Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

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x-Key

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Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par x-Key »

Bonjour à tous !

Le concours d'écriture d'août a pour thème : À travers les yeux d'un animal ! Vous avez jusqu'au 31 août pour poster vos textes ici-même, sur ce sujet.

Image



Pour rappel :

♦ Vous avez tout le mois (et pas plus !) pour poster votre texte sur le sujet, nous n'accepterons pas les retardataires.
♦ Un jury composé de plusieurs personnes lira ensuite vos créations littéraires et désignera le texte vainqueur. Le gagnant sera récompensé d'un badge spécial et d'une petite surprise.
♦ Tous les types de textes sont acceptés (fiction, histoire vraie, nouvelle, essai, en vers, en prose) du moment qu'ils collent au thème !
♦ Il n'y a pas de limites minimum de caractères. En terme de taille, le format d'une nouvelle de 15 000 signes (environ 7 pages) est le maximum qui sera accepté.
♦ Faites attention à votre expression et à votre orthographe, il est toujours plus agréable de lire des textes écrits dans un français correct ;)
♦ Attention : Seuls les membres de Booknode dont le profit sera un minimum complété (quelques livres en biblio et infos sur le profil) pourront participer, peu importe votre date d'inscription. Vous pouvez très bien vous être inscrits la veille, il n'y a aucun soucis, tant qu'il est clair que vous ne vous êtes pas inscrits sur le site juste pour participer et ne jamais y revenir ;)

Bonne chance à tous !
Wonderbooks

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Wonderbooks »

Bonjour, ma question va peut-être vous paraitre débile mais bon. Je me demandais si le récit devait être raconter du point de vue de l'animal à la première personne du singulier ou est ce qu'il peut être raconter à la troisième personne ?
x-Key

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par x-Key »

Wonderbooks a écrit :Bonjour, ma question va peut-être vous paraitre débile mais bon. Je me demandais si le récit devait être raconter du point de vue de l'animal à la première personne du singulier ou est ce qu'il peut être raconter à la troisième personne ?
Les deux, il faut juste que l'histoire raconte le point de vue de l'animal, ça peut être avec le "je", mais ça peut être un narrateur omniscient à la troisième personne ^^
jfjs

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par jfjs »

Bonjour, bonjour,

voici mon texte pour le concours de ce mois-ci.
Bonne lecture et amusez-vous bien ^^

belle journée

Neko Harry

Je m'présente, je m'appelle Henri
Moi, c’est Harry.
J'voudrais bien réussir ma vie, être aimé
Là- dessus, j’ai vraiment pas à me plaindre.
Être beau, gagner de l'argent
L’argent est un problème que je laisse aux humains. Quant à être beau… Ma couleur est la même que les cheveux du héros de « slam dunk ». Je suis un superbe rouquin de gouttière.
Puis surtout être intelligent
Je mange pas le blanc du jambon.
Mais pour tout ça il faudrait que j'bosse à plein temps
Mais je bosse. Je travaille tous les jours à mon style de vie et à faire des blagues. Je vis chez un adorable couple de retraité. En fait, ce sont eux qui vivent chez moi. Lui me laisse pratiquement tout faire, elle est plus sévère. Je vous ai dit que j’aime faire des blagues, en voilà quelques unes : 5h du mat’, je saute sur leur lit et je passe et repasse au pied du lit jusqu’à ce qu’elle se réveille. Je l’attire vers la cuisine, elle me sert au radar une belle poignée de croquettes fraîches (le petit déjeuner est le repas le plus important de la journée), je ne vais en manger que 3. Ça me fait rire, elle pas trop. J’ai aussi une variante, elle me donne toujours des croquettes, je n’en mange aucune et je vais miauler tout mon saoul auprès de son mari tout en passant et repassant sur les couvertures jusqu’à ce qu’il ouvre les yeux. Ils se lèveront tous les deux. Ils iront à la cuisine, il verra que mon écuelle est pleine, il me mettra quelques croquettes et je me précipiterai dessus. Elle, ça la rend folle, lui est mon complice.

Après mon petit-déj., tour du propriétaire, petite sieste. Puis séance de caresse car j’ai oublié de vous dire que je suis comme Toshio essayant d’attraper Hitomi (trop bien les Cat’s eye), je ne me laisse attraper que quand je veux. Je grimpe sur la table de la salle à manger et je me couche sur le journal qu’elle est en train de lire et je me mets à « miauronner ». Elle craque littéralement. Et je me couche sur le dos et me tortille dans tous les sens. Je ne veux que 15 caresses. Pas une de plus. Si elle dépasse, léger coup de patte et sans griffe naturellement. Elle a déjà essayé de me piéger mais nous les bêtes, nous sommes intelligentes et bien plus qu’on ne croit. Après ça, je vais sur le balcon et je surveille ce qui se passe dans le quartier et puis j’attends le passage du petit voisin qui habite juste en dessous de chez moi quand il revient de l’école et me salue depuis le parking d’un « Bonjour Harry ».

Mon maître revient du jardin et j’aime aller farfouiller dans les sacs qu’il ramène. C’est plein de bonnes odeurs de terre et puis je suis un chat un peu particulier : je suis végétarien sur les bords. J’aime croquer des haricots mais avant je joue avec dans toute la maison (ils leur arrivent dans retrouver des mois après dans les endroits les plus improbables du logement), me régaler de champignons, de petits pois, de lentilles (je mangerai plus tard, et encore, les saucisses qui sont avec) mais mon péché mignon et sa maîtresse le sait, ce sont les pommes de terre et l’eau dans laquelle elles ont trempées une fois épluchées. J’adore !!! Évidemment, c’est beaucoup plus drôle quand je choure ces légumes que quand ils me les donnent. Cela leur donne un tout autre goût. Tous les êtres de mon espèce savent ça.

Je me cultive. Je lis le journal quand ils sont partis et j’écoute la radio à midi quand ils dînent. Je m’amuse autant que je peux seul ou avec eux. Le soir, le rite est immuable. Ils vont regarder le feuilleton quotidien et je vais m’installer le long de la jambe de ma maîtresse qui se sera allongée sur le canapé. Lui a déjà essayé de prendre sa place. Pas question. Je lui fais déjà assez d’autres farces à elle comme ça, alors là c’est sacré ! Quand le feuilleton sera fini, j’irai me coucher dans ma cabane ou j’irai tranquillement lire alors qu’eux dormiront jusqu’à ce que je les réveille à 5h du mat’… pour une autre farce !!!


Les phrases en italiques sont de Daniel BALAVOINE « Le chanteur ».
Lalilol

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Lalilol »

Bonjour, bonjour,

Je ne pensais pas participer mais voilà que j'ai eu une petite idée. Ce texte n'a pas été écrit spécifiquement pour ce concours mais je trouve qu'il colle très bien ! J'espère que vous aimerez.

Glouton et le festin (j'avais oublié le titre :? )

Un festin se préparait ! Glouton avait senti l’odeur avant même d’arriver dans la cuisine et le festival qui se déroulait devant ses yeux était de loin le plus merveilleux du monde…

D’abondantes entrées exposaient leurs délicieuses beautés, des fruits de mer en tous genres se prélassaient et bronzaient doucement dans l’huile, des déserts peu chastes dévoilaient leurs courbes alléchantes…

Miam !

Glouton en avait l’eau à la bouche. Quel dommage qu’on ne l’avait pas invité au festin ! Il aurait volontiers mangé tous ces mets exquis et raffinés.

Ah ! Il s’imaginait tellement croquer dans ce magnifique pain de viande à la croûte dorée et appétissante. Hmmm… Croustillant et moelleux à la fois, quel délice !

Et puis ce gigantesque cochon au lait, cuit si lentement qu’il fondra dans la bouche… Mon dieu ! Il ne pourrait résister s’il ne s’éloignait pas de cette cuisine.

Mais…

Voilà qu’apparaissent les pommes de terre cuites au four par Madame la cuisinière…. Ses sens frétillèrent de plaisir ! Leurs succulentes chaires aromatisées au thym...

Oh ! Que voyait-il là-bas ? Pauvres choux à la crème, aux rondeurs généreuses qui trahissaient leur bien trop grande gourmandise, abandonnés dans un coin de la cuisine… Peut-être que personne ne remarquerait s’il manquait un ? Ou deux ?

Seuls, dans un coin de la cuisine, sans personnes à côté, sans…

Seigneur ! Comment pouvait-il y résister ?

Glouton s’approcha de ces délicieuses tentations.

Le repas était servi !

Il en salivait déjà. Rien qu’une bouchée, une minuscule bouchée…

« AAAAAAAAAAH ! UN RAT ! IL Y A UN RAT DANS LA CUISINE ! »

Et zut ! Le festin sera pour une prochaine fois, pensa Glouton en s’enfuyant au plus vite.
Alexia_Dan

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Alexia_Dan »

Bonjour, voici ma participation:

Azur, le loup solitaire


Je m'appelle Azur et je suis un loup solitaire. Ma meute ne voulait plus de moi depuis l'incident. Me voilà seul, maintenant. Seulement parce que j'ai défendu mon frère. Je me rappelle cela comme si c'était hier. Nous venons tout juste d'être présentés à Louffo, le chef de la meute. Nous étions 5: Myra, Zourri, Brocky, Lav et moi. Notre père nous souhaita la bienvenue dans la meute. C'est à ce moment, que j'ai vu que Louffo s'intéressait d'avantage à moi. Moi, le louveteau qui se tenait fièrement devant son chef avec un regard respectueux. Je l'admirais et il l'avait bien remarqué. C'est surement à cause de cela qu'il me fixait. Son regard semblait sympathique et sincère, comme s'il regardait dans mon avenir. Moi, je ne comprenais pas ce que j'avais de si spécial. Je n'étais qu'un louveteau et je ne méritais pas toute cette attention. Pourquoi ne s'est-il pas intéressé à mes frères et soeurs? Myra était un louveteau déterminé qui deviendrait un atout pour la meute. Zourri, elle, était excité mais ne laissait rien paraître ce qui prouvait qu'elle avait envie d'apprendre. Ensuite il y avait Brocky. Il était sérieux et sage. Il voulait avoir un rôle important dans la meute et était prêt à le prouver. Quant à Lav, il restait en retrait. Il était timide et intimidé par les adultes. On voyait qu'il allait devenir un Omega! Mais moi, je n'avais rien de tout ça. Tout ce que je voulais était de servir ma meute et même maintenant je n'ai pas compris ce que mon père avait vu en moi. Louffo s'adressa ensuite à chacun de nous en commençant par moi:

-Je vois un chef en toi, Azur. Tu as un avenir prometteur, annonça t-il

Moi? Chef? Je n'osais pas rêver à ce genre de choses. Pourtant son compliment me toucha.

-Tout ce que je veux, c'est servir ma meute. Je ne me considère pas comme un chef, répondis-je

Louffo hocha la tête et se tourna vers Myra:

-Tu feras une excellente chasseuse, Myra, lui dit l'Alpha

Myra hocha la tête et le chef se tourna vers Zourri:

-Ton énergie peut être un atout si tu apprends à la canaliser, lui conseilla t-il
-Je tiendrais compte de ton conseil, déclara ma soeur

Il se tourna ensuite vers Brocky:

-Je peux voir de la sagesse dans tes yeux. Tu le découvriras au fur à mesure. Je te garantis que tu seras respecté, lui promit Louffo

Là, il se passa quelque chose d'inhabituelle: Brocky, d'habitude si sérieux, afficha un large sourire à son chef qui se tourna vers Lav qui commença à trembler légèrement:

-Tu ne dois pas avoir peur de moi, Lav. Je ne te ferais aucun mal, déclara t-il
-Mais je suis faible et je deviendrai un Omega, répondit Lav, timidement
-Il y a des avantages à être Omega, tu verras, annonça Louffo

Lav se détendit et leva la tête vers Louffo qui lui donna un coup de langue affectueux. Une lueur de joie s'alluma dans les yeux de mon frère ce qui me fit sourire. J'aimais la tendresse et la douceur dont faisait preuve Louffo. C'est peut-être pour ça que je l'admirais tant.
Les jours passèrent et nos forces augmentaient. Louffo continuait à s'intéresser à moi. Et parfois, alors que tout le monde dormait, il venait me voir et me donnait des cours particuliers. Deux ans s'écoulèrent comme ça, dans la joie et nous étions tous devenus de valeureux loups: Myra était désormais un Bêta, Zourri, un énergétique Gamma, Brocky enseignait aux petits et même Lav était heureux avec son rôle d'Omega. Quant à moi, j'était pratiquement un Alpha. Louffo me gardait à ses cotés, me demandait des conseils et me traitait comme un égal. Tout était parfait. Mais alors vous vous demanderez comment je suis devenu un solitaire? Et bien je vais vous le dire. Tout à commencé un jour à la saison des amours. En ce moment de l'année, les mâles sont nerveux et libèrent leur agressivité sur l'Omega. Au début, je ne me souciais pas d'eux. J'avais d'autres choses à faire et ça ne dérangeait guère Lav qui avait désormais l'habitude. Mais quand vient le tour d'Alaskar, le deuxième Bêta de la meute, de se défouler sur Lav, je n'ai plus résisté. Je détestais Alaskar et lui aussi ne semblait pas m'aimait. Je savais que je ne devais pas intervenir mais Lav saignait et n'arrivait plus à se lever. Je m'approchais de lui et je constatait qu'il était encore en vie. Alaskar ne l'avait pas tuer mais continuait ses coups.

-C'est suffisant, Alaskar, laisse-le tranquille! criais-je
-Quel est le problème? C'est juste un Omega. répondit-il

La colère s'empara de moi. Je ne supportais pas qu'on parle ainsi de mon frère. Depuis qu'on était petit, Lav et moi étions inséparable. Je bondit et atterrit sur Alaskar. Tout de suite je commençais à le mordre. Le combat commença et j'avais l'avantage. Mais avant qu'Alaskar puisse me mordre à son tour, Louffo intervint:

-Arrêtez ça tout de suite, nous ordonna t-il

Je relâchait Alaskar puis je regardais mon chef les oreilles baissées de honte.

-Bien. Que s'est-il passé? me demanda Louffo
-Alaskar s'en prenait un peu trop à Lav et quand je lui ai demandé d'arrêter, il n'a pas voulu m'écouter, expliquais-je
-Je vois. Alaskar, la prochaine fois écoute Azur, déclara l'Alpha
-Mais c'est injuste! Pourquoi est-il privilégié?! demanda Alaskar

Louffo s'approcha de lui et grogna. Ce fut le tour d'Alaskar de baisser les oreilles.

-Oui, chef, déclara t-il intimidé

Je me dirigeais vers Lav pour voir s'il allait bien et ce que j'ai vu me coupa le souffle: Lav était allongé sur le sol et semblait sur le point de mourir. Quand il me vit, il leva la tête et me dit dans un murmure:

-Adieu... Azur.
-Non! Lav! S'il te plaît, ne meurt pas, implorais-je

Mais c'était trop tard. Lav ferma les yeux pour la dernière fois. Il était mort. La tristesse fut petit à petit remplaçait par la colère. Mon pelage se hérissa et je me jetait sur Alaskar. Je lui mordit violemment le cou et après un moment il arrêta de se débattre. Je l'avais tuer. Louffo vint alors vers moi:

-Pourquoi as-tu fait ça, Azur? me demanda t-il
-A cause de lui, Lav est mort! m'écriais-je

Louffo me regardait et on pouvait voir qu'il semblait déçu. Il soupira et répondit:

-Tu me déçois, Azur. Je suis désolé mais tu ne fais plus partit de la meute. Tu as un jour pour sortir de notre territoire.

Ses mots me firent l'effet d'un coup de foudre dans le coeur. Sans protestait, je m'éloignais de mon ancienne meute. Tous les regards étaient posés sur moi. Pourtant je m'arrêtais pour regarder une dernière fois Louffo mais il détourna le regard. Il n'avait plus envie de me regarder.

Je repense tous les jours à ce que j'ai fait. A ma meute. J'ai 4 ans désormais et je regrette toujours d'avoir tuer Alaskar et d'avoir déçu Louffo. Le décevoir était la dernière chose que je voulais faire. Je me rends compte que maintenant que ce que j'ai fait n'avait servit à rien. Ce n'est pas la vengeance qui va ramenait Lav. Tout ce que la vengeance m'a ramené, est de la souffrance et de la solitude. Je le reconnais. J'ai fait une erreur. Maintenant je dois en payer le prix. Mais qui sait. Peut-être qu'un jour, je trouverais une compagne. Nous formerons ensemble une nouvelle meute. Et peut-être que je serais de nouveau heureux...
Dernière modification par Alexia_Dan le sam. 11 août, 2018 8:04 pm, modifié 6 fois.
sam-godwin

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par sam-godwin »

Le petit perroquet

Le duc d'ombrage était sévère quand il le fallait. Jamais trop, jamais assez. Il me fixait avec une telle intensité que je vis des éclairs sortir de ses yeux, j'en tremblais. J'avais franchis sa limite en accusant Elder du conseil des animaux mythique. Ce conseil est composé de cinq membres, Oslo le tigre à dent de sabre, Magus le phénix, Cerboros le chien des enfers, Ilnya le pégase arc-en-ciel et évidement le pire d'entre eux le raptor Elder. Sachez a l'avance que je dis la pure vérité, j'ai décidé de l'accuser mais manque de bol je n'ai pas de preuves. Comment moi un pauvre petit perroquet pourrait en avoir?

- Cela est intolérable, Baltross, tu ne peut lancer une rumeur de tentative d’assassinat de la part du grand maitre du conseil sur ma personne, si le grand roi l'apprenait il t'enverrait en exil!

- Mais...essaye-je de répliquer.

- Il n'y as pas de mais, tu dois assumer les conséquences de ta bêtise, tu vas travailler sous les ordres d'Elder. Maintenant vas-t’en et dis a Mika d'entrer.

Je sortis en laissant la porte ouverte, je fit signe a Mika un jeune furet d'entrer. Je n’étais pas ravi de travailler pour un membre du conseil. Ils sont hautains,surtout le maitre. Je vais leur montrer ce que je sais faire : je vais fouiner et en trouver des preuves. Croyez moi j'en trouverais et quand ce sera fait vous serez les premiers au courant.
Gilles51

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Gilles51 »

Bonjour :)
Voici ma nouvelle du mois d'août.
Spoiler
Le cerf

Courir. Vite. Plus vite.
Le cerf entendait les aboiements derrière lui, et moins distinctement les sabots des chevaux. Une chasse à courre !
En se réveillant ce matin il avait tout de suite senti que la journée serait pourrie... Cela avait commencé juste après son réveil : encore à moitié endormi, il s'était cogné la tête violemment contre une grosse branche. Peu après, il s’était emmêlé les bois dans un talus plein de ronces. Pourrie je vous dis. Maintenant, il se retrouvait poursuivit par toute une bande d'assoiffés de sang, SON sang !
Tout en courant, il se remémora les règles apprises par son père pour survivre en cas d'attaque humaine avec chiens et chevaux :
1. Pour tromper l'ennemi, lorsque la distance est assez grande, revenir sur ses pas, puis prendre un autre chemin : les chiens perdront provisoirement sa trace et cela lui permettra de gagner de précieuses minutes.
2. Traverser des lieux où vivent des sangliers afin de tromper l'odorat des chiens. Inversement, éviter les endroits où vivent ses propres congénères.
3. Remonter de petites rivières ou traverser des étangs, toujours dans le but de ne pas laisser de traces olfactives.

