Ruby Rivera
Mentor - 20 ans - District 4 - Quelque part dans les couloirs - Avec Breana Stolen
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Bien sûr que les futures générations auraient besoin que les Jeux cessent! Je n'ai pas dit le contraire... Toutefois, il faut être réaliste. Les Jeux ne cesseront pas tant que tout le monde se contente de les suivre les yeux fermés et la bouche close. Il faudrait renverser le gouvernement en place, leur envoyer un bon gros coup de poing sur la gue*le pour qu'ils se la ferment et se terrent dans un trou si profond que nous ne viendrons pas les chercher. Mais personne ne le fera. Pas maintenant. Peut-être jamais. J'ai le désir de le faire, un jour. Mais c'est encore trop tôt. Beaucoup trop tôt. Ça ne va faire que quinze ans depuis la fin de la première rébellion. Personne est prêt à se battre à nouveau. Tout le monde a encore trop les horreurs en tête. Mais ça ne sera que de plus en plus pire. Ne le voient-ils pas? Je le vois moi. Mais en ce moment, ce que je vois surtout, c'est le fait que Breana ne semble pas m'avoir cru. Pourtant, c'est la vérité. Mais tant pis... Je lâche rapidement d'un ton neutre en regardant distraitement mes doigts:
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Je n'ai jamais dit le contraire. Mais c'est le genre de commentaire qui peut coûter cher.
Prends garde. Fais attention. Personnellement, je me moque pas mal de ce que j'ai dit. Ils finiront de toute manière par trouver un moyen de se débarrasser de moi. En me prenant la vie ou en me prenant ma santé mentale. Une fois que l'un ou l'autre aura disparu, il ne restera plus rien de moi. Soit je serai perdu à jamais dans l'océan, soit je serai incarcéré quelque part en ne me souvenant plus de qui je suis et de qui je ne suis pas. De ce qui est réel et de ce qui ne l'est pas. Ce dernier scénario m'effraie, car autant parfois j'ai envie d'oublier... autant je sais que je ne le veux pas vraiment. Je veux me souvenir, car j'en ai besoin. C'est ma bouée à laquelle je ne peux me soustraire. La bouée qui me permet d'avancer sans couler et me noyer. Peut-être qu'entretenir mes souvenirs fait en sorte d'entretenir ma rage et ma haine, mais si tel est le prix à payer pour continuer d'avancer et ne pas oublier, je m'en fous.
Je ne sais pas pourquoi, mais sa compassion me laisse un goût aigre dans la bouche. Je n'ai pas besoin de la compassion des autres, ce n'est pas moi qui est à plaindre, mais elle. Elle avec sa chance de ne pas se voir altérer l'esprit ou gâcher la vie à jamais. Oh, bien sûr, il est déjà trop tard. Pour elle aussi. Soit elle meurt, soit elle survit et comprendra ce que je veux dire par ne jamais quitter les Jeux. Ce n'est pas seulement à cause de mon rôle de mentor que je ne quitte jamais les Jeux. Non, pas seulement. On y revient tout le temps... dans nos rêves. Dans des situations habituelles de la vie de tous les jours, mais qui en une seconde peuvent nous faire replonger dans nos plus terribles souvenirs. Une seconde tu te déplaces dans le quartier que tu aimes, la seconde suivante un bruit te ramène dans tes cauchemars et te revoilà dans l'Arène. Personne n'en parle. Personne ne veut le savoir. Mais tout le monde le sait, ne serait-ce que par un doute qui s'insinue dans ton esprit quand nos regards se font vague une seconde, que nos poings se crispent ou que l'on menace quelqu'un d'autre d'un couteau à beurre. La vie n'est pas simple, jamais, mais quand on est un survivant aux Jeux... elle l'est encore moins. Mon regard se pose sur elle, peut-être un peu trop dur, puis les mots m'échappent, aussi rocailleux qu'un éboulement de rocher:
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On n'y replonge pas seulement à chaque année. Parfois... il suffit de fermer les yeux.
Je suis ma propre remarque, fermant les yeux une seconde et ça me suffit. Mes poings se crispent alors que je les revois. Les corps. Morts. Désarticulés. Avec un bout manquant pour certains. La lance dans le corps de Seal... Je rouvre les yeux, la mâchoire crispée. Nos souvenirs ne nous quittent jamais. Du moins, c'est le cas pour moi. Je ne sais pas pour les autres. Certains sont trop obnubilé par leur propre intelligence lors des Jeux pour comprendre les enjeux. Ils ont tué. D'autres, se disent que c'était justifié. Ils ne voulaient pas mourir. D'autres vont en vouloir éternellement au Capitole jusqu'à en oublier les horreurs de leurs Jeux. Et certains, comme moi, mélangeront plusieurs de ces scénarios. Dans mon cas? La haine du Capitole et le fait d'être hanter par mes souvenirs. Je m'efforce de me calmer, de détendre mes muscles... mais c'est difficile. Si difficile...
