Minerva McGonagall [Harry Potter]

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PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Coucou !

Dernier chapitre du triptyque, je sais, le titre n'annonce rien de bon..!

Petite annonce à la fin du chapitre, et je vous souhaite une très bonne lecture !

Chapitre 44 : Triptyque III, meurs


Telle une condamnée, elle s’apprêtait à fermer les yeux sur un monde qu’elle avait à peine entrevu. Telle une bourreau, elle s’apprêtait à trancher les liens qui l’unissait à l’homme qu’elle aimait. La mort dans l’âme, elle se leva avec difficultés du sol de sa chambre. Chaque geste lui semblait une épreuve, chaque muscle qu’elle actionnait portait un cri de souffrance, une volonté de ne pas obéir et de laisser la nuit s’étioler doucement, d’attendre le lever du soleil et de continuer ainsi les jours suivants, les mois, les années à venir. Chaque pas en avant était une dernière expiration, et seule sa baguette dans sa main la ranimait, inlassablement.

L’agonie s’enfonçait en elle alors que ses pas descendaient l’escalier de la maison ignorante du supplice d’une de ses habitantes. Minerva affronterait la douleur seule. Qui pourrait la comprendre ? A qui pourrait-elle parler de son histoire ? Elle n’aurait aucune épaule sur laquelle pleurer. Elle partirait pour Londres le jour même, et réussirait son entretien. Elle quitterait Caithness et ses souvenirs désormais au goût de larmes, à l’odeur de l’amertume et du regret.

Ce qui la menait au bord du désespoir, c’était qu’elle sentait que c’était la seule décision qu’elle devait prendre. Renoncer à Dougal était le coup de poignard nécessaire pour qu’elle puisse s’envoler. Et ô combien ce geste lui demandait toute sa force, tout son cœur lacéré. O combien cette obligation la poussait à la limite du précipice. Si elle pouvait revenir en arrière, jamais elle n’aurait laissé Dougal l’atteindre. Pas pour se protéger elle. Mais pour lui. Il lui avait tant apportée, et elle, s’apprêtait à lui arracher encore plus. Si elle avait l’occasion de recommencer l’été 1954, elle était plus que prête à renoncer à elle-même si cela pouvait préserver Dougal.

L’air étonnamment doux de l’aube ne parvenait pas à réchauffer Minerva. Elle avait froid au cœur, au corps. Avant même de prononcer les mots fatidiques, elle sentait les bras chaleureux de Dougal la lâcher, s’éloigner. Elle sentait son cœur à lui cesser de battre pour elle. Elle sentait déjà que leur couple se séparait en deux pour prendre une route différente. Son regard se faisait distant dans son esprit, son souffle se faisait plus faible, son sourire plus triste…

Minerva s’arrêta un instant, le poing serré sur sa poitrine. Si elle pleurait maintenant, elle ne savait pas si elle serait capable de continuer. Parce qu’elle ne voulait pas continuer, son cœur ne le souhaitait pas. Mais elle comprenait que si sa raison seule ne devait pas gouverner, ses émotions non plus ne pouvaient pas prendre entièrement le contrôle. Elle devait trouver l’équilibre. Et l’équilibre lui demandait de sacrifier Dougal. De sacrifier son amour. Il avait peut-être stabilisé sa vie de moldue… mais ce n’était pas ce qu’elle était. Elle, Minerva McGonagall, était à moitié moldue, et à moitié sorcière. Et cette dernière part d’elle-même qu’elle avait récemment renié, rejeté, répudié, elle la faisait sienne pleinement, aux détriments de Dougal McGregor.

Le chemin vers l’annexe, très court, lui parut infini. Sa douleur était telle qu’elle ne semblait pas avancer. Elle repoussait le moment fatidique et s’en rendait malade. Et d’un autre côté, il était aussi trop court, car elle s’apprêtait à mettre un terme à la joie de son fiancé… Et ce mot, fiancé, qui avait une saveur particulière dans sa bouche, elle voulait le garder longtemps. Elle aurait voulu être la fiancée de Dougal pendant plus d’heures, de jours, de mois. Elle ne pouvait être sa femme, mais elle aurait souhaité rester sa fiancée juste un peu plus de temps.

Elle était devant la porte de l’annexe. Cette annexe, elle avait failli y vivre. Quelques mois de plus, et elle aurait eu les clefs des lieux. Dedans, aurait pu se jouer cette autre vie qu’elle avait failli choisir. Y aurait-elle élevé des enfants ? Auraient-ils, elle et Dougal, attendu quelques années avant de fonder une famille plus grande ? Quelles disputes auraient-ils subi, quelles joies auraient-ils accueilli ? Combien de rires cette annexe aurait-elle absorbé ? Combien de câlins, de baisers, ces murs auraient dissimulé aux yeux des plus pudiques ? Elle ne le saurait jamais. Et peut-être, était-ce là un regret nécessaire qu’elle traînerait avec elle toute sa vie.

Le cœur glacé, la main froide et le souffle figé, Minerva frappa au battant de la porte. Elle espérait qu’il ne répondrait pas, qu’elle puisse repousser son acte, retourner chez elle et oublier ce terrible cauchemar.

La porte s’entrouvrit sur l’œil curieux de Dougal. Sa pupille chocolat, similaire à celle de son rêve, brilla un instant face à la personne qui lui rendait visite.

- Minerva ! Que fais-tu là ? Rentre… Non, attends, viens avec moi.

Il referma la porte derrière lui, attrapa la main de sa fiancée et l’entraîna avec lui. Elle n’eut pas le cœur à se dégager. Elle voulait profiter une dernière fois de son toucher, de sa main chaude et calleuse, réconfortante, douce et amoureuse. Il avait l’air si heureux de la voir. Ses yeux scintillaient, son visage était éclairé malgré l’heure matinale, et son sourire… son sourire si joyeux… Par Merlin, elle ne le méritait pas.

Il la conduisit, sans surprise, vers leur coin habituel. Ce cerisier brisa le cœur de la jeune sorcière. Il avait été leur point de rendez-vous, le centre de leurs rencontres, le gardien de leurs secrets, le chaperon de leurs baisers. Durant l’été, ils s’étaient toujours dirigés vers ce même endroit, et celui-ci en était désormais leur dernier. Il avait vu leur premier baiser, il verrait leur dernier regard.

- Tu devrais dormir, murmura Dougal d’une voix chaude en passant des doigts délicats derrière l’oreille de Minerva.

- Je ne pouvais pas.

- C’est annoncer notre mariage à tes parents qui te tracasse ? demanda-t-il tendrement. Je viendrai avec toi si cela te rassure.

Notre mariage. Celui-ci n’existait pas, n’existait plus. Le ventre de Minerva se noua.

- Tu n’auras pas besoin de venir, souffla-t-elle. Il n’y aura pas de mariage.

Dougal fronça très légèrement les sourcils. Il avait le regard de ceux qui ne comprennent pas une situation qui n’était pas prévue. Minerva prit la main de Dougal, et celui-ci suivit de son regard son geste. D’un mouvement douloureux, qui lui arrachait le cœur, elle plaça la bague dans la paume de son ex-fiancé.

- Je ne peux pas…

Son murmure, qu’elle avait voulu simplement regretté, renfermait une peine sans nom. Elle espérait qu’il sentirait qu’elle n’avait pas le choix, qu’elle l’aimait du plus profond de son cœur, qu’elle se tuait un peu en lui disant son adieu.

- Je ne comprends pas…, fit Dougal avec un air incertain et inquiet. De quoi parles-tu exactement ?

Minerva observa ses yeux noisette, éclairés par le soleil qui se levait peu à peu. Ils étaient emplis de doutes, elle savait qu’il espérait se tromper. Mais ses yeux à elle, désespérés, affligés, déchirés par la tristesse, ne mentaient pas. Elle arracha sa main à celle de Dougal. Le froid envahit son cœur.

- Je suis désolée, continua-t-elle et elle haït la voix tremblante qu’elle avait, mais je ne peux pas t’épouser.

Elle haïssait ces chevrotements, ces larmes qui embuaient ses yeux. Elle se haïssait de souffrir alors qu’elle infligeait le pire à Dougal. Elle se haïssait de ne même pas pouvoir donner une explication sur son changement d’avis, au risque de le payer de sa place au Ministère.

- Je ne peux pas me marier avec toi, répéta-t-elle alors qu’il ne réagissait pas, sonné.

Dougal continua à l’observer et elle trouva impossible de soutenir ses yeux qu’elle aimait tant, qu’elle connaissait tant, qu’elle attendait tant chaque matin, chaque soir. Elle devrait partir, là maintenant. Mais comment le pouvait-elle, alors qu’elle espérait encore entendre sa voix une dernière fois ? Comment pouvait-elle détourner le regard alors qu’elle souhaitait tant encore se remémorer les traits de son visage ? Comment pouvait-elle s’éloigner alors que sa présence lui était encore essentielle ?

- Explique-moi, je t’en prie… implora Dougal d’une voix soudainement rauque. Peu importe le souci, nous saurons faire face. Laisse-moi t’aider.

Minerva sentit son cœur imploser en un millier de fragments. Jamais il ne pourrait faire face à ce qu’elle affrontait. Jamais leur monde respectif n’autoriserait cela. Elle voulait le supplier de la repousser, de rendre les choses moins difficiles.

- C’est impossible… Dougal, je t’en prie… arrête. Pour notre bien à tous les deux…

Minerva s’arrêta un instant, un poids dans la gorge. Elle cligna des yeux pour disperser les larmes qui brouillaient sa vision et l’empêchaient d’absorber le visage de son amour. Celles-ci roulèrent sur ses joues.

- Pour ton bien… oublie-moi.

Elle fit un pas en arrière, tremblant, récalcitrant, intolérable. Dougal lui attrapa la main, l’empêcha de continuer.

- Minerva…

- Lâche-moi, s’il te plaît.

Elle baissa les yeux, et réitéra sa demande, l’âme brisée. Il y eut un instant de silence, les branches du cerisier immobiles au-dessus d’eux, comme si elles aussi, retenaient leur souffle. Finalement, lentement, doucement, malgré la promesse qu’il lui avait faite la veille, Dougal la lâcha. Parce qu’il l’aimait si fort, il n’irait pas à l’encontre de son souhait. Minerva sentit son cœur s’effondrer, avec une impression que plus jamais il ne serait entier à nouveau. Elle aurait voulu qu’il la retienne aujourd’hui, demain, les mois et les années qui viendraient. Mais sa main à elle pendait le long de son corps, comme détachée, ne lui appartenant plus, mais n’appartenant pas non plus à l’homme qu’elle aimait. Elle voulait le serrer dans ses bras une dernière fois avant de disparaître à tout jamais de sa vie. Mais au risque qu’elle ne parvienne pas à le quitter, elle recula d’un nouveau pas, plus franc.

Et elle lui tourna le dos, rompant le lien qui l’unissait à Dougal, laissant l’amour de sa vie sous un cerisier qui n’attendrait plus personne.

***


La femme qui s’avançait d’une démarche faussement assurée, vêtue d’une longue robe foncée, ne se sentait que l’ombre d’elle-même. C’était elle, Minerva, qui parcourait le grand hall du Ministère de la Magie. Entourée de sorciers à l’allure pressée, de hiboux apportant les courriers, de journaux dont les photos s’animaient, de cheminées laissant surgir les employés dans un flash vert… Tout ceci, elle ne le voyait pas. Elle marchait en regardant droit devant elle, en se focalisant sur son but, cet ascenseur qui la mènerait vers son entretien. L’entretien qui lui avait tant coûté, au fond.

Elle secoua la tête. Y penser ne servirait à rien. Elle était venue jusqu’ici, elle repartirait avec un emploi. Elle rajusta le pansement autour de son doigt. Quelques heures plus tôt, elle avait enfilé une tunique de sorcière pour la première fois depuis des semaines, avait attrapé sa baguette magique, avait laissé un mot à ses parents encore endormis et avait transplané pour Londres. A l’arrivée, elle s’était désartibulé et avait perdu l’ongle de son annulaire gauche. Dans son sac, se trouvaient des pansements, que Dougal lui avait donné un jour. Elle en avait posé un sur son doigt ensanglanté, taisant la douleur lancinante de son cœur.

- 2ème étage, annonça la voix féminine de l’ascenseur, département de la Justice Magique et bureau des Aurors.

Mécaniquement, Minerva sortit, le dos droit et le regard fixe et concentré. Elle devait réussir cet entretien. Pas par intérêt pour le poste ; elle postulait pour un travail au service d’administration du Magenmagot. Rien qui la faisait rêver, mais elle devait s’éloigner de Caithness. Fuir.

Elle frappa au battant de la porte et entra. Un homme, probablement le responsable des Ressources Humaines, M. Gordon, se leva.

- Mademoiselle McGonagall ? Bienvenue, asseyez-vous donc. Thé ?

Minerva refusa d’un sourire poli.

- Du whisky peut-être ? plaisanta-t-il.

Elle releva la tête et le fixa sans rien dire. Dougal aurait dit la même chose, tout en sachant très bien qu’elle n’en n’aimait pas le goût. Il aurait pris un malin plaisir à la taquiner et elle serait très sûrement tombée dans son piège.

- C’était une plaisanterie, reprit Gordon en notant son silence. Bien, nous allons commencer alors.

Elle n’écouta que d’une oreille son monologue. Comme prévu, le poste consistait à assister un des membres du Magenmagot : entretien des documents juridiques, se maintenir informée des dates et horaires des procès et gérer le planning du juge auquel elle serait associée, assurer le déroulé des procédures juridiques… Peut-être qu’elle aussi, comme Alan, elle finirait par faire les cafés. Il fallait bien commencer quelque part.

Puis ce fut à son tour de se présenter et de vanter ses qualités. Elle n’allait pas mentir, il lui était facile de paraître crédible et responsable aux vues de ses résultats aux examens, de son statut d’ancienne Préfète-en-Cheffe ou encore de sa capacité à se transformer en chat. Tout cela lui semblait si aisé. Ce qui était plus compliqué, c’était se remémorer toute sa vie de sorcière. Par exemple, depuis combien de temps n’avait-elle pas pris sa forme d’Animagus ? Était-elle même encore capable de se transformer ? Retrouver ce pan de sa vie était tout autant un bol d’air qu’un étouffement : en le récupérant, elle rayait un été complet de sa vie.

Elle répondit aux questions, offrit même un sourire de circonstance pour ne pas avoir l’air d’une porte de prison.

- Bien, bien, c’est très bien tout cela, commenta Gordon. Si vous êtes sélectionnée vous serez l’assistante de Mme Griselda Marchbank. A vrai dire, lorsqu’elle a eu besoin d’aide administrative, elle a pensé à vous. Ce n’est peut-être qu’un poste d’assistante, mais vous serez au Ministère. Les perspectives d’évolution sont légions.

Minerva eut pour la première fois une réaction sincère. Elle gardait un bon souvenir de la sorcière qui l’avait évaluée lors de ses BUSES et qui l’avait encouragée dans son processus d’Animagus. Travailler à ses côtés apaiserait peut-être sa nouvelle solitude.

- Êtes-vous mariée ? Si oui, moldu, sang-mêlé, sang-pur… ?

Elle s’attendait à cette question. Elle était loin d’être anodine. Un candidat marié à un moldu perdait ses chances pour le poste, quel qu’il soit. Elle resta longtemps silencieuse, le regardant longuement. Était-ce là les derniers mots tranchants qu’elle allait devoir prononcer avant de pouvoir tourner la page ?

- Non, souffla-t-elle. Je suis seule.

Très seule.

L’entretien s’acheva. Elle serra la main de Gordon, le remercia, et repartit comme elle était venue. En silence, le cœur vide, le visage inexpressif.

Sa mère l’attendait dans la cuisine. Elle avait lu son mot et son visage trahissait son excitation lorsque sa fille passa le pas de la porte de derrière. Celle-ci avait fait exprès de ne pas emprunter le chemin principal, au risque de croiser Dougal.

- Alors ? Comment ça s’est passé ? s’enquit Isobel. Depuis quand cet entretien est-il prévu ? Nous n’étions pas au courant !

Parce que Minerva n’avait d’abord pas eu l’intention de répondre positivement à l’annonce. Parce qu’elle avait soudainement changé de vie, de projets. Parce qu’elle s’était à la fois trouvée et perdue et qu’aujourd’hui, elle n’arrivait pas à savoir si elle se battait pour se maintenir à la surface, ou si elle se laissait couler lentement.

- Bien, répondit-elle. Ça s’est bien passé.

- Au Ministère ! s’exclama Isobel. Oh, je suis si fière de toi !

Minerva l’observa. Sa mère aussi avait eu des prétentions pour un poste au Ministère. Elle avait été tout aussi brillante durant ses études. Aujourd’hui, elle voyait sa fille accomplir ce qu’elle n’avait pas pu vivre, mais savait-elle quel prix Minerva avait dû payer ? Elle pouvait l’imaginer. Après tout, elles avaient vécu les mêmes doutes, les mêmes tiraillements, les mêmes conflits internes. Elles avaient juste emprunté le chemin opposé. Isobel ne s’était jamais ouverte à sa fille sur les incertitudes qui l’avaient assaillie. Mais par procuration, elle avait vu sa fille aller à Poudlard, perpétuer son sang. Elle l’avait vue exceller en magie comme elle, voler haut grâce au Quidditch. Quand Minerva avait posé à jamais son balai, Isobel avait été incapable de la consoler. Elle aurait pu avoir les mots, elle aurait compris l’arrachement que sa fille avait subi ce jour-là. Mais silencieuse, elle avait baissé la tête. Aujourd’hui, Minerva refusait de mentionner Dougal. Aurait-elle été si fière d’elle si elle savait que contrairement à elle, sa fille n’avait pu tirer un trait sur la magie ? Aurait-elle toujours ce sourire en comprenant que sa propre chair, avait fait son choix inverse presque vingt ans plus tard, et avait brûlé son cœur à vif ? Isobel avait pu se confier à sa grand-mère Minerva, mais ironiquement, Minerva ne pouvait se confier à Isobel.

Si Minerva s’était appuyée sur sa mère, aurait-elle choisi différemment ?

Elle ferait face seule. Elle n’avait jamais été consolée, n’avait jamais voulu l’être. Le seul qui avait pu, et qui aurait pu, c’était Dougal. Mais il était désormais la source de son chagrin. Que faire lorsque l’un des piliers s’effondrait ?

Il fallait se tenir plus droit, regarder plus haut et plus loin, supporter deux fois plus de poids et de peines. Ce que Dougal lui avait offert, elle allait tout garder et en faire une force. Il l’avait aimée si fort, qu’elle s’était rendue compte qu’elle pouvait s’aimer en retour. Maintenant qu’il n’était plus là, elle ne lui ferait pas déshonneur en oubliant. Elle allait continuer à s’aimer, parce que Dougal lui avait prouvé qu’elle en avait le droit, et parce qu’elle savait qu’elle le méritait aussi. Elle allait s’aimer parce qu’elle pouvait s’aimer, devait, voulait. Aussi forts étaient ses sentiments pour Dougal, elle ne serait plus dépendante de l’amour qu’il lui portait pour s’y accrocher.

***


- J’ai juste besoin de quatre semaines de loyer, après je me débrouillerai, c’est promis.

Isobel et Robert Sr observaient leur fille faire ses valises, l’air inquiet.

- Mais tout est si soudain…, tempéra sa mère, tu es sûre que tu ne veux pas attendre au moins une ou deux semaines ?

- Pourquoi cela ? demanda Minerva en levant la tête de sa malle. Le Ministère vient de m’embaucher, je suis disponible. Pourquoi attendre ? J’ai déjà passé tout mon été ici.

- Oui mais…

- Je trouverai une chambre pas chère et mon salaire suffira pour plus tard. Il faut que je commence à travailler, si je ne me bouge pas maintenant, quand le ferais-je ? Tous mes amis trouvent leur voie, je ne suis pas différente.

Isobel ne prononça plus mot.

- Tu reviendras régulièrement, n’est-ce pas ? fit son père doucement.

Minerva hocha vaguement la tête. Il allait se passer plusieurs mois avant qu’elle ne pose à nouveau les pieds à Caithness. Croiser Dougal lui serait au-dessus de ses forces pendant un long moment. Voilà pourquoi elle partait si rapidement, trois jours après l’entretien. Dougal n’avait pas essayé de la voir, probablement sous le choc et à essayer de comprendre ce qu’il croyait avoir raté dans leur relation. Mais plus elle restait chez ses parents, plus elle diminuait leur chance de pouvoir tourner la page. Alors elle préparait sa valise, prête à louer la première chambre libre qu’elle trouverait.

Robert Sr fit une moue légèrement attristée avant de quitter la chambre. Isobel resta silencieuse quelques instants.

- Tout va bien ? s’enquit-elle au bout d’un moment.

- Pourquoi cela n’irait pas ?

Minerva respira profondément et reprit d’une voix plus posée :

- Oui, tout va bien, ne t’en fais pas.

Comme elle l’avait déjà décidé, elle gérerait ses émotions et son chagrin toute seule, comme elle l’avait toujours fait. Avec la distance, tout serait plus facile. D’ailleurs, l’enchaînement de l’entretien, de son retour et faire sa valise avait déjà un effet positif sur son moral, car elle se sentait moins en détresse qu’auparavant. Oui, tout irait bien.

Elle traîna sa valise dans les escaliers, sa mère lui emboîtant le pas, serrant un châle autour d’elle. Malcolm attendait, affalé dans le canapé, et Robert Jr se tenait debout sur ses petites jambes, un soldat de plomb serré entre ses doigts. Il paraissait soucieux du départ de sa sœur et Minerva se sentit coupable de l’abandonner ainsi, en particulier après l’avoir délaissé tout l’été au profit de Dougal. Elle se promit qu’à son retour, elle jouerait avec lui, lui ferait des tours de magie. Elle espérait revenir, mais la présence de Dougal l’empêchait d’appréhender un retour sans inquiétude. Et sans douleur.

- T’enverras des cartes postales de Londres, hein ? demanda Malcolm qui semblait être le seul à ne pas trouver son départ étrange.

- J’y vais pour travailler, pas pour faire du tourisme.

Malcolm mima un bâillement et retourna à sa position avachie. Robert Jr s’approcha à petits pas timides et tendit silencieusement le soldat de plomb. Celui-ci avait perdu son fusil et ses bras pliés vers l’avant semblaient se tendre vers un objet, une personne inatteignable.

- C’est pour moi ? s’enquit-elle, et son frère hocha la tête. Merci.

Elle ébouriffa tendrement ses cheveux avant de se tourner vers ses parents.

- Bon, c’est le moment. Je vais y aller.

Isobel détourna le regard, le contour de ses yeux devenant rouge. Minerva l’observa et étrangement, se reconnut un peu en elle : elle regardait ailleurs, semblant vouloir occuper son esprit vers un point invisible afin de ne pas pleurer. Mais elle savait que tout ce à quoi son cerveau pouvait penser actuellement, c’était l’envol de son premier enfant. Malgré les sept années à Poudlard, il y avait un parfum différent dans l’air lorsque l’aîné quittait le nid pour en fonder un autre. Minerva quittait la maison familiale. Son bazar sur le bureau aurait disparu, ses chaussons ne traîneraient plus dans le salon, un de ses livres n’attendrait plus sur la table de la cuisine, sa brosse à dents ne serait plus posée sur le bord du lavabo avec les autres, il n’y aurait plus que quatre serviettes de bain accrochées à la porte de la salle d’eau, des repas à préparer pour seulement quatre personnes… Et ce, sans pouvoir se dire que sa fille reviendrait de toute façon pour les prochaines vacances.

Robert Sr lui, la serra dans ses bras sans un mot. Il verserait probablement quelques larmes plus tard, quand chacun aurait le dos tourné. Peut-être, jouerait-il de la cornemuse, perdu dans ses pensées. Minerva toucha du bout des doigts l’épaule de sa mère qui lui fit un sourire tremblotant. Elle l’entoura avec un amour qu’elle démontrait rarement.

- Je suis fière de toi, souffla-t-elle, et Minerva sentit sa gorge se nouer.

Cette affection physique lui était si inconnue qu’elle toucha une corde sensible dont elle n’avait pas conscience jusqu’à lors. Se raclant la gorge, elle s’écarta et fit un bref sourire en baissant le regard.

- A bientôt, alors. Je vous donnerai des nouvelles très vite, c’est promis.

Elle empoigna sa valise, sa cage de hibou et sortit de la maison. Elle jeta un regard craintif vers chez les McGregor. Tellement de choses s’étaient passées en si peu de temps. Elle n’arrivait pas à croire qu’elle partait pour Londres ainsi, sans un adieu … sans le voir une dernière fois. Elle effleura pendant un bref instant l’idée de faire comme si rien ne s’était passé, simuler un passage chez la famille McGregor et espérer tomber sur Dougal… mais pour lui dire quoi ? Pour retourner le couteau dans la plaie, partir à l’autre bout du pays sans même lui donner de raison ? C’était non seulement insensé et égoïste, mais aussi cruel.

Elle secoua la tête et sortit sa baguette. Elle fit un geste de la main, appelant le Magicobus qui débarqua comme à son habitude, dans un concert de klaxons et de crissements de pneus. La porte s’ouvrit.

- C’est pour aller où ? s’écria le chauffeur.

- Londres, annonça Minerva, au Chemin de Traverse.

- Vous n’êtes pas la seule, montez !

Elle obéit, paya sa course, jeta un dernier coup d’œil à sa mère, ainsi qu’à son père et ses frères qui se tenaient dans l’entrée de la maison.

Le chauffeur referma les portes et Minerva partit s’installer sur un siège. Soudain, elle vit sa mère s’agiter en direction de la maison des voisins. Elle leva une main en direction de Minerva, l’air de vouloir lui dire d’attendre un peu. Sa fille détourna les yeux et fit semblant de n’avoir rien vu. Si c’était Dougal qui sortait de chez lui, qui cherchait à savoir qui partait ainsi, ou tout simplement pour obtenir des explications après avoir surmonté le choc de la rupture… Minerva ne pourrait pas le supporter.

Elle fixa son regard droit devant elle, ignorant les gestes de sa mère et laissa le Magicobus l’emmener loin ; loin de sa famille, loin de son bonheur et de sa peine, loin des souffrances qu’elle avait causées et loin d’un passé qui n’était pas parvenu à devenir un futur.



(Très mauvais bail de s'attacher à ses propres personnages)

Certain.es connaissaient déjà l'histoire de Minerva et n'ont donc aucune surprise quant à cette rupture, d'autres ne s'y attendaient pas du tout je crois bien au vu des commentaires sur les chap précédents... Bref, j'espère avoir bien retranscrit des émotions justes et crédibles et j'espère que vous avez apprécié !

Annonce : je vous avais dit que pour la relation Minerva/Dougal je posterai toutes les semaines. Bon, la relation est terminée (argh) et je comptais vous poster un dernier chapitre samedi prochain pour pas faire la transition trop brutale, maiiiiis il se trouve que je suis en plein déménagement donc ça m'arrange de reprendre les posts toutes les 2 semaines. Donc je suis au regret de vous annoncer que nous nous retrouverons le samedi 30 avril... Sorryyyy ! (si jamais je finis le chapitre pour la semaine pro je vous le poste sans souci hein mais je préfère mettre des warning)

Bisous à tous, profitez du beau temps pour ceux qui l'ont et à bientôt !!
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Coucou !
Merci Marion pour tes commentaires !! :D :D

Bonne lecture !

Chapitre 45 : Entre les mains du Ministère


Après plusieurs nuits dans une auberge coincée au milieu d'une allée grisâtre du chemin de Traverse, Minerva était parvenue à dégotter un petit studio dans une pension, composé d'un lit au matelas dur, d'une table au pied bancal et d'une fenêtre qui laissait passer assez de lumière pour survivre. Une étagère et une kitchenette couronnaient le tout. Une salle d'eau avec deux douches et deux toilettes se trouvait sur le palier et était partagée entre les locataires de l'étage, toutes des filles à la demande de la gérante.

Minerva déposa sa valise et la cage de Bonnie qui était partie faire un tour. Elle contempla le petit espace en silence pendant un long instant. De sa fenêtre, elle avait vue sur la ruelle, peu passante, mais si elle se tordait le cou et se penchait en avant, elle pouvait apercevoir un bout de l'allée principale du Chemin de Traverse, plus lumineux, plus joyeux, plus vivant. Elle soupira et retourna à sa valise qu'elle commença à doucement déballer. Elle était contente de commencer au Ministère dès le lendemain, car elle n'aurait pas su quoi faire. Alan et Cora travaillaient et disposaient de si peu de temps pour eux deux qu'elle se voyait mal débarquer dans leur appartement. Comme Alan l'avait proposé, ils iraient manger une glace chez ce fameux Fortarôme un jour. Cela lui changerait sûrement les idées.

Quelques courses, une lettre à ses parents et un repas avalé sur le pouce plus tard, Minerva se demanda quoi faire. Elle avait encore l'impression d'être en transition de logement ; elle n'était plus chez ses parents mais elle n'était pas chez elle non plus. Bonnie n'était toujours pas revenue ; depuis que Minerva avait posé des distances inconscientes, la chouette avait pris l'habitude de traîner plus longtemps à l'extérieur.

Elle prit son pyjama ainsi que son savon et passa une tête dans le couloir. Personne. Elle se faufila dans la salle d'eau, encore humide des douches précédentes.

Il était tard, et la plupart des filles étaient déjà retournées dans leur studio. Seule une longue tunique bleu indigo était déposée au-dessus de la porte d'un box occupé. Minerva se glissa dans une douche à l'opposé et lorsqu'elle en ressortit, tomba sur la jeune fille qui récupérait ses affaires posées sur le rebord du lavabo. La longue tunique bleue était en fait un long drapé de tissu qui enveloppait la femme qui lui faisait face. Elles se regardèrent un instant, l'air de se jauger. La fille devait avoir l'âge de Minerva, peut-être un peu plus âgée. Ses cheveux noirs très brillants étaient attachés dans son dos par un anneau argenté. Elle avait un teint plus basané que n'importe quelle britannique et ses yeux foncés paraissaient méfiants. Elle récupéra de lourds bijoux disposés à côté d'elle et les mis dans une boîte à bijoux vert d'eau et aux motifs fleuris.

- Heu, bonjour, tenta Minerva d'une voix mal assurée alors que l'autre ne disait toujours rien. Vous vivez ici ?

Elle se frappa mentalement. Bien sûr qu'elle vivait ici. La fille pencha la tête.

- Tu es nouvelle.

Ce n'était pas une question, c'était un constat. Elle avait un fort accent, avec des 'r' roulés et des consonnes durcies.

- Je viens d'arriver, expliqua Minerva.

- Je sais, je t'ai entendue durant mon Puja.

- Ton... ? répéta Minerva en empruntant elle aussi le tutoiement.

La boîte à bijoux s'illumina d'un vert fluo et la fille l'attrapa et l'ouvrit. Elle regarda dedans et fit un léger sourire tout en secouant la main. Elle prononça quelques mots dans une langue que Minerva ne connaissait pas puis redressa la tête.

- Ma famille m'appelle. Au revoir.

Minerva n'eut pas le temps de lui répondre que la fille était déjà partie. L'ancienne Gryffondor haussa les épaules et rejoignit sa chambre, d'où elle entendait la voix de la fille. Apparemment, elles allaient être voisines de palier, et Minerva ne savait que trop en penser. Elle se dirigea vers son frigo. Il était déjà tard, et elle n'avait ni le temps, ni l'envie (ni même peut-être, les compétences) pour se concocter un vrai repas. Elle attrapa deux œufs et du lait pour se faire une omelette. Le feu de la gazinière n'était pas très fort, mais il faisait l'affaire.

Ses œufs cuits, elle s'installa sur sa table bancale, attrapa une fourchette et mangea en silence. Avec pour seule compagnie ses pensées, elle commença à regretter le chahut de son frère Malcolm ou les gronderies de sa mère. Elle aurait dû se faire un repas plus complet. La pauvreté de ses œufs lui rappelait à quel point sa mère était une sacrée bonne cuisinière. Elle avait oublié d'acheter de l'eau et avait dû s'en verser du robinet. Ce qui en était sorti était si trouble qu'elle avait été forcée de la faire bouillir pour en éliminer les microbes, et elle buvait désormais de l'eau chaude.

Et puis, elle était très seule. Elle aimait la solitude, mais seulement lorsqu'elle savait qu'elle pouvait la rompre facilement. Elle se demanda si elle se ferait des amis au Ministère, si elle aimerait son travail. Et si ce n'était pas le cas, que ferait-elle ? Il était trop tard pour rentrer... pour aller chez ses parents. Elle ne pouvait pas « rentrer ». Caithness était désormais la maison de ses parents, plus la sienne. Elle avait hérité d'un minuscule espace sombre, si différent des champs qui s'étendaient à perte de vue autour de la maison écossaise. Elle se demanda ce qu'elle y avait gagné. Elle savait ce qu'elle avait perdu, en tout cas. Le visage de Dougal apparut dans un flash sous ses yeux et elle secoua la tête. Elle n'avait pas pensé à lui depuis son arrivée, elle tiendrait bon. Si elle voulait être efficace le lendemain, elle devait s'empêcher de songer à lui.

Ses dents croquèrent dans une coquille d'œufs qui avait survécu aux battements de la fourchette. Minerva la retira de sa bouche et grimaça en la déposant sur le rebord de son assiette. Elle la fixa longuement et d'un seul coup, elle se souvint de la fois où Dougal lui avait préparé un cake pour célébrer son diplôme, et que des bouts de coquille s'étaient égarées dans la pâte. Minerva sentit sa vision se flouter et sa gorge se serra.

Son estomac refusa d'ingérer les dernières bouchées d'omelette et Minerva étouffa un sanglot dans sa manche. De l'autre côté du mur, la voix de la jeune fille continuait de casser le silence, et Minerva ne voulait pas qu'elle l'entende pleurer. Elle se força à se calmer. Elle supporterait le choc, Dougal aussi. Et peut-être, peut-être qu'au sein du Ministère elle verrait que certaines entorses au règlement pourraient être faites. Après tout, le cas de sa mère datait de presque vingt ans et les mentalités avaient probablement évolué. Si le Ministère donnait son feu vert, elle pourrait revenir voir Dougal, tout lui expliquer... S'il n'acceptait pas la sorcellerie, au moins Minerva pourrait se dire qu'elle avait essayé. Tant pis si elle souffrait une nouvelle fois, elle ne voulait pas perdre une chance de le retrouver. Si ce second monde était trop pour lui, elle pourrait toujours lui faire oublier...

Elle ne s'attarda pas sur cette pensée. Elle doutait être capable d'user de cette magie contre lui. Mais au moins cet espoir lui permit de calmer ses pleurs et de se mettre au lit sans regretter pleinement sa décision.

***


Elle avait très mal dormi. Sa voisine avait interrompu son « appel » assez tôt, mais Minerva avait continué à tourner dans son lit jusqu'à trois heures du matin. A son réveil, elle avait perdu ses repères et avait mis du temps avant de se souvenir de l'endroit où elle vivait désormais.

Elle prit soin de bien se préparer pour paraître irréprochable à son premier jour. A côté, la voisine s'affairait aussi, sa porte s'ouvrant puis se fermant alors qu'elle sortait utiliser la salle d'eau. A nouveau, Minerva s'y retrouva avec elle devant un miroir, en train de fixer son chignon. Elles restèrent un moment en silence, le regard se croisant parfois à travers le miroir. La fille accrocha de lourdes boucles d'oreilles à ses lobes et rajusta une robe de sorcière qu'elle semblait avoir personnalisé à l'image de son sari. L'ensemble était bleu excepté le bout de ses manches et le tour de sa taille dont la broderie argentée formaient des spirales et rosaces harmonieuses. Ses cheveux étaient si longs que même coiffés en tresse, ceux-ci lui arrivaient à la taille. La fille surprit le regard de Minerva et soupira avant de se tourner vers elle.

- Nous allons nous croiser fréquemment, dit-elle avec son accent. Je m'appelle Satya.

Minerva lui tendit une main et se présenta à son tour. Satya observa la main avec des lèvres légèrement pincées.

- J'essaie de m'adapter, mais j'ai encore du mal à serrer la main des gens, expliqua-t-elle. De là où je viens, c'est malpoli.

A la place, elle joignit ses paumes et inclina très légèrement la tête. Minerva abaissa son poignet.

- Et d'où viens-tu ?

- Je suis indienne.

Minerva fit un « ah » muet. Elle ne connaissait rien à l'Inde à vrai dire. Juste que le pays était indépendant du Royaume-Uni depuis quelques courtes années seulement.

- Tu pars travailler ? s'enquit Satya en désignant la tenue formelle que portait Minerva.

Celle-ci hocha la tête.

- Au Ministère, oui. C'est mon premier jour au département de la Justice Magique.

- Ce ne sont pas les plus tendres, commenta Satya faisant déglutir Minerva de crainte. Pardon, je travaille à la Coopération Magique Internationale, et ils ne sont pas très drôles non plus. Allons-y ensemble, si tu veux.

Minerva n'osait pas l'avouer mais elle fut soulagée de ne pas se jeter dans l'immensité du Ministère toute seule. Si une étrangère comme Satya avait pu s'adapter, elle le pourrait aussi probablement, non ?

Ce fut Minerva qui les amena au pied de l'entrée pour les fonctionnaires, car Satya n'avait pas son permis de Transplanage.

- Tu n'as pas pu le passer dans ton école ? demanda Minerva, curieuse.

- Non. J'ai arrêté l'école après ma cinquième année.

Minerva se demanda s'il était trop délicat de lui demander pourquoi, mais Satya se chargea de l'éclairer alors qu'elles faisaient la queue pour descendre les escaliers menant aux toilettes qui assuraient le transfert dans les cheminées du Ministère.

- Durant la colonisation britannique, des écoles locales de magie ont été construites dans de nombreuses régions, sous un fonctionnement similaire à l'école du Royaume-Uni, Poudlard, d'où tu dois provenir. Des enseignants britanniques nous faisaient les mêmes cours que ceux de Poudlard, hormis quelques variantes et j'ai pu aller à l'école jusqu'à mes BUSES. Mais à l'indépendance en 1947, tous les enseignants sont repartis au Royaume-Uni.

- Et personne ne les a remplacés ?

Satya haussa les épaules.

- Dans certaines régions, oui. Cela a mis du temps, l'Inde s'est séparée d'une partie de son territoire, qui est aujourd'hui le Pakistan. Il y a eu de grandes tensions et des massacres, l'école n'a repris qu'en fin d'année 1947, surtout dans la partie sud du pays.

- Mais pas chez toi ? devina Minerva en prenant un ton précautionneux.

Satya se raidit.

- Non.

Minerva voulait lui demander de quelle partie de l'Inde elle venait, mais c'était leur tour de pénétrer dans la cabine des toilettes. D'instinct, Minerva grimaça en plongeant son pied dans la cuvette, bien que sa chaussure resta sèche. Elle se demanda si quelqu'un s'était déjà retrouvé coincé dedans mais ne prit pas le temps d'y songer plus longtemps car elle entendit une femme derrière râler contre sa lenteur et tira la chasse d'eau.

Elle émergea dans l'Atrium familier, sombre mais tout de même majestueux avec sa fontaine massive au centre, un plafond qui ne semblait pas exister.

- Je déteste cet endroit, avoua Satya en frissonnant, cet Atrium, je veux dire. C'est immense, haut, si infini que tu as l'impression de pouvoir aller aussi loin que tu le voudrais.

- Je ne comprends pas, c'est une bonne chose, non ?

- Pas au Ministère. Il te fera comprendre que tu peux voler, tant que ce sont ses mains qui te lancent. Allez, dépêche-toi, ce serait bête que tu sois en retard pour ton premier jour.

Satya l'accompagna jusque dans l'ascenseur, mais Minerva s'arrêtait au deuxième étage, alors que sa voisine continuait jusqu'au cinquième. Elle voulut la remercier pour son aide mais les portes se refermaient déjà entre elles.

- Hop là, écarte-toi petite !

Un employé passait par là, dirigeant de sa baguette une pile de dossiers. Minerva recula avec précipitation, ne faisant même pas attention à l'appellation. Elle observa autour d'elle. L'étage consistait en un T inversé à la sortie de l'ascenseur, où s'enchaînaient différents bureaux. Le long couloir en face d'elle s'ouvrait sur un espace circulaire dont le centre semblait creusé. Les murs étaient faits de marbre couleur sable et certains bureaux disposaient même de deux fines colonnes décoratives à leur entrée, superficielles et tape-à-l'œil selon Minerva.

- Excusez-moi, lança-t-elle à l'employé. Vous savez où je peux trouver M. Urquart ?

Urquart était celui qui chapeautait tous les assistants des juges, ainsi, en plus de suivre les ordres de Mme Marchbank, elle aurait à rester dans le giron de son supérieur masculin. Le nom Urquart ne lui était pas inconnu, mais elle ne parvenait pas à se souvenir où elle l'avait entendu.

- Ah, vous êtes nouvelle ? devina l'employé. Toute l'aile gauche, c'est les bureaux des Aurors, l'aile droite concerne le service des usages abusifs de la Magie. Vous trouverez le bureau de Urquart au fond de l'allée centrale, dans le service du Magenmagot.

Minerva le remercia et suivit ses indications. Comme elle s'en était douté, l'espace circulaire s'enfonçait bel et bien sous terre sur d'autres bureaux. Un panneau indiquait qu'il s'agissait du service du Magenmagot, là où elle officierait. Elle emprunta les escaliers et chercha le bureau de son supérieur.

- Minerva McGonagall ? appela un homme dans son dos.

Elle se retourna. Un employé approchait, dont le regard incertain s'éclaira en un sourire chaleureux.

- Oui, c'est bien vous, je vous reconnais ! Elphinston Urquart, enchanté de vous revoir.

Il lui serra la main, tandis que Minerva tentait de se souvenir où elle l'avait déjà vu. Sa démarche dynamique, ses yeux bleus délavés... c'était lui qui était venu à la Foire des Métiers à Poudlard. S'il ne lui avait pas planté la graine du département de la Justice Magique, serait-elle venue par elle-même ? Il était une des raisons de sa présence ici, et elle ne savait pas ce qu'elle devait ressentir.

- Venez dans mon bureau, j'ai plusieurs choses à vous donner avant de vous remettre entre les mains de Mme Marchbank. Une brillante juge, vous allez voir !

Minerva se demanda si c'était ces mains-là dont Satya parlait plus tôt, celles qui lui permettraient de s'envoler. Elle franchit le pas de la porte du bureau, se demandant si cette vie qu'elle choisissait était réellement la bonne ou pas.
Cazolie

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par Cazolie »

Elle avait été ravie de lui annoncer qu’elle avait changé l’ampoule de sa chambre seule la dernière fois, après s’être rendue à vélo à la boutique.
Il a dû la prendre pour une sacrée incapable :lol:
; l’un des deux, en revanche, cachée derrière son masque désormais habituel, mentait déjà. Et se mentait.
C'est si triste
Là, ils passaient des heures entières à refaire le monde, à tester leurs connaissances, à théoriser sur tout et n’importe quoi… Jamais Minerva ne s’était sentie aussi stimulée intellectuellement qu’avec Dougal, en dehors de Dumbledore.
Ouuuuuuuh sérieuuuuux
Même s'ils ne peuvent pas parler métamorphose ?
Elle cultivait doucement son amour pour lui, lentement mais avec précaution.
Uuuuurgh je fonds c'est si chou cette métaphore jardinesque
Minerva haussa les sourcils, l’air faussement prétentieux : elle était capable de faire de la magie bien plus complexe. Mais il avait l’air tellement enchanté qu'elle obéit, tentant de dissimuler la bouffée d’affection qu’elle ressentait envers ses yeux émerveillés. Si elle avait su à quel point il serait ouvert d’esprit à l’encontre de la magie, elle n’aurait pas tergiversé pour lui en parler.
Hein mais elle lui a dit donc ???
- Le Ministère n’attend pas, rit-elle en tentant de le repousser sans conviction. En plus, j’ai plein de dossiers à étudier.

Dougal râla pour la forme mais la retint une dernière seconde pour l’embrasser sur les lèvres, qu’elle étira en un sourire heureux.
Quoi
- A ce soir ?

- Le petit-déjeuner sera prêt, promit Dougal.
Un petit déj au dîner ?
Minerva ouvrit les yeux brusquement. Elle était allongée dans son lit, son oreiller serré contre elle. Sa mère était penchée sur elle, le visage étonné.
NIOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOON
Minerva bondit sur sa chaise.

- On est invités nous aussi ? demanda-t-elle en parlant de ses frères et elle.
TOUT DE SUITE C EST INTERESSANT
- Oh, tu sais… Je ne le connais pas très bien à vrai dire, mentit-elle, au pire, je n’aurais qu’à l’ignorer.
Etcomment ils vont se comporter devant les autres, hein :lol:
- T’aurais pas quelque chose à me dire ? A propos de ton copain. Enfin, pas vraiment.

Minerva sursauta.
OUPSY
- Tu parles de Lewis… ? s’enquit-elle après un instant de silence.

- De qui d’autre voudrais-tu que je parle ?
Rah quelle vie amoureuse, elle sait même plus de quel mec on parle :lol:
Elle s’imagina vivre loin de lui et elle se demanda si elle en serait capable. L’ancienne Minerva frissonna de se savoir si dépendante, mais elle eut vite fait de supprimer ces pensées de sa tête.
Dans mon esprit, Minerva a à présent une forme de flaque
Isobel imita sa fille ; depuis quelques temps, elle avait noté les actions de Minerva envers son petit frère, et avait estimé que c’était là son seul moyen pour essayer de le comprendre au lieu de le surveiller sans relâche.
Eh c'est triste
Devait-elle également passer le bonjour au barbecue ?
Mais :lol:
Dougal retint un rire en plongeant la tête dans ses bras
Je suis confuse quant à sa position pour que ce geste ait l'air naturel :lol:
Il la prit par la taille et l’entraîna quelques pas en arrière
ENFIN DOUGAL QUELLE INDECENCE
Elle leva les yeux sur son voisin, pour réaliser qu’il l’observait déjà. On aurait dit presque qu’il avait suivi ses pensées tout le long. Minerva rosit en songeant qu’elle n’avait jamais été aussi honnête envers ses propres sentiments.
Rlala mais qu'ils sont choux !
- Retrouve-moi sous le cerisier, ce soir, d’accord ? avait-il chuchoté en plantant ses yeux dans ceux verts de la jeune fille.
Dougal and Minerva under a tree... (c'est ça la comptine? Bref tu m'as comprise :lol:)
Par contre c'est pas hyper précis ce soir, 20h ou minuit ??
Dans le silence d’une nuit qui se réveillait, alors que les créatures nocturnes ouvraient lentement leurs yeux pour commencer leur ronde crépusculaire, Minerva et Dougal se rapprochèrent l’un de l’autre. Sans aucun témoin ni observateur, sans moldu ni sorcier, deux écossais amoureux étirèrent leur long secret en un baiser au goût de l’interdit.
OLALA CE PARAGRAPHE EN APOTHEOSE MA CITROUILLE MAIS QUEL TALENT
Déjà j'aime trop ton écriture et j'adoooore ce côté hyper retenu, tout en délicatesse de la narration, ça nous change du YA trash
J'aime cette pudeur qui en dit long
Quelle plume !

Allez j'enchaîne sur le chapitre 41 pour la peine
Quelles étaient les branches, les fils, les liens qui s’entrelaçaient pour le former ? Tout comme Alan ou Isobel avant elle, elle était incapable de poser un doigt dessus.
C'est si bien écrit!
Telle face à une partition de musique, elle buvait ses paroles, telle devant une œuvre d’art, elle le dévorait des yeux, telle devant un lever de soleil, elle l’embrassait du regard.
Ralala cette anaphore
Par contre ça sent la chute quand elle ouvrira les yeux :lol:
Dougal auprès d’elle, elle apprenait à s’aimer.
Sauf que ça dpit être l'inverse #bts
- Tu es… en train de… de me demander en mariage ?

Elle parvint à peine à prononcer ce dernier mot. Dougal eut un sourire amusé.

- Pas vraiment. Disons que j’étudie le terrain
On ne perd pas de temps en 1954
Et plus important encore, ils s’aimaient comme jamais aucun n’avait aimé avant.
Aucun d'entre eux ou aucun être humain pouahahha ?
Pourtant, il lui semblait avoir oublié quelque chose, sans pouvoir mettre le doigt dessus. Cela l’agaçait, car elle était persuadée que cet objet avait son importance.
Sa bagueeeeeeeeeeette
- Tu as le droit de m’en parler, reprit Dougal. Jamais dans ta vie, tu ne dois te sentir obligée de me cacher quelque chose ; je serai toujours là pour t’écouter, d’accord ?
Ca commence bien
Enfin, elle irait se coucher, peut-être lire encore ou rêver (avec parcimonie) d’un lendemain à discuter et rire avec Dougal.
Ce conditionnel annocne l'orage (est-ce du conditionnel ? J'ai un gros trou)
- Tu avais déjà oublié ? taquina Isobel. Comment peut-on oublier cela ?
*smoutch smoutch*, voilà comment on oublie ça

Vas-y je suis lancée je veux trop savir la suite maintenant :lol: Mais je poste tout de suite histoire d'éviter une catastrophe
Cazolie

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par Cazolie »

Le fameux triptyque, au secours
Elle la vit. Elle se vit.
OKAAAAAAAAAAAAAAAAAY cette crispation est HYPER bien rendue t'es trop forte ! Cette dégringolade là c'est fouuu, j'ai l'impression d'entendre le bourdonnement dans mes oreilles et de voir flou haha
Demain, elle le retrouverait. Sous leur cerisier, tout irait mieux.
Dis lui justeT.T
Elle décacheta l’enveloppe.

« Mademoiselle McGonagall,
Dis doooonc, c'est une offre spontanée ? Elle leur a vraiment tapé dans l'oeil
Dans son comté de Caithness, elle n’avait pas eu besoin de voler sur un balai pour se sentir libre, elle n’avait pas eu besoin de la magie pour se sentir forte, elle n’avait pas eu besoin de savoir se transformer en chat pour se savoir spéciale. Aux yeux de Dougal, elle l’avait été. Elle l’était.
Oh non j'aime trop ce paragraphe et en même temps ça me brise le coeur T.T

Rolala cette demande en mariaaaaaaaaaaaaaaaage il a déjà écrit ses voeux lui
Rolala mais il se passe tellement de choses là Minerva va IMPLOSER
Ses peurs, elle les avait étouffées dans la réponse qu’elle lui avait murmurée Ce « oui » était le symbole de l’amour qu’elle lui portait, oui elle souhaitait être à ses côtés, oui elle voulait être auprès de lui dans les bons moments comme dans les mauvais.
MAIS NON
MAIS QUOI
JE PENSAIS QU ELLE ALLAIT PARTIR EN COURANT ! OLALAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA
le « Herbert Fortarôme », tu viendras le tester avec nous quand tu pourras ? J’ai reçu une lettre de Pomona et Filius également, toi aussi ?
C'EsT Le PèRe d'AlIcE ???
je te perds en ce moment !
T'espas le seul mon pote

Ca m'éneeeeeeeeeeeeerve qu'elle lui dise paaaaaaaaaaas
- Maman regardait Frank Sinatra, d’accord ? lança Isobel en prenant sa fille par les épaules. Sinatra, c’est compris ?
Ce sale rêve T.T
- Trop tard.

Et la femme jeta la baguette au feu.
J'ai cru qu'elle allait oublietté Dougal (pourquoi je ne sais pas), donc j'ai été soulagée, mais faut bien dire que la symbolique est plus forte ahha
. Tout avouer à Dougal, c’était tuer ses ambitions. Il lui était interdit de briser le Secret Magique, encore plus en tant que candidate pour le Ministère qui saurait d’une manière ou d’une autre son délit.
Mais ça je comprends pastrop parce que un enfant magique chez les Moldus le brise de fait, et la loi n'interdit pas d'épouser un Moldu en GB donc comment on fait ?
Quand bien même le Ministère l’autorisait à raconter ses secrets, elle doutait que Dougal réussisse à passer outre.
MAIS TU SAIS PAS TANT QUE T AS PASPOSE LA QUESTION T.T
Ne pas pouvoir être avec Dougal parce qu’il était moldu, c’était si injuste.
MAIS T AS QUA LUI DIRE
Oui bon l'accumulation de mensonges je comprends
Dougal McGregor avait été sa réunification, sa destruction. Il avait été son salut et son pardon. Il était aujourd’hui son adieu.
MAIS ARRETE DE NOUS TUER LA
T ES HORRIBLE
ET TECRIS TROP BIEN ALORS C EST PIRE
AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH

Triptyque 3 du coup
Qui pourrait la comprendre ? A qui pourrait-elle parler de son histoire ?
Au hasard
SA MERE ???
Minerva s’arrêta un instant, le poing serré sur sa poitrine. Si elle pleurait maintenant, elle ne savait pas si elle serait capable de continuer.
Mais c'est horrible là
C'est horrible de devoir renoncer à quelqu'un que tu aimes à cause d'une raison froide
Il avait l’air si heureux de la voir.
J'ai l'impression qu'on mène à un veau à l'abattoir c'est horrible
Ce cerisier brisa le cœur de la jeune sorcière.
Retour à jeune sorcière après beaucoup de jeune femme
- Tu n’auras pas besoin de venir, souffla-t-elle. Il n’y aura pas de mariage.
Je te jure que mon coeur s'est brisé en lisant cette phrase
Parce qu’il l’aimait si fort, il n’irait pas à l’encontre de son souhait.
MAIIIIIIIIIIIIS ARREEEEEEEEEEEEEEEEETEUUUUUUUUUUUUUUUH
Et elle lui tourna le dos, rompant le lien qui l’unissait à Dougal, laissant l’amour de sa vie sous un cerisier qui n’attendrait plus personne.
Je te jure qu'il y a beaucoup trop de belles phrases dans ces dernierschapitres et celle-ci mais
On pourrait la graver sur ma tombe tellement elle ME TUE
L’entretien qui lui avait tant coûté, au fond.
Le job a intérêt à bien payer
. A l’arrivée, elle s’était désartibulé et avait perdu l’ongle de son annulaire gauche
Je te vois avec ta symbolique, mon annulaire connaît le poids d'un mariage (lol littéralement #laBagouze)
- C’était une plaisanterie, reprit Gordon en notant son silence. Bien, nous allons commencer alors.
Ptdr je l'imagine trop lui adresser un regard de zombie
Mme Griselda Marchbank
Well hello there
Un candidat marié à un moldu perdait ses chances pour le poste, quel qu’il soit.
Sérieux
c'est moche
. Aujourd’hui, elle voyait sa fille accomplir ce qu’elle n’avait pas pu vivre, mais savait-elle quel prix Minerva avait dû payer ?
T.T T.T T.T
Elle allait continuer à s’aimer, parce que Dougal lui avait prouvé qu’elle en avait le droit
Btssssssssssssssssssssssss
Dougal n’avait pas essayé de la voir, probablement sous le choc et à essayer de comprendre ce qu’il croyait avoir raté dans leur relation.
Roalal j'ai trop de peine pour lui
car elle se sentait moins en détresse qu’auparavant.
Attends dêtre seule dans ta chambre vide cocotte

C ETAIT
DE
LA
TORTURE
et en même temps je vais pas mentir, y a quelque chose de glorieux dans les histoires de coeurs brisés
Cette douleur sublimée là
C'est horrible
Mais c'est tellement plus prenant qu'une histoire d'amour qui va bien
Et tu l'as racontée avec un brio ma citrouille
Tes meilleurs morceaux d'écriture so far je trouve ! Autant dans la formulation que dans les sentiments, cette ascension et cette dégringolade
Un grand bravo (émoji yeux coeurs) !!!
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Heeeelloooo !

Comment allez-vous ?

Je suis de retour pour les posts de Minerva, toutes les deux semaines je rappelle ! Bon ça a été impossible pour moi d'écrire pendant le voyage en Corée, j'en suis désolée... Ceux qui n'ont pas pu me suivre sur instagram encore plus désolée parce que vous n'avez rien pu vous mettre sous la dent en attendant (enfin, y avait les autres fanfics haha (ou pas parce que j'en connais qui n'ont pas posté depuis longtemps sur BN :roll: :roll: :mrgreen: ))

J'espère que cette suite vous plaira, elle arrive un peu tard ^^'

Bonne lecture !

