher le ciel noir, rompre de leurs lumières les ténèbres de la nuit. L’ensemble de la citadelle, illuminée de l’intérieur comme en plein jour, projetait sur la plaine un halo de clarté dorée, comme pour se découper dans les ténèbres, clamer sa place, sa force, son indestructibilité. Et je sus, intuitivement, douloureusement, où j’étais.
Asgard.
J’étais déjà passée par là avec Ekrest, mais nous étions restés dans les bois, à une distance rassurante qui nous avait permis de ne pas nous faire repérer. Ici en revanche, au milieu de la plaine d’Idavoll, dans la lumière irréelle qui baignait les lieux, j’étais totalement à découvert, trop facilement atteignable.
— Merde !
Je donnai un coup de talons au cheval pour qu’il accélère, priant pour qu’une vigie ne m’ait pas repérée, même si c’était peu probable.

Je cavalai ainsi jusqu’en milieu de matinée, alternant entre pas – un pas magique qui allait quand même plus vite qu’une voiture de course humaine – et galop pour laisser à mon cheval le temps de se reposer, même s’il paraissait infatigable. Et finalement, de nous deux, c’est moi qui rendis les armes en premier. Épuisée par ma courte nuit, mon combat avec Max et la sensation que j’étais en permanence en danger, j’avais fini par m’arrêter près d’une petite cabane en rondins, pas trop loin – enfin, à dos d’enfant de Sleipnir – d’une immense rivière, aussi large que le canal de la Manche : la Sylg. J’avais traversé l’Ilfing, le fleuve-frontière entre Asgard et Jötunheim, quelques heures plus tôt, alors que l’aube se levait, et la vue des rayons d’or du soleil sur les flots turbulents m’avait troublée. J’avais discerné, en ralentissant sur l’immense pont de pierre qui avait été bâti au-dessus des vagues, des éclats de ce qui semblait être de la glace, aussi fins que des lames de rasoir, aussi larges qu’une lame courte. On disait dans les récits que l’Ilfing charriait des dagues de glace, et il semblait bien que ce soit vraiment le cas. Ce qui expliquait pourquoi les géants tentaient rarement la traversée du fleuve.
La Sylg en revanche n’avait rien de bien particulier, à ceci près que, comme pour toute rivière issue de Hvergelmir, la source empoisonnée de Niflheim, je me tins aussi loin que possible des berges. Entre flots empoisonnés, dagues de glace, rivières des morts et autres, les Élivágar étaient tristement célèbres, et tremper ne serait-ce qu’un orteil dans l’une de ces onze rivières était souvent synonyme d’une mort atrocement douloureuse. Et, en outre, je n’aimais pas spécialement l’eau.
C’est pourquoi la cabane dans laquelle je m’étais installée, une sorte d’avant-poste branlant qui aurait pu être par le passé une auberge, me convenait parfaitement. Elle était suffisamment éloignée des flots pour que je ne me sente pas menacée par une rivière mythologique, et suffisamment proche pour que la zone ne soit pas – trop – infestée de géants anthropophages. Ou du moins je l’espérais.
Mais surtout, j’espérais pouvoir retrouver Selvigia rapidement, parce que, sans un guide dans les Neuf Mondes, je ne donnais pas cher de ma peau. J’étais totalement hors de mon domaine de compétences et de ma zone de confort. J’agissais le plus méthodiquement possible, j’essayais d’être relativement organisée, mais je ne pouvais pas nier mon incapacité à m’orienter, ni le fait que je me sentais totalement dépassée par les évènements. J’avais appris, grâce à Ekrest, à ne pas avoir peur de l’inconnu, mais j’avais besoin de remettre les pieds dans un environnement où je me sentais en confiance au plus tôt.
J’avais attaché Silfari dans ce qui ressemblait vaguement à une étable, j’avais espéré qu’il ne m’en veuille pas trop parce que je n’avais ni foin ni quoi que ce soit pour le nourrir. Puis, je m’étais couchée sur le canapé, face à la porte pour être réveillée par le premier intrus venu, et j’avais sombré dans un sommeil profond.

Ce fut seulement à mon réveil, après avoir mangé une ration de survie de mon stock presque infini, que je me rappelai d’un élément que, dans la panique et la folie des derniers évènements, j’avais totalement occulté. Juste avant le départ, Selvigia m’avait donné un transmetteur dvargen, une sorte d’émetteur-récepteur radio qui captait des ondes spécifiques. Et elle m’avait dit qu’elle l’avait configuré pour que ma fréquence soit calée sur la sienne.
Prise d’une frénésie enthousiaste, je fis apparaître l’objet de mon inventaire, l’examinai d’abord sous toutes ses coutures. De prime, cela ressemblait à un talkie-walkie humain, sans rien de magique ni de spécial à ceci près que l’écran d’affichage était nettement plus petit, il y avait à peine de quoi afficher un nombre dessus. Curieuse et un peu méfiante, j’appuyai sur ce qui me semblait être le bouton d’allumage, et soudain, une sorte d’hologramme circulaire doré se déploya juste au-dessus de l’écran. Fascinée, je déplaçai mes doigts juste au-dessus de la surface immatérielle, et ce qui ressemblait à une carte au vu des fines lignes bougea dans la même direction que mes mouvements de main. Je retins un hoquet de stupeur, souris.
— Hello… bonsoir ?
La voix grave d’Åke, qui semblait jaillir de nulle-part, me fit sursauter. Je fronçai le nez, à la recherche d’un bouton qui me permettrait d’activer mon propre micro.
— Hé, miss techie, je crois qu’on a retrouvé Lilith mais qu’elle ne sait pas utiliser ton machin…
— Lily ?
— Selv’ !
Évidemment, elle ne m’entendit pas. Elle marmonna un moment dans sa barbe au sujet des ignares qui ne connaissaient même pas la technologie dvargen, et des abrutis qui prenaient pas le temps d’en enseigner l’usage à leurs élèves, puis finit par expliquer :
— Ok, Lily, si c’est toi, voilà ce que tu vas faire. En haut de l’interface, juste au-dessus du bouton d’allumage, il y a trois barres verticales. Appuie dessus, puis appuie sur le dernier élément de menu qui s’affiche.
Le fait de ne pas avoir de contact physique avec l’interface me perturbait décidément plus que je ne l’aurais cru possible. Hantée par la sensation d’être ridicule à agiter mes doigts dans le vide pour faire défiler un menu immatériel, je m’exécutai malgré tout, et suivis la nuée d’instructions qu’elle me livra. Je cochai une case, revins en arrière, appuyai sur un autre bouton, ce qui étendit l’antenne de réception de l’appareil de vingt bons centimètres, modifiai les réglages de la carte pour avoir les noms des lieux dans un langage courant et lisible – et pas les gribouillis incurvés utilisés par les nains – et enfin, activai ce qui semblait être la fonctionnalité d’émission du talkie.
— Tu m’entends ?
— Enfin ! Oh par le Père-de-tout, Ekrest va m’entendre ! Il ne t’a même pas appris à te servir de ça ?
— Je suis sortie de Midgard trois fois, Selv’… essayai-je de me dédouaner d’une voix plaintive.
— Même ! Bon, tant pis. Tu voyages comment ?
— Sur un poney magique.
Elle pouffa, désabusée, et je ricanai dans mon coin. D’habitude, la magie était un élément commun, presque normal, dans ma vie. Mais dans ce cas de figure précis… je ne pouvais pas m’en empêcher. C’était si loin de tout ce que je pouvais maîtriser ou appréhender !
— Ça devrait aller alors, reprit-elle après avoir calmé son rire. En dézoomant sur ta carte…
— Je fais ça comment ?
— Il y a un bouton pour ça, la flèche vers le haut avec un E.
— Mmhm, logique. Zoom out, flèche du haut, E. Deux doigts qu’on écarte comme sur un téléphone, c’était trop compliqué voyons.
— Oh, ta gueule. Quand tu dézoomeras suffisamment, donc, tu verras notre position à Åke et moi. Dirige-toi par là, on est à une petite journée de marche normale de la source de Mímir. En principe, avec ton… poney magique…
Elle ne put s’empêcher de rigoler, et je souris, fière de ma blague.
— Tu devrais être là d’ici une trentaine de minutes, si tu avances vite.
Trente minutes pour parcourir ce qui, au jugé sur la carte, ressemblait à dix mille kilomètres environ. Normal voyons.
J’étais en train de fatiguer. C’est dommage, je venais de dormir.
— D’acc. Écoute, j’arrive dès que possible.
En jetant un coup d’œil dehors, je constatai que j’avais dormi la majeure partie de la journée, et que le soleil piquait lentement vers le sol. Je pestai en silence, mais ne dis rien de plus, et me redressai. N’ayant rien utilisé ou déplacé en arrivant, je repliai simplement la couverture sous laquelle je m’étais roulée, la laissai là où je l’avais trouvée – peut-être que quelqu’un d’autre serait un jour très heureux de la trouver là à son tour – et sortis. Le transmetteur temporairement accroché à la ceinture, je sellai rapidement Silfari, qui m’accueillit d’un regard quelque peu agacé, et lui soufflai :
— Promis, quand on arrive, je te laisse manger autant que tu veux.
Cela parut le satisfaire quelque peu.