Malheureusement les points 1 et 2 ne s'appliquaient pas car la forêt étant plutôt bien entretenue, le cerf était toujours visible, et il n'y avait aucun sanglier dans les environs. Quant au point 3, il approchait justement d'un petit plan d'eau large d'une quinzaine de mètres. D'un bond, il se retrouva presqu'au milieu, mais quand le cervidé voulu donner une deuxième impulsion pour continuer, il s'aperçut avec horreur qu'il était embourbé ! Un autre essai lui confirma que la probabilité qu'il voie le coucher du soleil commençait à se réduire sérieusement.
Le cerf s'obligea à respirer calmement (il remercia intérieurement sa tante pour les cours de sophrologie), puis patte après patte il réussit à s'approcher du bord opposé. Encore 5 mètres, 4, 3, 2. C'est à ce moment-là que deux chiens déboulèrent sur la berge, sautèrent et finalement se retrouvèrent au milieu du point d'eau. En revanche, plus légers, ils progressaient bien plus facilement !
Au moment où le cert arriva enfin sur la terre ferme, d'autres chiens apparurent, contournant le petit étang par la gauche et par la droite. Le cerf était épuisé par tous ces efforts pour se dégager, mais il retrouva de l'énergie lorsqu'un des chiens manqua de peu un de ses mollets avec ses crocs.

Il était plus que temps d'initialiser la procédure d'extrême urgence. Cette procédure était à mettre en œuvre seulement dans les cas désespérés car elle comportait de gros risques, mais il lui semblait que cette situation s'appliquait bien ici.
Le cerf fit un crochet sur la gauche, accéléra, bifurqua à droite, faillit déraper, se redressa de justesse, réaccéléra, et finalement se retrouva sur une petite route forestière. Parfait, il était dans le bonne direction !
Pourtant le cerf avait encore des raisons de s'inquiéter car même s'il avait réussi à distancer légèrement ses poursuivants, d'un coup d'œil rapide il dénombra 2 douzaines de chiens, suivi d'une quinzaine de chasseurs.
A 500 mètres de son objectif, juste après une grande courbe, le cerf aperçu un couple de cyclistes. Il visa l'espace entre les deux.
- Aaaaahhhh, fit la femme
- Mais qu'est-ce que... eu le temps de dire l'homme
Puis chacun se retrouva dans le petit fossé jouxtant le chemin, respectivement à gauche et à droite, complètement hébétés. Cet incident fit encore gagner de précieuses secondes au cerf car toute la meute due ralentir pour ne pas écraser les personnes à terre.
Peu après, il dépassa une maison, puis une autre, et bientôt il pénétra dans le village. Le plan d'urgence consistait en effet à traverser un village d'humains afin de déstabiliser ses adversaires. Le lecteur pourra facilement imaginer l'effet produit sur les piétons et automobilistes par un cerf galopant à travers les rues.
La scène suivante fut assez surréaliste : le cavalier de tête ordonna aux chiens de stopper immédiatement, ce qu'ils firent si prestement que les cavaliers en fin de peloton, n'ayant pas vu la manœuvre, n'eurent pas le temps de demander à leur monture de freiner. Des cavaliers se retrouvèrent alors désarçonnés et tombèrent sur les chiens, et quelques chevaux se retrouvèrent même, littéralement, les quatre fers en l'air. L’ensemble ressemblait à une bête immonde avec des tentacules remuants dans tous les sens.
Le cerf s'arrêta alors, majestueux, en regardant ce spectacle d'un air que certains jugèrent dédaigneux. Puis il continua son chemin, s'arrêtant quelques instants à la fontaine du village pour se désaltérer, avant de repartir tranquillement vers la forêt.

Le soir même, il resta un long moment à observer le coucher du soleil, lui qui quelques heures auparavant pensait bien ne jamais en revoir un.
A très bientôt,
LSVILLEJIQUEL

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par LSVILLEJIQUEL »

Coucou, tout le monde.
Voici mon petit texte. J'espère qu'on l'aimera.
Laorus


Araignée du soir

Elle sortit prudemment de sa tanière. Il était temps de partir à la chasse. Ses enfants étaient proches d’éclore. Ce serait la dernière opportunité pour la tisseuse de se nourrir avant un moment. Après l'éclosion, ce ne serait pas possible. Elle devrait veiller sur ses petits. Certaine que ces enfants seraient en sécurité dans le cocon au milieu d'une toile de son confection, la pisaure admirable sortit, sans crainte, de son abri. Elle vérifia que le cocon était bien clos et s'empara du dôme de toile blanche plus grosse que le poing. Elle le déplaça un peu nerveusement dans sa toile pour le centrer davantage. Là ! Ses enfants seraient en sécurité. Cette fois, il était tant de partir chasser !

L'araignée propulsa un fin fil vers le sol et entreprit de trouver une bonne cachette. Une fine brume commençait déjà à s'installer. Doucement mais sûrement, la brume recouvrait la jungle de son linceul. La nuit tombait à peine. Une douce brise bienvenue venait rafraîchir l'atmosphère de cette soirée de printemps. Ce serait le moment idéal pour mener sa chasse. Les insectes n'étaient pas encore sur leur garde alors que la plupart se levaient à peine. Elle s'installa sur une feuille qui commençait à s'humidifier sous l'effet de la bruine. Elle allongea ses longues pattes brunes, indifférente aux gouttelettes qui l'entouraient. Ensuite, elle guetta la proie idéale.

Une abeille passa, avec lenteur, au-dessus d'elle mais elle ne s'approcha jamais assez pour devenir une proie. Dommage ! Les abeilles étaient toujours délicieuses et gorgée de protéine. Une abeille aurait été un met parfait.

Alors que l'obscurité enveloppait le petit univers miniature, le sourd battement de tambour des papillons se faisait entendre. Ainsi que les crissements divers des insectes. Un son sourd et violent fit lever les yeux de la pisaure admirable. Tout comme elle, tout le monde se figea l'espace d'un instant avant de s'éparpiller alors que le sol tremblait. L'araignée n'était pas inquiétée. Elle savait tout de ces monstres géants. Ces créatures à la chaire molle était sans intérêt. C'était l'un d'eux qui passait. Il ne resterait pas dans les parages. De tout façon, ces créatures étaient indifférentes à ceux qu'elles foulaient de leurs pattes. Cet être passerait vite son chemin et la pisaure pourrait reprendre au début. Aucune proie ne reviendrait par ici avant un moment.

La pisaure descendit de sa feuille et se déplaça à travers la terre argileuse. Ses proies potentielles s'étaient terrées au passage du géant difforme. La chasse prendrait plus de temps que ne l'avait prévue l'araignée. Les lieux étaient pollués par les phéromones de panique des habitants des lieux. Cela ne lui plaisait pas de s'éloigner, ainsi, de son cocon mais elle n'avait pas le choix.

La pisaure escalada un tronc et le redescendit avec prudence. Elle était un prédateur redouté ici mais la prudence était toujours de rigueur. Elle avait encore de redoutables ennemis. Elle se figea, soudain, lorsqu'une longue créature se dressa devant elle.

L'araignée se détendit aussitôt lorsqu'elle reconnut un mille-pattes diplopode. Ce n'était pas un danger. Il ne risque pas à s'en prendre à elle. Le diplopode agita ses antennes pour l'identifier. Agacée, elle fit claquer ses crochets. La réaction du mille-pattes fut immédiate ! Il s'enroula, sans attendre, sur lui-même et resserra ses segments. Ses segments formaient, maintenant, une carapace inviolable mais le diplopode devaient encore être nerveux suite au passage du géant car il laissa échapper son célèbre et répugnant liquide orangé.

L'araignée ne s'attarda pas alors que l'odeur nauséabonde enveloppait le mille-pattes. Elle trouverait une proie plus appétissante.

La chance était de son côté, cette nuit. Dans la journée, il avait plu. Les mares étaient nombreuses et attiraient une foule de proies potentielles. Il suffisait à la pisaure de bien choisir son point d'eau et d'être patiente.

Elle croisa quelques fourmis. Des ouvrières à la recherche de nourritures. Elles se figèrent un moment pour envisager d'attaquer l'araignée mais décidèrent autrement. Elles continuèrent leur vagabondage pour une proie plus accessible. L'araignée en fut soulagée. Les fourmis étaient redoutables. Mieux valait se tenir loin d'elle. Mais, surtout, de l'entrée de leur fourmilière. Les fourmis qui en gardaient l'entrée n'auraient aucun mal à avoir le dessus sur elle.

Finalement, après quelques réflexions, la pisaure choisie le meilleur point d'eau, selon elle. La végétation était moins dense. Ce qui laissait le champ libre aux prédateurs volant, plus gros. Les moineaux encore debout mais, surtout, les chauve-souris chassaient leurs mets favoris au-dessus de ces marres. L'araignée ne les intéressait pas mais elle profitait de leurs présences. Ils éloignaient les éventuels prédateurs de l'araignée. L'araignée s'installa sur une feuille et patienta.
De tant à autres, les cris stridents d'une chauve-souris en chasse se faisaient entendre. Il était, parfois, suivis par le son de tambour qu'émettait un papillon de nuit dans une tentative de se défendre, d'intimider l'ennemi. Toutefois, des êtres comme l'araignée et le papillon ne pouvait lutter contre les chauve-souris. Au dessus de l'araignée, les moustiques et les papillons se faisaient gober.

Mais, la pisaure ne s'intéressait pas à ce qui se passait au-dessus d'elle. Elle ne s'inquiétait pas d'être repérée. La nuit la dissimulait, bien sûr, mais ce n'aurait pas été suffisant. Heureusement, son apparence l'aidait à mieux se fondre. Bien qu'assez grosse, elle savait se cacher efficacement. Sa coloration brunâtre avec une simple ligne claire au centre d'une bande foncée sur le dos lui garantissait une très bonne discrétion mais aussi excellente intimidation. Elle était allongée et svelte qui faisait d'elle une formidable chasseuse... Comme allait le découvrir le criquet qui s'approchait de l'eau.
Sans se douter d'être observer, le criquet entreprit de boire. C'était l'ouverture qu'attendait l'araignée. La pisaure entra en action. Elle courut rapidement vers sa proie soigneusement choisie. Alors qu'elle s'était avancée lentement jusqu'à présent ; cette fois, elle mit toute son énergie dans la course. Le criquet, de son côté, essaya, avec toute son énergie, de semer son prédateur. Malheureusement pour lui, l'araignée était rapide et déterminée. Cette nuit, pas besoin de toile pour attraper une prise ! Elle attrapa assez rapidement le criquet.

L'araignée ne prit pas la peine de s'éloigner du point d'eau. Affamée, elle entreprit de préparer son repas. Elle le tua proprement, couchée sur le dos. Elle se remit, ensuite, sur ses huit pattes et découpa l'insecte avec soin. Elle travailla efficacement, pressée malgré tout de retourner auprès de son cocon. Elle prit le criquet raidi entre ses palpes. La paire d'appendice situés de part et d'autre de sa bouche, similaires à des mains, lui permirent de rapprocher son futur repas de ses crochets. Ses crocs se déplièrent comme des canifs et laissèrent, alors, apparaître des sortes de dents en lames de scie, internes. Elles transpercèrent le corps de l'animal mort comme un rien et le lacérèrent avec facilité. En très peu de temps, le criquet ne fut plus qu'un amas de chairs et d'organes. L'araignée roula la bouillie ainsi obtenue en boule puis planta deux appendices dedans. Alors, avec un bruit de succion, l'arthropode entreprit d'engloutir son repas avec délectation.

Son repas terminé, la pisaure ne resta pas plus longtemps immobile. Inutile de tenter les prédateurs ! Elle retourna à sa toile d'un pas nettement plus alerte maintenant qu'elle ne chassait plus. Elle fut de retour en deux fois moins de temps.
La pisaure, une fois de retour sur sa toile, palpa le cocon de soie qui abritait sa progéniture. A l'intérieur, il y avait plus de mouvements. Ses enfants venaient au monde... Les œufs se brisaient sous l'agitation de leur occupant.

La pisaure s'agita de nouveau autour du cocon qui entourait ses œufs. La nurserie était fin prête pour l'éclosion. Finalement, avec léger craquement, la première de ses progénitures se fraya un passage hors de son œuf. Son premier enfant ne fut pas seul hors de son œuf. Très vite, le cocon de soie grouilla de dizaine de vies. La pisaure les surveilla un instant alors qu'ils s'alimentaient des cadavres d'insectes qu'elle avait entreposé dans le cocon à leur attention. Tout allait bien !

La pisaure se détourna et s'immobilisa, attentive au son de la nuit et de ses dangers. Malgré l'abri que le offrait le cocon et la toile, l'araignée errante n'était pas tranquille. Ses enfants seraient vulnérables jusqu'à leur seconde mue. Alors seulement, ils seraient capables de se défendre et de chasser seuls. Ils quitteraient, alors, leur nid douillet pour mener leur propre vie.

Toutefois, en attendant, leur admirable maman veillerait aux grains...

Une ombre fut soudain projeté sur la toile. La pisaure vit le prédateur mais lui n'avait pas repéré la toile et ses occupants. La clair de lune qui avait été si utile à la chasseuse, plus tôt, pourrait bien faire son malheur dans les prochaines minutes. Le petit mammifère au museau pointu s'était arrêté pour faire sa toilette. Grande, rapide et agile, la musaraigne, si elle tournait la tête sur la droite, serait ravie par ce qu'elle trouverait.

La pisaure s'immobilisa totalement et attendit quel serait son sort et celui de ses enfants.
Saya80

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Saya80 »

À quoi ma nouvelle apparence correspond elle ?

Mes rêves avaient toujours commencé de la même façon.
Dans ses songes étranges et angoissants. Je me retrouvais différent.
Des pattes d'une puissance inimaginable, remplacer mes jambes et mes bras.
Les sons et les couleurs étaient amplifiés.
Ma puissance n'avait d'égale que ma volonté. Acculée par la fuite, cette nouvelle peau qui m'étreint, je ne songeais qu'a m'en débarrasser.
Des foulées duveteuses, prolongées de griffes tranchantes sillonner en tempo des marques sur le sol et puis cette ombre, qui me suit, ne correspondait aucunement à ma silhouette humaine.
Cette majesté et cette grâce ne m'appartiennent pas.
Cette couronne de blanc neigeux était tellement immaculée que mon âme noircissait de dégoûts.
Malheureusement, il n'y avait jamais de limite dans ses rêves, aucun miracle pour en sortir.
La seule particularité qui diffère, ce sont les détails nouveaux et terrifiants.
Mon enveloppe féline s'approcha d'un ruisseau stagnant et je le vis pour la première fois.
Ce visage fier et sauvage d'un bleu glacier. Il me fixer d'un air de défis.
Il était aussi magnifique que dangereux, derrière cette barrière de gros chat en peluche, il cachait des crocs d'une force impensable. Ces ongles acérés devaient faire pâle figure à côté de leur épaisseur.
pwachevski

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par pwachevski »

Micro-nouvelle

C'est dans une douleur atroce que ces ailes de malheur sortent enfin de mon dos. La métamorphose s'amorce.
Lili-Prune

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Lili-Prune »

pwachevski a écrit :Micro-nouvelle

C'est dans une douleur atroce que ces ailes de malheur sortent enfin de mon dos. La métamorphose s'amorce.
Roh c'est trop beau, t'aurais dû écrire un haïku.
Shawneenat

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Shawneenat »

Des trois concours de cet été, c'est vraiment celui qui m'a le plus plût! Bonne lecture ^^ (toujours le même problème avec les alinéas, désolée ^^")

Le Grand Vol


-[...] Je l'avais enfin trouvé, le fameux trésor de Tim Buckett, la plus grande chouette de tous les temps. Mais soudain, un silence pesant s'est abattu sur la clairière. Je me mis à trembler de toutes mes plumes. Je me suis retourné et là, BAM ! Je me suis retrouvé nez à nez avec un énorme renard roux !
Je titube en arrière, effrayé par cette histoire. J'ai beau l'avoir entendu au moins un millier de fois, papy la raconte tellement bien que j'en ai à chaque fois la chair de poule.
-Et alors, qu'est ce qu'il s'est passé ?
Grand père n'a pas le temps de finir son récit qu'une grande ombre recouvre soudain tout le nid.
-Ah, il va être temps pour vous d'aller vous coucher les enfants, votre mère arrive.
-Mais non ! Supplie ma petite sœur Lulu. Je veux savoir la fin de l'histoire.
-Non il se fait tard, le soleil va bientôt se lever. De plus, demain est un grand jour pour ton frère, il doit être complètement reposer. Alors tout le monde au lit, intervient maman qui vient de se poser dans le nid.
Elle nous prend dans ses serres et nous emmène dans notre abri, quelques branches plus bas dans l'arbre familial.
Elle nous dispose tous les deux, au deux extrémités du nid où elle nous entourera de ses ailes pendant la nuit.
-Dis maman, tu penses que moi aussi, un jour, je pourrais trouver le trésor de Tim Buckett, comme l'a fait papy ?
-Allons Will, tu sais bien que tout cela n'est qu'une invention de ton grand père. Ce trésor n'existe pas.
-Mais Tim Buckett lui, a réellement existé ! Pourquoi pas son trésor ?
-Tu comprendras pourquoi quand tu seras plus grand. Maintenant dors, tu dois être en forme pour demain, tu n'auras qu'un seul essai, souviens-t-en.
Je n'insiste pas et tente de trouver une position confortable.

Je suis sous l'aile droite de maman, l'aile sur laquelle, à l'intérieur, on distingue une tâche noire en forme d'anneau coupé en quatre. C'est le signe de notre famille de chouette hulotte. Tout le monde l'a : mon grand père, ma grand mère, ma sœur, moi. Bref tout le monde. Enfin, tout le monde à l'exception de mon grand frère Charlie.Ils ont tout de suite vu à sa naissance, que la marque était absente. Maman l'a très mal vécu, elle a pleuré pendant des jours entiers, m'a raconté papy, mais je n'ai jamais compris pourquoi. Lors du jour de son Grand Vol, rien ne s'est déroulé comme prévu. Charlie a échoué et s'est écrasé en arrivant en bas de l'arbre. Il n'a pas déployé ses ailes. Encore une fois, maman a beaucoup pleuré.
Demain c'est mon jour, le jour de mon Grand Vol. J'ai eu le droit à plein d'exercices théoriques sur la question. Je ne peux pas ne pas y arriver. Même si maman ne le montre pas, je sais qu'elle est très inquiète pour moi. Mais je ne suis pas Charlie, j'ai la marque avec moi. Et quand je serai enfin devenu un membre à part entière de notre communauté, non seulement je serai un grand frère exemplaire pour Lulu mais je partirai aussi explorer le monde et trouverai ce fameux trésor.
Mes yeux me piquent et c'est avec l'esprit rempli d’histoires épiques que je m'endors blotti contre les plumes chaudes de maman.

Le lendemain, lorsque la lune se lève enfin, je suis déjà réveillé depuis une heure. J'ai pu observer le coucher du soleil à travers les branches. C'est rare quand j'en ai l'occasion alors j'en profite et s'il faut, c'est le dernier que je vois.
Maman vient me chercher en douceur et nous dépose quelques branches plus loin pour ne pas déranger ma sœur qui continue de dormir.
-Je suis tellement fière de toi mon fils, commence-t-elle. Peu importe ce qu'il arrivera aujourd'hui, je le serai toujours.
-Euh... Maman, tu commence à me faire peur là.
-Malheureusement, je ne pourrai pas venir avec toi le moment venu.
-Quoi ? Mais pourquoi ? Maman, j'ai besoin que tu sois avec moi, je ne peux pas y arriver sans toi ! Réplique-je , paniqué.
-Je ne veux pas que ta sœur y assiste et je ne peux pas la laisser seule. J'aurais bien demander à ton grand père de la garder mais il fait parti du Conseil, il doit donc obligatoirement être présent à chaque Grand Vol. Il viendra te chercher et tu pourras te tourner vers lui en cas de besoin. En plus, tu seras bientôt un homme, il est temps que tu commence à te détacher de moi.
-Mais maman, ça m'aurait vraiment fait plaisir que tu viennes...
-Je sais mon cœur, je sais.