Chapitre 46 : Fatigue émotionnelle


Son travail lui était beaucoup plus fatiguant qu’elle ne l’avait cru. Les employés du Ministère n’étaient pas très tendres envers les jeunes diplômés, encore moins envers les jeunes diplômées. Si Mme Marchbank était ravie d’obtenir enfin une assistante, elle n’en restait pas moins une femme occupée qui n’avait guère le temps de se préoccuper des plaintes de Minerva. La juge, en poste depuis plusieurs dizaines d’années, n’avait jamais acquis le droit d’avoir une aide administrative. Première femme de l’hémicycle juridique, ses débuts avaient été bien plus compliqués que ceux de Minerva et ce n’était que lors du changement du superviseur des assistants qu’elle avait pu obtenir gain de cause.

- Elphinston Urquart est un homme charmant, disait-elle alors que Minerva recopiait diligemment à la plume un rapport sur un litige de voisinage. Il pourra vous aider en cas de besoin ici. Mais ne vous reposez pas trop sur lui non plus, vous méritez de grimper les échelons toute seule.

Minerva acquiesçait, buvant les paroles de sa supérieure. Il y a peu à Poudlard, elle semblait pouvoir tout maîtriser, être la meilleure en magie. Au Ministère, elle découvrait un univers tout à fait différent, avec des personnes aux expériences multiples, mais également dans un domaine qui la laissait bien en peine : pour elle, le juridique renfermait plus de secrets que le département des Mystères lui-même. Mais Marchbank lui enseignait les rudiments dès qu’elle le pouvait, et Minerva s’était inscrite à une bibliothèque à deux pâtés de maison de son logement, où elle passait plusieurs heures à apprendre les bases du droit. Pourquoi n’avait-elle jamais eu de cours comme ceux-là à Poudlard ? C’était insensé.

Le soir, elle rentrait très tard, du moins trop tard pour voir les autres filles du palier. Satya et elle avaient sensiblement le même rythme, et c’était sûrement la raison pour laquelle elles se lièrent d’amitié. La solitude pesait toujours autant sur le cœur de Minerva, et l’introvertie qu’elle était s’étonnait d’avoir besoin de contacts sociaux par moments. La charge de travail qu’elle s’imposait était lourde et elle sentait son cœur l’être aussi. Elle avait de brèves nouvelles de sa famille et dans chacune d’elle, Isobel écrivait sa fierté de savoir sa fille dans un des départements les plus prestigieux du Ministère. Minerva n’avait pas le courage de lui dire qu’elle vivait une transition assez brutale avec Poudlard. Il lui suffisait de s’accrocher et peut-être, au bout de quelques mois, elle serait enfin à l’aise dans son domaine et au milieu de ses pairs. Malheureusement, ceux-ci ne semblaient pas enclins à faire le moindre pas vers elle, alors Minerva passait la plupart de son temps dans le bureau de Mme Marchbank à y travailler et déjeuner. En dehors de sa tutrice, seul Elphinston Urquart, son supérieur, lui adressait la parole lorsqu’elle osait aller se chercher un thé au coin restauration de leur secteur. La majorité commandait en appelant un elfe de maison mais Minerva et Elphinston paraissaient être les seuls à se déplacer d’eux-mêmes.

C’était là qu’elle se trouvait, attendant sa boisson chaude, quand Urquart la rejoignit.

- Mademoiselle McGonagall, bonjour à vous.

Minerva inclina la tête en réponse. L’elfe en face d’elle déposa son thé dans une tasse et elle le remercia.

- Ne partez pas tout de suite, fit Urquart en désignant le tabouret à côté de lui. Asseyez-vous quelques instants, votre dossier ne va pas s’envoler.

- C’est que, j’ai beaucoup de travail…

- Et je peux vous assurer qu’il n’est pas sain de ne pas faire de pause ? Je vous en prie.

Il ponctua ses mots en désignant des mains le siège à côté. Minerva acquiesça et retourna à sa place. Elle comptait refuser par réflexe, mais également parce qu’elle ne savait pas comment se comporter envers son supérieur. Il avait l’air plus humain que les autres, mais il restait son employeur.

- Je suis content que vous ayez décidé de nous rejoindre, finalement. Merci Soky, fit-il à l’elfe qui rougit.

Minerva lui jeta un coup d’œil surpris.

- Vous avez remercié l’elfe, nota-t-elle.

Elphinston leva les yeux de derrière sa tasse.

- Vous aussi.

Minerva rosit.

- C’est juste que…

Elle s’arrêta. Elle s’apprêtait à critiquer ses collègues et elle n’était pas certaine que ce soit une bonne idée face à son supérieur.

- Les autres ne le font pas, dit-elle simplement.

Elphinston eut un rire silencieux.

- Vous pouvez essayer tant que vous voulez, vous n’arriverez pas à cacher la pointe de jugement que je perçois dans votre voix, s’amusa-t-il.

- Excusez-moi, fit-elle en sentant ses joues s’enflammer.

- Et pourquoi donc ? Vous avez le droit de penser ce que vous voulez. A vrai dire, je suis plutôt d’accord avec vous.

Il se tut à son tour et sirota son café.

- Vous vous en sortez ici ? s’enquit-il.

Minerva le regarda brièvement. Elle ne voulait pas avoir l’air d’une pleurnicheuse ni d’une incapable. Elle était au département de Justice Magique, elle avait été contactée pour cet emploi, hors de question d’avoir l’air d’une étudiante qui sortait tout juste de l’école sans expérience professionnelle, même si c’était ce qu’elle était.

- Ça va, Mme Marchbank m’aide bien et j’apprends beaucoup. Tout est nouveau, mais je vais m’y faire, assura-t-elle.

Elphinston hocha la tête.

- Ne vous surmenez pas. Et ne vous mettez pas trop la pression. C’est d’accord ?

Minerva rentra la tête dans les épaules et opina du chef. Urquart se leva, la salua et repartit après une dernière inclination du menton envers les elfes.

Une sonnette retentit au-dessus de la tête des elfes ; le nom inscrit indiquait que M. Reckter requérait leur assistance. Minerva retourna à son bureau. Elle devait préparer le planning de la semaine prochaine de sa tutrice, composée de rendez-vous professionnels et de procès en tout genre. Elle s’ennuyait un peu à vrai dire, mais elle savait que c’était un passage obligé avant de pouvoir commencer à monter des dossiers juridiques qui lui tenaient à cœur. Un jour peut-être, verrait-elle une loi créée grâce à son travail et deviendrait-elle conseillère de Justice décisionnelle.

Le soldat de plomb que lui avait donné Robert Jr semblait l’enjoindre de ses deux mains vides à se mettre au boulot. Elle se demanda comment son petit frère allait. Malcolm allait repartir à Poudlard dans quelques jours et comme à chaque rentrée, Robert Jr allait probablement être frustré de ne pas pouvoir non plus y aller. Elle doutait qu’il souhaite réellement aller à l’école, mais plutôt rejoindre son frère et sa sœur. Cependant, maintenant que Minerva était partie, était-il toujours aussi impatient ?

- Rentrez chez vous, vous êtes fatiguée.

Minerva sursauta violemment. Griselda Marchbank était rentrée dans leur bureau sans qu’elle ne s’en rende compte et l’observait par-dessus ses lunettes ovales.

- Je vais bien, j’étais juste dans la lune, assura Minerva en attrapant une plume et la trempant dans de l’encre.

- Je le vois bien. Vous angoissez trop. C’est admirable de vouloir bien faire les choses, ça l’est moins de noter des bêtises dans mon planning à cause de la fatigue. Alors, allez prendre l’air.

Minerva hésita un instant avant de reconnaître que partir immédiatement ne ferait de mal à personne. Elle remercia Marchbank et fila prendre l’ascenseur. Elle n’était pas nécessairement écroulée de fatigue, mais son esprit s’effondrait sous le travail. Elle voulait relâcher la pression et pour cela, elle savait qui elle devait voir.

Elle transplana devant l’adresse que son meilleur ami lui avait donnée. Un vieil immeuble sombre coincé dans une ruelle étroite. Elle monta les étages et frappa à la porte en bois clair. Celle-ci s’ouvrit sur des yeux gris et des cheveux blond cendrés reconnaissables entre mille, juste un peu plus long que pendant Poudlard.

- Minerva ! Ça alors, qu’est-ce que tu fais là ?

Minerva sentit un vrai sourire naître sur ses lèvres, le premier depuis qu’elle avait quitté Caithness. Elle ne savait pas comment elle avait tenu sans voir Alan depuis son arrivée au Ministère. Dans un monde qui lui était inconnu, il représentait une touche de normalité.

- On va prendre un verre ? proposa-t-elle.

Alan cligna des paupières, regarda sa montre.

- Les salons de thé sont fermés à cette heure-ci. Mais je dois avoir quelque chose dans ma cui…

- Non, allons prendre un verre, répéta Minerva.

Il ouvrit des yeux ronds.

- Toi, t’as l’air d’avoir des trucs à me dire. Attends-moi deux secondes.

Il rentra dans son appartement et Minerva put l’entendre dire quelques mots à Cora à l’intérieur. Il revint, veste en main.

- Cora te passe le bonjour. Tu veux aller où ?

Minerva haussa les épaules. Elle ne buvait jamais. Elle n’aimait pas le goût de l’alcool, n’aimait pas l’idée de perdre le contrôle de son corps… Mais à vrai dire, elle avait justement envie de s’alléger l’esprit et retrouver son meilleur ami.

- Ok, laisse-moi gérer le lieu alors, s’amusa Alan.

Il ne semblait pas avoir changé. Il paraissait juste plus mûr, comme si le fait de sortir de Poudlard, d’avoir trouvé un emploi et d’être en relation l’avaient fait grandir. Il l’entraînait en dehors des ruelles sombres pour se rendre dans un bar d’une rue plus vivante, le Shelly’s Pub. Là, des sorciers et sorcières riaient bruyamment au-dessus de leurs pintes de bière, installés confortablement dans des fauteuils moelleux, une lumière jaune éclairant leur tablée.

Alan s’assura une dernière fois que Minerva voulait bien de l’alcool et partit leur chercher une bière chacun. Quand il revint, Minerva leur avait trouvé une petite table dans un coin. Il s’installa en face d’elle et trinqua. Minerva prit une première gorgée, grimaça. Ce n’était pas spécialement bon, mais bizarrement son cerveau semblait ravi de cet apport.

Elle observa Alan. Lui aussi avait des cernes. Elle savait qu’il travaillait dans un rythme irrégulier, sans compter les multiples visites à Ste Mangouste pour Cora, leur appartement à gérer, le ménage, la cuisine… Si Cora aidait de temps en temps, ses fatigues chroniques la poussaient irrémédiablement vers le lit. Peut-être n’était-ce pas une très bonne idée de sortir Alan un soir de semaine.

- Je suis content de te voir, dit-il comme pour la démentir. Je me doute que tu es aussi très occupée.

Minerva but une nouvelle gorgée et étira ses lèvres en un sourire gêné. Bien que les deux aient promis au détour d’une lettre de se voir rapidement, Minerva avait tardé à prendre des nouvelles, voire même à chercher à le retrouver. L’été s’était tristement terminé et à quelques jours du mois de septembre, Minerva avait commencé sa toute nouvelle lutte au Ministère. Ils n’étaient plus à Poudlard, elle ne prenait plus son petit-déjeuner copieux en compagnie de son meilleur ami, ne le traînait plus pour aller en cours. Les sorties à Pré-au-Lard n’auraient pas les mêmes saveurs de week-end entre amis. Débuter dans la vie professionnelle lui donnait la sensation de reprendre à zéro dans un nouvel univers inconnu et dans lequel elle n’était pas forcément à l’aise. Ses amis étaient soit partis à l’étranger, soit enfermés dans un rythme tout aussi effréné. Alan notamment, n’avait pas le choix que de tourner rapidement la page de Poudlard pour grandir et faire face à la maladie de Cora et un emploi qui les maintiendrait à flot. A même pas dix-huit ans, cela semblait beaucoup à Minerva. Elle avait la nostalgie du passé, probablement parce que ce qu’elle avait vécu dernièrement s’était soldé en échec douloureux et que son quotidien actuel était aussi triste que les pierres.

Elle ignorait comment raconter tout cela. Son meilleur ami saurait être présent dans ce chamboulement, mais elle-même ne savait pas par où commencer. Sa vie actuelle était bien morose.

- C’est compliqué, dit-elle simplement.

Le fait qu’elle ait ressenti le besoin vital de voir Alan sur un simple coup de tête démontrait à quel point elle nécessitait de retrouver une touche de normalité dans sa vie. Son meilleur ami attendit qu’elle développe sa pensée. Là aussi il avait changé : il semblait plus patient, plus posé.

- J’ai… renoncé à beaucoup en venant à Londres.

Elle préféra ne pas développer ce point.

- Tout est froid et distant au Ministère. J’ai l’impression de ne pas être à la hauteur. Les seuls qui m’adressent la parole au département de la Justice c’est ma tutrice et mon supérieur. Autant te dire que leur avouer mes difficultés est inconcevable.

- On commence tous comme ça, tu sais. Je sers des cafés la plupart du temps, parfois j’assiste dans les recherches médicales. C’est à la fois passionnant et frustrant. Mais je sais que sur le long terme, je trouverai ma place. Toi aussi, tu verras. Les débuts sont toujours difficiles.

Minerva hocha la tête. Elle prit une autre gorgée de bière, cette fois-ci sans grimacer.

- J’ai faim, annonça Alan, je reviens.

Son amie sourit pendant un bref instant. Voilà une chose qui n’avait pas changé, l’estomac d’Alan. Quand il revint et nota qu’elle avait repris son regard mélancolique, il fronça les sourcils.

- T’es vraiment pas dans ton assiette. Prends une frite.

Elle obéit et grignota du bout des lèvres.

- Je me doute que tu n’es pas heureuse actuellement dans ton emploi, devina Alan, mais… ça te plaira sur le long terme, n’est-ce pas ? Y a-t-il des perspectives qui te permettent de voir au-delà de ton malheur actuel ?

Minerva réfléchit un instant. Elle avait pris cette direction mue par cette idée de changer les choses, rétablir des injustices. Ce n’était pas avec son poste d’assistante qu’elle y parviendrait. Mais si elle décrochait le poste de Conseillère de justice décisionnelle, alors peut-être, si ses dossiers étaient bons, peut-être que le Magenmagot ferait remonter ses idées à l’exécutif. Peut-être.

- Eh bien, j’espère, répondit-elle en observant la lueur ambrée de sa bière. Je ne sais pas, j’espère juste.

Alan la regarda longuement. Il semblait réaliser qu’elle aussi avait changé. Elle prit une gorgée. Elle était peu habituée à boire, aussi l’alcool commençait déjà à lui monter à la tête. Elle avait longuement été perdue sur ses choix de vie à Poudlard, mais au moins son environnement lui plaisait. Elle avait des amis, des loisirs et des études qui lui plaisaient. Aujourd’hui, non seulement elle ignorait où elle allait, mais elle ignorait également où elle se trouvait. Son poste au Ministère était le fruit d’une douleur intense qu’elle se forçait à oublier. Si ce sacrifice avait été une mauvaise idée, comment pourrait-elle y survivre ?

- Je t’ai déjà raconté l’histoire de mes parents, Alan ?

Celui-ci leva un sourcil mais hocha la tête.

- Je suis au courant, oui.

- Une sorcière et un moldu, tu crois que c’est vivable ? continua-t-elle en regardant par-dessus l’épaule de son ami. Quand j’ai commencé à voir à quel point leur relation est presque misérable désormais… je me suis jurée que jamais je ne vivrais cela.

Alan ne répondit pas. Minerva prit une autre gorgée et renifla.

- Tu penses que ma mère aurait été plus heureuse au Ministère ?

- En renonçant à ton père ? Ça aurait été dur, non ? Se retrouver seule dans cette administration immense, sans personne à qui parler, pas même à sa famille… C’est triste.

- Donc il aurait mieux valu choisir le mariage avec un moldu ?

Son meilleur ami se pencha en avant en secoua légèrement la tête.

- De quoi tu parles ? Elle s’est mariée avec ton père. C’était le bon choix, je pense. Pour elle.

Minerva cligna lentement des paupières.

- Tu es sûre que ça va ? s’inquiéta Alan. C’est la bière ?

- C’est juste que…

Elle renifla à nouveau.

- Est-ce que j’ai fait le bon choix ? Qu’est-ce que je vais devenir si je ne trouve pas ma place au Ministère ?

Elle sentit des larmes lui monter aux yeux. Elle aimerait tant en parler à son meilleur ami, sans en être capable. Il comprendrait un peu mieux son chagrin.

- J’ai si peur d’avoir fait une erreur, Alan.

- Minerva… Si le Ministère ne te convient pas, ce n’est pas grave. Tu trouveras autre chose, tu es brillante. Je n’aime pas te voir aussi désespérée.

C’était justement parce qu’elle était brillante qu’elle s’était retrouvée tiraillée entre ces deux mondes. Si elle avait été une élève normale, serait-elle avec lui, au pied de leur cerisier ? Serait-elle plus heureuse ? Regretterait-elle ? Verserait-elle des larmes le soir dans leur chambre, alors que lui dormirait profondément et qu’elle sangloterait en silence pour ne pas éveiller les soupçons ? Serait-elle moins malheureuse qu’elle ne l’était ici dans ce bar, à boire une bière avant de retourner dans son logement sombre et étriqué, avant de retourner dans un emploi qui ne lui plaisait pas ? Cet emploi pour lequel elle avait tout abandonné…

- Viens, on rentre, fit Alan. Tu dors chez nous ce soir.

Minerva ne riposta même pas. Cela lui ferait sûrement du bien de dormir dans un appartement habité par d’autres personnes. Elle avait un peu la tête qui tournait par l’alcool. Si le stress du travail s’était envolé, elle ressentait un tourbillon d’émotions à l’intérieur de son crâne, envahissant son cœur et qui lui donnait envie de se recroqueviller sur un fauteuil moelleux. Elle voulait rentrer chez elle, à Caithness, retrouver sa famille tout aussi disloquée qu’elle était, jouer aux échecs, écouter la cornemuse de son père, manger un bon plat en famille et ébouriffer les cheveux de ses petits frères.

Que faisait-elle à Londres ?

Elle ne s’était même pas rendue compte qu’ils étaient arrivés chez Alan. Il ouvrit sa porte qui grinça légèrement. La lumière de la pièce centrale était jaunâtre et éclairait une auréole d’humidité au plafond. Les meubles étaient rustiques et l’ensemble spartiate, une pile de vaisselle s’amoncelait dans l’évier, probablement celle qu’Alan devait faire avant d’être kidnappée par sa meilleure amie.

- Si tu veux te laver, la salle de bain est juste là, indiqua Alan en désignant une des deux portes qui se trouvaient sur le côté. Tu pourras dormir sur le canapé.

Minerva s’y effondra toute habillée, le nez dans un coussin, et en un instant, elle sombra dans le sommeil. L’alcool et le trop-plein d’émotions l’avaient épuisée.

***


Quand elle se réveilla le lendemain, elle avait la bouche pâteuse et les yeux vitreux. Alan et Cora prenaient un petit déjeuner en chuchotant, semblant ne pas vouloir la réveiller. En la voyant les paupières clignotantes, ils eurent un sourire amusé.

- Rappelle-moi de ne jamais te faire boire d’alcool, fit Alan. Comment tu te sens ?

Honteuse. Minerva se redressa tout en essayant de se remémorer la soirée de la veille. Elle rougit. Qu’elle avait été stupide de geindre ainsi. Et puis, à parler de la relation de ses parents… Par Merlin, elle avait dû être ridicule.

Elle se leva et joignit ses mains.

- Je suis désolée, je ne voulais pas vous déranger en dormant ici. Je n’aurais pas dû boire autant.

Cora haussa les sourcils.

- Je croyais que tu n’avais bu qu’une demi-pinte ?

Minerva hésita.

- C’est beaucoup d’alcool, non ?

Cora eut un sourire qu’elle tenta de dissimuler, contrairement à Alan qui éclata de rire. Vexée, Minerva préféra observer discrètement l’ancienne Serpentard. Elle s’était coupée les cheveux très court, ce qui faisait ressortir ses joues émaciées. Ses yeux paraissaient encore plus sombres qu’avant mais brillaient tout de même joyeusement. En revanche, elle avait maigri : elle semblait flotter dans son pantalon désormais.

- Au fait, quelle heure est-il ? s’enquit Minerva en détournant le regard.

- Huit heures. Tu commences à quelle heure ?

Minerva ouvrit de grands yeux et récupéra son sac. Elle était déjà en retard au travail. Elle remercia et s’excusa encore quelques fois avant de se ruer en dehors de l’appartement et de transplaner pour le Ministère.

Bizarrement, au milieu des personnes faisant la queue pour entrer aux sanitaires menant au Ministère, elle croisa Satya, elle aussi en retard. Celle-ci lui jeta un regard de travers.

- T’étais où ? Je t’ai attendue sur le palier pour partir ensemble et maintenant je suis en retard.

Minerva s’excusa, gênée mais touchée qu’elle ait essayé de l’attendre. Satya eut un haussement d’épaules.

- T’es libre tout à l’heure ? On a qu’à déjeuner ensemble si tu veux.

Minerva lui offrit un éblouissant sourire et Satya papillona des yeux, surprise. Elle ignorait qu’à peine quelques heures plus tôt, Minerva avait versé dans le drame et la mélancolie, regrettant la froideur du Ministère.

Et le reste de la journée sembla vouloir continuer à la détromper car Urquart la convoqua dans son bureau. Au début, elle avait craint une remontrance pour son retard de la matinée. Mais son sourire aimable quand elle était entrée l’avait fait douter.

- Asseyez-vous, je vous en prie. Comment allez-vous ?

- Bien monsieur, merci.

- Très bien, très bien. Je vous ai fait venir car j’aurais une mission pour vous. Je sais que vous êtes très occupée, aussi j’ai demandé à Mme Marchbank d’alléger votre emploi du temps pour cette mission temporaire.

Intriguée, Minerva s’avança sur son siège.

- Quelle mission ?

- Oh je suis persuadé qu’elle vous plaira. Je vous envoie sur le terrain !

La jeune fille se redressa, l’oreille tendue. Sortir de son bureau sombre, sortir de ses papiers juridiques ?

- Ne vous emballez pas trop non plus, ce n’est qu’une courte mission de scribe. Vous allez annoter tout un procès qui va avoir lieu la semaine prochaine. Pas d’inquiétude, vous seconderez un autre scribe, mais au cela vous permettra de diversifier vos occupations. Qu’en pensez-vous ?

- Quel genre de procès ?

- Je vous enverrai le dossier complet demain au plus tard, mais il s’agit de celui de Mme Carlotta Pinkstone, une militante qui plaide pour révéler l’existence des sorciers aux moldus. Elle a encore tenté de faire de la magie au cœur d’une soirée dansante il y a quelques mois. Pour tout vous dire, cela a été compliqué de faire oublier le champagne volant aux 350 invités…, termina Urquart en se grattant la tête. Enfin, vous verrez par vous-même lors du procès.

Minerva hocha la tête. Effectivement, cela l’intéressait. Non seulement elle allait effectivement essayer quelque chose de nouveau, mais en plus elle pourrait étudier comment le Ministère approchait réellement le Secret International Magique.

Cette mission lui prouvait également que son supérieur lui faisait assez confiance pour l’envoyer sur le terrain, et il n’y avait rien de plus gratifiant.

Après le déjeuner en compagnie de Satya, Minerva s’était sentie beaucoup plus légère. Mme Marchbank l’avait félicitée de sa nouvelle mission et lui avait même offert un sourire approbateur. C’était comme si le monde lui disait que oui, bien sûr qu’elle arriverait à se trouver sa place au Ministère, qu’elle trouverait un emploi qui lui plairait grâce à ces missions, qu’elle se ferait des amis comme elle s’en était fait à Poudlard. Quand elle rentra chez elle, elle avait un réel sourire sur les lèvres, le cœur moins lourd, l’esprit plus serein.

Bonnie l’attendait avec une épaisse lettre dans son bec, et Minerva eut même un petit rire joyeux en voyant que c’était ses parents qui lui écrivaient. Les nouvelles étaient bonnes, Malcolm partait le lendemain pour Poudlard et Robert Jr lui faisait plein de bonjours.

« J’apprends à ton père à coudre et en échange il m’apprend les échecs. C’est très difficile pour nous deux, à vrai dire ! Je ne sais pas qui est le plus patient…

Bon courage pour ton travail,

Nous t’embrassons.

PS : il y avait cette lettre qui t’était destinée sur le pas de la porte, je te la transmets. »


Minerva fronça les sourcils. C’était donc pour cela que l’enveloppe était si épaisse. Mais qui pouvait bien lui envoyer des lettres ? Peut-être Pomona, qui n’avait pas encore reçu sa nouvelle adresse à Londres ?

Elle tira la seconde enveloppe et l’ouvrit. L’encre était bleu foncé, le papier beige et crémeux. L’écriture n’était pas celle de Pomona, ni de Filius. Elle était pointue, serrée, et c’était une écriture que la jeune fille connaissait très bien.

« Minerva, c’est moi, Dougal… »
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Bonjour !
Bonnes vacances à ceux qui le sont, profitez-bien ! Cazo profite bien ! <3 Courage à celles et ceux qui passent le grand oral!

Bonne lecture !

Chapitre 47 : Le fruit véreux


« Minerva, c'est moi, Dougal... »

Minerva lâcha la lettre. Immobile, elle la fixa, les jambes lourdes et le cœur battant plus vite. La boule au ventre dont elle avait espéré s'être débarrassée avec son départ pour Londres se forma à nouveau. Le silence autour d'elle semblait se demander quelle allait être sa prochaine action.

Devait-elle brûler la lettre sans jamais la lire ? Prétendre qu'elle tournait la page pour de bon ? Qu'elle y parviendrait comme elle avait cru pouvoir le faire en changeant de ville ?

Mais devait-elle la lire pour autant ? Risquer d'hésiter à nouveau ? Risquer de distinguer la peine de l'homme qu'elle aimait entre ces lignes ? Pire : y ressentir sa colère. Il aurait toutes ses raisons de lui en vouloir.

Elle se laissa glisser contre le mur, attrapa la lettre d'une main tremblante. Puis elle resta sans bouger, espérant trouver du courage, quoi qu'elle décide de faire.

Qu'y avait-il dedans ? Qu'écrivait-il ? Quelles avaient été ses émotions au moment de tenir la plume ? Que pensait-il d'elle à ce moment-là ? Toutes les réponses à ses questions se trouvaient dans les replis de ce papier et pourtant... n'avait-elle déjà pas assez souffert ? Mais aussi, s'il y épanchait sa colère, ne méritait-elle pas de l'écouter ? Elle qui était partie sans une explication, sans un dernier regard, qui avait ignoré son appel à l'instant où elle s'était assise dans le Magicobus, n'avait-elle pas le devoir de le laisser s'exprimer au moins par lettre ? Ne faisait-ce pas partie de sa punition ? Sa peur d'être blâmée par l'homme qu'elle aimait encore profondément n'était-elle pas égoïste ?

Cette lettre, elle n'avait d'autre choix que de la lire, pour Dougal.

« ...c'est moi, Dougal... »

Cette écriture fine, ces lettres serrées les unes contre les autres, à elles seules elles serrèrent le cœur de Minerva.

« J'espère plus que tout que tu vas bien. Les soirées à Caithness se rafraichissent. Là où tu te trouves, j'espère que tu prends soin de toi. »

Minerva étouffa un sanglot. A côté, elle entendit Satya claquer sa porte en rentrant chez elle.

« Je n'ai pas osé demander à tes parents ta nouvelle adresse. Tu as longtemps voulu garder notre relation secrète et seul le mariage pouvait te faire avouer. De plus, j'imagine que si tu l'avais voulu... tu me l'aurais donnée. Alors j'ai été lâche et, tôt ce matin, j'ai déposé cette lettre sur le pas de la porte de ta maison. Pardonne-moi. Pardonne-moi de ne pas te chercher plus que cela.

Pour tout te dire... j'ai toujours su où aller, quelle vie j'allais mener. Mon lopin de terre à cultiver, une femme à aimer et des enfants à chérir. Une vie simple, mais vécue avec passion. Vieillir avec toi.

Dis-moi, Minerva, je t'en prie, dis-moi : qu'ai-je fait que je n'aurais dû faire ? Quels mots ai-je prononcés que je n'aurais pas dû dire ? Quelle part de moi n'a pas été à la hauteur ? »


- Oh Dougal, non...

Minerva sanglota dans sa manche, la gorge nouée et douloureuse. Devoir se retenir pour Satya lui était encore plus douloureux.

« Comment puis-je te faire revenir ? »

Pouvait-il la faire revenir ? Elle s'imagina annoncer sa démission à Elphinston Urquart, boucler une valise qu'elle venait de vider, quitter le Chemin de Traverse, quitter son appartement sordide pour le cocon que Dougal leur avait prévus...

« Ton cœur a-t-il assez de sentiments envers moi pour me rejoindre ?

Je t'attendrai. Je patienterai jusqu'à ton retour, ou jusqu'à ce que tu m'annonces que tout est fini. Alors, à ce moment-là, je te laisserais partir. »


Minerva hoqueta. Jamais elle ne se sentirait capable de lui mentir sur ce qu'elle ressentait pour lui. Elle lui avait caché de nombreuses vérités, mais elle ne se laisserait pas à tirer un trait sur la seule chose dont elle était certaine à ce moment de sa vie. Comment le pouvait-elle, alors que sa vie de sorcière lui avait arraché son amour moldu ?

Elle aurait finalement préféré qu'il crie, qu'il proteste, qu'il se mette en colère contre elle. Elle aurait aimé qu'il lui tourne le dos, qu'il lui détruise et lui brûle le cœur pour que chacun de ses sentiments deviennent des cendres.

« Dis-moi que tu vas bien, si tu es heureuse. Dis-moi que la décision que tu as prise en valait la peine, que cette vie choisie est celle qui te convient. Si tu décides de ne pas me revenir, au moins serais-je moins malheureux de te savoir sereine et apaisée là où tu es.

Je t'aime. »


Elle enfouit son visage dans ses bras et sanglota longuement. Tout à l'heure, elle irait dans son lit, probablement sans manger parce qu'incapable d'avaler quoique ce soit, resterait allongée, les yeux ouverts. Pleurerait encore un peu, tentant d'étouffer ses hoquets pour ne pas attirer la curiosité de Satya à côté et finirait par s'endormir au bout de plusieurs heures. Le réveil serait difficile, ses yeux seraient rouges et gonflés. Elle aurait la gorge trop nouée pour déglutir et partirait l'estomac et le cœur vides au travail.

***


Et ce fut ce qu'il se passa les quelques mois qui suivirent. Chaque lettre de Dougal la jetait au bord du précipice. Chaque sanglot l'épuisait émotionnellement. Elle était fatiguée. Elle avait le cœur arraché. Comment parvenait-elle à vivre, elle ne savait pas. Comment pouvait-elle respirer alors qu'elle ne le voulait pas ? Un million de larmes ne le ramènerait pas ; elle avait assez pleuré pour savoir cela. Il avait été l'amour de sa vie, elle le savait. Elle l'avait quitté à tout jamais. Et son cœur ne l'acceptait pas.

Elle s'était jetée corps et âme dans le travail, qui lui permettait de ne pas sombrer. Elle avait une masse considérable de dossiers à traiter, de livres et articles à lire pour comprendre tous les secrets du droit magique. Celui de Carlotta Pinkstone lui avait été assigné en priorité, car Minerva avait démontré un profond intérêt pour ce cas juridique, sans trop savoir où se positionner.

Carlotta Pinkstone, sorcière d'une trentaine d'années et militante pour la suppression du Code international Magique, sortait d'une cinquième incarcération pour avoir fait usage de la magie devant des moldus. Si à sa première rencontre avec l'inculpée celle-ci avait envoyé des coupes de champagnes en l'air, cette fois-ci, elle avait décidé de reconstruire la maison d'un vieil homme qui s'était effondrée sous un incendie. Elle avait été rattrapée alors qu'elle se baladait avec une pancarte « non à l'étouffement de la magie ».

Minerva se rendait une nouvelle fois à son procès en tant que greffière, mais seule cette fois-ci. L'entrée de la salle de procès se trouvait en haut, car la pièce se composait d'un atrium descendant, les bancs beige clair des juges surplombant le siège de fer où s'asseyait l'accusé.

Minerva s'installa la première, préparant sa plume, son encre et ses parchemins, tendant l'oreille pour essayer de capter quelques morceaux de conversation. Les juges avaient tendance à ignorer les scribes, encore plus les jeunes femmes nouvelles.

- Elle me fatigue, la Pinkstone, soufflait l'un d'entre eux. Elle ne se rend pas compte du temps que ça prend d'oublietter tout le monde ?

- Tu crois qu'elle va encore finir à Azkaban ?

- Bien entendu, Maître Tyrell. Cette fois n'est pas différente de la précédente. Même si nous savons très bien ce qu'il va se passer.

Minerva surprit le regard entendu que le premier juge lançait à son collègue. Celui-ci fit une moue lasse et s'installa en grimaçant contre ses vieux os.

-Encore Pinkstone ! Elle veut peut-être un abonnement à Azkaban ? Pour deux passages récoltés, un passage offert ?

Ce vieux juge fit rire grassement les autres aux alentours. L'un d'entre eux regarda sa montre à gousset.

- Au moins, nous serons probablement sortis pour l'heure du dîner. J'espère que le repas sera prêt.

- Voyons, Maître Bells, quand même...

Minerva leva les yeux de ses genoux et croisa le regard de Marchbank, plus loin, qui arrivait dans la salle et descendait les marches. Quelques hommes se retournèrent.

- Ah, Griselda, vous voilà ! Venez donc vous asseoir, vous seriez presque en retard, dites-moi ?

Marchbank s'immobilisa et lui jeta un bref coup d'œil.

-Pour vous, ce sera Maître Marchbank je vous prie.

- Allons, voyons, Maître, c'est pour les hommes, répliqua le juge d'un ton taquin. Maîtresse, peut-être... ?

Les juges hurlèrent de rire en roulant exagérément des yeux. Minerva serra les poings sur ses cuisses.

- Messieurs, je vous demanderais de vous tenir convenablement, répliqua Marchbank, nous sommes en présence de la greffière.

Les oreilles de Minerva tintèrent. Elle leva les yeux et découvrit la plupart des juges le regard vissé sur elle. Elle attrapa sa plume et la trempa dans son encre avant d'aplatir son parchemin. Si Griselda l'avait mentionnée, ce n'était pas pour rien.

Le juge responsable des remarques précédentes plissa les yeux.

- Elle n'est pas autorisée à écrire quoique ce soit tant que le procès n'a pas commencé. Et en aucun cas ne doit-elle être influencée lors de l'écriture. J'imagine qu'elle connaît son travail ?

- La greffière est autorisée à inscrire des annotations en marge en amont du procès, tout ce qui lui semble utile. Je peux vous assurer qu'elle connaît bien son travail.

Marchbank offrit un dernier sourire avant de s'installer à l'opposé du juge.

- Humpf, nous devrions être autorisés à relire ses notes, continua tout de même le juge en ramenant ses cheveux blancs derrière l'oreille. Elle vient d'être diplômée et elle est greffière ?

Minerva ne répondit pas. Elle n'avait pas l'habitude de s'écraser, mais tous ces juges l'intimidaient, d'autant plus qu'elle ne se sentait effectivement pas légitime d'être greffière. Marchbank vint à nouveau à la rescousse.

- La retranscription est vérifiée par Monsieur le Ministre. Je considère cela suffisant.

Minerva ne broncha pas. Marchbank utilisait le pouvoir juridique du Ministre quand cela lui chantait et quand cela l'arrangeait. Elle était une des premières à trouver abusive la présence de l'exécutif au sein du législatif, et Minerva ne pouvait qu'être d'accord. Quant aux annotations... il était vrai qu'elle avait le droit de donner des remarques, ce qui n'était pas considéré comme de l'impartialité selon elle. Ce qu'elle avait compris grâce aux quatre derniers mois au sein du Ministère, c'était que les vertueux usaient de bassesse quand cela leur allait, et que les véreux invoquaient l'intégrité quand cela leur chantait.

La Ministre de la Magie, Wilhelmina Tuft, fit son entrée. C'était une petite femme aux cheveux bruns bouclés et courts. Son franc parler, sa clarté et les quelques dernières années de prospérité lui avaient permis une réélection au poste bien qu'avec qu'une très courte avance face son adversaire. Minerva se demanda comment les juges percevaient cette femme à leur tête. Sûrement, devaient-ils avoir du mal à s'endormir le soir.

- Bien, soupira la ministre en chaussant des lunettes rondes, faites entrer l'accusée.

Carlotta Pinkstone apparut encadrée de deux sorciers. La première fois, Minerva s'était attendue à apercevoir une femme fatiguée, les pieds traînants, les cheveux décoiffés par les geôles du Ministère. Celles-ci ne servaient qu'à enfermer les présumés coupables avant leur procès, et elles avaient beau se trouver au Ministère, elles n'étaient pas plaisantes à voir. Minerva y était allée une fois, accompagnée de Urquart, et l'entrée était strictement limitée aux membres du personnel, cachée à la vue de tous.

Mais Pinkstone, qui en était déjà à sa quatrième incarcération, était arrivée toute pimpante, ses cheveux noir brillant, savamment tressés sur son crâne, des yeux aussi verts que ceux de Minerva luisant de malice, la démarche à la fois sarcastique, hautaine et fière. Avec grâce, elle s'était installée sur le siège de l'accusée, comme si elle s'asseyait autour d'un bon dîner.

Elle ne dérogea pas à la règle ce jour-ci, et prit même la peine de saluer les deux sorciers qui l'escortaient jusqu'au siège. Minerva entendit quelques soupirs parmi les juges et elle se retrouva contrainte de dissimuler un sourire. Elle attrapa sa plume et se prépara à écrire.

- Bon, qui commence ? Vous, moi... ?

- Madame Pinkstone ! réprimanda la Ministre en frappant déjà du marteau dans son socle.

Pinkstone eut le bon goût de sceller ses lèvres. La Ministre retint un autre soupir et frappa à nouveau du marteau.

-Je déclare la session ouverte. Maître Flint, c'est à vous.

Maître Flint, c'était le juge aux réflexions malvenues. C'était toujours lui que Minerva avait vu présider sur cette affaire pour laquelle il avait apparemment insisté. Minerva ne le trouvait guère impartial, mais que pouvait-elle y faire ?

- Bien, Madame Pinkstone. Disposez-vous d'un représentant parlant en votre nom ?

- Non.

- Bien. Madame Pinkstone, vous avez été amenée ici devant le Magenmagot pour répondre d'accusations relatives à l'usage de la magie en présence de moldus, niez-vous les faits ?

- Hum, non.

- Vous n'avez aucunement essayé de cacher vos sorts aux yeux des moldus, niez-le-vous ?

- Bien sûr que non.

Minerva continua à écrire mollement. Le procès se déroulait de la même manière que la dernière fois. Pinkstone acquiesçait toujours aux questions car elle paraissait fière de ces actions. Toujours accusée et inculpée, elle semblait attendre sa punition comme on attendait que le café finisse de couler dans la cafetière.

- Madame Pinkstone, j'ose espérer que vous êtes au courant de ce que dit la loi ? Il est interdit, et ce pour la protection de notre communauté, de révéler la magie aux yeux des moldus.

- Je suis au courant, répondit jovialement Carlotta. Vous croyiez que j'avais mis un slogan au hasard sur mon écriteau ?

- Mme Pinkstone ! intervint la ministre en tapant du poing. En oubliettant votre méfait, nous avons dû oublietter le reste de la région pour pas qu'ils se demandent comment une maison a pu se reconstruire toute seule !

- Peut-être auriez-vous dû détruire la maison alors ... ?

Minerva s'empêcha de réagir. Elle était déchirée. Pinkstone se mettait en danger et mettait effectivement la communauté sorcière en danger en utilisant la magie comme bon lui semblait. Les moldus pourraient prendre peur ou s'imaginer les mauvaises choses. Mais d'un autre côté, Minerva avait doublement souffert de ce secret magique. En outre, parler d'un méfait pour mentionner la réparation d'une maison détruite par le feu lui semblait incongru.

- Le Magenmagot va délibérer, annonça finalement la ministre. Emmenez-la.

Pinkstone fut écartée de la salle et la porte se referma sur son dos de futur convict.

- Bien, à nouveau, délibérons du cas Pinkstone, fit Flint. C'est son sixième procès pour la même mise en accusation. Je demande une peine plus lourde.

Les juges présents se trémoussèrent, mal à l'aise. Minerva avait déjà remarqué cette réaction la dernière fois. Flint, déjà procureur de l'affaire avait tempêté contre les cent gallions d'amende et deux mois de prison, jugeant que ce n'était pas suffisant. A raison, puisque Pinkstone avait recommencé peu de temps après.

Mais la ministre détourna le regard de celui insistant de Flint. C'était une chose que Minerva avait du mal à saisir : dans les livres qu'elle avait lus, la Ministre n'avait pas tous les pouvoirs au Magenmagot. De par sa fonction, le ou la ministre disposait d'un siège dans ce cercle juridique, en plus de choisir les juges en place, ce qui perturbait Minerva. Elle avait bien remarqué que c'était toujours les mêmes qui osaient se manifester lors de graves procès, et toujours les mêmes autres qui préféraient taire leur opposition à la ministre pour éviter un licenciement immédiat.

De ce que Minerva avait compris, les quatre premiers jugements, traités comme des sujets banals, avaient eu lieu devant Flint seulement, car il était le directeur du département de la Justice. Ainsi, en tant que directeur du département de la Justice et donc officiellement Ministère-juge, il jugeait à lui tout seul les délits et crimes mineurs et devait obligatoirement se référer aux directeurs des départements concernés par le délit avant de prononcer la sentence. Excédé de la voir continuellement, il avait obtenu de transférer Pinkstone devant le Magenmagot, soit rendant les actes de sorcellerie devant moldus à un stade plus grave. Avec Pinkstone, il s'était retrouvé pieds et mains liés car elle était jugée dans le cadre d'usage de la sorcellerie en présence de moldu, soit le domaine du département des accidents et catastrophes magiques. Ainsi, après le procès, Flint était en devoir de se soumettre à la décision finale du chef de département concerné par l'accusation. Or, le département des accidents et catastrophes magiques était dirigé par la mère de Carlotta Pinkstone.

En passant par le Magenmagot, Flint espérait probablement se glisser entre les mailles du filet. Si la dernière fois la peine n'avait pas été assez lourde selon lui, il devait probablement compter sur la récidive de l'acte pour forcer la main aux juges. Mais encore une fois, la ministre paraissait frileuse.

- Devrions-nous attendre que notre existence soit révélée aux moldus ? s'exclama Flint. Déjà deux fois que nous la traînons ici, n'est-ce pas suffisant ?

- Justement, sa mère n'est guère contente, souffla la ministre. Elle menace d'arrêter tout sortilège de dissimulation des institutions magiques si nous augmentons la peine...

Flint fit un geste vulgaire du bras, récoltant un regard réprobateur de la part de Marchbank.

- Il serait peut-être temps de vous débarrasser d'elle alors, répliqua-t-il fielleusement. Vous êtes la ministre !

- Et il serait bien convenable que vous lui parliez comme telle, intervint Marchbank. Allez étudier le dossier de votre cliente Madame Pinkstone avant d'émettre de telle proposition, et vous verrez que tout est moins facile que cela en a l'air. Je propose la même sentence que la dernière fois, soit une amende de cent gallions à paiement immédiat, ainsi que deux mois à la prison Azkaban, sous-sol 8.

- Sous-sol 8 ? répéta Flint. Autant la mettre dans les cachots de Poudlard, elle s'y sentira plus punie !

Marchbank plissa les yeux.

- Votre humanisme me sidère, Maître Flint. Vous souhaitez qu'elle ressorte d'Azkaban encore plus folle qu'avant d'y entrer ?

D'autres remous se firent entendre dans la salle. Un autre aspect que Minerva avait remarqué : on ne parlait pas des effets psychologiques d'Azkaban au département de la Justice, même si c'était lui qui y envoyait les coupables. C'était tabou. Peut-être que cela aidait les employés à se sentir mieux avant de s'endormir.

- Qui pour cette décision ? demanda la ministre en levant la main.

La grande majorité fit de même, ainsi que Marchbank, et la sentence fut annoncée quelques minutes plus tard à l'inculpée. Flint, furieux, se leva dans sa robe pourpre marquée du M du Magenmagot et se tourna vers Marchbank :

- A vous de gérer la procédure administrative puisque vous semblez apprécier cette affaire. Emmenez donc votre stagiaire, cela lui fera de l'expérience.

Minerva mit du temps avant de réaliser qu'il parlait d'elle, et avant qu'elle puisse lui lancer un regard indigné, il avait déjà parcouru la moitié de l'hémicycle.

Marchbank fit signe à Minerva de la suivre et elles descendirent toutes les deux à la suite d'une Pinkstone aux mains liées et des deux gardes sorciers. Carlotta regarda Minerva d'un air curieux, se demandant sûrement ce qu'une jeune fille comme elle faisait au sein de l'hémicycle. Minerva lui rendit son regard. Elle avait le nez tordu ; ce qui était raconté au sein du Ministère, c'était qu'un Auror lui avait un jour cassé l'arête du nez en essayant de la rattraper alors qu'elle courait devant le British Museum en animant les animaux empaillés de la galerie. Cela avait provoqué un sacré cirque et trois brigades d'Oubliators. La ministre avait reçu une lettre véhémente de la part du Premier Ministre britannique, aussi, Minerva ne comprenait pas pourquoi effectivement, la mère de Carlotta n'était pas démise de ses fonctions et pouvait maintenir une pression sur l'une des femmes les plus puissantes de la communauté magique.

Marchbank ne prononça pas un mot et indiqua aux deux gardes qu'ils pouvaient partir. Les trois femmes longèrent un long couloir sombre, dallé de toute part. Il y faisait froid et Minerva se concentra sur la nuque de Pinkstone pour éviter de penser au lourd silence qui régnait, rompu seulement par leurs pas sur le sol glacial. Elles atteignirent un ascenseur, simple cage de fer et réservé qu'aux sous-sols destinés aux procès. Marchbank appuya sur le bouton « -15 » et les grilles se refermèrent dans un grincement.

Minerva, au fond de l'ascenseur, observa discrètement Pinkstone. Celle-ci semblait bien trop apaisée pour quelqu'un qui se rendait à Azkaban pour la deuxième fois. Carlotta fit mine de fouiller dans ses poches et redressa une tête désolée :

- Mince, je n'ai pas cent gallions sur moi... Vous ne m'en tiendrez pas rigueur pour le moment ?

Marchbank pinça les lèvres.

- Madame Pinkstone, je ne vous tiens pas en si mauvaise estime malgré vos récurrents passages chez nous, mais votre malice m'agace profondément.

Minerva retint un sourire, remarqué par Pinkstone. La jeune fille détourna le regard.

- Alors comme ça le Ministère prend des stagiaires ? fit Pinkstone en croisant les bras.

Elle planta son regard dans celui de Minerva qui jeta un coup d'œil à sa tutrice. Celle-ci ne bronchant pas, elle songea qu'il lui était possible de répondre.

- Je ne suis pas stagiaire, je travaille ici.

Pinkstone fit une mine désolée.

- Oh, que c'est triste.

- Pinkstone, soupira Marchbank.

L'inculpée ouvrit ses grands yeux, qui semblaient avoir perdu en éclat et prenait une teinte plus sombre. Minerva tiqua. Pinkstone avait dû faire preuve d'un sortilège pour changer la couleur de ses yeux, car le vert ressortait drôlement sur sa peau mate. Elle remarqua sa réaction.

- Ah, tu serais bien gentille de me remettre des yeux verts, je te prie, pour mon entrée à Azkaban.

- Hors de question, refusa Marchbank. Nous sommes arrivées.

L'ascenseur s'ouvrit sur un autre couloir un peu plus éclairé mais qui ne donnait que sur une unique pièce ouverte et un âtre de cheminée sans cendre, sans flamme, juste fermée par une herse.

- Attendez ici, ordonna Marchbank avant d'entrer dans l'unique pièce et de refermer à moitié la porte derrière elle.

Minerva, mal à l'aise, mit la main dans sa poche, où elle tâta sa baguette. Puis elle se sentit ridicule. Pinkstone avait juste enfreint le Code international magique, pas assassiné quelqu'un.

Pinkstone bailla ouvertement et s'étira. Abasourdie, Minerva finit par demander :

- Ça ne vous fait rien d'y retourner ?

Carlotta parut surprise qu'elle lui adresse la parole.

- Ce ne sont que deux mois, voyons.

- Deux mois à Azkaban, ajouta Minerva tout en frissonnant.

Carlotta rit légèrement :

-Vous croyez qu'ils vont me mettre des détraqueurs devant ma cellule ? Le sous-sol 8, c'est pour les crimes mineurs, c'est une prison comme une autre. Certes, l'endroit n'est pas joyeux mais cela me donnera du temps pour préparer un nouveau coup.

Minerva papillonna des yeux.

-Vous allez continuer ?

- Bien sûr.

- Et vous me le dites ?

- Qu'est-ce que vous allez bien pouvoir me faire ? rit Pinkstone.

Minerva se sentit un peu vexée, mais son interlocutrice n'avait pas forcément tort. Elle haussa les épaules et retomba dans le silence.

Pinkstone s'approcha d'elle d'une démarche taquine et se positionna à côté. Minerva se décala légèrement mais Pinkstone la suivit, alors Minerva lâcha l'affaire, comme à peu près tout le monde au sein de l'hémicycle. Il y avait quelque chose chez Pinkstone qui l'amusait, au fond.

- Pourquoi vous faites cela ? demanda-t-elle, incapable de ne pas satisfaire sa curiosité.

- Pourquoi ne pas le faire ? répliqua Carlotta.

- Cela ne répond pas à ma question.

- Je crois que si. Pourquoi ne pas normaliser nos relations avec les moldus ? Le dernier barrage pour les sorciers et sorcières comme vous, c'est la peur de l'Autre.

- Ne me mettez pas dans le même panier que Maître Flint. Mon père moldu connaît l'existence de la magie et mon...

Elle s'arrêta. Son quoi ? Son voisin ? Son ex-fiancé ? Elle détourna le regard et Pinkstone prit un air curieux.

- Tiens donc ? Et comment cela s'est passé avec votre père ?

- Mal, répondit Minerva sans savoir pourquoi elle lui avouait cela. Parce qu'il l'a découvert de manière violente, un peu comme vous quand vous forcez la magie dans la vie de moldus qui ne sont pas prêts à la recevoir.

Pinkstone se renfrogna.

- Je fais tout cela pour notre communauté, vous savez. Les sorciers sont destinés à disparaître si nous ne mélangeons pas les sangs. Une grande majorité d'entre nous est de sang-mêlé. Mon père est né-moldu et noir, ma mère est sorcière et blanche. Le monde n'a pas explosé, si ?

Minerva haussa les épaules. Selon elle, il y avait des manières de faire. Tout aurait été plus simple pour sa mère, pour son père et pour elle-même si les moldus et les sorciers vivaient en cohésion. Mais certains des actes de Pinkstone auraient pu mener à des mouvements de panique. En outre, cela banalisait l'usage du sortilège d'Oubliettes. Elle s'imagina en tant que moldu et avoir constamment des sorciers décider d'effacer la mémoire d'autrui voire la sienne, et cela la révolta.

-Un jour vous finirez à Azkaban pour plusieurs années, fit Minerva.

- Oh, une menace ?

Minerva secoua la tête. Elle n'aimait pas les manières d'agir de Pinkstone, mais au fond de son cœur, elle adhérait à cette idée de monde où les deux communautés cohabitaient. Deux forces radicales se trouvaient déjà sur le terrain, incarnées d'un côté par Flint, de l'autre par Pinkstone. Pour trouver un équilibre, ces deux forces étaient nécessaires. Mais qui auraient le courage de mener un combat aussi long, fastidieux et rejeté par la majorité ?

- Je ne risque rien, vous savez, continua Pinkstone.

- Parce que votre mère est cheffe du département des accidents et catastrophes magiques ?

Pinkstone fit un clin d'œil.

- Et je suis la seule petite fille du Mugwump Suprême de la Confédération Internationale.

Minerva écarquilla des yeux. Le Mugwump était le dirigeant de la Confédération, choisi tous les 6 ans. C'était cette confédération qui avait instauré le Code International magique en 1692, demandant à chaque Ministère de décider par eux-mêmes de la façon dont ils souhaitaient dissimuler leur communauté magique aux yeux des moldus. Si la mère de Pinkstone décidait de révéler les institutions telles que le Ministère, Poudlard ou encore le chemin de Traverse, la Confédération imposerait de sanctions immensément lourdes au Ministère britannique. Pas étonnant que la ministre Tuft ait plaidé pour une sanction légère.

- C'est du chantage, releva Minerva.

Pinkstone sourit.

-Bien sûr. Vous comprendrez rapidement que la Confédération, le Ministère... tous sont corrompus jusqu'à la moelle. Si vous voulez rester ici, adhérez-y, ou utilisez-le pour votre propre intérêt.

- C'est ce que vous avez décidé de faire.

Marchbank apparut à nouveau, un dossier dans les mains. Minerva se demanda si elle avait entendu toute la conversation. Si c'était le cas, elle n'avait pas tenté de les faire taire.

- Allons-y. Minerva, tu peux retourner dans le bureau. Je te remercie.

Minerva acquiesça et jeta un coup d'œil à Pinkstone qui haussa un sourcil.

- A vous de choisir ce que vous préférez faire... Minerva.

Et elle lui tourna le dos et suivit docilement Marchbank. Minerva l'observa un instant avant de sortir sa baguette et de la pointer sur elle. Carlotta eut un mouvement de surprise en sentant le sortilège l'atteindre et elle tourna la tête un instant. Son œil à nouveau vert étincelant lui fit un dernier clin d'œil avant qu'elle ne se positionne avec Marchbank derrière la herse qui s'abattit devant elles. Elles disparurent sans un bruit et Minerva se retrouva seule, dans un couloir froid du Ministère.
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Coucou !
Chapitre très transitoire, et très en retard, j'espère qu'il vous plaira tout de même !
Bonne lecture!

Chapitre 48 : Un retour doux-amer


Cela faisait deux semaines que Carlotta Pinkstone était en prison, et il en avait fallu bien moins pour que le procès disparaisse de l'esprit des juges.

- Vous vous attardez trop sur les affaires, remarqua Marchbank alors que Minerva avait le regard vide, tournant sa plume entre ses doigts. On analyse, on juge et on passe à la suivante. Même si vous êtes scribe, ne cherchez pas à personnaliser chaque procès, vous ne vous en sortirez jamais sinon.

- Mais ce n'est pas très... humain, si ?

- Minerva... Être humain en justice, c'est accepter les circonstances atténuantes lors d'un procès et les mettre en place. Nous appliquons la loi et c'est tout.

Minerva retint une réflexion. Pinkstone avait parlé d'un Ministère corrompu et Minerva avait pu noter à différents moments comment cette corruption se manifestait. Pour Pinkstone, cela lui avait été favorable, pour d'autres... Cet usage du chantage était si normalisé au sein de l'institution, que même Marchbank en utilisait. Pas à des fins malveillantes, certes, mais elle n'hésitait pas.

- M. Urquart voulait vous parler au fait. Il doit être dans son bureau.

Minerva acquiesça et déposa sa plume. De toute façon, elle n'avançait à rien aujourd'hui. Elle se rendit donc dans le bureau d'Urquart, se demandant ce qu'il lui voulait. Il était l'une des rares personnes qu'elle appréciait dans son département, l'autre étant Marchbank.

Comme d'habitude, il l'accueillit avec son sourire aimable, se levant à son approche et l'enjoignant à s'installer devant elle. Il prépara un peu de thé sur la console à côté du bureau.

- Du sucre ?

Minerva refusa puis le remercia en prenant la tasse.

- Comment allez-vous ?

Il commençait toujours ses entretiens par cette question. Elle se demanda s'il était évident de voir que son esprit mental était coincé dans des montagnes russes, tantôt rassuré, tantôt angoissé.

- Je vais bien, merci, répondit-elle par réflexe.

Elphinston hocha la tête, même s'il paraissait ne pas vraiment la croire.

- Maître Marchbank m'a signalé que vous aviez fait de l'excellent boulot avec le cas Pinkstone.