Selvigia avait dû guetter mon arrivée, car elle se tenait debout en plein milieu du chemin avec son transmetteur. À mon arrivée, elle m’adressa un signe de la main, m’aida à desseller mon cheval, et l’attacher à une branche basse au milieu de la forêt, avant de me guider vers une petite caverne à une dizaine de mètres de profondeur, dont l’entrée avait été creusée dans un monticule de terre, puis dissimulée par un épais rideau de lierre. Une fois tous confortablement installés, nous profitâmes de la tranquillité des lieux pour manger un morceau et nous raconter comment nous étions parvenus ici.
Åke avait eu un trajet plutôt tranquille après avoir évité Hræsvelgr, mais Selvigia avait dû échapper à un petit groupe d’enfants de Freyr qui lui étaient tombés dessus un peu par hasard quand elle était remontée dans les racines de l’Yggdrasil. Pour ma part, je leur racontai la rencontre avec Max, mais j’omis, un peu à regret, le passage avec les Nornes. Il y avait trop de choses incompréhensibles dans cette histoire, et pour le moment, je préférais éviter d’admettre, même à ma sœur, que je ne semblais pas avoir de trame de vie. Il fallait d’abord que je comprenne pourquoi, et ce que ça impliquait pour moi à long terme.
Finalement, le temps que nous racontions nos histoires, la nuit était tombée, et nous décidâmes de passer la nuit là. Pour ma part, je n’avais pas encore sommeil, étant donné que je m’étais levée à peine deux heures plus tôt.
— Vous pouvez aller dormir, lâchai-je distraitement à l’intention de Selvigia et d’Åke. Je prends le premier quart, de toute façon.
Selvigia hocha la tête, l’air absent. Elle paraissait à l’ouest, pensive, un peu épuisée.
— Je reste veiller encore un peu, me répondit le roux d’un air décidé.
Je ne pipai mot. Selvigia, elle, me considéra quelques instants de ses iris turquoise ternes, et finit par faire apparaître son sac de couchage. Je fronçai un sourcil, mais elle s’allongea sans plus me prêter attention et, quelques minutes plus tard, sa respiration s’était apaisée, et les petites boules de feu qu’elle avait maintenues durant notre discussion disparurent. Je n’étais pas sûre qu’elle dormait – de toute façon, entre nous Loki, on ne pouvait jamais vraiment savoir – mais en tout cas, elle paraissait ne plus prêter attention à notre conversation.
J’agitai la main pour faire apparaître à mon tour des flammèches claires, les observai un moment, songeuse. Je n’avais jamais été une grande pyromagicienne, préférant utiliser le feu sous sa forme la plus primaire, mais je devais avouer que j’adorais jouer avec les flammes. J’avais appris de Selvigia un tour bien sympathique, où elle se créait une sorte de bracelet de feu autour du poignet, et des bagues incandescentes. Les doigts écartés, ma main entière protégée d’un bouclier thermique, je laissai les serpents lumineux s’étirer le long de mes doigts, comme animés d’une vie propre, puis finis par les amalgamer en une épaisse boule brillante, que je projetai devant moi, et laissai flotter dans le vide pour éclairer les lieux.
Et, puisque c’était la seule source d’intérêt qui me restait dans la caverne, je détaillai l’étrange personnage auquel je n’avais pas vraiment eu l’occasion de parler jusqu’à maintenant. Åke avait des cheveux roux mi-longs, bouclés, d’une teinte un peu plus claire que celle de notre père, des traits vaguement irlandais, pas vraiment beaux ni reconnaissables… juste normaux. Mais, peut-être à cause de la petite étincelle mesquine dans ses yeux ou de la courbure perpétuelle de ses lèvres étirées en un demi-sourire torve, on retenait son visage facilement. Je finis par réaliser que c’était parce qu’il ressemblait violemment à Père. Pas au niveau de l’apparence physique, mais au niveau de l’attitude. Ces petits rictus mauvais, ces petits regards en biais… C’était le comportement exact de Loki.
Lui aussi m’observait. Ses yeux turquoise étincelaient faiblement dans les ténèbres, calculateurs, méfiants. Malgré son demi-sourire presque avenant, je pressentais qu’ouvrir la discussion avec une question ne me vaudrait qu’un grognement en guise de réponse. Pour le moment, il n’était pas d’humeur à parler, juste à observer.
Après encore quelques minutes de silence, il se tourna franchement vers moi.
— Pourquoi vouloir aider le Hamershot ?
Absolument pas préparée à ce genre d’entrée en la matière, je cillai.
— Qu’est-ce que…
— J’ai parlé à Ekrest, compléta-t-il de but en blanc. Et nous ne comprenons pas, ni lui, ni moi, mais lui ne se sentait pas prêt à t’en parler.
J’inclinai la tête sur le côté, surprise, luttant pour mettre un peu d’ordre dans mes pensées. Ekrest n’avait pas osé venir me parler de Kalyan.
D’une certaine manière, je préférais que ce soit ainsi. Son avis m’aurait certainement influencée, que je le veuille ou non, et je voulais être maîtresse de mes décisions, au moins sur ce sujet-là. Mais, d’un autre côté, ça en disait long sur le fossé qui s’était creusé entre nous. À l’époque où nous vivions au Manoir, il ne s’était jamais privé de venir me parler de Sam et de ma relation avec lui, ou alors de mes liens – et liaisons – avec certains de mes contacts.
— Je suppose que… J’ai l’impression qu’on lui doit beaucoup, en fait, répondis-je finalement, pesant chaque mot. Selvigia aurait probablement pu me sortir de là sans trop de dommages du côté des nôtres, mais on aurait alors dû monter une seconde expédition pour aller vous chercher, vous, ou négocier votre libération… ça aurait coûté énormément de temps et d’argent. Dans la mesure où Kaiser aurait été disposée à mettre les ressources de la Confrérie à disposition. Et je ne suis pas sûre que ça aurait été le cas.
Ma tirade n’obtint qu’un silence, qui me poussa très vite à poursuivre :
— Et puis, lui aussi s’en veut pas mal de ne pas être intervenu plus tôt.
Åke rit jaune, sceptique, mais je ne lui laissai pas le temps de m’interrompre.
— Ce qui veut dire qu’il a l’impression de me devoir quelque chose, lui aussi. Et ça, ça peut être exploité.
C’était certes pousser le raisonnement à l’extrême, et taire une partie de la vérité, mais j’eus l’impression d’avoir été un peu plus convaincante, ce qui n’était pas une mauvaise chose, à mon sens. Si je pouvais éviter qu’Åke ne transperce Kalyan de l’une de ses aiguilles de lumière à l’instant même où il le verrait, ce serait déjà un grand pas en avant.
— Et c’est tout ? m’interrogea-t-il.
— Non, rétorquai-je sèchement, mais le reste ne te concerne pas.
Je devinai un léger éclat de rire, et me détendis imperceptiblement. S’il le prenait comme ça, on pouvait peut-être s’entendre. Peut-être.
— Et toi, lançai-je pour détourner la conversation, qu’est-ce qui te liait à Kaiser ? Ou Synnöve, ou Emyja, peu importe comment tu l’appelles.
Ses yeux se plissèrent dans l’obscurité, étrécis par une fureur soudaine à la mention du nom. Je dus prendre sur moi pour ne pas reculer immédiatement, effrayée par l’énergie qui s’était mise à vibrer autour du corps du roux. Tout comme pour Syn, quelques heures plus tôt, je la sentais pulser dans l’air, menaçante, à peine contenue.
Åke demeura muet un certain temps, apparemment en pleine lutte intérieure. Finalement, il tendit la main devant lui, condensa l’énergie qu’il peinait à maîtriser en une petite boule blanche, si lumineuse qu’elle éclairait la caverne comme un petit soleil intérieur. Selvigia grogna, se tortilla dans son sac de couchage. Je frissonnai en sentant la puissance qui irradiait depuis le petit point blanc, dus détourner les yeux pour ne pas faire souffrir mes rétines. Åke maintint quelques secondes la boule d’énergie là où elle était, l’utilisant clairement pour canaliser et évacuer sa colère, puis réduisit son intensité.
— Rien qui ne te concerne, mais elle finira par le payer, répondit-il finalement d’une voix égale. J’ai même déjà quelques idées…
Il avait beau parler calmement, la fureur noire qui brûlait dans ses yeux trahissait sa haine.
— Et toi ? me retourna-t-il avec un sourire carnassier. Après tout ce qu’elle t’a fait faire, qu’est-ce que tu serais prête à lui infliger ?
Je serrai les dents, alors que les visages de Sam et de Vanessa s’imposaient brutalement dans mes souvenirs. La haine se déversa dans mes entrailles comme de l’acide corrosif, embrasa ma poitrine et déchira le calme artificiel que je m’étais imposée depuis les combats. J’avais agi par instinct, j’avais bloqué les souvenirs. Mais, maintenant qu’il m’avait rappelé ce qui s’était réellement passé, j’enrageais.
— Je veux qu’elle souffre, m’entendis-je prononcer d’une voix distante, sans réellement savoir si je l’avais vraiment dit. Je me fous de savoir comment. Peu importe si je l’écorche ou si tu l’étripes, ou les deux.
Un sourire narquois, satisfait, se dessina sur le visage d’Åke, il me considéra avec attention.
— J’espère sincèrement que tu ne vas pas te défiler à la dernière seconde. Mais, ceci dit, il va falloir la garder vivante au moins jusqu’au retour de Mère… marmonna-t-il après un silence, l’air soudain grincheux.
Je haussai un sourcil.
— Pourquoi ?
— Loki la veut vivante. Qu’importe la situation. Au moins jusqu’à la nomination de l’Élu.
Le nom provoqua un froid soudain dans l’obscurité de la caverne. Sur Midgard, on pouvait se permettre de nommer les dieux – et donc les parents divins de chaque Maison – notamment parce que le nombre de demi-divins au mètre carré perturbait quand même beaucoup le flux magique, et en plus, les Cils d’Ymir faisaient barrage. Mais dans les autres mondes, prononcer le nom d’un dieu équivalait à lui lancer un appel. J’avais eu de la chance que Syn m’entende depuis l’enceinte du milieu, mais ici, si je prononçais seulement le nom de Thor, j’avais de grandes chances qu’il rapplique dans les heures qui suivaient. C’était d’ailleurs pour ça que les kenningar, ces formulations poétiques parfois alambiquées, avaient été inventés : pour désigner les dieux sans mentionner leur nom, et donc sans se faire repérer.
Je cillai, soudain frappée par la fin de la phrase d’Åke.
— Mais l’Élu a déjà été nommé. C’est un chieur de première qui se prend beaucoup trop au sérieux, d’ailleurs… ajoutai-je pour moi-même, irritée. Mais il a été nommé.
Il me fallut quelques instants pour réaliser que le roux me fixait me considérait avec attention, incompréhension et stupeur se mélangeant dans ses yeux turquoise lumineux, ses traits étrangement banals se froissant en une grimace étonnée.
— Elle… il a été nommé ?
Je fus surprise de l’entendre hésiter.
— Ouais, grognai-je, le nez bas. C’est Levi Östfau, un abruti de première.
— Ça n’a aucun sens.
Focalisée sur mes – mauvais – souvenirs de Levi, je ne relevai pas tout de suite son marmonnement presque inaudible. Lorsque, enfin, les mots atteignirent réellement mon cerveau, je relevai la tête, rivai mon regard dans celui d’Åke, attendant une explication un peu plus claire. Mais, troublé, le roux continuait de fixer les flammèches qui dansaient au bout de ses doigts sans paraître vouloir me fournir une réponse un peu plus explicite. Lorsqu’il releva enfin la tête, il y avait une étincelle de colère au fond de ses iris, même si sa voix était calme.
— D’après Ekrest, tu as été consacrée à Loki, petite. Ce serait même l’une des premières choses qu’il a faites, vu ton potentiel magique. Enfin, de ce qu’il m’a dit.
Je demeurai silencieuse, patiente, attendant la suite.
— Chacun d’entre nous, Élites, a été consacré, en fait ; c’est la raison pour laquelle Emyja nous élimine un à un. Seul un consacré à Loki peut être désigné comme l’Élu, et tu es la seule de nous tous sur qui le rituel d’appel a fonctionné.
— Le rituel d’appel ? marmottai-je.
Le roux leva lentement la main, étincelles turquoise illuminant ses doigts, et me fit signe de me tourner dos à lui. Sans trop savoir à quoi m’attendre, je m’exécutai. Il souleva mes cheveux d’un geste mesuré, comme s’il se retenait de frapper quelque chose – et comme j’étais la seule chose dans son champ d’action, je préférais qu’il continue à se retenir – et il dessina, à la racine de mes cheveux un étrange motif, une sorte de double symbole de l’infini. Là où son index passait, il laissait un sillon brûlant, comme un tatouage à vif. Je fus parcourue d’un frisson instinctif, me figeai.
— Tu es la seule à porter la marque de Loki. Preuve que tu es l’Élue.