Je la regarde avec un air las alors qu'elle réagit peu ou prou comme je m'y attendais. Peut-être que j'aurais dû utiliser un terme autre que Chaperon? Ou pas. Je n'en pas grand-chose à faire. Je n'insinuais rien en rapport aux garçons, même si l'emploi du mot chaperon est justement lié à eux. Mais pourquoi devrais-je m'empêcher d'utiliser des termes hors de leur contexte? Les quiproquos que cela engendre sont parfois très intéressant. Et parfois... pas. Évidemment. Je ne peux qu'être d'accord avec elle, par contre. Elle est aussi bien de ne pas fréquenter les gars de si tôt, ce serait la pire bêtise à faire. Je lui dis avec un sourire quelque peu sombre:
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C'est aussi bien que tu te tiennes loin d'eux, si tu veux mon avis. Pour plus d'une raison.
La première, elle n'arrivera jamais à supporter leurs contacts. La deuxième? Aimer quelqu'un dans les Jeux, c'est le chagrin assuré. Tu finis par mourir ou voir mourir celui ou celle que tu aimes. L'idéal dans ce genre de scénario, c'est de mourir les deux dans l'Arène. Comme ça, personne n'aura à supporter l'absence de l'autre. L'ironie la plus terrible serait de tomber amoureux d'un tribut d'un autre district. Les rapprochements entre ceux de même district ne sont pas, à proprement parlé, rare. Parfois, c'est une comédie pour s'assurer que l'autre ne nous tue pas, parfois c'est la vérité. Dans tous les cas, ça finit quand même très mal. Mais alors une amourette entre deux tributs de district différent? Ce serait dangereux. Très dangereux. C'est voué à l'échec avant même de commencer. Et puis,les Juges ne le permettront jamais. Ça ressemblerait beaucoup trop au tragique amour interdit, car même s'ils survivraient tous les deux (ce qui est impossible) ils ne pourraient toujours pas être ensemble. Après, les idiots du Capitole pourraient sans doute apprécier ce scénario sans précédent!
Ne pas avoir le temps de faire tout ce qu'on veut? Je peux le comprendre. Mais, en un sens, c'est jamais le cas. On n'aura jamais le temps de faire tout ce que l'on veut. Jamais. Parfois, simplement, car certaines des choses que l'on veut faire nous sera impossible à jamais. Que l'on soit simple habitant de district ou vainqueur, on n'a pas le droit d'aller visiter qui que ce soit, sauf peut-être aller au Capitole. Mais une fois par an me suffit généralement... Sa réflexion sur les douches du Capitole me font ricaner. Je lui réponds, toujours en riant légèrement:
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Je crois que personne dans les districts ne peut se vanter d'avoir déjà pris, chez lui, une douche comme on peut en prendre ici. Sauf peut-être les districts un et deux. Quant à ne pas avoir le temps de faire tout ce que tu veux. Tout le monde est dans la même galère, tu sais. Il suffit simplement d'en faire le plus possible dans le temps qui nous ait donné.
Et dans les limites du raisonnable, je suppose. Par exemple, et je ne parle pas à titre personnel, le meurtre n'est peut-être pas conseillé. À moins que tes jours soient comptés, que tu n'as plus rien à perdre et que tu as une assez bonne raison. L'image de moi en tant que vieille dame me traverse l'esprit et je me vois presque brandir ma canne pour assommer tous les stupides Juges des Jeux, voire de leur faire beaucoup plus mal encore. Avec cette même canne. C'est presque une image réconfortante... Je souris légèrement à cette pensée, mais malgré tout, j'espère ne pas avoir à attendre jusque-là avant de pouvoir assouvir ma vengeance.
Mes lèvres s'étirent en un immense sourire, qui pourrait sans doute sembler inquiétant, mais je n'en ai cure. L'idée de pouvoir peut-être inciter une jeune âme innocente à prendre de la crème glacée me semble... fantastique. Elle n'a sans doute jamais mangé quoi que ce soit d'aussi délicieux. Par contre, ce qu'elle dit ensuite transforme mon sourire immense et satisfait en un éclat de rire incontrôlable. S'infiltrer chez les carrières, hein? Fabuleux! Je n'y avais pas pensé à mes Jeux, mais ça pourra sans doute lui apprendre certaines choses. Je pointe rapidement un doigt sur elle et m'exclame:
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Toi, je t'aime bien finalement! Si ça ne te dérange pas trop... reviens me voir quand tu les auras visité. Je serais très intéressée par les informations que tu glaneras sur leurs locaux. J'irais bien moi-même, mais je ne passerai jamais inaperçu.
Je prends une petite pause avant d'ajouter:
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Tu ne regretteras pas la crème glacée, j'en suis sûre. Ni le reste de la nourriture. Le gavage n'est pas une mauvaise idée en tout cas. Si tu veux me suivre, je peux te montrer où aller pour obtenir la meilleure nourriture. Et crème glacée.
Elle est tellement bonne leur crème glacée. J'esquisse un sourire que j'espère suffisamment sympathique et d'un mouvement de la main, je lui présente le couloir, comme pour illustrer mes propos. À force de venir ici, je connais assez bien les lieux. Les plus fréquentables et les moins fréquentables. Par exemple, je n'ai pas l'intention de retourner au bar de sitôt.