- Oh, ce n'était pas grand-chose, fit Minerva en rougissant.

- Acceptez donc la reconnaissance du travail bien réalisé, je vous en prie.

Les mots de son supérieur firent écho à ceux de Lewis, à ce qui lui semblait être des années auparavant. Il terminait Poudlard cette année. Elle se demanda s'il avait abandonné sa quête pour rendre justice à son frère, ce qu'il avait prévu après avoir quitté l'école...

- Mademoiselle ?

Minerva sursauta, puis hocha la tête.

- Oui, pardon. Je vous remercie, je fais du mieux que je peux.

- Vous faites un très bon travail, vous êtes efficace. Si vous le souhaitez, je peux vous donner plus de mission en tant que scribe. Madame Marchbank aura toujours besoin de votre aide par moment, mais je peux déduire de votre mission à ses côtés pour vous donner plus de procès à rédiger. Qu'en pensez-vous ?

- Une sorte de... promotion ? s'enquit Minerva.

Elphinston acquiesça.

- Tout à fait.

Minerva réfléchit un instant. Scribe n'était pas le poste qui la faisait particulièrement rêver mais au moins aurait-elle un vrai intitulé, et peut-être que ses collègues arrêteraient de l'appeler « la stagiaire ». En plus, la promotion s'accompagnerait très probablement d'une augmentation de salaire et représenterait un premier échelon gravi au sein du Ministère. Et, sans oser l'énoncer à haute voix, cela lui donnait l'illusion que, si elle était capable de monter dans la hiérarchie aussi rapidement, cela signifiait sûrement qu'à force de dur labeur, elle trouverait ses marques et sa place au Ministère.

C'est pourquoi il lui fut facile d'accepter la proposition, à la grande satisfaction d'Elphinston.

- C'est parfait alors. Vous resterez sous mes ordres concernant votre poste d'assistante, mais pour votre rôle de scribe, il faudra vous en remettre à Maître Reckter, c'est lui qui vous fera signer votre contrat. Il vous contactera pour un rendez-vous. Il faudra attendre la nouvelle année avant de prendre vos nouvelles fonctions.

Minerva acquiesça et but une gorgée de son thé.

- En parlant de nouvelle année, continua Urquart, j'ai noté que vous n'aviez pas encore posé de jour pour les fêtes ? Ne tardez pas trop, il faut que je puisse vous les valider.

Elle posa la tasse dans sa coupelle. Les fêtes. C'était la raison pour laquelle elle n'avait pas été efficace aujourd'hui. La veille, elle avait reçu une nouvelle lettre de ses parents qui lui demandaient quand est-ce qu'elle comptait rentrer pour Noël. Ils espéraient qu'elle viendrait les voir dès le 24 décembre, et cela terrifiait Minerva. Elle savait qu'avec son poste d'assistante elle obtiendrait le 25 férié ; Marchbank par exemple, devait travailler ce jour-là. Cela ne lui posait pas de problème, car son mari était décédé depuis bien longtemps et elle n'avait jamais souhaité avoir d'enfants. Un avis qui lui avait valu plusieurs remarques de la part de ses collègues d'ailleurs.

Bref, Minerva craignait de rentrer le 25 : la perspective de croiser Dougal la terrifiait au plus haut point et rien qu'à cette idée, elle sentait ses genoux faiblir. Alors elle souhaitait à tout prix éviter d'y ajouter un jour de plus.

- Cela ira, je vous remercie.

Elphinston tiqua. Tous les autres assistants s'étaient précipités chez lui pour poser leurs jours et voir leur famille. Il soupira.

- Je n'insisterai pas, bien sûr, mais légalement vous devez prendre un minimum de trois jours avant la fin de l'année. Vous n'en n'avez pris aucun depuis le début de votre contrat. Revenez me voir lorsque vous aurez choisi vos dates.

Minerva murmura son assentiment et prit ses paroles comme une invitation à pouvoir quitter le bureau.

- Minerva, la rappela Elphinston d'un ton soucieux.

Elle se retourna, interloquée qu'il l'appelle par son prénom. Son front était plissé, ses sourcils froncés. Il se frotta la tempe et demanda :

- Minerva, vous êtes certaine que tout va bien ?

***


Elle avait bien posé ses trois jours obligatoires, à des endroits aléatoires. Elphinston avait eu la délicatesse de ne pas poser plus de questions et avait accepté la demande. Minerva avait finalement choisi de poser tout de même son 24, sans qu'elle ne prévoit de se rendre à Caithness le soir. Elle irait dans la soirée, afin de limiter ses chances de croiser Dougal. Elle avait besoin de revoir sa famille, de retrouver un semblant de nostalgie de son ancienne vie, dormir dans son ancien lit, manger un vrai repas...

Satya ne célébrait pas Noël, alors elle avait décidé de travailler ; elle disait en être ravie, car la plupart des « vieux croûtons racistes » ne seraient pas présents ce jour-là.

Le 24, Minerva avait fait sa malle et avait patiemment attendu que le soleil se couche. Sous les coups de dix-huit heures, elle salua Satya et transplana à quelques centaines de mètres de la maison familiale. Elle craignait d'apparaître sur le perron et que par malheur Dougal soit dans les parages.

Il faisait très sombre sur le chemin, et seul un lampadaire se trouvait là, maigre halo de lumière dans l'obscurité. Il faisait très froid et d'ici quelques jours, tomberaient sûrement les premières neiges. Minerva pouvait apercevoir les lumières du salon de la maison, ainsi que la grande silhouette de son père. Elle s'arrêta un instant et l'observa. Il dressait la table, cinq couverts, comme avant. Elle le vit jeter un coup d'œil à sa montre, puis se rendre à la fenêtre. Il mit ses mains en cercle autour de ses yeux. Minerva leva le bras et l'agita. Robert Sr se redressa vivement et il s'agita en direction de la cuisine, semblant crier à sa femme. Minerva laissa échapper un rire dans la nuit, le premier depuis bien longtemps.

Elle s'avança et, alors qu'elle arrivait presque au perron, la porte d'entrée s'ouvrit. Robert Sr, d'habitude si calme et réservé, sortit en pantoufle dans le froid et s'empressa de la rejoindre, un immense sourire aux lèvres.

- Oh ma grande fille ! s'exclama-t-il en l'enveloppant dans son étreinte douce.

- Papa, tu vas attraper froid, dit-elle le nez dans son épaule.

Il enveloppa son bras autour du sien et l'entraîna dans la maison, ne la lâchant pas du regard. Isobel attendait dans l'entrée, un plaid sur ses épaules.

Elle sourit et l'embrassa.

- Comment vas-tu ? Tu as maigri.

Minerva ne trouvait pas qu'elle avait maigri ; elle mangeait à sa faim, ou peut-être s'était-elle juste habituée à moins manger.

- Tu devrais rentrer plus souvent, lui reprocha son père, tu manques à tout le monde. Les voisins ont été surpris de ton départ soudain, tu sais.

Minerva se figea un instant alors qu'elle enlevait son manteau. Sans regarder ses parents, elle demanda :

- Ils ont dit quelque chose ?

Robert Sr haussa les épaules.

- Pas vraiment, ils nous ont invités il y a plusieurs semaines et étaient curieux. Leur fils était absent, apparemment il était bizarre depuis un moment.

Minerva se fit muette et enleva ses chaussures. Robert Sr s'en alla pour la cuisine tandis qu'Isobel continuait de fixer sa fille.

- C'est comment le Ministère ? s'enquit-elle.

- C'est... grand, répondit Minerva sans trop savoir quoi dire exactement. Les gens travaillent dur.

A corrompre et être corrompus semblerait-il, songea-t-elle pour elle-même.

- Tes collègues sont gentils ?

Minerva hocha la tête, tout en pensant aux trois seules personnes qu'elle appréciait : Urquart, Marchbank et Satya. Cela faisait peu, mais au moins avait-elle des noms pour faire croire qu'elle appréciait son entourage professionnel.

Des pas résonnèrent dans les escaliers et Malcolm apparut.

- Salut, l'affreuse.

- Affreux toi-même, répliqua nonchalamment sa sœur.

- Vous deux, franchement, soupira Isobel sans mettre trop de cœur au reproche.

- Alors ça y est, tu te balades en tailleur toute la journée et tu vas en réunion top secrète avec la ministre ?

Il lui donna un petit coup de poing sur l'épaule.

- Tu serais déçu si ce n'était pas le cas ? répondit Minerva en lui rendant la pareille.

- Non, ça me rassurerait. Comment tu peux rester assise à un bureau toute la journée, ça, ça me dépasse.

Elle aussi, cela la dépassait, mais elle ne dit rien.

- Je vais voir Robert, annonça-t-elle pour échapper aux autres questions.

Toujours dissimulé dans sa chambre, Robert Jr n'avait pas bougé de sa cabane, réalisée avec des draps et une couette. Tête baissée sur un livre imagé, il leva les yeux par-dessous ses mèches brunes, crispa les lèvres et détourna le regard.

Minerva craignait très exactement ceci. Robert Jr n'avait pas vraiment la notion du temps, et l'absence de sa sœur, couplée à un départ précipité, lui avaient sûrement paru interminables. Quand elle s'approcha, il lui tourna le dos, histoire de lui montrer qu'il n'oubliait pas son absence.

- Coucou toi, dit-elle avec douceur sans tenter de le toucher.

Elle préférait attendre qu'il s'ouvre à elle en premier plutôt que de le brusquer.

- T'étais où ? demanda-t-il.

- A Londres.

- Pourquoi ?

Minerva s'assit en tailleur et posa les mains sur ses genoux.

- Je travaillais. Je vis là-bas, maintenant.

- Pourquoi ?

Minerva ne dit rien un instant.

- Poudlard est fini. Pourquoi tu travailles encore ?

Robert Jr ne comprenait tout simplement pas la dynamique de vie d'une personne. Il avait réussi à accepter Poudlard et les absences répétées car Malcolm avait été là. Quand il était lui aussi parti pour Poudlard, Robert Jr s'y attendait. Mais personne ne lui avait expliqué qu'après Poudlard, les départs allaient devenir plus définitifs, les retours moins fréquents. Pire, il arriverait un jour où Minerva ne « reviendrait » pas le voir, mais plutôt lui « rendrait visite » et la différence était majeure.

- Il faut bien que je travaille pour gagner de l'argent et pour pouvoir vivre, expliqua-t-elle.

- Pourquoi ? Ici, il y a tout. Et moi alors ?

- Un jour, toi aussi tu iras vivre seul, assura-t-elle-même si elle avait un doute.

Serait-il un jour capable de vivre dans un environnement autre que la maison familiale de Caithness ? Comme pour lui répondre, Robert Jr secoua vivement la tête. Il restait tout de même un enfant de neuf ans, peut-être était-ce normal.

Ils furent appelés pour le dîner et Minerva tendit la main à son petit frère.

- Tu viens ?

Celui-ci hésita, l'air de se demander si la fameuse main n'allait pas lui faire faux bond elle aussi. Finalement, il accepta avec réticence et se laissa entraîner vers les escaliers.

Malcolm grignotait du pain, mal assis sur sa chaise : Isobel lui donna un coup de cuillère sur les genoux et sur la main. Il grogna.

- A Poudlard, ils ne frappent pas.

- T'en mériterais bien une ou deux pourtant, répliqua sa sœur, ce qui lui valu un tirage de langue.

- J'aimerais pas être ton gosse, ironisa Malcolm.

- Qui te dit que j'en aurai ?

Elle avait juste lancé cette remarque comme ça, et elle ne s'attendait absolument pas au silence qui suivit, seulement entrecoupé par le tintement de la fourchette que tripotait Robert Jr.

- Tu... ne veux pas d'enfants ? répéta Isobel.

Minerva cligna des paupières. Sincèrement, elle avait juste voulu rétorquer quelque chose à son frère, pas s'engager dans une conversation aussi sérieuse. Et étrange. Elle réfléchit un instant. Voulait-elle des enfants ? Elle ne savait pas. Pas maintenant, c'était certain, mais plus tard ? Elle doutait être capable d'être mère. Bien sûr, elle y avait songé lorsqu'elle sortait avec Dougal

- Bah... Je ne sais pas... ? finit-elle par répondre, principalement parce qu'elle ne savait pas quoi dire.

- Mais... tu vas faire quoi ? Travailler toute ta vie ?

- Papa ne s'est jamais arrêté de travailler lui, riposta Minerva.

- Oui mais c'est... Enfin, je veux dire...

Isobel se tortilla les mains, les sourcils froncés, semblant vraiment essayer de comprendre ce que voulait dire sa fille. Minerva, elle, commençait doucement à saisir ce qui la faisait tiquer.

- Mais, et le mariage ? demanda son père.

Minerva le regarda, interloquée.

- L'un n'empêche pas l'autre.

Les deux parents firent de grands yeux et Robert fronça les sourcils en même temps. Minerva réalisa le double sens de ce qu'elle venait de dire et secoua ses mains devant elle :

- Non, non ! Je voulais dire, rien ne m'empêche de me marier sans avoir d'enfants ! Pas l'inverse, pas l'inverse.

Isobel posa une main contre son cœur.

- Enfin, dit-elle avec un faible sourire, de toute façon, tu as le temps de changer d'avis.

Minerva ne chercha pas à répondre. Elle ne voulait pas partir dans un débat délicat la veille de Noël.

- Il faudrait déjà qu'elle sorte avec quelqu'un, remarqua Malcolm sans savoir le mal que cela pouvait faire à sa sœur.

- Ferme-là.

- Minerva !

Elle marmonna des excuses tandis que Malcolm ouvrait et fermait la bouche. Il ne pouvait pas savoir.

- Et puis d'ailleurs, Malcolm, peut-être que ta sœur a quelqu'un ? fit Isobel avec un sourire en coin.

- Ah bon ? s'étonna Robert Sr, sa voix étouffée par les pommes de terre dans sa bouche.

Il plissa les yeux.

- C'est qui, encore ?

- Encore, encore, soupira Minerva, on dirait que j'en ai eu cinq depuis la fin de Poudlard. Ça ne regarde que moi. Et il n'y a personne.

- Bah, qui t'envoie autant de lettres alors ? demanda Isobel sur un ton surpris.

Minerva planta sa fourchette dans son œuf dur, le sang se vidant de sa tête peu à peu. Elle songea aux cinq ou six lettres que Dougal lui avait envoyées et qui se trouvaient désormais enfermées dans la boîte à biscuit de son grand-père, sous son lit. C'était d'ailleurs bien ironique. Sa mère et elle-même avaient toutes les deux caché sous le lit ce dont elles s'étaient séparées.

- Une amie, répondit-elle.

Aucun des parents n'insistèrent, même s'ils semblèrent dubitatifs pendant quelques instants.

Après le repas, Robert Sr enfila un lourd manteau et sortit sur le perron jouer de la cornemuse. Minerva, lovée dans un fauteuil et emmitouflée dans un plaid, l'écouta. Le son traînant et strident lui rappelait son enfance, avant que son père n'apprenne l'existence de la magie. Cette cornemuse, c'était aussi le souvenir de son Ecosse qu'elle aimait tant et qui lui manquait profondément dans son minuscule appartement londonien.

Le téléphone sonna et Isobel s'éloigna. Malcolm lisait une revue moldue et Robert Jr dormait sur le canapé. Cela faisait du bien d'être chez soi, avec les membres de sa famille. Manger un bon repas chaud et convivial, discuter gaiement, se disputer, se taquiner... Bref, se sentir un peu plus vivante.

Isobel revint après avoir raccroché le combiné.

- C'était les McGregor, ils ont entendu la cornemuse et nous invitent à boire un verre chez eux.

Minerva se redressa brutalement, l'estomac noué en un millième de seconde.

- Les McGregor ? répéta-t-elle dans un filet de voix.

Isobel acquiesça et se leva pour enfiler un manteau. Robert Sr rentra à son tour, et sembla ravi de la nouvelle.

- Tout le monde vient ?

Malcolm secoua la tête, l'air de trouver l'idée de se rendre chez les voisins, ennuyante au possible.

- Je reste avec le petit lardon.

- Ne parle pas comme ça de ton petit frère, soupira son père agacé. Minerva, mets ton manteau, on y va !

Minerva crispa ses mains sous le plaid.

- Je... Je ne viens pas.

- Ah bon ? Mais ils seront si contents de te voir, cela fait un moment. Et puis tu ne leur a même pas dit au revoir quand tu es partie, ce serait la moindre des choses.

Minerva secoua la tête, les battements de son cœur irréguliers.

- Non... Je ne me sens pas bien. Je crois que quelque chose n'est pas bien passé...

C'était vrai, elle ne sentait pas bien. L'idée de retourner dans cette maison, de probablement croiser Dougal... C'était au-dessus de ses forces. C'était même impossible. Croiser son regard noisette, se souvenir du cerisier, de leurs confidences et secrets, leurs rires, leurs baisers... la rupture, sa main qui la lâchait, ses larmes à elle, cette bague... Elle n'y survivrait pas. Son angoisse était telle qu'elle aurait pu pleurer si sa famille n'avait pas été là ; sa respiration, hachée, tordait encore plus le nœud qui étouffait son ventre. Elle avait chaud et alors qu'elle se levait, elle sentait ses jambes faiblir. Elle sentit le dîner remonter et elle se rua aux toilettes, où elle vomit tout.

Elle n'aurait jamais dû revenir.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Bonsoir !

Enfin, le chapitre est là ! Beaucoup de retard, je suis désolée. C'est vrai que même pendant mes jours de repos je n'avais même pas l'envie de me mettre sur le chapitre après avoir bossé le mémoire, donc là j'ai pris ma journée de repos pour le plier.

Je vais pas y passer par quatre chemins, je vous avoue que c'est pas tenable en ce moment, d'autant plus que ma famille est partie en vacances et que pour les 2 prochaines semaines je vais devoir gérer les courses, les repas, le linge, les plantes et tout le bla bla avec le mémoire et le boulot alors.. ^^' c'est officiel je fais un break jusqu'à septembre puisque c'est à ce moment là que je finis mon contrat et mon mémoire

Ca me laissera du temps pour au moins me poser et ne pas me tracasser la tête avec tous les trucs à faire, je m'enlève le poids du chapitre pour quelques semaines. Je vous tiendrai au courant sur la date exacte du retour !

En attendant, profitez bien de vos vacances !


Chapitre 49 : Du travail pour des larmes


Elle était retournée dans son minuscule appartement du Chemin de Traverse. Là-bas, sa famille ne pouvait rester prendre soin d’elle, soin de son mal dont elle ne pouvait pas parler. Là-bas, elle retournait à sa triste solitude, attendant le lever du soleil pour repartir au travail et occuper ses journées, son esprit.

Ce jourd’hui, elle avait été conviée pour son entretien avec son nouveau responsable qui souhaitait vérifier sa motivation. Elphinston l’avait bien rassurée, et l’entretien ne devait représenter qu’une simple formalité. Le bureau du Maître Reckter se trouvait au bout du couloir, à quelques pas de l’espace restauration. Au passage, Minerva salua l’elfe, qui se plia en deux en réponse. Elle frappa au battant de la porte.

- Entrez, fit une voix forte.

Minerva passa la tête dans le bureau alors que Reckter rangeait un magazine dans son tiroir.

- Ah, miss McGonagall, oui, Urquart m’a parlé de vous. Asseyez-vous.

C’était un homme très mince, la chevelure grisonnante et coupée à ras. Ses yeux humides parcouraient la grande taille de Minerva. Il ne se leva pas, probablement de peur de se sentir plus petit que la « stagiaire ».

- Un thé ? proposa-t-il tout de même.

Minerva refusa cette fois-ci, ce qui ne l’empêcha de convoquer l’elfe juste à la sortie de son bureau pour qu’elle lui apporte sa boisson.

- Bon, où en étions-nous… Ah oui, votre nouveau poste. Je dois dire que j’étais sceptique. Quand êtes-vous entrée au Ministère ?

- En août, monsieur.

- Hum. Votre dossier scolaire est sans faute, au moins nous savons que vous êtes capable de noter tout ce que l’on vous dit. Remarquez, c’est le travail d’une scribe après tout.

Il eut un léger rire.

- Mais si vous ne savez rien au droit juridique…

- J’ai travaillé monsieur, coupa Minerva. En plus de mon rôle d’assistante et de ma mission avec Madame Pinkstone, j’ai lu sans relâche sur le système juridique.

- C’est bien gentil de connaître la théorie, et j’apprécie vos efforts.

Il appuya sa remarque d’un fin sourire qui n’atteignit pas ses yeux.

- Mais il vous manque une certaine expérience pratique.

- Je l’obtiendrai avec ce nouveau rôle, affirma la jeune fille.

Reckter l’observa un instant et éclata de rire.

- Voyons mademoiselle, pourquoi cette défensive ? Urquart a tellement insisté pour que vous ayez ce poste, j’ai accepté. Non, j’émettais simplement mes doutes, nous verrons ce dont vous êtes capable dans quelques semaines.

Minerva ne sut que dire. Heureusement, l’elfe apparut dans la pièce, portant une tasse de thé.

- Quoi encore ? râla Reckter. Ah, oui. Le thé. Pose-le sur le bureau.

L’elfe obéit en silence et, après s’être inclinée, disparut dans un craquement. Reckter prit une gorgée.

- Par Merlin, il est trop chaud ce thé.

Il reposa la tasse et posa ses coudes sur son bureau. Il observa longuement Minerva en fronçant les sourcils. Celle-ci se tortilla sur place, mal à l’aise.

- Je ne vais pas vous manger, voyons. Dites-moi. Vous avez dû remarquer que notre département se composait à majorité d’hommes.

Minerva se retint de répondre que oui, effectivement, elle l’avait bien remarqué.

- Les seules femmes à poste actuellement sont… comment dirais-je… à leur âge… enfin. Notre département est l’un des plus exigeant, une femme ne saurait être efficace tant au travail qu’à la maison auprès des enfants. Non que je critique leur manière de travailler, au contraire, s’empressa de dire Reckter avec un ton qu’il pensait sûrement respectueux. Mais gérer les deux à la fois… l’un en pâtirait, et ce n’est pas ce que nous voulons, n’est-ce pas ?

Silence. Minerva se demanda s’il attendait réellement une réponse de sa part. Elle n’en donnerait pas. Elle resta coite à le regarder, et il soupira.

- Je ne pense pas avoir dit de bêtise. Enfin, quoi qu’il en soit, à leur âge, elles peuvent… se concentrer sur leur travail.

- Moi aussi, monsieur, vous savez.

- Je n’en doute pas, mais vous savez, lorsque vous aurez trouvé mari, vous aurez peut-être envie de prendre soin de vos enfants et je trouverais cela tout à fait normal, c’est humain après tout, non ?

- C’est une chance alors, je n’ai ni mari, ni enfants en vue, répliqua vertement Minerva. Pourquoi songer à un futur qui n’arrivera peut-être pas ?

Reckter cligna des yeux.

- Vous ne voudrez pas vous occuper de vos enfants ?

Minerva se mordit la lèvre et se retint de lui expliquer que c’était l’étape même avant qui était incertaine. Elphinston avait apparemment travaillé dur pour lui obtenir ce poste, ce n’était pas le moment de s’embrouiller avec son nouveau supérieur.

Voyant qu’elle ne répondrait probablement pas, Reckter se rencogna dans son siège et lissa sa moustache.

- Enfin. Si vous n’avez pas de compagnon… Il n’y aura pas de complications, bien entendu.

- Bien entendu…

Il jeta un coup d’œil à sa montre.

- Bien, je dois vous laisser. J’essaierai de vous trouver un bureau pour vous, mais nous manquons de place, il faudra patienter. Vous resterez avec Maître Marchbank, n’est-ce pas ?

Minerva papillonna des yeux mais acquiesça. Avait-elle le choix ?

- Et pour le contrat… ? demanda-t-elle tout de même.

- Ah… allez voir la secrétaire pour plus d’informations, je lui ai demandé d’en faire un mais il n’est pas encore sur mon bureau, étrangement. Je vous appellerai quand je l’aurai en ma possession, d’accord ?

Minerva hocha lentement de la tête et comprit qu’il était temps de partir quand Reckter grimaça une énième fois contre son thé et se plongea dans ses papiers. Elle le remercia d’un ton balbutiant et sortit du bureau. Elle porta la main à sa nuque. Elle n’avait pas osé le lui dire, mais elle ne savait pas quoi faire exactement. Devait-elle attendre qu’une affaire lui soit proposée ? Quelles étaient ses missions en attendant ? Assister Mme Marchbank ? Impossible qu’elle n’ait rien d’autres à faire que de retranscrire les procès… Recevrait-elle des informations en amont sur ces procès, afin qu’elle étudie le dossier ? Du matériel lui serait-il fourni ? Elle avait dû utiliser son encre, sa plume et ses parchemins pour Mme Pinkstone, ce qu’elle avait accepté puisque cela devait être qu’une simple et unique mission, mais désormais, elle aimerait éviter de dépenser tout son salaire pour les fournitures liées à son poste. Le Ministère pouvait bien s’en charger, non ? Elle n’était pas certaine.

Le cerveau embrouillé, elle se rendit dans le bureau de la secrétaire, une femme de la cinquantaine aux cheveux courts et ébouriffés. Elle farfouillait dans ses tiroirs, une tasse de café froid posée juste à côté d’une lampe et d’un cadre photo, lorsque Minerva frappa à sa porte. La secrétaire releva la tête, l’air affolé.

- C’est pour quoi ? J’ai oublié de te donner quelque chose ?

- Heu, non… je suis venue pour des informations, répondit Minerva d’un ton incertain.

La secrétaire cligna de l’œil droit.

- Ah non, ce n’est pas toi que j’ai vu tout à l’heure. Désolée, je confonds tout le monde. Alors ? Vite, je n’ai pas beaucoup de temps.

Minerva lui expliqua sa situation. La secrétaire se gratta la tête.

- Un contrat ? Je n’ai rien reçu. Attends. A quel nom ?

- Minerva McGonagall.

La secrétaire alla vérifier dans sa boîte aux lettres à l’entrée, là où elle recevait toutes ses consignes par écrit. Minerva l’entendit pousser une exclamation découragée.

- Il a dû me déposer ça juste après mon arrivée dans le bureau ce matin. Dès que je rentre ici, je regarde toujours dans la boîte aux lettres, et cette demande n’y était pas.

Elle revint avec l’enveloppe de Reckter et soupira.

- Comment veut-il que je crée un contrat en si peu de temps avec tout le travail que j’ai à côté ? Tu commences quand ?

- Dès demain…

La secrétaire se frotta les yeux et resta silencieuse.

- Je suis désolée, je vais faire mon possible pour que tu puisses le signer ce soir ou demain à la première heure.

Minerva secoua les mains.

- Non, non, ne vous en faites pas, vous avez l’air d’avoir beaucoup de boulot…

- Et tu comptes commencer un contrat sans le signer ? Ça ne marche pas comme ça, si ça se sait, j’aurai des problèmes. Non, il faut que je le fasse rapidement.

Elle soupira encore, plus faiblement. Elle regarda sa montre.

- J’ai encore des monticules de dossiers à traiter, viens plutôt demain pour ton contrat. Bon, où est le fichier de Maître Flint… ?

Elle paraissait déjà l’avoir oubliée. Minerva, mal à l’aise devant le regard désemparé de la secrétaire, la remercia et lui tourna le dos pour sortir. Quand elle posa la main sur la poignée, la secrétaire poussa une exclamation horrifiée alors qu’un tintement de porcelaine se faisait entendre.

- Oh non…, gémit-elle.

Minerva se retourna et contempla, désolée, la tasse de café renversée sur le dossier de Flint.

- Oh là là, fit-elle en s’approchant avec des mouchoirs pour éponger les dégâts.

La secrétaire ne bougeait pas, bras ballants alors que Minerva tentait de sauver le parchemin. Mais l’encre avait coulé et plus rien ne subsistait du dossier hormis de larges bavures bleutées. Elle tira le parchemin devant elle et le tint du bout des doigts. La secrétaire s’effondra sur sa chaise et fondit en larmes.

- Je n’aurais pas dû prendre ce café, sanglota-t-elle, ça allait mal se terminer… En plus je ne le bois jamais, je l’oublie tout le temps sur mon bureau, j’ai trop de travail pour y penser… Pourquoi prendre un café si on ne le boit pas ?

Minerva lâcha le parchemin et s’approcha de la secrétaire. Elle tapota son épaule d’une main.

- Ça va aller… On peut aller demander à Maître Flint de vous donner un plus grand délai, cela arrive à tout le monde ce genre de maladresse.

La secrétaire secoua la tête.

- Il va encore crier… Il aura raison, c’était un dossier urgent et important. Je m’y étais prise en avance, dès la réception de sa demande avant-hier. Toutes ces heures de travail, pour rien…

Elle sanglota encore plus fort, le visage entre les mains. Minerva tiqua à ses paroles. Elle n’y connaissait pas grand-chose au dossier de Flint, encore moins au travail de secrétaire, mais elle trouvait le délai initial particulièrement court, encore plus lorsqu’elle voyait la masse de travail sous laquelle la pauvre femme semblait crouler.

- Vous n’avez pas le choix, il faut lui demander plusieurs jours de plus, comment allez-vous faire sinon ?

La secrétaire renifla.

- Ce n’est pas grave, je comptais travailler quelques heures supplémentaires ce soir, de toute façon. Je prolongerai un peu plus…

Elle pleura à nouveau.

- Je voulais rentrer pour le dessert chez mon fils ce soir… C’est l’anniversaire de ma petite-fille, tu comprends… J’avais promis que je serai là avec un cadeau.

Elle désigna un paquet soigneusement emballé dans un des tiroirs ouverts.

- Ils n’aiment pas trop ça au Ministère que l’on reste jusque tard dans la nuit, mais j’ai travaillé très dur pour pouvoir lui acheter ce jouet… J’irai les voir un autre jour, j’imagine…

D’autres larmes coulèrent, et la secrétaire se força à sourire tout en sortant sa baguette. Elle fit un tracé gracieux dans les airs. Minerva reconnut immédiatement le geste pour produire un Patronus. Elle haussa haut ses sourcils tandis qu’un labrador argenté faisait son apparition.

- Mon fils chéri, c’est maman, dit la secrétaire au labrador. Écoute… j’ai eu un contretemps, je ne pourrai pas venir ce soir.

Sa bouche trembla et elle s’arrêta quelques secondes.

- Je sais que je t’avais promis mais… je suis désolée. Embrasse ta femme et un bon anniversaire à la petite Penny de ma part. Je suis désolée.

Elle clôtura son message et le labrador disparut sous le seuil de la porte.

- Vous savez faire un Patronus ? fit Minerva impressionnée.

La secrétaire hocha la tête mais ne dit rien, imaginant probablement les prochaines heures de travail qu’elle s’infligerait très bientôt, au lieu de se rendre au dessert d’anniversaire, tout ça pour éviter la colère de Flint. Minerva était persuadée que le Maître était incapable de produire un Patronus, lui.

- Tu ferais mieux d’aller travailler, fit la secrétaire, ne prends pas du retard dans tes dossiers à ton jeune âge. Allez, va.

Elle s’essuya le nez et prit sa plume, le cœur vaillant mais malheureux. Minerva la quitta, la mine attristée.

Toute la journée, elle songea à cette femme au rythme de travail misérable, peu reconnue par ses supérieurs. Elle pensa à son ton affligé, « Flint va encore crier ». Elle se demanda combien de fois l’avocat avait passé sa colère sur elle pour qu’elle en soit ainsi terrifiée.

Ce soir-là, elle resta même après que Marchbank fut partie. Elle qui n’avait guère été efficace, perdue dans ses pensées, devait s’adonner à quelques heures de travail supplémentaires. Elle se leva pour se chercher un thé. Tout le personnel était parti. Excepté pour celui de la secrétaire et de Minerva, les bureaux étaient éteints et silencieux. L’elfe Soky, persuadée d’être seule, s’était assoupie entre deux meubles. Ne souhaitant pas la réveiller, Minerva passa sous le comptoir pour se faire son thé elle-même. Mais Soky ne semblait dormir que d’une oreille car elle ouvrit aussitôt des yeux affolés et se mit debout à toute vitesse.

- Oh maîtresse ! Soky ne vous avait pas entendue ! Soky s’est assoupie, pardonnez-la, maîtresse !

Elle se jeta sur la bouilloire et entreprit de verser de l’eau brûlante sur ses doigts. Minerva poussa un cri et se précipita pour l’en empêcher.

- Soky, arrête !

- Soky doit se faire pardonner, Soky a failli à son emploi, geignit l’elfe. Vous pouvez le signaler au patron, il renverra Soky, et Soky l’aura mérité.

Minerva savait qu’il était inutile de la rassurer, que tout allait bien ; la situation de l’elfe lui faisait mal au cœur. Si son père voyait cela, il aurait proprement honte. La pauvre elfe était épuisée. Si la secrétaire avait tant besoin de dormir, pourquoi l’elfe n’aurait-elle pas le droit également ?

- Si tu veux te faire pardonner, prépare-moi donc le thé, dit Minerva, car elle savait que c’était le seul moyen pour que l’elfe arrête de se punir.

Soky s’inclina trois fois de suite, le regard soulagé avant de se ruer sur les tasses, ses doigts heureusement sauvés de l’eau brûlante.

- Pourquoi ne rentre-tu pas chez toi, Soky ? demanda Minerva.

- Soky peut rentrer les samedi et dimanche soir ! répondit l’elfe avec le sourire. Elle peut souvent retrouver sa famille, alors Soky est contente !

- Et tu restes là toute la nuit ? fit Minerva d’un ton éberlué.

Soky hocha fièrement la tête.

- Soky doit être là pour les sorciers qui travaillent dur.

Minerva se retint de lui signaler qu’elle aussi travaillait dur… Elle la remercia pour le thé et retourna à son bureau. La porte de chez la secrétaire était encore ouvert et en y jetant un coup d’œil, Minerva remarqua que la femme s’était assoupie sur ses papiers. Elle hésita un instant, avant de rentrer dans le bureau.

Elle s’approcha doucement et secoua gentiment la secrétaire par l’épaule.

- Hein, quoi ? C’est déjà le matin ? Le contrat, oui, je le finis !

- Il est 22 heures, l’informa Minerva, vous vous êtes assoupie.

La secrétaire regarda sa montre, horrifiée.

- Oh par Merlin, que de temps perdu ! Il faut que je travaille…

- Cela ne sert à rien, répliqua Minerva d’une voix plus ferme. Vous êtes fatiguée, vous ferez des erreurs et vous devrez tout recommencer demain. Partez du Ministère.

- Et qui fera le boulot à ma place, hein ? Qui fera ton contrat ?

Minerva déposa sa tasse de thé sur le bureau et tira la chaise de la secrétaire pour la forcer à se lever.

- Je le ferai, le contrat. Laissez-moi un prototype et je le recopierai pour moi. Vous n’aurez qu’à vérifier demain que tout soit bon et vous remplirez ce que je n’ai pas pu remplir.

La secrétaire cligna des yeux et observa sa collègue. Voyant qu’elle ne réagissait pas, Minerva fit semblant de s’agacer :

- Dépêchez-vous, votre petite-fille aura bientôt mangé tout le gâteau !

Cela eut l’air de lui donner un électrochoc, car elle bondit hors de sa chaise, serra très fort la main de Minerva, la lèvre tremblotante. Elle sortit un exemple de contrat et attrapa son manteau.

- N’oubliez pas le cadeau ! rappela Minerva.

- Ah, oui, le cadeau !

La secrétaire tourna des yeux embués vers Minerva et murmura un « merci » avant de détaler vers le couloir.

Minerva s’affala sur le siège de la secrétaire. Elle n’avancerait pas sur son propre travail ce soir, mais au moins avait-elle la certitude d’avoir accompli quelque chose de bien pour une femme qui méritait de voir pour un soir sa petite-fille à son anniversaire au lieu de le passer au bureau, submergée par le travail, les demandes, les requêtes et les critiques.

***


Elle s’était endormie au travail. Première fois qu’elle ne rentrait pas chez elle. Elle se sentit fatiguée. Elle avait terminé le contrat et espérait que tout concordait. Elle se redressa, le vêtement froissé, avec cette sensation désagréable de ne pas s’être lavée qui lui collait à la peau. Elle se demanda si Satya s’était inquiétée pour elle. Elle rangea le bazar qu’elle avait créé et sortit du bureau.

Sa boîte aux lettres ne contenait qu’une seule demande. En sortant du bureau de la secrétaire, elle avait remarqué que la sienne était remplie jusqu’en haut, annonciateur d’une nouvelle vague de désespoir.

La missive qui lui était destinée provenait de Reckter qui lui demandait de se rendre dans la salle des entretiens afin de commencer sa première mission, une retranscription entre un avocat et un témoin. Peu importe si son contrat n’était pas signé, Reckter semblait vouloir l’envoyer au front. Minerva se recoiffa pour se donner meilleure allure, se demandant si elle allait devoir travailler avec Flint. Elle le craignait déjà.

Étant donné l’heure, le témoin devait déjà être présent en compagnie de l’avocat. Minerva se dépêcha de s’y rendre, son matériel en main. La salle des entretiens était destinée aux rencontres entre avocats et clients ou témoins, en amont d’un procès. L’avocat demandait, le témoin répondait et le scribe écrivait, ainsi se déroulaient les choses.

Elle frappa au battant et une voix grave lui répondit. En entrant, elle remarqua qu’effectivement le témoin était déjà présent, homme propre sur lui, mallette en main.

Minerva se figea en entrant. Pas à cause du témoin, non. Mais de l’autre homme, l’avocat qui se levait de sa chaise, l’œil plissé. Cette allure qui se voulait digne et noble et qui criait au Sang-Pur, cette barbe blanche bien taillée et cette chevelure en brosse… Cette chevalière à l’auriculaire. Cet homme, elle l’avait déjà croisé l’été dernier, au cimetière de Halkirk. Elle l’avait fui, à l’aide de Dougal.

Cet homme, c’était son grand-père maternel, Leopold Ross.
Cazolie

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par Cazolie »

PtiteCitrouille a écrit : dim. 12 juin, 2022 5:51 pm Heeeelloooo !

Comment allez-vous ?

Je suis de retour pour les posts de Minerva, toutes les deux semaines je rappelle ! Bon ça a été impossible pour moi d'écrire pendant le voyage en Corée, j'en suis désolée... Ceux qui n'ont pas pu me suivre sur instagram encore plus désolée parce que vous n'avez rien pu vous mettre sous la dent en attendant (enfin, y avait les autres fanfics haha (ou pas parce que j'en connais qui n'ont pas posté depuis longtemps sur BN :roll: :roll: :mrgreen: ))

J'espère que cette suite vous plaira, elle arrive un peu tard ^^'

Bonne lecture !

Chapitre 46 : Fatigue émotionnelle
FEEL YOU

Son travail lui était beaucoup plus fatiguant qu’elle ne l’avait cru. Les employés du Ministère n’étaient pas très tendres envers les jeunes diplômés, encore moins envers les jeunes diplômées Bouuuuuuuuh (au-delà de la différence entre les sexes, il faut dire qu'ils doivent vraiment être incapables quand ils débarquent de Poudlard :lol:). Si Mme Marchbank était ravie d’obtenir enfin une assistante, elle n’en restait pas moins une femme occupée qui n’avait guère le temps de se préoccuper des plaintes de Minerva. La juge, en poste depuis plusieurs dizaines d’années, n’avait jamais acquis le droit d’avoir une aide administrative. Première femme de l’hémicycle juridique, ses débuts avaient été bien plus compliqués que ceux de Minerva et ce n’était que lors du changement du superviseur des assistants qu’elle avait pu obtenir gain de cause.

- Elphinston Urquart est un homme charmant, disait-elle alors que Minerva recopiait diligemment à la plume un rapport sur un litige de voisinage. Il pourra vous aider en cas de besoin ici. Mais ne vous reposez pas trop sur lui non plus, vous méritez de grimper les échelons toute seule.

Minerva acquiesçait, buvant les paroles de sa supérieure. Il y a peu à Poudlard, elle semblait pouvoir tout maîtriser, être la meilleure en magie. Au Ministère, elle découvrait un univers tout à fait différent, avec des personnes aux expériences multiples, mais également dans un domaine qui la laissait bien en peine : pour elle, le juridique renfermait plus de secrets que le département des Mystères lui-même Tu m'étonnes. En vrai, ils ont aucune notion d'administration, d'économie, sans parler du fiat qu'on ne sait pas si les Sorciers savent écrire correctement ?? NI MEME COMPTER. Mais Marchbank lui enseignait les rudiments dès qu’elle le pouvait, et Minerva s’était inscrite à une bibliothèque à deux pâtés de maison de son logement, où elle passait plusieurs heures à apprendre les bases du droit. Pourquoi n’avait-elle jamais eu de cours comme ceux-là à Poudlard ? C’était insensé. Hello Fleur

Le soir, elle rentrait très tard, du moins trop tard pour voir les autres filles du palier. Satya et elle avaient sensiblement le même rythme, et c’était sûrement la raison pour laquelle elles se lièrent d’amitié. La solitude pesait toujours autant sur le cœur de Minerva, et l’introvertie qu’elle était s’étonnait d’avoir besoin de contacts sociaux par moments Haha je comprends tellement ce sentiment. Et puis dès que t'as trop d'engagements dans la semaine, t'as qu'une envie, c'est de rester seule pour tujours ! L'équilibre est dur à trouver. La charge de travail qu’elle s’imposait était lourde et elle sentait son cœur l’être aussi. Elle avait de brèves nouvelles de sa famille et dans chacune d’elle, Isobel écrivait sa fierté de savoir sa fille dans un des départements les plus prestigieux du Ministère. Minerva n’avait pas le courage de lui dire qu’elle vivait une transition assez brutale avec Poudlard. Il lui suffisait de s’accrocher et peut-être, au bout de quelques mois, elle serait enfin à l’aise dans son domaine et au milieu de ses pairs. Malheureusement, ceux-ci ne semblaient pas enclins à faire le moindre pas vers elle, alors Minerva passait la plupart de son temps dans le bureau de Mme Marchbank à y travailler et déjeuner. En dehors de sa tutrice, seul Elphinston Urquart, son supérieur, lui adressait la parole lorsqu’elle osait aller se chercher un thé au coin restauration de leur secteur. La majorité commandait en appelant un elfe de maison mais Minerva et Elphinston paraissaient être les seuls à se déplacer d’eux-mêmes.

C’était là qu’elle se trouvait, attendant sa boisson chaude, quand Urquart la rejoignit.

- Mademoiselle McGonagall, bonjour à vous.

Minerva inclina la tête en réponse. L’elfe en face d’elle déposa son thé dans une tasse et elle le remercia. J'avais jamais pensé qu'il pourrait y avoir des elfes au Ministère, mais c'est assez logique finalement

- Ne partez pas tout de suite, fit Urquart en désignant le tabouret à côté de lui. Asseyez-vous quelques instants, votre dossier ne va pas s’envoler.

- C’est que, j’ai beaucoup de travail…

- Et je peux vous assurer qu’il n’est pas sain de ne pas faire de pause ? Je vous en prie.

Il ponctua ses mots en désignant des mains le siège à côté. Minerva acquiesça et retourna à sa place. Elle comptait refuser par réflexe, mais également parce qu’elle ne savait pas comment se comporter envers son supérieur. Il avait l’air plus humain que les autres, mais il restait son employeur.

- Je suis content que vous ayez décidé de nous rejoindre, finalement. Merci Soky, fit-il à l’elfe qui rougit.

Minerva lui jeta un coup d’œil surpris.

- Vous avez remercié l’elfe, nota-t-elle.

Elphinston leva les yeux de derrière sa tasse.

- Vous aussi.

Minerva rosit.

- C’est juste que…

Elle s’arrêta. Elle s’apprêtait à critiquer ses collègues et elle n’était pas certaine que ce soit une bonne idée face à son supérieur.

- Les autres ne le font pas, dit-elle simplement.

Elphinston eut un rire silencieux.

- Vous pouvez essayer tant que vous voulez, vous n’arriverez pas à cacher la pointe de jugement que je perçois dans votre voix, s’amusa-t-il.

- Excusez-moi, fit-elle en sentant ses joues s’enflammer.

- Et pourquoi donc ? Vous avez le droit de penser ce que vous voulez. A vrai dire, je suis plutôt d’accord avec vous.

Il se tut à son tour et sirota son café.

- Vous vous en sortez ici ? s’enquit-il.

Minerva le regarda brièvement. Elle ne voulait pas avoir l’air d’une pleurnicheuse ni d’une incapable. Elle était au département de Justice Magique, elle avait été contactée pour cet emploi, hors de question d’avoir l’air d’une étudiante qui sortait tout juste de l’école sans expérience professionnelle, même si c’était ce qu’elle était.

- Ça va, Mme Marchbank m’aide bien et j’apprends beaucoup. Tout est nouveau, mais je vais m’y faire, assura-t-elle.

Elphinston hocha la tête.

- Ne vous surmenez pas. Et ne vous mettez pas trop la pression. C’est d’accord ? C'est qu'il est sympa lui

Minerva rentra la tête dans les épaules et opina du chef. Urquart se leva, la salua et repartit après une dernière inclination du menton envers les elfes.

Une sonnette retentit au-dessus de la tête des elfes ; le nom inscrit indiquait que M. Reckter requérait leur assistance. Minerva retourna à son bureau. Elle devait préparer le planning de la semaine prochaine de sa tutrice, composée de rendez-vous professionnels et de procès en tout genre. Elle s’ennuyait un peu à vrai dire, mais elle savait que c’était un passage obligé avant de pouvoir commencer à monter des dossiers juridiques qui lui tenaient à cœur. Un jour peut-être, verrait-elle une loi créée grâce à son travail et deviendrait-elle conseillère de Justice décisionnelle. C'est bien d'en avoir conscience et de ne pas vouloir tout, tout de suite !

Le soldat de plomb que lui avait donné Robert Jr semblait l’enjoindre de ses deux mains vides à se mettre au boulot. Elle se demanda comment son petit frère allait. Malcolm allait repartir à Poudlard dans quelques jours et comme à chaque rentrée, Robert Jr allait probablement être frustré de ne pas pouvoir non plus y aller. Elle doutait qu’il souhaite réellement aller à l’école, mais plutôt rejoindre son frère et sa sœur. Cependant, maintenant que Minerva était partie, était-il toujours aussi impatient ?

- Rentrez chez vous, vous êtes fatiguée.

Minerva sursauta violemment. Griselda Marchbank était rentrée dans leur bureau sans qu’elle ne s’en rende compte et l’observait par-dessus ses lunettes ovales.

- Je vais bien, j’étais juste dans la lune, assura Minerva en attrapant une plume et la trempant dans de l’encre.

- Je le vois bien. Vous angoissez trop. C’est admirable de vouloir bien faire les choses, ça l’est moins de noter des bêtises dans mon planning à cause de la fatigue. Alors, allez prendre l’air. Oupsyyyyyy

Minerva hésita un instant avant de reconnaître que partir immédiatement ne ferait de mal à personne. Elle remercia Marchbank et fila prendre l’ascenseur. Elle n’était pas nécessairement écroulée de fatigue, mais son esprit s’effondrait sous le travail. Elle voulait relâcher la pression et pour cela, elle savait qui elle devait voir.

Elle transplana devant l’adresse que son meilleur ami lui avait donnée Aaaaah c'est bieeeen. Un vieil immeuble sombre coincé dans une ruelle étroite. Elle monta les étages et frappa à la porte en bois clair. Celle-ci s’ouvrit sur des yeux gris et des cheveux blond cendrés reconnaissables entre mille, juste un peu plus long que pendant Poudlard.

- Minerva ! Ça alors, qu’est-ce que tu fais là ?

Minerva sentit un vrai sourire naître sur ses lèvres, le premier depuis qu’elle avait quitté Caithness. Elle ne savait pas comment elle avait tenu sans voir Alan depuis son arrivée au Ministère. Dans un monde qui lui était inconnu, il représentait une touche de normalité.

- On va prendre un verre ? proposa-t-elle.

Alan cligna des paupières, regarda sa montre.

- Les salons de thé sont fermés à cette heure-ci. Mais je dois avoir quelque chose dans ma cui…

- Non, allons prendre un verre, répéta Minerva.

Il ouvrit des yeux ronds. "MINERVA ALCOOLIQUE ???"
- Toi, t’as l’air d’avoir des trucs à me dire. Attends-moi deux secondes.

Il rentra dans son appartement et Minerva put l’entendre dire quelques mots à Cora à l’intérieur. Il revint, veste en main.

- Cora te passe le bonjour. Tu veux aller où ?

Minerva haussa les épaules. Elle ne buvait jamais. Elle n’aimait pas le goût de l’alcool, n’aimait pas l’idée de perdre le contrôle de son corps… Mais à vrai dire, elle avait justement envie de s’alléger l’esprit et retrouver son meilleur ami.

- Ok, laisse-moi gérer le lieu alors, s’amusa Alan.

Il ne semblait pas avoir changé. Il paraissait juste plus mûr, comme si le fait de sortir de Poudlard, d’avoir trouvé un emploi et d’être en relation l’avaient fait grandir. Il l’entraînait en dehors des ruelles sombres pour se rendre dans un bar d’une rue plus vivante, le Shelly’s Pub. Là, des sorciers et sorcières riaient bruyamment au-dessus de leurs pintes de bière, installés confortablement dans des fauteuils moelleux, une lumière jaune éclairant leur tablée.

Alan s’assura une dernière fois que Minerva voulait bien de l’alcool et partit leur chercher une bière chacun. Quand il revint, Minerva leur avait trouvé une petite table dans un coin. Il s’installa en face d’elle et trinqua. Minerva prit une première gorgée, grimaça. Ce n’était pas spécialement bon, mais bizarrement son cerveau semblait ravi de cet apport. Pouahahaha elle va rouler sous la table, elle

Elle observa Alan. Lui aussi avait des cernes. Elle savait qu’il travaillait dans un rythme irrégulier, sans compter les multiples visites à Ste Mangouste pour Cora, leur appartement à gérer, le ménage, la cuisine… Si Cora aidait de temps en temps, ses fatigues chroniques la poussaient irrémédiablement vers le lit. Peut-être n’était-ce pas une très bonne idée de sortir Alan un soir de semaine.

- Je suis content de te voir, dit-il comme pour la démentir. Je me doute que tu es aussi très occupée.

Minerva but une nouvelle gorgée et étira ses lèvres en un sourire gêné. Bien que les deux aient promis au détour d’une lettre de se voir rapidement, Minerva avait tardé à prendre des nouvelles, voire même à chercher à le retrouver. L’été s’était tristement terminé et à quelques jours du mois de septembre, Minerva avait commencé sa toute nouvelle lutte au Ministère. Ils n’étaient plus à Poudlard, elle ne prenait plus son petit-déjeuner copieux en compagnie de son meilleur ami, ne le traînait plus pour aller en cours. Les sorties à Pré-au-Lard n’auraient pas les mêmes saveurs de week-end entre amis. Débuter dans la vie professionnelle lui donnait la sensation de reprendre à zéro dans un nouvel univers inconnu et dans lequel elle n’était pas forcément à l’aise. Ses amis étaient soit partis à l’étranger, soit enfermés dans un rythme tout aussi effréné. Alan notamment, n’avait pas le choix que de tourner rapidement la page de Poudlard pour grandir et faire face à la maladie de Cora et un emploi qui les maintiendrait à flot. A même pas dix-huit ans, cela semblait beaucoup à Minerva. Elle avait la nostalgie du passé, probablement parce que ce qu’elle avait vécu dernièrement s’était soldé en échec douloureux et que son quotidien actuel était aussi triste que les pierres.

Elle ignorait comment raconter tout cela. Son meilleur ami saurait être présent dans ce chamboulement, mais elle-même ne savait pas par où commencer. Sa vie actuelle était bien morose.

- C’est compliqué, dit-elle simplement. J'espère qu'elle va développer, sinon c'était pa sla peine :lol

Le fait qu’elle ait ressenti le besoin vital de voir Alan sur un simple coup de tête démontrait à quel point elle nécessitait de retrouver une touche de normalité dans sa vie. Son meilleur ami attendit qu’elle développe sa pensée. Là aussi il avait changé : il semblait plus patient, plus posé.

- J’ai… renoncé à beaucoup en venant à Londres.

Elle préféra ne pas développer ce point.

- Tout est froid et distant au Ministère. J’ai l’impression de ne pas être à la hauteur. Les seuls qui m’adressent la parole au département de la Justice c’est ma tutrice et mon supérieur. Autant te dire que leur avouer mes difficultés est inconcevable.

- On commence tous comme ça, tu sais. Je sers des cafés la plupart du temps, parfois j’assiste dans les recherches médicales. C’est à la fois passionnant et frustrant. Mais je sais que sur le long terme, je trouverai ma place. Toi aussi, tu verras. Les débuts sont toujours difficiles. Poke Anna

Minerva hocha la tête. Elle prit une autre gorgée de bière, cette fois-ci sans grimacer.

- J’ai faim, annonça Alan, je reviens. Les plats de frites pour accompagner une bière, c'est vraiment le meilleur

Son amie sourit pendant un bref instant. Voilà une chose qui n’avait pas changé, l’estomac d’Alan. Quand il revint et nota qu’elle avait repris son regard mélancolique, il fronça les sourcils.

- T’es vraiment pas dans ton assiette. Prends une frite. AHA !!!

Elle obéit et grignota du bout des lèvres.

- Je me doute que tu n’es pas heureuse actuellement dans ton emploi, devina Alan, mais… ça te plaira sur le long terme, n’est-ce pas ? Y a-t-il des perspectives qui te permettent de voir au-delà de ton malheur actuel ?

Minerva réfléchit un instant. Elle avait pris cette direction mue par cette idée de changer les choses, rétablir des injustices. Ce n’était pas avec son poste d’assistante qu’elle y parviendrait. Mais si elle décrochait le poste de Conseillère de justice décisionnelle, alors peut-être, si ses dossiers étaient bons, peut-être que le Magenmagot ferait remonter ses idées à l’exécutif. Peut-être.

- Eh bien, j’espère, répondit-elle en observant la lueur ambrée de sa bière. Je ne sais pas, j’espère juste.

Alan la regarda longuement. Il semblait réaliser qu’elle aussi avait changé. Elle prit une gorgée. Elle était peu habituée à boire, aussi l’alcool commençait déjà à lui monter à la tête. Elle avait longuement été perdue sur ses choix de vie à Poudlard, mais au moins son environnement lui plaisait. Elle avait des amis, des loisirs et des études qui lui plaisaient. Aujourd’hui, non seulement elle ignorait où elle allait, mais elle ignorait également où elle se trouvait. Son poste au Ministère était le fruit d’une douleur intense qu’elle se forçait à oublier. Si ce sacrifice avait été une mauvaise idée, comment pourrait-elle y survivre ?

- Je t’ai déjà raconté l’histoire de mes parents, Alan ?

Celui-ci leva un sourcil mais hocha la tête.

- Je suis au courant, oui.

- Une sorcière et un moldu, tu crois que c’est vivable ? continua-t-elle en regardant par-dessus l’épaule de son ami. Quand j’ai commencé à voir à quel point leur relation est presque misérable désormais… je me suis jurée que jamais je ne vivrais cela.

Alan ne répondit pas. Minerva prit une autre gorgée et renifla.

- Tu penses que ma mère aurait été plus heureuse au Ministère ?

- En renonçant à ton père ? Ça aurait été dur, non ? Se retrouver seule dans cette administration immense, sans personne à qui parler, pas même à sa famille… C’est triste. les deux pieds dansle plat, bonjour

- Donc il aurait mieux valu choisir le mariage avec un moldu ?

Son meilleur ami se pencha en avant en secoua légèrement la tête.

- De quoi tu parles ? Elle s’est mariée avec ton père. C’était le bon choix, je pense. Pour elle.

Minerva cligna lentement des paupières.

- Tu es sûre que ça va ? s’inquiéta Alan. C’est la bière ?

- C’est juste que…

Elle renifla à nouveau.

- Est-ce que j’ai fait le bon choix ? Qu’est-ce que je vais devenir si je ne trouve pas ma place au Ministère ?

Elle sentit des larmes lui monter aux yeux. Elle aimerait tant en parler à son meilleur ami, sans en être capable. Il comprendrait un peu mieux son chagrin.