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Dernière modification par vampiredelivres le mer. 11 août, 2021 9:11 pm, modifié 1 fois.
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

Holà ~

NYOHOH. Enfin quelques (semi-)réponses ! Yay !
J'ai bien kiffé ce chap, rien à dire, tu sais vraiment tenir tes lecteurs en haleine.
Lily m'a bien fait rire, je retiens particulièrement le "Pourquoi l’univers nordique était-il si étendu, si bordélique ?" aka la question que tout le monde se pose (surtout toi, j'imagine :lol: ), le fameux "Ta gueule, c'est magique" et le petit euphémisme "Et, en outre, je n’aimais pas spécialement l’eau." :lol:
Contente de revoir Ôké et Selvi, et oh mama, Ôké dit tout haut ce que tout le monde pense + gros reveal ! Maintenant je me demande à quoi jouait Loki en fake-nommant Levi : détourner l'attention de Lily pour la protéger (ce que j'ai du mal à croire, venant de Loki, malheureusement) ? Ou justement, faire semblant de la jeter en pâture à Kaiser (j'espère que tu vas souffrir, XOXO) pour qye Lily découvre le pot aux roses et devienne son propre agent ? Qui sait, c'était peut-être juste pour le fun :')
J'ai hâte de lire la suite !
Bonnes vacances,

La bise~
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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

TcmA a écrit : dim. 08 août, 2021 3:17 pm Holà ~

NYOHOH. Enfin quelques (semi-)réponses ! Yay !
J'ai bien kiffé ce chap, rien à dire, tu sais vraiment tenir tes lecteurs en haleine.
Lily m'a bien fait rire, je retiens particulièrement le "Pourquoi l’univers nordique était-il si étendu, si bordélique ?" aka la question que tout le monde se pose (surtout toi, j'imagine :lol: ), le fameux "Ta gueule, c'est magique" et le petit euphémisme "Et, en outre, je n’aimais pas spécialement l’eau." :lol:
Contente de revoir Ôké et Selvi, et oh mama, Ôké dit tout haut ce que tout le monde pense + gros reveal ! Maintenant je me demande à quoi jouait Loki en fake-nommant Levi : détourner l'attention de Lily pour la protéger (ce que j'ai du mal à croire, venant de Loki, malheureusement) ? Ou justement, faire semblant de la jeter en pâture à Kaiser (j'espère que tu vas souffrir, XOXO) pour qye Lily découvre le pot aux roses et devienne son propre agent ? Qui sait, c'était peut-être juste pour le fun :')
J'ai hâte de lire la suite !
Bonnes vacances,

La bise~
Yosh !

Ah mais ce chapitre, ça a été la possibilité de déverser toutes mes petites frustrations d'écriture, tant pour la taille de l'univers que pour les solutions pseudo-magiques que je devais trouver parfois. :lol: (Puis ouais, Lily aime pas « spécialement » l'eau. Qui l'eut cru ?)
Ehe, vous vous en doutiez, c'était un peu évident, mais il aura quand même fallu attendre un tome et demi avant d'avoir vraiment les mots qu'il fallait : Lily est l'Élue. Maintenant, pourquoi les fake-news… bon, déjà, Loki est le champion incontesté du troll mythologique, donc je pense que ce serait déjà une réponse entièrement acceptable. Mais il y a aussi une autre raison, évidemment. 8-)

Bonnes vacances à toi aussi !
vampiredelivres

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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

Message par vampiredelivres »