Je me servis des deux heures qui suivirent pour me préparer : lissage des plumes, exercices de respiration, dernières révisions de la théorie etc. Mais je n'étais pas à ce que je faisais. Je soupçonne maman d'utiliser ma sœur comme excuse. Voilà ce que je pense : c'est elle qui n'a pas envie de voir mon Vol de peur que l'histoire se répète et elle prétend que ma sœur est trop jeune pour voir ça pour rester au nid et ne pas venir. Savoir qu'elle ne sera pas là et que je serai seul me rend très anxieux. J'ai les ailes qui tremblent, le bec qui claque par moment et les serres crispées.

Grand-père arrive juste quand je termine de revoir les règles d'aérodynamisme. Il est vêtu de son plus beau et unique costume, celui du Conseil dont seuls les membres possèdent un uniforme. Je déglutis bruyamment en le voyant et ma jauge de stress augmente brusquement. Maman s'approche pour me dire au revoir.
-Bon courage Will, je t'aime.
-Je t'aime aussi maman.
C'est tout. Ce sont les derniers mots que nous échangeons avant que grand père m'agrippe et qu'il nous emmène vers le ciel étoilé. Le voyage jusqu'à l'arbre le plus haut, que l'on appelle le Toit du Monde, dure un certain temps. En contre bas, je peux voir défiler les arbres et les buissons, je vois aussi le lac un peu plus loin. Tout passe si vite et le vent balaie les plumes de mon visage. Est ce que je serai capable de reproduire cette sensation si agréable pendant mon Vol ?
C'est au bout de dix minutes que nous atteignons notre destination. Seul les membres du Conseil et la famille sont autorisés à assister au Grand Vol. Il n'y a pour ma part que le Conseil de présent. Tous sont en costume avec une épingle correspondant à leur rang. Ils me disent de m'avancer devant eux. Je leur fait donc face. Le président, épingle blanche, prend la parole.
-Les conditions sont simples. Tu sautes et soit tu t'écrases, soit tu t'envoles et dans ce cas tu dois tenir au moins cinq minutes. Une fois ce temps écoulé tu reviens ici et l'épreuve est terminée.
Pas très rassurantes comme explications mais elles sont claires et simples. J'ai des papillons dans l'estomac. Je crois que j'ai la pétoche. Je m'avance doucement vers le bord de la branche.
-C'est quand tu veux, me lance grand père.
Je déglutis à grandes peines. Aller, je ne peux pas me permettre de faire la mauviette. Je regarde en bas. Je n'ai jamais été aussi haut tout seul et encore moins en étant sur le point de sauter. Mes pattes tremblent. Bon sang c'est pas possible, je ne peux pas reculer, pas maintenant si je ne veux pas être banni. Que ferait Tim Buckett s'il était à ma place. Ah oui, bien-sur, il se jetterait dans le vide. Alors je prend une grande inspiration et je saute.

Je vous assure que vous avez beau faire des heures et des heures de théorie, une fois le moment venu, vous avez la tête aussi vide qu'une noix qui sonne creux. Parce que là, je tombe et je ne sais absolument pas quoi faire. La vitesse de l'air me tire sur les plumes. Je n'arrive qu'à penser à maman restée au nid, au sol qui se rapproche. a Charlie qui s'est écrasé. Non ça ne peut pas m'arriver, j'ai la marque ! Alors d'un coup je déploie mes ailes et je remonte instantanément. Enfin, je sens l'air frais s'engouffrer sous mon corps. J'ai réussis ! Je me laisse emporter par mes émotions et je perd toute ma stabilité. Je tangue à droite, à gauche, je manque de me prendre un arbre que j'évite de justesse. J'ai senti le bois érafler mes plumes. Maintenant que je vole enfin, ce serait bête que ça se termine comme ça. Alors, je fais varier mon poids et mon orientation afin de retrouver une trajectoire linéaire. Finalement tout va bien. Je bats des ailes pour prendre de la vitesse. Je sens mon corps tout entier planer dans la brise. C'est tellement agréable. Je rase les buissons et je sens l'odeur de l'herbe fraîche. Il y a une dernière chose que je voudrais essayer avant de retourner auprès du Conseil. Je continue tout droit pendant quelques mètres puis prends sur ma gauche. Là, le lac s'étend de toute splendeur. L'eau reflète le ciel étoilé et sa lune aussi claire qu'un diamant. L'odeur de vase me parvient et je descends un peu plus pour laisser mes serres toucher l'eau.
Enfin je vole, à moi la liberté, l'aventure et le trésor de Tim Buckett !
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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Wonderbooks »

Malgré mon jeune âge, je tente ma chance avec cette assez courte nouvelle. Je crois n'avoir plus aucune fautes d'orthographe !

Qui va à la chasse...

Le loup était caché derrière un buisson face à la rivière. Il la voyait, certes, mais ne la regardait pas. Son regard se focalisait sur un jeune cerf en train de se désaltérer. Un très bel animal par ailleurs avec de jeunes bois et un pelage aux couleurs de l'automne. Mais le loup ne connaissais pas la beauté, il ne pensais qu'à ce nourrir et ce jeune cervidé, bien qu'un peu maigre, fera un très bon repas. Soudain, le loup s'avança : le moment était venu. Le cerf allait partir rejoindre sa famille. Au moment, où le bel animal passa devant le buisson, le loup bondit de sa cachette et planta ses crocs dans la patte de sa proie. Le cerf se débattit tant bien que mal, essayant de projeter son prédateur dans les fourrés. Malheureusement, sa jambe lui faisait mal et il s'écroula dans l'herbe, accablé par la douleur. Le loup ravi n'eut aucun mal à le tuer maintenant qu'il était trop faible pour se défendre. Soudain, des coups de feu retentir. Le loup frémit : des hommes . Si ils le trouvaient, il le tuerait à coup sûr ! Paniqué, l'animal s'enfuit et alla se cacher dans la forêt.
Un peu plus tard, il sortit de sa cachette. Les hommes étaient probablement partis et la forêt était redevenue silencieuse. Soudain, le loup tendit l'oreille : quelqu'un arrivait ! Sans réfléchir, il se jeta dans le buisson le plus proche et attendit. Quelques secondes après, deux hommes arrivèrent sur le chemin ! Même si il n'était pas particulièrement intelligent, le cruel animal n'eut aucun mal à deviner que ces deux "promeneurs" et les hommes qui l'avait poussé à se cacher une heure plutôt étaient les même personnes. D'ailleurs, ces derniers tiraient un énorme chariot dans lequel s'entassaient des animaux morts, principalement des oiseaux, quelques lièvres mais surtout un cerf ! Comme il n'était pas né de la dernière pluie, le loup reconnu le jeune cervidé qu'il avait tué tout à l'heure ce qui le mit encore plus en colère qu'il ne l'était déjà. Pour ne pas arranger, un des hommes dit à son compagnon :
- Cette fois, on peux être sûr que Sa Majesté va être content de nous. Une dizaine de perdrix, neuf garennes et surtout un cerf ! On en trouve pas beaucoup dans le coin.
Cette fois s'en fut trop ! Le loup bondit hors de sa cachette pour récupérer sa proie mais un des deux chasseurs se fit plus rapide et tira une balle en plein dans son coeur. L'animal tomba par terre, hurlant de douleur et mourut sans avoir pu récupérer son déjeuner.
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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Lilya99 »

Bonjour !

A mon tour de vous présenter mon texte. Il n'a pas non plus été écrit spécifiquement pour ce concours, mais je pense que c'est une bonne occasion pour le dévoiler au grand jour.

Jungle


Brusquement, un battement d'ailes se fait entendre. Au-dessus de la cime des arbres un oiseau vient de prendre son envol. Il plane sur des courants d'airs, semblant s'élever sans effort. De temps en temps, sans raison particulière, il s'autorise une arabesque, imite le tourbillon d'un cyclone pour descendre en piqué au ras du sol. Il déploie ses ailes et frôle le sol avant de remonter paresseusement et de me dépasser à nouveau. Il ne me voit pas. Je suis parfaitement camouflé, caché dans l'enchevêtrement des branches. Seule ma queue dépasse, en se balançant doucement. Mais un oiseau profitant du soleil ne remarque pas ce genre de détail. Il a peut être raison de ne pas se méfier. C'est l'heure de la sieste, et je l'observe, indolent, ma faim apaisée par un récent festin. Bientôt d'autres oiseaux rejoignent l'insouciant acrobate. Ils forment un beau spectacle, remplissant le ciel des couleurs vives de leurs plumages chamarrés. On croirait voir un feu d'artifice sur un ciel bleu dépourvu de la moindre trace de nuage. C'est la saison sèche, et la chaleur montante se fait déjà sentir au petit matin. Je ferme les yeux, laissant la fatigue m'envahir lentement, et le chant de la jungle emplit mes oreilles : les oiseaux loin au-dessus de ma tête, et les petits mammifères au sol qui s'éveillent, sachant que les prédateurs s'endorment. Parfois un rongeur habile s'arrête dans l'arbre voisin, et déguerpit précipitamment en m'apercevant. C'est une journée paisible. Dans quelques heures je descendrai de mon arbre pour arpenter les recoins de mon royaume. Il y en aura beaucoup d'autres comme celle-la. Un jour ma descendance siégera à mes côtés, puis le cycle recommencera. Nos lois peuvent sembler cruelles à un observateur étranger, car la mort et la douleur existent dans nos contrées. Cependant le cycle dont je fais partie est à l'origine de beautés exceptionnelles, d'un pays sauvage regorgeant de richesses abondantes et de merveilles cachées.
Depuis quelques temps, j'entends au milieu de cette harmonie enchanteresse les premiers accords d'une fausse note qui se propage, suivant des sentiers inconnus et dont la langue m'est étrangère. C'est une douleur anormale, qui détruit sans être maîtresse de vie. Elle se rapproche inexorablement de moi, bien trop puissante pour que je puisse la contrer. Mon devoir est pourtant de protéger, comme tout ceux de mon espèce, mais je ne crois pas que l'adversaire soit à ma mesure cette fois-ci. Il balayera sans hésiter les fondations de mon royaume pour se l'approprier à sa manière, sans voir le trésor qu'il enterre à jamais. Mon univers et le sien s'affronteront dans une lutte sanglante, et un battements de paupière verra plus de sang versé qu'une existence millénaire. Malgré tous nos efforts, l'issue de ce combat sera pré-établi. Et dans l'impuissance de la mort je verrai mon monde sombrer dans l'obscurité de l'oubli, sans témoin ni vestige pour rappeler sa somptueuse apogée.
Il n'est peut être pas trop tard pour empêcher cette défaite annoncée, mais je ne peux que vous demander de réagir avant de détruire, de nous protéger, car c'est le devoir de celui qui gagne tous les combats de conserver l'équilibre fragile de la toile qui entoure le monde.
En attendant, maintenant alerte, je descend de mon arbre tandis que le crépuscule remplace le soleil. Agilement, j'effleure sans bruit le sol, de mes pattes de velours. Le noir et le roux de ma fourrure se fondent dans l'ombre grandissante des arbres qui m'entourent. Je suis un prédateur solitaire et j'apprécie l'ambiance feutrée d'une forêt prête à s'endormir. Le silence relatif d'une jungle foisonnante est propice à la chasse, et la quête du tigre commence enfin, danse éternelle de la vitesse et de la ruse, dont le vainqueur est changeant, selon l'air du temps.

[right]Tigre[/right]
s0tiizz

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par s0tiizz »

Bonjour,

J'ai écrit cette nouvelle spécialement pour le thème mais j'espère ne pas être hors sujet :lol: Le thème m'a hyper inspirée :roll:

Bonne lecture à tous !
Spoiler
Etant limitée par la longueur, j'ai du prématurer la fin ;)
CAT EYE

Depuis plus de 100 ans, une bactérie dissimulée dans l’eau a contaminé l’Adn des humains rendant impossible les dons d’organes et les transplantations.
Cette évolution a plongé le monde dans un climat de peur et de violence. Le gouvernement a développé un système d’organe en polymère qui n’est accessible qu’à ceux qui peuvent acheter à prix d’or.
Je m’appelle Hala, j’ai 16 ans. Aujourd’hui, ils ont découvert le secret que je cache depuis cinq ans.

Cinq ans plus tôt

Je soigne encore une fois les plaies de Stéphane. N’en a-t-il pas assez ?

-Aie !
- Tu l’as mérité !

Cela fait deux ans que mon frère se livre à des combats de rue pour contribuer à ce que nous mangeons à notre faim. Avec les non progrès de la médecine pour trouver des substituts accessibles à tous, l’aristocratie assiste et parie à ces combats à un prix très alléchant.

Je me souviens du jour où John l’a recruté. Maman avait une pneumonie et n’avait pas su aller travailler chez les Durant pendant cinq semaines et nous commencions à ressentir la faim. Le combat de ce soir là avait permis de solder trois mois de factures impayées.

Ce jour là, je rentrais plus tard de l’école parce que Khaleb avait encore des soucis en math. Je n’étais pas très douée, mais les chiffres étaient évidents, clairs et sûrs. Je marchais dans la rue quand c’est arrivé.
Un homme cagoulé à l’odeur âcre s’est approché de moi et m’as saluée. Je n’étais pas suffisamment naïve et le métier de Stéphane offrait une large connaissance sur tout ce qui se faisait d’illégal dans les rues. C’était un séditieux.

Du temps de la grande crise du monde, certains groupes ont cru être dupés par notre gouvernement pour provoquer la grande crise. Ces personnes – ou devrais-je dire ces barbares- continuaient de croire que le don d’organes était toujours possible et tentaient de le prouver. Nous aurions cru qu’à force d’échecs ils se seraient résignés, mais il n’en était rien.
Mon frère m’avait mis en garde sur leurs méthodes de kidnapping et nous avions travaillé un enchaînement. J’étais prête.

« Ils kidnappent des jeunes adolescents et leur volent des parties d’eux, croyant prouver leur folie. Si tu en vois un… »

Le choc électrique de son arme me sorti de mes remémorations, et ces dents crasses furent la dernière chose que je vis de mes yeux.

Trois mois c’était écoulés depuis mon agression. J’ouvrais les yeux difficilement et remarquais tout de suite qu’elle était très trouble. J’avais tout de même déduit ma présence dans la chambre de ma mère, où régnait cette odeur familière de savon et de poussière.

Je me sentais faible, lourde et amaigrie. Je n’étais pas très dodue, mais mon corps m’offrait des sensations nouvelles de peau sur les os.

Quelques heures plus tard, je vis ma mère à mon chevet et j’appris que j’étais dans le coma. Le soir déjà, je constatais que ma vue se stabilisait et que j’étais capable de garder ma soupe dans l’estomac.

- Tu es réveillée.

Je supposais que mon frère était rentré beaucoup plus tôt de son combat bien qu’il semblait très fatigué. Lorsqu’il alluma la lumière prétextant ne rien voir, je fus surprise de constater que ma vue était trouble à nouveau.

- Salut.

Je sentais que quelque chose captais son attention plus que de raison et supposai que l’homme m’avait défigurée dans le but de s’amuser avec mon corps inerte. J’avais vu des tas de film dans lesquels on ne se souvenait pas au réveil d’un coma des derniers instants avant le néant. J’en conclus rapidement que la réalité dépassait largement la fiction.

Ce n’est que lorsque je lui ai demandé de me narrer le vide de temps dont ma mère m’avait parlé que j’ai réellement été sous le choc. J’avais été retrouvée devant la porte de la maison inerte et dépossédée de mes yeux avec un papier et une adresse à la main.

Nous n’avions pas les moyens de me soigner à l’hôpital et malgré les recettes de combats de Sébastien et je n’aurai jamais pu travailler aveugle. Il a donc décidé de se rendre à l’adresse.

Nous savions que de nombreux cabinets clandestins tentaient des expériences douteuses sur les mourants qui étaient prêts à se déposséder du peu qu’ils avaient pour tenter de survivre, mais je n’aurais jamais imaginé de telles méthodes.

Mon frère avait envie de croire les promesses de ce médecin de contrebande et avait réalisé des combats tous les jours pendant deux mois pour nous offrir cette tentative de réparation : on tenterait de me greffer des yeux de félins.

J’étais sous le choc. La greffe était possible et je voyais ! Flou, certes, mais je voyais !

Ma joie fut de courte durée lorsque je vis mon frère en pleurs.

Tout ce temps, ses espoirs grandissants on laissé place à des rumeurs et mises en garde qu’il prenait très au sérieux.

Dans la connaissance d’une telle pratique, il avait mené son enquête sur les résultats d’une éventuelle guérison mais n’avait pas réussi à trouver de patients ayant eu une expérience similaire et ayant pu être guérit. Il en déduisit que l’opération ne fonctionnerait pas et qu’il avait perdu du temps et de l’argent. Cependant, une nuit dans sa recherche, un homme s’était rendu à la maison et lui avait dit quelque chose qu’il s’était rappelé à la vue de mes nouveaux iris en parfait état de fonctionnement.

- Quoiqu’il arrive, ta sœur n’est pas guérie. Elle ne le sera jamais. Elle ne doit jamais l’être et, si elle l’est, fais en sorte qu’elle vive.

Je n’avais pas compris à l’époque ce que cela signifiait ou pourquoi cela rendait si triste mon frère et ma mère. J’appris quelques années plus tard la disparition mystérieuse de personnes dans ma situation. Ne voulant pas courir de risques, nous avions décidé de prétendre que j’étais restée complètement aveugle. Je portais des lunettes sombres qui masquaient mes iris amande pour les uns et mes yeux charcutés pour les autres.

Je n’étais qu’une enfant, si bien que ce fus difficile pour moi de masquer ma nouvelle nature, prétendant que l’impossible est réellement impossible.

Aujourd’hui

Je me suis habituée à ma nouvelle vie. Notre scénario de famille est bien huilé.

Pour plus de facilité, je travaille dans une usine ou ma tâche consiste à prendre un morceau de plastique et le déplacer sur un tapis à coté de moi. Une tâche simple et très mal payée. Avec le temps et l’expérience, je pourrai, sans mauvais jeu de mots, faire cela les yeux fermés.

Contre toute attente, j’aime ce travail. J’y trouve un certain équilibre et l’équipe n’est pas trop sévère avec la pauvre aveugle trop défigurée pour montrer son visage. Je pense notamment à Ben qui, au fil de ses deux années est devenu un réel ami. Il est élancé, brun aux yeux verts.

Un jour, je l’ai surpris en train de me regarder et, ce que j’avais pris comme de l’incompréhension c’est avéré être une réelle envie de me connaître. Ce déjeuner là, il s’était assis a coté de moi et m’avait demandé comment je faisais pour choisir mes tenues le matin. Bien entendu, je lui avais répondu que tout cela était l’œuvre de ma mère et lui avait demandé si les choix qu’elle faisait lui semblaient judicieux. Depuis, nous passons le plus possible de temps ensemble.

Ce soir là, quand j’étais rentrée, j’en avais parlé à Stéphane qui m’avait sermonné sur les dangers de côtoyer un inconnu. Concentrée sur la beauté de mon nouvel ami, je n’avais pas été très attentive.

- Tu es habillée en rose aujourd’hui !

Faux. J’avais choisi un haut bleu, sa couleur préférée.

- Elle m’avait dit que c’était bleu !
- Je pense qu’elle se moque de toi !

Devant ma fausse moue, il éclata de rire et fini par avouer sa plaisanterie.