- J’ai si peur d’avoir fait une erreur, Alan. Mais pourquoi elle lui dit pas T.T

- Minerva… Si le Ministère ne te convient pas, ce n’est pas grave. Tu trouveras autre chose, tu es brillante. Je n’aime pas te voir aussi désespérée.

C’était justement parce qu’elle était brillante qu’elle s’était retrouvée tiraillée entre ces deux mondes. Si elle avait été une élève normale, serait-elle avec lui, au pied de leur cerisier ? Serait-elle plus heureuse ? Regretterait-elle ? Verserait-elle des larmes le soir dans leur chambre, alors que lui dormirait profondément et qu’elle sangloterait en silence pour ne pas éveiller les soupçons ? Serait-elle moins malheureuse qu’elle ne l’était ici dans ce bar, à boire une bière avant de retourner dans son logement sombre et étriqué, avant de retourner dans un emploi qui ne lui plaisait pas ? Cet emploi pour lequel elle avait tout abandonné…

- Viens, on rentre, fit Alan. Tu dors chez nous ce soir.

Minerva ne riposta même pas. Cela lui ferait sûrement du bien de dormir dans un appartement habité par d’autres personnes. Elle avait un peu la tête qui tournait par l’alcool. Si le stress du travail s’était envolé, elle ressentait un tourbillon d’émotions à l’intérieur de son crâne, envahissant son cœur et qui lui donnait envie de se recroqueviller sur un fauteuil moelleux. Elle voulait rentrer chez elle, à Caithness, retrouver sa famille tout aussi disloquée qu’elle était, jouer aux échecs, écouter la cornemuse de son père, manger un bon plat en famille et ébouriffer les cheveux de ses petits frères.

Que faisait-elle à Londres ? Roh elleme fait trop de peine

Elle ne s’était même pas rendue compte qu’ils étaient arrivés chez Alan. Il ouvrit sa porte qui grinça légèrement. La lumière de la pièce centrale était jaunâtre et éclairait une auréole d’humidité au plafond. Les meubles étaient rustiques et l’ensemble spartiate, une pile de vaisselle s’amoncelait dans l’évier, probablement celle qu’Alan devait faire avant d’être kidnappée par sa meilleure amie. Tu peins vraiment pas une vie de rêve :lol:

- Si tu veux te laver, la salle de bain est juste là, indiqua Alan en désignant une des deux portes qui se trouvaient sur le côté. Tu pourras dormir sur le canapé.

Minerva s’y effondra toute habillée, le nez dans un coussin, et en un instant, elle sombra dans le sommeil. L’alcool et le trop-plein d’émotions l’avaient épuisée.

***


Quand elle se réveilla le lendemain, elle avait la bouche pâteuse et les yeux vitreux. Alan et Cora prenaient un petit déjeuner en chuchotant, semblant ne pas vouloir la réveiller. En la voyant les paupières clignotantes, ils eurent un sourire amusé.

- Rappelle-moi de ne jamais te faire boire d’alcool, fit Alan. Comment tu te sens ?

Honteuse. Minerva se redressa tout en essayant de se remémorer la soirée de la veille. Elle rougit. Qu’elle avait été stupide de geindre ainsi. Et puis, à parler de la relation de ses parents… Par Merlin, elle avait dû être ridicule.

Elle se leva et joignit ses mains.

- Je suis désolée, je ne voulais pas vous déranger en dormant ici. Je n’aurais pas dû boire autant.

Cora haussa les sourcils.

- Je croyais que tu n’avais bu qu’une demi-pinte ? Bien ce que je me disais :lol:

Minerva hésita.

- C’est beaucoup d’alcool, non ?

Cora eut un sourire qu’elle tenta de dissimuler, contrairement à Alan qui éclata de rire. Vexée, Minerva préféra observer discrètement l’ancienne Serpentard. Elle s’était coupée les cheveux très court, ce qui faisait ressortir ses joues émaciées. Ses yeux paraissaient encore plus sombres qu’avant mais brillaient tout de même joyeusement. En revanche, elle avait maigri : elle semblait flotter dans son pantalon désormais.

- Au fait, quelle heure est-il ? s’enquit Minerva en détournant le regard.

- Huit heures. Tu commences à quelle heure ?

Minerva ouvrit de grands yeux et récupéra son sac. Elle était déjà en retard au travail. Elle remercia et s’excusa encore quelques fois avant de se ruer en dehors de l’appartement et de transplaner pour le Ministère. C'est du joli

Bizarrement, au milieu des personnes faisant la queue pour entrer aux sanitaires menant au Ministère, elle croisa Satya, elle aussi en retard. Celle-ci lui jeta un regard de travers.

- T’étais où ? Je t’ai attendue sur le palier pour partir ensemble et maintenant je suis en retard.

Minerva s’excusa, gênée mais touchée qu’elle ait essayé de l’attendre. Satya eut un haussement d’épaules.

- T’es libre tout à l’heure ? On a qu’à déjeuner ensemble si tu veux. aaaaaaaaaaw

Minerva lui offrit un éblouissant sourire et Satya papillona des yeux, surprise. Elle ignorait qu’à peine quelques heures plus tôt, Minerva avait versé dans le drame et la mélancolie, regrettant la froideur du Ministère.

Et le reste de la journée sembla vouloir continuer à la détromper car Urquart la convoqua dans son bureau. Au début, elle avait craint une remontrance pour son retard de la matinée. Mais son sourire aimable quand elle était entrée l’avait fait douter.

- Asseyez-vous, je vous en prie. Comment allez-vous ?

- Bien monsieur, merci.

- Très bien, très bien. Je vous ai fait venir car j’aurais une mission pour vous. Je sais que vous êtes très occupée, aussi j’ai demandé à Mme Marchbank d’alléger votre emploi du temps pour cette mission temporaire.

Intriguée, Minerva s’avança sur son siège.

- Quelle mission ?

- Oh je suis persuadé qu’elle vous plaira. Je vous envoie sur le terrain !

La jeune fille se redressa, l’oreille tendue. Sortir de son bureau sombre, sortir de ses papiers juridiques ?

- Ne vous emballez pas trop non plus, ce n’est qu’une courte mission de scribe. Vous allez annoter tout un procès qui va avoir lieu la semaine prochaine. Pas d’inquiétude, vous seconderez un autre scribe, mais au cela vous permettra de diversifier vos occupations. Qu’en pensez-vous ? C'est sympa ça

- Quel genre de procès ?

- Je vous enverrai le dossier complet demain au plus tard, mais il s’agit de celui de Mme Carlotta Pinkstone, une militante qui plaide pour révéler l’existence des sorciers aux moldus. Elle a encore tenté de faire de la magie au cœur d’une soirée dansante il y a quelques mois. Pour tout vous dire, cela a été compliqué de faire oublier le champagne volant aux 350 invités…, termina Urquart en se grattant la tête. Enfin, vous verrez par vous-même lors du procès. Ca a l'air fun :lol:

Minerva hocha la tête. Effectivement, cela l’intéressait. Non seulement elle allait effectivement essayer quelque chose de nouveau, mais en plus elle pourrait étudier comment le Ministère approchait réellement le Secret International Magique.

Cette mission lui prouvait également que son supérieur lui faisait assez confiance pour l’envoyer sur le terrain, et il n’y avait rien de plus gratifiant.

Après le déjeuner en compagnie de Satya, Minerva s’était sentie beaucoup plus légère. Mme Marchbank l’avait félicitée de sa nouvelle mission et lui avait même offert un sourire approbateur. C’était comme si le monde lui disait que oui, bien sûr qu’elle arriverait à se trouver sa place au Ministère, qu’elle trouverait un emploi qui lui plairait grâce à ces missions, qu’elle se ferait des amis comme elle s’en était fait à Poudlard. Quand elle rentra chez elle, elle avait un réel sourire sur les lèvres, le cœur moins lourd, l’esprit plus serein.

Bonnie l’attendait avec une épaisse lettre dans son bec, et Minerva eut même un petit rire joyeux en voyant que c’était ses parents qui lui écrivaient. Les nouvelles étaient bonnes, Malcolm partait le lendemain pour Poudlard et Robert Jr lui faisait plein de bonjours.

« J’apprends à ton père à coudre et en échange il m’apprend les échecs. C’est très difficile pour nous deux, à vrai dire ! Je ne sais pas qui est le plus patient…

Bon courage pour ton travail,

Nous t’embrassons.

PS : il y avait cette lettre qui t’était destinée sur le pas de la porte, je te la transmets. »


Minerva fronça les sourcils. C’était donc pour cela que l’enveloppe était si épaisse. Mais qui pouvait bien lui envoyer des lettres ? Peut-être Pomona, qui n’avait pas encore reçu sa nouvelle adresse à Londres ?

Elle tira la seconde enveloppe et l’ouvrit. L’encre était bleu foncé, le papier beige et crémeux. L’écriture n’était pas celle de Pomona, ni de Filius. Elle était pointue, serrée, et c’était une écriture que la jeune fille connaissait très bien.

« Minerva, c’est moi, Dougal… »
CETTE FIN
Je m'empresserais bien de lire la suite mais c'est l'heure de dîner

J'aime beaucoup la façon dont tu approches cette vie, en montrant ses difficultés mais sans t'y appesantir non plus, et ça progresse vite ! J'étais contente de revoir Alan aussi
Et le procès, ça promet haha
Cazolie

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par Cazolie »

PtiteCitrouille a écrit : sam. 25 juin, 2022 4:02 pm Bonjour !
Bonnes vacances à ceux qui le sont, profitez-bien ! Cazo profite bien ! <3 T'es trop chou toi ! Courage à celles et ceux qui passent le grand oral!

Bonne lecture !

Chapitre 47 : Le fruit véreux
Dur pour Dougal

« Minerva, c'est moi, Dougal... »

Minerva lâcha la lettre. Immobile, elle la fixa, les jambes lourdes et le cœur battant plus vite. La boule au ventre dont elle avait espéré s'être débarrassée avec son départ pour Londres se forma à nouveau. Le silence autour d'elle semblait se demander quelle allait être sa prochaine action. Ouuh, j'aime cette phrase

Devait-elle brûler la lettre sans jamais la lire ? Prétendre qu'elle tournait la page pour de bon ? Qu'elle y parviendrait comme elle avait cru pouvoir le faire en changeant de ville ? NON PLEASE je veux savoir

Mais devait-elle la lire pour autant ? Risquer d'hésiter à nouveau ? Risquer de distinguer la peine de l'homme qu'elle aimait entre ces lignes ? Pire : y ressentir sa colère. Il aurait toutes ses raisons de lui en vouloir.

Elle se laissa glisser contre le mur, attrapa la lettre d'une main tremblante. Puis elle resta sans bouger, espérant trouver du courage, quoi qu'elle décide de faire.

Qu'y avait-il dedans ? Qu'écrivait-il ? Quelles avaient été ses émotions au moment de tenir la plume ? Que pensait-il d'elle à ce moment-là ? Toutes les réponses à ses questions se trouvaient dans les replis de ce papier et pourtant... n'avait-elle déjà pas assez souffert ? Mais aussi, s'il y épanchait sa colère, ne méritait-elle pas de l'écouter ? Elle qui était partie sans une explication, sans un dernier regard, qui avait ignoré son appel à l'instant où elle s'était assise dans le Magicobus, n'avait-elle pas le devoir de le laisser s'exprimer au moins par lettre ? Ne faisait-ce pas partie de sa punition ? Sa peur d'être blâmée par l'homme qu'elle aimait encore profondément n'était-elle pas égoïste ?

Cette lettre, elle n'avait d'autre choix que de la lire, pour Dougal.

« ...c'est moi, Dougal... »

Cette écriture fine, ces lettres serrées les unes contre les autres, à elles seules elles serrèrent le cœur de Minerva.

« J'espère plus que tout que tu vas bien. Les soirées à Caithness se rafraichissent. Là où tu te trouves, j'espère que tu prends soin de toi. »

Minerva étouffa un sanglot. A côté, elle entendit Satya claquer sa porte en rentrant chez elle.

« Je n'ai pas osé demander à tes parents ta nouvelle adresse. Tu as longtemps voulu garder notre relation secrète et seul le mariage pouvait te faire avouer. De plus, j'imagine que si tu l'avais voulu... tu me l'aurais donnée. C'pas faux Alors j'ai été lâche et, tôt ce matin, j'ai déposé cette lettre sur le pas de la porte de ta maison. Pardonne-moi. Pardonne-moi de ne pas te chercher plus que cela.

Pour tout te dire... j'ai toujours su où aller, quelle vie j'allais mener. Mon lopin de terre à cultiver, une femme à aimer et des enfants à chérir. Une vie simple, mais vécue avec passion. Vieillir avec toi.

Dis-moi, Minerva, je t'en prie, dis-moi : qu'ai-je fait que je n'aurais dû faire ? Oh non il me fait trop de peine Quels mots ai-je prononcés que je n'aurais pas dû dire ? Quelle part de moi n'a pas été à la hauteur ? »


- Oh Dougal, non...

Minerva sanglota dans sa manche, la gorge nouée et douloureuse. Devoir se retenir pour Satya lui était encore plus douloureux.

« Comment puis-je te faire revenir ? » aaaaargh, je connais ses raisons mais c'est duur c'est si dur

Pouvait-il la faire revenir ? Elle s'imagina annoncer sa démission à Elphinston Urquart, boucler une valise qu'elle venait de vider, quitter le Chemin de Traverse, quitter son appartement sordide pour le cocon que Dougal leur avait prévus...

« Ton cœur a-t-il assez de sentiments envers moi pour me rejoindre ?

Je t'attendrai. Je patienterai jusqu'à ton retour, ou jusqu'à ce que tu m'annonces que tout est fini. Alors, à ce moment-là, je te laisserais partir. »
WELP ça s'annonce bien tout ça

Minerva hoqueta. Jamais elle ne se sentirait capable de lui mentir sur ce qu'elle ressentait pour lui. Elle lui avait caché de nombreuses vérités, mais elle ne se laisserait pas à tirer un trait sur la seule chose dont elle était certaine à ce moment de sa vie. Comment le pouvait-elle, alors que sa vie de sorcière lui avait arraché son amour moldu ?

Elle aurait finalement préféré qu'il crie, qu'il proteste, qu'il se mette en colère contre elle. Elle aurait aimé qu'il lui tourne le dos, qu'il lui détruise et lui brûle le cœur pour que chacun de ses sentiments deviennent des cendres.

« Dis-moi que tu vas bien, si tu es heureuse. Dis-moi que la décision que tu as prise en valait la peine, que cette vie choisie est celle qui te convient. Si tu décides de ne pas me revenir, au moins serais-je moins malheureux de te savoir sereine et apaisée là où tu es.

Je t'aime. »
nooooooooooooooooooon

Elle enfouit son visage dans ses bras et sanglota longuement. Tout à l'heure, elle irait dans son lit, probablement sans manger parce qu'incapable d'avaler quoique ce soit, resterait allongée, les yeux ouverts. Pleurerait encore un peu, tentant d'étouffer ses hoquets pour ne pas attirer la curiosité de Satya à côté et finirait par s'endormir au bout de plusieurs heures. Le réveil serait difficile, ses yeux seraient rouges et gonflés. Elle aurait la gorge trop nouée pour déglutir et partirait l'estomac et le cœur vides au travail.

***


Et ce fut ce qu'il se passa les quelques mois qui suivirent. Chaque lettre de Dougal la jetait au bord du précipice Ah parce qu'il continue ???. Chaque sanglot l'épuisait émotionnellement. Elle était fatiguée. Elle avait le cœur arraché. Comment parvenait-elle à vivre, elle ne savait pas. Comment pouvait-elle respirer alors qu'elle ne le voulait pas ? Un million de larmes ne le ramènerait pas ; elle avait assez pleuré pour savoir cela. Il avait été l'amour de sa vie, elle le savait. Elle l'avait quitté à tout jamais. Et son cœur ne l'acceptait pas.

Elle s'était jetée corps et âme dans le travail, qui lui permettait de ne pas sombrer. Elle avait une masse considérable de dossiers à traiter, de livres et articles à lire pour comprendre tous les secrets du droit magique. Celui de Carlotta Pinkstone lui avait été assigné en priorité, car Minerva avait démontré un profond intérêt pour ce cas juridique, sans trop savoir où se positionner.

Carlotta Pinkstone, sorcière d'une trentaine d'années et militante pour la suppression du Code international Magique, sortait d'une cinquième incarcération pour avoir fait usage de la magie devant des moldus. Si à sa première rencontre avec l'inculpée celle-ci avait envoyé des coupes de champagnes en l'air, cette fois-ci, elle avait décidé de reconstruire la maison d'un vieil homme qui s'était effondrée sous un incendie. Elle avait été rattrapée alors qu'elle se baladait avec une pancarte « non à l'étouffement de la magie ». Elle a l'air fun :lol:

Minerva se rendait une nouvelle fois à son procès en tant que greffière, mais seule cette fois-ci. L'entrée de la salle de procès se trouvait en haut, car la pièce se composait d'un atrium descendant, les bancs beige clair des juges surplombant le siège de fer où s'asseyait l'accusé.

Minerva s'installa la première, préparant sa plume, son encre et ses parchemins, tendant l'oreille pour essayer de capter quelques morceaux de conversation. Les juges avaient tendance à ignorer les scribes, encore plus les jeunes femmes nouvelles.

- Elle me fatigue, la Pinkstone, soufflait l'un d'entre eux. Elle ne se rend pas compte du temps que ça prend d'oublietter tout le monde ? C'est sûr que vu comme ça

- Tu crois qu'elle va encore finir à Azkaban ? ça paraît tellement drastique, comme on en avait parlé avec les filles pour je ne sais plus quel cas

- Bien entendu, Maître Tyrell. Cette fois n'est pas différente de la précédente. Même si nous savons très bien ce qu'il va se passer.

Minerva surprit le regard entendu que le premier juge lançait à son collègue. Celui-ci fit une moue lasse et s'installa en grimaçant contre ses vieux os.

-Encore Pinkstone ! Elle veut peut-être un abonnement à Azkaban ? Pour deux passages récoltés, un passage offert ?

Ce vieux juge fit rire grassement les autres aux alentours. L'un d'entre eux regarda sa montre à gousset.

- Au moins, nous serons probablement sortis pour l'heure du dîner. J'espère que le repas sera prêt.

- Voyons, Maître Bells, quand même...

Minerva leva les yeux de ses genoux et croisa le regard de Marchbank, plus loin, qui arrivait dans la salle et descendait les marches. Quelques hommes se retournèrent.

- Ah, Griselda, vous voilà ! Venez donc vous asseoir, vous seriez presque en retard, dites-moi ?

Marchbank s'immobilisa et lui jeta un bref coup d'œil.

-Pour vous, ce sera Maître Marchbank je vous prie. ALLEZ BIM

- Allons, voyons, Maître, c'est pour les hommes, répliqua le juge d'un ton taquin. Maîtresse, peut-être... ? SCUSE MOI

Les juges hurlèrent de rire en roulant exagérément des yeux. Minerva serra les poings sur ses cuisses.

- Messieurs, je vous demanderais de vous tenir convenablement, répliqua Marchbank, nous sommes en présence de la greffière. Tellement de classe, Griselda

Les oreilles de Minerva tintèrent. Elle leva les yeux et découvrit la plupart des juges le regard vissé sur elle. Elle attrapa sa plume et la trempa dans son encre avant d'aplatir son parchemin. Si Griselda l'avait mentionnée, ce n'était pas pour rien.

Le juge responsable des remarques précédentes plissa les yeux.

- Elle n'est pas autorisée à écrire quoique ce soit tant que le procès n'a pas commencé. Et en aucun cas ne doit-elle être influencée lors de l'écriture. J'imagine qu'elle connaît son travail ?

- La greffière est autorisée à inscrire des annotations en marge en amont du procès, tout ce qui lui semble utile. Je peux vous assurer qu'elle connaît bien son travail.

Marchbank offrit un dernier sourire avant de s'installer à l'opposé du juge. Poueheheheh BIM

- Humpf, nous devrions être autorisés à relire ses notes, continua tout de même le juge en ramenant ses cheveux blancs derrière l'oreille. Elle vient d'être diplômée et elle est greffière ?

Minerva ne répondit pas. Elle n'avait pas l'habitude de s'écraser, mais tous ces juges l'intimidaient, d'autant plus qu'elle ne se sentait effectivement pas légitime d'être greffière. Marchbank vint à nouveau à la rescousse.

- La retranscription est vérifiée par Monsieur le Ministre. Je considère cela suffisant. Oui, a priori

Minerva ne broncha pas. Marchbank utilisait le pouvoir juridique du Ministre quand cela lui chantait et quand cela l'arrangeait. Elle était une des premières à trouver abusive la présence de l'exécutif au sein du législatif, et Minerva ne pouvait qu'être d'accord. Quant aux annotations... il était vrai qu'elle avait le droit de donner des remarques, ce qui n'était pas considéré comme de l'impartialité selon elle en effet pouahhahah. Ce qu'elle avait compris grâce aux quatre derniers mois au sein du Ministère, c'était que les vertueux usaient de bassesse quand cela leur allait, et que les véreux invoquaient l'intégrité quand cela leur chantait.

La Ministre de la Magie, Wilhelmina Tuft, fit son entrée. C'était une petite femme aux cheveux bruns bouclés et courts. Son franc parler, sa clarté et les quelques dernières années de prospérité lui avaient permis une réélection au poste bien qu'avec qu'une très courte avance face son adversaire. Minerva se demanda comment les juges percevaient cette femme à leur tête Oui c'est ce que j'étais en train de me dire haha. Sûrement, devaient-ils avoir du mal à s'endormir le soir.

- Bien, soupira la ministre en chaussant des lunettes rondes, faites entrer l'accusée.

Carlotta Pinkstone apparut encadrée de deux sorciers. La première fois, Minerva s'était attendue à apercevoir une femme fatiguée, les pieds traînants, les cheveux décoiffés par les geôles du Ministère. Celles-ci ne servaient qu'à enfermer les présumés coupables avant leur procès, et elles avaient beau se trouver au Ministère, elles n'étaient pas plaisantes à voir. Minerva y était allée une fois, accompagnée de Urquart, et l'entrée était strictement limitée aux membres du personnel, cachée à la vue de tous.

Mais Pinkstone, qui en était déjà à sa quatrième incarcération, était arrivée toute pimpante, ses cheveux noir brillant, savamment tressés sur son crâne, des yeux aussi verts que ceux de Minerva luisant de malice, la démarche à la fois sarcastique, hautaine et fière. Avec grâce, elle s'était installée sur le siège de l'accusée, comme si elle s'asseyait autour d'un bon dîner. Poueheheheh j'étais sûre qu'elle allait être fun

Elle ne dérogea pas à la règle ce jour-ci, et prit même la peine de saluer les deux sorciers qui l'escortaient jusqu'au siège. Minerva entendit quelques soupirs parmi les juges et elle se retrouva contrainte de dissimuler un sourire. Elle attrapa sa plume et se prépara à écrire.

- Bon, qui commence ? Vous, moi... ?

- Madame Pinkstone ! réprimanda la Ministre en frappant déjà du marteau dans son socle.

Pinkstone eut le bon goût de sceller ses lèvres. La Ministre retint un autre soupir et frappa à nouveau du marteau.

-Je déclare la session ouverte. Maître Flint, c'est à vous.

Maître Flint, c'était le juge aux réflexions malvenues. C'était toujours lui que Minerva avait vu présider sur cette affaire pour laquelle il avait apparemment insisté. Minerva ne le trouvait guère impartial, mais que pouvait-elle y faire ?

- Bien, Madame Pinkstone. Disposez-vous d'un représentant parlant en votre nom ?

- Non.

- Bien. Madame Pinkstone, vous avez été amenée ici devant le Magenmagot pour répondre d'accusations relatives à l'usage de la magie en présence de moldus, niez-vous les faits ?

- Hum, non.

- Vous n'avez aucunement essayé de cacher vos sorts aux yeux des moldus, niez-le-vous ?

- Bien sûr que non. Pouahahahahah

Minerva continua à écrire mollement. Le procès se déroulait de la même manière que la dernière fois. Pinkstone acquiesçait toujours aux questions car elle paraissait fière de ces actions. Toujours accusée et inculpée, elle semblait attendre sa punition comme on attendait que le café finisse de couler dans la cafetière. Tu me tues avec tes comparaisons :lol:

- Madame Pinkstone, j'ose espérer que vous êtes au courant de ce que dit la loi ? Il est interdit, et ce pour la protection de notre communauté, de révéler la magie aux yeux des moldus.

- Je suis au courant, répondit jovialement Carlotta. Vous croyiez que j'avais mis un slogan au hasard sur mon écriteau ? Nan mais elle me tue :lol:

- Mme Pinkstone ! intervint la ministre en tapant du poing. En oubliettant votre méfait, nous avons dû oublietter le reste de la région pour pas qu'ils se demandent comment une maison a pu se reconstruire toute seule !

- Peut-être auriez-vous dû détruire la maison alors ... ?

Minerva s'empêcha de réagir. Elle était déchirée. Pinkstone se mettait en danger et mettait effectivement la communauté sorcière en danger en utilisant la magie comme bon lui semblait. Les moldus pourraient prendre peur ou s'imaginer les mauvaises choses. Mais d'un autre côté, Minerva avait doublement souffert de ce secret magique. En outre, parler d'un méfait pour mentionner la réparation d'une maison détruite par le feu lui semblait incongru.

- Le Magenmagot va délibérer, annonça finalement la ministre. Emmenez-la. Tain c'était court comme procès :lol:

Pinkstone fut écartée de la salle et la porte se referma sur son dos de futur convict.

- Bien, à nouveau, délibérons du cas Pinkstone, fit Flint. C'est son sixième procès pour la même mise en accusation. Je demande une peine plus lourde.

Les juges présents se trémoussèrent, mal à l'aise. Minerva avait déjà remarqué cette réaction la dernière fois. Flint, déjà procureur de l'affaire avait tempêté contre les cent gallions d'amende et deux mois de prison, jugeant que ce n'était pas suffisant. A raison, puisque Pinkstone avait recommencé peu de temps après.

Mais la ministre détourna le regard de celui insistant de Flint. C'était une chose que Minerva avait du mal à saisir : dans les livres qu'elle avait lus, la Ministre n'avait pas tous les pouvoirs au Magenmagot. De par sa fonction, le ou la ministre disposait d'un siège dans ce cercle juridique, en plus de choisir les juges en place, ce qui perturbait Minerva. Elle avait bien remarqué que c'était toujours les mêmes qui osaient se manifester lors de graves procès, et toujours les mêmes autres qui préféraient taire leur opposition à la ministre pour éviter un licenciement immédiat. Tellement de choses qui ne vony pas dans ce système

De ce que Minerva avait compris, les quatre premiers jugements, traités comme des sujets banals, avaient eu lieu devant Flint seulement, car il était le directeur du département de la Justice. Ainsi, en tant que directeur du département de la Justice et donc officiellement Ministère-juge, il jugeait à lui tout seul les délits et crimes mineurs et devait obligatoirement se référer aux directeurs des départements concernés par le délit avant de prononcer la sentence. Excédé de la voir continuellement, il avait obtenu de transférer Pinkstone devant le Magenmagot, soit rendant les actes de sorcellerie devant moldus à un stade plus grave. Avec Pinkstone, il s'était retrouvé pieds et mains liés car elle était jugée dans le cadre d'usage de la sorcellerie en présence de moldu, soit le domaine du département des accidents et catastrophes magiques. Ainsi, après le procès, Flint était en devoir de se soumettre à la décision finale du chef de département concerné par l'accusation. Or, le département des accidents et catastrophes magiques était dirigé par la mère de Carlotta Pinkstone. AH
AAAAAAAAAAAAAAAH


En passant par le Magenmagot, Flint espérait probablement se glisser entre les mailles du filet. Si la dernière fois la peine n'avait pas été assez lourde selon lui, il devait probablement compter sur la récidive de l'acte pour forcer la main aux juges. Mais encore une fois, la ministre paraissait frileuse.

- Devrions-nous attendre que notre existence soit révélée aux moldus ? s'exclama Flint. Déjà deux fois que nous la traînons ici, n'est-ce pas suffisant ?

- Justement, sa mère n'est guère contente, souffla la ministre. Elle menace d'arrêter tout sortilège de dissimulation des institutions magiques si nous augmentons la peine... Quoi mais elle a méfu la mère

Flint fit un geste vulgaire du bras, récoltant un regard réprobateur de la part de Marchbank.

- Il serait peut-être temps de vous débarrasser d'elle alors, répliqua-t-il fielleusement. Vous êtes la ministre !

- Et il serait bien convenable que vous lui parliez comme telle, intervint Marchbank. Allez étudier le dossier de votre cliente Madame Pinkstone avant d'émettre de telle proposition, et vous verrez que tout est moins facile que cela en a l'air. Je propose la même sentence que la dernière fois, soit une amende de cent gallions à paiement immédiat, ainsi que deux mois à la prison Azkaban, sous-sol 8.

- Sous-sol 8 ? répéta Flint. Autant la mettre dans les cachots de Poudlard, elle s'y sentira plus punie !

Marchbank plissa les yeux.

- Votre humanisme me sidère, Maître Flint. Vous souhaitez qu'elle ressorte d'Azkaban encore plus folle qu'avant d'y entrer ?

D'autres remous se firent entendre dans la salle. Un autre aspect que Minerva avait remarqué : on ne parlait pas des effets psychologiques d'Azkaban au département de la Justice, même si c'était lui qui y envoyait les coupables. C'était tabou. Peut-être que cela aidait les employés à se sentir mieux avant de s'endormir.

- Qui pour cette décision ? demanda la ministre en levant la main.

La grande majorité fit de même, ainsi que Marchbank, et la sentence fut annoncée quelques minutes plus tard à l'inculpée. Flint, furieux, se leva dans sa robe pourpre marquée du M du Magenmagot et se tourna vers Marchbank :

- A vous de gérer la procédure administrative puisque vous semblez apprécier cette affaire. Emmenez donc votre stagiaire, cela lui fera de l'expérience.

Minerva mit du temps avant de réaliser qu'il parlait d'elle, et avant qu'elle puisse lui lancer un regard indigné, il avait déjà parcouru la moitié de l'hémicycle.

Marchbank fit signe à Minerva de la suivre et elles descendirent toutes les deux à la suite d'une Pinkstone aux mains liées et des deux gardes sorciers. Carlotta regarda Minerva d'un air curieux, se demandant sûrement ce qu'une jeune fille comme elle faisait au sein de l'hémicycle. Minerva lui rendit son regard. Elle avait le nez tordu ; ce qui était raconté au sein du Ministère, c'était qu'un Auror lui avait un jour cassé l'arête du nez en essayant de la rattraper alors qu'elle courait devant le British Museum en animant les animaux empaillés de la galerie. Cela avait provoqué un sacré cirque et trois brigades d'Oubliators. La ministre avait reçu une lettre véhémente de la part du Premier Ministre britannique, aussi, Minerva ne comprenait pas pourquoi effectivement, la mère de Carlotta n'était pas démise de ses fonctions et pouvait maintenir une pression sur l'une des femmes les plus puissantes de la communauté magique. J'adore cette histoire mais sinon, c'est sûr que c'est chelou pour la mère

Marchbank ne prononça pas un mot et indiqua aux deux gardes qu'ils pouvaient partir. Les trois femmes longèrent un long couloir sombre, dallé de toute part. Il y faisait froid et Minerva se concentra sur la nuque de Pinkstone pour éviter de penser au lourd silence qui régnait, rompu seulement par leurs pas sur le sol glacial. Elles atteignirent un ascenseur, simple cage de fer et réservé qu'aux sous-sols destinés aux procès. Marchbank appuya sur le bouton « -15 » et les grilles se refermèrent dans un grincement.

Minerva, au fond de l'ascenseur, observa discrètement Pinkstone. Celle-ci semblait bien trop apaisée pour quelqu'un qui se rendait à Azkaban pour la deuxième fois. Carlotta fit mine de fouiller dans ses poches et redressa une tête désolée :

- Mince, je n'ai pas cent gallions sur moi... Vous ne m'en tiendrez pas rigueur pour le moment ?

Marchbank pinça les lèvres.

- Madame Pinkstone, je ne vous tiens pas en si mauvaise estime malgré vos récurrents passages chez nous, mais votre malice m'agace profondément.

Minerva retint un sourire, remarqué par Pinkstone. La jeune fille détourna le regard.

- Alors comme ça le Ministère prend des stagiaires ? fit Pinkstone en croisant les bras.

Elle planta son regard dans celui de Minerva qui jeta un coup d'œil à sa tutrice. Celle-ci ne bronchant pas, elle songea qu'il lui était possible de répondre.

- Je ne suis pas stagiaire, je travaille ici.

Pinkstone fit une mine désolée.

- Oh, que c'est triste.

- Pinkstone, soupira Marchbank.

L'inculpée ouvrit ses grands yeux, qui semblaient avoir perdu en éclat et prenait une teinte plus sombre. Minerva tiqua. Pinkstone avait dû faire preuve d'un sortilège pour changer la couleur de ses yeux, car le vert ressortait drôlement sur sa peau mate. Elle remarqua sa réaction.

- Ah, tu serais bien gentille de me remettre des yeux verts, je te prie, pour mon entrée à Azkaban.

- Hors de question, refusa Marchbank. Nous sommes arrivées.

L'ascenseur s'ouvrit sur un autre couloir un peu plus éclairé mais qui ne donnait que sur une unique pièce ouverte et un âtre de cheminée sans cendre, sans flamme, juste fermée par une herse. Oooooooooooooh je me demandais ce qu'elles fabriquaient
Serait-ce plus sécur que les calèches volantes haha ?


- Attendez ici, ordonna Marchbank avant d'entrer dans l'unique pièce et de refermer à moitié la porte derrière elle.

Minerva, mal à l'aise, mit la main dans sa poche, où elle tâta sa baguette. Puis elle se sentit ridicule. Pinkstone avait juste enfreint le Code international magique, pas assassiné quelqu'un.

Pinkstone bailla ouvertement et s'étira. Abasourdie, Minerva finit par demander :

- Ça ne vous fait rien d'y retourner ?

Carlotta parut surprise qu'elle lui adresse la parole.

- Ce ne sont que deux mois, voyons.

- Deux mois à Azkaban, ajouta Minerva tout en frissonnant.

Carlotta rit légèrement :

-Vous croyez qu'ils vont me mettre des détraqueurs devant ma cellule ? Le sous-sol 8, c'est pour les crimes mineurs, c'est une prison comme une autre. Certes, l'endroit n'est pas joyeux mais cela me donnera du temps pour préparer un nouveau coup.

Minerva papillonna des yeux.

-Vous allez continuer ?

- Bien sûr.

- Et vous me le dites ?

- Qu'est-ce que vous allez bien pouvoir me faire ? rit Pinkstone. Pas faux

Minerva se sentit un peu vexée, mais son interlocutrice n'avait pas forcément tort. Elle haussa les épaules et retomba dans le silence.

Pinkstone s'approcha d'elle d'une démarche taquine et se positionna à côté. Minerva se décala légèrement mais Pinkstone la suivit, alors Minerva lâcha l'affaire, comme à peu près tout le monde au sein de l'hémicycle. Il y avait quelque chose chez Pinkstone qui l'amusait, au fond.

- Pourquoi vous faites cela ? demanda-t-elle, incapable de ne pas satisfaire sa curiosité.

- Pourquoi ne pas le faire ? répliqua Carlotta.

- Cela ne répond pas à ma question.

- Je crois que si. Pourquoi ne pas normaliser nos relations avec les moldus ? Le dernier barrage pour les sorciers et sorcières comme vous, c'est la peur de l'Autre.

- Ne me mettez pas dans le même panier que Maître Flint. Mon père moldu connaît l'existence de la magie et mon... AH T.T

Elle s'arrêta. Son quoi ? Son voisin ? Son ex-fiancé ? Elle détourna le regard et Pinkstone prit un air curieux.

- Tiens donc ? Et comment cela s'est passé avec votre père ?

- Mal, répondit Minerva sans savoir pourquoi elle lui avouait cela. Parce qu'il l'a découvert de manière violente, un peu comme vous quand vous forcez la magie dans la vie de moldus qui ne sont pas prêts à la recevoir. HABIIIIIIIILE elle est si maligne cette Minerva

Pinkstone se renfrogna.

- Je fais tout cela pour notre communauté, vous savez. Les sorciers sont destinés à disparaître si nous ne mélangeons pas les sangs. Une grande majorité d'entre nous est de sang-mêlé. Mon père est né-moldu et noir, ma mère est sorcière et blanche. Le monde n'a pas explosé, si ?

Minerva haussa les épaules. Selon elle, il y avait des manières de faire. Tout aurait été plus simple pour sa mère, pour son père et pour elle-même si les moldus et les sorciers vivaient en cohésion. Mais certains des actes de Pinkstone auraient pu mener à des mouvements de panique. En outre, cela banalisait l'usage du sortilège d'Oubliettes Et ça c'est sûr que ça craint. Elle s'imagina en tant que moldu et avoir constamment des sorciers décider d'effacer la mémoire d'autrui voire la sienne, et cela la révolta.

-Un jour vous finirez à Azkaban pour plusieurs années, fit Minerva.

- Oh, une menace ?

Minerva secoua la tête. Elle n'aimait pas les manières d'agir de Pinkstone, mais au fond de son cœur, elle adhérait à cette idée de monde où les deux communautés cohabitaient. Deux forces radicales se trouvaient déjà sur le terrain, incarnées d'un côté par Flint, de l'autre par Pinkstone. Pour trouver un équilibre, ces deux forces étaient nécessaires. Mais qui auraient le courage de mener un combat aussi long, fastidieux et rejeté par la majorité ?

- Je ne risque rien, vous savez, continua Pinkstone.

- Parce que votre mère est cheffe du département des accidents et catastrophes magiques ?

Pinkstone fit un clin d'œil.

- Et je suis la seule petite fille du Mugwump Suprême de la Confédération Internationale. Le quoi :lol:

Minerva écarquilla des yeux. Le Mugwump était le dirigeant de la Confédération, choisi tous les 6 ans. Mais d'où ils ont sorti ce nom :lol: C'était cette confédération qui avait instauré le Code International magique en 1692, demandant à chaque Ministère de décider par eux-mêmes de la façon dont ils souhaitaient dissimuler leur communauté magique aux yeux des moldus. Si la mère de Pinkstone décidait de révéler les institutions telles que le Ministère, Poudlard ou encore le chemin de Traverse, la Confédération imposerait de sanctions immensément lourdes au Ministère britannique. Pas étonnant que la ministre Tuft ait plaidé pour une sanction légère.

- C'est du chantage, releva Minerva.

Pinkstone sourit.

-Bien sûr. Vous comprendrez rapidement que la Confédération, le Ministère... tous sont corrompus jusqu'à la moelle. Si vous voulez rester ici, adhérez-y, ou utilisez-le pour votre propre intérêt. AH nous y voilà

- C'est ce que vous avez décidé de faire.

Marchbank apparut à nouveau, un dossier dans les mains. Minerva se demanda si elle avait entendu toute la conversation. Si c'était le cas, elle n'avait pas tenté de les faire taire.

- Allons-y. Minerva, tu peux retourner dans le bureau. Je te remercie.

Minerva acquiesça et jeta un coup d'œil à Pinkstone qui haussa un sourcil.

- A vous de choisir ce que vous préférez faire... Minerva.

Et elle lui tourna le dos et suivit docilement Marchbank. Minerva l'observa un instant avant de sortir sa baguette et de la pointer sur elle. Carlotta eut un mouvement de surprise en sentant le sortilège l'atteindre et elle tourna la tête un instant. Son œil à nouveau vert étincelant lui fit un dernier clin d'œil avant qu'elle ne se positionne avec Marchbank derrière la herse qui s'abattit devant elles. Elles disparurent sans un bruit et Minerva se retrouva seule, dans un couloir froid du Ministère.
J'aime troooooooooop que tu explores uatant en détail le fonctionnement et les dessous du ministère ! Y a rien qui va dans cette affaire, et ça se voit dans les HP déjà. J'ai pas été déçue par Carlotta, merci :lol:
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Oh well
J'ai totalement zappé de poster ces dernières semaines sur BN oups, désolée hahaha


Chapitre 48 : Un retour doux-amer

Cela faisait deux semaines que Carlotta Pinkstone était en prison, et il en avait fallu bien moins pour que le procès disparaisse de l’esprit des juges.

- Vous vous attardez trop sur les affaires, remarqua Marchbank alors que Minerva avait le regard vide, tournant sa plume entre ses doigts. On analyse, on juge et on passe à la suivante. Même si vous êtes scribe, ne cherchez pas à personnaliser chaque procès, vous ne vous en sortirez jamais sinon.
- Mais ce n’est pas très… humain, si ?
- Minerva… Être humain en justice, c’est accepter les circonstances atténuantes lors d’un procès et les mettre en place. Nous appliquons la loi et c’est tout.

Minerva retint une réflexion. Pinkstone avait parlé d’un Ministère corrompu et Minerva avait pu noter à différents moments comment cette corruption se manifestait. Pour Pinkstone, cela lui avait été favorable, pour d’autres… Cet usage du chantage était si normalisé au sein de l’institution, que même Marchbank en utilisait. Pas à des fins malveillantes, certes, mais elle n’hésitait pas.

- M. Urquart voulait vous parler au fait. Il doit être dans son bureau.

Minerva acquiesça et déposa sa plume. De toute façon, elle n’avançait à rien aujourd’hui. Elle se rendit donc dans le bureau d’Urquart, se demandant ce qu’il lui voulait. Il était l’une des rares personnes qu’elle appréciait dans son département, l’autre étant Marchbank.
Comme d’habitude, il l’accueillit avec son sourire aimable, se levant à son approche et l’enjoignant à s’installer devant elle. Il prépara un peu de thé sur la console à côté du bureau.

- Du sucre ?

Minerva refusa puis le remercia en prenant la tasse.

- Comment allez-vous ?

Il commençait toujours ses entretiens par cette question. Elle se demanda s’il était évident de voir que son esprit mental était coincé dans des montagnes russes, tantôt rassuré, tantôt angoissé.

- Je vais bien, merci, répondit-elle par réflexe.

Elphinston hocha la tête, même s’il paraissait ne pas vraiment la croire.

- Maître Marchbank m’a signalé que vous aviez fait de l’excellent boulot avec le cas Pinkstone.
- Oh, ce n’était pas grand-chose, fit Minerva en rougissant.
- Acceptez donc la reconnaissance du travail bien réalisé, je vous en prie.

Les mots de son supérieur firent écho à ceux de Lewis, à ce qui lui semblait être des années auparavant. Il terminait Poudlard cette année. Elle se demanda s’il avait abandonné sa quête pour rendre justice à son frère, ce qu’il avait prévu après avoir quitté l’école…

- Mademoiselle ?

Minerva sursauta, puis hocha la tête.

- Oui, pardon. Je vous remercie, je fais du mieux que je peux.
- Vous faites un très bon travail, vous êtes efficace. Si vous le souhaitez, je peux vous donner plus de mission en tant que scribe.

Madame Marchbank aura toujours besoin de votre aide par moment, mais je peux déduire de votre mission à ses côtés pour vous donner plus de procès à rédiger. Qu’en pensez-vous ?

- Une sorte de… promotion ? s’enquit Minerva.

Elphinston acquiesça.

- Tout à fait.

Minerva réfléchit un instant. Scribe n’était pas le poste qui la faisait particulièrement rêver mais au moins aurait-elle un vrai intitulé, et peut-être que ses collègues arrêteraient de l’appeler « la stagiaire ». En plus, la promotion s’accompagnerait très probablement d’une augmentation de salaire et représenterait un premier échelon gravi au sein du Ministère. Et, sans oser l’énoncer à haute voix, cela lui donnait l’illusion que, si elle était capable de monter dans la hiérarchie aussi rapidement, cela signifiait sûrement qu’à force de dur labeur, elle trouverait ses marques et sa place au Ministère.
C’est pourquoi il lui fut facile d’accepter la proposition, à la grande satisfaction d’Elphinston.

- C’est parfait alors. Vous resterez sous mes ordres concernant votre poste d’assistante, mais pour votre rôle de scribe, il faudra vous en remettre à Maître Reckter, c’est lui qui vous fera signer votre contrat. Il vous contactera pour un rendez-vous. Il faudra attendre la nouvelle année avant de prendre vos nouvelles fonctions.

Minerva acquiesça et but une gorgée de son thé.

- En parlant de nouvelle année, continua Urquart, j’ai noté que vous n’aviez pas encore posé de jour pour les fêtes ? Ne tardez pas trop, il faut que je puisse vous les valider.

Elle posa la tasse dans sa coupelle. Les fêtes. C’était la raison pour laquelle elle n’avait pas été efficace aujourd’hui. La veille, elle avait reçu une nouvelle lettre de ses parents qui lui demandaient quand est-ce qu’elle comptait rentrer pour Noël. Ils espéraient qu’elle viendrait les voir dès le 24 décembre, et cela terrifiait Minerva. Elle savait qu’avec son poste d’assistante elle obtiendrait le 25 férié ; Marchbank par exemple, devait travailler ce jour-là. Cela ne lui posait pas de problème, car son mari était décédé depuis bien longtemps et elle n’avait jamais souhaité avoir d’enfants. Un avis qui lui avait valu plusieurs remarques de la part de ses collègues d’ailleurs.
Bref, Minerva craignait de rentrer le 25 : la perspective de croiser Dougal la terrifiait au plus haut point et rien qu’à cette idée, elle sentait ses genoux faiblir. Alors elle souhaitait à tout prix éviter d’y ajouter un jour de plus.

-Cela ira, je vous remercie.

Elphinston tiqua. Tous les autres assistants s’étaient précipités chez lui pour poser leurs jours et voir leur famille. Il soupira.

- Je n’insisterai pas, bien sûr, mais légalement vous devez prendre un minimum de trois jours avant la fin de l’année. Vous n’en n’avez pris aucun depuis le début de votre contrat. Revenez me voir lorsque vous aurez choisi vos dates.

Minerva murmura son assentiment et prit ses paroles comme une invitation à pouvoir quitter le bureau.

- Minerva, la rappela Elphinston d’un ton soucieux.

Elle se retourna, interloquée qu’il l’appelle par son prénom. Son front était plissé, ses sourcils froncés. Il se frotta la tempe et demanda :

- Minerva, vous êtes certaine que tout va bien ?

***


Elle avait bien posé ses trois jours obligatoires, à des endroits aléatoires. Elphinston avait eu la délicatesse de ne pas poser plus de questions et avait accepté la demande. Minerva avait finalement choisi de poser tout de même son 24, sans qu’elle ne prévoit de se rendre à Caithness le soir. Elle irait dans la soirée, afin de limiter ses chances de croiser Dougal. Elle avait besoin de revoir sa famille, de retrouver un semblant de nostalgie de son ancienne vie, dormir dans son ancien lit, manger un vrai repas…
Satya ne célébrait pas Noël, alors elle avait décidé de travailler ; elle disait en être ravie, car la plupart des « vieux croûtons racistes » ne seraient pas présents ce jour-là.
Le 24, Minerva avait fait sa malle et avait patiemment attendu que le soleil se couche. Sous les coups de dix-huit heures, elle salua Satya et transplana à quelques centaines de mètres de la maison familiale. Elle craignait d’apparaître sur le perron et que par malheur Dougal soit dans les parages.
Il faisait très sombre sur le chemin, et seul un lampadaire se trouvait là, maigre halo de lumière dans l’obscurité. Il faisait très froid et d’ici quelques jours, tomberaient sûrement les premières neiges. Minerva pouvait apercevoir les lumières du salon de la maison, ainsi que la grande silhouette de son père. Elle s’arrêta un instant et l’observa. Il dressait la table, cinq couverts, comme avant. Elle le vit jeter un coup d’œil à sa montre, puis se rendre à la fenêtre. Il mit ses mains en cercle autour de ses yeux. Minerva leva le bras et l’agita. Robert Sr se redressa vivement et il s’agita en direction de la cuisine, semblant crier à sa femme. Minerva laissa échapper un rire dans la nuit, le premier depuis bien longtemps.
Elle s’avança et, alors qu’elle arrivait presque au perron, la porte d’entrée s’ouvrit. Robert Sr, d’habitude si calme et réservé, sortit en pantoufle dans le froid et s’empressa de la rejoindre, un immense sourire aux lèvres.

- Oh ma grande fille ! s’exclama-t-il en l’enveloppant dans son étreinte douce.
- Papa, tu vas attraper froid, dit-elle le nez dans son épaule.

Il enveloppa son bras autour du sien et l’entraîna dans la maison, ne la lâchant pas du regard. Isobel attendait dans l’entrée, un plaid sur ses épaules.
Elle sourit et l’embrassa.

- Comment vas-tu ? Tu as maigri.

Minerva ne trouvait pas qu’elle avait maigri ; elle mangeait à sa faim, ou peut-être s’était-elle juste habituée à moins manger.

- Tu devrais rentrer plus souvent, lui reprocha son père, tu manques à tout le monde. Les voisins ont été surpris de ton départ soudain, tu sais.

Minerva se figea un instant alors qu’elle enlevait son manteau. Sans regarder ses parents, elle demanda :

- Ils ont dit quelque chose ?

Robert Sr haussa les épaules.

- Pas vraiment, ils nous ont invités il y a plusieurs semaines et étaient curieux. Leur fils était absent, apparemment il était bizarre depuis un moment.

Minerva se fit muette et enleva ses chaussures. Robert Sr s’en alla pour la cuisine tandis qu’Isobel continuait de fixer sa fille.

- C’est comment le Ministère ? s’enquit-elle.
- C’est… grand, répondit Minerva sans trop savoir quoi dire exactement. Les gens travaillent dur.

A corrompre et être corrompus semblerait-il, songea-t-elle pour elle-même.

- Tes collègues sont gentils ?

Minerva hocha la tête, tout en pensant aux trois seules personnes qu’elle appréciait : Urquart, Marchbank et Satya. Cela faisait peu, mais au moins avait-elle des noms pour faire croire qu’elle appréciait son entourage professionnel.
Des pas résonnèrent dans les escaliers et Malcolm apparut.

- Salut, l’affreuse.
- Affreux toi-même, répliqua nonchalamment sa sœur.
- Vous deux, franchement, soupira Isobel sans mettre trop de cœur au reproche.
- Alors ça y est, tu te balades en tailleur toute la journée et tu vas en réunion top secrète avec la ministre ?

Il lui donna un petit coup de poing sur l’épaule.

- Tu serais déçu si ce n’était pas le cas ? répondit Minerva en lui rendant la pareille.
- Non, ça me rassurerait. Comment tu peux rester assise à un bureau toute la journée, ça, ça me dépasse.

Elle aussi, cela la dépassait, mais elle ne dit rien.

- Je vais voir Robert, annonça-t-elle pour échapper aux autres questions.

Toujours dissimulé dans sa chambre, Robert Jr n’avait pas bougé de sa cabane, réalisée avec des draps et une couette. Tête baissée sur un livre imagé, il leva les yeux par-dessous ses mèches brunes, crispa les lèvres et détourna le regard.
Minerva craignait très exactement ceci. Robert Jr n’avait pas vraiment la notion du temps, et l’absence de sa sœur, couplée à un départ précipité, lui avaient sûrement paru interminables. Quand elle s’approcha, il lui tourna le dos, histoire de lui montrer qu’il n’oubliait pas son absence.

- Coucou toi, dit-elle avec douceur sans tenter de le toucher.

Elle préférait attendre qu’il s’ouvre à elle en premier plutôt que de le brusquer.

- T’étais où ? demanda-t-il.
- A Londres.
- Pourquoi ?

Minerva s’assit en tailleur et posa les mains sur ses genoux.

- Je travaillais. Je vis là-bas, maintenant.
- Pourquoi ?

Minerva ne dit rien un instant.

- Poudlard est fini. Pourquoi tu travailles encore ?

Robert Jr ne comprenait tout simplement pas la dynamique de vie d’une personne. Il avait réussi à accepter Poudlard et les absences répétées car Malcolm avait été là. Quand il était lui aussi parti pour Poudlard, Robert Jr s’y attendait. Mais personne ne lui avait expliqué qu’après Poudlard, les départs allaient devenir plus définitifs, les retours moins fréquents. Pire, il arriverait un jour où Minerva ne « reviendrait » pas le voir, mais plutôt lui « rendrait visite » et la différence était majeure.

- Il faut bien que je travaille pour gagner de l’argent et pour pouvoir vivre, expliqua-t-elle.
- Pourquoi ? Ici, il y a tout. Et moi alors ?
- Un jour, toi aussi tu iras vivre seul, assura-t-elle-même si elle avait un doute.

Serait-il un jour capable de vivre dans un environnement autre que la maison familiale de Caithness ? Comme pour lui répondre, Robert Jr secoua vivement la tête. Il restait tout de même un enfant de neuf ans, peut-être était-ce normal.
Ils furent appelés pour le dîner et Minerva tendit la main à son petit frère.

- Tu viens ?

Celui-ci hésita, l’air de se demander si la fameuse main n’allait pas lui faire faux bond elle aussi. Finalement, il accepta avec réticence et se laissa entraîner vers les escaliers.
Malcolm grignotait du pain, mal assis sur sa chaise : Isobel lui donna un coup de cuillère sur les genoux et sur la main. Il grogna.

- A Poudlard, ils ne frappent pas.
- T’en mériterais bien une ou deux pourtant, répliqua sa sœur, ce qui lui valut un tirage de langue.
- J’aimerais pas être ton gosse, ironisa Malcolm.
- Qui te dit que j’en aurai ?

Elle avait juste lancé cette remarque comme ça, et elle ne s’attendait absolument pas au silence qui suivit, seulement entrecoupé par le tintement de la fourchette que tripotait Robert Jr.

- Tu… ne veux pas d’enfants ? répéta Isobel.

Minerva cligna des paupières. Sincèrement, elle avait juste voulu rétorquer quelque chose à son frère, pas s’engager dans une conversation aussi sérieuse. Et étrange. Elle réfléchit un instant. Voulait-elle des enfants ? Elle ne savait pas. Pas maintenant, c’était certain, mais plus tard ? Elle doutait être capable d’être mère. Bien sûr, elle y avait songé lorsqu’elle sortait avec Dougal.

- Bah… Je ne sais pas… ? finit-elle par répondre, principalement parce qu’elle ne savait pas quoi dire.
- Mais… tu vas faire quoi ? Travailler toute ta vie ?
- Papa ne s’est jamais arrêté de travailler lui, riposta Minerva.
- Oui mais c’est… Enfin, je veux dire…

Isobel se tortilla les mains, les sourcils froncés, semblant vraiment essayer de comprendre ce que voulait dire sa fille. Minerva, elle, commençait doucement à saisir ce qui la faisait tiquer.

- Mais, et le mariage ? demanda son père.

Minerva le regarda, interloquée.

- L’un n’empêche pas l’autre.

Les deux parents firent de grands yeux et Robert fronça les sourcils en même temps. Minerva réalisa le double sens de ce qu’elle venait de dire et secoua ses mains devant elle :

- Non, non ! Je voulais dire, rien ne m’empêche de me marier sans avoir d’enfants ! Pas l’inverse, pas l’inverse.

Isobel posa une main contre son cœur.

- Enfin, dit-elle avec un faible sourire, de toute façon, tu as le temps de changer d’avis.

Minerva ne chercha pas à répondre. Elle ne voulait pas partir dans un débat délicat la veille de Noël.

- Il faudrait déjà qu’elle sorte avec quelqu’un, remarqua Malcolm sans savoir le mal que cela pouvait faire à sa sœur.
- Ferme-là.
- Minerva !

Elle marmonna des excuses tandis que Malcolm ouvrait et fermait la bouche. Il ne pouvait pas savoir.

- Et puis d’ailleurs, Malcolm, peut-être que ta sœur a quelqu’un ? fit Isobel avec un sourire en coin.
- Ah bon ? s’étonna Robert Sr, sa voix étouffée par les pommes de terre dans sa bouche.

Il plissa les yeux.

- C’est qui, encore ?
- Encore, encore, soupira Minerva, on dirait que j’en ai eu cinq depuis la fin de Poudlard. Ça ne regarde que moi. Et il n’y a personne.
- Bah, qui t’envoie autant de lettres alors ? demanda Isobel sur un ton surpris.

Minerva planta sa fourchette dans son œuf dur, le sang se vidant de sa tête peu à peu. Elle songea aux cinq ou six lettres que Dougal lui avait envoyées et qui se trouvaient désormais enfermées dans la boîte à biscuit de son grand-père, sous son lit. C’était d’ailleurs bien ironique. Sa mère et elle-même avaient toutes les deux caché sous le lit ce dont elles s’étaient séparées.