CHAPITRE 17


La marque de Loki. Deux serpents entrelacés, qui se mordaient mutuellement la queue pour former une sorte de double infini. Le symbole, que j’avais plus d’une fois vu gravé dans les épaisses reliures de livres de magie du Manoir, flottait dans mon esprit, brûlait l’arrière de ma nuque comme un fer rouge appliqué sur ma peau.
Mais ça n’avait aucun sens. Loki était apparu en plein milieu de la cérémonie de promotions, et avait proclamé que Levi était son Élu devant l’ensemble de la Confrérie. Il n’aurait pas fait ça sans raison valable s’il avait décidé de me choisir, moi, au bout du compte, mais je ne parvenais pas à voir l’intention derrière ce genre de manipulation. Je pivotai pour faire face à nouveau à mon aîné, sourcils haussés.
— Pourquoi avoir officiellement nommé Levi, alors ? relevai-je.
Åke hésita.
— Peut-être que Mère voulait faire croire à Emyja qu’elle maîtrise encore la situation, peut-être qu’elle voulait détourner son attention de toi… Sincèrement, je ne sais pas. Emyja est folle à lier, Mère la terrifie. Elle est à moitié responsable de sa capture, en vérité, et si elle est libérée…
— Elle mourra dans d’atroces souffrances, complétai-je.
Enfin, les éléments du puzzle s’assemblaient, enfin, j’avais l’impression de tenir une part de la vérité. Je reculai d’un pas, regard dans le vague, laissai les conclusions s’imposer d’elles-mêmes. Synnöve Kaiser – ou Emyja, qu’importe son nom – était partiellement responsable de l’emprisonnement de notre père. Depuis probablement des siècles, elle luttait pour le maintenir dans sa caverne le plus longtemps possible, pactisant avec des Æsir – et peut-être, qui savait, des Vanir – pour se débarrasser de ceux qui pourraient éventuellement causer le Ragnarök. Mais elle ne disait probablement pas la vérité à ses alliés non plus, sinon ils n’auraient jamais laissé les anciens Élites vivants.
— Attends, tu dis qu’elle est à moitié responsable de son emprisonnement… elle a quel âge ?! relevai-je brusquement.
Le sourire narquois d’Åke annonçait une réponse terrifiante. Et il ne déçut pas.
— C’est la première fille de Loki, elle doit avoir… oui, cinq bons millénaires, maintenant…
Face à une telle réponse, je ne pus que ciller. J’essayai, un instant, de m’imaginer vivre quatre mille ans dans la terreur perpétuelle qu’un jour, un de mes frères – dont je ne pouvais pas empêcher la naissance – libèrerait mon pire cauchemar. Je n’y parvins pas.
Mais la pointe de pitié qui menaçait de m’effleurer se mua bien vite en une détermination glacée. Ce qui l’avait motivée à agir à l’époque ne m’intéressait pas ; en revanche, elle avait orchestré le meurtre d’au moins une demi-douzaine des siens, si ce n’était plus. Elle la paierait, comme la loi l’exigeait.
— Ok. Et donc, concrètement, ce rôle d’Élu, consacré, ou qu’importe ce que je suis… ça veut dire quoi ? À part le fait que je suis une cible vivante pour quiconque est au courant de mon rôle ?
Ma remarque sarcastique amena un léger sourire amusé sur les lèvres du roux, qui tendit les mains devant lui. Des flammèches orangées dansaient au bout de ses doigts. Jusque là, Selvigia et Kirstin avaient été les deux seules à manifester une telle affinité pour les flammes. Pour ma part, la pyromagie n’était pas mon art favori. Je préférais de loin les illusions et la métamorphose, même si je n’aurais pas vraiment pu me décider si j’avais eu à choisir entre ces deux-là.
— Pour aller au plus simple, tu es une commandante militaire. Mais pas que. C’est sur toi que reposent le Fimbulvetr et la libération de Mère.
Sa manie de nommer Loki « Mère » me perturbait plus que de raison. Pour moi, Loki était un père. Trop souvent absent, jamais là pour célébrer mes victoires, mais après tout, puisqu’il était enchaîné dans une caverne dont personne ne connaissait la localisation et que des gouttes de venin acide tombaient sur son visage… disons que c’était plus qu’une bonne excuse pour rater mes anniversaires. Et puis, il avait autour de deux cent descendants directs encore en vie, ce qui ne devait pas l’aider à se souvenir des dates. Pour peu qu’il se doute du temps, dans sa caverne isolée.
Mais je digressais. Le plus important, c’était que j’étais l’Élue.
Étrangement, j’eus beau me répéter cette phrase mentalement, encore et encore, je ne parvins pas à y attacher une quelconque réelle importance, et ce constat me perturba. Je n’étais pas l’Élue, pas aux yeux de ma famille. En fait, techniquement parlant, je ne faisais plus partie de ma famille depuis que celle-ci m’avait reniée et envoyée à la mort. J’avais cessé de me sentir part de la Confrérie depuis que j’avais compris qu’elle essaierait de me tuer à chaque fois que j’essaierais de m’y réintégrer. Ça ne voulait pas dire que je n’avais plus aucune loyauté envers ma famille, juste que je ne pouvais pas la soutenir tant que Kaiser était au pouvoir et que la vérité n’avait pas été rétablie.
Au moment de la nomination de Levi, je m’étais sentie spoliée, privée d’un titre pour lequel j’aurais damné mon âme et mon corps. Mon séjour chez les Thor m’avait calmée. Les honneurs et les titres, c’était bien, mais si c’était pour finir en chair à corbeau et en cible vivante pour les trois quarts du monde mythologique, merci mais non merci, je laissais ce rôle à Levi avec plaisir. En plus, avec Heimdall qui guettait apparemment la moindre apparition de l’Élu, si cet abruti de blond pouvait brouiller les pistes, ça m’arrangerait. En admettant, évidemment, que j’étais bel et bien « la véritable » Élue. Or il n’y avait qu’une seule personne qui pouvait vraiment répondre à cette question. Loki.
— Tu as plus de détails que juste ce résumé de boulot générique, ou je vais devoir me débrouiller au fur et à mesure que les ennuis me tomberont dessus ? lâchai-je finalement.
Il ricana doucement.
— Vu que c’est une opportunité unique dans l’histoire des Neuf Mondes, non, je n’ai pas beaucoup plus d’informations. En revanche, Mímir risque d’en avoir, et c’est pour ça que je vais le voir.
Je haussai un sourcil.
— Ekrest s’occupe de récupérer la Confrérie, mais il faut que ce soit un Kaiser à sa tête. Comme Adam ne m’a pas l’air spécialement qualifié pour le travail, ça va être à moi de m’y coller. Et je préfère savoir de quel genre de cartes je dispose avant de me lancer dans le jeu.
— Tu es un Kaiser ? relevai-je.
Il me flasha un sourire vipérin, aussi charmeur qu’un serpent sur le point de mordre.
— Emyja est ma grande-sœur, de quelques minutes à peine.
Il en a encore beaucoup, dans ce genre ? pestai-je en tentant de digérer la nouvelle. « Tu es l’Élue. » « Emyja est ma grande-sœur. » « Elle a quatre millénaires. » « Elle est responsable de l’emprisonnement de Loki. » C’était quoi cette sale manie qu’il avait d’assommer les gens avec des informations dans ce genre ?
Et puis, outre cette simple idée qu’il soit un Kaiser, le souvenir de notre combat au pied du Bifröst était encore vif dans ma mémoire. Lui, à la tête de la Confrérie ? C’était une très mauvaise idée.
— Je crois que je vais aller me coucher… marmonnai-je, grincheuse.
Son rictus se transforma en une mimique narquoise, presque apitoyée.
— Il y a tellement de choses que tu ne sais pas…
— Ça, je m’en doute. Mais je commence à me demander si j’ai vraiment envie de les savoir, parce que vu comment c’est parti… ce n’est absolument pas le cas.
— Malheureusement, ça ne relève plus de toi uniquement, asséna-t-il d’une voix calme, dépourvue d’émotions.
J’acquiesçai par réflexe, pris néanmoins le temps de méditer ses paroles. Si j’étais l’Élue… j’avais encore plus de responsabilités qu’auparavant. Åke avait dit que ça s’apparentait à un poste de commandement militaire, ce qui ne me changeait pas vraiment de ma position de première Élite, mais déclencher le Fimbulvetr et la libération de Père… ça, c’était une toute autre paire de manches. J’allais avoir besoin de quelques réponses supplémentaires avant d’avoir les idées claires. Ce qui signifiait qu’il fallait qu’on demande au seul puits de connaissances vivant qui pouvait avoir ces réponses : Mímir, une tête coupée qui vendait ses informations à des prix… ouais, peu raisonnables était une manière de le formuler. Odin avait dû céder son œil pour apprendre la magie runique auprès de Mímir, alors je n’étais pas vraiment sereine quant au coût de l’information qui me servirait à libérer un prisonnier enfermé depuis des millénaires, que personne ou presque ne voulait voir libre.
Un sourire amer aux lèvres, je secouai lentement la tête de gauche à droite. J’étais l’Élue. Åke n’avait aucune raison de me mentir là-dessus, et s’il était vraiment l’un des plus anciens Loki que les Neuf Mondes aient connu, il devait être bien informé.
— Et cette… consécration… dont tu as parlé ? finis-je par demander, l’esprit ailleurs.
— C’est un sort rituel, qu’on fait en général sur les plus âgés, une fois qu’on est certains de leur potentiel magique, parce que ça a déjà provoqué des morts. Mais avec toi, Ekrest était bizarrement sûr de lui. Faut croire qu’il a eu raison. En fait, ça lie ton énergie magique à celle de celui à qui on te consacre. Dis-toi que tu as un certain taux de magie innée en toi. Si, après que tu aies été consacrée, Mère gagne en puissance – et on espère faire en sorte que ça arrivera en la libérant – tu gagneras aussi en puissance.
J’avais écouté les explications d’une oreille distraite, retournant en boucle cette idée d’Élu dans ma tête, lorsque, soudain, une question dérangeante effleura mon esprit.
— Et si elle… enfin, il… meurt ?
Le nez d’Åke se plissa.
— Théoriquement, tu meurs. Donc on meurt tous, vu que tout notre petit groupe d’Élites lui est consacré.
— Attends, quoi ?!
Le roux m’adressa un sourire crispé.
— C’est pas génial, je t’avoue. Mais bon, ça fait longtemps qu’on essaie d’y remédier, ajouta-t-il sur le ton de la confidence..
Je grinçai des dents. C’était pour ça que je restais sur Midgard la majorité du temps : j’avais déjà bien assez de problèmes avec les autres Maisons, sans même parler de devoir en plus gérer les prises de bec divines des Æsir et des Vanes. Mais là… là, c’était peut-être ma vie et celle d’Ekrest qui se jouait. Si je me retrouvais vaporisée en plein milieu des combats, durant le Ragnarök, juste parce que mon père était mort et que j’étais liée à lui par une magie incompréhensible…
— Tu es en train de me dire qu’on essaie de changer le destin, à travers cette expédition ? résumai-je à la fois pour Åke et pour moi-même.
Son sourire devint un peu plus sincère.
— Un peu. Mais dans l’idéal, il faudrait que ce qu’on fait n’ait pas de grande incidence à court terme sur les prophéties des Völur, sinon on ne sait pas trop ce qui arrivera. Mais avec un peu de travail, on peut modifier deux ou trois destinées, et donc peut-être la nôtre. Enfin, toi tu peux.
Ah. Très bien. Donc on ne se contentait plus d’essayer de tuer une déité seulement parce que Syn l’avait demandé, on voulait changer notre destin. Évidemment.
J’étouffai un rictus, essayant désespérément de ne pas regretter de ne pas être restée sur Midgard. Les responsabilités ne me dérangeaient pas, d’habitude. J’avais assumé la place de vice-championne de la Confrérie durant quatre ans sans faillir, j’avais lutté pour obtenir ce titre et les honneurs qui allaient avec durant les onze années qui avaient précédé, mais lorsqu’il s’agissait de changer les choses dans un univers entier… J’étais un peu sceptique, je devais l’admettre.
D’un autre côté, est-ce que j’allais laisser Levi s’attribuer le mérite de peut-être vaincre les Nornes elles-mêmes, ces mégères aigries qui gouvernaient même le destin des dieux ? Probablement pas. Et est-ce que j’avais le choix de ne pas faire ce que mon père me demandait ? Probablement pas non plus. Il pouvait toujours me carboniser à distance si l’envie lui en prenait.
— Je te propose qu’on parle des détails au fur et à mesure du voyage, me lança Åke d’un ton badin en faisant apparaître son sac de couchage. Réveille-moi dans deux heures.
Toujours en train d’encaisser cette overdose de révélations, j’acquiesçai. Le roux se redressa, éteignit les flammèches qui dansaient dans ses mains, provoquant un noir absolu dans la caverne. Le plastique rembourré crissa lorsqu’il se glissa à tâtons dans son duvet, un peu à l’écart des autres, et sa voix rauque et grave s’éleva une dernière fois, dépourvue de toute la fausse sympathie qu’il avait affectée jusque là.
— Ah et, une dernière chose. Si tu échoues, tu subiras le même sort que ma traîtresse de sœur.
La menace ouverte, froidement proférée, fit descendre un frisson glacé le long de mon échine. À mon tour, je fis apparaître une boule de feu au creux de ma paume, et rivai mon regard sur les paupières closes de mon demi-frère. Mais, jusqu’à ce que je le réveille, deux heures plus tard, il ne bougea plus.