Des centaines de fois j’ai voulu lui avouer ce que je ressentais ainsi que mon secret. J’ai voulu lui dire qu’il était beau sans qu’il le prenne pour une plaisanterie, mais j’ai laissé cela à mes rêveries.

Après la pause déjeuner, je rêvais à ma hâte que l’hiver pointe le bout de son nez. Je voyais nettement mieux quand il faisait sombre et j’adorais les balades du crépuscule au bras de Ben.

Dans un moment d’inattention, je n’avais pas tout de suite remarqué que ma caisse de plastique avait été bougée de cinq centimètres. Qui avait bien pu déplacer la caisse d’une aveugle sans la remettre à sa place ? Si j’avais réellement …

Quelque chose ne tourne pas rond. Afin de ne pas céder à la panique, je décide de continuer mon service normalement et bien que je ne fume pas, attendre la pause cigarette pour appeler Stéphane. Celui-ci ne répondait pas et, bien que la situation m’inquiétait énormément, je décidais de reprendre le travail.

Après avoir pointé ma fin de journée, je décidais de tenter à nouveau de contacter mon frère en vain. Que pouvais-t-il faire de si important pour ne pas me recontacter ?

- Hala ! Cool de te voir ! Je te raccompagne ?

J’aimais beaucoup nos balades mais je devais rentrer rapidement à la maison pour raconter ma mésaventure à mon frère.

- Ben ! C’est très gentil de ta part mais…
- Allons, j’insiste !

Hésitante, j’acceptais tout de même la proposition de mon ami. Après tout, y aller en voiture serait plus rapide, même si nous discutions un quart d’heure une fois à destination. Le désavantage avec mes yeux est que je vois nettement mieux un objet lorsqu’il est en mouvement. C’est alors que je vis un sourire qui me semblait sournois sur le visage de mon ami lorsqu’il s’avança vers moi pour m’ouvrir la portière côté passager de sa voiture. J’eus un moment d’hésitation avant de monter dans sa voiture, patientant qu’il tourne la clé et mette le contact.

- Il y a un accident sur le boulevard colonel, je vais prendre un autre chemin … sauf si tu as envie de passer du temps dans les bouchons ?
- Non pas de soucis.

Au bout de quelques minutes, j’ai remarqué qu’il prenait une direction opposée à mon domicile et quittait la ville. Ne souhaitant pas griller ma couverture d’aveugle, j’ai décidé de me taire et d’essayer de recontacter mon frère discrètement.

- Il ne répondra pas.

Je ne devais pas être si discrète que cela.

- Ah bon ? Comment peux-tu en être certain ?
- Je l’ai moi-même réduit au silence.

Ne comprenant pas mon interlocuteur, je l’interrogeai sur son commentaire. Il se mit à rire.

- Idiote ! Tu pensais mener cette mascarade longtemps ?

J’étais incrédule. Pourquoi mon ami avait-il cette réaction ? Il reprit.

- Nous avions des soupçons depuis des années. Ton frère et ta mère étaient bien trop discrets pour des personnes victime d’une organisation terroriste. Il y a trois ans, mon supérieur a voulu classer l’affaire mais je l’ai supplié de me donner une dernière chance de te coincer.

Je réfléchis. Qu’est-ce qui avait bien pu trahir mon comportement ? Semblant entendre mes pensées, il répondit.

- La première fois que tu m’as vu tu as tout de suite rougit. Etonnant pour une aveugle, non ?
Je voulais répondre, nier, avouer, crier ou demander où il m’emmenait, mais je savais déjà que nous roulions vers mon trépas.
Dorfenor

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Dorfenor »

Bonjour, voici mon texte pour le concours du mois d'Août.
Bonne soirée à tous.
Dorfenor.

Je m’appelle Norbert. Je suis un golden retriever. Le meilleur ami de l’Homme. De mon homme en tout cas, çà ne fait aucun doute.
Lui s’appelle Sam. Je ne me souviens que de lui. A la rigueur, je peux retrouver dans ma mémoire quelques images floues, d’autres boules de poil beiges autour de moi, un paquet de jambes qui passe devant moi.
Pas grand chose de net. Je ne me souviens que de ma vie avec Sam. Il m’a éduqué, nourri, laissé dormir dans son lit. Jamais un mot trop haut, toujours doux, quoi qu’il arrive.
Il est mon maître, mon meilleur ami. Il s’est toujours occupé de moi, et je veille sur lui.
Nos journées sont bien réglées. Il part travailler le matin, revient dans l’après midi. Il me sort le matin, puis de nouveau quand il rentre. Il mange devant la télé, sur le canapé, moi couché à ses pieds.
Je renifle ses jambes, ses pieds. J’adore çà, j’ai l’impression de pouvoir vivre toutes les rencontres qu’il a faites dans la journée de cette façon.
Les journées se passent toutes comme çà, immuablement. Excepté le weekend. Là, il a plus de temps pour moi : course à pied, brossage, jeux… Et excepté les jours où il reçoit.
Sam est un homme. Il a des besoins, comme tout homme me direz vous. Je n’aime pas particulièrement avoir à le partager. Mais est ce que je le partage vraiment ? Elles ne restent jamais très longtemps. Il se lasse très vite, mon Sam. Sauf de moi évidemment, je suis son meilleur ami. Certaines arrivent à se faire réinviter, deux - trois fois. Pas beaucoup plus. Ces soirs là je dois dormir dans le salon. Je n’apprécie pas vraiment de me faire piquer ma place, mais je comprends Sam. Il y en a que çà peut bloquer.

Bref, notre vie était bien réglée. Jusqu’à l’arrivée de Lucie. Une gentille fille. Tout le temps durant lequel elle est restée dans notre vie, je n’ai jamais eu l’impression qu’elle m’appréciait beaucoup. Mais gentille fille quand même. Le hic, c’est qu’elle n’a pas su comprendre le besoin de liberté de mon Sam. Sam est libre et solitaire (excepté avec moi, vous l’avez bien compris). Donc il ne veut pas de femme attitrée dans sa vie. Un soir il a ramené Lucie à la maison, puis le lendemain il lui a gentiment fait comprendre de reprendre sa vie sans nous. Mais Lucie a insisté. D’abord timidement, puis de plus en plus violemment. Coups de téléphone à toutes heures, messages inquiétants, colis, visites surprises. Tout y est passé.
Sam a plutôt bien géré au début. Il a tenté de lui expliquer la situation, puis a essayé de l’ignorer. Il a essayé de la mettre devant le fait accompli en ramenant d’autres filles à la maison. Autant vous dire que çà n’a pas fait beau quand tout ce joyeux petit monde s’est retrouvé nez à nez sur le palier. Les semaines, puis les mois ont passé. Elle ne s’est pas lassée. Lucie a continué. La journée, elle venait s’installer devant la porte d’entrée, en attendant que Sam rentre de son travail. De plus en plus souvent, puis elle a fini par le faire quotidiennement. Je pouvais l’entendre pleurer assise sur le paillasson. Honnêtement, même moi qui suis d’un naturel peu inquiet, j’ai commencé à me sentir angoissé. Sam rentrait en voiture, Lucie le suppliait sur le perron, Sam lui fermait la porte au nez. Et rebelote le lendemain. La santé de Sam a commencé à en prendre un coup. Il s’est mis à moins manger, il a arrêté de courir les weekends, il s’est mis à mal dormir.

Et puis un jour, il s’est passé quelque chose qui a changé nos nouvelles habitudes. Ce jour là, Lucie est venu s’installer devant notre maison. Jusque là, rien de nouveau. Les heures ont passé, je mâchonnais tranquillement un mocassin en cuir, Lucie pleurait. Puis la voiture de Sam a remonté l’allée. Il a mis un moment avant de descendre de la voiture. Je n’ai entendu la portière claquer qu’au bout de quelques minutes. En même temps, la vue d’une ex psychotique l’attendant sur son perron a dû le ralentir, même s’il commençait à avoir l’habitude lui aussi. J’ai entendu le coffre s’ouvrir, puis se refermer. Ses pas ont remonté l’allée en gravillon. Lucie s’est mise à parler, vite, avec des hoquets de temps en temps. Elle a parlé, parlé, hoqueté. Cà a duré un bon moment. Et puis j’ai écouté un bruit sec, Lucie a arrêté de parler, et quelque chose de lourd est tombé par terre. Mon Sam a passé la porte d’entrée, je l’ai trouvé un peu pâlichon, mais çà aussi çà devenait habituels ces derniers temps. Je suis allé à sa rencontre, histoire de lui faire un peu la fête. Il en avait bien besoin ces derniers temps. Et puis il a traversé la maison jusqu’à la cuisine. Vu qu’il avait laissé la porte d’entrée ouverte j’en ai profité pour sortir prendre l’air. Lucie était sur le perron. Couchée sur le côté, elle me regardait. Elle aussi avait l’air un peu pâle. J’ai flairé rapidement ses mains, le pantalon au niveau de ses jambes et ses chaussures (à l’odeur elle n’avait pas vu grand monde ce jour là). Un peu sa tête aussi. Je reste un chien, une odeur de sang çà me fait forcément penser aux barbecues des dimanches midis. Sam me laisse toujours tomber deux ou trois bouts de bifteck cru l’air de rien.
Je suis parti faire le tour du propriétaire, Sam toujours dans la maison, Lucie toujours sur le perron. Quand je suis revenu sur le devant de la maison, Lucie était enroulée dans une grande bâche sombre. Mon maître l’a pris délicatement dans ses bras, il a toujours été très doux mon Sam, comme je vous le disais, et puis il l’a installée dans le coffre de sa voiture. Après çà il m’a fait monter sur le siège arrière comme d’habitude quand on prend la route ensemble. J’étais content de sortir de la propriété pour changer. Ces derniers temps, j’avais tendance à tourner un peu en rond. On a roulé un long moment, la nuit est tombée, on a encore roulé. Et Sam s’est arrêté. Il m’a ouvert la portière. J’ai rapidement fait un petit tour de la voiture, on se trouvait dans une allée renfoncée dans un sous bois. Je me suis fait plaisir. J’en ai flairé des choses. Sam est parti avec Lucie un peu plus loin dans les bois. Il l’a portait sur une épaule, il avait une pelle dans l’autre main. Il y avait pas mal de lapins dans le coin, quelques odeurs de renards mais qui n’étaient pas repassés par là depuis un petit moment. J’ai pas mal gratté, je me suis amusé à mordiller des bouts de bois. Bref, çà a été une bonne soirée. J’ai laissé un peu mon odeur à deux-trois endroits. C’était chouette quoi.
Sur ce Sam est revenu avec sa pelle. Lucie ne le suivait pas, elle a dû se faire une raison la pauvre petite. On a repris la route et puis on est rentré. Sam a pris sa douche, il s’est préparé un repas, m’a laissé lui chiper quelques morceaux. On a regardé la télé, lui sur le canapé, moi couché à ses pieds.
On était bien tous les deux, mon Sam et moi. Comme d’habitude quoi.
Aquila

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Aquila »

Salut,
Voici ma participation. Bonne lecture.


Plume-Nuage



Dans l’azur infini, un aigle survolait son territoire. C’était un royaume fait de montagnes dont les pics semblaient percer les cieux, de forêts denses et mystérieuses ainsi que d’immenses plaines fertiles. Un royaume aux dimensions d’un empire, bien trop vaste pour un simple oiseau. Mais ce rapace n’était pas un simple oiseau, ni même un banal aigle. Avec ses presque sept pieds de long, il était deux fois plus grand que ses congénères. Et là où ces derniers arboraient des plumages aux nuances fauves, lui était d’un blanc immaculé qui servait de toile à de fines arabesques au bleu saphir.

Dans l’idiome vernaculaire des gens qui peuplaient ces terres, il était « Né des Arcanes ». Cela se disait d’un animal dont le mana irriguait les veines. D’où sa taille et son plumage spectaculaires. Mais plus encore, une créature « Née des Arcanes » se voyait dotée d’une âme et d’une intelligence sans commune mesure avec les autres représentants de son espèce. Il quittait alors les fanges stériles de l’instinct et devenait un être conscient. D’ailleurs quand il se référait à lui-même, l’aigle se donnait un nom que l’on aurait pu traduire en langue humaine par « Plume-Nuage ». Bien que, Plume-Nuage, tout intelligent qu’il fût, ne possédait pas de langage à proprement parler. Il pensait et construisait ses réflexions en images et en sensations, en concepts abstraits et en sentiments.

Alors qu’il volait paisiblement en cercle, baigné dans les premiers rayons du soleil et porté par les courants ascendants, son estomac se rappela à lui. Il était temps de chasser. Aussi prit-il la direction des montagnes Perce-Nuages-trop-hautes-pour-être-survolées. Le grand aigle avait une connaissance parfaite des flux air-chaud-montant de son territoire, ce qui lui permettait de voler d’un endroit à un autre sans quasiment jamais n'avoir à battre des ailes. Plume-Nuage se laissait alors emporter dans les colonnes, jusqu'à leur plafond, puis en réorientant sa queue et ses ailes, il en sortait, pour planer jusqu’à la suivante. Lire et utiliser le vent, voler libre dans le ciel, cela provoquait toujours chez Plume-Nuage un intense sentiment de bien-être et de bonheur. C’était là qu’il devait être et nulle autre part. Il plaignait les marche-terre, toutes ces créatures sans ailes condamnées à ramper dans la boue.

À encore plusieurs centaines de battements de cœur des premiers reliefs, les yeux acérés de Plume-Nuage repérèrent ce pour quoi il était venu : un troupeau de bouquetins qui migrait d’un haut plateau à un autre via les versants abrupts, quasiment à pic. À l’approche des bêtes, toujours très haut dans le ciel, il tournoya un instant, le temps de choisir sa proie parmi la multitude bêlante. Il délaissa les étagnes et leurs cabris pour un gros mâle en tête de troupeau. Peut-être le dominant du groupe. Un frisson d’excitation parcourut Plume-Nuage. La chasse allait pouvoir commencer.

Abandonnant sa colonne d’air, et sans jamais quitter des yeux sa future victime, il battit de ses puissantes ailes pour reprendre de l’altitude et venir se positionner presque à la verticale de la harde qui allait, inconsciente de la menace. Il s’orienta ensuite pour avoir le soleil dans le dos, mettant au profit de sa chasse son plumage éclatant. Enfin, après un dernier battement, il replia ses ailes démesurées et plongea.

Plume-Nuage sentit l’exaltation le gagner à mesure qu’il prenait de la vitesse. Le vent était si fort dans son plumage qu’il avait l’impression que ses rémiges allaient se faire arracher. Les rochers se rapprochaient à un rythme vertigineux, la moindre erreur de trajectoire et il s’écrasait contre la paroi. Il n’était désormais plus qu’à quelques battements de cœur du bouquetin, toujours ignorant de l’éclair blanc qui allait s’abattre. Un mouvement de tête de l’animal et il s’empalait sur ses longues cornes. Plume-Nuage déploya alors le bout de ses ailes pour stabiliser son piquet et sortit ses hallux acérés. Il lacéra le dos de la bête avec tant de violence qu’elle décolla de la paroi et fut précipitée dans le vide dans un béguètement pathétique. Et tandis qu’elle se fracassait dans une gerbe sanglante en contrebas, le grand aigle, lui, poussa un glatissement de victoire qui résonna dans toute la vallée. Il était Plume-Nuage, le meilleur chasseur de ce royaume.

Lorsqu’il fut repu, Plume-Nuage se fit un devoir d’aller toiletter son plumage d’albâtre zébré, devenu carmin à cause de son sanglant repas. Fier de ses couleurs uniques et resplendissantes, le rapace ne les trouvaient pas moins exaspérantes à maintenir propres. Aussi, après quelques centaines de battements de cœur, d’un vol rendu lourd par les quantités de viandes ingurgitées, le fier prédateur se posa sur les rives rocailleuses d’un lac de montagne aux eaux turquoise.

C’était un lieu qu’il avait pour habitude de fréquenter pour ses ablutions, en témoignaient les longues plumes blanches et bleues coincées çà et là entre les pierres, car situé en haute altitude. Peu de chance donc d’être importuné. Une fois le plumage humide, Plume-Nuage comme tous les oiseaux, ne pouvait plus voler. Il devenait vulnérable. Et Plume-Nuage n’aimait pas être vulnérable.

Faisant fi de la température presque glaciale de l’eau, le grand aigle entra dans le lac. Il ébouriffa alors vigoureusement ses plumes à plusieurs reprises, frappa l’eau de ses immenses ailes et immergea autant de fois qu’il avait de serres le cou et la tête, laissant ainsi en tribut aux eaux cristallines sang, poussières, débris et parasites. Revenant sur la rive, marchant maladroitement les ailes écartées, Plume-Nuage alla se placer sur un rocher ensoleillé pour commencer le long, mais indispensable rituel de lissage des plumes. Une rémige au vexillum mal lissé ou une rectrice tordue avait pour résultat un vol erratique, ce qui pouvait vite s’avérer catastrophique en chasse. Sa vie dépendait donc de sa rigueur à la tâche. Aussi, plume par plume couche par couche, il entreprit de ressouder ses barbules entre elles, d’inspecter et de réaligner ses pennes. Concentré, il ne relevait la tête que de temps en temps afin d’être certain d’être toujours seul, ici à Lac-Ciel. Lorsqu’il eut enfin terminé, le soleil atteignait alors le faîte de sa course.

De retour dans l’éther azuré, Plume-Nuage volait sans réel but, surtout pour le plaisir de parcourir le ciel, suivant la longue frontière entre les montagnes Perce-Nuages et la Forêt-Epines. Une vaste sylve de conifères, dont les lisières se perdaient par-delà les horizons. Très giboyeuse, Plume-Nuage lui préférait malgré tout la montagne ou les steppes à cause de son envergure, magnifique au demeurant, mais qui rendait le vol au mieux compliqué, au pire impossible dans beaucoup d’endroits de Forêt-Epines.

Et ce fut entre deux acrobaties que le grand aigle remarqua quelque chose de surprenant. Un groupe de quatre humains à cheval qui descendaient d’un col et qui s’apprêtaient à pénétrer dans Forêt-Epines, à des centaines de battements de cœur de vol. Rares étaient les bipèdes qui voyageaient en ces lieux. Plume-Nuage aimait bien les humains. C’était des créatures intéressantes contrairement à toutes celles qu’il avait pu observer. Sans pelage ni plumage, ils se recouvraient d’étoffes colorées ou de peaux d’autres créatures pour se tenir chaud. Dépourvus de serres ou de crocs, ils taillaient des tiges de fer pour combattre. Ils vivaient en troupeaux considérables dans d’immenses fourmilières-de-pierres-taillées. Cependant, si le grand aigle appréciait les humains, jamais il n’en aurait accepté un sur son dos comme ces stupides chevaux. N’avaient-ils donc aucune dignité ? Plume-Nuage n’aimait pas les chevaux. Il décida de suivre la petite colonne à bonne distance depuis les airs, tout en se posant de nombreuses questions sur la raison de leur présence ici, sur ce qu’ils faisaient et l'endroit où se rendaient-ils.

Alors qu’il survolait les bipèdes depuis des dizaines de centaines de battements de cœur et que ses questions restaient toujours sans réponse, les yeux acérés de Plume-Nuage accrochèrent un éclat loin à l’horizon. Intrigué, il se mit à voler en cercle, laissant la colonne s’enfoncer toujours plus dans Forêt-Epines. L’éclat ne miroitait pas, ce n’était donc pas l’eau, raisonna le rapace. Et puis de toute façon, il n’y avait que la steppe là-bas, rien qui n’aurait pu produire ce reflet. Un gros nuage masqua le soleil et la nitescence mourut dans les ombres. Le grand aigle tournoya patiemment, jusqu’à ce qu’il passe et la lueur revint alors avec les rayons. Elle ne semblait pas avoir bougé. Ce n’était pas non plus un bipède en bardé de fer. La curiosité de Plume-Nuage se fit impérieuse et comme les quatre humains ne faisaient que marcher plein est, il partit en chasse du reflet au sud. De toute façon, il aurait eu du mal à suivre les bipèdes plus longtemps à cause de la canopée qui se faisait de plus en plus dense.