- Une amie, répondit-elle.

Aucun des parents n’insistèrent, même s’ils semblèrent dubitatifs pendant quelques instants.
Après le repas, Robert Sr enfila un lourd manteau et sortit sur le perron jouer de la cornemuse. Minerva, lovée dans un fauteuil et emmitouflée dans un plaid, l’écouta. Le son traînant et strident lui rappelait son enfance, avant que son père n’apprenne l’existence de la magie. Cette cornemuse, c’était aussi le souvenir de son Ecosse qu’elle aimait tant et qui lui manquait profondément dans son minuscule appartement londonien.
Le téléphone sonna et Isobel s’éloigna. Malcolm lisait une revue moldue et Robert Jr dormait sur le canapé. Cela faisait du bien d’être chez soi, avec les membres de sa famille. Manger un bon repas chaud et convivial, discuter gaiement, se disputer, se taquiner… Bref, se sentir un peu plus vivante.
Isobel revint après avoir raccroché le combiné.

- C’était les McGregor, ils ont entendu la cornemuse et nous invitent à boire un verre chez eux.

Minerva se redressa brutalement, l’estomac noué en un millième de seconde.

- Les McGregor ? répéta-t-elle dans un filet de voix.

Isobel acquiesça et se leva pour enfiler un manteau. Robert Sr rentra à son tour, et sembla ravi de la nouvelle.

- Tout le monde vient ?

Malcolm secoua la tête, l’air de trouver l’idée de se rendre chez les voisins, ennuyante au possible.

- Je reste avec le petit lardon.
- Ne parle pas comme ça de ton petit frère, soupira son père agacé. Minerva, mets ton manteau, on y va !

Minerva crispa ses mains sous le plaid.

- Je… Je ne viens pas.
- Ah bon ? Mais ils seront si contents de te voir, cela fait un moment. Et puis tu ne leur a même pas dit au revoir quand tu es partie, ce serait la moindre des choses.

Minerva secoua la tête, les battements de son cœur irréguliers.

- Non… Je ne me sens pas bien. Je crois que quelque chose n’est pas bien passé…

C’était vrai, elle ne sentait pas bien. L’idée de retourner dans cette maison, de probablement croiser Dougal… C’était au-dessus de ses forces. C’était même impossible. Croiser son regard noisette, se souvenir du cerisier, de leurs confidences et secrets, leurs rires, leurs baisers… la rupture, sa main qui la lâchait, ses larmes à elle, cette bague… Elle n’y survivrait pas. Son angoisse était telle qu’elle aurait pu pleurer si sa famille n’avait pas été là ; sa respiration, hachée, tordait encore plus le nœud qui étouffait son ventre. Elle avait chaud et alors qu’elle se levait, elle sentait ses jambes faiblir. Elle sentit le dîner remonter et elle se rua aux toilettes, où elle vomit tout.
Elle n’aurait jamais dû revenir.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 49 : Du travail pour des larmes

Elle était retournée dans son minuscule appartement du Chemin de Traverse. Là-bas, sa famille ne pouvait rester prendre soin d’elle, soin de son mal dont elle ne pouvait pas parler. Là-bas, elle retournait à sa triste solitude, attendant le lever du soleil pour repartir au travail et occuper ses journées, son esprit.
Ce jourd’hui, elle avait été conviée pour son entretien avec son nouveau responsable qui souhaitait vérifier sa motivation. Elphinston l’avait bien rassurée, et l’entretien ne devait représenter qu’une simple formalité. Le bureau du Maître Reckter se trouvait au bout du couloir, à quelques pas de l’espace restauration. Au passage, Minerva salua l’elfe, qui se plia en deux en réponse. Elle frappa au battant de la porte.

- Entrez, fit une voix forte.

Minerva passa la tête dans le bureau alors que Reckter rangeait un magazine dans son tiroir.

- Ah, miss McGonagall, oui, Urquart m’a parlé de vous. Asseyez-vous.

C’était un homme très mince, la chevelure grisonnante et coupée à ras. Ses yeux humides parcouraient la grande taille de Minerva. Il ne se leva pas, probablement de peur de se sentir plus petit que la « stagiaire ».

- Un thé ? proposa-t-il tout de même.

Minerva refusa cette fois-ci, ce qui ne l’empêcha de convoquer l’elfe juste à la sortie de son bureau pour qu’elle lui apporte sa boisson.

- Bon, où en étions-nous… Ah oui, votre nouveau poste. Je dois dire que j’étais sceptique. Quand êtes-vous entrée au Ministère ?
- En août, monsieur.
- Hum. Votre dossier scolaire est sans faute, au moins nous savons que vous êtes capable de noter tout ce que l’on vous dit. Remarquez, c’est le travail d’une scribe après tout.

Il eut un léger rire.

- Mais si vous ne savez rien au droit juridique…
- J’ai travaillé monsieur, coupa Minerva. En plus de mon rôle d’assistante et de ma mission avec Madame Pinkstone, j’ai lu sans relâche sur le système juridique.
- C’est bien gentil de connaître la théorie, et j’apprécie vos efforts.

Il appuya sa remarque d’un fin sourire qui n’atteignit pas ses yeux.

- Mais il vous manque une certaine expérience pratique.
- Je l’obtiendrai avec ce nouveau rôle, affirma la jeune fille.

Reckter l’observa un instant et éclata de rire.

- Voyons mademoiselle, pourquoi cette défensive ? Urquart a tellement insisté pour que vous ayez ce poste, j’ai accepté. Non, j’émettais simplement mes doutes, nous verrons ce dont vous êtes capable dans quelques semaines.

Minerva ne sut que dire. Heureusement, l’elfe apparut dans la pièce, portant une tasse de thé.

- Quoi encore ? râla Reckter. Ah, oui. Le thé. Pose-le sur le bureau.

L’elfe obéit en silence et, après s’être inclinée, disparut dans un craquement. Reckter prit une gorgée.

- Par Merlin, il est trop chaud ce thé.

Il reposa la tasse et posa ses coudes sur son bureau. Il observa longuement Minerva en fronçant les sourcils. Celle-ci se tortilla sur place, mal à l’aise.

- Je ne vais pas vous manger, voyons. Dites-moi. Vous avez dû remarquer que notre département se composait à majorité d’hommes.

Minerva se retint de répondre que oui, effectivement, elle l’avait bien remarqué.

- Les seules femmes à poste actuellement sont… comment dirais-je… à leur âge… enfin. Notre département est l’un des plus exigeant, une femme ne saurait être efficace tant au travail qu’à la maison auprès des enfants. Non que je critique leur manière de travailler, au contraire, s’empressa de dire Reckter avec un ton qu’il pensait sûrement respectueux. Mais gérer les deux à la fois… l’un en pâtirait, et ce n’est pas ce que nous voulons, n’est-ce pas ?

Silence. Minerva se demanda s’il attendait réellement une réponse de sa part. Elle n’en donnerait pas. Elle resta coite à le regarder, et il soupira.

- Je ne pense pas avoir dit de bêtise. Enfin, quoi qu’il en soit, à leur âge, elles peuvent… se concentrer sur leur travail.
- Moi aussi, monsieur, vous savez.
- Je n’en doute pas, mais vous savez, lorsque vous aurez trouvé mari, vous aurez peut-être envie de prendre soin de vos enfants et je trouverais cela tout à fait normal, c’est humain après tout, non ?
- C’est une chance alors, je n’ai ni mari, ni enfants en vue, répliqua vertement Minerva. Pourquoi songer à un futur qui n’arrivera peut-être pas ?

Reckter cligna des yeux.

- Vous ne voudrez pas vous occuper de vos enfants ?

Minerva se mordit la lèvre et se retint de lui expliquer que c’était l’étape même avant qui était incertaine. Elphinston avait apparemment travaillé dur pour lui obtenir ce poste, ce n’était pas le moment de s’embrouiller avec son nouveau supérieur.
Voyant qu’elle ne répondrait probablement pas, Reckter se rencogna dans son siège et lissa sa moustache.

- Enfin. Si vous n’avez pas de compagnon… Il n’y aura pas de complications, bien entendu.
- Bien entendu…

Il jeta un coup d’œil à sa montre.

- Bien, je dois vous laisser. J’essaierai de vous trouver un bureau pour vous, mais nous manquons de place, il faudra patienter. Vous resterez avec Maître Marchbank, n’est-ce pas ?

Minerva papillonna des yeux mais acquiesça. Avait-elle le choix ?

- Et pour le contrat… ? demanda-t-elle tout de même.
- Ah… allez voir la secrétaire pour plus d’informations, je lui ai demandé d’en faire un mais il n’est pas encore sur mon bureau, étrangement. Je vous appellerai quand je l’aurai en ma possession, d’accord ?

Minerva hocha lentement de la tête et comprit qu’il était temps de partir quand Reckter grimaça une énième fois contre son thé et se plongea dans ses papiers. Elle le remercia d’un ton balbutiant et sortit du bureau. Elle porta la main à sa nuque. Elle n’avait pas osé le lui dire, mais elle ne savait pas quoi faire exactement. Devait-elle attendre qu’une affaire lui soit proposée ? Quelles étaient ses missions en attendant ? Assister Mme Marchbank ? Impossible qu’elle n’ait rien d’autres à faire que de retranscrire les procès… Recevrait-elle des informations en amont sur ces procès, afin qu’elle étudie le dossier ? Du matériel lui serait-il fourni ? Elle avait dû utiliser son encre, sa plume et ses parchemins pour Mme Pinkstone, ce qu’elle avait accepté puisque cela devait être qu’une simple et unique mission, mais désormais, elle aimerait éviter de dépenser tout son salaire pour les fournitures liées à son poste. Le Ministère pouvait bien s’en charger, non ? Elle n’était pas certaine.
Le cerveau embrouillé, elle se rendit dans le bureau de la secrétaire, une femme de la cinquantaine aux cheveux courts et ébouriffés. Elle farfouillait dans ses tiroirs, une tasse de café froid posée juste à côté d’une lampe et d’un cadre photo, lorsque Minerva frappa à sa porte. La secrétaire releva la tête, l’air affolé.

- C’est pour quoi ? J’ai oublié de te donner quelque chose ?
- Heu, non… je suis venue pour des informations, répondit Minerva d’un ton incertain.

La secrétaire cligna de l’œil droit.

- Ah non, ce n’est pas toi que j’ai vu tout à l’heure. Désolée, je confonds tout le monde. Alors ? Vite, je n’ai pas beaucoup de temps.

Minerva lui expliqua sa situation. La secrétaire se gratta la tête.

- Un contrat ? Je n’ai rien reçu. Attends. A quel nom ?
- Minerva McGonagall.

La secrétaire alla vérifier dans sa boîte aux lettres à l’entrée, là où elle recevait toutes ses consignes par écrit. Minerva l’entendit pousser une exclamation découragée.

- Il a dû me déposer ça juste après mon arrivée dans le bureau ce matin. Dès que je rentre ici, je regarde toujours dans la boîte aux lettres, et cette demande n’y était pas.

Elle revint avec l’enveloppe de Reckter et soupira.

- Comment veut-il que je crée un contrat en si peu de temps avec tout le travail que j’ai à côté ? Tu commences quand ?
- Dès demain…

La secrétaire se frotta les yeux et resta silencieuse.

- Je suis désolée, je vais faire mon possible pour que tu puisses le signer ce soir ou demain à la première heure.

Minerva secoua les mains.

- Non, non, ne vous en faites pas, vous avez l’air d’avoir beaucoup de boulot…
- Et tu comptes commencer un contrat sans le signer ? Ça ne marche pas comme ça, si ça se sait, j’aurai des problèmes. Non, il faut que je le fasse rapidement.

Elle soupira encore, plus faiblement. Elle regarda sa montre.

- J’ai encore des monticules de dossiers à traiter, viens plutôt demain pour ton contrat. Bon, où est le fichier de Maître Flint… ?

Elle paraissait déjà l’avoir oubliée. Minerva, mal à l’aise devant le regard désemparé de la secrétaire, la remercia et lui tourna le dos pour sortir. Quand elle posa la main sur la poignée, la secrétaire poussa une exclamation horrifiée alors qu’un tintement de porcelaine se faisait entendre.

- Oh non…, gémit-elle.

Minerva se retourna et contempla, désolée, la tasse de café renversée sur le dossier de Flint.

- Oh là là, fit-elle en s’approchant avec des mouchoirs pour éponger les dégâts.

La secrétaire ne bougeait pas, bras ballants alors que Minerva tentait de sauver le parchemin. Mais l’encre avait coulé et plus rien ne subsistait du dossier hormis de larges bavures bleutées. Elle tira le parchemin devant elle et le tint du bout des doigts. La secrétaire s’effondra sur sa chaise et fondit en larmes.

- Je n’aurais pas dû prendre ce café, sanglota-t-elle, ça allait mal se terminer… En plus je ne le bois jamais, je l’oublie tout le temps sur mon bureau, j’ai trop de travail pour y penser… Pourquoi prendre un café si on ne le boit pas ?

Minerva lâcha le parchemin et s’approcha de la secrétaire. Elle tapota son épaule d’une main.

- Ça va aller… On peut aller demander à Maître Flint de vous donner un plus grand délai, cela arrive à tout le monde ce genre de maladresse.

La secrétaire secoua la tête.

- Il va encore crier… Il aura raison, c’était un dossier urgent et important. Je m’y étais prise en avance, dès la réception de sa demande avant-hier. Toutes ces heures de travail, pour rien…

Elle sanglota encore plus fort, le visage entre les mains. Minerva tiqua à ses paroles. Elle n’y connaissait pas grand-chose au dossier de Flint, encore moins au travail de secrétaire, mais elle trouvait le délai initial particulièrement court, encore plus lorsqu’elle voyait la masse de travail sous laquelle la pauvre femme semblait crouler.

- Vous n’avez pas le choix, il faut lui demander plusieurs jours de plus, comment allez-vous faire sinon ?

La secrétaire renifla.

- Ce n’est pas grave, je comptais travailler quelques heures supplémentaires ce soir, de toute façon. Je prolongerai un peu plus…

Elle pleura à nouveau.

- Je voulais rentrer pour le dessert chez mon fils ce soir… C’est l’anniversaire de ma petite-fille, tu comprends… J’avais promis que je serai là avec un cadeau.

Elle désigna un paquet soigneusement emballé dans un des tiroirs ouverts.

- Ils n’aiment pas trop ça au Ministère que l’on reste jusque tard dans la nuit, mais j’ai travaillé très dur pour pouvoir lui acheter ce jouet… J’irai les voir un autre jour, j’imagine…

D’autres larmes coulèrent, et la secrétaire se força à sourire tout en sortant sa baguette. Elle fit un tracé gracieux dans les airs. Minerva reconnut immédiatement le geste pour produire un Patronus. Elle haussa haut ses sourcils tandis qu’un labrador argenté faisait son apparition.

- Mon fils chéri, c’est maman, dit la secrétaire au labrador. Écoute… j’ai eu un contretemps, je ne pourrai pas venir ce soir.

Sa bouche trembla et elle s’arrêta quelques secondes.

- Je sais que je t’avais promis mais… je suis désolée. Embrasse ta femme et un bon anniversaire à la petite Penny de ma part. Je suis désolée.

Elle clôtura son message et le labrador disparut sous le seuil de la porte.

- Vous savez faire un Patronus ? fit Minerva impressionnée.

La secrétaire hocha la tête mais ne dit rien, imaginant probablement les prochaines heures de travail qu’elle s’infligerait très bientôt, au lieu de se rendre au dessert d’anniversaire, tout ça pour éviter la colère de Flint. Minerva était persuadée que le Maître était incapable de produire un Patronus, lui.

- Tu ferais mieux d’aller travailler, fit la secrétaire, ne prends pas du retard dans tes dossiers à ton jeune âge. Allez, va.

Elle s’essuya le nez et prit sa plume, le cœur vaillant mais malheureux. Minerva la quitta, la mine attristée.
Toute la journée, elle songea à cette femme au rythme de travail misérable, peu reconnue par ses supérieurs. Elle pensa à son ton affligé, « Flint va encore crier ». Elle se demanda combien de fois l’avocat avait passé sa colère sur elle pour qu’elle en soit ainsi terrifiée.
Ce soir-là, elle resta même après que Marchbank fut partie. Elle qui n’avait guère été efficace, perdue dans ses pensées, devait s’adonner à quelques heures de travail supplémentaires. Elle se leva pour se chercher un thé. Tout le personnel était parti. Excepté pour celui de la secrétaire et de Minerva, les bureaux étaient éteints et silencieux. L’elfe Soky, persuadée d’être seule, s’était assoupie entre deux meubles. Ne souhaitant pas la réveiller, Minerva passa sous le comptoir pour se faire son thé elle-même. Mais Soky ne semblait dormir que d’une oreille car elle ouvrit aussitôt des yeux affolés et se mit debout à toute vitesse.

- Oh maîtresse ! Soky ne vous avait pas entendue ! Soky s’est assoupie, pardonnez-la, maîtresse !

Elle se jeta sur la bouilloire et entreprit de verser de l’eau brûlante sur ses doigts. Minerva poussa un cri et se précipita pour l’en empêcher.

- Soky, arrête !
- Soky doit se faire pardonner, Soky a failli à son emploi, geignit l’elfe. Vous pouvez le signaler au patron, il renverra Soky, et Soky l’aura mérité.

Minerva savait qu’il était inutile de la rassurer, que tout allait bien ; la situation de l’elfe lui faisait mal au cœur. Si son père voyait cela, il aurait proprement honte. La pauvre elfe était épuisée. Si la secrétaire avait tant besoin de dormir, pourquoi l’elfe n’aurait-elle pas le droit également ?

- Si tu veux te faire pardonner, prépare-moi donc le thé, dit Minerva, car elle savait que c’était le seul moyen pour que l’elfe arrête de se punir.

Soky s’inclina trois fois de suite, le regard soulagé avant de se ruer sur les tasses, ses doigts heureusement sauvés de l’eau brûlante.

- Pourquoi ne rentre-tu pas chez toi, Soky ? demanda Minerva.
- Soky peut rentrer les samedi et dimanche soir ! répondit l’elfe avec le sourire. Elle peut souvent retrouver sa famille, alors Soky est contente !
- Et tu restes là toute la nuit ? fit Minerva d’un ton éberlué.

Soky hocha fièrement la tête.

- Soky doit être là pour les sorciers qui travaillent dur.

Minerva se retint de lui signaler qu’elle aussi travaillait dur… Elle la remercia pour le thé et retourna à son bureau. La porte de chez la secrétaire était encore ouvert et en y jetant un coup d’œil, Minerva remarqua que la femme s’était assoupie sur ses papiers. Elle hésita un instant, avant de rentrer dans le bureau.
Elle s’approcha doucement et secoua gentiment la secrétaire par l’épaule.

- Hein, quoi ? C’est déjà le matin ? Le contrat, oui, je le finis !
- Il est 22 heures, l’informa Minerva, vous vous êtes assoupie.

La secrétaire regarda sa montre, horrifiée.

- Oh par Merlin, que de temps perdu ! Il faut que je travaille…
- Cela ne sert à rien, répliqua Minerva d’une voix plus ferme. Vous êtes fatiguée, vous ferez des erreurs et vous devrez tout recommencer demain. Partez du Ministère.
- Et qui fera le boulot à ma place, hein ? Qui fera ton contrat ?

Minerva déposa sa tasse de thé sur le bureau et tira la chaise de la secrétaire pour la forcer à se lever.

- Je le ferai, le contrat. Laissez-moi un prototype et je le recopierai pour moi. Vous n’aurez qu’à vérifier demain que tout soit bon et vous remplirez ce que je n’ai pas pu remplir.

La secrétaire cligna des yeux et observa sa collègue. Voyant qu’elle ne réagissait pas, Minerva fit semblant de s’agacer :

- Dépêchez-vous, votre petite-fille aura bientôt mangé tout le gâteau !

Cela eut l’air de lui donner un électrochoc, car elle bondit hors de sa chaise, serra très fort la main de Minerva, la lèvre tremblotante. Elle sortit un exemple de contrat et attrapa son manteau.

- N’oubliez pas le cadeau ! rappela Minerva.
- Ah, oui, le cadeau !

La secrétaire tourna des yeux embués vers Minerva et murmura un « merci » avant de détaler vers le couloir.
Minerva s’affala sur le siège de la secrétaire. Elle n’avancerait pas sur son propre travail ce soir, mais au moins avait-elle la certitude d’avoir accompli quelque chose de bien pour une femme qui méritait de voir pour un soir sa petite-fille à son anniversaire au lieu de le passer au bureau, submergée par le travail, les demandes, les requêtes et les critiques.

***


Elle s’était endormie au travail. Première fois qu’elle ne rentrait pas chez elle. Elle se sentit fatiguée. Elle avait terminé le contrat et espérait que tout concordait. Elle se redressa, le vêtement froissé, avec cette sensation désagréable de ne pas s’être lavée qui lui collait à la peau. Elle se demanda si Satya s’était inquiétée pour elle. Elle rangea le bazar qu’elle avait créé et sortit du bureau.
Sa boîte aux lettres ne contenait qu’une seule demande. En sortant du bureau de la secrétaire, elle avait remarqué que la sienne était remplie jusqu’en haut, annonciateur d’une nouvelle vague de désespoir.
La missive qui lui était destinée provenait de Reckter qui lui demandait de se rendre dans la salle des entretiens afin de commencer sa première mission, une retranscription entre un avocat et un témoin. Peu importe si son contrat n’était pas signé, Reckter semblait vouloir l’envoyer au front. Minerva se recoiffa pour se donner meilleure allure, se demandant si elle allait devoir travailler avec Flint. Elle le craignait déjà.
Étant donné l’heure, le témoin devait déjà être présent en compagnie de l’avocat. Minerva se dépêcha de s’y rendre, son matériel en main. La salle des entretiens était destinée aux rencontres entre avocats et clients ou témoins, en amont d’un procès. L’avocat demandait, le témoin répondait et le scribe écrivait, ainsi se déroulaient les choses.
Elle frappa au battant et une voix grave lui répondit. En entrant, elle remarqua qu’effectivement le témoin était déjà présent, homme propre sur lui, mallette en main.
Minerva se figea en entrant. Pas à cause du témoin, non. Mais de l’autre homme, l’avocat qui se levait de sa chaise, l’œil plissé. Cette allure qui se voulait digne et noble et qui criait au Sang-Pur, cette barbe blanche bien taillée et cette chevelure en brosse… Cette chevalière à l’auriculaire. Cet homme, elle l’avait déjà croisé l’été dernier, au cimetière de Halkirk. Elle l’avait fui, à l’aide de Dougal.
Cet homme, c’était son grand-père maternel, Leopold Ross.
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 50 : La famille Pinkstone

Elle resta un moment au seuil de la porte, une main posée faiblement contre le chambranle. Le témoin la salua d’un hochement de la tête tandis que Ross l’observait derrière des yeux légèrement plissés.
Il jeta un regard à ses notes.

- Minerva… McGonagall, c’est bien ça ?

Minerva acquiesça.

- La scribe, ajouta-t-elle dans un presque murmure.

Ross lui fit signe de les rejoindre et ne dit plus rien. Le témoin s’assit face aux deux membres du Ministère, sa mallette sur ses genoux qu’il serrait entre ses doigts crispés.
Ross se tourna brièvement vers Minerva :

- Monsieur Trye a été témoin de l’usage de la magie en présence de moldus par la coupable Carlotta Pinkstone. Je vous demanderai de bien consigner les propos échangés.

Minerva fronça légèrement les sourcils. Le cas Pinkstone n’avait-il pas été clôturé ? Ross l’ignora aussi, elle prit sa plume et son encre et se pencha sur son parchemin. Ross reprit la parole en s’adressant au témoin :

- Je vais avoir besoin de votre nom, prénom, profession.
- Lawrence Trye, je suis employé à la laverie “En robes et capes” au 3 rue du Griffon joueur. C’est une laverie très reconnue, beaucoup de hauts placés et d’employés du Ministère viennent déposer leurs capes et robes chez nous, d’ailleurs si vous avez besoin…

Trye glissa un regard d’espoir vers Ross et Minerva. Celle-ci baissa les yeux sur son parchemin. Elle n’avait pas les moyens pour se payer une laverie de luxe, même si elle convenait que les capes et robes étaient une véritable plaie à nettoyer par soi-même.

- Merci monsieur Trye, fit Ross tout en ayant l’air de faire tout, sauf de réellement le remercier. Revenons-en à notre témoignage, voulez-vous ? Dites-moi ce que vous avez vu, où et quand.

Trye s’adossa à son siège et pencha la tête.

- C’était le 8 décembre dernier, dans les alentours de dix-huit heures. Je me suis éloigné de Londres pour une soirée d’observation des étoiles. Je suis très fan, vous savez. J’ai transplané dans le petit village de Lacock -très charmant par ailleurs. Madame Pinkstone est arrivée peu après moi.
- Comment était-elle ?
- Plutôt grande, de longues tresses noires…
- Pas physiquement, s’agaça Ross, dans son comportement. Essayait-elle de cacher son geste, faisait-elle attention à son environnement… ?
- Ah ! Elle avait des vêtements de sorciers mais sombres. Enfin, pas noirs, mais pas clairs non plus.
- Soyez plus précis…
- Heu… gris, j’imagine ? Gris anthracite, je dirais même ! ajouta-t-il pas peu fier de son détail.
- Ensuite ?
- Heu… Elle a formulé son sort d’une voix très forte, mais il n’y avait personne dans les parages à ce moment-là. Les habitants sont sortis en voyant la maison reconstruite et Pinkstone a un peu traîné devant, comme si elle espérait que l’on viendrait lui demander des informations.
- Et la pancarte ? s’enquit Ross alors que Minerva s’écharpait le poignet à force d’écrire.
- Ah oui ! Elle était plantée dans la terre à côté, mais personne n’y faisait attention, ils étaient un peu abasourdis par la maison, et le propriétaire remerciait le miel ou quelque chose du genre.
- Le ciel, rectifia machinalement Minerva le nez contre sa plume.

Ross et le témoin tournèrent la tête en silence vers elle et Minerva rosit.

- Je vois…, fit Ross en se détournant lentement de la jeune fille. Seriez-vous prêt à témoigner au tribunal de cette manière ?

Trye hocha la tête.

- Puis-je vous demander pourquoi vous n’êtes pas venu plus tôt nous voir ? demanda Ross. Le procès a eu lieu depuis plus de deux semaines.
- Ah, heu…

Le témoin tripota sa mallette.

- C’est que, d’habitude elle s’en sort plutôt facilement de ses procès, quand j’ai appris qu’elle avait écopé de deux mois, il était déjà trop tard. Je suis venu après.

Ross resta silencieux, Minerva termina de griffonner les mots de Trye.

- Bien, je vous remercie, conclut Ross en se levant. Mademoiselle McGonagall vous contactera pour vous faire parvenir de la date de réouverture du procès.

Minerva appuya ses paroles en hochant la tête et imita son collègue. Trye souleva son chapeau pour les saluer et fila sans traîner. Minerva rassembla ses affaires. Elle sentait le regard de Ross sur elle.

- Montre-moi tes notes.

Minerva ne tiqua même pas sur le tutoiement et lui tendit sa feuille. Il lut quelques mots puis pinça les lèvres.

- Tu as tout noté, constata-t-il. N’écris que l’essentiel, mais bien. Ecris tout ce qui peut être utile, les hésitations, les abus de langage, le ton de la voix… Tout cela sera utile pour statuer de la validité de son témoignage.
- Je n’ai pas été informée de la raison de sa venue, se défendit Minerva, j’ignorais ce qui était le plus utile.

Ross rangea ses parchemins de note dans sa sacoche. Minerva ne savait pas s’il lui prodiguait un conseil dissimulé ou des reproches, mais elle trouvait agaçant de toujours travailler dans le flou. Elle venait de signer son contrat et n’avait pas obtenu de formation quelconque concernant le travail de scribe.

- Je ne suis pas une stagiaire, continua Minerva, je suis une employée ici.
- Le Ministère n’embauche pas de stagiaire.
- Je veux apprendre, reprit-elle en ignorant sa remarque, mais laissez-moi ma chance. Vous avez dit à Monsieur Trye que je lui donnerai la date de réouverture du procès, mais comment ? Qui m’en informera ? Dois-je convoquer physiquement le témoin ou simplement lui envoyer une lettre ?

Ross soupira et l’observa longuement. Minerva se demanda s’il voyait à travers elle les traits de sa fille ou de son beau-fils exécré.

- C’est Maître Flint, directeur du département de la Justice Magique, qui choisit les dates des procès. Il transfert ensuite au juge responsable de la mission mais comme c’est lui pour Pinkstone, il te contactera lui-même. Ensuite, tu écriras un courrier pour convoquer Monsieur Trye au procès. Il a une semaine pour te répondre. S’il ne répond pas, tu préviens Maître Flint et le procès sera reporté à une date ultérieure.

Minerva acquiesça.

- Vous croyez qu’elle obtiendra une réduction de peine ?
- Peut-être. Cela dépendra de Maître Flint. Il n’apprécie pas Madame Pinkstone, mais elle n’a rien à perdre. Il n’y a pas de parti opposé, il s’agit juste de trouver des circonstances atténuantes. Avec un peu de chance, Madame Pinkstone pourra sortir dans un mois, voire moins.

Minerva récupéra son sac.

- Merci, Maître Ross.

Il dressa un sourcil.

- Je ne crois pas t’avoir donné mon nom. Ni aujourd’hui, ni la dernière fois à Halkirk.

Minerva se figea. Ainsi, il se souvenait d’elle.

- Halkirk ? répéta-t-elle en faisant semblant de ne pas comprendre.

Ross la fixa sans répondre.

- Bonne chance pour le travail. Va voir ton collègue greffier, Haminston, il pourra t’expliquer ton rôle.

Et il partit sans un mot de plus.

***


Elle était allée voir Haminston. S’il avait semblé légèrement agacé de devoir tout lui enseigner, il avait néanmoins une excuse passable : dans son bureau, Minerva avait pu voir plusieurs tas de dossiers qu’il devait annoter, rectifier, retranscrire, contacter les partis de chaque dossier pour des relances de procès, ouverture de procès, résultats de procès, vérifier que les procédures étaient respectées, sans compter les cursives des avocats qui demandaient des informations de dernières minutes sur les dossiers traités le jour même.

- Ils ne connaissent pas leur dossier en cours ? s’était étonnée Minerva.
- Ils gèrent plusieurs procès à la fois, ils vérifient de simples données pour éviter de se mélanger les baguettes. C’est pour cela que tu dois être la plus organisée de tout ce département. Être scribe, cela ne s’improvise pas.

Il avait ensuite la bonne décence de lui signaler qu’en cas de besoin il pourrait l’aider… mais pas trop, car son travail était déjà trop conséquent.

- Tu as le dossier du procès de Carlotta Pinkstone ? demanda-t-elle finalement avant qu’il ne décide de l’ignorer.

Haminston repoussa une mèche grise de son front et lui désigna une pile semblable à tant d’autres. Minerva fouilla jusqu’à trouver le dossier correspondant. Il avait été annoté en rouge d’un « en cours » et une page était cornée là où le juge signifiait la réouverture du procès en aval du jugement. Contrairement au procès initial, Pinkstone disposait de son avocat, Ross. Mais ce n’était pas elle qui avait fait appel, car le nom de Emma Pinkstone apparaissait à la place.

- C’est qui Emma Pinkstone ? Sa sœur ?
- Sa mère, répondit Haminston en épluchant son dossier, la directrice du département des Accidents et Catastrophes Magiques.
- C’est la mère de Madame Pinkstone qui a fait appel à Maître Ross ? C’est possible ça ? Ce n’est pas à l’accusée de décider ?

Haminston lâcha sa plume et pointa vaguement le dossier.

- Regarde bien le dossier.

Minerva scruta à nouveau. Le dossier avait été mis en annexe, en séparation avec le procès de Madame Pinkstone. Comme si les deux cas étaient différents, mais reliés entre eux. Elle lut « diffamation » comme objet de plainte.

- Emma Pinkstone est la plaignante, devina-t-elle enfin. Pas la défense. Comment cela « diffamation » ?

Haminston acquiesça.

- Emma Pinkstone a jugé l’emprisonnement de sa fille comme un moyen de la décrédibiliser à son poste.

Minerva fronça les sourcils.

- Mais ce n’est pas la première fois que Carlotta est condamnée. Pourquoi maintenant ?
- L’élection quinquennale des directeurs de département tombe dans six mois. Emma Pinkstone veut tout faire pour garder sa position. Elle essaie de démontrer que l’emprisonnement de sa fille est de la diffamation envers sa personne et son poste.
- Et Maître Ross veut y parvenir en trouvant des circonstances atténuantes à Carlotta, la faire apparaître comme moins radicale ? continua Minerva, obtenant l’approbation de son collègue. Est-ce que c’est pour cela que Maître Flint déteste autant Carlotta Pinkstone ? Parce qu’en parvenant à lui infliger une plus forte condamnation, il gagne des points auprès de la Ministre afin de garder son poste de directeur de la Justice Magique ? Par opposition à Emma Pinkstone ?

Haminston plissa doucement les yeux.

- Tu es une maligne toi. C’est ce qui est soupçonné et induit mais bien sûr, personne n’en parle, et ce n’est pas notre rôle non plus. Nous ne sommes pas détectives, ni des voyants, ni des devins, juste des scribes qui fournissent les informations nécessaires aux juges en amont des procès. Nous sommes bien d’accord ?

Minerva réfléchit un instant avant de hocher la tête. Elle ne voyait pas trop ce qu’il voulait sous-entendre mais elle n’était effectivement ni voyante, ni détective, ni devin, et essayait tant bien que mal d’être scribe, alors elle ne souhaitait pas se prendre la tête.
Elle le remercia et se dirigea vers son bureau et celui de Marchbank où déjà une pile de dossiers était apparue de nulle part.
Ce soir-là, elle travailla jusque tard dans la nuit. Elle se demanda si elle allait en faire une habitude, comme la secrétaire. Elle voyait de moins en moins Satya en ce moment. Le matin, les réveils étaient difficiles et il lui arrivait de sauter son petit-déjeuner juste pour gagner quelques minutes de sommeil en plus. Elle était déjà fatiguée, et se sentait débordée si elle ne faisait pas des heures supplémentaires. Bizarrement, elle sentait que si elle ne s’occupait de sa pile ce soir, elle la retrouverait doublée, voire triplée, le lendemain.
En revanche, ce temps consacré au travail lui avait été remercié, car elle avait obtenu une prime pour la nouvelle année. Elle songea à Monsieur Trye et sa laverie. Sa cape aurait bien besoin d’un vrai décrassage et non pas d’une tentative de camouflage de la saleté. Les sorts de nettoyage ne lavaient aucunement en profondeur les fibres du tissu et la cape finissait par perdre en éclat.
Elle bailla une dernière fois avant de ranger ses affaires. La pile avait diminué. La plupart ne consistait qu’en une vérification de procédure de procès et n’ayant pas décelé d’erreur, elle n’avait pas eu à faire remonter l’information à son supérieur, Maître Flint.
Le couloir était vide et hormis deux bureaux, dont celui de la secrétaire, tous les autres semblaient inoccupés. Le bruit de ses pas était étouffé par les lourds tapis au sol. Elle n’aimait pas l’ambiance lourde du Ministère tard dans la soirée. Aucune missive ne volait au ras des cheveux, aucun employé ne s’affairait dans les allées, aucun Patronus ne délivrait de message urgent. Elle marchait seule dans des couloirs infinis au plafond haut, accompagnée tout au plus de la voix glacée des ascenseurs. Le hall principal, aux dimensions gigantesques, semblait encore plus massif et menaçant lorsqu’une simple sorcière toute maigre se tenait en-dessous.
Mais cette nuit, derrière le grondement de la fontaine centrale, Minerva perçut des voix entrecoupées. Leur silhouette se découpait dans un halo de lumière faiblard ; un homme et une femme échangeaient, et leur position rapprochée mais formelle induisait que leur conversation ne devait pas être écoutée. Minerva commença à s’éloigner lorsqu’un éclat de lumière illumina le visage de l’homme : c’était Leopold Ross qui était en plein conciliabule. Hésitante un instant, Minerva finit par céder à la curiosité et se rapprocher discrètement. Elle se dissimula derrière une statue d’un sorcier à oreilles d’âne et se concentra sur les voix.

- … il a accepté… vérification en règles mais… être impassible.
- Il a besoin d’être convainquant..., faisait la voix féminine. … êtes payé pour cela… attention à Flint.

Ross sembla montrer des signes d’agacement car il recula d’un pas en croisant les bras.

- Sans moi vous risquez de tout perdre ! siffla-t-il, puis il baissa la voix après que les deux aient jeté un coup d’œil autour d’eux. …est coupable… recommencer.
- Occupez-vous de… bien rémunéré.
- Vous payez une prestation, pas des résultats, répliqua Ross alors que sa voix s’élevait à nouveau.
- Baissez d’un ton, et si quelqu’un nous entendait ?
- Vous auriez plus à perdre que moi, lança Ross en s’éloignant de son interlocutrice.

La discussion semblait arriver à son terme, et Minerva se plaqua contre la statue. Dans son mouvement, elle percuta un vase qui tangua bruyamment sur son socle.

- Il y a quelqu’un ? lança la voix féminine. Sortez d’ici avant que je ne lance un sortilège.

Minerva retint sa respiration et laissa lentement tomber son sac au sol, sans un son. Elle entendit des pas se rapprocher dans sa direction. Elle avait surpris une conversation qu’elle n’aurait pas dû entendre et sa seule solution actuellement, était l’usage d’un atout dont presque personne ne connaissait l’existence, son Animagus. Elle n’en usait pas beaucoup mais là semblait une bonne occasion. Malgré l’urgence, elle parvint à faire le vide dans son esprit pour se reconnecter avec le félin aux yeux cerclés.
L’odorat du chat perçut la présence de son grand-père et du parfum de la femme, une étrange odeur de sève, à quelques pas derrière elle. Elle sortit nonchalamment de sa cachette en poussant un miaulement. Les deux sorciers, qui avaient sorti leur baguette, se détendirent.

- Un chat ? Que fait un chat ici ? s’étonna la femme.
- Il appartient sûrement à un ou une employée encore présent, marmonna Ross avant de se tourner vers elle. Clôturons cette discussion. Je vous tiendrai au courant de la suite.

La femme hocha la tête. Avec sa vision à 200 degrés, Minerva pouvait prétendre leur passer à côté et tout de même les observer. Une chance pour elle, elle n’avait pas hérité de la vision trouble des chats ; peut-être les marques autour de ses yeux étaient la version invisible de sa paire de lunettes ? Elle ne percevait pas les couleurs aussi bien qu’un humain mais au moins pouvait-elle deviner une femme blonde, grande au nez droit et qui disposait de quelques traits de ressemblance avec une personne que Minerva avait déjà vue, sans parvenir à y mettre un nom.
La femme partit de son côté et Minerva attendit que Ross en fasse de même. Il reprit son chemin vers l’aile du département de la Justice et elle retourna à son sac, abandonné aux pieds de la statue aux oreilles d’âne.
Chez elle, Minerva mit du temps à s’endormir. Dans quelles manigances son grand-père s’était-il embourbé ? Qui était la femme avec qui il discutait, ou plutôt, négociait ? Pour quoi le payait-elle ? Qui était ce « il » dont ils parlaient ? En quoi Maître Flint pourrait leur mettre des bâtons dans les roues ?
Toutes ces questions sans réponses la laissèrent des heures dans l’hésitation. Devait-elle faire comme si elle n’avait rien entendu ? Était-ce là la corruption dont parlait Carlotta Pinkstone ? Leopold Ross y avait-il mis les mains ? Et dans ce cas-là, était-ce les affaires de Minerva ? Si elle réprouvait, que pouvait-elle dire ? Il était son grand-père par le sang, mais très certainement pas par le cœur.
Ce soir-là, elle ne s'assoupit qu’après deux heures du matin. Le réveil fut particulièrement compliqué. Après avoir déposé sa cape à la laverie, elle irait à nouveau au Ministère, enfermée dans son bureau. Elle mangerait très probablement sur le pouce entre deux dossiers, puis elle ferait ses heures supplémentaires, rentrerait chez elle tard, se coucherait après avoir grignoté des restes dans son frigo, s’endormirait, se réveillerait, repartirait au travail…
Elle songeait à cela, alors que ses pieds engoncés dans des godillots usés la menaient à la laverie. Un jour forcément, sa vie prendrait un tournant. Elle n’allait pas continuer dans cette boucle, n’est-ce pas ? Une promotion peut-être ? Une rencontre, quelque chose. Le début était difficile car c’était ce qu’il était : le début. Ensuite, elle trouverait son organisation, son rythme, rentrerait moins tard le soir, deviendrait peut-être même proche de ses collègues et aurait même le temps d’aller boire un café avec eux de temps en temps. Ce serait bien.
La laverie était effectivement plutôt luxueuse. De magnifiques capes aux broderies dorées et argentées étaient suspendues en vitrine. Ce qu’elle avait cru entendre « En robes et capes » étaient en fait « Enrobées capes ». Minerva poussa la porte et fut accueillie par des effluves de fraîcheur et de sous-bois.

- Bienvenue ! s’exclama une voix du fond de la boutique où attendait une armée de capes fraîchement nettoyées.

Ce n’était pas Trye qui apparut mais un homme grand, sa peau foncée recouverte d’un costume d’un bleu brillant de propreté, impeccablement repassé.

- C’est pour une cape ? Dépoussiérage ? Décrassage ? La totale ?
- C’est quoi la totale ?
- Nous y ajoutons notre produit secret maison qui rendra votre cape étincelante, un peu comme mon costume ! C’est deux gallions avec cette option.

Minerva évalua la qualité du travail et estima qu’elle pouvait bien dépenser un peu plus pour cette fois seulement. Elle accepta et lui tendit sa cape. Il grimaça.

- Elle en a bien besoin. Revenez ce soir, elle sera prête.

Il note son nom sur une liste de parchemin puis lui tendit une petite carte de visite.

- Tenez, si je ne suis pas là, donnez cela à mon collègue, il saura où récupérer votre cape.

Minerva récupéra la carte où elle lut « Cape n°38, section 2, programme totale. Vous avez été pris en charge par Hans Pinkstone ! ». Elle leva les yeux vers l’homme.

- Hans Pinkstone ? Vous n’auriez pas un lien avec… heu…
- Carlotta ? soupira-t-il. Vous n’êtes pas la première à me demander cela, surtout en ce moment. C’est ma fille, pourquoi ?

Minerva secoua la tête et força un sourire sur ses lèvres.

- Curiosité mal placée. Veuillez m’excuser. Merci pour votre travail.

Pinkstone hocha la tête et Minerva sortit de la boutique, l’esprit encore plus embrumé qu’à son réveil. Carlotta avait mentionné ses parents avant de partir pour Azkaban. Sa mère était directrice du Département des Accidents et Catastrophes Magiques, son grand-père Grand Manitou, mais elle n’avait jamais dit que son père travaillait dans cette laverie. Et plus étrange encore, Monsieur Trye, également employé chez « Enrobées capes », n’avait jamais indiqué avoir pour collègue le père de la coupable et mari de la plaignante. Cela semblait être une information non négligeable pourtant, le genre d’information que l’on n’oubliait pas lors d’un interrogatoire. Ross était-il au courant ? Devait-elle lui dire ? Les mots d’Haminston lui revinrent en tête : elle n’était pas détective. Avait-il conscience de quelque chose ? Était-ce pour cela qu’il lui avait dit cela ? Était-il possible que Trye ait dissimulé cette information ? Dans quel but ? S’il s’apprenait qu’il était collègue avec un membre proche de la coupable et de la plaignante, le témoignage n’était-il pas biaisé ?
Minerva s’immobilisa sur le chemin. Le témoignage était-il un faux témoignage ?
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 51 : Les rouges au cinquième ?

Ce faux témoignage, probablement commandité par Emma Pinkstone, lui était particulièrement utile. Carlotta était coupable d’une manière ou d’une autre et cela desservait sa mère dans sa course à la direction de son département. Et si elle avait engagé le collègue de son mari pour l’aider ? Trye était-il un proche de la famille ? Qui d’autres pourrait accepter de communiquer de fausses informations lors d’un procès ?
Minerva se mordilla la lèvre. Elle était greffière. Haminston et sa recommandation tournaient à nouveau dans sa tête. Devait-elle fermer les yeux ? Après tout, elle n’avait que des soupçons à peine tangibles.
Elle tourna à l’angle de la rue principale et s’immobilisa brutalement. En face, arrivait à grands pas Leopold Ross, la main droite dans la poche de son long manteau, un épais sac dans l’autre. Sans réfléchir, Minerva recula dans un recoin et reprit sa forme de chat. Elle aurait pu passer à ses côtés et faire semblant de l’ignorer. Même, elle avait tous les droits d’être sur le Chemin de Traverse. Mais elle venait de la laverie. Son malaise récent sur le témoignage lui soufflait que quelque chose se tramait. Elle huma l’air. Une odeur de sève, familière à celle qu’elle avait sentie la veille, lui parvint aux narines. Elle se retourna, s’attendant à voir la femme du Ministère. Personne qui lui ressemblait n’était dans les environs. Sa queue de chat remua, intriguée. Elle n’eut pas le temps d’y réfléchir, car Ross passa à quelques centimètres d’elle, sans la remarquer. Il se dirigeait dans la rue de la laverie. Discrètement, Minerva le suivit à petit trot. Comme son instinct le lui soufflait, il entra dans la laverie.
Minerva attendit quelques temps. Tant pis pour son retard au travail. Ross n’y resta qu’une dizaine de minutes et lorsqu’il sortit de la laverie, il n’avait plus son sac. Peut-être y avait-il déposé une cape ou autre. Minerva avait fait pareil de son côté. Mais dix minutes lui paraissaient long pour demander de laver une tenue.
Minerva retourna là où elle avait laissé ses affaires. Elle ne sentait plus l’odeur de sève de tout à l’heure.
Au travail, elle avait laissé ses dossiers s’accumuler. Certains procès comportaient une erreur de procédure qu’elle avait dû signaler auprès de Flint. De temps en temps, elle voyait passer Ross, occupé à travailler sur d’autres dossiers que celui de Pinkstone. Tel était le fonctionnement du département de la Justice. Minerva avait tendance à s’attacher à ses dossiers. Lorsqu’elle lisait les plaintes, elle se posait nombre de questions : comment ces amis d’enfance en étaient arrivés à se déchirer sur un lopin de terre ? Pourquoi cette entreprise souhaitait raser les quelques arbres présents sur son schéma de construction ? Qu’était-il passé dans la tête de cette femme qui était partie avec son enfant sans tenir informé son mari qui avait déposé plainte contre elle ? Y avait-il derrière ce drame des informations dissimulées par l’un des partis, des informations dont les juges ne disposaient pas ? Encore moins qu’un juge, Minerva n’était pas enquêtrice. Les juges utilisaient ce que les témoins et les partis acceptaient de dire, mais la moindre donnée dissimulée pouvait fausser le jugement final. Bien sûr, les enquêteurs faisaient leur travail. Mais Minerva songeait au cas Pinkstone. L’arrivée de ce témoin aux propos possiblement faux remettait en cause le principe même de la justice. Minerva n’appréciait pas particulièrement de voir Pinkstone à Azkaban, mais n’était-ce pas là le jugement accordé pour son erreur -erreur elle-même débattable et à nuancer ? D’autant plus que si Emma Pinkstone rouvrait une plainte soi-disant pour diffamation envers sa personne, cela induisait qu’elle saisissait la justice non pas pour sa fille, mais pour elle. A nouveau, la moralité de l’acte faisait plisser le nez de Minerva. Jusque-là, elle pouvait réprouver le geste, mais ce n’était pas franchement ses affaires. Ce qui la dérangeait était l’usage d’un possible faux témoignage. La morale de Minerva elle-même était en jeu. Elle se souvenait de la dernière fois qu’elle avait failli à son intégrité. L’enjeu n’était pas comparable, mais le malaise était bien réel.
Alors que Ross passait pour la énième fois devant os bureau à la porte ouverte, elle se demanda s’il ne valait mieux qu’elle lui en touche deux mots. Cela la rebutait, elle qui aurait souhaité éviter de fréquenter son grand-père au maximum. Elle ne savait pas quel type d’homme il était. Le portrait dressé par Isobel n’était pas flatteur, et le fait qu’il puisse tremper dans la corruption n’arrangeait pas son cas.

- Si quelque chose te tracasse, résous-le, intervint la voix de Marchbank le regard baissé sur son propre travail. Tu penses si fort que tu m’empêches de travailler.

Minerva s’excusa et sa tutrice l’observa par-dessus ses lunettes.

- Je ne sais pas ce qui te mine ainsi mais depuis quelques temps, je te vois de plus en plus soucieuse. Que ce soit le travail ou ta vie privée, règle-le. Pas pour moi, mais pour toi. Tu ne survivras pas dans ce département en étant angoissée comme ça ou en te préoccupant du boulot.

Minerva acquiesça et baissa les yeux sur son procès. Mais rien n’y faisait, elle songeait toujours aux Pinkstone : la fille emprisonnée, la mère corrompue et le père, Merlin seul savait à quelle dose il trempait dans cette affaire. Lorsque Ross arpenta à nouveau le couloir, elle se leva d’un bond sous le regard mi-surpris, mi-ennuyé de sa tutrice. Elle sortit du bureau et interpella avec les derniers grammes de courage qui lui restait son grand-père. Celui-ci se retourna, les lèvres plissées.

- Que se passe-t-il ? Fais vite, je suis occupé.
- C’est à propos de Pinkstone, lança Minerva pour s’empêcher de faire machine arrière.

Ross dressa un sourcil.

- A propos du témoin.

L’attitude de Ross changea. Il pinça les lèvres et lui fit signe de le suivre dans son bureau. S’il n’en ferma pas la porte, il la poussa du pied au maximum.

- Quoi, le témoin ?
- Comment… avez-vous eu son contact ? demanda Minerva prudemment.
- Il est venu de lui-même.
- Mais comment savait-il que le procès avait été rouvert ? L’information n’a pas été rendue publique, si ?

Ross pencha la tête.

- Non.

Minerva attendit qu’il développe, mais seul le silence lui répondit.

- Alors… personne ne lui a dit que Mme Pinkstone avait rouvert le procès. Donc quelqu’un l’a mis au courant. Quelqu’un relié au procès.
- Où veux-tu en venir ? interrompit Ross. Le plaignant a tous les droits de proposer un témoin, si jamais tu insinues que Mme Pinkstone aurait demandé à M. Trye de témoigner.
- Oui mais…
- Mais quoi ? Minerva McGonagall, il va falloir être plus précise et surtout, plus directe.

Froissée et sensiblement humiliée, Minerva se braqua.

- Qui vous dit que le témoignage est vrai ? dit-elle d’un seul coup. Vous saviez que M. Trye travaillait dans la même boutique que M. Pinkstone ? Il faudrait un sacré hasard pour que le témoin soit un collègue du mari de la plaignante et père de l’accusée, non ?
Ross se leva et referma le bouton de sa veste anthracite.
- Vous vous êtes trompée de département je crois. Le bureau des Aurors, ce n’est pas ici. Vous n’êtes pas enquêtrice, vous n’êtes pas avocate. Vous êtes greffière. Les avocats ne sont pas là pour décider si oui ou non ce que l’on nous raconte est vrai ou pas. Ce qui nous intéresse, c’est utiliser tous les biais possibles pour défendre notre client.
- Surtout si le client vous paie bien, c’est cela ? riposta Minerva en pensant à la conversation qu’elle avait surprise la veille.

Ross s’immobilisa et l’observa. Il plissa légèrement les yeux et s’approcha de la jeune fille.

- Attention à ne pas aller trop loin.

Il lui désigna la porte pour l’inviter à sortir. Son regard froid inquiétant montrait bien qu’il n’avait pas apprécié l’insinuation à la corruption, vraie ou fausse. Minerva obéit à son ordre silencieux et retourna à son bureau, le visage probablement un peu pâle car Marchbank haussa haut les sourcils.

- Je t’ai demandée de régler tes soucis, pas de t’en créer de nouveaux.
- Ca va, tenta-t-elle de rassurer la vieille femme. J’avance. Je vais les régler.

Mais le destin ne voulait apparemment pas en entendre parler car lorsqu’elle rentra chez elle, elle découvrit une nouvelle lettre de Dougal, lourde de son amour et de sa tristesse.

« Fennella et Craig ont demandé de tes nouvelles. Tu te souviens d’eux j’imagine, nous avons joué ensemble lors des jeux des Highlands. »

Minerva fixa longuement ces mots, le dos appuyé contre le bord de son lit, le parquet où elle était assise aussi froid que les couloirs du Ministère. Bien sûr qu’elle se souvenait de cette journée. Une journée formidable. Elle s’était sentie si légère, si apaisée, si joyeuse en compagnie de tous ces gens qui ne la connaissaient pas pour sa magie, pour le Quidditch. Dougal avait été si attendrissant, sa bonne humeur et ses rires avaient fait gonfler le cœur de la jeune fille. C’était ce jour-là où elle l’avait embrassé sur la joue pour la première fois. Un geste qu’elle n’avait pour une fois pas calculé, elle qui avait écouté son cœur sans se poser de questions. Pour le quitter, elle avait longuement réfléchi. Contrairement à sa mère qui avait suivi ce que dictaient ses sentiments, Minerva avait choisi de suivre sa rationalité. Une rationalité qui n’avait malheureusement pas été inspirée par la peur, mais plutôt par un chagrin et une fatalité qui semblaient lui avoir été destinée.

« Nous nous entendons bien tous les trois. Mais étrangement, j’ai toujours ce sentiment que tu manques à l’appel. Ta silhouette est comme un fantôme qui se détacherait à mes côtés. Je vois avec peine tes contours, songeant encore à ton retour. Ce que nous avons eu, était-ce un rêve ? Était-ce un cauchemar pour toi ? Ton sourire était si chaleureux, si heureux, si sincère. Si mon esprit ne me rappelait pas cette image magnifique, je ne t’aurais pas envoyé de lettres ; je craindrais de te harceler. Je ne cesse de me dire que quelque chose dans ta vie t’as fait prendre un virage différent de celui que nous avions entrevoyé ensemble. Mon cœur espère que cette route que tu empruntes n’est pas un demi-tour. J’en serai peiné.
Pense à bien manger, repose-toi lorsque tu as besoin, mets une couverture en plus le soir : il fait très froid dehors. Ne tombe pas malade, prends soin de toi.
Avec toute mon affection,
Dougal
»

Minerva eut un hoquet. Il avait toujours signé « avec tout mon amour ». Aujourd’hui, cet amour s’étiolait-il pour une affection nostalgique ? Chaque lettre était un crève-cœur pour elle. Mais c’était ainsi qu’elle vivait. Un coup de fouet qui lui rappelait sa vie d’antan, une vie lui paraissant à des années lumières de ce glacial mois de janvier et qui pourtant, n’était qu’à deux saisons de distance.
Elle renifla et se redressa. Aller chercher sa cape lui ferait prendre l’air. Son humeur s’assombrissait de jour en jour. Sa vie au Ministère était morose, elle ne parvenait pas à voir Satya régulièrement, ses collègues ne lui parlaient pas, sa tutrice n’était guère le soutien moral dont elle semblait avoir besoin. Dougal rajoutait une couche à sa tristesse, sa famille ne pouvait pas comprendre le mal-être dans lequel elle vivait : comment parler de l’homme qu’elle aimait et en même temps avouer qu’elle n’était pas heureuse comme elle l’espérait au Ministère ? Surtout avec une mère qui avait des yeux brillants à l’idée de savoir sa fille dans cet organisme si prestigieux.
Il faisait dorénavant nuit, les journées étant particulièrement courtes en ce mois de janvier. Le froid s’engouffrait dans son cou malgré son écharpe et le col de son manteau remonté. Il n’y avait plus grand monde dans les rues, hormis les travailleurs rentrant dans leur appartement ou maison bien chaudes. Minerva s’imagina dans son propre appartement d’ici quelques minutes et elle soupira. Elle grignotera un dîner et irait directement se coucher, remontant la fine couverture de son lit. Elle avait les moyens d’en acheter une plus épaisse. Mais elle ne trouvait pas le temps ou alors quand elle en disposait, elle ne trouvait pas le courage de sortir dans le froid. C’était comme si elle s’était habituée au froid la nuit, comme si mettre une deuxième paire de chaussettes et son écharpe étendue comme un plaid autour d’elle dans son lit étaient normal. Elle s’était accommodée à cet inconfort. Ses parents seraient probablement horrifiés de savoir cela. Déposer son manteau à la laverie constituait déjà un effort luxueux que Minerva était surprise d’avoir réalisé.
Quand elle entra dans la laverie, l’odeur de sous-bois la percuta à nouveau. C’était M. Pinkstone encore une fois qui tenait l’enseigne. La reconnaissant, il la salua du fond de la boutique avant de lui ramener sa cape.