| † | † |


J’émergeai brutalement au son d’une déflagration. D’habitude, je prenais une douche froide pour bien me sortir des brumes du sommeil, mais l’explosion fut bien plus efficace. Malgré les quatre maigres heures de repos auxquelles j’avais eu le droit – mon horloge biologique était absolument formelle sur le nombre de cycles de sommeil qui s’étaient enchaînés – je fus réveillée en moins de deux. Mon sac de couchage disparut à l’instant où j’ouvris les yeux, je bondis sur mes pieds, déjà entièrement vêtue de ma combinaison thermique, par-dessus laquelle j’avais fait apparaître mon armure de cuir, lame en main.
Tout comme mes frères et sœurs, le souffle d’une seconde explosion me projeta violemment contre les murs de pierre irrégulière. Je gémis en sentant les pointes rocheuses s’enfoncer dans mon dos, demeurai un instant suspendue, comme en apesanteur, puis retombai au sol en geignant de douleur, avec la quasi certitude de m’être fracturé une côte sous l’impact.
Lorsque je relevai les yeux, je découvris avec une stupeur mêlée d’effroi un terrifiant guerrier fermement planté en plein milieu de l’entrée de la grotte. Ses yeux d’or liquide étincelaient dans la pénombre, plus sombres que ceux des autres Odin que j’avais pu croiser par le passé, des boules de lumière blanches brillaient dans ses mains, mais je ne pouvais rien distinguer de son visage dans l’obscurité. Un frisson parcourut mon échine. Ce n’était pas un fils d’Odin normal. Ça ne pouvait pas l’être. Il paraissait bien trop puissant pour ça. Je sentais sa magie qui irradiait dans la caverne comme un rayonnement brûlant, désagréable, si intense que mes intestins se tordaient tels de longs serpents nerveux.
Mes poils se hérissèrent lorsque j’avisai ses longs cheveux bruns, sales, filandreux et emmêlés, et qu’un coup de vent soudain projeta dans ma direction une odeur pestilentielle, mélange poussière, de transpiration et de cuir vieilli. À mes côtés, Selvigia porta une main à son visage pour couvrir son nez et sa bouche, et nous échangeâmes un regard catastrophé.
— Enfants de Loki, payez le prix du crime de votre père. Ou alors, mourez en essayant de fuir.
Sa voix caverneuse, aussi rauque que s’il n’avait pas parlé depuis des semaines, emplit l’espace comme un grondement de tonnerre. Je grommelai dans ma barbe, refermai ma prise sur mon épée, prise d’un doute soudain. Max exclu, ça faisait des semaines que je ne m’étais pas entraînée avec ma lame, et bien des mois que je n’avais pas eu l’occasion d’affronter un bon adversaire en combat mixte. Je me savais douée, mais je n’étais pas sûre de faire le poids face à ce genre de pointure. Magiquement parlant, il me paraissait bien trop puissant, et physiquement, je ne savais certes pas ce qu’il valait, mais je le pressentais dans mes os. Je n’allais pas y arriver.
Et, vu l’expression abattue de Selvigia, elle songeait à la même chose. Interceptant son regard, je haussai un sourcil, la désignai discrètement, elle, puis moi, avant de pointer le doigt en direction de l’inconnu. Elle grimaça, montra Åke du menton. Je fronçai un sourcil. Je ne le connaissais pas, je ne savais pas ce qu’il valait en combat rapproché, et il ne connaissait aucune de nos tactiques communes.
Mais, comme pour démentir cette pensée, Åke lança au même moment :
— Lilith ! Selvigia ! Dagaz ingwaz deux !
Je cillai en réalisant qu’il nous donnait l’un des codes que je partageais uniquement avec ma sœur et mon mentor, l’une de nos techniques les plus courantes. Ekrest devait le lui avoir appris pour qu’on puisse s’en sortir dans ce genre de situation.
— On y va ? interrogeai-je ma sœur.
Elle haussa un sourcil sceptique, avant d’acquiescer, fit apparaître une petite flamme dans ses doigts, avant de la faire disparaître. Je laissai échapper un long soupir, comprenant ses intentions. Après tout, nous n’avions rien à perdre… à part nos vies, éventuellement.
Je me redressai sur un coude, puis me mis totalement debout. Percevant le soudain mouvement, le fils d’Odin riva son regard d’or liquide sur moi, et sa voix s’éleva à nouveau, chargée de sarcasme.
— Tiens, une Loki courageuse. C’est rare…
Je grinçai des dents, irritée.
— Un abruti d’Ase prétentieux, quelle surprise ! croassais-je, forçant péniblement les mots à travers la poussière que j’inhalais à chaque inspiration.
Je récupérai mon épée, qui m’avait échappé à l’impact, et le Odin sembla sourire. Il éleva d’un geste nonchalant un bouclier magique, arrêtant au passage une douzaine d’éclats de lumière concentrés, la marque de fabrique de mon meurtrier de demi-frère, comme si ce n’étaient que de vulgaires attaques de bas niveau.
— Tu n’as aucune idée de mon identité, réalisa-t-il, l’air surpris.
— Je t’en prie, faisons les présentations. Je m’appelle Lilith.
Mon dos me faisait mal, mais ce n’était pas le cas de ma poitrine, je ne souffrais pas en respirant, ce qui signifiait que je n’avais aucune côte cassée en vérité. Je me concentrai un instant, histoire de réparer les liaisons fragilisées, surveillant discrètement Selvigia, qui se relevait elle aussi. Le Odin ignorait totalement la présence d’Åke, qui tenta une nouvelle salve d’aiguilles de magie, sans davantage de succès que la première fois. L’air furieux, il sembla vouloir essayer une troisième fois, puis se ravisa et se rendit invisible. Je ne cachai pas un rictus venimeux, soudain quelque peu rassurée. À partir de maintenant, une flèche en pleine tête suffisait amplement, pour peu qu’on continue à le distraire.
— Et moi, Vali.
Je me figeai, comprenant soudain pourquoi le doré de ses yeux tirait sur le cuivre mat, pourquoi son flux magique me paraissait aussi phénoménal. C’était un dieu.
Enfin, non. Techniquement parlant, c’était un demi-divin, mais la mythologie le considérait comme un dieu tant il était puissant. Fils d’Odin et de Rind, une mortelle, engendré pour venger l’assassinat de Baldr par Loki. Merci papa !
Je me barricadai instinctivement contre la peur en m’élançant à sa rencontre. Malgré le choc du constat – j’étais en train de foncer sur un presque dieu – j’avais l’esprit clair. Qu’Åke connaisse les codes, et donc au moins une partie de mes routines avec Ekrest, m’avait quelque peu rassurée, et j’avais en tête un objectif limpide : gagner du temps. Sans mourir, accessoirement.
Vali para ma première attaque avec une aisance déconcertante, qui m’arracha un grognement rageur. Divinité ou pas, j’avais l’appui de deux puissants membres de ma fratrie, et ce n’était vraiment pas le moment de se laisser avoir par des passes d’armes aussi simples que celle dont il venait d’user. Ma lame cingla l’air, portée autant par ma force physique que par la volonté que je mettais dans l’assaut. Le dieu la bloqua à nouveau d’un simple mouvement las, presque blasé, et envoya une boule d’énergie dans ma direction. Je me cambrai pour l’éviter, faillis me faire transpercer le ventre par son épée, bondis hors de sa portée en feulant. Il me sourit. Je fis apparaître une boule de feu, la projetai dans sa direction. Le projectile le frôla, et son rictus narquois s’effaça, remplacé par la colère.
Je pris une inspiration, le regrettai aussitôt. Quand je n’étais pas entièrement focalisée sur le combat, mes sens protestaient. La puanteur qui émanait du corps de mon adversaire pouvait se sentir à six mètres à la ronde. Sa peau, qui avait dû être aussi claire que la mienne à l’origine, disparaissait sous un amas brunâtre de croûtes, de poussière et de sang séché. Il exsudait une atroce odeur de transpiration et de ranci, comme s’il ne s’était pas lavé depuis des mois. Je fronçai le nez, me mis quasiment en apnée, et me portai à nouveau au corps à corps.
Tous deux armés d’épées bâtardes, nous échangeâmes une série de coups violents, qui firent trembler les os de mes bras. Cœur tambourinant dans ma poitrine, j’esquivai de justesse une botte mortelle portée à ma gorge, cinglai son épaule gauche. Je sentis les couches successives de sang séché, de saleté et de peau se fendiller sous le fil de mon épée. L’hémoglobine gicla, son parfum métallique, entêtant, fit tourner ma tête à l’inspiration suivante que je pris. Je soufflai longuement, gémis en sentant un tranchant aiguisé riper contre le cuir épaissi de métal de mes jambières en entaillant profondément la chair, vacillai. Vali grinça des dents, leva haut son épée. Je la bloquai à dix centimètres à peine du sommet de mon crâne, levai la tête, croisai son regard d’or liquide. Ses lèvres frémirent alors qu’il appuyait de tout son poids sur sa lame, je grondai. La rage lisible sur son visage me donna la chair de poule.
— Tu vas mourir, siffla-t-il.
J’expirai lentement sans répondre, uniquement focalisée sur la force que je devais mettre dans mes bras pour qu’il ne fende pas mon crâne en deux. Maintenant qu’il était penché au-dessus de moi, je voyais clairement ses cheveux bruns mi-longs, trempés de sueur et collés sur son visage poussiéreux, ses iris brillants fichés dans les miens. Contrairement aux hommes que j’avais rencontrés jusque là, il n’avait vraiment aucun charme : ses traits bruts, sales, sa longue barbe apparemment taillée au ciseau une fois par an, ses muscles noueux, trop développés pour lui donner une belle carrure… il n’avait rien d’attirant. Il ressemblait à une machine de guerre en plein combat.
Demeurée à l’arrière jusque là, préparant l’une de ses fameuses incantations de pyromagie, Selvigia passa soudain à l’action. Une première boule de feu, incroyablement ajustée, frappé Vali en pleine poitrine. Il gronda de douleur, tituba, recula. Je basculai en arrière, roulai sur moi-même pour me mettre hors de portée de la furie que je savais être sur le point de se déchaîner. Et, à l’instant où je fus à une distance relativement acceptable, ma sœur ouvrit les bras.
Une colonne de feu, si chaude que le souffle des flammes assécha d’un seul coup mes muqueuses, se matérialisa devant moi et fonça droit en direction de notre opposant. Voyant le danger, Vali esquissa une série de gestes rapides afin de se créer un bouclier thermique, et la tornade incandescente s’écrasa sur son corps sans lui causer de dommages. Un rictus narquois m’échappa alors que, à l’aveuglette, il esquissait un pas sur le côté pour fuir le brasier, qui se déplaça avec lui.
Bientôt, je l’entendis tousser, privé d’oxygène. Je consultai brièvement Selvigia du regard. Entièrement focalisée sur les flammes qu’elle entretenait, elle acquiesça, le front plissé par la concentration, une goutte de sueur coulant le long de sa tempe. J’agrippai un peu plus fermement la poignée de mon épée, m’élançai à nouveau à l’assaut, harassai le dieu de petites attaques à moitié inoffensives, incapable de m’approcher de trop près. Les flammes décuplaient par mille l’odeur déjà pestilentielle de la divinité qui ne s’était pas lavée depuis au moins quatre millénaires. Suffocant à moitié, je n’en démordais pas moins de ma mission principale : l’occuper. Impossible de le voir dans le tourbillon incandescent, ceci dit, je frappais donc un peu au hasard, bloquais les assauts qu’il lançait lui aussi dans ma direction générale, le harassais de coups faibles, mais néanmoins efficaces. Je sentais sa vigilance et sa prescience décroître, la force qu’il mettait dans ses parades et ses assauts diminuer.
Je n’étais pas partie à l’attaque avec l’idée de le vaincre, mais l’espace de quelques secondes, je me pris à croire que c’était possible.
Mon énergie décuplée par cet espoir imprévu, je me projetai dans le combat avec encore plus d’ardeur. Je n’essayai pas d’ajuster mes coups, tout simplement parce que j’étais incapable de le faire lorsque je ne voyais pas mon adversaire. En revanche, je mis toute ma force dans mes assauts, toute la violence que j’étais capable d’éprouver et de canaliser, je la projetai en direction de Vali.
Malgré le rugissement des flammes, j’entendis les grondements de douleur qui lui échappaient lorsque je le touchais et, il commença doucement à reculer. D’abord un pas, puis un autre. Encore un troisième. Lentement mais sûrement, je l’acculais contre le mur de la caverne. Malgré les deux ou trois entailles qu’il parvint à m’infliger, un sourire se dessina sur mes lèvres lorsque je vis son dos qui touchait presque la roche sombre. Même son odeur cauchemardesque qui allait me hanter encore longtemps ne parvenait pas à me faire désespérer.
Se sentant en position fragile, Vali enchaîna une série de piques brutales, dont deux qui me blessèrent plutôt grièvement. La première fois, il transperça mon épaule gauche, donc ma main d’appui, la seconde, il plongea profondément sa lame dans ma cuisse, au même endroit où il l’avait fait au tout début du combat et la retira vivement, arrachant quelques morceaux de chair au passage. Je hurlai. Ma jambe se déroba sous mon poids, je mis un genou en terre, esquivant accidentellement une frappe horizontale qui m’aurait sinon décapitée. Mais déjà, la lame argentée virevoltait, entamait une descente brutale en direction de mon cou. Je dressai ma garde pour la bloquer, mais Vali m’asséna un violent coup de genou dans le visage. Ma vision se troubla, je tanguai, luttant pour garder mon équilibre. Il m’agrippa par les cheveux, cogna une nouvelle fois son genou contre mon nez, qui se rompit net en même temps que mon arcade sourcilière. Je criai. Tous mes espoirs de vaincre se brisèrent d’un seul coup lorsqu’il me projeta contre terre et leva haut son épée avec la nette intention de me transpercer à l’aveuglette.
En dernier recours, consciente que ça me viderait probablement de mon énergie magique, je relâchai ma prise sur ma lame, joignis mes deux mains devant moi, et projetai un rayon d’énergie d’une rare puissance dans la direction du dieu. L’attaque le cueillit quelque part au niveau du plexus ; sous le choc, il lâcha sa lame, qui s’écrasa sur mes jambes. Le souffle court, l’esprit en vrac, je laissai ma tête retomber contre le sol. Un sifflement aigu, persistant, me vrillait oreilles. L’adrénaline pulsait dans mes veines, mais elle ne parvenait pas à compenser le violent contrecoup d’un tel usage de magie avec une blessure ouverte. J’avais l’impression qu’on m’avait vidée des trois quarts de mon énergie d’un seul coup, je n’arrivais pas à récupérer, et j’arrivais à peine à respirer.
Immobile, paupières closes, haletant comme si j’avais couru deux marathons, je demeurai allongée là où j’étais. Si Vali avait décidé de me découper en rondelles maintenant, j’aurais été incapable de l’en empêcher. Je n’étais pas encore drainée de mes pouvoirs, mais je pouvais à peine bouger. En quelques instants, je passai de la mince foi en une possible victoire à l’attente du moment où je sentirais la vie s’échapper de mon corps.
Les secondes parurent s’éterniser. Chaque battement de cœur semblait être un peu plus long que les précédents, alors que je savais pertinemment qu’ils étaient censés s’accélérer pour compenser ma perte de sang de plus en plus importante. Finalement, dans l’espoir de voir au moins ma mort arriver, je me résignai à écarter les paupières, à chercher mon adversaire du regard.
Selvigia venait de prendre le relais. La peur et l’épuisement crispaient son visage, la rendaient presque impossible à reconnaître. Mêlant sa pyromagie à ses incroyables capacités de tir à l’arc, elle alternait entre flèches et boules de feu qui se mouvaient selon sa volonté, obligeant Vali à demeurer sur place et à se protéger. Dès qu’il tournait le dos à ma sœur, elle lui décochait un trait qu’il était obligé d’esquiver ou de trancher net avec son épée, dès qu’il essayait de s’approcher, des flammes jaillissaient face à lui. Elle l’avait enfermé dans un cercle vicieux, aussi épuisant pour lui que pour elle, et je n’étais pas sûre de vouloir savoir qui craquerait le premier.
Jaillissant de nulle part, une soudaine question m’effleura. Où était passée Åke ? À partir du moment où il nous avait demandé de distraire Vali, il avait littéralement disparu de la circulation. Et, sachant qu’il était l’un des premiers enfants de Loki, qu’il ait hérité de son caractère fourbe et fuyard ne m’aurait pas tant étonnée.
À cette idée, l’angoisse me comprima l’estomac dans un étau brûlant. Il était possible – plausible, même – que nous soyons en train de nous épuiser à distraire un dieu en attendant un soutien qui ne viendrait jamais. Je coulai un regard nerveux à ma cuisse. Le sang s’échappait à flots, mais ne pulsait pas. Aucune artère n’avait été touchée, béni soit Loki. Ceci dit, mes pouvoirs demeuraient court-circuités à cause de la blessure. Chaque usage de magie m’épuiserait encore davantage.
Soudain, un rugissement inhumain fit trembler les murs de la caverne. Mes os vibrèrent en écho, mes poils se hérissèrent sur ma nuque, les souvenirs affluèrent dans ma mémoire et la terreur se déversa dans mes veines. Je tournai brusquement la tête, avisai le corps du fils d’Odin qui s’illuminait d’or, malgré l’empennage qui dépassait de sa poitrine et celui qui pointait au niveau du dos. Sa peau se déforma, parcourue de frémissements, de longs poils bruns et rêches commencèrent à pousser. Ses os se tordirent, s’allongèrent, ses muscles triplèrent presque de volume. À la fois fascinée et effarée, j’observai son visage qui s’étirait, son nez et sa bouche qui s’allongeaient, ses yeux révulsés qui s’enfonçaient dans leurs orbites. Selvigia décocha une nouvelle flèche, qui se planta dans son épaule, mais il vacilla à peine, se contenta de dévoiler une rangée de crocs pointus, luisants de bave. Un nuage de flammes jailli de nulle part l’enveloppa, mais ne lui fit pas plus d’effet. Il s’avança à pas lourds vers ma sœur, achevant sa transformation en Berserk en même temps, et abattit lourdement sa paluche griffue, presque trois fois plus grande qu’une main humaine. Selvie vola sur cinq bons mètres, cogna violemment contre la roche dure, et s’écrasa au sol, l’un de ses bras tordu dans un angle improbable.
Puis, il riva sur moi un regard d’or liquide, bestial, assoiffé de sang. Je grondai, tendis la main vers mon épée, agrippai maladroitement sa poignée sans me faire trop d’illusions. Barcelone se rejouait devant mes yeux. Sauf que, cette fois-ci, j’allais vraiment mourir.