Quand Plume-Nuage survola enfin la steppe, les ombres s’étiraient et le soleil entamait son plongeon à l’ouest. Voilà un moment déjà que son guide chatoyant s’était éteint, cependant il avait pris soin de relever des repères. Ce qui ne l’empêcha pas de voler en rond quelques dizaines de battements de coeur avant que son regard de saphir ne remarque une irrégularité dans cette vaste monotonie herbeuse et ondoyante. Toutefois, et malgré son impatience, il ne se précipita pas. Il tournoya un moment, s’assurant qu’aucune autre créature ne rodait dans les hautes herbes et seulement ensuite il amorça sa descente, pour se poser dans un nuage de poussière soulevé par ses puissants battements d’ailes. Plume-Nuage n’aimait pas la poussière, cela ternissait son plumage, mais il aimait encore moins être au sol car il se sentait alors maladroit et vulnérable. Contrarié, il ne perdit pas de temps.

En quelques pas, il put enfin découvrir ce qui l’avait attiré ici. Enchâssé dans une tige de fer-lune se trouvait un large morceau ovale de glace-reflet qui lui retournait son image. Plume-Nuage poussa un glatissement de joie. Sa trouvaille dépassait toutes ses attentes. Il avait certes déjà de la glace-reflet parmi ses reliques à Nid-de-Pierre, mais ce n’était qu’un fragment, plus petit encore que sa plus petite serre. Là il pouvait voir sa tête entière malgré la fêlure qui zébrait la glace-reflet. De son bec, le grand aigle retourna avec d’infinies précautions l’objet. Le dos plat de fer-lune se révéla alors, gravé d’un paysage forestier d’une richesse saisissante. Plume-Nuage savait les humains habiles de leurs doigts-sans-serre, mais cet objet redéfinissait ce dont il les pensait capables.

Il resta des dizaines de battements de cœur à admirer sa trouvaille avant d’inspecter les lieux. Sur un large périmètre, la steppe était piétinée, le sol marqué de sabots de chevaux et de pieds humains. Çà et là des giclées de sang séché encroûtaient les brins d’herbe et imbibaient la terre. Un peu plus loin se trouvait une sorte de gros œuf souple en peau de bête que les bipèdes utilisaient pour transporter des choses sur leur dos. Éventré, l’œuf-transport avait vomi son contenu sur le sol. De la nourriture humaine principalement. Comme toujours avec eux, tout était transformé. Plume-Nuage reconnaissait l’odeur des céréales ou du lait, mais ce qu’il avait sous les yeux n’en avait ni la forme ni la texture. Ce qui ne l’empêcha pas de gober d’un coup de bec les morceaux de viande séchés. En fouillant avec ses serres, il trouva un autre œuf-transport beaucoup plus petit celui-là. S’il pouvait percer le crane d’un ours avec ses serres, Plume-Nuage savait également se montrer délicat au besoin. Aussi n’eut-il aucun mal à défaire la lanière de cuir qui fermait l’œuf-transport. Le grand aigle émit un sifflement de plaisir. À l’intérieur se trouvaient quelques ronds de fer-lune et de fer-noisette. Et alors que celles qu’il possédait déjà étaient, pour la plupart, ternies par un trop long séjour dans la nature avant qu’il ne les débusque, ces ronds de fer ci étaient resplendissants.

Heureux, Plume-Nuage prit le petit œuf-transport dans son bec puis alla récupérer la glace-reflet-enchâssé entre ses serres avant de s’arracher du sol à la faveur d’une des nombreuses rafales qui balayait la steppe. Et tandis qu’il prenait de l’altitude, il ne put s’empêcher de se demander ce qui avait bien pu se passer ici pour que les bipèdes y oublient de si beaux artefacts. Les humains étaient de bien curieuses créatures.

Las, Plume-Nuage rejoignit son nid, accompagné des dernières lueurs du jour. Ne pouvant nicher dans la forêt car aucune branche raisonnablement haute ne pouvait le supporter lui et son nid, il avait trouvé une petite caverne dans le flanc d’une falaise à pic dans les Perces-Nuages, inaccessible à tout marche-terre et qui avait pour avantage d’être abritée des vents dominants et d’être au sec.

Au centre de Nid-de-Pierre, se trouvait donc un nid suffisamment grand pour accueillir Plume-Nuage confortablement. C’était un vaste cercle fait de plusieurs couches. D’abord une première composée d’épaisses branches, puis, par-dessus au centre une deuxième couche de branches, mais plus fines cette fois. Enfin, cette couche était elle-même recouverte de brindilles, de mousses et de duvet, avec çà et là des branches de menthe, de citronnelle et d’autres plantes visant à éloigner les insectes. Plume-Nuage exécrait ces minuscules créatures nuisibles qui s’attaquaient à son plumage et à son sang. Il était fier de son nid et s’il pouvait dormir n’importe où d’assez haut perché il n’y avait qu’ici qu’il trouvait véritablement le repos.

Mais plus précieux encore aux yeux de Plume-Nuage que son nid douillet, c’était ce qu’il y avait au fond de la caverne : ses artefacts. Des objets amassés au fil des saisons qui avaient su attiser sa curiosité insatiable ou son sens de l’esthétisme. Il y avait rangé en pile sur le sol des cailloux et des pierres-rivières aux formes et aux textures intéressantes, souvent veinées de couleurs chatoyantes. Plus intéressant encore pour le grand aigle, dans un petit nid construit par ses soins, des dizaines de ronds de fer-noisettes, fer-lune et même quelques unes en fer-soleil, auxquelles vinrent s’adjoindre celles de l’œuf-transport. Elles étaient toutes couvertes de symboles mystérieux et d’après les observations de Plume-Nuage, elles servaient aux humains pour obtenir d’autres objets auprès d’autres humains. Cela le fascinait tout en le laissant perplexe. Quel pouvoir pouvait bien avoir le fer sur les bipèdes ? D’ailleurs, autre preuve s’il en fallait de l’influence du fer sur eux, dans un autre petit nid à côté, Plume-Nuage avait réuni des cercles de fer-lune ou de fer-soleil de diverses tailles que les humains mâles ou femelles portaient à leur doigt-sans-serre ou à leur cou pour leur parade nuptiale. Certains cercles étaient même agrémentés de petites pierres translucides et colorées qui attrapaient la lumière comme nulle autre chose. Il y avait également pêle-mêle contre la paroi une tige de fer-taillé-tranchant de la taille d’une de ses pattes, une carapace-crâne en fer également et son mystérieux fragment de glace-reflet. Avec circonspection, il y plaça à côté sa glace-reflet-enchâssé. Plume-Nuage ne reconnaissait toujours pas cette étrange matière qui reflétait mieux que l’eau, mais il savait l’apprécier.

Cependant de tous ses artefacts, rien ne lui était plus précieux que les quelques plumes fauves disposées avec soin dans une petite alcôve. C’était là les vestiges doux-amers d’une époque révolue. Ces plumes furent celles d’une jeune et magnifique femelle de son espèce. Une forme que Plume-Nuage avait conquise à la suite d’une parade nuptiale de haute voltige, il y avait de cela une dizaine de printemps. Lui-même n’en avait que cinq à l’époque. Il se souvenait encore avec émotions de la beauté de son plumage lisse et soyeux, de la délicate courbure de son bec et de ses yeux couleur sève si brillants.

Ensemble ils eurent deux œufs qu’elle couva férocement jusqu’à leur éclosion. Ce furent les plus beaux moments de sa vie et la naissance de ses oisillons l’avait rempli d’une joie et d’une fierté indicibles, plus encore que son premier vol. Pourtant, les cycles-lunaires qui suivirent ne furent que déceptions et malheurs. Cela commença dès la première fin de cycle après l’éclosion. Alors que Plume-Nuage était parti en chasse, l’aîné des aiglons tua son cadet sous l’œil indifférent de la forme et cela malgré le fait que le grand aigle ramenait suffisamment de proies pour nourrir toute une nuée d'oisillons. Son chagrin fut à la mesure de son bonheur : indicible. Et l’impossibilité de communiquer et de partager avec son aimée ne fit qu’ajouter à sa peine. L’aiglon restant grandit vite et devint un fier rapace, mais qui, cependant, ne développa aucun des attributs fabuleux de son père à son grand désappointement. Le jeune aigle finit par prendre son indépendance au bout du quatrième cycle lunaire et s’envola définitivement, sans se retourner. Vint alors le coup de serre final à ses espérances, quand sa femelle finit par le chasser de son territoire. La saison des amours était terminée, sa compagne n’avait plus besoin de lui jusqu’au printemps prochain. Dépité, Plume-Nuage avait fini par repartir vers son propre royaume, emportant avec lui dans son bec, trois plumes ayant appartenu à sa forme et quantité de désillusions dans son crâne.

Il comprit alors qu’il ne pourrait jamais trouver réponse à ses attentes et à ses désirs car il espérerait toujours plus que ce qu’une créature d’instinct ne pourrait jamais lui offrir. Sa conscience devint alors sa bénédiction et sa malédiction, car c’était là le prix à payer pour exister en tant que Plume-Nuage. Cela en valait-il la peine ? Tourmenté qu’il était, le Plume-Nuage de l’époque aurait répondu que non. Dix printemps plus tard, le Plume-Nuage dans Nid-de-Pierre qui observait ces trois plumes de ses yeux saphir brillant d’intelligence était d’un tout autre avis. Pour avoir observé pendant des cycles-solaires les créatures de son royaume, il préférait désormais la mort à leur vie au service de leur instinct. Seuls les humains dans leurs immenses fourmilières-de-pierres-taillées semblaient différents.

Non sans avoir frotté ses joues contre les trois plumes de l’alcôve, Plume-Nuage rejoignit son nid et une fois installé, passa sa tête sous son aile gauche. Il s’endormit rapidement, rêvant de chasses épiques et d’une femelle qui aurait elle aussi un nom.


- FIN -
Dernière modification par Aquila le mar. 04 sept., 2018 10:04 pm, modifié 4 fois.
charly09

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par charly09 »

Un petit texte militant... à deux voix. Histoire vraie.

"La corrida, je suis contre et par principe. J’ai signé un certain nombre de pétitions en ce sens, mais je n’ai pas eu le courage jusqu’ici d’en regarder les images.

Ce matin, je partage ce documentaire de Jaime Alekos. Précis. Sans autre parti pris que celui de filmer le taureau, sans pathos. Juste cette réalité-là. Les images sont éprouvantes, en effet. Et tout au long du visionnage, je me dis que j’aimerais le revoir, ce film, en compagnie d’un aficionado : pour qu’il m’explique.

Parce que je peux comprendre, vu de loin et à l’abri d’une tradition, comment on admire les passes, qu’on évalue le courage, qu’on salue la technique. On fait ça devant un artiste de cirque, un sportif de haut niveau, un danseur, plus encore quand on connaît la pratique : on sait ce que le geste demande de précision, d’intuition de l’instant, tout ça.
Mais sur le sable ?... sur le sable, il y a le muscle qui palpite et l’épée enfoncée jusqu’à la garde qui vibre au rythme du souffle épuisé du taureau… c’est une autre histoire.

A hauteur du sable, je vois de la racaille. Rien ne m’est épargné. Les ho et les ha du public, qui ajoute à l’horreur, s’il en fallait ajouter… J’ai peur. Je voudrais partir. Je ne comprends pas.

De la racaille, oui : une bande de jeunes gens qui font de l’esbrouffe autour de leur victime désignée. Ils sont en bande, ils blessent, ils excitent. Ils prennent le risque d’un mauvais coup, c’est vrai… mais le danger sitôt pressenti est écarté par un autre voyou qui vient distraire la défense du perdant.

Parce que si le danger était si grand pour les hommes, il y aurait davantage d’accidents, soyons-en sûrs. Le taureau, lui, meurt chaque fois. Non… ma formule est littéraire : elle généralise et laisse croire qu’il n’y a qu’un seul taureau, toujours renouvelé, une sorte d’entité "toro" symbolique. Non, le taureau ne meurt pas chaque fois : mais chacun des taureaux conduits sur l’arène meurt.

Je ne veux pas mourir.

Quant au cheval, carapaçonné… il n’est là que pour protéger l’homme, encore une fois. Une victime collatérale que le taureau n’attaque pas. Simplement, je cherche à me débarrasser de cet animal bicéphale qui me transperce : je le pousse, je l’évite. Je n’attaque pas. Mais je tue, oui. Malgré le carapaçon qui ne protège pas le ventre, ni la tête. Mais qui protège l’homme, parce que l’homme est hors de portée de mes cornes mutilées.

A hauteur du sable, vous n’avez plus le recul visuel nécessaire pour embrasser la scène et apprécier les figures, les passes du torero. Vous ne voyez plus la danse métaphorique qui lierait l’homme au fauve qu’il combat. Vous ne verrez pas de jolies banderilles colorées : vous verrez les harpons qu’on enfonce dans ma chair, vous verrez le sang qui coule, le muscle blessé qui vibre. Je ne comprends pas. Je cherche mon souffle, toujours, je cherche mon souffle tout au long de cette longue épouvante.

Les passes du torero, quand on regarde à hauteur du taureau… il ne cherche pas à blesser l’homme. C’est même criant ! le gars à paillettes nous fait des poses de flamenco, mais il est dans une économie de mouvement telle qu’il n’attire pas l’attention de la bête, surtout pas…, ailleurs que sur la cape qu’il agite : les yeux du taureau suivent les ondulations de la muleta, à droite, à gauche. Ils ne s’intéressent pas à l’homme ; là encore, il cherche une porte de sortie.

A aucun moment je n’attaque. J’entre déjà blessé, j’évalue l’arène pour savoir quelle échappatoire, on me pousse et comme il n’est pas de retranchement possible, harcelé toujours, je fonce vers l’attaquant et m’épuise. Je suis des yeux le mouvement de la cape et cherche à franchir l’obstacle à droite, à gauche… Je cherche à renoncer mais je charge parce qu’on m’interdit de fuir. Je reprends mon souffle, et je cherche en vain le salut que je ne trouverai pas.

Il n’y a aucune haine dans mon regard, à aucun moment je ne cherche à tuer. Je cherche ce que je fiche là, et comment sauver ma peau déjà perdue. Je me vide de mon sang. Je cherche mon souffle.

Et la racaille qui m’épuise. Qui sont là à plusieurs.

Et jusqu’à la mise mort, longue, cruelle. Je vois, flou déjà, le regard du torero qui cible l’instant fatal pour transpercer mon corps déjà à l’agonie. La lame me met à terre, et c’est un autre charlot qui vient donner la merci… sauf que c’est long, violent, intolérable : il tranche dans le cervelet, et scie littéralement parce que ça ne suffit pas. Je suis à terre déjà, j’agonise, je trépasse, mais mon souffle n’est pas rendu, mon œil au-delà de la terreur est encore vif quand on tranche, sans même attendre que je sois mort et inconscient, mes oreilles et ma queue. Je suis si vivant encore que les bourreaux tiennent la corne, histoire d’éviter un mouvement réflexe sans doute. Ils n’attendent même pas, quand ils m’ont déjà fait tant souffrir, que je sois vraiment mort.

Les défenseurs de cet art, puisqu’ils emploient ce mot, parlent de l’amour de l’homme pour le taureau. Je n’ai pas vu cet amour dans le regard de l’homme. Ni même le simple respect du combattant qui a affronté le fauve : quand le taureau est à terre, le torero récupère ses lames, les retire et les essuie sur sa peau, sur sa paupière même, avec quelle désinvolture ! et abandonne la carcasse vibrante encore à ses sbires. Il lui tourne le dos, pour recevoir les vivats sans doute, mais il n’a pas un regard pour son noble adversaire. Pas un geste qui montrerait de la reconnaissance, un salut pour l’adversaire valeureux, un soupçon d’empathie pour un sort qu’ils auraient pu partager. C’est dire que l’amour du taureau n’a guère de sens ici.

A hauteur du sable, mon œil sec ne voit plus cet homme qui se flatte de l’image qu’il se renvoie à lui-même : il a cette expression pleine de confiance d’un athlète qui réussit sa performance, satisfait. Il n’a pas un regard sur ma dépouille encore vive qu’il a mutilée. J’ai senti la lame qu’il essuyait sur ma chair sanglante. Il goûte aux hourras et pourtant, nous n’avons pas combattu ensembles. Désemparé je suis entré dans l’arène, j’ai voulu reculer pour dire que je refusais ce combat inégal et sans haine, le regard voilé par le sang et la mort, par cet acharnement improbable que je ne comprenais pas, j’ai souffert et je suis mort en détresse.

Alors oui, j’aimerais assez que les aficionados m’expliquent, non pas au regard de ce qu’ils savent de l’art, des passes et du rituel parfaitement exécuté, mais au regard de ces images d’arènes, ce qu’il y aurait à saluer dans la corrida ?"
Nyselia

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Nyselia »

Je ne vois que maintenant ce sujet et j'avoue que je suis vivement intéressée. Mais ma motivation, c'est surtout de partager un bon moment vécu et je participe à ce concours en écrivant ce texte en mémoire de ma chienne, Yellow, qui nous a quitté en 2014 déjà. J’ai modifié les noms et quelques faits, mais aussi non c’est ce qui s’est effectivement passé lorsque l’on a adopté notre petite Yellow. Si ça me permet de gagner, tant mieux, mais aussi non, faites vous juste plaisir en la lisant! ;)
Yellow bébé (17).jpg
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Yellow

Je suis née un vingt-cinq décembre (je sais, ironique non?) en l’an 1999 (l’idée du siècle de naître cette année là! :D ).
Quelques mois plus tard, alors que j’en ai vu défiler quelques un de visiteurs, une famille s’approche de l’enclos où nous sommes mes frères, mes soeurs et moi, avec notre maman. C’est rigolo, car ils n’ont pas l’air décidés, mais plus ils s’approchent, plus ils font une tête avec une drôle de mimique! Il y a une grande personne et une autre qui l’accompagne, mais on voit que c’est un mâle lui. Et il y a aussi quatre petites personnes, deux femelles et deux mâles.
Je sais que quand ils repartiront, l’un d’entre nous sera parti, mais moi je ne veux pas partir! Mais pourtant, ils ont un air de ne pas vouloir nous prendre maintenant, c’est bizarre, est-ce normal? En tout cas, on s’approche tous, sauf moi qui reste un peu à l’écart du groupe de mes jeunes frères et soeurs.
L’une des petites caresse ma soeur et s’exclame.

- Elle est toute douce, maman! Tu es sûre de vouloir de prendre le chien que dans deux semaines?
- Oui, Elleane! intervient le grand mâle. On ne va pas le prendre maintenant, on avait bien dit dans deux semaines et pas de supplication, tu entends! gronde-t-il.

Et ben dis donc, ils sont fermes eux! Mais du coup, je suis assez curieuse et m’approche un peu plus. On commence à s’amuser avec les petits et à les mordiller pour le plaisir, quand ils nous prennent dans leur bras.
Pour finir la grande personne s’accroupit à notre hauteur après avoir discuté avec son compagnon qui l’accompagnait à notre grande personne préférée, Monique, car elle s’occupe de nous!

- Oh, ils sont trop chous, dit-elle en me caressant le dos.