- Et voilà, toute scintillante ! Elle en avait bien besoin. Cela vous fait deux gallions, je vous prie.

Minerva lui tendit les pièces. Curieuse, elle demanda :

- C’est quoi, ce fameux produit que vous mettez pour la finition ?
- Ah, c’est une recette privée, on l’appelle le « BB », le « Bon Boulot », parce que c’est fait à partir d’extrait de sève de bouleau. Mais vous n’en saurez pas plus ! ajouta-t-il avec un clin d’œil.
- De la sève ? répéta Minerva, son nez frétillant en se souvenant des odeurs qu’elle avait senti au Ministère chez la femme et dans la rue quelques heure plus tôt.
- Hop là, intervint une voix au fond de la boutique. N’en dis pas plus Hans !

Le second homme les rejoignit et Minerva reconnu le témoin M. Trye. Celui-ci eut une démarche brusquée lorsqu’il la reconnut.

- Ravie de vous revoir, fit Minerva avec un sourire poli.
- Ah, heu, oui, oui. Egalement.

Trye sembla gêné de croiser sa route. Il fit mine de farfouiller dans une malle, marmonnant dans sa barbe.

- Vous vous connaissez ? s’étonna Hans Pinkstone.

Ainsi donc, père Pinkstone n’est en aucun point relié aux manigances de sa femme, songea Minerva.

- Nous nous sommes brièvement croisés, répondit Trye. Hum, ne divulgue pas nos secrets de fabrication, hein ? Je retourne travailler.

Il disparut au fond de la boutique en continuant de marmonner. Minerva se demanda si elle devait lui dire qu’elle allait bientôt lui envoyer la date pour le procès, mais elle songea que cela aurait été trop mesquin. Elle avait deviné que Pinkstone n’était visiblement pas au courant des faits de son collègue.

- Cela fait longtemps que vous travaillez ensemble ? s’enquit-elle innocemment.
- Environ cinq ans je dirais… Mais c’est un ami de famille de longue date.

Minerva hocha la tête avec un « ah » silencieux. Elle le remercia à nouveau et quitta la boutique après un dernier regard vers l’atelier.
Sa cape sentait la sève du magasin. Le matin elle avait eu la même odeur, probablement parce qu’elle sortait de la boutique et que le parfum ne s’était pas encore éventé. La femme avait eu cet effluve identique. Simple cliente ou plus ? Son visage lui avait été familier. Ce front haut, ce nez droit… lui rappelaient Carlotta Pinkstone. La femme que son grand-père avait rencontrée était-elle Emma Pinkstone ? Pourquoi un avocat et son client se rencontreraient secrètement le soir au Ministère si la nature du procès n’était pas louche ? D’après la conversation surprise, quelqu’un avait besoin d’être convaincant et cette personne semblait être payée pour cela. Les soupçons pointaient trop facilement vers M. Trye… Sans compter la menace de Ross, « vous auriez plus à perdre que moi » : que perdrait Emma Pinkstone si cette corruption était découverte ? Flint se donnerait à cœur joie de pointer ce délit du doigt pour faire tomber Pinkstone de la tête du département des Accidents et Catastrophes Magiques et donc, d’écraser Carlotta au fond d’Azkaban pour une durée plus indéterminée.
Minerva frissonna. Elle avait rejoint la justice, et se retrouvait finalement ficelée dans des entourloupes politiques auxquelles son grand-père était mêlé.
A la pension où elle logeait, toutes les lumières étaient allumées, ce qui n’arrivait jamais. Minerva croisait rarement les pensionnaires, encore moins toutes en même temps. Mais ce soir, elles étaient toutes sorties et la propriétaire tentait de se frayer un chemin dans l’escalier grinçant. Elle montait ainsi jusqu’au cinquième étage, celui de Minerva et Satya notamment. Là, un vacarme retentissant se faisait entendre. Les pensionnaires rentraient la tête dans les épaules au moindre bruit de verre, d’autres plus curieuses, tentaient de suivre la propriétaire. Inquiète, Minerva les poussa sans ménagement et parvint sur son palier. Sa chambre avait toujours sa porte fermée à clé. En revanche, celle de Satya… le battant avait été violemment abattu contre le mur et plusieurs Aurors retournaient les meubles sans ménagement. Satya recroquevillée dans un coin, les bras autour de ses genoux, était surveillée par la baguette d’un Auror.

- Par Merlin, que se passe-t-il ici ? s’exclama la propriétaire.

Minerva tenta de s’approcher de son amie mais la baguette du sorcier l’en empêcha.

- C’est quoi cette affaire ? s’insurgea-t-elle.

Un autre Auror répondit à la propriétaire.

- Depuis combien de temps vit-elle ici ?
- Satya… ? bredouilla la propriétaire. Depuis le mois de juillet dernier, pourquoi… ?
- Vous n’avez remarqué aucun comportement suspicieux depuis son arrivée ?

Minerva cligna des yeux, abasourdie. Elle jeta un regard à son amie, toujours immobile et dont elle ne parvenait presque pas à voir le visage.

- Suspicieux ? répéta la propriétaire.
- Cette jeune femme est accusée d’espionnage pour le compte des soviétiques. Les espions pullulent en ce moment.
- Les soviétiques ? fit la propriétaire. Vous parlez de cette guerre glaciale chez les moldus ?
- Froide. Il n’y a pas de moldus ou de sorciers qui tiennent dans les guerres madame. Je réitère : avez-vous remarqué quoique ce soit d’étrange chez cette femme ? Un comportement, des paroles…

La propriétaire sembla dépassée car ses yeux faisaient l’aller-retour entre Satya au sol, Minerva immobile à mi-chemin entre l’entrée et son amie, et les Aurors, baguettes et autorisation d’intervention en main.

- Chef ! J’ai trouvé quelque chose, fit un Auror à l’intérieur de la chambre.

L’Auror revint avec la boîte à bijoux que Satya transportait partout avec elle.

- Le miroir à l’intérieur est un miroir à double-sens.
- Tiens donc. Pratique pour discuter avec vos supérieurs, j’imagine ? fit le chef à Satya, toujours prostrée.
- C’est pour appeler sa famille ! la défendit Minerva en avançant d’un pas.

Le chef haussa un sourcil et la jugea du regard.

- Vous vous connaissez ? dit-il en pointant les deux jeunes filles de l’index.
- Nous sommes voisines de chambre, siffla Minerva, et amie. Bien sûr que l’on se connaît.

L’Auror parut enchanté.

- Eh bien, cela nous fera une deuxième personne à interroger alors.
- Je vous demande pardon ?

L’Auror avança vers elle.

- Vous m’avez bien entendue. Pour autant que je sache, vous pourriez être son associée.
Minerva n’eut pas le temps de s’indigner car la propriétaire s’avança.
- Monsieur l’Auror, celle-ci est écossaise, vous savez. Je doute…
- Les rouges sont partout madame. Vous avez cherché partout ? aboya-t-il à ses officiers.

Tous répondirent à l’unisson.

- Est-ce que vous disposez même d’un mandat d’arrêt ? lança Minerva dans un coup de bravade.
- Pour vous, non. Pour votre amie, oui. Quittez le pays, et nous vous retrouverons.

Minerva croisa les bras, en partie pour empêcher l’Auror de les voir trembler.

- Je n’ai aucune intention de quitter le pays. Je ferai revenir Satya chez elle. Ici.

L’Auror fit un geste vague de la main et désigna Satya par terre.

- Emmenez-la.

Les Aurors attrapèrent la jeune fille par le bras. Celle-ci n’eut aucune réaction, aucun esprit revanchard. Ses yeux restaient baissés. D’humiliation, selon Minerva, de culpabilité probablement, selon l’Auror.

- Je te ferai sortir de là, assura Minerva, je te le promets !

Satya ne releva même pas la tête alors qu’on la traînait en dehors, une simple couverture sur les épaules. Les pensionnaires s’écartaient sur son passage, la rumeur ayant déjà atteint le bas des escaliers, tandis que Minerva restait à son cinquième étage, à moitié détruit par le passage des Aurors.
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 52 : Les griffes du Ministère

- Qui aurait cru que la coopération magique se plante aussi sévèrement dans son recrutement ?
- C’est bien malheureux…
- Malheureux ? C’est pire que cela, qui sait ce qu’elle a pu raconter depuis son arrivée ici…

Etrangement, l’arrestation de Satya avait fait du bruit même dans le département de la Justice. Les employés se faisaient un plaisir d’utiliser ce fait divers pour prouver à qui voulait l’entendre que la Justice n’aurait pas commis une erreur pareille. La coopération, elle, baissait la tête, désireuse de se faire oublier. Son directeur avait été convoqué par la Ministre pour des explications, en compagnie de l’équipe recrutement.
Marchbank zyeuta Minerva lorsqu’elle entra dans le bureau.

- Ce souci avec ta voisine fait beaucoup de bruit.

Minerva acquiesça.

- Mais elle sera innocentée, non ? Il n’y a pas de preuve contre elle.
- Des témoignages, Minerva. C’est très grave. Sans oublier ce miroir à double-sens qui a été trouvé chez elle.
- Mais ce sont pour ses appels avec sa famille…
- Famille et possiblement autre, Minerva, coupa Marchbank. Laisse donc la Justice effectuer son travail.

Minerva jeta un coup d’œil aux juges dans les parages. La Justice de Flint était-elle de bonne valeur ? Le doute lui était permis.

- C’est une amie, elle n’est pas une espionne communiste, tenta de plaider Minerva.
- Tu ne cesses de faire des heures supplémentaires au boulot et tu manges à ton bureau, s’étonna Marchbank, et tu trouves le temps de créer une relation d’amitié ? Deux déjeuners et faire le chemin ensemble jusqu’au travail, je ne considère pas cela comme une amitié de confiance. Il est facile de se dissimuler des choses.

Minerva allait répliquer, mais sa tutrice l’interrompit à nouveau :

- Tu ferais mieux de te remettre au travail, certains collègues parlent déjà dans ton dos, alors ne leur donne pas plus de raisons de le faire. Bien entendu, tu ne pourras pas travailler sur le dossier de Mademoiselle Priyanka. Tu es trop proche de l’accusée.
- Faudrait savoir, je suis trop proche ou pas assez ? dit vertement Minerva.

Marchbank haussa les sourcils au-dessus de ses lunettes.

- Doucement, Minerva.

Minerva pinça les lèvres et s’excusa pour son ton. Elle n’apprécierait pas de se mettre à dos une des rares personnes à la soutenir et à lui adresser la parole. Elle était un peu à cran ces derniers temps. Elle dormait moins et moins bien, mangeait probablement moins parce qu’elle semblait avoir maigri, elle qui n’était déjà pas bien épaisse, et l’ambiance au travail additionnée à son stress quotidien lui minaient le moral. Sans compter les lettres de Dougal. Et maintenant l’histoire avec Satya… Marchbank n’avait pas non plus entièrement tort. Elle s’entendait bien avec sa voisine de palier, mais dernièrement, elles ne s’étaient que très peu vues. Les rares moments où elles parvenaient à discuter, Satya était interrompue par sa famille qui l’appelait, ou Minerva finissait par s’endormir tôt, usée par la fatigue. Elle rentrait beaucoup plus tard et partait plus tôt que sa voisine, donc elles ne se rendaient plus aussi souvent ensemble au Ministère. Plus vite agacée, constamment tendue, Minerva craignait que les derniers évènements ne lui fassent baisser les bras. Et si, contrairement à ce qu’elle pensait instinctivement, Satya dissimulait bel et bien quelque chose ?
Elle n’avait jamais donné la raison de sa venue en Angleterre. Tout ce qu’elle avait mentionné, était d’avoir suivi des cours similaires à Poudlard avant la décolonisation de l’Inde, puis, mystérieusement, elle n’avait pas pu reprendre l’école. Jamais elle n’avait expliqué pourquoi.

- Minerva ?

Elle releva la tête. Elphinston avait passé la tête dans l’entrebâillement de la porte.

- Reckter veut te parler.

Minerva observa le visage ennuyé de son collègue. Aucun doute que son supérieur souhaitait s’entretenir avec elle à propos de sa relation avec Satya. Elle retint un soupir et suivit Urquart.

- Je sais que Reckter peut être un peu délicat à gérer, admit tout bas Elphinston, si vous avez des problèmes avec lui, n’hésitez pas à me les rapporter.

Minerva avait cru qu’il poserait des questions ou lui reprocherait de s’être mêlée à cette histoire, aussi elle fut surprise. Elle ne devrait pas être étonnée pourtant, Elphinston avait toujours été à l’écoute et meilleur soutien que n’importe quel collègue dans son entourage.
Il lui indiqua la porte du bras avant de la laisser après un dernier sourire encourageant.

- Ah, mademoiselle McGonagall, fit Reckter lorsqu’elle entra dans le bureau.

Il ne lui désigna pas la chaise pour l’inviter à s’asseoir et resta lui-même adossé à son siège.
Minerva attendit sa réprimande. Elle n’était coupable de rien, mais les réflexions de ses collègues, de Marchbank et le comportement d’Elphinston avaient élargi l’arrestation de Satya à Minerva : leur proximité cachait-elle autre chose ? Le Ministère devait-il se méfier de cette seconde employée ? Elle passa discrètement d’un pied à l’autre, les mains jointes, comme soudées entre elles. Reckter avala une gorgée de thé.

- Vous avez un excellent dossier scolaire, très exemplaire, finit-il par dire. Tant au niveau de vos notes que de votre comportement et dévouement.

Minerva remarqua qu’il avait effectivement son dossier ainsi que l’article de Métamorphoses de nos Jours sous les yeux.

- C’est pourquoi je ne vais pas douter de vous dans toute cette affaire.

Minerva se demanda s’il fallait le remercier. Il avait l’air de lui faire une faveur mais… elle n’était coupable de rien. Alors pourquoi se sentir si soulagée ?

- Comprenez-bien que les actions d’un employé se répercutent sur tout un département. Je ne doute pas que dans le reste du Ministère l’on parle de vous et de la Justice qui se retrouvent mêlée à des affaires d’espionnage. Vous n’êtes pas sotte, vous vous rendez bien compte de l’image que nous renvoyons actuellement, n’est-ce pas ?
- Mais monsieur, je n’ai rien fait. Je ne suis pas espionne. Et Satya non plus.
- Bien sûr que vous ne l’êtes pas, assura Reckter tout en occultant le reste de sa réflexion. Mais pourquoi iriez-vous la défendre bec et ongles lors de son arrestation ? C’est sur le dossier de l’affaire ! Tout y est, vos mots, vos gestes. Pourquoi vous mêler à cela ?

Minerva cligna des yeux.

- C’est mon amie.

Reckter se leva.

- Non, non, vous la mettez entre parenthèses votre amitié, rectifia-t-il. Tant qu’elle n’est pas innocentée vous ne parlez pas de cette relation.
- Mais elle est innocente !
- Cela, c’est vous qui le pensez, répliqua Reckter en la pointant du doigt. Pouvez-vous prouver qu’elle n’est pas une espionne ? La connaissez-vous vraiment ?
- Assez pour savoir qu’elle n’est pas une espionne.

C’était faux. Que savait-elle de sa voisine ? Qu’elle était indienne, qu’elle avait étudié à l’école jusqu’à sa cinquième année, qu’elle était partie très rapidement de son pays pour rejoindre l’Angleterre où elle avait trouvé du boulot au Ministère. Elle appelait souvent sa famille. Enfin, Minerva se doutait que c’était sa famille. Satya avait interrompu leur première rencontre à cause d’un appel de ses parents. Elle les appelait très souvent, mais comme elle parlait hindi, Minerva ne pouvait pas savoir qui était de l’autre côté du miroir.

- Je dis cela pour vous. Pour notre département également, mais vous pourriez également en pâtir. Faites-vous discrète.
Il n’attendit pas sa réponse et la congédia, prétextant que Ross avait probablement besoin de son aide pour le dossier Pinkstone. Minerva sortit du bureau. Dans les couloirs, rien n’avait changé. Les employés étaient toujours aussi pressés, regardant leurs dossiers au lieu de regarder devant eux, s’évitant les uns les autres de quelques centimètres sans jamais se percuter, frappant aux portes des collègues avant d’asséner une pile de quatre ou cinq dossiers sur le bureau, soupirant, jurant. Culotté de la part de Reckter de lui demander de ne pas ternir la réputation du département quand la moitié des employés flirtait avec la corruption. Y compris l’homme qui lui faisait signe de le rejoindre, ses cheveux comme toujours coiffés en brosse et sa chevalière scintillante à son auriculaire.

- Tu as envoyé la convocation à M. Trye ?

Il était repassé au tutoiement. Soit il allait outre leur altercation de la dernière fois, soit il faisait semblant de l’ignorer le temps de l’enquête. Minerva venait de quitter les petits souliers dans lesquels elle était face à Reckter pour en chausser d’autres face à son grand-père.

- Je n’ai pas reçu d’information sur le procès, dit-elle tout en se demandant si elle n’avait pas oublié de vérifier sa boîte aux lettres ce matin.
- Maître Flint m’a dit qu’il avait décidé d’une date. Il a chargé Soky de te mettre la missive à ton bureau.
- Qu’il le fasse lui-même ! lança Minerva d’une voix un peu trop forte. Qu’il utilise sa baguette magique au lieu de tout demander à Soky ! Elle est épuisée, elle reste éveillée toute la nuit pour des employés absents parce qu’elle fait le ménage après. Comment voulez-vous qu’elle pense à déposer une lettre dans ma boîte aux lettres ?
Ross s’arrêta d’éplucher le dossier durant quelques secondes avant de reprendre son mouvement répétitif.
- Je ne fais que transmettre l’information. Qu’est-ce qui te met dans cet état ? Le procès de Satya Priyanka ?

Minerva lâcha un souffle empli de frustration. Tout, n’importe quoi la mettait dans cet état. Sa fatigue, ses repas peu copieux, le froid dans son appartement, ne pas parvenir à voir Alan autant qu’elle le souhaiterait et à la fois regretter que lors de son temps libre, elle ne trouve pas le courage de sortir de chez elle, son rôle au Ministère toujours aussi flou, le procès de Satya, Reckter qui lui demandait de mettre son amie dans les oubliettes, Flint qui ne parvenait pas à donner la date du procès et qui faisait passer Minerva pour une incapable, son travail acharné qui n’était jamais remercié, ses collègues toujours aussi peu loquace envers elle sauf pour parler dans son dos, Ross qui lui faisait peur dès qu’elle émettait son avis sur la corruption, la corruption en elle-même qui rongeait chaque employé et qui présidait le Ministère, l’injustice qui prévalait pour assurer la réputation, Dougal et ses lettres gonflantes d’un amour qui ouvrait et apaisait à la fois ses plaies, sa mère qui ne cessait de s’extasier sur son travail au Ministère alors que sa fille n’y était pas heureuse. Le fait de ne pas être heureuse et de toujours penser au choix qu’elle avait fait quelques mois plus tôt…

- Non, rien.

Ross hocha la tête et baissa les yeux.
…le fait que personne ne remarque son mal-être. Que ses « rien » n’interpellent ni Marchbank, ni son grand-père. Lorsqu’elle assurait que tout allait bien, que personne n’entende, dissimulé derrière, son cri intérieur ou les pleurs qui la secouaient le soir. Que quand elle était malheureuse, elle ne parvienne pas l’exprimer par les mots. En vouloir aux autres de ne pas comprendre, deviner. Puis s’en vouloir de leur en vouloir, car, comment le pourraient-ils, si elle n’expliquait pas ?
Dougal aurait su, lui. Il aurait compris, il aurait deviné.

- Je conçois que toute cette affaire te perturbe. Peut-être, la trouves-tu injuste également. Mais nous devons prendre tout soupçon en compte.
- Elle a été traînée en dehors de chez elle comme une malpropre, rétorqua Minerva. Elle a été humiliée.

Ross fit la moue.

- Et c’est ennuyant, bien sûr. Je ne valide pas la manière mais je peux comprendre le fond. Tu devais être jeune, mais la Seconde Guerre mondiale a été terrible, tant chez les moldus que chez nous.
- Je sais, mon père a été appelé lui aussi.

Elle n’alla pas plus loin dans ses propos. Il n’était pas prudent de mentionner sa famille et encore moins son père face au patriarche Ross.

- Tu imagines donc bien que les tensions actuelles chez les moldus inquiètent le gouvernement sorcier. Il préfère prendre les devants.
- En reproduisant une chasse aux sorcières à la Salem ?

Ross soupira et ferma le dossier. Il croisa les jambes, puis les mains.

- Ne compare pas ce que ton amie subit à cet évènement tragique, ce n’est pas la même échelle. L’Inde s’est rapprochée de l’URSS maintenant que leur ancien dirigeant est décédé. Et le Pakistan a un réseau d’alliances avec les pays de l’Occident. Tu sais que le Pakistan et l’Inde se sont séparés il y a quelques années ?

Minerva hocha vaguement la tête. Satya en avait parlé lors du premier jour de Minerva au Ministère. A l’indépendance de l’Inde en 1947, il y aurait eu des tensions extrêmes entre les deux régions qui avaient mené à la partition du pays. Elle n’en savait pas plus.

- Le Ministère prend ses précautions. Il se trouve que Satya n’est pas la plus aimée de son département. Elle ne parle pas, mange la plupart du temps seule, ne semble pas apprécier ses collègues et ne s’en cache pas… Donc les gens ne savent rien d’elle, de son passé. Elle est arrivée en Angleterre en 1952 mais n’a rejoint le Ministère qu’en juillet 1954. Que faisait-elle avant ?

Ross l’observa, attendant sûrement qu’elle apporte une réponse. Mais Minerva n’en n’avait pas. Elle ignorait complètement ce que son amie avait fait avant de rejoindre le département de coopération magique. Elle avait mentionné détester l’endroit, le Ministère même, de détester ses « collègues racistes ». Si elle haïssait tant être ici, pourquoi ne quittait-elle pas ce travail ? Aurait-elle une opportunité ailleurs ? Sa famille pourrait-elle l’aider ? En avait-elle les moyens ? Minerva n’avait aucun moyen de savoir, elle ignorait tout de la famille Priyanka. Y avait-il un frère, une sœur ? Était-ce une famille aisée ? De sorciers ou moldus ?

- Le département de la coopération magique est un département sensible, il leur arrive parfois d’être particulièrement méfiants, termina Ross en récupérant son dossier. Bien, nous nous y remettons ?

Minerva l’observa du coin de l’œil. Elle ne parvenait toujours pas à saisir quelle sorte de personnage son grand-père était. Un homme au regard froid qui avait fait fuir sa fille, un homme inquiétant qu’Isobel fuyait ? L’avocat qui réalisait un travail consciencieux tout en laissant une certaine dose de morale derrière ? Le collègue aux mots sévères mais parfois justes, qui aidaient indirectement Minerva ? Le grand-père caché qui connaissait son identité mais qui avait décidé d’ignorer son statut ? Ou alors craignait-il de le porter ? Et si ce dernier cas était celui adopté, qu’en ressentait Minerva ? Elle qui au début souhaitait l’éviter et était pétrifiée à l’idée de l’approcher, venait même de mentionner son père tout en étant sagement assise en sa compagnie. Trouvait-elle factuellement triste qu’il ne cherche pas à la connaître ou ressentait-elle cette tristesse dans son cœur ? Grand-père Eugene avait profondément regretté cette séparation avec son fils, mais cela ne semblait pas le cas avec Leopold Ross. Peut-être était-il préférable d’entretenir une simple relation cordiale entre collègues et ne pas essayer d’espérer plus. Elle n’avait pas besoin d’une autre déception.

***


Il était encore une fois tard dans le département de la Justice Magique, et la lumière du bureau de Minerva était toujours allumée. Marchbank était partie trente minutes plus tôt, Ross lui, avait quitté les lieux juste après son échange sur le procès de Pinkstone.
Minerva avait été dans le bureau de Flint demander la convocation pour M. Trye en prétextant qu’elle l’avait perdue afin que Soky n’ait pas de retour de bâton. Flint avait été agacé et avait sauté sur l’occasion pour déplorer son manque de professionnalisme et qu’Urquart avait dû être fatigué lorsqu’il avait demandé sa promotion. Reckter avait été prévenu et avait envoyé un mot écrit à la va-vite, annonçant qu’il était extrêmement déçu. « La moindre erreur commise est une tâche d’encre sur le parchemin vierge de notre département. » Aussi, Minerva s’était forcée à rester plus longtemps au travail. Si la perte d’une simple convocation provoquait de tels remous, elle n’osait imaginer ce qu’elle recevrait si jamais elle commettait une bévue sur un dossier. Elle avait relu de multiples fois tous les dossiers, s’était appuyée sur les modèles de son collègue Haminston puisque personne ne lui avait appris comment faire son travail et elle avait donc perdu en efficacité : le temps pris dans la relecture lui avait fait perdre son rythme moyen de deux dossiers par heure.
Ses yeux la brûlaient et sa nuque était raide de douleur. Son poignet parcourant les parchemins depuis plusieurs heures était devenu insensible et ses doigts fourmillaient. Elle pressa son autre main contre son ventre qui criait de faim.

- J’en étais sûr.

Minerva releva trop vite la tête et eut la vision légèrement trouble durant quelques instants. Elphinston se tenait dans l’encadrement de la porte, le visage mi-sévère mi-inquiet.

- On m’avait prévenu que vous restiez tard le soir. Allez, cela suffit, vous n’avez pas de travail en retard.
- Attendez, juste…

Elphinston s’avança dans le bureau, prit de force la plume que tenait sa collègue et attrapa plus délicatement son bras, la forçant à se lever.

- J’ai dit, cela suffit, répéta-t-il fermement.

Il lui fit signe de la suivre à l’espace restauration où Soky préparait deux thés.

- Je vais vous demander de prendre une pause et de boire ce thé sans vous presser.

Minerva jeta un coup d’œil nerveux vers son bureau, où ses dossiers attendaient. Elphinston claqua des doigts.

- Et sans penser à votre travail.

Elle finit par obéir.

- Vous vous rendez compte que les seules pauses que vous vous autorisez sont celles que je vous ordonne ou que je vous impose en vous faisant prendre un thé ?

Minerva cligna des yeux dans sa direction. C’était vrai qu’en y réfléchissant, les seuls moments durant lesquels elle ne travaillait pas étaient ceux passés avec Urquart.

- Pourquoi croyez-vous que ce soit moi qui vous accompagne au bureau des collègues lorsque vous êtes convoquée ? Pour vous faire marcher plus lentement, autrement vous iriez en courant avant d’enchaîner sur votre travail.
- Je n’ai pas besoin que l’on s’occupe de moi, répondit Minerva en haussant un sourcil.

Elle savait qu’elle aurait dû probablement le remercier mais sur le moment, elle avait l’impression qu’il lui renvoyait son statut de novice à la figure. Si elle travaillait autant, c’était parce qu’elle avait besoin de faire ses preuves.

- Je n’ai pas dit le contraire. Mais présentement, vous n’aviez rien mangé depuis dix heures, vous travaillez sans relâche tous les jours, dormez peu car vous êtes la dernière à partir et la première à arriver. Vous allez détruire votre santé.

Il demanda à Soky de leur fournir des scones et en quelques secondes à peine, un pot de confiture et du beurre attendaient sagement aux côtés de scones fumants et gonflés.

- Tu peux rentrer, Soky, assura Elphinston.

Soky s’inclina si fortement en avant qu’elle failli se cogner la tête au sol.

- Merci, maître Urquart !

Elle disparut dans un craquement et Elphinston se tourna vers Minerva qui n’avait pas pipé mot.

- Je comprends que vous souhaitez bien faire. Je comprends que vous souhaitez prouver votre valeur. Ce département n’est pas tendre. Mais croyez-moi, en prenant ce rythme, vous vous épuiserez bien avant lui.

Elle avait fait sa tête de mule avec sa bravade un peu plus tôt, mais son cœur se serrait d’émotion de savoir que quelqu’un prenait finalement le temps de l’observer. Elle grignota un scone, à la grande satisfaction de son estomac qui s’apaisa. Elphinston fit de même en silence, semblant vouloir lui laisser plusieurs minutes sans penser, sans réfléchir. Vider son cerveau lui procurait le plus grand bien et additionné à la nourriture et son thé, son corps se remplissait d’une chaleur bienfaisante. La température semblait meilleure même. Si elle fermait les yeux et se concentrait bien fort, elle pouvait s’imaginer dans son salon à Caithness, un grand feu de cheminée diffusant des volutes de confort et un thé bien chaud dans ses mains.

- Maître Marchbank et Maître Ross m’ont parlé de vos colères récentes, fit soudainement la voix d’Elphinston. C’est inhabituel de votre part.

Minerva rouvrit les yeux et les murs gris et froids du Ministère ramenèrent des frissons à son corps. La tasse était gelée sous ses doigts et les scones plus secs. Elle avait quitté Caithness. C’était elle qui avait choisi sa vie actuelle, ce travail et les aspects négatifs qui allaient avec. Si elle ne travaillait pas suffisamment et que ses supérieurs n’étaient pas satisfaits, qu’allait-elle devenir ? Elle ne pouvait pas retourner chez ses parents, pas avec Dougal à côté. Et puis, voir la déception dans les yeux de sa mère serait au-dessus de ses forces. Comme elle le disait toujours, ce n’était qu’un mauvais moment à passer. Ensuite, elle deviendrait comme ces autres avocats ou employés, inclue dans le département. On ferait appel à elle, on louerait son efficacité, ses capacités, sa volonté et sa détermination.

- Je ne vous blâme de rien, rassura Elphinston en émiettant son scone tandis que la gorge de Minerva se nouait de plus en plus.

Elle savait que le Ministère n’était pas un endroit facile à vivre. Mais son cœur malheureux, sa vie malheureuse étaient des poids bien lourds à supporter en attendant sa réussite future.

- C’est d’ailleurs pour cela que je souhaitais avoir cette discussion franche avec vous, continuait Elphinston, au lieu de simplement vous offrir le thé.

Elle ne savait pas jusqu’où elle pourrait supporter tout cela. Elle imagina Satya dont la vie avait pris un virage radical, assise dans une cellule sombre. Dougal abandonné sans explication par la fille qu’il aimait. Alan dans son appartement croupi, accompagné d’une copine aux yeux enfoncés dans leurs orbites, visage émacié à la peau pâle. Lewis dans sa dernière année à Poudlard toujours à la recherche des réponses sur la mort de son frère, valsant de manière trop proche de Jedusor. Si elle prenait leur vie à chacun d’entre eux, la sienne n’était pas trop moche : elle avait un travail, un appartement. Et pourtant, son corps entier voulait sangloter de peine et de fatigue, alors qu’elle n’avait pas ce droit. Par égard pour ses amis, par égard pour le choix qu’elle avait fait, elle ne pouvait pas lâcher prise. Elle aura à être malheureuse durant une période de sa vie pour mériter le futur qu’elle voulait.

- Je vous avais déjà posé la question la dernière fois mais… Vous êtes certaine que vous allez bien ?

Minerva enfouit son menton dans son cou, espérant que des mèches de son chignon s’échappent pour cacher son visage crispé. Sa main devint blanche autour de la tasse.

- Vous trouverez cette question peut-être trop insistante… Je suis peut-être inquiet pour rien mais…

Silence.

- Mademoiselle McGonagall, vous pleurez ?
Cazolie

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par Cazolie »

LOOOOOOOOOOOOOOOOOL j'étais donc à jour sur Booknode ! incroyable

Chapitre 48, z'est parti
- Mais ce n’est pas très… humain, si ?
Mais après on est bouffééééééé
Il était l’une des rares personnes qu’elle appréciait dans son département, l’autre étant Marchbank.
C'est vraiment une femme qui s'entoure de peu de personnes
Il terminait Poudlard cette année.
Comment j'avais pas capté qu'il avait un an de moins
Madame Marchbank aura toujours besoin de votre aide par moment, mais je peux déduire de votre mission à ses côtés pour vous donner plus de procès à rédiger.
J'AP-PROUVE
-Cela ira, je vous remercie.
Je comprends mais est-ce que se morfondre seule dans son studio pourri sera beaucoup mieux
Il est vraiment chou Elphinston
Elle avait besoin de revoir sa famille, de retrouver un semblant de nostalgie de son ancienne vie, dormir dans son ancien lit, manger un vrai repas…
Qu'est-ce que je disais
Sous les coups de dix-huit heures, elle salua Satya et transplana à quelques centaines de mètres de la maison familiale.
Tain c'est si pratique le transplanage
Nous ça va être la grande transhumance à Noël
seul un lampadaire se trouvait là, maigre halo de lumière dans l’obscurité.
Qu'est-ce tu fais là Narnia
Mais personne ne lui avait expliqué qu’après Poudlard, les départs allaient devenir plus définitifs, les retours moins fréquents.
Pauvre bichon... Même sans être autiste, c'est dur quand t'es le dernier
- Non, non ! Je voulais dire, rien ne m’empêche de me marier sans avoir d’enfants ! Pas l’inverse, pas l’inverse.
Hahahahah ScAnDaLe
sortit sur le perron jouer de la cornemuse.
Les voisins doivent être ravis
Elle sentit le dîner remonter et elle se rua aux toilettes, où elle vomit tout.
En voilà une excellente excuse

Elle me fait de la peine mais bon fallait bien en passer par là
Cazolie

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par Cazolie »

Allez chapitre 49
Là-bas, elle retournait à sa triste solitude, attendant le lever du soleil pour repartir au travail et occuper ses journées, son esprit.
Ca va la dépressive profonde T.T T.T T.T
Remarquez, c’est le travail d’une scribe après tout.

Il eut un léger rire.

- Mais si vous ne savez rien au droit juridique…
CONDESCENDANCE BONJOUR
Non, j’émettais simplement mes doutes, nous verrons ce dont vous êtes capable dans quelques semaines.
Ben ferme ta bouche alors
Ou formule ce que tu veux dire de façon encourageante TOCARD
- Je ne pense pas avoir dit de bêtise. Enfin, quoi qu’il en soit, à leur âge, elles peuvent… se concentrer sur leur travail.
C'est un truc qu'a dit ma belle-mère récemment, que finalement une femme de 50 ans au chômage avec de l'expérience professionnelle va être recrutée facilement parce qu'on est sûr qu'elle partira plus en congé mater' (ou en arrêt pour les mêmes raisons, mdr)
Devait-elle attendre qu’une affaire lui soit proposée ? Quelles étaient ses missions en attendant ?
Demande à Marchbank ?
Le Ministère pouvait bien s’en charger, non ? Elle n’était pas certaine.
Ptdr,pas si ça fonctionne comme l'éducation nationale
La secrétaire ne bougeait pas, bras ballants alors que Minerva tentait de sauver le parchemin. Mais l’encre avait coulé et plus rien ne subsistait du dossier hormis de larges bavures bleutées.
Naaaaan la cataaaaaaa
- Tu ferais mieux d’aller travailler, fit la secrétaire, ne prends pas du retard dans tes dossiers à ton jeune âge. Allez, va.
Mais c'est terrible cette histoire
Aussi, on dirait qu'elle accumule des dossiers depuis 1874
Elle se jeta sur la bouilloire et entreprit de verser de l’eau brûlante sur ses doigts
Aaaah je grimace je grimace
Minerva s’affala sur le siège de la secrétaire. Elle n’avancerait pas sur son propre travail ce soir, mais au moins avait-elle la certitude d’avoir accompli quelque chose de bien pour une femme qui méritait de voir pour un soir sa petite-fille à son anniversaire au lieu de le passer au bureau, submergée par le travail, les demandes, les requêtes et les critiques.
So proud of you :'))))
Minerva se recoiffa pour se donner meilleure allure
Moi quand on m'a obligé à refaire ma photo alors que j'avais pas priss le temps de me coiffer très soigneusement ce matin
Cet homme, c’était son grand-père maternel, Leopold Ross.
WHAAAAAAAAAAAAAAAAAAT
OH THE DRAMA
Je m'y attendais pas à celle-là
Cazolie

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par Cazolie »

Chapitre 50 olala
Il jeta un regard à ses notes.

- Minerva… McGonagall, c’est bien ça ?
Ca fait trop longtemps, je me rappelle plus, il sait pas qui elle est ?
C’est une laverie très reconnue, beaucoup de hauts placés et d’employés du Ministère viennent déposer leurs capes et robes chez nous, d’ailleurs si vous avez besoin…
Pouahahah, toujours profiter
Ross soupira et l’observa longuement. Minerva se demanda s’il voyait à travers elle les traits de sa fille ou de son beau-fils exécré.
Ah oui donc il sait
- Je ne crois pas t’avoir donné mon nom. Ni aujourd’hui, ni la dernière fois à Halkirk.
Ou pas ? Je suis confuse
Elle essaie de démontrer que l’emprisonnement de sa fille est de la diffamation envers sa personne et son poste.
Tain cette politique interne
Le matin, les réveils étaient difficiles et il lui arrivait de sauter son petit-déjeuner juste pour gagner quelques minutes de sommeil en plus.
Tutut, c'est pas malin ça
Hésitante un instant, Minerva finit par céder à la curiosité et se rapprocher discrètement
Bah alors
l’usage d’un atout dont presque personne ne connaissait l’existence, son Animagus.
AH j'y pensais plus, malin
Ensuite, elle trouverait son organisation, son rythme, rentrerait moins tard le soir, deviendrait peut-être même proche de ses collègues et aurait même le temps d’aller boire un café avec eux de temps en temps. Ce serait bien.
Je suis contente de savoir qu'elle a quand même quelques pensées positives parce que bon, c'est pasla joie
- Carlotta ? soupira-t-il. Vous n’êtes pas la première à me demander cela, surtout en ce moment. C’est ma fille, pourquoi ?
Décidément, entre la mère et lui, ils sont partout
Minerva s’immobilisa sur le chemin. Le témoignage était-il un faux témoignage ?
TUDUM
Suspense ! Allez je m'arrête là pour ce soir mais je suis intriguée
et contente de voir Minerva intéressée par quelque chose !
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Bonsoir ! Comment allez-vous ?

Voici la suite de Minerva ! Merci Cazo pour tes commentaires ! :D :D
Bonne lecture !

Chapitre 53 : A chacun son passé secret


Urquart avait renvoyé Minerva chez elle, et l’avait forcée à emporter les scones, la confiture et le beurre restant. Elle avait dormi, longtemps. Au réveil, le soleil brillait haut dans le ciel : la fin de matinée approchait. Elle était plus reposée, moins fatiguée de commencer sa journée. Mais elle n’avait pas pu avaler une seule bouchée de scones au petit déjeuner, songeant déjà à la réflexion que Reckter ou Flint s’il l’apprenait, allaient lui faire. Allait-elle recevoir une missive ? Allait-il venir directement à son bureau, laissant la porte bien ouverte afin que tous les collègues entendent sa remontrance ? Que serait-elle aujourd’hui : une incapable, une fainéante, une égoïste de diplômée qui pensait pouvoir faire ce qu’elle veut ?

Le ventre vide, elle traversait d’un pas angoissé les couloirs du Ministère. Tout le monde travaillait déjà depuis bien longtemps. Eux aussi, devaient être fatigués, pourtant ils étaient déjà là alors que Minerva débarquait fraîchement reposée. Elle rejoignit avec culpabilité l’étage de la Justice, persuadée que ses collègues lui jetaient des regards de travers. Ce midi, elle mangerait sur le pouce en travaillant sur ses dossiers, se promit-elle.

Reckter apparut au détour d’un couloir, Minerva se figea. Il l’aperçut et elle rentra sa tête dans les épaules.

- Ah, vous voilà. Je vous ai mis un dossier dans votre boîte aux lettres. Je vous fais confiance pour le traiter rapidement.

Et il partit sans plus un mot, sans remarque acide aux lèvres. Il avait pourtant remarqué son absence. Minerva resta quelques secondes sans bouger, l’air de ne pas croire à sa chance. Ou alors, il lui avait peut-être réservé une mauvaise surprise dans son bureau ? Un dossier de plusieurs centaines de pages à lire entièrement ? En temps normal, il n’aurait pas hésité à lui reprocher son retard.

Elle se rendit d’un pas méfiant à son bureau. Marchbank l’y salua sans commentaire ; le dossier de Reckter était tout à fait normal, pas plus épais que la moyenne, pas plus complexe.

- Tu cherches quelque chose ? demanda sa tutrice en la voyant tourner sur elle-même.

Minerva balbutia un peu avant de secouer la tête. Étrange. Elle s’assit à son bureau. D’abord, elle enverrait la convocation à M. Trye pour la réouverture du procès qui aura lieu dans dix jours, ensuite elle travaillerait sur les dossiers. Elle avait de la chance si Reckter, bizarrement, ne lui tenait pas rigueur de son retard. Elle resterait tard ce soir, afin de rattraper la perte de temps engendrée par sa longue nuit de sommeil.

- Tu n’auras pas d’interrogatoire par les Aurors, lança Marchbank de but-en-blanc.

- Pardon ?

Minerva redressa la tête. Elle avait déjà oublié la menace de l’Auror. Comment avait-elle pu ?

- Urquart et moi-même avons raisonné leur département, qu’il était ridicule de t’associer à cette affaire d’espionnage.

- Ah… Eh bien, merci, dit-elle timidement. Dites… Vous croyez que je pourrais quand même lui rendre visite ? A Satya, je veux dire.

Marchbank eut l’air ennuyée.

- Ce n’est pas à moi de décider cela. S’ils acceptent, vous serez étroitement surveillée. S’ils soupçonnent quoi que ce soit, Elphinston et moi ne pourront plus appuyer votre défense. C’est bien clair ?

Minerva acquiesça et Marchbank soupira.

- Soyez prudente. Pour vous et pour nous. Si vous dites ou faites une seule chose qui leur semble suspicieuse, c’est M. Urquart et moi également qui sommes sur la sellette. Nous nous portons garants de vous, nous sommes bien d’accord ?

Minerva se mordit la lèvre. Marchbank la savait innocente de tout soupçon. Qu’elle la mette en garde ainsi ne voulait dire qu’une seule chose : innocente ou pas, Minerva comme Satya devaient surveiller la moindre de leurs paroles car les Aurors trouveraient le moyen d’inculper la jeune indienne. Chaque département devait se prouver aux yeux du Ministère et justifier une telle arrestation.

***


Étrangement, il n’avait pas été compliqué de demander une visite pour les prisons. Soulagée de ne pas être considérée comme une suspecte, Minerva s’y était rendue avec un poids en moins. L’employé lui avait demandé ses coordonnées et sa baguette. La dernière fois qu’elle s’en était départie, c’était l’été dernier lorsqu’elle était avec Dougal. Elle retrouva la sensation de vide quand elle tendit ce simple bout de bois au sorcier. Elle détestait en être ainsi dépendante.

Satya avait été placée au sous-sol 9, un étage en dessous de celui de Pinkstone. Minerva se demanda ce que la sorcière pouvait bien faire de son temps. Tenter de flirter avec les gardes ? Cela pourrait bien être son genre. Ou alors des exercices de gymnastique pour échauffer son corps en vue de son prochain mauvais coup.

Ce n’était pas le cas de Satya. La plupart des détenus de l’étage tournait en rond, s’occupait d’une manière ou d’une autre. Satya, dans son sari bleu maintenant gris de poussière, détonnait dans son immobilité et son silence. Assise en tailleur contre le mur, les mains posées sur ses genoux, le regard fixe, elle semblait être restée ainsi depuis le début de son incarcération. Le garde en face semblait tout aussi raide, mais plutôt de gêne. Minerva se demanda combien de temps il restait là avant d’être relevé.

- Pour une visite, fit le sorcier qui accompagnait Minerva.

Satya releva les yeux et croisa le regard de son ancienne voisine. Minerva se sentit intimidée et coupable de ne pas être venue plus tôt. Surtout, coupable de ne pas savoir à quoi s’attendre et donc de douter de son amie. Ses collègues avaient soulevé des points intéressants, comme le fait qu’elle ne savait pas grand-chose d’elle et ainsi, qu’elle pouvait cacher beaucoup.

A défaut de trouver une chaise sur laquelle s’asseoir, elle se mit également en tailleur, les barreaux la séparant de son amie. Il y eut un moment de malaise durant lequel le garde se rapprocha d’elles, l’air de vouloir leur signifier qu’il les surveillait de très près.

- Comment tu te sens ? finit par demander Minerva après s’être raclée la gorge.

- J’ai meilleure mine que toi, répliqua Satya.

Le pire, c’est que c’était probablement vrai. Malgré sa bonne nuit de sommeil, Minerva avait toujours d’immenses cernes sous ses yeux et un pli soucieux au front. Elle devait manger tout autant que Satya, c’est-à-dire, peu.

- Humiliée, mais digne, ajouta finalement Satya en regardant le garde d’un œil noir sous un haussement de sourcil.

- Je suis désolée pour cela, fit Minerva.

- Pourquoi le serais-tu ? Tu n’y es pour rien.

Mais Minerva ne se débarrassait pas de son malaise. Satya ne dit plus rien et la regarda.

- Tu les as crus, n’est-ce pas ?

Minerva se trémoussa.

- Ce n’est pas ça, mais…

Silence. Minerva espérait que Satya finirait sa phrase pour elle, car elle avait honte. Mais son amie ne dit rien. Minerva soupira légèrement ; elle lui devait bien la vérité.

- Je ne les ai pas crus au début. Mais c’est vrai qu’après… j’ai eu des doutes. Je ne sais pas grand-chose de toi et je n’ai su qu’en penser.

- Moi non plus, je ne sais rien de toi, répliqua gentiment Satya.

Elle avait un regard un peu triste, comme si elle avait l’habitude que certains doutent d’elle depuis son arrivée en Angleterre. Minerva pencha la tête sur le côté.

- Je ne connais pas non plus ta famille, je ne sais pas pourquoi tu es triste parfois le soir.

- Triste… ? releva Minerva.

Satya l’observa d’un air curieux.

- Je t’entends parfois le soir. Tu pleures, même si je sais bien que tu essaies de ne pas te faire entendre. Désolée, je ne voulais pas que tu saches que j’étais au courant.

Minerva rougit et baissa la tête. Elle avait raison. Satya ne savait rien de ses parents, de son père au courant de la magie, de son grand-père avocat réputé au Ministère, de Dougal et de ses lettres.

- Excuse-moi, murmura-t-elle.

Satya eut un fin sourire. Elle avait probablement noté que même si découverte, Minerva ne s’épanchait pas sur la raison de son chagrin.

- C’est bien à mes parents que je parle à travers le miroir, dans la boîte à bijoux.

- Tu n’as pas à m’en parler…

Minerva se sentait illégitime de connaître la vérité alors qu’elle-même répugnait à parler de son passé.

- Je vais devoir tout raconter lors du procès, tu seras de toute manière au courant, répondit Satya. Autant que je sois celle qui te le dise de vive voix.

Minerva se sentit touchée. Malgré ses doutes, Satya ne semblait pas lui en tenir rigueur, du moins, pas assez pour la repousser.

- C’est dur de vivre aussi loin de sa famille, continua Satya. Je suis très proche d’elle. De ma mère, de mes deux petites sœurs. Nous sommes une famille pauvre. Cela a toujours été un peu dur pour nous. En Inde, tu nais pauvre et tu meurs pauvre. C’est tout. Mon père ramenait le pain à la maison.

Elle se tut quelques secondes.

- Que lui est-il arrivé ? s’enquit Minerva.

Satya reposa ses yeux noirs sur son amie.

- Il est mort il y a quelques années, lors de l’indépendance de l’Inde.

- Au moment où tu as arrêté l’école, ajouta Minerva en se souvenant de la conversation qu’elle avait eue à son premier jour au Ministère.

Satya acquiesça.

- Il est décédé lors des massacres qui ont suivi l’indépendance. Dans ma région, le Cachemire, cela a été terrible.

- Que s’est-il passé ?

Minerva avait l’impression d’être trop brutale dans ses propos, mais Satya ne paraissait pas lui en tenir rigueur.

- Le Cachemire comporte trois zones distinctes partagées entre l’Inde, le Pakistan et la Chine. Moi je viens de la zone désormais contrôlée par l’Inde, le Jammu-et-Cachemire. Cette zone est à majorité musulmane, mais ma famille et moi, nous sommes hindous.

Minerva fronça les sourcils.

- Si le Jammu-et-Cachemire et majoritairement musulman, pourquoi fait-il partie de l’Inde alors ?

Satya haussa une épaule.

- Le prince de la zone était hindou. Il a négocié le rattachement à l’Inde en échange d’une aide militaire pour repousser les Pakistanais. Cela a entraîné un véritable chaos et mon père est mort à ce moment-là. C’est pour ça que l’école n’avait pas repris dans cette zone contrairement au reste du pays, c’était encore trop délicat.

Minerva ne savait pas trop quoi dire. Elle n’osait imaginer ce que cela faisait de voir son pays se déchirer ainsi. Puis elle pensa aux irlandais et aux anglais, et songea que peut-être l’île britannique avait vécu la même histoire.

- Nous n’avions pas d’argent, je n’avais pas de dot, reprit Satya. Ma mère voulait me trouver un mari au plus vite. J’ai refusé, car une fois mariée, qui pourrait s’occuper de la dot de mes sœurs ? Alors, j’ai dit que je chercherai du travail et leur enverrai de l’argent. Pour que mes sœurs aient une dot.

Elle observa Minerva.

- Cela te semble peut-être archaïque.

Minerva ne répondit pas. En Angleterre, ce qui était archaïque, était l’interdiction des mariages entre sorciers et moldus. A chaque pays ses restrictions.

- Qu’as-tu fait à ton arrivée en Angleterre ? demanda Minerva d’une voix basse. Avant le Ministère, je veux dire.

- J’ai été gouvernante chez une famille de Sang-pur. J’ai été femme de chambre dans une auberge, serveuse dans un bar. Je me suis débrouillée jusqu’au Ministère.

Satya leva les yeux vers le garde.

- J’ai menti lors de mes entretiens, en m’inventant des expériences dans le domaine de la coopération. Ils m’ont prise en tant que secrétaire. Tous des abrutis, mais c’était la meilleure paie que j’ai jamais reçue.

Le garde émit une exclamation étouffée que Satya ignora.

- Que vas-tu faire maintenant ?

Satya réfléchit.

- Je ne sais pas. J’attends mon procès. Ils n’ont pas de preuves, ils ne pourront pas m’accuser.

Minerva entendit un « mais » derrière sa réflexion. Elle avait menti lors des entretiens. Ils l’avaient accusée et se retrouveraient probablement mal à l’aise devant le public lorsqu’elle sera relaxée. Il faudra trouver un moyen de lui trouver des choses à lui reprocher et s’en débarrasser. Avec un peu de chance pour le Ministère, le procès fera assez de bruit pour que Satya ne soit pas embauchée ailleurs.

Le garde se racla la gorge, signifiant que Minerva ferait mieux de se bouger un peu avant que ce ne soit lui qui la sorte de la prison.

- Courage, lui dit-elle parce qu’elle ne savait pas quoi lui dire d’autres.

Satya lui tendit la main, la même main qu’elle avait refusé de lui donner à leur première rencontre.

- A bientôt, Minerva.

***


- Cela suffit, maintenant !

Minerva sursauta alors que Reckter assénait sur son bureau les quatre dossiers qu’il avait en main.

- Je vous avais dit de vous tenir loin d’elle. Vous avez du mal à comprendre ce qu’on vous ordonne ?

Minerva se raidit. Elle avait échappé à la colère sur son retard, mais apparemment sa visite à Satya ne passait pas.

- J’avais besoin de comprendre.

- Mais qu’y-a-t-il à comprendre, par Merlin ? postillonna Reckter en se penchant en avant. Laissez la Justice faire son boulot, vous êtes greffière ! Greffière vous comprenez ?

Minerva déglutit. Elle ne comprenait pas. Il fut une époque, à Poudlard notamment, où elle aurait levé le menton, répliqué calmement mais avec fermeté. Au Ministère, elle se sentait faible physiquement et psychologiquement. Elle craignait ses erreurs et priait pour ses réussites. Elle avait la boule au ventre, qui commençait à lui être trop familière. Finalement, Reckter ne devait pas être si compréhensif.

- Dégagez de mon bureau.

Minerva obéit à pas tremblants et referma la porte derrière son dos d’une main froide. Certains employés firent semblant de retourner à leurs occupations, mais Minerva savait très bien qu’ils avaient tout écouté. Aucun ne semblait pressé de lui offrir un sourire de réconfort, une main apaisante. Elle tenta de défaire le nœud qui lui obstruait la gorge, sans succès.

Elle ne dit rien à Marchbank qui sembla pourtant noter sa tête de cadavre. Elle lui fut reconnaissante de ne pas poser de question ; Minerva pourrait fondre en larmes. Jamais elle n’avait autant pleuré que depuis qu’elle était entrée au Ministère.

Une missive s’infiltra dans le bureau pour se poser jusque sur son bureau. Minerva l’ouvrit après un dernier reniflement. Il était temps de travailler. C’était Trye qui répondait à l’affirmative à sa convocation pour le procès. Enfin une semi-bonne nouvelle. Elle se leva, afin de l’annoncer à Flint. Cela n’aurait pas été sa faute, mais elle avait craint que Trye refuse la convocation, ce qui aurait provoqué la colère de Flint et la frustration de Ross.

Elle frappa au bureau du directeur du département qui lui aboya d’entrer. Ross était déjà dans le bureau. Minerva avait remarqué que son grand-père s’y rendait souvent ; il était le plus doué des avocats du département et Flint le tenait en très haute estime. Parfois, elle se disait que Ross pourrait très bien être directeur du département. Peut-être était-ce trop administratif et pas assez de terrain pour lui.

- C’est pour quoi ? demanda Flint, l’air ennuyé que ce soit Minerva la visiteuse.

- Le témoin de l’affaire Pinkstone, M. Trye a répondu positivement à la convocation du procès.

- Ah, enfin une bonne nouvelle !

Flint et Ross échangèrent un bref regard satisfait avant que Ross ne fasse un geste pour sortir du bureau.

- Minerva, il faudra qu’on reparle de cette affaire avant que le procès ne s’ouvre à nouveau.

Minerva acquiesça. Allait-il remettre les pendules à l’heure par rapport à leur altercation sur la corruption ? Elle se tiendrait à carreaux. Avoir Elphinston et Marchbank comme alliés ne faisait guère le poids si elle se mettait à dos Flint, Reckter et Ross.
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 54 : Observer pour mieux régner

Elle était à nouveau devenue très à l’aise avec son Animagus. Les derniers mots de son grand-père dans le bureau de Flint l’avaient dissuadée de chercher sa compagnie. Alors, dès qu’elle le pouvait, dès que la situation le lui permettait et que personne ne se trouvait aux alentours et qu’elle risquait de se trouver en face à face avec Ross, elle se dissimulait derrière sa fourrure tigrée. Elle essayait de se limiter, en revanche : elle craignait d’attirer le regard des collègues qui commenceraient à poser des questions à propos du chat qui traînait dans les couloirs du département de la Justice. Cela fonctionna quelques jours seulement. Le procès de Pinkstone s’ouvrait le lendemain et Ross n’était toujours pas parvenu à s’entretenir avec Minerva, ce qui semblait passablement l’irriter. Le soir, alors qu’elle restait plus tard comme à son habitude pour terminer ses dossiers, il vint frapper à sa porte de bureau. Instinctivement, Minerva jeta un coup d’œil à l’endroit où travaillait Marchbank, pour se donner contenance. Mais Marchbank était partie depuis une bonne demi-heure déjà, Minerva était une des dernières encore présente.

- Briefing dans mon bureau, lança-t-il avant de repartir aussi sec.