| † | † |

<= Hiello !
Vous savez bien que je déteste les scènes de combat… n'est-ce pas ? :mrgreen:
En tout cas, j'espère que vous vous êtes amusés autant que moi, parce que moi, je me suis vraiment éclatée quand j'ai écrit cette scène !
Dernière modification par vampiredelivres le lun. 16 août, 2021 11:37 am, modifié 1 fois.
louji

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par louji »

Holaaa. Srx, j'ai 2 chapitres de retard ? Je pensais que j'en avais qu'un :lol: Ça me fera plus de lecture 8-)

"ou s’il était mort avec cette information." :arrow: ouais bon Lily tu vas essayer de survivre encore un peu stp hein

Les auteurs de SFFF be like : "« Ta gueule, c’est magique »"

"infestée de géants anthropophages." :arrow: ah oué

"— Sur un poney magique." :arrow: on en rêve tous

"Finalement, le temps que nous racontions nos histoires, la nuit était tombée, et nous décidâmes de passer la nuit là." :arrow: petite répétition mais c'est peut-être fait exprès

"— Non, rétorquai-je sèchement, mais le reste ne te concerne pas." :arrow: bégette 8-)

"Chacun d’entre nous, Élites, a été consacré, en fait ; c’est la raison pour laquelle Emyja nous élimine un à un. Seul un consacré à Loki peut être désigné comme l’Élu, et tu es la seule de nous tous sur qui le rituel d’appel a fonctionné." :arrow: QUOI. QUOI. QUOI. MAIS. LACHEZ PAS CETTE BOMBE SANS PREVENIR. MAMA. I NEED MY MAMA.
ohgad.
je respire.

bon, on savait déjà qu'elle était l'Élue mais je dois avouer que je suis trèèès hypée par cette fin de chapitre 8-) putaing, si c'te putchoin de Kaiser a fait tout ça pour avoir sa petite place dorée auprès de Loki... arf, ça me paraît presque trop "gentil" :lol: Mais j'ai pleiiiin de questions maintenant :evil: Si Kaiser sait que Lily a la marque, pourquoi elle s'obstine ? La marque peut-elle passer d'un Loki à un autre ? Et si chacune des Élites est un élu potentiel, que comptait-elle faire d'Adam ? Adam serait son rival du coup ? Elle aurait sacrifié son propre fils ?
FCK je dois attendre les réponses je sais :evil:
Allez, la suite :evil:


" Elle est à moitié responsable de sa capture, en vérité, et si elle est libérée…" :arrow: BWAHAHA CA PART EN STEAK A UNE VITESSE JE SUIS CHOKEY. Mais dis donc ça en fait un max d'un coup, je suis à la fois trop refaite et hyper perdue :lol: Mais ouais, plein de pistes possibles maintenant pour comprendre la mainmise de Kaiser sur la Confrérie et pourquoi elle veut garder les Élites bien pour elle... Miss Kaiser se verrait-elle devenir une pseudo demi-déesse en détenant un max de pouvoir ? Arf arf arf, le jeu de Loki en arrière contre sa fille est super intéressant du coup. Un peu l'impression que Lily n'est qu'un petit pion dans leur jeu, mais on se doute bien qu'elle va pas s'arrêter là !

"— C’est la première fille de Loki, elle doit avoir… oui, cinq bons millénaires, maintenant…" :arrow: AH OUÉ. AH OUÉ. GROS LVL. Oulala trop de révélations, mon p'tit kokoro va pas tenir

"— Emyja est ma grande-sœur, de quelques minutes à peine." :arrow: ok j'ai littéralement fait "ooooh" devant mon ordi :lol:

mais bordel Lokinette :lol:
des années qu'on se creuse les méninges autour de tout ça, pour balancer autant d'un coup ? C'est beaucoup trop génial, mais je suis sur le derrière :mrgreen:
ok donc Ôké et Emyja sont jumeaux... Y'a les mêmes côté Thor, je me demande du coup si les premiers enfants des Dieux sont toujours des jumeaux ?

"C’était quoi cette sale manie qu’il avait d’assommer les gens avec des informations dans ce genre ?" :arrow: ouais, on est d'accord Lily. Et notre petit kokoro dans tout ça ? :evil:

"C’était une très mauvaise idée." :arrow: on est d'accord ²

"— C’est pas génial, je t’avoue. Mais bon, ça fait longtemps qu’on essaie d’y remédier," :arrow: tu parles d'une solution foireuse :lol: ça pue un peu, c'est vrai

Damn, me dire que Kaiser est plus vieille que Syn... Elle a pris le nom de Synnöve pour changer d'identité ? Se faire un lifting ? Masquer qui elle est réellement ? Bwarf, peu importe, c'est juste une putchoin millénaire :roll:

"— Un abruti d’Ase prétentieux, quelle surprise ! croassais-je, forçant péniblement les mots à travers la poussière que j’inhalais à chaque inspiration." :arrow: croassai-je non ?

Ah oué, gros lvl le Vali. Kouraj Lily.

"comme s’il ne s’était pas lavé depuis des mois." :arrow: je dirais des années même mdr

Bon, je vois Lily et Selvie se démener mais que fout OKEEEEEEE

ah oué. ah oué non. non, nope, nopiti nope.
PAS DE BERSERK ALED. CA SUFFIT LE MONSIEUR LE BERSERKER
oh mama comme si elles étaient pas assez dans la mouise.
Oh c'est tendu. J'AIME.
OKE T OU. T'AS INTERET A AVOIR PREPARE UN TRUC DE FOU VIEUX.

Bon, ce chapitre est complètement dingue, clairement l'un (le) de mes préférés de ce T2. Tant pour le flot de révélations de la 1e partie que pour la scène d'action à couper le souffle de la 2e partie.
Puis wow en vrai je m'attendais vraiment pas à ce qu'on est des infos si tôt par rapport à Kaiser, je suis pas mécontente !!
Bon, j'ai très hâââââte de lire la suite :mrgreen:
TcmA

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par TcmA »

Yéyo ~

Boooon, c'est pas tout de dire "keskeptndekoi", faut développer un peu.