- Je lui donne un petit coup de langue, car je suis curieuse de son goût et elle rigole.

C’est une petite femelle, celle-ci, non? demande-t-elle. Et ils sont comment, est-ce qu’ils sont sages?
Oui, c’est une femelle. Et si vous voulez une calme, celle que vous avez dans les bras est la plus sage de tous. Mais attention, ce n’est pas parce qu’elle a été assez calme jusqu’ici qu’elle le sera encore plus tard!
D’accord, merci pour votre conseil!

Je continue de gigoter un peu, puis me calme dans ses bras. Je m’étonne d’être bien ici, dans les bras d’une grande personne, car normalement, l’endroit où je suis le plus à l’aise, c’est pelotonnée près de mes frères et soeurs, quand se colle tous ensemble, en boule.
Comme je commence à m’y faire, je me reprends et me sauve vers ma maman, pour ne pas céder. Je détale de mes petites pattes mais tombe le museau en avant dans la poussière! Aie!
Juste après, je sens une petite main me caresser le bout du nez, comme pour effacer le bobo que je viens de me faire, comme ma maman à moi le fait pour nous réconforter. Je lui en suis si reconnaissante que sans réfléchir, je lui lèche la main! Un geste que je ne m’étais pas encore permis avec personne! Après, je me réfugie dans les pattes de ma maman et les regarde tous de mon abri. Et c’est là que je les vois tous me regarder, moi! Avec une tête qui me fait peur! Non mais, c’est quoi cette expression qu’ils ont tous, là? L’autre petite fille, qui m’a caressé à l’instant, Emma, je l’ai entendu appelée ainsi par ses parents, leur parle vite et je ne comprends plus rien. Je ne veux plus écouter!
Finalement, après nous avoir encore longuement regardés, ils se dirigent vers le bureau de Monique et n’en sortent plus. Ce n’est que longtemps après que je les vois tous sortir et stupeur! Ils se dirigent de nouveau vers nous! La grande personne se dirige vers moi, qui suis maintenant à découvert, mais près de mes frères à présent. On s’amuse à présent à se monter les uns sur les autres et c’est rigolo quand l’un d’entre nous tombe! Mais la grande personne vient et après un acquiescement de Monique alors qu’elle tendait la main vers moi, elle me prend et je fais un petit couinement de frayeur d’être prise comme ça, malgré la douceur de son geste. Je suis emportée et me retrouve soudain au centre de leur attention, car ils se sont tous regroupés autour de nous.

- Allez, chéri! Et puis, en plus on a déjà quelques affaires à la maison! Elle est tellement craquante! Je ne pourrai pas attendre!
- Oui, oui, oui, allez papa! s’exclament tous les quatre petits!
- Elle est tellement adorable! tu vois, elle est très sage! Et on s’en occupera tous, promis! dit le plus grand de tous, Maurilou je crois.
- Dis oui, dis oui, supplie la petite Emma
- Allez, please! rajoute l’autre petit garçon, Naguy.
- Bon, si vous insistez tellement, d’accord, soupire-t-il.
- Youpiiiiiieeee! crient-ils tous en coeur.

Pour finir, je me retrouve embarquée dans leur voiture! Au secours! Ils me mettent d’abord aux pieds de la dame, mais comme je geins un peu, elle finit par me mettre sur ses genoux.

Je les vois tous à m’observer, de part et d’autre du siège, alors que je suis bien installée. Réconfortée par les caresses et les douces paroles je commence tout doucement à m’assoupir. Finalement, bercée par le mouvement de la voiture en marche, la journée se terminant, avec l’obscurité de la nuit d’hiver, la chaleur de la personne sur laquelle je me trouve, je me sens bien et je finis par m’endormir à l’aube de cette nouvelle aventure qu’a pris ma vie.

Fin de cet épisode et début d'une très belle histoire!

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Aracia

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Aracia »

Bonjour,

Voici ma participation, basée sur ma rencontre avec une petite créature étonnante. Une chatte noire à la SPA.

Lily


Je me trouve dans une salle étrange. Une salle remplie de gamelles, d’arbres à chats et… et bien de chats. Ils ne sont pas tous comme moi, ou comme mes frères et sœurs. Non… Certains ont un pelage, une odeur étranges. Je n’aime pas cet endroit. Les autres m’ont dit que c’était ici que l’on atterrissait lorsque notre famille ne voulait plus de nous. Je ne me souviens plus très bien de cette famille. Je me souviens simplement avoir été séparée de mes frères et sœurs. Maintenant je suis ici. Depuis un long moment il me semble. De temps en temps, des humains entrent pour ramasser nos excréments ou pour nous donner à manger. Ils sont bien serviables ces humains. Mais aucun de s’attarde suffisamment. Pas de câlin, pas de jeux. Je m’ennuie. Mes congénères vadrouillent dans la salle, parfois à l’extérieur. Ils sont à présent habitués à cet environnement. Ils savent reconnaître les visiteurs. C’est comme ça qu’ils appellent les humains susceptibles de nous emmener dans une nouvelle maison. Mais depuis que je suis ici, personne ne m’a approchée. Au contraire, les visiteurs semblent m’éviter. Pourtant je n’ai rien fait de mal… Je ne comprends pas. Alors je miaule. J’essaie de leur faire comprendre avec ma voix et mes yeux que moi aussi je suis là ! Que moi aussi je ne demande qu’à avoir une nouvelle famille… Un autre chat vient d’être adopté. Le voilà parti… Disparu par la porte que seuls franchissent les élus. Je me couche, lasse. Les caresses des humains me manquent. Je n’ai pas envie de passer une nouvelle nuit dans cet endroit surpeuplé. Nous sommes trop nombreux et je n’aime pas la présence de certains de mes congénères. J’ai beau les chasser en feulant et en montrant les griffes, ils reviennent toujours, comme pour venir faire connaissance. Je ne veux pas faire connaissance avec eux. Je veux partir de cet endroit. Vite.

Voilà qu’il fait presque nuit. Cela veut dire que bientôt, plus personne ne franchira la porte. Je soupire. Soudain, j’entends des voix dans le couloir. Je me redresse sur l’un des arbres à chat où je m’étais perchée, et je m’assois. Dès qu’elle entre, nos regards se croisent. Cette jeune humaine a une aura qui me plaît. Je sens un lien s’étirer doucement entre nous. Elle regarde pourtant les autres chats, leur adressant quelques mots très doucement, mais elle finit par s’approcher. S’approcher de moi. Nous nous regardons. Le lien intangible qui nous relie se solidifie encore. Elle passe sa main dans mon pelage et me parle. Son langage a beau m’être incompréhensible, sa voix résonne agréablement à mes oreilles. J’aime la manière dont elle me caresse. La manière dont elle parle, comme si ses mots formaient une musique. Son odeur me rappelle un lointain souvenir. Une senteur fruitée et fleurie à la fois. Ma nouvelle humaine – car oui, je sais d’avance qu’elle m’appartient – a bien vaguement caressé mes comparses. Mais son attention reste focalisée sur moi. Et cela me plaît. Alors dès qu’elle se retourne pour discuter avec les autres humains de la pièce, j’étire ma patte pour accrocher mes griffes dans les longs poils qu’elle a sur la tête. Elle me regarde en produisant un bruit bizarre. Je crois qu’elle rit. Un chat tente de s’approcher. Je feule et lève la patte en guise d’avertissement. Cette jeune femme à l’aura éclatante est à moi. A partir du moment où nos regards se sont croisés, j’ai su que je repartirais avec elle. Je continue à l’amadouer en lui tapotant le bras de la patte pour qu’elle reporte son attention sur moi lorsqu’elle parle avec le visiteur qui l’accompagne. Elle rit à nouveau. Mais je sens autre chose autour d’elle. Une profonde tristesse. Alors je cogne ma tête contre sa main pour lui faire comprendre que je suis là si elle a besoin de moi. Nous nous ressemblons beaucoup. Nous avons beaucoup d’amour à donner mais également une grande tristesse et des peurs qui nous paralysent. Nous comprenons cela en quelques minutes.

Elle finit par se retourner vers les humains qui s’occupent de nous. Je regarde la scène tandis que mon âme sœur continue de passer ses doigts dans mon pelage. Ils finissent par sortir… Avec moi. Nous sommes en famille !
Cappy_da

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Cappy_da »

Bonsoir tout le monde,

J'ai découvert ce concours il n'y a que quelques jours mais il m'a inspiré ce petit texte (texte que j'ai écrit au lieu de réviser ^^). Désolé pour les éventuelles fautes d'orthographe et bonne lecture ;) :

Paroles d'un prisonnier

J’émerge aux sons des cris et hurlements qui règnent autour de moi et l’odeur épouvantable finit de me réveiller définitivement. Sur le coup, je ne parviens pas à me rappeler où je suis puis les barreaux en face de moi me le rappelle méchamment. Encore une fois je me réveille dans cette prison au sol froid et à la bouffe insipide. J’entends mieux à présent les ronflements de mon colocataire qui gesticule dans son panier. Et je soupire en pensant que cela fait cinq mois que je suis là et j’ai déjà abandonné tout espoir de sortir un jour d’ici. Je ferme les yeux, 1 … 2 …

Quand je suis arrivé ici, j’étais logé dans un endroit bien plus calme où on a pansé mes plaies, donné à manger et cajolé. Evidemment, j’étais méfiant mais mon estomac vide l’a emporté. Puis, un jour, un bipède mâle avec une blouse blanche et des gants est venu et m’a manipulé. Il m’a piqué avec une aiguille et je me suis endormi. Tout ce dont je me souviens après c’est de m’être réveillé seul dans une cellule avec un truc autour de ma tête. J’ai vérifié que j’avais toujours quatre pattes, une queue et … oh mon dieu ces salauds de bipèdes ont touché à mon service trois pièces ! Barbares ! Et à cause de ce truc sur ma tête, je ne peux même pas vérifier ce qu’ils y ont fait. Ces bipèdes allaient me le payer. Quelques jours plus tard, le même bipède mâle m’a ausculté à nouveau et m’a retiré ce truc horrible. J’en ai profité pour lui donner mon point de vue et j’ai essayé de le pincer. Bizarrement, cela l’a fait rire et il a dit quelques mots à la jeune bipède à côté de lui. On m’a placé ensuite dans une nouvelle cellule où j’ai rencontré mon colocataire d’infortune : le Général, un bouledogue anglais de 12 ans. Il m’a accueilli avec plaisir, constatant que je n’étais pas un chiot turbulent. Son précédent colocataire était un teckel à la langue bien pendue au grand dam du Général. Je lui ai alors demandé comment on pouvait sortir d’ici et il m’a expliqué que la seule issue possible était qu’un bipède m’emmène. Cela m’a paru totalement absurde car comment un bipède pouvait vous sortir de là quand c’était l’un des leurs qui vous y avait mis ?! Mais le Général est vite devenu un ami et il me présenta à nos voisins d’infortune. Dès le lendemain, un bipède arriva devant notre cage, accrocha une laisse à mon collier et m’emmena dehors. Fou de joie, je dis au revoir au Général et bondit, sauta partout au point de faire rire le bipède. Je sortais d’ici, oh que l’herbe me semblait douce sous mes pattes et comme le vent caressait mon pelage. Je quittai cet endroit et si vite. Mais au bout d’un moment, le bipède me ramena vers ma cellule. Je tentai de résister mais il parvint à me pousser dedans, décrocha la laisse et referma ma cellule. Je ne comprenais plus rien, avais-je fait quelque chose de mal ? J’allai bouder dans mon coin sans adresser un mot au Général de la journée. Le lendemain, un autre bipède, une femelle cette fois-ci, me sortit et je tentai d’être le plus exemplaire possible pour qu’elle me garde mais comme la veille elle me ramena. Et elle fit la même chose au Général. Totalement perdu, je lui demandai à son retour pourquoi les bipèdes nous jouaient ce tour. Il m’expliqua que ces bipèdes n’étaient pas des adoptants comme il disait, qu’ils n’étaient là que pour que l’on puisse sortir un peu d’ici et prendre l’air. Je lui demandai alors depuis combien de temps il était là. Sa réponse me fit froid dans le dos : 4 ans, depuis le départ de sa bienveillante maîtresse. Depuis lors, chaque fois qu’on me sortait je tentai par tous les moyens de m’échapper mais à chaque fois c’était un échec. Et du côté des adoptants, personne ne nous regardait, mon allure trop sauvage faisait peur aux petits bipèdes et le Général était trop vieux à leurs yeux. Bref, on ne se bousculait pas pour nous. Les semaines passèrent et tout espoir de sortir d’ici aussi.

Aujourd’hui est une nouvelle journée qui commence exactement comme hier et comme sera celle de demain. L’après-midi est chaude avec une légère brise et je décide de la passer dans notre petite cour grillagée, en attendant ma sortie quotidienne. L’une des vieilles bipèdes qui nous sort, est partie avec le Général. Je sors dans notre petite cour et salue le grand Chuck, un doberman, et Nora une jeune papillon qui joue ensemble dans la cellule d’à côté. Je me couche, savourant les rayons du soleil et le léger calme si rare qui règne dans la prison. Soudain, une voiture se gare tout près et est suivie par un tonnerre d’aboiement « Bipèdes » « Bipèdes » qu’ils se mettent tous à crier. Et voilà, finie la tranquillité. Je mets mes pattes sur mes oreilles pour échapper au vacarme mais c’est inutile. Stupides cabots, arrêter d’aboyer jamais nous ne sortirons d’ici ! De la voiture sort deux bipèdes adultes, un mâle et une femelle, un petit bipède et une jeune bipède. Je relève la tête à la vue de cette dernière. Ce qu’elle a l’air triste, on dirait qu’elle ne tient pas à être là. La grande femelle vient même à côté d’elle pour la forcer à suivre leur rythme plus rapide que le petit bipède impose à tous. Toute la famille se dirige vers l’entrée de la prison. J’entends alors le Général qui rentre de balade et me lève pour aller l’accueillir : « Comment était la balade mon Général ? » « Merveilleuse mon petit, il y avait pleins de choses à renifler et je crois avoir fait fuir pour de bons ces fichus pigeons » « Votre guerre avec eux se transforme en croisade mon ami. Bon à mon tour de me dégourdir les pattes ». Je trottine vers la bipède alors qu’elle referme la porte : « Désolé mon grand mais une famille vient d’arriver, cela pourrait être ton jour de chance ». Mon jour de chance ? A l’âge de 4 ans, je n’intéresse déjà plus personne et une fournée de chiots est arrivée il y a quelques jours. Je sais pertinemment que les bipèdes vont en prendre un et le Général pense la même chose vu qu’il préfère rester au soleil. Alors boudant et sachant qu’une fois que les bipèdes seront passés, la vieille reviendra me chercher pour me sortir, je me couche dos à la porte de la cellule. Pourquoi devrais-je avoir du respect pour des bipèdes qui vont me juger que sur mon apparence ? Ils entrent dans le bâtiment et le concert commence, chaque chien essayant de montrer qu’il faut le choisir lui, c’est d’un pathétique ! Je ne bouge même pas alors qu’ils approchent de ma cellule. Je sens qu’on me jette un bref coup d’œil avant que le petit bipède crie devant la cage des chiots. Les adultes s’éloignent de moi aussi vite qu’ils sont arrivés. Je soupire de tristesse car même si c’est à chaque fois le même refrain, le rejet est toujours dur. « On dirait que tu ne tiens pas à te faire adopter » la voix de la jeune bipède me surprend. Elle est restée devant ma cellule et je ne m’en suis même pas rendue compte. « Remarque je n’ai aucune envie d’adopter non plus. Comment pourrais-je lui faire ça ? » Je bouge légèrement les oreilles pour lui montrer que je l’écoute mais elle semble se parler plus à elle-même. « Je ne pourrais jamais le remplacer ». Et j’ai comme l’impression qu’elle pleure. « J’aimais tellement Oscar, ça serait de la traitrise que de le remplacer. Je leur ai dit mais ils ne veulent pas m’écouter. ». Comme il doit être agréable d’être aimé comme cet Oscar semble l’avoir été. Je n’ai jamais connu l’amour des bipèdes, je n’ai connu des miens que violence et cruauté avant qu’ils ne m’abandonnent ici à demi mort et en ce moment je ferais tout pour consoler cette bipède. Cette petite m'intrigue énormément. Je me lève alors et m’approche d’elle. Elle sanglote toujours et je gémis doucement pour attirer son attention. Elle me regarde alors de ses grands yeux bleus et je sens qu’un lien profond commence à se tisser entre nous. Et sans savoir pourquoi je pose ma patte sur les barreaux. La petite bipède pose alors sa main sur ma patte et sourit. Je ne sais pas qui est cet Oscar mais je lui promets de rendre sa petite bipède heureuse à nouveau. Elle sèche alors ses larmes « Tu es un bon chien… (puis elle jette un œil sur le mur de ma cellule) Bandit, c’est ça ? ». Je comprends à cet instant que ma vie va devenir plus douce et que je vais enfin avoir un foyer.

Par la suite la petite bipède appela les autres qui me regardèrent à nouveau. La vieille bipède me sortit et donna ma laisse à la jeune bipède. Nous passèrent un moment à jouer même si le petit bipède n’osa pas m’approcher. S’il savait que j’ai aussi peur de lui et de lui faire mal. On me ramena dans ma cellule mais cette fois-ci je savais que je ne resterai pas longtemps ici. Et effectivement, ma jeune bipède (car il était évident qu’elle l’était) et sa famille revinrent quelques jours plus tard pour m’emporter dans ma nouvelle maison. Mes adieux avec le Général furent déchirants et je regrettais qu’ils ne l’emmènent pas avec moi. Il me rassura en grommelant qu’il aurait détesté vivre avec un tout jeune bipède si bruyant. Nous savions tous les deux qu’il mentait. Je lui souhaitais bonne chance et rejoignais ma bipède. Mon existence fut si douce, je passais mon temps avec la petite bipède et j’apprivoisais le tout petit par de nombreuses postures de jeux. On me sortait aussi beaucoup plus longtemps qu’à la prison et on jouait avec moi à la balle. Et même si j’étais heureux, je me demandais souvent ce que le Général était devenu. Un jour durant une promenade, j’aperçus un chien qui lui ressemblait … c’était bien lui et je couru à sa rencontre. La personne qui lui tenait la laisse était la vieille bipède de la prison. Elle me reconnue et me caressa. Ma famille arriva et ils discutèrent. C’est ainsi que j’appris qu’après mon départ le moral du Général avait décliné et que la vieille bipède, ne pouvant plus supporter de le voir dans cet état, avait décidé avec son mari de l’adopter.

Les années passent et mon bonheur est toujours à son comble. Aujourd’hui je suis un vieux chien mais le plus heureux car j’aime et je suis aimé en retour. Et j’espère que le jour où je partirai rejoindre Oscar et probablement le Général et d’autres copains de la prison, ma petite bipède devenue grande se souviendra de tous ces moments de joie et aimera à nouveau un autre chien pour lui donner l’occasion de goûter à la joie d’être aimé. Mon plus beau cadeau a été son amour mais je refuse de le garder que pour moi et j’espère qu’un autre prisonnier comme moi en profitera.
Pegh

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Pegh »

Bonjour !