Minerva fit taper la plume contre son pouce et se mordilla la lèvre. Elle sentit une bouffée de chaleur lui monter au visage alors qu’elle fixait longuement sa porte entrouverte, donnant sur le couloir aux murs sombres avant de repousser sa chaise et de se lever. La silhouette de son grand-père se détachait plus loin, à la démarche cadencée ; celle de Minerva, plus hésitante, tenta de s’affirmer au fur et à mesure des mètres avalés.

Quand elle entra dans le bureau, Ross attendait déjà, assis sur sa chaise, jambes croisées.

Ne recevant pas d’invitation à s’asseoir, Minerva resta debout. Il l’observa longuement, sans rien dire. Minerva croisa ses mains, tortillant des pouces. Vu son silence, il semblait vouloir lui reprocher quelque chose. Sa respiration était calme alors que Minerva sentait son propre cœur pulser de manière erratique. Finalement, elle lança :

- C’est à propos du témoignage ?

Ross se redressa, l’air vaguement satisfait et Minerva sentit qu’elle avait fait une bêtise.

- Ressens-tu le besoin d’en parler ?

Minerva tiqua. Lui laissait-il réellement le choix ? Si elle répondait oui, allait-il débattre du bien fondé de ce faux témoignage ? Allait-il essayer de la convaincre qu’elle se fourvoyait ? Peut-être même, se trompait-elle réellement et Trye ne mentait pas ?

- Tu comprends bien que je n’ai guère apprécié tes remarques.

Compréhensible. Personne n’aimait être accusé de corruption, que ce soit vrai ou faux. La corruption touchait au principe même d’intégrité et même si certains vivaient avec la malhonnêteté, voire la prévarication au corps, un homme comme Ross ressentirait probablement une nervosité à l’idée de faire partie de cette gente. Enfin, c’était ce que pensait Minerva, mais après tout, que savait-elle de son grand-père ?

- M. Trye va témoigner, et je vais défendre Mme Pinkstone. C’est au jury de définir si oui ou non les arguments sont valables. Et toi, ton travail est de retranscrire ce qu’il se passe lors du procès, non pas de déduire. Nous sommes d’accord ?

Cette fois, Minerva comprit qu’il n’y avait bien qu’une réponse possible. Elle hocha la tête. Avec une pointe de peine, elle réalisa que même si Ross ne lui avait rien demandé, elle aurait laissé couler. Elle n’avait pas la force de se soulever contre le département de la Justice. Elle qui peinait à garder la tête hors de l’eau, ne trouvait pas le courage de nager à contre-courant.

En ressortant de son bureau, elle s’en voulut. Après réflexion, Ross n’avait jamais dit qu’il souhaitait parler de cette histoire de faux témoignage, seule Minerva l’avait déduit. Le silence qu’il avait imposé lui avait fait peur et elle avait voulu prendre les devants. Mais elle avait détruit toutes ses chances de négociations, si négociation il y avait pu avoir en sous-entendant qu’elle ne dirait rien à personne. Inconsciemment, par crainte de Ross, elle l’avait mis en position de supériorité et lui avait donné toutes les cartes pour imposer ses conditions.

Elle n’était clairement pas rodée pour cette vie au Ministère. D’une certaine manière, Ross semblait maîtriser son environnement, les personnes autour et surtout, il savait ce qu’il voulait. Minerva était toujours perdue entre son statut d’étudiante qu’elle devait lâcher pour être une employée du Ministère, son identité moldue qu’elle avait besoin d’ignorer pendant un moment afin que son sang de sorcière ne lui fasse plus aussi mal.

***


Le procès avait attiré plusieurs sorciers externes au Ministère. Minerva ne l’avait jamais réalisé, mais Ross était apparemment un avocat reconnu et réputé comme féroce. Celui-ci se tenait debout près de Pinkstone dans sa tenue pourpre frappée du symbole du département de la Justice : une baguette magique qui semblait maintenir une balance en équilibre -précaire selon Minerva. Ross se tenait en conciliabule avec sa cliente tandis que Flint, de l’autre côté de l’hémicycle, rassemblait ses papiers. Carlotta Pinkstone avait été conviée et avait été placée sur le côté. Elle semblait particulièrement ennuyée d’être ramenée ici. Peut-être, avait-elle espéré finir tranquillement sa peine en prison pour mieux repartir faire ses manigances. Le regard qu’elle lançait à sa mère était tout sauf reconnaissant, ce que Minerva pouvait comprendre. Si Emma rouvrait le dossier, ce n’était pas par égard pour sa fille mais plutôt pour améliorer ses propres chances lors des élections qui arrivaient à grands pas.

La Ministre fit son entrée et le silence s’installa peu à peu. Elle prit le temps de s’installer, de chausser une paire de lunettes, d’embrasser du regard la salle avant d’annoncer :

- Je déclare le dossier 364-B4, Pinkstone, rouvert. Madame Emma Pinkstone, veuillez vous manifester, je vous prie.

Pinkstone se signala comme présente.

- Maître Ross à la défense de la partie civile, continua d’appeler la Ministre.

Ross se leva également, puis Flint fut convoqué.

- Le témoin de la partie civile est-il présent ? M. Lawrence Trye ?

Minerva leva brièvement les yeux pour voir Trye lever le bras et se redresser sur ses jambes tremblantes. Sûrement, n’avait-il pas imaginé un lieu si impressionnant avec tous ces regards le scrutant.

- Je rappelle les faits de ce procès : Madame Carlotta Pinkstone, accusée d’usage de la magie devant moldus, a été condamnée à deux mois de prison à Azkaban et une amende de cent gallions à paiement immédiat. L’amende a été réglée et un mois et demi de sentence a été réalisé. Madame Emma Pinkstone appelle à la réouverture du dossier pour tentative de diffamation.

Minerva remarqua que certains juges à l’arrière roulaient des yeux. L’acte de la directrice du département des Catastrophes et Accidents magiques semblait en agacer plus d’un. A deux semaines de la fin de l’emprisonnement de sa fille, il était évident pour tout le monde que Pinkstone ne faisait que de la politique. Son chantage répétitif faisait d’elle une personnalité peu appréciée au Ministère. Et pourtant, elle parvenait à mener la moitié du département de la Justice par le bout de la baguette. Était-ce pour autant une position avantageuse ? Il fallait être courageux (ou stupide) pour être la brebis galeuse au milieu des loups affamés.

Flint prit la parole en premier et imposa les faits : Carlotta avait bel et bien été reconnue comme coupable, elle n’avait pas nié avoir reconstruit la maison du vieux villageois ni d’avoir paradé avec une pancarte appelant au « non-étouffement de la magie ». En outre, Carlotta n’en n’était pas à sa première fois.

Jusque-là, Minerva ne savait pas comment Ross allait pouvoir se débrouiller pour retourner l’accusation. Il était difficile de contredire Flint, d’autant plus que la majorité de l’hémicycle semblait en accord avec lui. Carlotta se curait l’ongle à côté, semblant s’ennuyer ferme. Mais Minerva savait qu’elle gardait une oreille attentive. Elle était tout aussi manipulatrice que sa mère ; ignorer son procès serait faire preuve de stupidité, et elle était loin d’être une ignare.

- Maître Ross, c’est à vous.

Ross se leva calmement pendant que Minerva terminait d’annoter ce que Flint avait dit.

- Madame la Ministre, messieurs les juges, les jurés, mesdames Pinkstone, mesdames et messieurs. Si je parle ici au sein de ce prestigieux hémicycle, ce n’est pas pour la défense d’une seule victime mais de deux. Car l’injustice de l’une engendre l’opprobre de l’autre. L’opprobre familiale. Quelle pire sentence qu’avoir son nom sali de cette manière ? Revenons en arrière. Certes, Carlotta Pinkstone n’en n’est pas à son premier procès. Mais Mademoiselle Pinkstone a-t-elle reçu la défense nécessaire ? Jamais n’a-t-elle été représentée dignement, jamais n’a-t-elle reçu l’accompagnement, les conseils, les devoirs dont tout citoyen de notre société peut disposer. Cela mène inévitablement à une ignorance du fonctionnement procédural qui fausse la sentence. Aurait-elle eu un professionnel juridique nous ne serions pas là aujourd’hui et une victime de moins occuperait les prisons d’Azkaban. Reprenons les faits, voulez-vous ? Maître Flint, vous avez parlé d’une pancarte avec écrit dessus « non à l’étouffement de la magie ». Mademoiselle Pinkstone n’a pas nié et la pancarte a effectivement été retrouvée. Mais soyons sérieux une minute. Croyez-vous réellement que les moldus puissent imaginer un seul instant que la magie existe réellement ? Au milieu de ces Oubliators qui ratissent constamment les rues, dans ce minuscule village dont le plus gros acte de magie réside dans l’eau de la mangeoire qui aurait disparu, alors que seulement bue par la vache ? Penser qu’ils puissent imaginer un acte magique, c’est non seulement égocentrique de notre part, mais également leur accorder trop de crédits. Allons, réfléchissez-y.

Certains sorciers s’entre-regardèrent, l’air de se dire qu’effectivement, les moldus n’étaient probablement pas assez futés pour voir au-delà de leur ferme. Minerva s’empêcha de rouler des yeux.

- J’en appelle au témoin, reprit Ross.

La Ministre hocha la tête et fit signe à Trye de se lever et de se rendre au pupitre au bord de l’hémicycle.

- Monsieur Lawrence Trye, tendez votre baguette et lisez l’acte de Vérité.

Trye se racla la gorge et tendit sa baguette sans réelle conviction.

- Je jure de dire la vérité et rien que la stricte vérité.

Il n’y eut pas de coup de tonnerre, pas de tremblement de terre ou quelque manifestation surnaturelle qui pourrait condamner Trye, Ross ou encore Minerva de leur complicité mensongère. La Ministre fit signe à Ross de procéder.

- Monsieur trye, vous étiez présent lors des actes magiques de Mademoiselle Pinkstone, c’est bien cela ?

Trye hocha faiblement la tête, l’air perdu.

- Oui, c’est bien cela. Pour observer les étoiles. Lacock est un bon village pour cela.

- Pouvez-vous décrire précisément ce que vous avez vu ?

- Mademoiselle Pinkstone est arrivée dans la nuit, il faisait sombre. Elle a reconstruit la maison de ce vieux moldu avec un sortilège informulé. La pancarte était plantée à côté d’elle. La reconstruction a fait du bruit, c’est cela qui a attiré les villageois. Mais le temps qu’ils arrivent, la maison était déjà comme neuve. Ils ont mis ça sur le compte de leur dieu ou je ne sais quoi.

- Pouvez-vous me répéter comment était habillée Mademoiselle Pinkstone ce jour-là ?

- En gris anthracite ! répondit immédiatement Trye qui semblait ravi de s’être souvenu de cette précision. Une couleur qui se fond bien dans l’obscurité si je puis me permettre.

- Non vous ne pouvez pas, intervint la Ministre. Poursuivez Maître Ross.

- Ce sera tout pour le témoin, reprit Ross en invitant Trye à retourner à sa place. Que dire de tout cela ? Si Mademoiselle Pinkstone souhaitait réellement créer un impact, elle aurait attendu le jour, se serait vêtue de ses plus beaux vêtements colorés. Après tout, comme vous l’avez si bien souligné, elle n’en n’est pas à sa première fois. Après tant de délits, n’aurait-elle pas commencé à maîtriser les filons du métier ? Il me semble peu probable que Mademoiselle Pinkstone se soit trompée le matin en s’habillant en anthracite, ou qu’elle se soit perdue en chemin, arrivant après le coucher du soleil, vous ne croyez pas ?

Les juges semblèrent considérer ces points. Après tout, Pinkstone n’était pas connue pour faire dans la demi-mesure, pourquoi se serait-elle retenue ?

- Il ne s’agit donc pas juste de Mademoiselle Pinkstone, mais également de Madame Pinkstone, continua Ross. Ne mâchons pas nos mots, ne soyons pas lâches : les élections ministérielles approchent, dans un mois nous serons fixés. Avec ce procès, Madame Pinkstone pourrait se trouver très affaiblie pour une possible réélection. Maître Flint, nous savons que vous désirez ardemment son poste à la Catastrophe et Accidents Magiques…

- Objection madame la Ministre ! s’exclama Flint en frappant du poing.

- Objection retenue, accepta la Ministre. Accusation sans fondement. Poursuivez.

Ross inclina la tête, semblant se soumettre à la remarque. Mais Minerva comprit qu’elle avait été calculée. Brillant avocat qu’il était, il devait probablement savoir que sa réflexion ne serait pas acceptée en tant qu’argument. Mais psychologiquement, elle aurait un impact indirect chez les jurés. Une fois qu’un soupçon était planté dans un esprit, il était impossible de l’oublier.

- Notre Constitution indique que chaque prétendant au poste peut entrer en campagne douze semaines avant les élections. Le premier procès a été ouvert il y a six semaines, les élections ont lieu dans quatre semaines. L’accusation envers mademoiselle Pinkstone a donc eu lieu dix semaines avant les élections, Madame Pinkstone avait commencé sa campagne quatorze jours auparavant faisant de votre accusation une attaque directe envers une prétendante au poste de directrice du département des Catastrophes et Accidents Magiques. Je termine cette plaidoirie en demandant la grâce de Madame la Ministre et des jurés de prendre cet acte de diffamation en compte. Mademoiselle Pinkstone a déjà payé une lourde amende ainsi que six semaines à Azkaban. Madame Pinkstone en paie les retombées psychologiques de savoir sa fille emprisonnée pour des raisons politiques mais aussi sociales et économiques. Je demande que la sentence de Mademoiselle Pinkstone soit coupée court à effet immédiat afin de, si ce n’est réparer, limiter les torts faits à ma cliente.

***


- Cela va faire du bruit, cette affaire.

Minerva releva les yeux de son travail et se tourna vers Marchbank qui venait de déposer sa plume pour observer Ross, occupé à serrer des mains dans le couloir. La Ministre et les jurés avaient rendu leur verdict et avaient pris le parti de l’avocat en écourtant le séjour de Carlotta à Azkaban et exigeant une amende de dédommagement à Flint pour Emma Pinkstone pour diffamation en campagne électorale. Etrangement, Flint n’avait pas eu l'air si hors de lui par rapport à la dernière fois. Bien sûr, il avait tempêté sur le moment, frappé du poing, regardé les jurés d’un air mauvais, mais il s’était rapidement calmé pour retourner à son bureau. Ross avait même pu lui rendre visite. Peut-être pour des signatures post-procès ? Minerva n’y comprenait pas grand-chose à toutes ces procédures juridiques. Désormais, Flint parcourait tranquillement les couloirs, vociférant à certains employés, saluant d’autres qu’il appréciait comme s’il n’avait jamais perdu un procès quelques heures auparavant. Ross gardait également une posture neutre. Il avait peut-être l’habitude de remporter ses procès, ou du moins de bien les choisir. La seule personne qui se pavanait était Emma Pinkstone, ravie d’avoir obtenu gain de cause. Sa fille, libérée, n’avait montré aucune joie ou reconnaissance et avait simplement haussé des épaules en entendant la nouvelle.

Bref, tout le monde agissait comme avant, c’est pourquoi Minerva ne comprenait pas la réflexion de sa tutrice.

- Comment cela ?

Marchbank détourna le regard de Ross qui souriait affablement à une collègue et observa Minerva par-dessus ses lunettes.

- Maître Ross vient tout juste de s’opposer au directeur du département de la Justice Magique. Les deux ne se sont jamais réellement entendus : Ross est un avocat brillant. Je ne l’apprécie pas nécessairement mais je dois reconnaître qu’il est très bon. Il a toujours voulu le poste de directeur du département de la Justice mais c’est Flint qui l’a obtenu il y a quelques années. Ross lui en a voulu ; Maître Flint est un bon avocat mais il manque de patience et il n’arrive pas à changer d’objectif.

- Changer d’objectif ?

- Admettre ses défaites. Il n’est pas assez souple, contrairement à Maître Ross. Maître Ross saura toujours quand il vaut mieux se retirer, attaquer ou mieux, perdre une bataille pour gagner la guerre durant un procès.

Minerva s’adossa à son siège.

- S’il est si meilleur que ça, pourquoi n’a-t-il pas été choisi à la tête du département ?

Marchbank reprit sa plume et griffonna quelques mots sur un parchemin.

- Une histoire familiale de longue date. Je ne connais pas les détails mais quand il commençait à se faire un nom, il s’est passé quelque chose qui a rendu sa famille persona non grata dans le monde de l’aristocratie sorcière.

Minerva sentit son cœur battre plus fort. Aucun doute, la fuite de sa mère avec un moldu avait eu son impact. Mais il était étonnant que Marchbank ne connaisse pas toute l’histoire et que le secret ait été aussi bien confiné au sein de la haute société.

- Il aurait pu se retirer du monde juridique, reprit Marchbank, mais il a décidé de rester et de remonter les échelons, un par un. C’était encore un Sang-Pur, mais un Sang-Pur sali par une histoire apparemment honteuse. C’est pour cela que je le respecte en tant qu’avocat : être ici après avoir été traîné dans la boue, et en vouloir encore plus…

Cela forçait une forme de respect, reconnaissait Minerva.

- Donc vous croyez que Maître Ross a choisi ce procès exprès pour décrédibiliser Maître Flint ?

Marchbank eut l’air de réfléchir longuement à la question.

- C’est possible… Mais j’ai des doutes. Ce ne serait pas un jeu très fin de la part de Maître Ross. Maître Flint aurait pu monter un coup comme celui-ci, mais Ross… Il est bien plus subtil. Et puis, les Sang-Pur n’oublient jamais le déshonneur. Si la famille Ross est tombée en déchéance, cela restera enraciné. Jamais les familles de Sang-Pur ne laisseront Ross prendre une place si prestigieuse qu’est le poste de directeur du département de la Justice, encore moins s’il essaie de l’atteindre en humiliant un autre Sang-Pur.

Minerva crut percevoir une sorte d’étincelle d’excitation coupable dans le regard de la sorcière.

- Prête bien attention à ce qu’il va se passer prochainement, Minerva. Observe et écoute. Ce n’est pas pour rien que l’on a deux yeux, deux oreilles, mais qu’une seule bouche. Parfois, il faut savoir se taire pour en apprendre plus.
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 55 : La tombée du rideau

L’affaire ne fit pas de bruit. Elle explosa, bien au-delà du Ministère, bien au-delà des frontières anglaises. Du moins, indirectement. Minerva n’avait guère fait attention aux nouvelles, elle n’écoutait que très peu la radio. Marchbank était en retard ce jour-là, et Minerva apprit plus tard qu’elle était en fait restée avec des collègues à débattre sur l’évènement qui venait de se dérouler. Minerva avait bien remarqué une certaine frénésie dans les couloirs, à laquelle elle avait prêté peu d’intérêt. Finalement, dérangée par le bruit, elle s’était décidée à sortir.

Les employés discutaient à grands renforts de gestes, journal en main. Quelques-uns se passaient les doigts dans les cheveux, l’air abasourdi. Minerva localisa Marchbank et alla la rejoindre.

- Que se passe-t-il ? s’enquit-elle, et sa tutrice lui tendit le journal, le même que tous les autres tenaient fermement.

- Le vacarme dont je t’ai parlé. Tu crois que cela ira plus loin ? demanda Marchbank en se tournant vers le collègue avec qui elle échangeait précédemment.

Minerva recula de quelques pas et lu l’en-tête qui paraissait en une.

« Le Grand Manitou en eaux troubles : le dossier qui fait mal »

En illustration, se tenait un homme à la moustache blanche, vêtu d’un long costume noir illuminé par les flashs des appareils photos. « John Hall, en bas des marches de l’entrée de la Confédération Internationale Magique » y était-il légendé.

« Le dossier que personne n’attendait et qui pourtant émerge à point nommé, sauf pour quelques-uns. Une enquête menée durant ces deux dernières années révèle que l’équivalent de 9 400 individus, moldus et sorciers provenant de la République Démocratique Allemande, ont pu passer en République Fédérale Allemande avec l’aide de sorciers et sorcières usant volontairement et à la vue de tous de la magie. L’information jusque-là tenue secrète, est arrivée sur le bureau du Grand Manitou et du grand public sorcier mondial.

Si le monde magique évite de s’ingérer dans cette guerre moldue opposant les deux blocs de l’Ouest et de l’Est, le Grand Manitou devra faire preuve de fine diplomatie afin de dissimuler ce scandale aux moldus ou du moins, éviter le conflit qui pourrait s’ensuivre.

Cette découverte éclate en parallèle des remous multiples effectués par la petite fille du Grand Manitou, Carlotta Pinkstone, récemment libérée de la prison d’Azkaban après avoir brisé le Secret International Magique pour la sixième fois.
»

Minerva releva les yeux du journal.

- Comment ça se fait que ça sorte maintenant ça ?

Marchbank se mâchonna la lèvre inférieure et échangea un regard avec son collègue.

- Cela tombe très mal pour le Grand Manitou, admit celui-ci, cela tombe bien pour d’autres… peut-être étrangement trop bien.

- Le Grand Manitou est dans une position délicate, reprit Marchbank. La Confédération n’a pas le droit de s’ingérer dans les affaires des pays, mais le Secret International Magique en est une exception. Il n’est pas rare de la voir rappeler certains gouvernements à l’ordre. Tu connais déjà l’ambiguïté de la relation entre Carlotta Pinkstone et John Hall. Elle est protégée par son grand-père, ce que la plupart des sorciers trouve culotté. Personne n’en parle, mais…

- L’article dit que le Manitou doit soit dissimuler l’information soit faire preuve de diplomatie, releva Minerva en levant le journal.

- Comment veux-tu dissimuler cela ? D’ici la fin de la journée, cela aura fait le tour des Ministères sorciers qui demanderont une réaction de la part du Manitou.

- Et s’il ne fait rien ?

- S’il ne fait rien, cela sous-entendra qu’il valide les actes de ces passeurs. La Confédération se doit de dénoncer, alerter et réprimer tout acte magique réalisé face à des moldus, martela Marchbank, qu’on le veuille ou non. Et puis, l’information parviendra aux oreilles des Ministères moldus. C’est impossible de cacher ça. Les Etats vont en entendre parler ; le bloc de l’Est va accuser la Confédération de prendre parti pour un camp. La situation est déjà suffisamment tendue…

Marchbank soupira, secoua la tête, observa le journal avant de repartir en silence à son bureau. Le collègue pinça les lèvres.

- Si tu veux mon avis, le Grand Manitou est coincé. Il va être forcé de faire une déclaration de condamnation des actes. Et son continuel silence envers sa petite fille et notre Ministère va lui être rabattu au visage.

Le collègue jeta un bref coup d’œil en direction du bureau de Ross et Minerva l’imita.

- Il n’aurait tout de même pas… ? marmonna-t-il plus pour lui-même avant de lui aussi secouer la tête et de quitter Minerva.

La jeune fille resta immobile un moment, réfléchissant. Ross n’aurait pas pu prévoir cela. Il ne pouvait pas savoir qu’un tel dossier sortirait pile après le procès Pinkstone. Et puis de toute façon, elle ne parvenait pas à savoir quelle serait la finalité de toute cette histoire. Le plan, si plan il y avait, comportait des zones d’ombres que Minerva ne parvenait pas à éclaircir. Quelle en était la logique, le fil conducteur, le mécanisme ? Ce dossier, quel rouage enclenchait-il ?

Le reste de la semaine, les médias ne firent que parler du scandale, soulignant le silence hésitant opéré par le Grand Manitou Hall qui assurait vouloir peser ses mots afin de « garantir l’intégrité de chacun dans le respect du droit international ». Les différents Ministères de la magie avaient tempêté et même si elle n’en parlait pas, les employés du département de la Justice avaient deviné que la Ministre recevait continuellement des visites des dirigeants moldus, appelant à la justice ou à l’apaisement des relations. L’enquête avait révélé que les sorciers ayant utilisé de la magie face aux moldus étaient principalement originaires de France, Angleterre, Etats-Unis et Allemagne de l’Ouest. La nationalité britannique du Grand Manitou avait dirigé tous les regards vers la petite île britannique qui attendait avec angoisse que Hall prenne parole. L’attente mettait les gouvernements à cran et bien que les sorciers ne se mêlaient pas au monde moldu, Minerva avait ressenti un vent glacial s’installer entre l’Est et l’Ouest.

Plusieurs centaines de sorciers se réunissaient régulièrement devant le siège de la Confédération, appelant à une réaction de la part de Hall. Si ses choix avaient été limités quelques jours plus tôt, ceux-ci s’étaient drastiquement réduits à néant. Oser espérer que le scandale s’essouffle n’était désormais plus possible et consistait en une ligne rouge qu’aucune personne saine d’esprit ne pourrait franchir.

- Plus il attend, plus la probabilité pour que les deux camps se tirent dessus augmente, commentait Elphinston en sirotant son thé auprès de Minerva.

- Cela n’a pas l’air de vous inquiéter ? remarqua-t-elle d’un ton surpris.

- Bien sûr que si. Idiots sont ceux qui pensent que tout ceci n’est qu’une affaire de moldus. Les évènements historiques chez l’une des communautés ont toujours eu son impact chez l’autre. Actuellement, les gouvernements sorciers attendent une allocution de la part de M. Hall et lui mettent la pression. Mais eux-mêmes sont mis sous pression par les gouvernements moldus. Toute cette guerre idéologique est moins perçue chez les sorciers, donc nos gouvernements auraient bien plus à perdre si la situation venait à dégringoler.

- J’ai l’impression que tout le monde a peur, fit Minerva, que tout le monde s’énerve, dénonce, condamne… De simples paroles vont-elles suffire à apaiser la situation ?

- Vous seriez surprise du pouvoir des mots, Minerva. Dire, c’est aussi faire, dans certains cas. Dans une bonne situation, avec des mots prononcés par la bonne personne, vous pouvez faire acte.

Minerva fronça les sourcils, cligna des yeux.

- Je ne comprends pas.

Elphinston sourit et leva la tête au plafond, réfléchissant un instant.

- Prenons cet exemple : imaginez que je désigne un collègue au hasard et vous annonce que vous deux êtes désormais mariés, que me diriez-vous ? Que c’est impossible. Pourquoi ? Parce que je n’ai pas le pouvoir ni le statut de vous marier et que la situation -le lieu, entre autres- ne s’y prête pas. A l’inverse, une personne habilitée à marier des personnes et officiant dans un lieu désigné par le mariage, obtiendra le pouvoir des mots lorsqu’il prononcera « je vous déclare mari et femme ». Vous voyez ?

- Je crois, oui, acquiesça Minerva. Donc vous pensez que, parce que M. Pinkstone prononcera les bons mots, dans un lieu propice, la situation peut s’arranger ?

Elphinston ne répondit pas immédiatement, semblant imaginer la scène.

- J’en doute. Je sais, je sais, je vous ai sous-entendu le contraire, s’amusa-t-il en voyant Minerva ouvrir la bouche pour le contredire. Cela va avoir son effet, c’est sûr. Mais il aura tardé, beaucoup tardé. Ce long silence, il va falloir lui trouver une explication, voire une sentence.

De quel type de sentence parlait-il, Minerva n’en n’avait aucune idée.

La réponse lui parvint le lendemain, six jours après la révélation du scandale. Le collègue qui avait discuté avec Marchbank surgit dans leur bureau, suivit par deux autres collègues.

- Il va parler ! annonça-t-il en posant une radio sur le bureau de Marchbank.

Il s’y pencha, tournant les boutons afin de mieux capter derrière le crachotement. L’un des collègues s’adossa à la porte et croisa les bras, dans l’expectative, tandis que le second prenait une chaise et y croisait les jambes. Minerva les observa. C’était bien la première fois qu’elle trouvait les employés habités par une étincelle de vie et qu’ils sortaient de la spirale du travail. Elle posa elle aussi sa plume et s’adossa à sa chaise.

Finalement, le collègue réussit à trouver la bonne fréquence. Hall avait déjà commencé à parler, sa voix mesurée crachotant à travers la radio.

- … conscience de l’inquiétude de nos citoyens. La situation, déjà instable, a pris un autre tournant il y a quelques jours. Les évènements derniers ont démontré un usage massif de la magie dans une zone à risques élevés. Notre communauté magique déplore les tensions qui sévissent chez nos compatriotes moldus ; bien que nous compatissions avec leurs difficultés, il nous est tout aussi important de prendre un recul nécessaire mais douloureux. La protection de chacun commence par une maîtrise juste de nos devoirs. L’un des nôtres est de ne pas interférer dans la vie moldue, tout comme nous ne souhaiterions pas qu’ils le fassent chez nous. De ce fait, et en conséquence des actes opérés durant ces deux dernières années, je condamne fortement les agissements clandestins réalisés à la frontière entre la République Démocratique Allemande et la République Fédérale Allemande. J’en appelle au bon sens et à la responsabilité de chacun d’entre nous afin de ne pas céder à la panique et à la plus violente part de notre conscience. J’en appelle également à la mesure de la part des gouvernements moldus afin de préserver les populations.

- Il est amusant, lui, bougonna le collègue contre la porte, la mesure et le bon sens ont disparu de ce monde depuis bien longtemps. Ils n’en seraient pas là sinon.

- Chut, il n’a pas fini, fit Marchbank en levant la main.

- Cette situation ne relève malheureusement pas d’une simple crise ponctuelle. Ces actes, perpétrés depuis maintenant deux ans, se sont déroulés de manière régulière. Notre incapacité à repérer ces agissements répétitifs démontre un échec qu’il m’est forcé de constater. Cet échec a évolué en des proportions qui s’étendent bien au-delà de nos frontières et de notre communauté. C’est pourquoi, après longue réflexion, je vous annonce avec humilité et regret que je me retire de mes fonctions de Grand Manitou de la Confédération Magique.

- Oh bah merde, souffla le collègue assis qui en décroisa les jambes.

Après ces mots, la radio se remit à crépiter. Était-ce là la sentence dont parlait Elphinston ? Avait-il réagi à temps, cette démission aurait-elle été nécessaire ? Une petite voix dans sa tête lui soufflait que oui. Condamner les faits à la frontière des deux Républiques allemandes, mais garder le silence par six fois lorsqu’il s’agissait de sa petite fille et de sa fille ? D’une manière ou d’une autre, il aurait été forcé à la démission.

- Mais qui va le remplacer ? finit par demander Minerva.

Marchbank haussa les épaules.

- Probablement quelqu’un particulièrement sévère sur la question du Secret International Magique.

- Préparez-vous à une refonte du gouvernement, murmura le collègue en reprenant sa radio et en se levant.

Il échangea un regard entendu avec Marchbank et un par un, les collègues sortirent. Minerva jeta un œil interrogateur à sa tutrice.

- Emma Pinkstone est sur la sellette, répondit-elle simplement.

***


Le jour des élections était arrivé. Pour l’occasion, dix représentants pour chaque département avaient été sélectionnés afin d’être témoin des résultats et avaient été installés dans l’hémicycle du département de la Justice. Les candidats avaient été placés tout en bas face à une estrade composée de la Ministre et des directeurs des départements actuels. Marchbank avait été tirée au sort parmi les représentants du département de la Justice, ainsi que Ross. Ce dernier avait l’air serein, contrairement à Emma Pinkstone, assise à l’estrade, les lèvres pincées. Minerva avait été conviée en sa qualité de greffière avec Haminston afin de retranscrire le déroulement de la cérémonie.

La Ministre semblait particulièrement tendue ; à raison, puisqu’à elle-seule revenait le choix des directeurs même si elle était conseillée. Si chacun avait droit de faire campagne pour le poste, celle-ci n’était pas obligatoire. Bien sûr, les chances de se faire élire étaient donc minimes, mais si la ministre estimait que son choix était le bon, alors elle le soumettait.

- Messieurs dames les directeurs de départements, les représentants. Greffiers. Merci de votre présence pour cette nomination quinquennale si essentielle au bon fonctionnement de notre gouvernement. Les temps sont durs et nous avons besoin de chacune de nos forces, chacun de nos atouts afin de mener, ensemble, notre communauté sur une vie paisible, respectueuse de leurs besoins.

Elle s’éclaircit la gorge.

- Mes choix ont été longuement réfléchis. Ils sont le reflet des capacités qui peuvent être offertes au gouvernement et des réponses pouvant être apportées pour assurer notre stabilité. Candidats, représentants : merci de vous lever pour les nominations gouvernementales.

Il y eut un bruissement de capes et de robes alors que tous se redressaient dans un murmure collectif.

- Département des transports magiques : Otto Buth.

Il y eut des applaudissements polis ; M. Buth gardait son poste qu’il avait espéré renouveler. Le département des Jeux et Sports Magiques n’eut pas non plus de changement, contrairement à la Coopération Magique. Minerva avait entendu que l’ancien directeur avait renoncé à une prolongation de poste au dernier moment. Elle se demanda si, comme Hall, il avait été poussé à la démission après le procès de Satya.

- Département des Accidents et Catastrophes magiques… Emma Pinkstone, veuillez me rejoindre et me remettre votre écharpe d’élue.

Ce n’était pas surprenant, mais les représentants s’entre-regardèrent en gigotant sur place. Une fois John Pinkstone écarté de la Confédération, la Ministre n’avait pas hésité à se débarrasser de celle qui la dérangeait, Emma Pinkstone. Sans sa protection paternelle, elle n’était plus rien. Qui allait donc la remplacer ?

La Ministre resta silencieuse quelques instants. Emma, amère, avait rendu son écharpe et s’était assise parmi les représentants, les mains tremblantes.

- Gerhart Flint. Veuillez remettre votre écharpe de directeur de la Justice et enfiler celle de directeur des Accidents et Catastrophes magiques.

Cette fois-ci, les représentants n’essayèrent même pas de cacher leur surprise. Flint ? Changer de département ?

-J’ai conscience que vous n’étiez pas candidat mais vous avez prouvé à de multiples reprises que vous portiez l’intérêt sorcier au sommet de vos priorités. Notre communauté a besoin de se savoir protégée des interférences extérieures.

Tous se tournèrent vers Flint, y compris Minerva qui s’attendait à ce qu’il refuse le poste. Mais elle semblait avoir loupé un indice important dans la matrice, car Flint ne semblait pas le moins du monde pris de court. Il arborait même un sourire à la fois confiant et satisfait alors qu’il descendait les marches de l’hémicycle afin d’arborer l’écharpe que Pinkstone portait quelques minutes auparavant.

- Je serais très honoré de revêtir ce rôle et vous remercie de votre confiance.

Alors qu’il rejoignait l’estrade des élus, il fut impossible à Minerva de rater le regard victorieux que Flint lançait à son adversaire. Minerva se tourna vers Marchbank, plus loin. Celle-ci plissait les yeux tout en mâchant sa lèvre. Elle paraissait réfléchir à la suite de la cérémonie. Si Flint laissait son poste à la Justice, qui prendrait sa place ? Qui obtiendrait le poste le plus haut placé du département le plus prestigieux du Ministère ?

- Au département de la Justice Magique, je nomme M. Leopold Ross.

Minerva ne lâcha sa plume. Yeux ronds, elle regarda son collègue Haminston lui demandant silencieusement si lui aussi avait entendu la même chose. Il paraissait également tomber des nues, cependant il se pencha à nouveau sur son parchemin après avoir enjoint Minerva à faire de même. Mais la jeune fille se tourna vers son grand-père qui se levait sous les murmures déconcertés. L’avocat renié et sali par son scandale familial, désormais à la tête du département de la Justice ?

- Il est désormais temps de récompenser nos meilleurs éléments. Maître Ross est l’un de nos plus brillants avocat, qui a toujours démontré être prêt pour plus de responsabilités.

Ross inclina la tête en guise de remerciement, atteignit l’estrade, s’inclina légèrement pour accueillir l’écharpe autour de son torse. Puis il serra la main de la Ministre, se dirigea vers les élus et s’arrêta auprès de Flint. Minerva surpris un échange entre eux, une connivence. Pourquoi une telle satisfaction commune alors que Marchbank avait assuré qu’ils ne s’entendaient pas, que Ross avait toujours voulu le poste de Flint ? Aussitôt qu’elle émit cette réflexion, elle eut comme un déclic. La logique de l’article contre Pinkstone, le rouage, voilà ce qu’il enclenchait : le poste de directeur. Si les deux hommes se réunissaient régulièrement, ce n’était très certainement pas pour parler de l’affaire mais de leur plan final.

Tout n’était pas encore très clair dans l’esprit de Minerva, mais elle était persuadée que ce plan avait été réalisé à deux dans le but d’obtenir ce qu’ils souhaitaient : Flint, si acharné pour la préservation du Secret Magique, si désireux d’enfermer Pinkstone pour de bon mais éternellement bloqué par les relations de Carlotta et Emma, allait pouvoir mener sa mission à bien à la tête du département des Catastrophes et Accidents magiques. Emma avait perdu sa protection et du fait de son renvoi, Carlotta avait également perdu la sienne. D’autant plus que désormais, Flint ne laisserait plus aucune incartade passer. La gérance du département des Catastrophes et Accidents magiques étant libre, Flint avait pu s’y positionner. Il avait fait bien du bruit lors des derniers procès des Pinkstone ; comment la Ministre aurait pu ne pas voir qu’un employé tel que lui était disponible pour prendre la relève de Pinkstone ? Par effet boule de neige, la tête de la Justice magique s’était libérée. Mais comment Ross aurait pu avoir la certitude d’avoir le poste ? Et surtout, pourquoi s’embêter à défendre Emma Pinkstone ?

La dernière nomination se déroula comme dans un brouillard, avec une femme élue dont Minerva ignorait l’identité. Elle avait repris sa plume mais écrivait mécaniquement, réfléchissant toujours au plan complexe que Ross avait mis en place. Toutes les informations semblaient avoir été révélées mais elle ne parvenait pas à les remettre dans le bon ordre pour reconstituer le fil rouge.

A la fin de la cérémonie, elle enroula son parchemin, rangea sa plume et son encrier dans son boîtier personnel et s’empressa de rejoindre Marchbank.

- Ah, brillant avocat, brillant stratège, fit celle-ci avec une mine désabusée. Je me doutais qu’il préparait quelque chose, mais tout de même…

Elle secoua la tête et Minerva ne répondit pas.

- Enfin, il restera mieux que Flint, reprit Marchbank et Minerva ignorait si elle lui parlait ou si elle était entrée dans un monologue. Mais sa méthode, ah…

Elle se frotta le bras, effaçant un frisson invisible. Minerva acquiesça. Elle ne retirait aucun bénéfice ni désavantages à cette élection et pourtant, elle avait l’impression d’avoir été manipulée, voire d’avoir été prise pour une imbécile. Les employés représentants retournaient à leurs bureaux, marmonnant dans leur barbe, l’air de ne pas réaliser que le lendemain, Flint aura disparu sans remords de leur département pour être remplacé par Ross.

De la porte ouverte de son bureau, Minerva pouvait voir Ross mettre ses affaires dans un carton, prêt à prendre la place de Flint.

- Tu comptes le fixer longtemps comme cela ?

- Je ne comprends toujours pas comment il a fait, répondit Minerva à sa tutrice en ne lâchant pas son regard.

Marchbank soupira.

- C’est assez simple, pourtant. Flint et Ross ont formé une alliance pour obtenir leur poste respectif. Tout le monde sait que Ross voulait la direction de la Justice. Flint est obsédé par le Secret International magique, tu l’as vu. Il sera bien à son nouveau poste.

- Alors quoi, ils ont juste parié sur le fait que la Ministre leur donnerait le poste ?

- La Ministre ne voulait qu’une chose, se débarrasser d’Emma Pinkstone. Elle n’apprécie peut-être pas Flint, mais au moins il ne la rendra pas ridicule auprès de la communauté internationale ; n’importe qui ferait l’affaire à la place de Pinkstone. Et je te rappelle que Ross est très réputé. Son scandale l’empêchait d’atteindre les sommets mais sa réputation était bel et bien installée. Il lui suffit de glisser quelques mots à la Ministre et le tour est joué. En échange, Flint, Sang-Pur sans reproche, a pu proposer le nom de Ross pour le remplacer. Un simple échange de bons procédés.

- Et l’article ? Cela aussi, cela fait partie de leur plan ?

Marchbank parut réfléchir.

- Je ne sais pas. Ross a beaucoup de relations, cela ne m’étonnerait pas qu’il ait la main sur certains journaux.

- Ce journal a failli créer de sérieux problèmes, répliqua Minerva en fronçant les sourcils. Il était réellement prêt à menacer la paix internationale pour son poste au Ministère ?

Marchbank posa un regard pensif sur Ross et ne répondit pas.

Minerva se leva. Elle avait besoin de réponses. Cette sensation de s’être fait rouler ne la quittait pas, d’une certaine façon.

- Je peux t’aider ?

Ross semblait d’humeur apaisée après sa victoire, et Minerva fit la moue. Elle chercha longuement ses mots, ce qui fit hausser les sourcils de son grand-père.

- L’article de la semaine dernière, dit-elle finalement. C’était vous ?

- Je ne suis pas journaliste aux dernières nouvelles, lâcha-t-il avec flegme.

Minerva serra les dents. Voilà, elle n’arrivait pas à saisir quel type de personnage il était, mais elle haïssait cette part de lui : il avait le don de rendre ridicule autrui et cela l’insupportait.

- Vous savez très bien de quoi je parle. Avez-vous, oui ou non, demandé la publication de cet article juste avant les élections afin d’écarter Hall et Pinkstone ?

- Cet article était prêt bien avant et allait de toute manière faire l’objet d’une publication. J’ai juste retenu le moment de vérité. Oui, bien sûr, je l’ai fait en fonction de mes plans mais en aucun cas ces faits sont des inventions. L’écartement de Pinkstone n’était qu’une question de temps. Avait-il réagi plus tôt, peut-être serait-il toujours en poste.

- Vous n’y croyez pas.

Ross leva les mains, paumes vers le ciel.

- Personne ne le saura jamais.

Minerva eut un esclaffement. Son audace la sidérait. Elle n’eut pas l’occasion de répliquer car quelqu’un fit irruption dans le bureau. Telle une furie, Emma Pinkstone se pencha sur Ross, mains posées à plat sur le bureau.

- C’était quoi ça ?

- Une mise à pied, Madame Pinsktone, répondit simplement Ross et Minerva crut que Pinsktone allait se jeter sur lui pour le mordre ou quelque chose dans le style.

- C’est un renvoi sans préavis, rectifia-t-elle. Etes-vous responsable ?

- C’est la Ministre qui décide des nominations, pas moi.

Pinkstone se redressa, ses yeux bleus brillant d’ébahissement.

- Ne jouez pas au plus imbécile. J’ai des droits à défendre. Maître Ross, défendez-moi à nouveau en procès, je vous en prie.

Ross prit une mine étonnée.

- Vous me traitez d’imbécile et vous voulez que je vous défende ?

- Ce n’est pas…

- D’autant plus que ce ne sera pas possible, coupa Ross. Je vous ai déjà défendue au précédent procès, la déontologie m’empêche de vous défendre à nouveau. On m’accuserait de prendre parti.

- La déontologie ?

Pinkstone se tourna vers Minerva, l’air de lui demander si elle avait bien entendu comme elle.

- Ne me faites pas passer pour une naïve. Votre déontologie, vous l’utilisez quand cela vous arrange, persifla Pinkstone. J’aurais dû me méfier que vous acceptiez de me défendre. Vous qui avez été victime de votre scandale familiale, pourquoi auriez-vous défendu une personne dont la fille ne fait que briser le Secret International ?

Minerva sursauta, comme ayant reçu un électrochoc. Elle avait été si stupide ! Emma avait raison : la fille de Ross était partie avec un moldu, ce qui avait jeté sa famille dans l’opprobre. A cause de cela, il n’avait pu gravir les échelons et était resté à son statut d’avocat, Flint lui volant son poste et lui faisant miroiter ses infimes chances de le remplacer. Pourquoi irait-il défendre Emma et sa fille s’il n’avait pas un autre but derrière ? Les interactions moldues et sorcières avaient détruit sa réputation, il n’avait aucun intérêt à le rebâtir en défendant Emma qui passait son temps à menacer le Ministère de révéler l’existence des sorciers aux moldus si sa fille venait à subir une implacable sentence. Sauf si cela lui apportait autre chose.

- Vous avez accepté le procès pour vous faire remarquer par la Ministre, intervint Minerva obtenant l’attention de Ross et Pinkstone. C’était un cas difficile et vous n’aviez que peu de chance de remporter le procès.

Mais Ross, encore une fois, était brillant. Il avait dû être persuadé de remporter le procès.

- En le gagnant, vous montrez que vous êtes aptes à mener ce département… A l’inverse, Maître Flint, si ardent dans sa défense du Secret International, montre que sa place se trouve au département des Catastrophes magiques.

Ross ne répondit rien, avouant silencieusement que Minerva avait bien suivi son raisonnement. Le reste n’était qu’historique. Après avoir montré à la Ministre qu’il était efficace et surtout, disponible pour un poste plus élevé, il avait juste à libérer l’évènement déclencheur qu’était l’article et qui permettait de libérer les postes désirés.

- Vous me dégoutez, cracha Pinkstone.

Minerva sentit que c’était là la défaite qui parlait, car Pinkstone aussi avait son bagage en manipulation. Elle était juste tombée sur plus fort qu’elle. Et dire que Minerva l’avait trouvé manipulatrice… elle n’était rien comparée à Ross.

Si seulement Minerva avait réussi à lire entre les lignes. Si seulement elle avait usé de ses deux yeux, de ses deux oreilles au lieu de chercher à demander des réponses. Tous les indices étaient présents, et pire, Minerva savait des choses que la plupart des employés ignorait. Elle était le sang de Ross, la fille de celle qui avait créé le scandale au couple Ross. Elle était directement impliquée et pourtant, elle n’était pas parvenue à lire son environnement. Avait-elle réussi, elle aurait eu aucun mal à comprendre les manigances de Ross. Pas étonnant qu’il n’avait pas apprécié que Minerva vienne lui parler de faux témoignage et de corruption. Si le procès n’avait pas eu lieu, pire, si le jury avait découvert que le grand avocat Ross avait utilisé un faux témoignage, jamais il n’aurait pu installer son pouvoir dans l’esprit de la Ministre.

Les mots de Carlotta, avant son emprisonnement, lui revinrent en tête : « vous comprendrez rapidement que la Confédération, le Ministère… tous sont corrompus jusqu’à la moelle. Si vous voulez rester ici, adhérez-y, ou utilisez-le pour votre propre intérêt. » Corruption, manipulation : était-ce la recette miracle pour s’élever au sein du Ministère ?

Elle se sentit stupide. Naïve, trop innocente. Humiliée, même. Pourquoi une telle réaction ? Ses collègues étaient tout aussi déroutés qu’elle, mais ils ne le prenaient pas personnellement. Était-ce à cause de sa relation familiale ? Parce qu’elle avait travaillé sur le procès ? Qu’il l’avait menée en bateau tout le long ? Parce que cela lui donnait la dynamique qui rythmait le Ministère et que cela la rendait malade ?

Elle ne se rendit même pas compte que Pinkstone, venimeuse, était emmenée à l’extérieur par des employés.

- Vous prenez cette histoire trop à cœur.

Cela faisait bien trois fois qu’on lui disait cette phrase. A croire que pour vivre dans ce Ministère il fallait ne pas avoir de cœur du tout.

- Vous m’avez prise pour une imbécile avec vos mensonges.

- Je ne t’ai pas menti, soupira Ross en passant au tutoiement. J’ai juste préféré cacher certaines informations.

Minerva haussa un sourcil à la limite du mépris.

- Cela vous va bien de dire ça.

Ross eut un fin sourire amusé.

- N’as-tu pas fait la même chose ?

Minerva tiqua. Elle lâcha son expression mauvaise pour plisser les yeux d’incompréhension.

- Tu crois que je ne suis pas au courant que tu es une Animagus et que c’était toi qui nous espionnait Pinkstone et moi, dans le hall du Ministère il y a quelques semaines de cela ?

Elle sursauta. Comment avait-il deviné ?

- Je m’informe toujours sur mes collègues, en particulier ceux qui travaillent étroitement avec moi. Ton nom apparaît dans le journal Métamorphoses de nos Jours. Bravo, félicita-t-il et Minerva trouva que c’était les pires félicitations qu’elle n’ait jamais reçues. Il y est indiqué que tu as été formée par le professeur Dumbledore pour devenir Animagus. Je n’avais qu’à aller regarder le registre des Animagi et ton nom y était bien inscrit. Un chat. Je ne t’ai pas suspectée directement. Mais j’ai revu ta forme d’Animagus dans les rues du Chemin de Traverse, près de la boutique de Messieurs Trye et Pinkstone. Cela pu rester une simple coïncidence mais peu après, tu es venue me voir, parlant de faux témoignage. Tu avais relié les indices entre eux et tu as mentionné les paroles d’Emma Pinkstone qui assurait bien me payer pour cette affaire. N’est-ce pas de la dissimulation d’informations ?

- Je ne vois pas en quoi cela a un rapport avec l’affaire, se défendit Minerva en croisant les bras.

Ross se redressa sur son siège, sans se départir de son air assuré.

- Tu veux un rapport avec l’affaire ? Je vais t’en donner un.

Il se leva.

- Tu crois que je ne sais pas qui tu es ? reprit-il et Minerva sentit le sang quitter son visage. Tu crois que je ne reconnais pas les traits de ma fille chez toi ? Les yeux de ton père, qui était venu sonner à notre porte un soir proche de Noël ?

Minerva recula d’un pas.

- Tu crois que je ne t’avais pas reconnue à Halkirk, à visiter la tombe de ma mère ? La fuite de ta mère est directement reliée à mon statut que j’ai traîné au sein de ce ministère, al fuite de ta mère est la raison pour laquelle je dois me démener pour obtenir la place que je mérite dans ce département.

- Vous n’avez pas le droit de dire cela, bredouilla-t-elle. Vous êtes son père, comment pouvez-vous critiquer les choix qui font son bonheur… ?

Elle se trouvait presque honteuse de dire cela, elle qui avait si souvent jeté la pierre à sa mère pour avoir repoussé la magie.

- Tu me dis ceci, répondit Ross en la fixant droit dans les yeux, mais qui était ce jeune moldu à Halkirk, avec qui tu es repartie ?

Le fantôme de Dougal apparut immédiatement sous ses yeux, sa main chaude l’emmenant loin de son grand-père alors qu’il la tirait d’une mauvaise situation.

- Il fallait être aveugle pour ne pas comprendre votre relation, continua Ross et une boule se forma dans la gorge de Minerva. Pourtant te voilà au Ministère, ce qui signifie qu’une seule chose : tu as renoncé à cet homme pour être ici.

Une larme roula sur la joue de Minerva. Elle se sentait acculée, menacée au plus profond de son être, malade que son grand-père voit si clair en elle, qu’il saisisse toutes ses faiblesses.

- Tu me demandes de faire preuve de compréhension envers le choix d’Isobel, mais il y a quelques mois de cela, tu as pris la décision de prendre la direction opposée.

Minerva avait envie de réfuter ses paroles, de secouer la tête. Pourtant, il avait raison sur toute la ligne. Ce grand-père qui ne la connaissait presque pas, avait mis au jour ses blessures, ses plaies qui ne guérissaient pas et qui continuaient à saigner. Il avait relevé son rang de sorcière, sa décision d’écouter son ambition et non pas son amour.

Il avait fait émerger son sang de Ross, et elle en avait peur.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 56 : Descente aux Enfers

Elle était rentrée désœuvrée dans son cagibi qui tenait lieu d’appartement. Désemparée des manigances de Ross, désappointée de n’avoir rien vu venir et désillusionnée de sa relation avec son grand-père. Lui qui avait été au courant de leur lien depuis un moment, n’avait effectué aucun rapprochement, n’avait émis aucun mot dans ce sens à son encontre. Il était resté froid et cordial, à la différence d’Eugene qui, après avoir perdu son fils, avait œuvré en vue de retrouvailles. Minerva comprenait pourquoi sa mère luttait à montrer ses sentiments : enfant, elle n’avait jamais reçu de marques d’affection et encore moins d’amour. Seule sa grand-mère, Minerva de son homonyme, avait tendu une main compatissante et aimante. Elle avait été celle qu’Isobel avait écouté lorsqu’elle avait dû choisir entre son amour ou son ambition. Suivre Robert, pour quelqu’un qui avait toujours écouté sa raison, c’était la chose la plus courageuse qu’elle ait jamais faite. Critiquer son choix comme Minerva l’avait longuement fait, c’était lui faire croire que le seul acte réalisé à l’encontre de ses parents pour se prendre en mains, avait été une erreur.

Elle posa son sac au milieu de la pièce et s’assit sur son matelas, ramenant ses genoux sous son menton. Plus loin, sur son bureau, avait été posée par Bonnie une lettre. L’écriture, Minerva avait fini par la connaître par cœur malgré elle. Dougal avait toujours écrit finement, comme s’il portait toute son attention dans chacun des mots qu’il traçait à la plume. Elle avait arrêté de les compter. Presque une vingtaine de lettres décachetée dormait dans la boîte en fer blanc d’Eugene McGonagall, sous son lit grinçant. Celle-ci ne ferait que les rejoindre. Et pourtant, Minerva avait parfois l'impression d'avoir besoin de cette souffrance. Si elle souhaitait réellement que ces lettres arrêtent de venir la tourmenter, elle demanderait à sa mère de ne plus les transférer. Voire, elle répondrait directement à Dougal en lui demandant d’y mettre fin, si possible, aussi cruellement qu’elle le pouvait afin d’éteindre toute cendre encore d’amour qu’il avait pour elle. Mais elle continuait à les recevoir, encore et encore, à se languir de son ancien voisin, à se morfondre dans sa chambre et à hoqueter des mots de regrets qui n’avaient la plupart du temps aucun sens. Parfois, elle se demandait si elle n’était pas tout simplement pitoyable. Qu’elle tourne la page, par Merlin ! Ce n’était pourtant pas si compliqué, si ? Cela faisait plus de six mois qu’elle avait rompu les fiançailles, n’était-il pas temps qu’elle reprennent ses esprits ? Des couples qui se séparaient, ce n’était pas rare, et tout le monde finissait par s’en sortir. Alors pourquoi pas elle ? Pourquoi restait-elle à se transir dans sa chambre, à se prostrer tel un animal blessé ? C’en devenait lamentable. Elle n’avait plus goût à rien. Elle avait arrêté d’écouter les matchs de Quidditch à la radio, elle repoussait ses visites avec Alan, quand elle ne travaillait pas, elle tentait de dormir. Sans succès, elle finissait trop fréquemment à se retourner éternellement dans son lit, courant après un sommeil fuyard. Sa fatigue exacerbait sa nervosité au travail et elle craignait commettre des erreurs qui mettraient Reckter en colère. Flint n’allait plus être dans les parages, mais étant donné son remplaçant, Minerva doutait que l’ambiance s’améliore, du moins pour elle. Au moins, aurait-elle Satya à ses côtés pour améliorer son humeur.

***


- Je démissionne.

- Pardon ?

Il s’était déroulé une semaine après la nomination de Ross à la tête du département. Le procès de Satya avait enfin eu lieu à huis clos et Minerva avait attendu en se rongeant les ongles à l’extérieur de l’hémicycle. Les soupçons portés envers Satya n’avaient finalement pas été retenus car basés sur aucune preuve tangible. Aucun dédommagement n’était prévu pour combler le préjudice vécu par la jeune fille et celle-ci ne comptait pas faire appel, de crainte que la situation ne lui devienne défavorable. Les deux amies s’étaient retrouvées pour déjeuner le lendemain.

Satya épousseta sa jupe bleue avant de répéter :

- Je démissionne. Ce soir.

Minerva reposa son sandwich qu’elle avait à peine touché.

- Mais… pourquoi ?

Était-elle renvoyée ou démissionnait-elle réellement ?

- Ce n’est plus pareil, expliqua-t-elle en baissant les yeux. Les collègues ne me regardent plus, ne me font plus confiance. J’ai beau être innocente et avoir été reconnue comme telle, je suis tout de même restée à Azkaban et ai été jugée pour espionnage. Ils me font encore moins confiance qu’avant. On ne me confie plus de missions ou de travail, on me fait comprendre que je n’ai plus ma place ici. Probablement, ne l’ai-je jamais eue d’ailleurs.

- Mais c’est injuste ! s’insurgea Minerva. Ils t’ont envoyée à tort à Azkaban et maintenant ils te poussent à la démission ?

Satya baissa cette fois-ci la tête et tritura un moment son sari.

- C’est aussi mon choix. Ma famille me manque beaucoup, je pense qu’il est temps pour moi de rentrer.

- Tu… Tu ne comptes pas rester en Angleterre ? bredouilla Minerva.