Emyja :
- Totalement folle, Loki lui fait peur (bien fait) et elle a été à moitié responsable de sa capture -> qui est l'autre moitié ? Odin et ses p'tits potes ? Puis Loki sait donc que c'est elle qui a vendu la mèche donc soit Emyja était présente lorsqu'il s'est fait enchainer, soit quelqu'un lui a dit (pas ouf d'apprendre que ta première née souhaite te voir enfermé et torturé toute l'éternité). On part sur des bases de bonne mif, ici aussi :')
- Elle a sûrement fait des pactes avec les AEsir (maybe des Vanir, why not, plus on est de fous, plus on rit) pour se débarrasser de ceux qui voudraient causer Ragnarök (donc les tuer + faire disparaître les Elites. Enfin, elle les voulait morts mais au final ils le sont pas. Bref) : pourquoi est-ce qu'elle ne veut pas de Ragnarök au final ? Lilith se fout de la raison principale mais pas moua. J'ai pas l'impression que ce soit histoire d'être demi-déesse ou un truc comme ça : ça fait 4000 ans que Loki est enfermé, elle fait tout pour arrêter le Ragnarök en vendant ses demi-frères et sœurs (et parfois, une petite-fille par-ci par-là, pour spicer le tout) et elle n'est que la dirigeante de la Confrérie (pour plus longtemps, avec un peu de chance)... Elle aurait déjà eu son titre/statut. Donc pour moi, y a autre chose (reste à savoir quoi).
- Puis, bon, en 5000 ans d'existence + 4000 passés dans la peur, est-ce que ça ne l'aurait pas rendue folle et ses raisons sont à chier ?

Lily :
- Boooon ben être Elue c'est quand même un job à plein temps ! Bonne chance :v
- Consécration : rituel qui vient lier l'énergie magique d'une personne à celui à qui on la consacre et les 2 gagnent en puissance : comme le symbole de Loki ? Les deux serpents qui se mordent la queue en cercle infini, qui se nourrissent l'un de l'autre ? Elites = consacrés + si Loki meurt : ils meurent. ALORS. Est-ce que Loki a choisi Lily parce qu'elle n'a pas de trame de vie ? Pas de trame de vie, pas de mort, Loki se nourrit de ce pouvoir et PAF ! (ça fait des chocapics) il est immortel ?

Mimir :
Comme on disait en voc, on a 3 questions :
- Où est la caverne ?
- Comment s'y rendre ?
- Comment libérer Loki ?
= 3 prix. Pour une même personne, ça paraît chaud. On a Lilith, Oke et Kalinou + l'agricultrice (???) qui vont chez papi Mimir, donc à voir.

La pyromagie revient souvent en ce moment : message ou indice ?

J'ai pas grand chose à dire sur Vali. Le mec a une armure de crasse, c'est... fun ? En tout cas, bien sympa de lire sa page Wikipédia. A voir ce que sa transformation Berserk va donner (rien de bon aled). Pronostics sur qui va venir sauver Lily : Ôké ? Pas Kalinou. Maxou qui les a retrouvé, même si c'est très peu probable + il va pas risquer sa peau contre Vali aled je le comprend ? Qui sait.

Allez, un p'tit interlude et on aura nos réponses !

La bise~
vampiredelivres

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Re: Le Cycle du Serpent [I & II] [(Urban) Fantasy / Action / Mythologie nordique]

Message par vampiredelivres »

Yosh vous deux, j'ai l'impression que ça fait longtemps que je ne vous ai pas parlé ! :lol:
Bon je vais vous répondre proprement, au cas où ça intéresse d'autres personnes que nous trois folles x)

louji a écrit : sam. 14 août, 2021 10:26 pm Holaaa. Srx, j'ai 2 chapitres de retard ? Je pensais que j'en avais qu'un :lol: Ça me fera plus de lecture 8-) Tant mieux j'ai envie de dire, non ?

"ou s’il était mort avec cette information." :arrow: ouais bon Lily tu vas essayer de survivre encore un peu stp hein Please ? Moi j'veux bien qu'elle survive aussi.

Les auteurs de SFFF be like : "« Ta gueule, c’est magique »" En même temps y'a des trucs… comment tu fais pour justifier ça ???

"infestée de géants anthropophages." :arrow: ah oué Bonne ambiance.

"— Sur un poney magique." :arrow: on en rêve tous Lily craquage surtout x)

"Finalement, le temps que nous racontions nos histoires, la nuit était tombée, et nous décidâmes de passer la nuit là." :arrow: petite répétition mais c'est peut-être fait exprès Je note, merci !

"— Non, rétorquai-je sèchement, mais le reste ne te concerne pas." :arrow: bégette 8-) Eh, elle assume ses relations :mrgreen:

"Chacun d’entre nous, Élites, a été consacré, en fait ; c’est la raison pour laquelle Emyja nous élimine un à un. Seul un consacré à Loki peut être désigné comme l’Élu, et tu es la seule de nous tous sur qui le rituel d’appel a fonctionné." :arrow: QUOI. QUOI. QUOI. MAIS. LACHEZ PAS CETTE BOMBE SANS PREVENIR. MAMA. I NEED MY MAMA.
ohgad.
je respire.
Voui, respire. C'est pas fini.
(Sinon dans la case "relou qui lâche des bombes au quart de tour", Ôké est un champion :lol: )


bon, on savait déjà qu'elle était l'Élue mais je dois avouer que je suis trèèès hypée par cette fin de chapitre 8-) putaing, si c'te putchoin de Kaiser a fait tout ça pour avoir sa petite place dorée auprès de Loki... arf, ça me paraît presque trop "gentil" :lol: Mais j'ai pleiiiin de questions maintenant :evil: Si Kaiser sait que Lily a la marque, pourquoi elle s'obstine ? La marque peut-elle passer d'un Loki à un autre ? Et si chacune des Élites est un élu potentiel, que comptait-elle faire d'Adam ? Adam serait son rival du coup ? Elle aurait sacrifié son propre fils ?
FCK je dois attendre les réponses je sais :evil:
Allez, la suite :evil:
Comme je te le disais en voc, Kaiser ne sait pas nécessairement que Lily en particulier a la marque, mais elle s'en doute quand même fortement. La plupart des Élites ont été consacrés, et c'est plausible que l'un d'entre eux ait été choisi comme Élu. Mais au-delà, elle ne visait pas Lily personnellement. Adam quant-à lui… elle aurait essayé de le convaincre, probablement.

" Elle est à moitié responsable de sa capture, en vérité, et si elle est libérée…" :arrow: BWAHAHA CA PART EN STEAK A UNE VITESSE JE SUIS CHOKEY. Mais dis donc ça en fait un max d'un coup, je suis à la fois trop refaite et hyper perdue :lol: Mais ouais, plein de pistes possibles maintenant pour comprendre la mainmise de Kaiser sur la Confrérie et pourquoi elle veut garder les Élites bien pour elle... Miss Kaiser se verrait-elle devenir une pseudo demi-déesse en détenant un max de pouvoir ? Arf arf arf, le jeu de Loki en arrière contre sa fille est super intéressant du coup. Un peu l'impression que Lily n'est qu'un petit pion dans leur jeu, mais on se doute bien qu'elle va pas s'arrêter là !
Y'a plein de trucs que tu dis et auxquels je ne peux pas répondre ou sur lesquels je ne peux pas encore rebondir :lol:

"— C’est la première fille de Loki, elle doit avoir… oui, cinq bons millénaires, maintenant…" :arrow: AH OUÉ. AH OUÉ. GROS LVL. Oulala trop de révélations, mon p'tit kokoro va pas tenir
Respire, encore une fois x)

"— Emyja est ma grande-sœur, de quelques minutes à peine." :arrow: ok j'ai littéralement fait "ooooh" devant mon ordi :lol:
Ooooooh :lol:

mais bordel Lokinette :lol:
des années qu'on se creuse les méninges autour de tout ça, pour balancer autant d'un coup ? C'est beaucoup trop génial, mais je suis sur le derrière :mrgreen:
ok donc Ôké et Emyja sont jumeaux... Y'a les mêmes côté Thor, je me demande du coup si les premiers enfants des Dieux sont toujours des jumeaux ?
C'est vrai qu'il est tôt par rapport à vos pronostics de révélations, mais je pense que c'est le bon moment. Oké est un excellent vecteur d'informations, le problème c'est que, comme tu l'imagines avec son sale caractère, il risque de ne pas rester très longtemps. (Il vient à peine de menacer de buter Lily, hein.) Donc faut déployer les infos dès que possible, d'autant que ce sera quand même utile plus tard.

"C’était quoi cette sale manie qu’il avait d’assommer les gens avec des informations dans ce genre ?" :arrow: ouais, on est d'accord Lily. Et notre petit kokoro dans tout ça ? :evil:
Il souffre.

"C’était une très mauvaise idée." :arrow: on est d'accord ²
on est d'accord ³

"— C’est pas génial, je t’avoue. Mais bon, ça fait longtemps qu’on essaie d’y remédier," :arrow: tu parles d'une solution foireuse :lol: ça pue un peu, c'est vrai
Arf ça pue les embrouilles.

Damn, me dire que Kaiser est plus vieille que Syn... Elle a pris le nom de Synnöve pour changer d'identité ? Se faire un lifting ? Masquer qui elle est réellement ? Bwarf, peu importe, c'est juste une putchoin millénaire :roll:
Exact, elle a changé de nom. Après, elles ont à peu près le même âge, Syn et Kaiser (tu comptes plus à quelques dizaines d'années près quand tu vis quatre ou cinq millénaires). Elle a surtout changé d'identité pour se planquer et se faire oublier de sa chère maman qu'elle a trahie x)

"— Un abruti d’Ase prétentieux, quelle surprise ! croassais-je, forçant péniblement les mots à travers la poussière que j’inhalais à chaque inspiration." :arrow: croassai-je non ? Voui.

Ah oué, gros lvl le Vali. Kouraj Lily.

"comme s’il ne s’était pas lavé depuis des mois." :arrow: je dirais des années même mdr Quelques siècles même :roll:

Bon, je vois Lily et Selvie se démener mais que fout OKEEEEEEE Bonne question !

ah oué. ah oué non. non, nope, nopiti nope.
PAS DE BERSERK ALED. CA SUFFIT LE MONSIEUR LE BERSERKER
oh mama comme si elles étaient pas assez dans la mouise.
Oh c'est tendu. J'AIME.
OKE T OU. T'AS INTERET A AVOIR PREPARE UN TRUC DE FOU VIEUX.
De fou, je sais pas. Mais ouais, là, faut qu'il gère.