N'ayant jamais tenté, je me lance !
Je joins le fichier Word, pour le contrôle des caractères, car je suis limite !! :)
Bonne lecture ! ;)

1



Il n’y a pas si longtemps que j’ai découvert mon « talent » …

Je flemmardais tranquillement sur le canapé, un dimanche après-midi. Nous venions de déjeuner : le rituel repas du dimanche midi… A 21 ans, et bien que ne vivant plus chez mes parents, je ressentais encore le besoin de venir souvent me ressourcer chez eux : après tout, c’était aussi chez moi depuis 20 ans …
Je me reposais après avoir terminé mon café, dont la tasse trainait sur la table du salon devant moi … Nous avions débarrassé la table qui trônait à quelques pas ; seuls restaient nos verres et les serviettes que nous n’avions pas pliées …

Les yeux dans le vague, je me demandais ce que j’allais faire du reste de ma journée, quand Jazz, le boxer de la famille, a fait irruption dans la pièce.
Il revenait de l’extérieur où il avait dû courir, vu que sa langue pendouillait mollement en dehors de sa bouche, que des filets de bave en faisaient tout autant, et qu’il avait l’air de suffoquer en cherchant son air … Nul doute, qu’il aurait bien aimé que je me lève pour aller jouer avec lui dehors …
J’adorais ce chien … Il était avec nous depuis quelques années déjà ; il était toujours là pour partager nos joies, et pour nous faire des câlins quand ça n’allait pas …
Je le fixais, le sourire aux lèvres, me remémorant quand nous avions été le chercher dans son élevage dans le Berry. Oui, oui le Berry ! Un trou paumé, vous auriez vu ça !
Ses yeux marrons avaient l’air de vouloir me parler sans que je comprenne … Curieusement, il s’est calmé un peu, rentrant sa langue et s’asseyant sur son céans devant moi.

C’est là que c’est arrivé …
J’ai eu cette vilaine sensation, vous savez, comme quand on dort et qu’on se réveille d’un coup parce qu’on tombe … Et bien là, pareil … Sauf qu’en me réveillant, en sursaut donc, je me suis vu, endormi sur le canapé …
Tout de suite mon estomac a fait du yoyo : j’ai clairement pensé que j'étais mort, et que je voyais mon corps, devant moi, avec mes yeux d’âme qui flottait … Et bien je ne vous le souhaite pas !!
En même temps, je ne flottais pas bien haut : c’était bizarre …
Les couleurs paraissaient étranges, plus ternes que d’habitude ; et tout était à moitié flou. Je tentais de balayer la pièce du regard, et fit la même constatation tout autour de moi. A tel point, que la nappe vichy rouge et blanche de ma mère, m’apparaissait presque grise …

A ce moment, il s’est passé deux choses incroyables : j’ai senti le reste de la côte de bœuf que nous avions fait cuire au barbecue et mangé le midi même, ce qui m’a immédiatement mis l’eau à la bouche, et j’ai aperçu sur le bord de mon champ de vision un truc qui volait. Qu’y a-t-il d’incroyable allez-vous me dire ?
Et bien ce qui est incroyable, c’est que la côte de bœuf, enfin ce qu’il en restait, c’est-à-dire l’os et quelques morceaux de viande encore accrochés après, était dans la cuisine à plusieurs mètres de moi … Et que tout de suite après avoir perçu la petite tâche qui volait, je me suis instinctivement jeté dessus, en ouvrant grand la bouche !
Mais qu’est-ce qu’il me prend !!??

C’est alors que j’ai réalisé … J’avais l’impression de flotter bas, parce que j’étais bas ! 60cm de haut je dirais. La hauteur de Jazz ! J’avais essayé de gober une mouche, parce que c’est ce que font les chiens !!
Mais comment c’est possible !? Je suis dans le corps de mon chien !

Oh ! Qu’est-ce que je viens d’apercevoir là, à droite ?!
Je tourne un peu la tête, mais rien … Et puis si, ça revient !
A nouveau me voilà à me jeter dessus la bouche grande ouverte, enfin la gueule vu que je suis un chien … Je sers entre mes dents, et ça essaie de s’échapper ! Oh, je tiens bon !... Je me laisse porter par le mouvement, mais assez rapidement je me rends compte que je tourne en rond … Tu ne m’échapperas pas comme ça !! Avant de comprendre que j’ai attrapé … ma queue …
Je finis par la lâcher et me retrouve la langue tapissée de poils … Beurk … Instinctivement je porte ma main à ma bouche pour tenter d’enlever le plus gros, et me retrouve à mettre un grand coup de langue à une patte, elle aussi pleine de poils, et aussi de terre, de sable, d’herbe, et de je ne sais quoi d’autre … Non, non je ne veux pas connaitre le détail !!

Je ne comprends toujours rien à ce qui m’arrive …
Et visiblement je ne décide pas seul dans ce corps qui n’est pas le mien …
Mes pattes se mettent en marche, et j’avoue avoir quelques difficultés à comprendre la cadence : personnellement, je me mettrais bien sur les deux pattes arrière pour avancer comme j’en ai l’habitude ! Mais Jazz lui, a l’air de maitriser : j’essaie donc de déconnecter mes neurones pour le laisser prendre l’initiative de la marche ou du trot, comme vous voudrez …
En deux temps, trois mouvements, nous nous retrouvons dans la cuisine. Se rappelle alors à mon souvenir la bonne odeur sentie tout à l’heure … Le museau de Jazz se pose sur le rebord du plan de travail de la cuisine, et sa truffe renifle l’air comme s’il pouvait aspirer le reste de la côte de bœuf jusqu’à lui. Bien sûr, il n’est pas assez grand pour pouvoir l’attraper ; mais il suffirait qu’il se donne un peu d’élan, pose les deux pattes avant sur le rebord, et il l’attraperait sans souci … Le truc, c’est qu’il sait qu’il n’a pas le droit … Après quelques « reniflades » supplémentaires, il abandonne son observation et se tourne dans la pièce.
J’aperçois alors sa gamelle d’eau. Oui !! Rien de tel pour nous nettoyer un peu la bouche de tous ces poils que je sens encore ! J’amorce la direction, et ça a l’air de lui convenir, puisque nous nous retrouvons rapidement le nez au-dessus de la gamelle. Je n’avais jamais trop fait attention, mais elle est n’est pas propre du tout !! Là aussi, se mélangent pêle-mêle, poils, herbe, poussières en tout genre : ne me dites pas qu’on va boire là-dedans ??! Avant que j’ai eu le temps d’essayer de nous emmener ailleurs, le voilà qui abat son museau dans le récipient. Sa langue plonge en essayant de remonter un maximum d’eau dans sa gueule, et une fois remontée, redescends aussi sec pour recommencer … On en met autant, sinon plus, à côté … Ça nous dégouline aux babines, je le sens bien ! Il faudrait boire pendant des minutes entières pour étancher une grosse soif : c’est affolant ! Après 10 secondes de lapements intensifs, le voilà qui s’arrête, se retourne et s’ébroue, là, au milieu de la cuisine. D’habitude, je n’aime pas quand il fait ça, surtout quand je suis à coté : c’est le meilleur moyen de mettre tous ses vêtements à laver après s’être fait arrosé de bave, d’eau, et j’en passe ! Mais là, de l’intérieur, c’est carrément sympa ! Ça détend, c’est dingue ! Oh, allez !!! On recommence ?! Ah non … il n’a pas l’air décidé. Et ça redémarre …

Vu la direction qu’il prend, nous nous rendons dehors …
La chaleur nous tombe dessus dès la porte passée : mais comment fait-il pour supporter tous ces poils !?
Nous nous dirigeons sous le porche, où tout de suite l’ombre me fait me sentir mieux. Visiblement c’est l’heure de la sieste. Jazz s’approche du mur et se couche tranquillement.
Ouh la ! Qu’est-ce que je sens sur mon postérieur là ?! Ça chatouille ! Avant d’avoir réfléchis à un moyen de me soulager de cette démangeaison, Jazz pivote sa tête, et commence à se mordiller l’arrière train. Beurk ! Nous revoilà la bouche plein de poils … pffff …
Je n’ai pas le temps de réagir, appréciant la sensation de la démangeaison disparue, que Jazz lève sa patte arrière droite, et se décide à faire sa toilette ! Ouaahhh ! Je suis en train de me lécher le kiki !!! Là c’en est trop !! Il faut que ça s’arrête !!
Heureusement, ça ne dure pas longtemps …
D’un coup il s’affale à terre, prenant bien soin de coller son dos au mur en étendant ses pattes devant lui, et posant doucement sa tête sur le côté. Tout de suite je sens pourquoi il affectionne ce coin en cas de chaleur : le mur, resté à l’ombre, lui transmet directement de la fraicheur plus que bienvenue. Je pourrais presque m’endormir là … C’est calme, sans un bruit, je suis détendu, et plutôt au frais …

Et à nouveau cette sensation de chute !
Je reprends mes esprits comme tout à l’heure, en sursaut. Dans mon corps … mon vrai, cette fois … Incroyable cette expérience !...
Je me lève prudemment, espérant ne rien avoir perdu de mes capacités motrices d’humain, mais sens de suite que tout est ok …
Je ne peux m’empêcher de me diriger directement vers Jazz. Il est là où je l’ai laissé quelques secondes auparavant, sous le porche, contre le mur, allongé. Je voudrais savoir s’il s’est rendu compte de quelque chose. Je m’agenouille devant lui, me penche, attrape sa tête entre mes mains, et essaie de scruter son regard. Il lâche une plainte du genre « laisse-moi tranquille », visiblement je le dérange …
Je n’en saurais pas plus …

Après avoir salué mes parents, auxquels je ne dis rien, je rentre chez moi : bus puis tram, pour regagner mon petit F2 du centre-ville. Je passe toute ma soirée à me remémorer cet épisode : je me suis peut-être simplement endormi dans le canapé, et j’ai rêvé … Si j’ai su où était Jazz à mon réveil, c’est parce que c’est toujours là qu’il se met, non ?...
Je n’arrive pas à tirer le vrai du faux, et m’endors péniblement, me réveillant plusieurs fois, en nage, la chaleur étant insupportable en ce moment.



2




Le lendemain matin, c’est la semaine qui commence. Je suis animateur en centre aéré. J’ai toujours adoré m’occuper des plus jeunes ; je trouve qu’il y a plein de choses à leur apprendre, que ce soit en connaissance du Monde, des choses autour de soi, ou tout simplement à propos des gens et de soi-même. En dehors des vacances, je travaille comme surveillant dans un collège, et je suis des cours par correspondance en psychologie, pour tenter d’améliorer mon approche des enfants, surtout ceux qui ne rentrent pas dans le moule du cadre scolaire.

Aujourd’hui, c’est sortie ! J’emmène mon groupe de 8 enfants de 8 à 11 ans, pour une ballade au zoo. Autant dire que je suis hypra motivé par cette journée ! J’ai un groupe vraiment cool, et j’aime bien leur faire découvrir de nouvelles choses. Seule Kylie a déjà été dans un zoo ; cela remonte à ses 5 ans, elle était en vacances du côté de Royan, et ses parents l’avaient emmenée au zoo de La Palmyre. Mais pour tous les autres, ce sera une découverte !
Mon sac à dos est prêt : pique-nique, bouteilles d’eau, trousse de premier secours, mon téléphone que je sens à travers la toile de mon pantalon, est bien là dans ma poche, je suis paré !
Direction le tram pour me rendre au centre …

J’arrive à l’arrêt, désert en ce lundi matin de vacances scolaires. Le banc est libre pour une fois, et après avoir retiré mon sac de mon dos, je m’assieds à l’ombre de l’abris. Il est tôt, mais le soleil dispense déjà une chaleur qui annonce une journée extrêmement chaude.
La rue est presque vide, et silencieuse. J’entends au loin le camion de poubelles qui doit finir le quartier, et seules quelques voitures éparses passent dans mon champ de vision. La seule attraction est celle des pigeons en train de dodeliner de la tête devant moi.
Vu la nuit que j’ai passée, je dois dire que leurs roucoulements me berceraient presque. Ils sont marrants quand même … Je repense à la manière dont on nous les présente dans les films d’animation et c’est vraiment ça ! Leurs grands yeux qui n’ont pas toujours l’air de regarder dans le même sens, leur cou qui a l’air de s’agrandir et de se rapetisser au grès de leurs mouvements, les pattes qui n’ont pas l’air particulièrement synchronisé avec le reste de leur corps : ça me fait sourire.

Et tout à coup, je chute ! Encore …
Quand je retrouve la vue, j’ai le sentiment d’être tombé de mon banc. A 5cm au-dessus du bitume, je réalise rapidement que je ne suis, encore une fois, pas dans mon corps. Ce qui me frappe cette fois, c’est que je vois limite ce qui se passe dans mon dos ! Devant moi des pieds (mes pieds après réflexion), et mon sac dos posé à côté. A ma droite, je vois les autres pigeons en train de picorer le sol ; à ma gauche la rue qui s’étire jusqu’au carrefour voisin, et derrière moi, la haie de la résidence qui se trouve en face de l’arrêt. Et tout ça sans tourner la tête !
Je ne peux retenir un mouvement de stupeur, qui s’accentue encore plus quand je me sens décoller du sol ! Je retouche terre quelques secondes après, mais ça a suffi à me ficher une bonne frousse ! Pas que j’ai le vertige, mais se retrouver à être soulevé du sol sans rien maitriser, c’est très étrange.
Notre mouvement incontrôlé, a alerté nos voisins qui s’envolent les uns après les autres, comme si une catastrophe était imminente. Mon hôte, pris dans le mouvement, s’élance lui aussi : en quelques secondes nous voilà à plusieurs mètres au-dessus du sol, à battre des ailes comme un dératé : mais ils doivent avoir les « épaules » en morceaux le soir !!
Et là, je prends conscience de ce qui se passe : je vole ! C’est incroyable !
La vue des dessus de la ville est prodigieuse, même si on n’y voit que des toits ou presque, on la voit sous un autre jour. Par-ci par-là, quelques terrasses solitaires nous offrent le spectacle de chaises longues, de tables de jardin croulant sous les bouteilles vides, il y a même une petite piscine se réchauffant au soleil …
Mon regard est attiré par une multitude de détails : j’avoue ne plus savoir où porter mon attention. J’en ai presque la tête qui tourne … Ah non ! En fait, c’est que nous tournons !
Ouh la ! Mais le mur arrive vite là ! Comme si l’air nous portait, on se relève un peu et je sens que mon hôte tend les pattes devant lui : nous nous posons. Je prends conscience d’où nous nous trouvons : en haut de la cathédrale … La vue est juste waouh !
La ville s’étend à nos pieds. Le maillage des voies de circulation, les toits des immeubles, les cours des maisons de ville que nous entrapercevons au milieu des plus hauts bâtiments ; plus au loin, les méandres des canaux de la ville, les petites embarcations attachées à leur ponton ; quelques piétons et voitures se disputant les allées vides.
Oh ! Je me vois en bas ! Tout petit dans l’arrêt du tram ; on dirait que je suis endormi …
Nous avons volé par-dessus la résidence qui fait face à l’arrêt du tram, et avons donc rejoint les flèches de la cathédrale. La douce brise qui circule à cette hauteur, essaie de se frayer un chemin à travers nos plumes, et cette sensation est agréable. Le soleil nous chauffe, et c’est comme si on bronzait en haut cet immense bâtiment : impensable !

Je reporte mon regard sur l’arrêt de tram, et mon moi que j’ai laissé là-bas. Si le bec de ce corps dont je suis l’invité pouvait s’étirer, il afficherait un sourire béat !

Et soudain, je la vois … A peu de chose près, elle doit avoir mon âge. Ses cheveux couleur cuivre descendent sur ses épaules en souples ondulations, s’élevant doucement sous l’effet de la brise. Sa tenue simple, jean, débardeur noir et converses, n’attire pas particulièrement le regard. Mais il se détache d’elle un je ne sais quoi, que je me sens bien incapable de décrire.
Elle remonte la rue de l’arrêt dans lequel je me trouve, sans précipitation, regardant droit devant elle. Sur son épaule droite, j’aperçois un tatouage : d’ici, difficile de dire de quoi il s’agit, mais sa forme plutôt ronde m’attire comme une cible, inexorablement.
Dans quelques mètres, elle passera devant moi. Et dire que je ne serais pas là pour me tenir sur son passage ; avoir la chance de me lever et m’approcher d’elle, pour voir la couleur des ses yeux que j’imagine magnifiques, pour contempler ses lèvres.
C’est incompréhensible cet effet qu’elle a sur moi, à cette distance de surcroit. Mais c’est comme si elle vibrait en moi …
Arrivée à ma hauteur, elle s’arrête. Elle regarde toujours droit devant elle. Si je pouvais étendre mes jambes je la toucherais. Je me sens transis, subjugué par sa présence à quelques centimètres de mon corps. Doucement, elle tourne la tête vers moi, et me scrute. Elle s’attend certainement à ce que j’ouvre les yeux, sure d’avoir fait son petit effet.
Je regarde la scène comme si je regardais un film. C’est généralement à ce moment, que le pauvre mec ouvre les yeux, et est foudroyé par la sainte apparition qu’il a devant les yeux. Les deux protagonistes se retrouvent l’un en face de l’autre comme si plus rien au monde n’existait que le regard de l’autre. Et c’est là qu’ils s’embrassent follement comme si c’était vital … Oui bon, tous les films que je regarde ne sont pas comme ça, mais c’est ce à quoi me fait penser la scène !
Ici rien de tout ça n’arrive … Normal me direz-vous, je ne suis pas dans mon corps. Sinon … je ne dis pas que je ne l’aurais pas tenté !
Mais en lieu et place de cette scène fantasmagorique, je la vois se tourner face à moi. Je ne me vois presque plus, dissimulé derrière son corps. Comme si chacun de ses mouvements étaient minutieusement étudiés, elle se penche doucement vers moi, comme si elle avait peur que je me réveille d’un coup.

J’ai beau me tenir loin de la scène, subitement c’est comme si je pouvais la sentir. Un parfum frais, entre musc et agrumes ; du basilic ? C’est enivrant …
Et puis je l’entends : sa voix est relativement grave, sombre et lumineuse à la foi ; c’est comme si elle faisait vibrer chaque fibre de mon corps.
« Je sais que tu n’es pas tout à fait là, me murmure-t-elle, mais je sais que tu m’entends …
Nous avons beaucoup de choses à nous dire, alors je t’attendrais tout à l’heure, à l’enclos des lions. Je dois y aller, il m’attend … »
De mon perchoir, je la vois lever la main vers mon visage, tandis que l’autre se pose sur mon avant-bras, et comme sa voix et son parfum auparavant, c’est comme si je sentais ses doigts effleurer ma joue, et passer dans mes cheveux. Elle se relève comme au ralenti, se recule d’un pas, se tourne dans sa direction initiale et reprend sa marche tranquille.

Je suis tétanisé, comme si une décharge électrique avait traversé mon corps.
Je la vois s’éloigner, atteindre le bout de la rue, puis disparaitre au carrefour. A cet instant, je pense qu’il me suffit de m’envoler pour la suivre, mais c’est à ce moment précis que je chute et me réveille en sursaut.

Quelques secondes me suffisent à reprendre mes esprits, et c’est là que je le vois : sur mon avant-bras, à l’endroit où sa main s’est posée, un tatouage que je n’avais pas auparavant.
D’environ deux centimètres de diamètre, sur l’intérieur, juste au-dessus de mon poignet, un pentacle entouré d’un soleil d’épines.
Floyd

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Floyd »

Bonjour,
Voici ma participation au concours :
Pièces jointes
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Dorfenor

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Dorfenor »

Bonjour, savez vous si les résultats du concours d'Août seront bientôt donnés ?
Merci d'avance et bonne journée !
x-Key

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Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal | Résultats !

Message par x-Key »

Avant tout, bravo à tous pour vos textes, aux styles (et animaux) souvent très variés ! Il était très amusant de découvrir l'interprétation du thème par certains ^^ Le texte vainqueur est celui d'Aquila avec Plume-Nuage ! En deuxième position, on retrouve ex-aequo les textes de laorus et Floyd. Enfin, Lilya99 se hisse sur la dernière marche du podium. Félicitations :)


Plume-Nuage



Dans l’azur infini, un aigle survolait son territoire. C’était un royaume fait de montagnes dont les pics semblaient percer les cieux, de forêts denses et mystérieuses ainsi que d’immenses plaines fertiles. Un royaume aux dimensions d’un empire, bien trop vaste pour un simple oiseau. Mais ce rapace n’était pas un simple oiseau, ni même un banal aigle. Avec ses presque sept pieds de long, il était deux fois plus grand que ses congénères. Et là où ces derniers arboraient des plumages aux nuances fauves, lui était d’un blanc immaculé qui servait de toile à de fines arabesques au bleu saphir.

Dans l’idiome vernaculaire des gens qui peuplaient ces terres, il était « Né des Arcanes ». Cela se disait d’un animal dont le mana irriguait les veines. D’où sa taille et son plumage spectaculaires. Mais plus encore, une créature « Née des Arcanes » se voyait dotée d’une âme et d’une intelligence sans commune mesure avec les autres représentants de son espèce. Il quittait alors les fanges stériles de l’instinct et devenait un être conscient. D’ailleurs quand il se référait à lui-même, l’aigle se donnait un nom que l’on aurait pu traduire en langue humaine par « Plume-Nuage ». Bien que, Plume-Nuage, tout intelligent qu’il fût, ne possédait pas de langage à proprement parler. Il pensait et construisait ses réflexions en images et en sensations, en concepts abstraits et en sentiments.

Alors qu’il volait paisiblement en cercle, baigné dans les premiers rayons du soleil et porté par les courants ascendants, son estomac se rappela à lui. Il était temps de chasser. Aussi prit-il la direction des montagnes Perce-Nuages-trop-hautes-pour-être-survolées. Le grand aigle avait une connaissance parfaite des flux air-chaud-montant de son territoire, ce qui lui permettait de voler d’un endroit à un autre sans quasiment jamais n'avoir à battre des ailes. Plume-Nuage se laissait alors emporter dans les colonnes, jusqu'à leur plafond, puis en réorientant sa queue et ses ailes, il en sortait, pour planer jusqu’à la suivante. Lire et utiliser le vent, voler libre dans le ciel, cela provoquait toujours chez Plume-Nuage un intense sentiment de bien-être et de bonheur. C’était là qu’il devait être et nulle autre part. Il plaignait les marche-terre, toutes ces créatures sans ailes condamnées à ramper dans la boue.

À encore plusieurs centaines de battements de cœur des premiers reliefs, les yeux acérés de Plume-Nuage repérèrent ce pour quoi il était venu : un troupeau de bouquetins qui migrait d’un haut plateau à un autre via les versants abrupts, quasiment à pic. À l’approche des bêtes, toujours très haut dans le ciel, il tournoya un instant, le temps de choisir sa proie parmi la multitude bêlante. Il délaissa les étagnes et leurs cabris pour un gros mâle en tête de troupeau. Peut-être le dominant du groupe. Un frisson d’excitation parcourut Plume-Nuage. La chasse allait pouvoir commencer.

Abandonnant sa colonne d’air, et sans jamais quitter des yeux sa future victime, il battit de ses puissantes ailes pour reprendre de l’altitude et venir se positionner presque à la verticale de la harde qui allait, inconsciente de la menace. Il s’orienta ensuite pour avoir le soleil dans le dos, mettant au profit de sa chasse son plumage éclatant. Enfin, après un dernier battement, il replia ses ailes démesurées et plongea.

Plume-Nuage sentit l’exaltation le gagner à mesure qu’il prenait de la vitesse. Le vent était si fort dans son plumage qu’il avait l’impression que ses rémiges allaient se faire arracher. Les rochers se rapprochaient à un rythme vertigineux, la moindre erreur de trajectoire et il s’écrasait contre la paroi. Il n’était désormais plus qu’à quelques battements de cœur du bouquetin, toujours ignorant de l’éclair blanc qui allait s’abattre. Un mouvement de tête de l’animal et il s’empalait sur ses longues cornes. Plume-Nuage déploya alors le bout de ses ailes pour stabiliser son piquet et sortit ses hallux acérés. Il lacéra le dos de la bête avec tant de violence qu’elle décolla de la paroi et fut précipitée dans le vide dans un béguètement pathétique. Et tandis qu’elle se fracassait dans une gerbe sanglante en contrebas, le grand aigle, lui, poussa un glatissement de victoire qui résonna dans toute la vallée. Il était Plume-Nuage, le meilleur chasseur de ce royaume.

Lorsqu’il fut repu, Plume-Nuage se fit un devoir d’aller toiletter son plumage d’albâtre zébré, devenu carmin à cause de son sanglant repas. Fier de ses couleurs uniques et resplendissantes, le rapace ne les trouvaient pas moins exaspérantes à maintenir propres. Aussi, après quelques centaines de battements de cœur, d’un vol rendu lourd par les quantités de viandes ingurgitées, le fier prédateur se posa sur les rives rocailleuses d’un lac de montagne aux eaux turquoise.

C’était un lieu qu’il avait pour habitude de fréquenter pour ses ablutions, en témoignaient les longues plumes blanches et bleues coincées çà et là entre les pierres, car situé en haute altitude. Peu de chance donc d’être importuné. Une fois le plumage humide, Plume-Nuage comme tous les oiseaux, ne pouvait plus voler. Il devenait vulnérable. Et Plume-Nuage n’aimait pas être vulnérable.

Faisant fi de la température presque glaciale de l’eau, le grand aigle entra dans le lac. Il ébouriffa alors vigoureusement ses plumes à plusieurs reprises, frappa l’eau de ses immenses ailes et immergea autant de fois qu’il avait de serres le cou et la tête, laissant ainsi en tribut aux eaux cristallines sang, poussières, débris et parasites. Revenant sur la rive, marchant maladroitement les ailes écartées, Plume-Nuage alla se placer sur un rocher ensoleillé pour commencer le long, mais indispensable rituel de lissage des plumes. Une rémige au vexillum mal lissé ou une rectrice tordue avait pour résultat un vol erratique, ce qui pouvait vite s’avérer catastrophique en chasse. Sa vie dépendait donc de sa rigueur à la tâche. Aussi, plume par plume couche par couche, il entreprit de ressouder ses barbules entre elles, d’inspecter et de réaligner ses pennes. Concentré, il ne relevait la tête que de temps en temps afin d’être certain d’être toujours seul, ici à Lac-Ciel. Lorsqu’il eut enfin terminé, le soleil atteignait alors le faîte de sa course.

De retour dans l’éther azuré, Plume-Nuage volait sans réel but, surtout pour le plaisir de parcourir le ciel, suivant la longue frontière entre les montagnes Perce-Nuages et la Forêt-Epines. Une vaste sylve de conifères, dont les lisières se perdaient par-delà les horizons. Très giboyeuse, Plume-Nuage lui préférait malgré tout la montagne ou les steppes à cause de son envergure, magnifique au demeurant, mais qui rendait le vol au mieux compliqué, au pire impossible dans beaucoup d’endroits de Forêt-Epines.

Et ce fut entre deux acrobaties que le grand aigle remarqua quelque chose de surprenant. Un groupe de quatre humains à cheval qui descendaient d’un col et qui s’apprêtaient à pénétrer dans Forêt-Epines, à des centaines de battements de cœur de vol. Rares étaient les bipèdes qui voyageaient en ces lieux. Plume-Nuage aimait bien les humains. C’était des créatures intéressantes contrairement à toutes celles qu’il avait pu observer. Sans pelage ni plumage, ils se recouvraient d’étoffes colorées ou de peaux d’autres créatures pour se tenir chaud. Dépourvus de serres ou de crocs, ils taillaient des tiges de fer pour combattre. Ils vivaient en troupeaux considérables dans d’immenses fourmilières-de-pierres-taillées. Cependant, si le grand aigle appréciait les humains, jamais il n’en aurait accepté un sur son dos comme ces stupides chevaux. N’avaient-ils donc aucune dignité ? Plume-Nuage n’aimait pas les chevaux. Il décida de suivre la petite colonne à bonne distance depuis les airs, tout en se posant de nombreuses questions sur la raison de leur présence ici, sur ce qu’ils faisaient et l'endroit où se rendaient-ils.

Alors qu’il survolait les bipèdes depuis des dizaines de centaines de battements de cœur et que ses questions restaient toujours sans réponse, les yeux acérés de Plume-Nuage accrochèrent un éclat loin à l’horizon. Intrigué, il se mit à voler en cercle, laissant la colonne s’enfoncer toujours plus dans Forêt-Epines. L’éclat ne miroitait pas, ce n’était donc pas l’eau, raisonna le rapace. Et puis de toute façon, il n’y avait que la steppe là-bas, rien qui n’aurait pu produire ce reflet. Un gros nuage masqua le soleil et la nitescence mourut dans les ombres. Le grand aigle tournoya patiemment, jusqu’à ce qu’il passe et la lueur revint alors avec les rayons. Elle ne semblait pas avoir bougé. Ce n’était pas non plus un bipède en bardé de fer. La curiosité de Plume-Nuage se fit impérieuse et comme les quatre humains ne faisaient que marcher plein est, il partit en chasse du reflet au sud. De toute façon, il aurait eu du mal à suivre les bipèdes plus longtemps à cause de la canopée qui se faisait de plus en plus dense.

Quand Plume-Nuage survola enfin la steppe, les ombres s’étiraient et le soleil entamait son plongeon à l’ouest. Voilà un moment déjà que son guide chatoyant s’était éteint, cependant il avait pris soin de relever des repères. Ce qui ne l’empêcha pas de voler en rond quelques dizaines de battements de coeur avant que son regard de saphir ne remarque une irrégularité dans cette vaste monotonie herbeuse et ondoyante. Toutefois, et malgré son impatience, il ne se précipita pas. Il tournoya un moment, s’assurant qu’aucune autre créature ne rodait dans les hautes herbes et seulement ensuite il amorça sa descente, pour se poser dans un nuage de poussière soulevé par ses puissants battements d’ailes. Plume-Nuage n’aimait pas la poussière, cela ternissait son plumage, mais il aimait encore moins être au sol car il se sentait alors maladroit et vulnérable. Contrarié, il ne perdit pas de temps.

En quelques pas, il put enfin découvrir ce qui l’avait attiré ici. Enchâssé dans une tige de fer-lune se trouvait un large morceau ovale de glace-reflet qui lui retournait son image. Plume-Nuage poussa un glatissement de joie. Sa trouvaille dépassait toutes ses attentes. Il avait certes déjà de la glace-reflet parmi ses reliques à Nid-de-Pierre, mais ce n’était qu’un fragment, plus petit encore que sa plus petite serre. Là il pouvait voir sa tête entière malgré la fêlure qui zébrait la glace-reflet. De son bec, le grand aigle retourna avec d’infinies précautions l’objet. Le dos plat de fer-lune se révéla alors, gravé d’un paysage forestier d’une richesse saisissante. Plume-Nuage savait les humains habiles de leurs doigts-sans-serre, mais cet objet redéfinissait ce dont il les pensait capables.

Il resta des dizaines de battements de cœur à admirer sa trouvaille avant d’inspecter les lieux. Sur un large périmètre, la steppe était piétinée, le sol marqué de sabots de chevaux et de pieds humains. Çà et là des giclées de sang séché encroûtaient les brins d’herbe et imbibaient la terre. Un peu plus loin se trouvait une sorte de gros œuf souple en peau de bête que les bipèdes utilisaient pour transporter des choses sur leur dos. Éventré, l’œuf-transport avait vomi son contenu sur le sol. De la nourriture humaine principalement. Comme toujours avec eux, tout était transformé. Plume-Nuage reconnaissait l’odeur des céréales ou du lait, mais ce qu’il avait sous les yeux n’en avait ni la forme ni la texture. Ce qui ne l’empêcha pas de gober d’un coup de bec les morceaux de viande séchés. En fouillant avec ses serres, il trouva un autre œuf-transport beaucoup plus petit celui-là. S’il pouvait percer le crane d’un ours avec ses serres, Plume-Nuage savait également se montrer délicat au besoin. Aussi n’eut-il aucun mal à défaire la lanière de cuir qui fermait l’œuf-transport. Le grand aigle émit un sifflement de plaisir. À l’intérieur se trouvaient quelques ronds de fer-lune et de fer-noisette. Et alors que celles qu’il possédait déjà étaient, pour la plupart, ternies par un trop long séjour dans la nature avant qu’il ne les débusque, ces ronds de fer ci étaient resplendissants.

Heureux, Plume-Nuage prit le petit œuf-transport dans son bec puis alla récupérer la glace-reflet-enchâssé entre ses serres avant de s’arracher du sol à la faveur d’une des nombreuses rafales qui balayait la steppe. Et tandis qu’il prenait de l’altitude, il ne put s’empêcher de se demander ce qui avait bien pu se passer ici pour que les bipèdes y oublient de si beaux artefacts. Les humains étaient de bien curieuses créatures.

Las, Plume-Nuage rejoignit son nid, accompagné des dernières lueurs du jour. Ne pouvant nicher dans la forêt car aucune branche raisonnablement haute ne pouvait le supporter lui et son nid, il avait trouvé une petite caverne dans le flanc d’une falaise à pic dans les Perces-Nuages, inaccessible à tout marche-terre et qui avait pour avantage d’être abritée des vents dominants et d’être au sec.

Au centre de Nid-de-Pierre, se trouvait donc un nid suffisamment grand pour accueillir Plume-Nuage confortablement. C’était un vaste cercle fait de plusieurs couches. D’abord une première composée d’épaisses branches, puis, par-dessus au centre une deuxième couche de branches, mais plus fines cette fois. Enfin, cette couche était elle-même recouverte de brindilles, de mousses et de duvet, avec çà et là des branches de menthe, de citronnelle et d’autres plantes visant à éloigner les insectes. Plume-Nuage exécrait ces minuscules créatures nuisibles qui s’attaquaient à son plumage et à son sang. Il était fier de son nid et s’il pouvait dormir n’importe où d’assez haut perché il n’y avait qu’ici qu’il trouvait véritablement le repos.

Mais plus précieux encore aux yeux de Plume-Nuage que son nid douillet, c’était ce qu’il y avait au fond de la caverne : ses artefacts. Des objets amassés au fil des saisons qui avaient su attiser sa curiosité insatiable ou son sens de l’esthétisme. Il y avait rangé en pile sur le sol des cailloux et des pierres-rivières aux formes et aux textures intéressantes, souvent veinées de couleurs chatoyantes. Plus intéressant encore pour le grand aigle, dans un petit nid construit par ses soins, des dizaines de ronds de fer-noisettes, fer-lune et même quelques unes en fer-soleil, auxquelles vinrent s’adjoindre celles de l’œuf-transport. Elles étaient toutes couvertes de symboles mystérieux et d’après les observations de Plume-Nuage, elles servaient aux humains pour obtenir d’autres objets auprès d’autres humains. Cela le fascinait tout en le laissant perplexe. Quel pouvoir pouvait bien avoir le fer sur les bipèdes ? D’ailleurs, autre preuve s’il en fallait de l’influence du fer sur eux, dans un autre petit nid à côté, Plume-Nuage avait réuni des cercles de fer-lune ou de fer-soleil de diverses tailles que les humains mâles ou femelles portaient à leur doigt-sans-serre ou à leur cou pour leur parade nuptiale. Certains cercles étaient même agrémentés de petites pierres translucides et colorées qui attrapaient la lumière comme nulle autre chose. Il y avait également pêle-mêle contre la paroi une tige de fer-taillé-tranchant de la taille d’une de ses pattes, une carapace-crâne en fer également et son mystérieux fragment de glace-reflet. Avec circonspection, il y plaça à côté sa glace-reflet-enchâssé. Plume-Nuage ne reconnaissait toujours pas cette étrange matière qui reflétait mieux que l’eau, mais il savait l’apprécier.

Cependant de tous ses artefacts, rien ne lui était plus précieux que les quelques plumes fauves disposées avec soin dans une petite alcôve. C’était là les vestiges doux-amers d’une époque révolue. Ces plumes furent celles d’une jeune et magnifique femelle de son espèce. Une forme que Plume-Nuage avait conquise à la suite d’une parade nuptiale de haute voltige, il y avait de cela une dizaine de printemps. Lui-même n’en avait que cinq à l’époque. Il se souvenait encore avec émotions de la beauté de son plumage lisse et soyeux, de la délicate courbure de son bec et de ses yeux couleur sève si brillants.

Ensemble ils eurent deux œufs qu’elle couva férocement jusqu’à leur éclosion. Ce furent les plus beaux moments de sa vie et la naissance de ses oisillons l’avait rempli d’une joie et d’une fierté indicibles, plus encore que son premier vol. Pourtant, les cycles-lunaires qui suivirent ne furent que déceptions et malheurs. Cela commença dès la première fin de cycle après l’éclosion. Alors que Plume-Nuage était parti en chasse, l’aîné des aiglons tua son cadet sous l’œil indifférent de la forme et cela malgré le fait que le grand aigle ramenait suffisamment de proies pour nourrir toute une nuée d'oisillons. Son chagrin fut à la mesure de son bonheur : indicible. Et l’impossibilité de communiquer et de partager avec son aimée ne fit qu’ajouter à sa peine. L’aiglon restant grandit vite et devint un fier rapace, mais qui, cependant, ne développa aucun des attributs fabuleux de son père à son grand désappointement. Le jeune aigle finit par prendre son indépendance au bout du quatrième cycle lunaire et s’envola définitivement, sans se retourner. Vint alors le coup de serre final à ses espérances, quand sa femelle finit par le chasser de son territoire. La saison des amours était terminée, sa compagne n’avait plus besoin de lui jusqu’au printemps prochain. Dépité, Plume-Nuage avait fini par repartir vers son propre royaume, emportant avec lui dans son bec, trois plumes ayant appartenu à sa forme et quantité de désillusions dans son crâne.

Il comprit alors qu’il ne pourrait jamais trouver réponse à ses attentes et à ses désirs car il espérerait toujours plus que ce qu’une créature d’instinct ne pourrait jamais lui offrir. Sa conscience devint alors sa bénédiction et sa malédiction, car c’était là le prix à payer pour exister en tant que Plume-Nuage. Cela en valait-il la peine ? Tourmenté qu’il était, le Plume-Nuage de l’époque aurait répondu que non. Dix printemps plus tard, le Plume-Nuage dans Nid-de-Pierre qui observait ces trois plumes de ses yeux saphir brillant d’intelligence était d’un tout autre avis. Pour avoir observé pendant des cycles-solaires les créatures de son royaume, il préférait désormais la mort à leur vie au service de leur instinct. Seuls les humains dans leurs immenses fourmilières-de-pierres-taillées semblaient différents.

Non sans avoir frotté ses joues contre les trois plumes de l’alcôve, Plume-Nuage rejoignit son nid et une fois installé, passa sa tête sous son aile gauche. Il s’endormit rapidement, rêvant de chasses épiques et d’une femelle qui aurait elle aussi un nom.


- FIN -
Dorfenor

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Dorfenor »

Merci pour les résultats, et félicitations aux gagnants !

Bonne soirée.
Wonderbooks

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Wonderbooks »

Merci pour les résultats et félicitations au gagnants :D :D :D

Je suis super contente d'avoir participé !

Bonne soirée !
Floyd

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Re: Concours d'écriture - Août 2018 : À travers les yeux d'un animal

Message par Floyd »

Honoré d'avoir pu atteindre le podium avec ma participation ! Félicitation aux autres vainqueurs et leurs très beaux textes, ainsi qu'aux autres participants !
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