Bon, ce chapitre est complètement dingue, clairement l'un (le) de mes préférés de ce T2. Tant pour le flot de révélations de la 1e partie que pour la scène d'action à couper le souffle de la 2e partie.
Puis wow en vrai je m'attendais vraiment pas à ce qu'on est des infos si tôt par rapport à Kaiser, je suis pas mécontente !!
Bon, j'ai très hâââââte de lire la suite :mrgreen:
Eh ben contente que ça te plaise ! Je me suis vraiment aussi amusée sur ce chapitre, et puis ça fait du bien de ne pas retenir les infos, de lâcher quelques trucs importants !
Brefff, la bise et à bientôt !

TcmA a écrit : lun. 16 août, 2021 2:28 am Yéyo ~

Boooon, c'est pas tout de dire "keskeptndekoi", faut développer un peu.

Emyja :
- Totalement folle, Loki lui fait peur (bien fait) et elle a été à moitié responsable de sa capture -> qui est l'autre moitié ? Odin et ses p'tits potes ? Puis Loki sait donc que c'est elle qui a vendu la mèche donc soit Emyja était présente lorsqu'il s'est fait enchainer, soit quelqu'un lui a dit (pas ouf d'apprendre que ta première née souhaite te voir enfermé et torturé toute l'éternité). On part sur des bases de bonne mif, ici aussi :')
- Elle a sûrement fait des pactes avec les AEsir (maybe des Vanir, why not, plus on est de fous, plus on rit) pour se débarrasser de ceux qui voudraient causer Ragnarök (donc les tuer + faire disparaître les Elites. Enfin, elle les voulait morts mais au final ils le sont pas. Bref) : pourquoi est-ce qu'elle ne veut pas de Ragnarök au final ? Lilith se fout de la raison principale mais pas moua. J'ai pas l'impression que ce soit histoire d'être demi-déesse ou un truc comme ça : ça fait 4000 ans que Loki est enfermé, elle fait tout pour arrêter le Ragnarök en vendant ses demi-frères et sœurs (et parfois, une petite-fille par-ci par-là, pour spicer le tout) et elle n'est que la dirigeante de la Confrérie (pour plus longtemps, avec un peu de chance)... Elle aurait déjà eu son titre/statut. Donc pour moi, y a autre chose (reste à savoir quoi).
- Puis, bon, en 5000 ans d'existence + 4000 passés dans la peur, est-ce que ça ne l'aurait pas rendue folle et ses raisons sont à chier ?

Lily :
- Boooon ben être Elue c'est quand même un job à plein temps ! Bonne chance :v
- Consécration : rituel qui vient lier l'énergie magique d'une personne à celui à qui on la consacre et les 2 gagnent en puissance : comme le symbole de Loki ? Les deux serpents qui se mordent la queue en cercle infini, qui se nourrissent l'un de l'autre ? Elites = consacrés + si Loki meurt : ils meurent. ALORS. Est-ce que Loki a choisi Lily parce qu'elle n'a pas de trame de vie ? Pas de trame de vie, pas de mort, Loki se nourrit de ce pouvoir et PAF ! (ça fait des chocapics) il est immortel ?

Mimir :
Comme on disait en voc, on a 3 questions :
- Où est la caverne ?
- Comment s'y rendre ?
- Comment libérer Loki ?
= 3 prix. Pour une même personne, ça paraît chaud. On a Lilith, Oke et Kalinou + l'agricultrice (???) qui vont chez papi Mimir, donc à voir.

La pyromagie revient souvent en ce moment : message ou indice ?

J'ai pas grand chose à dire sur Vali. Le mec a une armure de crasse, c'est... fun ? En tout cas, bien sympa de lire sa page Wikipédia. A voir ce que sa transformation Berserk va donner (rien de bon aled). Pronostics sur qui va venir sauver Lily : Ôké ? Pas Kalinou. Maxou qui les a retrouvé, même si c'est très peu probable + il va pas risquer sa peau contre Vali aled je le comprend ? Qui sait.

Allez, un p'tit interlude et on aura nos réponses !

La bise~
Esh re-bonjour !

Emyja :
- Crazy crazy ouais. Oui, Odin et les copinous Æsir ^^ Yas, il a pas spécialement apprécié, donc les relations familiales sont peut-être un peu parties en vrille à ce moment-là…
- Oui et oui, après tout, tous les alliés sont bons pour se débarrasser des Élites ! Et puis, pourquoi elle a peur de Ragnarök… bah deux raisons relativement simples et justifiées jusque là :
1) elle a quand même vachement peur de mourir
2) Ragnarök ⬄ libération de Loki ⬄ Loki peut lui tomber sur la gueule à tout moment pour lui faire payer sa trahison. Moyen motivée, hein.
- Aaaaah, ça c'est encore un autre débat x)

Lily :
- Effectivement, c’est un job à plein temps, et pas le plus évident en plus !
- L’idée est excellente, mais dans l’application ici, Loki y gagne moins que Lily dans la mesure où Lily n’est pas immortelle et ça ne lui donne pas la possibilité de s’arracher à son destin juste comme ça. En revanche, le fait que ce soit Lily qui a été choisie est effectivement lié à sa trame de vie (enfin, son absence de trame !), mais pas aussi volontairement et consciemment que tu pourrais le croire. Bref, réponses une autre fois.

Mimir :
- Pour une même personne, c’est un peu beaucoup, oui. Ou en tout cas, le prix va picoter. A voir donc :mrgreen:

Il y a effectivement une raison, bien joué pour l’avoir remarqué ! La réponse soon ^^

Vali est juste une grosse brute épaisse, il n’y a pas grand chose de plus à dire sur lui… mais oui, rien de bon, c’est une bonne description.
Les réponses bientôt ! Merci d’avoir quand même pris le temps de faire un commentaire :)
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Le Cycle du Serpent [II] : L'Alliance des Déchus

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INTERLUDE


Les enregistrements des drones de la Faction ont été très quasiment impossibles à obtenir et à déchiffrer. Mais, maintenant qu’elle a la vidéo sous les yeux, maintenant qu’elle réalise, elle aurait préféré ne jamais les avoir. L’inquiétude qu’elle avait ressentie jusque-là n’est rien par rapport à la tempête de terreur qui la ronge désormais. La porte de son bureau est close, verrouillée à clé. Personne n’entrera. Personne ne sait, à part les analystes, et elle exigera qu’ils prennent un amnésique. Personne ne saura.
Son regard revient sur les silhouettes. La vidéo a été éclaircie si désagréablement que tout l’environnement en devient d’un blanc trop éclatant. Dans les volutes des fumigènes qui ont été lancés durant les combats, les formes sont troubles, floues, impossibles à identifier. Mais elles sont nombreuses. Trop nombreuses.
Elle soulève lentement le téléphone, essayant de maîtriser ses tremblements, d’endiguer sa terreur. Tandis qu’il sonne, elle compte à nouveau les silhouettes présentes. Elle en connaît trois presque avec certitude. Kaldtjis et Síverdín, qui ont été identifiées par ses soldats. Et l’un de ses hommes lui a assuré être certain d’avoir reconnu d’Aube-Court.
Mais s’il y a d’Aube-Court, il peut y en avoir d’autres, plus vieux encore, plus dangereux encore.
— Synnöve, comment vas-tu ?
La voix grave, pareille à un roulement de tonnerre, tente en vain d’être chaleureuse, mais rien ne peut dissimuler la pointe d’anxiété qui perce malgré tout.
— Vous étiez censé les avoir tués.
— Qui ça ? Je me perds sur la liste de ceux dont tu as commandité le meurtre. Pour ta petite Élite, je t’ai déjà expliqué que ça ne rentrait pas dans nos intérêts.
— Laisse tomber Lilith, elle n’est qu’un problème mineur pour le moment. Björn, combien de temps pensais-tu pouvoir me le cacher ? Sur les enregistrements, ils sont au moins huit.
Björn soupire audiblement.
— Ils ne sont pas tous de chez toi, je t’assure.
— Un seul d’entre eux suffirait.
— Mmhm.
Elle inspire profondément, détache chaque mot.
— Combien sont-ils ?
Un silence.
— On les avait quasiment détruits.
— Quasiment ne suffit pas, Björn, pas avec eux. Maintenant, ils vont chercher à avoir notre peau.
Un rire.
— Pour ça il faudrait qu’ils franchissent les murs de nos forteresses.
Au son de sa voix, elle devine que malgré toute sa suffisance, il a peur. Il réalise lui aussi qu’avec les anciens Élites libres, leurs vies vont devenir un enfer. Les morsures de Nídhögg seront plus douces à côté de ce qu’ils pourraient leur infliger s’ils mettaient la main sur eux. Ils auront aiguisé leurs crocs, entériné leur rage et leur haine, affûté leur souffrance pour s’en servir comme d’une arme destructrice. Ils sont capables de tout, et surtout du pire, et ils n’ont rien à perdre.
C’est pour ça qu’ils auraient dû mourir.
—Björn ? Je vais t’envoyer un enregistrement, et tu vas le regarder. Ensuite, tu vas me dire tous les noms de ceux qui se sont échappés.
Elle prend une profonde inspiration, maîtrise sa voix. Elle peut faire appel à son dernier recours, désormais. Ils n’ont plus Vanessa, ils n’ont plus de point de pression sur elle. Et cette guerre qu’elle doit mener contre ses anciens Élites, elle doit la mener avec toute sa force, toute la puissance de la Confrérie, et toute celle qu’elle peut exiger des autres Maisons.
— Et tu tiendras à ma disposition un régiment des tiens pour que je puisse les éliminer définitivement.
— Tu plaisantes ?
— Absolument pas. Tu ne voudrais pas qu’il arrive du mal à Alex, non ?
Björn gronde, et elle raccroche. Les mains tremblantes, elle reprend son ordinateur. Elle sait qu’elle vient de mettre un couteau à la gorge de son meilleur allié. Mais il y survivra. En revanche, pour qu’ils survivent tous les deux, il faut qu’ils se serrent les coudes, et puisqu’il ne semble pas déterminé à le faire de bonne volonté, elle le fera à sa place. Il ne lui en voudra que pour les trois cents prochaines années, mais après tout, qu’est-ce donc à l’échelle de cinq millénaires d’existence ?
Elle appuie par mégarde sur une touche, qui relance l’enregistrement. Et soudain, elle remarque quelque chose, et son souffle se glace dans sa poitrine. Des aiguilles de lumière, utilisées comme des armes, des couteaux de lancer, manipulées à distance. Un message destiné à elle seule, puisqu’il n’y a jamais eu que deux demi-divins capables d’une telle maîtrise.
Elle.
Et son frère.
Son frère qui, des millénaires plus tôt, a juré de la détruire.

| † | † |


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Dernière modification par vampiredelivres le lun. 23 août, 2021 4:43 am, modifié 1 fois.
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