- Pour y faire quoi ? Gouvernante avec un salaire de misère ? Serveuse, femme de chambre ? Mon nom a fait le tour des journaux, personne ne voudra m’embaucher pour aucun emploi. Je suis venue en Angleterre pour un meilleur revenu que je pouvais envoyer à ma famille. Sans ce revenu, je suis inutile à mes sœurs.

- Et leur dot ? Tu voulais travailler pour qu’elles obtiennent une dot. Si tu rentres, comment feras-tu ?

Satya haussa les épaules.

- Je trouverai un moyen, ou un mari qui accepte de prendre mes sœurs sous son aile.

Minerva avait l’impression de recevoir un coup de massue. Satya repartait en Inde pour de bon. Elle qui avait travaillé si dur pour rester en Angleterre, pour mettre du pain sur la table familiale, avait tout perdu en un instant. Minerva remarquait enfin à quel point Satya et elle-même étaient à la fois si semblables et si différentes : chacune avait été tiraillée entre le mariage et le travail. L’une avait choisi le Ministère tandis que l’autre se tournait vers le mariage. Comment Minerva aurait-elle pu lui parler de sa propre détresse alors que son amie se destinait à un mariage arrangé ? Elle aurait probablement envié la situation de Minerva, ne comprenant pas comment elle avait pu renoncer à un homme qu’elle aimait juste pour un travail qui la rendait malheureuse.

- C’est mieux ainsi, reprit Satya avec un doux sourire. D’Angleterre, j’ai l’impression de perdre ma famille jour après jour. J’ai déjà eu de la chance d’avoir pu rester ici aussi longtemps, d’avoir pu repousser mon mariage. Il est temps de rentrer.

Minerva ne répondit pas et détourna le regard. Elle se sentait mal que son pays ait forcé le départ de son amie, même honteuse. Et égoïstement, elle appréhendait la solitude qui bientôt lui tomberait dessus. Elle n’entendrait plus ses prières régulières qu’elle entendait à travers le mur fin qui séparait leur chambre, ni ses appels à sa famille, ses saris ne sècheraient plus dans la salle d’eau, touche bleutée égayant leur étage. Ses bracelets dorés ne tinteraient plus dans le couloir et ses pas légers ne grimperaient plus les marches des six étages de leur pension.

Le jour de son départ, Minerva était présente à la pension, comme si Satya avait attendu qu’elle rentre du travail pour partir. Elle ne disposait que d’une mallette remplie de ses biens personnels. Elle avait fermé sa chambre et rendu la clé à la propriétaire qui l’avait saluée brièvement.

- J’enverrai des lettres, assura Satya devant la mine déconfite de Minerva.

Celle-ci hocha la tête en silence. Marchbank et Elphinston étaient de bonnes personnes dans un Ministère mauvais. Mais ils restaient ses collègues et supérieurs. Satya était la seule qui, comme elle, ne s’était jamais réellement sentie à sa place au travail. Bien que pas particulièrement proches comme l’étaient Minerva et Alan, Satya représentait un point d’accroche que la jeune fille perdait au moment où elle en avait le plus besoin. Plus simplement dit, elle était sa seule amie au Ministère.

Lorsque Satya la serra dans ses bras, la salua une dernière fois et lui tourna le dos pour descendre les escaliers, Minerva sentit quelque chose se briser en elle. Ce soir-là, elle pleura longuement, sans retenir ses hoquets car cette fois, il n’y avait personne à qui elle devait cacher ses larmes.

Depuis son arrivée au Ministère, elle avait emprunté un chemin qu’elle avait pensé plein d’embûches mais qui la mènerait vers la lumière qu’elle cherchait. Cependant, sa route n’accueillait aucune lumière et ne la menait que vers plus d’obscurité. Si lumière il y avait eu, elle l’avait ignorée au dernier carrefour. Elle avait traîné douloureusement la perte de Dougal à laquelle s’ajoutait aujourd’hui celle de Satya.

Ce soir-là, la lente descente aux Enfers de Minerva se transforma en chute libre.

***


Elle se plongea encore plus dans le travail. Elle mangeait seule dans son bureau -lorsqu’elle pensait à préparer un repas- et mentait à Elphinston sur ses pauses. Sans Satya pour les déjeuners ou pour la réguler sur ses horaires à la pension, Minerva avait l’impression de ne plus avoir aucune limite. Bien sûr, elle était fatiguée ; le soir, elle avait à peine le temps de grignoter un dîner avant de s’effondrer sur son lit. Mais même la fatigue lui était devenue une habitude, comme une part d’elle-même. Travailler autant lui permettait de fournir plus de résultat à Reckter qui ne semblait jamais satisfait. Le moindre faux-pas le mettait hors de lui et Minerva avait à chaque fois l’impression d’avoir révélé un secret d’Etat au monde entier tant ses erreurs semblaient d’une gravité incommensurable. A chacun de ses passages dans son bureau, Minerva ressortait avec le moral au plus bas. Si elle ne faisait qu’échouer, alors elle devenait inutile, moins capable que les autres. Alors, elle travaillait encore plus.

Un jour, Marchbank avait tiqué en la voyant rester une fois de plus tard au bureau.

- Quand rentre-tu chez toi, Minerva ? avait-elle demandé.

- Pas longtemps après vous, avait-elle menti sans complexe.

Marchbank avait hoché la tête sans avoir eu l’air de la croire. Le lendemain, Minerva avait pris ses affaires en fin d’après-midi et avait annoncé son départ, à la surprise mais approbation de sa tutrice. Au lieu de prendre le chemin de la sortie, Minerva était partie se réfugier aux toilettes, s’était enfermée dans une des cabines et avait attendu que les employés quittent le Ministère un à un pour ensuite retourner à son bureau. Marchbank n’était plus présente depuis un moment et Minerva était restée trois heures de plus. Elle usa de cette stratégie de temps en temps avant d’en faire presque une habitude. Elle ne voyait pas cela comme une manipulation de sa part envers son département ou des mensonges, mais plutôt comme un moyen de se débarrasser de leurs réflexions continuelles. Elle essayait de ne pas se mettre en colère, mais elle leur en voulait de lui demander de moins travailler, de rentrer plus tôt, de prendre plus de pause. Eux étaient reconnus dans le département, eux étaient approuvés et loués. Pas Minerva. C’était le mois de mai désormais et Reckter avait de nouveau souligné à quel point il avait été déçu par le dossier de Minerva. Sans autre explication de sa part, il l’avait congédiée. Minerva était partie aux toilettes pour contrôler les larmes qui menaçaient de couler puis, comme si de rien n’était, était retournée travailler.

Le lendemain à l’heure du déjeuner, Reckter était passé dans tous les bureaux et avait offert des scones à tout le département. Minerva avait eu sa part comme tout le monde ce qui lui faisait se demander si elle ne jugeait pas son supérieur trop vite. Il ne devait pas la détester, sinon il ne se serait pas embarrassé à lui acheter des pâtisseries. Était-ce une forme d’encouragement ? Quoiqu’il en fût, Minerva ne savait jamais sur quel pied danser avec lui. Elle en venait à vivre dans un sentiment perpétuel d’insécurité, ne sachant jamais à quoi s’attendre lorsqu’elle franchirait le pas de la porte de son bureau. Une avalanche de reproches ou de compliments ? Un sourire ou une grimace ?

A la fin de la semaine, il apparut dans le bureau avec un rapport à la main.

- Vous me dressez le procès-verbal de cette affaire je vous prie ? Je vous fais confiance, hein ?

Minerva bredouilla un acquiescement sous le sourcil dressé de Marchbank.

- On t’a appris à dresser un procès-verbal ? s’enquit-elle une fois Reckter parti.

Minerva secoua la tête.

- Je vais aller lire des livres et m’informer, dit-elle.

C’était ce qu’elle faisait la plupart du temps et la raison pour laquelle elle mettait plus d’heures de travail dans une seule affaire. Cela n’eut pas l’air de plaire à Marchbank qui se leva.

- Comment ça, tu vas « lire » ? Tu es censée recevoir une formation, un minimum d'explications sur tes missions. Comment veux-tu être efficace sinon ?

Elle s’approcha et regarda le rapport. Après une lecture attentive, elle entreprit d’expliquer les bases d’une procédure de procès-verbal. Tout paraissait plus simple, plus évident.

- Ne crains pas de demander de l’aide, fit Marchbank en se rasseyant à sa place. Tu apprends encore. Comment as-tu réussi tout le travail que l’on t’a donné sans formation, cela me sidère.

Elle secoua la tête en retournant à son travail. Minerva eut un léger sourire, le premier depuis le départ de Satya quelques mois plus tôt. Ce procès-verbal lui était soudainement d’une facilité déconcertante. Lorsqu’elle rendit le dossier à Reckter, celui-ci parut satisfait pour la première fois depuis bien longtemps.

- Enfin du bon travail, fit-il. N’importe quel employé aurait pu le faire bien sûr, mais me voilà un peu rassuré.

N’importe qui ? Était-ce un travail classique qu’elle venait de réaliser ? Il était vrai que la tâche avait été simple, et Marchbank, qui n’était pas greffière, avait pu aussi lui expliquer le fonctionnement. Son niveau était donc si bas que les missions qu’elle pouvait faire relevaient d’un enseignement basique ? Elle devait travailler. Encore plus, toujours plus. Si n’importe quel employé avait les mêmes capacités qu’elle, elle deviendrait facilement remplaçable et ne serait pas indispensable au Ministère. Elle s’estimait chanceuse de faire partie d’un si grand département. D’autant plus que ses collègues continuaient de l’ignorer, cela devait bien vouloir dire quelque chose, non ? Elle était douée en métamorphoses et avait un très bon dossier scolaire, ce qui lui avait permis d’être embauchée. Mais ses compétences en matière juridique étaient proches de zéro à son arrivée, les employés ont probablement pensé qu’elle avait été prise grâce à son statut de major de promotion. Ils n’avaient pas tort, au fond. Le domaine de la Justice lui paraissait encore aujourd’hui toujours aussi nébuleux.

Cette ambiance de travail la conduisait à de perpétuelles bouffées d’angoisse qui ruinaient son sommeil. La nuit, elle se réveillait la boule au ventre. Elle mangeait peu. Son estomac n’acceptait plus grand-chose, tordu de nervosité comme il était, et pour ne pas éveiller les soupçons, Minerva jetait son repas à la poubelle des toilettes. Elle avait maigri. L’absence de miroir dans son logement lui permettait d’ignorer cet aspect néfaste sur sa santé. Elle savait s’en sentir plus faible, surtout psychologiquement. Elle était de plus en plus irritable, s’agaçait très vite pour devenir apathique pendant plusieurs jours. Elle vivait au rythme des remarques racistes, sexistes de ses collègues, travaillait sous la pression des dossiers, des procès, se fatiguait, se rendait malade. Elle se rongeait les ongles, pleurait le soir avant de dormir et se réveillait les yeux bouffis. Elle enfilait ses vêtements et se coiffait, les lundi se mélangeant aux mercredi, eux-mêmes peu différents des vendredi ou samedi. Elle mangeait moins, maigrissait sans avoir faim. Parfois, une lettre de Dougal arrivait, énième coup de poignard nécessaire à la survie de Minerva, et Isobel demandait à nouveau qui pouvait bien lui écrire ainsi.

Elle ne trouvait plus la force de sortir. Alan soulignait qu’ils ne se voyaient plus, elle répondait qu’elle était occupée. En vérité, même si elle arrêtait de travailler durant une journée entière, elle la passerait prostrée dans son lit à se demander où est-ce qu’elle allait comme ça, fantôme errant entre l’ombre destructrice du Ministère et celle maladive de sa chambre.

Tout lui semblait si sombre, si noir autour d’elle ? Où était son issue ? Où était cette vie de réussites qu’elle avait tant espéré ? Pourquoi ses sacrifices la meurtrissait-ils ainsi ? Elle avait obtenu ce qu’elle voulait : sa place au Ministère. Avait-elle obtenu ce dont elle avait besoin ? Le monde autour d’elle avançait ; que faisait-elle, elle, à regarder en arrière son chagrin dont elle ne se départissait pas ? Que faisait-elle, elle, à se recroqueviller dans un présent qui l’engloutissait ?
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Bonjour !

Attention, disclaimer chapitre sensible.

Peut-être que j'exagère, surtout que j'écoutais de la musique triste en même temps que l'écriture donc je ressentais 2x plus d'émotions, mais je pense que ce chapitre peut toucher la sensibilité de certain.es d'entre vous, alors je préfère prévenir.

Ceci étant fait je vous souhaite une bonne lecture, mais vraiment, si jamais vous ressentez un mal-être, n'hésitez pas à stopper votre lecture. <3



Chapitre 57 : Le cerisier en pleurs


Que faisait-elle allongée dans son lit ainsi ?

C’était le milieu de l’après-midi, dans un mois d’août particulièrement chaud. Minerva aurait dû être au travail mais elle venait de poser plusieurs jours de congé. Tous ceux qu’il lui restait avant la fin de l’année. Elphinston avait hésité mais avait fini par les lui accorder. Elle n’aurait rien à Noël, mais Minerva n’en n’avait plus rien à faire. Elle passerait son Noël en solitaire. A quoi bon. Elle n’avait plus envie de rien. Encore une fois, elle s’était attiré les reproches de Reckter et elle ne parvenait pas à comprendre quelle en était la raison. Qu’elle aille travailler ou pas, cela ne semblait pas faire grande différence. La même routine de dossiers empilés dans un bureau silencieux d’un Ministère impitoyable, où tempêtaient les pensées mortes et ternes de Minerva. Elle se sentait dispensable parmi ses collègues. Si elle leur prouvait qu’ils avaient raison de penser ainsi, peut-être qu’elle se ferait plus vite renvoyer. Étrangement, ce n’était pas encore dans les plans d’Urquart et elle lui en voulait pour cela, tout en lui étant reconnaissante. En ne mettant pas fin à ses souffrances, il laissait tout de même Minerva dans son illusion rassurante. Quitter le Ministère lui faisait autant peur qu’y rester. Ce poste, elle en avait rêvé. Elle ne saurait pas quoi faire à la place. Tout le monde autour d’elle avait un rêve, le réalisait. Elle deviendrait pathétique aux yeux des autres de n’avoir plus aucune envie, plus aucun but ou projet. Et son sacrifice de l’année dernière la hantait encore. Par Merlin, elle ne survivrait pas si elle retournait chez ses parents, ayant perdu son travail après avoir perdu Dougal. Comment pourrait-elle revenir à ses côtés tout en continuant de garder son lourd secret ? Ce serait revenir à dire que son choix, irrémédiable, avait peut-être été le mauvais.

Alors, elle passait ses journées dans son appartement. Elle dormait beaucoup, à des heures souvent où le monde s’activait et se réveillait le cœur serré quand la lune prenait son tour de garde. Parfois, elle guettait si Satya n’avait pas décidé de revenir, par miracle. Mais le mur de l’autre côté renfermait toujours le silence de l’injustice que son amie avait subi. Minerva retournait donc s’asseoir sur son lit.

Parfois, elle mangeait.

Souvent, elle regardait sans réellement voir les derniers journaux qu’elle avait reçu, les dernières lettres. Récemment, une riche héritière et descendante d’Helga Poufsouffle, Hepzibah Smith, était décédée. A une époque, Minerva aurait longuement lu les articles, y aurait trouvé un réel intérêt. Là, elle n’avait fait que lire les gros titres. La Minerva d’aujourd’hui était même fatiguée de lire. Elle n’y trouvait plus le goût. À plus rien. Elle n’osait pas encore ignorer les lettres d’Alan, mais elle repoussait ses rencontres avec lui ; il s’en plaignait. Mais comment pouvait-elle songer à le voir ? Elle était en échec complet. Dans sa vie personnelle, dans sa vie professionnelle. Dans son comportement, dans son mode de vie. Elle ne se reconnaissait plus. Alors qui pouvait la comprendre désormais ?

Qui était cette Minerva en pyjama qui errait tel un fantôme dans son propre appartement ? La nuit, elle rêvait que ses parents passaient chez elle pour lui faire une surprise. Ils finissaient toujours par pleurer de la voir ainsi. Et certaines nuits, elle les voyait d’un endroit surélevé, effondrés sur une lettre posée à son bureau.

Ces soir-là, elle se réveillait en sueur, terrifiée, et elle pleurait sans s’arrêter jusqu’au lever du soleil.

Elle se haïssait jour après jour encore plus, vomissait sur son attitude pitoyable, se dégoûtait de tout et de rien. Sa douleur psychologique était telle qu’elle en devenait physique. Son quotidien se transformait en un champ de mines explosant ses passions, un champ de guerre qui l’opposait continuellement à ses collègues. Ce poste au Ministère qui avait été son oasis dans son désert d’inquiétude s’était révélé un simple mirage dont elle ne parvenait pas à se défaire.

Bonnie apparut à la fenêtre. Fidèle au poste, elle apportait toujours le courrier. Mais sa maîtresse, si elle pensait toujours à la nourrir, échouait à lui donner son affection. Quand on ne parvenait plus à s’apprécier, il était impossible de rendre de l’amour à autrui. Alors Bonnie restait à la fenêtre, seul être vivant de la pièce et observait la jeune fille sans un bruit.

Tête posée sur l’oreiller, Minerva cligna lentement des yeux vers le faible rayon de lumière qui passait à travers sa vitre. Le coin de l’enveloppe dépassait du rebord. Elle était épaisse, alors Minerva devinait que sa mère joignait une enveloppe de Dougal avec la sienne. Elle se redressa lentement, ses longs cheveux bruns détachés dans son dos et emmêlés. Bonnie hulula d’un ton inquiet. Mécaniquement, Minerva lui lâcha quelques graines de Miam-hibou dans sa coupelle déjà remplie à ras bord. La chouette hulula à nouveau, plus fortement, l’air de dire qu’elle avait plus à manger que sa propre maîtresse. C’était probablement vrai. Minerva ne se souvenait plus à quand remontait son dernier grignotage. Elle se leva et traîna ses pieds pour récupérer la lettre. Les mots d’Isobel lui paraissaient vides de sens, machinaux, sans émotion. Peut-être, était-ce Minerva la coquille vide qui n’avait plus le cœur de ressentir.

Comme prévu, une seconde enveloppe attendait d’être décachetée, la belle écriture de Dougal perçant et recousant son cœur meurtri.

« Ma très chère Minerva,

Le temps est bien chaud au nord de l’Ecosse, cette année encore. Tu dois être fatiguée de recevoir ces informations de météo : pour autant que je sache, tu es peut-être dans la région aussi. Pour autant que je sache, tu ne reçois aucune de ces lettres que je t’envoie. Les lis-tu ? Je n’en sais guère…

Minerva, les légumes de mon champ manquent de place, je peux grignoter du terrain de chez toi ? Tu n’y verras que du feu, je te le promets. Je plaisante.
»

La phrase suivante était rayée. Minerva porta la lettre à la lumière et distingua quelques mots derrière les ratures : « énerverait tellement … rentrerais… me crier dessus. » Il avait dû penser que sa phrase la ferait culpabiliser de ne pas donner de nouvelles et avait décidé de supprimer ses mots, par égard pour son choix de vie.

« Minerva… Il faut que je te dise, tu vas sûrement trouver cela stupide mais… le cerisier entre nos deux jardins… »

Là encore, un mot avant avait été gribouillé, mais Minerva parvenait à lire un « notre » avant le mot cerisier. « Notre cerisier ».

« Je te disais qu’il faisait encore très chaud. Il n’a pas tenu le choc, une sorte de champignon lui rongeait l’écorce. On a dû l’abattre. Il était magnifique, Minerva, te souviens-tu ? »

Minerva papillonna des yeux, chassant les larmes d’un battement de cils. Sous ses branches de terre brûlée et ocre par le soleil couchant, sous ses fleurs rosées aux pétales délicats, avaient eu lieu des gestes, des attentions que jamais elle n’oublierait. La pulpe de ses doigts ressentait encore ce fourmillement d’excitation lorsque Dougal lui prenait la main. Ses lèvres souriaient tendrement de mélancolie et de tristesse en songeant aux baisers qu’il lui avait offerts, à l’abri des regards. Son annulaire gauche portait toujours la marque invisible de la bague qu’elle avait porté si peu longtemps mais qui lui avait apporté plus de bonheur que la dernière année écoulée. Ses cheveux sur la nuque frémissaient encore de son amour exalté, de la chaleur de son corps, de la caresse de son sourire, du tintement heureux de son rire.

Cet arbre renfermait plus d’amour qu’aucun autre lieu n’abriterait dans la vie de Minerva.

« J’y attachais beaucoup d’émotions. Ce n’était pas juste un arbre, pour moi. J’aurais aimé avoir ton ressenti. Lui dévoue-tu aussi autant de passion que moi ? J’imagine que je ne le saurais jamais.

Minerva. Je ne devrais pas dire cela, mais tu me manques, terriblement. Nos échanges, nos rires, nos disputes ridicules, nos moqueries, nos jeux… Cela fait un an que tu es partie et ton absence est toujours aussi présente. Mais désormais, j’ai honte de mon égoïsme. Pour peu que tu lises ces lettres, t’agacent-elles ? Te peinent-elles ? Pardonne-moi si c’est le cas. Pour ce coup, je n’ai pas été très futé, je n’ai pensé qu’à moi. À moi, à ma volonté de savoir, mon désir de recevoir une réponse. Pardon.

Mais laisse-moi être égoïste juste une fois de plus. Je crois qu’écrire ces lettres me font autant de bien que de mal. A chaque mot tracé, j’imagine ta réaction, un rire ou un soupir, une remarque ou un ricanement, une pique ou une moquerie gentille. J’en souris, et cela me réconforte. Puis passent les jours sans ta réponse et ma joie se mue en chagrin.

Pour ces deux raisons, mon cœur se retrouve forcé de faire un choix qui me déchire de l’intérieur.

Minerva, ceci sera ma dernière lettre. Ton silence éteindra à jamais mon espoir. Je comprends que tu aies tes raisons. Échouer à savoir lesquelles sera mon éternel regret.

J’espère que là où tu es, les champs sont aussi verts qu’à Caithness, que le soleil se couche au loin derrière les cimes d’arbres magnifiques, que tu te réveilles le matin au son des oiseaux que nous avions l’habitude d’avoir à la maison.
»

Minerva, la vision trouble de larmes, regarda à sa fenêtre qui donnait sur le mur de l’immeuble voisin. Le soleil, caché loin derrière le bâtiment, n’offrait pas de lumière. Et les oiseaux ne chantaient pas à Londres. Il n’existait pas d’autre endroit au monde tel que Dougal l’avait décrit.

« Minerva. Cette décision me brise le cœur. Mais j’essaie de me dire que c’est le mieux pour toi, que tu es peut-être soulagée de me voir lâcher prise. Et c’est aussi le mieux pour moi, pour mon bonheur. J’ai besoin de te laisser partir afin de pouvoir vivre à nouveau. J’ai besoin de te laisser dans le passé pour construire mon futur. Pardonne-moi, Minerva.

Sois heureuse, Minerva. Je te souhaite que tu sois heureuse dans ce que tu fais, heureuse de qui tu es. Que tes pas te mènent vers la prospérité et que tes épreuves de la vie éclosent de bonheur.

Avec tout mon amour,

Adieu,

Dougal.
»

Il y avait un an qu’elle avait pris la décision de briser son cœur et d’en souffrir. Aujourd’hui, Dougal en dispersait les morceaux. Pour leur bien à tous les deux. Parce que lui cherchait à voir la fin de sa torture, il rompait le lien qui les unissait. Parce que lui en était capable. Mais Minerva, elle, ne parvenait pas à le laisser partir. Dougal avait ses projets. Comme de nombreux autres, il s’élançait vers sa prochaine destination. Pourquoi était-elle la seule qui demeurait derrière ? Car le bonheur de son passé était son malheur d’aujourd’hui. C’était là la seule raison qui l’empêchait de lâcher prise. Parce qu’elle ne voyait pas une issue hors de ses tourments, une échappatoire vers sa paix, elle se raccrochait aux moments heureux qu’elle avait laissés sur le bord du chemin. Des moments heureux qui ne lui seraient jamais rendus.

Après tout, le cerisier avait été abattu.

Ce soir-là, une pleine nuit d’été, elle tomba malade. Fiévreuse, tremblante, elle sombra dans une délirante illusion.

La main de Dougal, calleuse comme dans ses souvenirs, était douce lorsqu’il lui caressa la joue.

- Ton front est brûlant.

Minerva ouvrit des yeux larmoyants de maladie sur des yeux noisette inquiets qu’elle avait tant voulu revoir un jour. Ses cheveux bruns bien coiffés entouraient une mine soucieuse.

- Que fais-tu là ? bredouilla Minerva.

Elle ne comprenait pas. Elle se savait délirante, elle le savait absent de sa chambre. Alors pourquoi sa voix semblait si réelle, son toucher si tendre ? Pourquoi cette illusion paraissait vraiment se réaliser ?

- Ta famille s’inquiétait, souffla Dougal d’une voix plus grave que d’habitude.

- Mais que fais-tu ici ? répéta Minerva avec des sanglots dans la voix.

Que faisait-il aux abords du Chemin de Traverse, dans une chambre qui accueillait une chouette, des chaudrons et une baguette magique ? Il lui était impossible de réfléchir, elle divaguait de toute façon. Dougal n’était pas là. Il ne pouvait pas.

- Pardonne-moi, sanglota-t-elle, pour tout. Pour n’avoir rien dit, n’avoir jamais répondu…

Dougal ne reviendrait jamais. C’était la dernière fois qu’elle était en sa présence. Mirage ou pas mirage, elle avait besoin de lui parler, lui expliquer.

Dougal sembla jeter un coup d’œil à la lettre qui gisait sur le bord du matelas. Les mots qu’il y avait écrits devaient résonner en lui, comme un rappel de sa propre décision de tourner la page. Il n’y toucha pas, mais ses yeux effleurèrent les lignes tracées à l’encre noire.

- Ce n’est pas grave, finit-il par dire.

Il souleva une mèche de cheveux qui collait au front de la jeune fille.

- Ce n’est pas grave, murmura-t-il à nouveau.

Il y eut un long silence. Minerva avait tant à dire mais à la fois, elle était apaisée par cette présence à ses côtés. Elle l’inventait probablement de son cerveau embrumé, mais elle était prête à s’abandonner dans un doux imaginaire plutôt que de vivre dans une cruelle réalité.

- Minerva…

La voix la ramena à la surface quelques secondes.

- Minerva, tu ne vas pas bien…

Elle avait de la fièvre, bien sûr qu’elle n’allait pas bien.

- Je ne te parle pas de ta fièvre, continua Dougal comme s’il lisait dans ses pensées -ce qu’une illusion pouvait sûrement faire. C’est ton esprit. Ton esprit va mal.

Son esprit ? Son esprit était embrouillé actuellement.

- Minerva… C’est dangereux ce que tu fais, ce à quoi tu penses.

Bien sûr que ça l’était… Au plus profond d’elle-même, elle pouvait sentir qu’il avait raison. Mais comment s’en tirer ? Comment remonter lorsque l’on en avait plus la force ? Presque plus l’envie ?

- Tu vas repartir. Je ne te reverrai plus, dit Minerva comme s’il était la seule raison qui l’empêchait de vivre alors qu’il n’était qu’un engrenage dans sa roue de désespoir.

- Je ne partirai pas, assura Dougal. Je m’assurerai que tu dormes bien, que tu manges bien.

Ce fut juste à ce moment-là qu’elle sentit l’odeur de petit pain chaud sortant du four, comme si elle s’était absentée un moment pendant lequel Dougal était sorti acheter à manger. Elle sentait également l’odeur de thé et inconsciemment, son nez ne paraissait reconnaître que du thé à la fleur de cerisier. A croire que son illusion devenait même olfactive.

- Promets-moi que tu mangeras lorsque tu te réveilleras.

Minerva hocha faiblement la tête. Elle pouvait tout promettre à Dougal. Elle arrêterait de le faire souffrir.

- Promets-moi que tu iras mieux. Peu importe le temps que cela prendra, promets-moi que tu feras tout pour aller mieux.

Elle ne voyait pas comment faire, mais elle acquiesça à nouveau. Elle pouvait promettre, encore et encore car c’était pour Dougal qu’elle le faisait.

- Promets-moi que tu iras demander de l’aide lorsque tu comprendras que tu en as le droit, que tu en as toujours eu le droit.

Elle voulait que ce soit lui qui l’aide.

- Et toi... ? Tu ne peux pas m’aider ?

Dougal eut un léger rire, très bas, presque comme un souffle.

- Tu dois me le demander, Minerva. N’attends pas les autres éternellement. Ce n’est pas grave de crier à l’aide, au contraire. Ce n’est pas grave de ne pas pouvoir tout gérer toute seule, de ne pas pouvoir tout supporter toute seule.

Une larme perlée roula sur la tempe de Minerva et Dougal la laissa glisser doucement. Minerva ferma fort les yeux ; elle ne devait pas lui montrer qu’elle avait mal alors qu’elle était la seule responsable de la souffrance de l’homme qu’elle aimait.

Le pouce de Dougal effleura une seconde larme qui avait percé la barrière de cils.

- Ce n’est pas grave de pleurer devant les autres. Pleure lorsque tu souffres, ris lorsque tu es joyeuse, aime quand tu es heureuse. Tu n’es pas seule, Minerva.

Il lui caressa doucement les cheveux, avec patience, avec affection, comme si à travers la pulpe de ses doigts il souhaitait lui prodiguer soins, réconfort et tendresse.

Lorsqu’elle se réveilla, sa fièvre était redescendue. Dougal n’était pas là, même son parfum ne flottait plus dans l’air. Ou n’y avait jamais flotté. Et pourtant, sur la table de chevet, reposaient sur un plateau des scones et un thé aux volutes de fumée s’élançant vers le ciel.

Minerva prit la coupe entre ses doigts. Dougal était-il réellement passé par ici ? C’était impossible. Avait-elle imaginé toute la conversation ? Était-ce sa propriétaire qui était entrée ? Elle seule avait également les clés de la chambre.

Elle trempa doucement ses lèvres dans le breuvage. Ce n’était pas de la fleur de cerisier qui lui parvenait aux narines. Il n’y avait aucune odeur, mais le thé s’illustrait par une couleur rouge coquelicot. L’été à Caithness, ces fleurs au vermeille vivace éclosaient au milieu des champs de blé. Dans la chaleur estivale, elles naissaient, plus ardentes que jamais, telles des touches de peintures flamboyantes sur une toile terne.

Devait-elle lire quelque chose dans ce thé sans odeur, sans goût, mais à la robe rubis ? Tel un coquelicot, devait-elle éclore avec éclat au milieu des épreuves et de l’aridité de son environnement ?
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 58 : Tout passe

Reckter avait été promu. Minerva aurait trouvé cela injuste étant donné qu'il avait eu un comportement exécrable envers elle si cela ne signifiait pas qu'il n'était plus son supérieur. Car si Reckter était monté en grade, c'était aussi le cas d'Elphinston qui prenait sa place.

Minerva était donc revenue au Ministère avec une curiosité tout de même méfiante. Marchbank la laissait de plus en plus travailler seule et lui donnait moins de tâches administratives, lui permettant ainsi de se concentrer sur sa mission de greffière. Elle avait ainsi moins l'impression de jouer à la funambule, tiraillée entre un gouffre ou l'autre.

Ses jours de congé consommés, Minerva était retournée à la fois à reculons à son bureau mais aussi avec une pointe d'espoir. Elphinston avait toujours été attentionné et attentif aux besoins de ses employés et collègues. Le poids qui accompagnait son cœur auparavant s'était allégé. Quand quelque chose irait mal, elle trouverait le courage de demander des explications et conseils à son supérieur.

La lettre de Dougal avait été déposée avec toutes les autres, dans la boîte en fer blanc sous le lit. Elle reposerait en haut de la pile, première lettre d'un épilogue tragique. A nouveau, comme Minerva l'avait fait lors de son entrée au Ministère, elle espérait que le travail occuperait son esprit. Les adieux de Dougal l'avaient meurtrie. Et pourtant, par moment, elle se sentait presque soulagée. Désormais, elle ne recevrait plus aucune autre lettre crève-cœur, maintenant qu'il avait arrêté elle n'aurait plus cette infime envie de tout abandonner et de courir à Caithness. Non, elle avait eu son ambition professionnelle et elle s'y accrocherait. Elle n'oubliait pas les regrets de sa mère. Elle-même aurait les siens, mais elle ferait en sorte qu'ils soient moins lourds que si elle avait pris l'autre direction.

Ce qui ne voulait pas dire qu'elle parviendrait à tourner la page sur Dougal comme lui avait décidé de le faire. Son soulagement constituait une forme de lâcheté envers une situation dont elle n'arrivait pas à se défaire.

Sa reprise avait débuté par une réunion entre greffiers, proposée par Elphinston. Haminston était présent sur les lieux quand Minerva pénétra dans la salle de réunion.

- Ah, tu es revenue ? fit-il dès son entrée.

Elle ne sentit pas de jugement dans sa voix, mais pas de joie sincère non plus. Un fait, simplement énoncé et exacerbé par un hochement de tête qui concluait ses dires.

Minerva s'assit en face de lui, la table leur apportant la distance physique que la jeune fille, la ressentant aussi mentalement souhaiter installer. Elle gardait un certain malaise dans la peau, une ignorance sur comment se comporter envers ses collègues. Une forme de culpabilité également, d'avoir disparu du jour au lendemain et de réapparaître comme si rien ne s'était passé. Et pourtant, il s'en était passé des choses. L'état dans lequel Minerva s'était retrouvé ces derniers jours voire semaines lui faisait craindre une possible rechute. Elle savait qu'elle n'allait guère mieux. Il était impossible que sa santé mentale s'améliore en si peu de temps. La différence résidait dans l'idée que cette fois-ci, elle avait conscience de son mal-être. Les mots de Dougal -ou de son illusion- tourbillonnaient dans sa tête : « Minerva, tu ne vas pas bien. C'est ton esprit. Ton esprit va mal. » Quand elle repensait aux derniers jours, elle frissonnait de ce que son cerveau avait imaginé, des gestes qu'elle n'avait jamais faits mais qui avaient été contemplés. Ce qui n'avait pas été aurait pu l'être demain. L'issue en aurait été dramatique. Cette réalisation avait rendu Minerva extrêmement prudente de ses faits et gestes.

D'autres greffiers entrèrent à leur tour, ribambelle de collègues que Minerva n'avait que trop peu vus, voire ne connaissait ni de Merlin ni de Morgane. Ils lui jetèrent un coup d'œil curieux avant de lâcher un hochement de tête poli mais professionnel. Un lourd silence s'installa, entrecoupé de bruissement de papiers, de soupirs et de raclements de gorge. Apparemment, c'était bien la première fois qu'un supérieur convoquait une réunion entre collègues et cela se voyait : chacun s'occupait de ses propres affaires, tournoyant la baguette entre les doigts pour celles et ceux qui auraient souhaité rompre le silence sans trop oser être le premier à franchir le pas. Minerva, elle, examinait ses ongles, encore courts et abîmés depuis qu'elle les avait continuellement rongés sur les derniers mois d'angoisse.

Finalement, Elphinston fit son apparition, au grand soulagement des employés qui se redressèrent dans un concert de décroisement de jambes et coudes qui s'enlevaient de la table.

- Bien, je vois que tout le monde est là !

Urquart parcourut son équipe d'un sourire affable, ne s'arrêtant pas particulièrement sur Minerva. Elle le remercia silencieusement de ne pas lui faire de réflexion même si bienveillante quant à son retour. Moins elle ferait de vague, mieux elle se porterait.

Elphinston fit le tour de la table et lâcha un sachet à côté de la jeune fille.

- Tenez, des confiseries, prenez-en un et faites donc passer à vos collègues, s'il vous plaît.

Minerva obéit avec trouble et entrouvrit le sachet qui contenait plusieurs sucreries diverses. Ne souhaitant pas farfouiller devant tout le monde, elle prit un bonbon au hasard et tomba sur une dragée surprise de Bertie Crochu. Elle hésita mais préféra passer le sachet à sa voisine qui dissimula un sourire.

- Un choix audacieux aussi tôt le matin, commenta-t-elle amusée. Pardon, mais je me contenterai d'une Chocogrenouille.

Minerva lâcha un petit rire gêné mais soulagé : la glace était miraculeusement rompue.

Sa voisine fit passer le sachet et se tourna vers Elphinston pour le remercier. En unisson, tous les autres approuvèrent avec un sourire et une mine plus apaisée. Minerva observa Elphinston. Il savait très bien ce qu'il faisait. Aussi simple ce geste eut-il été, il avait instauré une base plus saine pour commencer la réunion. Une stratégie douce, qui contrastait avec l'âpreté de Reckter.

Elphinston attendit patiemment que le sachet revienne dans ses mains avant de s'asseoir et s'éclaircir la gorge.

Minerva croqua dans sa dragée ; pamplemousse. Cela aurait pu être pire, elle s'estima chanceuse.

- Je vais être rapide pour ne pas trop vous retenir, commença Elphinston en rassemblant ses deux mains. Je suis votre nouveau superviseur. Je vous connais tous plus ou moins mais je n'ai pas eu la chance de travailler en étroite collaboration avec chacun d'entre vous.

Plusieurs hochèrent la tête, mais de ce que Minerva ressentait, il y régnait une certaine bienveillance envers Urquart. L'homme était globalement apprécié dans le département, ce qui n'étonnait pas Minerva. Il avait à cœur le bien-être de ses employés, et c'était ce qui comptait.

- Je m'efforcerai de prendre en compte chacune de vos demandes et chacun de vos soucis, continua Elphinston. Je vous demanderais juste de me faire confiance afin que nous constituions une bonne équipe.

- Et que l'on fasse du bon boulot, j'imagine, plaisanta un employé.

Elphinston sourit.

- Votre boulot, vous le connaissez. C'est vous qui êtes sur le terrain, moi je suis derrière mon bureau.

Sa réponse eut l'air de surprendre les greffiers, qui se regardèrent d'un œil étonné. La voisine de Minerva leva une main hésitante.

- Maître Reckter avait pour projet d'une séparation des tâches entre scribes de terrain et scribes de service. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Minerva eut un mouvement de surprise. C'était là une information qu'elle avait raté dû à sa convalescence. Elphinston parut le remarquer car il reprit la parole en débutant par une explication.

- Ah, effectivement... Maître Reckter aurait voulu créer deux branches distinctes dans la profession scribe : l'une qui travaillerait sur le terrain et annoterait les procès, l'autre qui étudierait les dossiers en amont et aval desdits procès.

Les employés acquiescèrent, les traits tendus, à raison. Minerva les comprenait et était d'accord avec eux. Pour avoir étudié des dossiers et les avoir suivis jusque dans l'hémicycle, elle pouvait affirmer qu'un accompagnement complet d'un cas juridique était nécessaire. Aller au procès sans avoir analysé les tenants et aboutissants de l'affaire, c'était comme aller à un ASPIC sans aucune révision.

- Ce projet est le sien, mais ne sera pas le mien, fit Elphinston tandis que tous les employés émettaient un soupir de soulagement. Je voudrais que vous suiviez vos dossiers de A à Z. C'est un travail de longue haleine, c'est vrai. Mais je pense que vous avez signé pour cela, et non pas pour des tâches et à la chaîne ?

Minerva hocha la tête. Si on lui donnait des piles de dossiers à annoter sans arrêt, ou des procès auxquels se rendre sans jamais y comprendre quoique ce soit, autant retourner chez elle.

- Bien, sauf si vous avez des questions, je vous libère. Non, aucune ? Très bien, vous pouvez partir alors. Mademoiselle McGonagall, appela-t-il dans le fracas des chaises qui raclaient au sol, attendez quelques secondes, j'ai un dossier pour vous.

Minerva s'approcha, curieuse. Elphinston farfouilla dans ses papiers et lui tendit une enveloppe kraft.

- Pour vous remettre dans le bain, sourit-il.

Minerva se mordit la lèvre.

- A ce propos... Je suis désolée pour ces derniers jours. Mon absence a été particulièrement longue et...

Elphinston leva une main.

- Ecoutez. Quand vous m'avez demandé de prendre tous vos jours de congé, j'ai hésité. Pas seulement parce que je craignais que vous regrettiez lors des fêtes de fin d'année, mais aussi parce qu'une telle absence pèse lourd sur le rythme d'une équipe.

Minerva hocha la tête, puis la baissa, honteuse. Elphinston s'assit dans son siège et invita la jeune fille à faire de même.

- Vous avez toujours fait du bon boulot depuis votre arrivée. Vous travaillez dur pour réussir.

- Mais Maître Reckter...

- Maître Reckter est ce qu'il est. Moi, je vous dis que vous fournissez un très bon travail. Mais dernièrement, vous vous êtes surmenée. Et j'aurais dû le voir plus clairement. J'aurais dû aller au-delà du thé et des scones.

Minerva redressa brusquement la tête.

- Des scones ? répéta-t-elle en songeant aux petits pains qu'elle avait trouvés à son réveil après son rêve fiévreux.

Elphinston cligna des yeux.

- Heu, les scones à la cafétéria du département. Les scones de l'elfe Soky.

Minerva rougit, se souvenant des pauses qu'Urquart lui forçait de prendre.

- Ah, oui, pardon...

Elphinston se racla la gorge.

- Enfin, j'ai compris que vous aviez besoin de repos, de réfléchir.

Il y eut un silence, puis :

- Minerva, excusez-moi, mais... êtes-vous heureuse ici ?

Minerva le regarda. Il avait le même ton de voix que quand il lui demandait si elle allait bien. Elle songea une nouvelle fois à lui cacher la vérité mais elle n'en trouva même plus la force.

- Je ne sais pas, répondit-elle. Pour tout vous avouer, si je peux me permettre, j'ai eu beaucoup de mal à travailler sous les ordres de Maître Reckter. Je pense que cela ira mieux désormais, mais...

Elle hésita un instant, tortillant ses mains.

- J'ai renoncé à beaucoup pour venir ici et...

- Et ce que vous y avez trouvé n'apaise pas votre cœur comme vous l'auriez souhaité, termina Elphinston en hochant la tête.

Minerva opina sans rien dire. Elphinston resta dans ses pensées un moment, son regard bleu délavé perdu dans le vague. Finalement, il revint à Minerva et fit un léger sourire.

- J'aimerais vous dire que cela va s'arranger, mais ce seraient des mots vides de sens. Au lieu de vous convaincre que tout ira mieux, patientez. Comme toute tempête finit par s'apaiser, votre chagrin et votre douleur s'envoleront aussi un jour.

S'il lui avait dit cela quelques mois plus tôt, elle aurait rejeté en bloc ses affirmations. Aujourd'hui, alors que Dougal tentait de vivre avec sa propre peine, Minerva se sentait en droit de faire de même. Théoriquement, du moins. Dans les faits, elle ne savait pas si elle pourrait un jour vivre comme si de rien n'était, mais au moins envisageait-elle cette possibilité.

Elle récupéra son dossier et remercia Elphinston. Lorsqu'elle posa la main sur la poignée, il l'interpella à nouveau.

- C'est probablement plus facile à dire pour moi qui ne vit pas vos tracas. Mais même les fleurs doivent un jour mourir pour laisser l'arbre fructifier ; chaque douleur est un renouveau, Minerva. Ne l'oubliez pas.

***


Le bonheur de serrer dans ses bras une vieille amie, il n'y avait rien de mieux pour redonner le sourire. Minerva s'écarta de Pomona, fraîchement rentrée du Brésil des souvenirs et des expériences plein la tête.

- Comment vas-tu ?

- Tu le saurais si tu avais répondu à ma dernière lettre, répliqua Pomona avec tout de même un sourire. J'ai cru que la chouette n'était jamais arrivée chez toi !

Minerva eut un air embarrassé.

- Ça a été compliqué ces dernières semaines. Tu as plein de choses à me raconter, allons boire quelque chose !

Minerva l'entraîna derrière elle vers une terrasse de café à l'écart de la frénésie de l'artère principale de Pré-au-Lard.

- Il fait frais ici, commenta Pomona en rajustant sa cape.

- Fini de bronzer, taquina son amie.

Pomona haussa une épaule.

- Il faisait trop chaud au Brésil, trop humide. Les plantes en étaient insupportables.

- Les plantes réagissent au climat ? s'étonna Minerva en s'asseyant à une table.

- Elles réagissent à tout. Mais là-bas, elles sont habituées aux températures tropicales, pas moi. La chaleur me fatiguait, alors qu'elle semblait exciter les plantes. J'ai adoré mon année là-bas, mais maintenant je suis contente d'être rentrée dans notre bonne vieille Angleterre pour terminer Poudlard.

Pomona leva les yeux vers les grandes tourelles du château. Les élèves étaient en sortie et Minerva avait accepté la proposition de Pomona de se retrouver dans le village sorcier. La Poufsouffle était rentrée depuis la fin de l'été, mais Minerva avait été incapable de trouver le courage ni l'envie de sortir. Maintenant qu'elle remontait doucement la pente, sa détermination était partiellement revenue.

- Qu'as-tu appris lors de ton échange ?

- Que je ne savais rien ! rit Pomona en buvant une gorgée de son sirop de canneberge.

Minerva dû faire une drôle de tête car cela fit rire encore plus son amie. Ses premiers mois au Ministère avaient été un enfer car justement elle n'y connaissait rien et que personne ne lui expliquait le fonctionnement de son poste.

- La faune et flore d'Amérique Latine est si diverse et si différente de celle européenne, et les enseignements aussi. Nous n'avions que très peu de théorie et la plupart du temps nous allions sur le terrain pour observer les plantes dans leur environnement. J'ignorais tout, mais les étudiants m'ont beaucoup aidée. Je ne maîtrise pas tout et tant mieux ! Jamais je ne m'ennuierai.

Elle avait l'air grandement satisfaite. Minerva se souvenait encore de la petite brunette bouclée qui observait avec angoisse ses parents de la fenêtre du Poudlard Express, se demandant comment se déroulait la Répartition.

Minerva eut un sourire en coin, presque nostalgique.

- Tu as bien changé, dit-elle avec affection.

- J'ai grandi, sourit Pomona. J'ai laissé des choses derrière moi et j'en ai récupéré d'autres. J'ai découvert des lieux différents, des personnes différentes, des manières de vivre que j'ai apprécié ou pas. Comme une impression d'avoir vécu plus intensément, car je ne me restreignais pas. Je savais que je ne reviendrai probablement jamais, alors je ne me suis jamais empêchée de faire une activité, de me reposer si je voulais, d'essayer quelque chose de nouveau, de définir ce que j'aimais vraiment, ce que je détestais vraiment.

- Quoi, faut-il forcément partir pour se trouver ? s'enquit Minerva en mélangeant ses glaçons dans son verre.

Pomona pencha la tête.

- Pas forcément, non. Chacun est différent. Certains resteront toute leur vie dans le même village, d'autres partiront dans une autre ville ou la capitale. D'autres encore ne s'arrêteront jamais longtemps dans un pays avant d'en changer. Il n'est pas courant d'aller à l'étranger. Pour nous, c'est plus facile car on peut transplaner, mais les moldus eux...

Minerva plongea son regard dans le fond de son verre. Pendant un instant, elle s'imagina partir. Où ? Elle ne savait pas. Pour y faire quoi ? Aucune idée. Combien de temps ? Elle l'ignorait. Quand elle regardait Pomona, elle semblait y lire une liberté qu'elle lui enviait. Elle qui avait découvert l'ailleurs paraissait s'être recentrée sur elle-même, apaisée.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

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Chapitre 59 : Cendrillon au Chemin de Traverse

La vie d'employée sous la direction d'Elphinston s'était révélée, comme prévu, bien plus reposante et apaisante après Reckter. Le stress en moins, Minerva se sentait plus efficace dans ses tâches. Ou peut-être, tout simplement, était-ce parce que son supérieur n'était pas toujours sur son dos et que celui-ci l'encourageait et la complimentait. Cela pesait lourd dans la balance de sa sainteté d'esprit même si elle déplorait toujours sa relation avec ses collègues. Plus nombreux étaient ceux qui lui adressaient la parole, mais sans que de véritables liens ne soient créés. Elphinston avait eu beau organiser des rencontres informelles autour d'un déjeuner, Minerva avait vite réalisé qu'elle ne partageait pas les mêmes idées que la plupart des employés. Ils n'étaient pas foncièrement mauvais. Ils semblaient juste être restés un peu trop longtemps entre les quatre murs du Ministère sans explorer le monde extérieur. Minerva était effarée de voir que ses collègues paraissaient vivre dans leur bulle personnelle et, il fallait bien le dire, élitiste du Ministère. Sans compter les multiples remarques plus que déplacées prononcées envers les moldus. Plus elle les entendait soupirer envers eux, plus elle se voyait s'éloigner de leur communauté ministérielle. Elle, fille d'un moldu, se sentait injustement humiliée à chacun de leurs mots. Sans aller jusqu'au racisme et mépris profond que pouvait afficher Flint, il y régnait une forme de condescendance et de paternalisme au cœur du département de la Justice. Un paternalisme que Minerva retrouvait entre les départements et les hiérarchies qui s'y étaient installées. Elle avait un jour trouvé le courage d'en parler à Elphinston, seule figure digne de confiance dans son entourage. Il y avait bien Marchbank, mais celle-ci était trop concentrée sur son travail et Minerva doutait qu'elle ait la force de s'insurger avec elle alors qu'elle avait déjà eu tant de mal à s'imposer parmi ses collègues.

- C'est un des côtés du Ministère que je regrette, avoua Urquart en faisant tinter sa cuillère sur le bord de sa tasse de thé. Merci Soky pour les scones, ajouta-t-il à l'encontre de la jeune elfe qui en papillonna des yeux.

Minerva prit une gorgée de son thé. Ces moments de pause avec Elphinston étaient les rares instants d'humanité qu'elle vivait dans son travail. Ils ne se voyaient plus juste quand son supérieur la forçait à prendre une pause, mais également parce qu'ils appréciaient de se retrouver ainsi. Minerva trouvait sa conversation intéressante et surtout, en accord avec ses propres idées.

- Ces types de pensées sont très arrêtées, estima Elphinston. Ils ont grandi ainsi alors il leur est difficile de songer différemment. Vous, vous avez un père moldu alors il vous est inconcevable de hiérarchiser nos deux communautés, à raison bien sûr.

- Et vous alors ? demanda Minerva. Vous avez un parent moldu ? Vous êtes le seul à promouvoir la cohabitation.

Elphinston eut un léger sourire, un peu triste, très nostalgique.

- Ma femme était née-moldue, à vrai dire.

Minerva sursauta. Elle n'avait aucune idée qu'il était marié. Il sembla remarquer son trouble, car il rectifia :

- Elle est décédée il y a plusieurs années maintenant, peu après notre mariage.

- Oh... je suis désolée.

Elphinston mordit dans un scone.

- C'était il y a longtemps. Nous nous sommes mariés deux ans après mon départ de Poudlard et elle a eu son accident un an après.

Minerva fit un rapide calcul dans sa tête. Elle savait que son supérieur était âgé d'une trentaine d'années, donc son deuil devait être vieux d'une dizaine d'années environ.

- Je suis rentré au Ministère en quelques mois seulement et je me suis jeté à corps perdu dans le travail.

Elle avait l'impression d'entendre sa propre histoire. Elle comprenait ô combien ce qu'il avait vécu et cela lui fit de la peine.

- Cela a dû être dur pour vous.

Elphinston sembla réfléchir, replonger dans ses souvenirs.

- Bien sûr que cela l'a été. Comme tout le monde, j'ai dû apprendre à gérer le deuil d'une personne chère. Je me suis probablement trop réfugié dans le travail à l'époque et cela n'a pas été bon. Mais j'ai appris à vivre avec l'absence de ma femme. Il arrive un jour où on parvient à accepter que la personne ne soit plus là, à avancer et à se pardonner, sans être continuellement et physiquement triste.

Minerva baissa la tête vers son thé. Elle n'en n'était pas encore à ce stade mais espérait un jour y parvenir. N'était-ce pas là un premier pas dans la bonne direction ?

- Faire partie du Ministère, cela a-t-il toujours été votre but ? s'enquit Minerva, curieuse.

- Mon but ? répéta Elphinston ce qui parut le lancer dans une profonde réflexion. Je pense que l'un n'arrive jamais à son but. Enfin, j'imagine que si, mais il évolue constamment, non ? Une fois l'objectif atteint, nous en choisissons un autre, et ainsi de suite. Alors peut-être qu'à l'époque, mon but était de réussir au Ministère, oui.

- Et maintenant ?

Il reposa sa tasse, mit le menton dans la main et plissa les lèvres.

- Être un bon supérieur ? se décida-t-il finalement en les faisant sourire. Je veux juste une bonne cohésion entre nous tous. Vous l'avez vu, nous sommes tous très différents, et faire cohabiter tous ces esprits, ce n'est pas évident.

- Maître Reckter a eu du mal effectivement, laissa échapper Minerva dans un bougonnement qu'elle tenta de retenir en mettant sa main devant la bouche.

Cela parut amuser Elphinston plus qu'autre chose avant qu'il ne finisse pas retrouver son sérieux. Il se tourna vers Minerva.

- Je sais que travailler sous les ordres de Maître Reckter ne vous a pas réussi. J'espère que lorsque vous serez dans le besoin, vous ne vous empêcherez pas de venir me demander de l'aide.

Minerva tiqua un bref instant. Dougal avait prononcé les mêmes paroles dans son illusion.

- Je ne voudrais pas vous déranger, finit-elle par dire. Vous avez aussi du travail.

- Je ne vous le demande pas en tant que supérieur. Considérez-moi comme quelqu'un sur qui vous pouvez compter. Comme des amis le feraient.

***


- Finies les glaces après, d'accord ? Il fait trop froid pour ça maintenant.

Alan émit un grognement d'enfant face à la réflexion de Minerva.

- On prendra des chocolats chauds alors.

- Si tu veux.

Minerva sourit devant son air satisfait. La boutique de glaces de Herbert Fortarôme était devenue leur lieu de rassemblement, délaissé lorsque Minerva avait été longuement malade. Alan n'avait rien dit, mais elle savait qu'il avait été soulagé de revenir à leur vie d'avant. Coupable, elle n'avait pas eu le courage de lui dire toute la vérité quant à son état mental. A ses yeux, seul le travail au Ministère était responsable de sa fatigue mentale et physique. Dougal n'était jamais apparu dans leur conversation et il resterait dissimulé autant que possible. A quoi bon expliquer ? La décision de leur séparation avait été prise et les liens avaient été coupés. Excepté de la plaindre, Alan ne pouvait rien faire d'autre et Minerva n'avait pas besoin de cela. Elle essayait tant bien que mal de tourner la page, ce qui lui était immensément ardu.

- Dis Minerva, fit Alan après avoir récupéré de la glace qui fondait le long de son cône. Pourquoi tu restes au Ministère si c'est lui qui t'a rendue si malade ?

- Annoncé comme ça, on dirait que tu me traites de masochiste.

- Mais c'est vrai, non ? insista Alan toujours sérieux. Tu n'as pas l'air heureuse là-dedans. Pourquoi s'acharner ?

- Tout n'y est pas noir, se justifia Minerva en se raclant la gorge. Et cela va mieux depuis que j'ai changé de supérieur. On est amis.

Rien que de penser à nouveau à ses paroles lui donnèrent du baume au cœur. Elle avait toujours considéré Elphinston comme un allié, mais une amitié au sein même du Ministère représentait un incommensurable soulagement.

- C'est tout ? C'est maigre comme excuse, jugea Alan en s'adossant à sa chaise.

- C'est plus compliqué que cela, tu sais.

C'était vrai. Ses doutes étaient revenus lorsque Urquart lui avait parlé de but. Le sien avait été d'intégrer et de réussir au Ministère. Elle n'avait accompli que la moitié. Elle savait que si elle abandonnait maintenant, sans qu'aucun autre objectif ne vienne se greffer à l'ancien, elle retomberait dans son désespoir.

- C'est compliqué, répéta-t-elle.

- Je vois ça...

- Minerva ? Alan ?

Minerva sursauta et se retourna vers la voix féminine et familière qui les avait interpellés. Une silhouette fine noyée dans une large veste apparut, des cheveux roux et lisses encadrant un visage pointu parsemé de taches de rousseur.

- Ça alors, Etna !

Etna Stevenson, poursuiveuse chez les Gryffondor, se tenait en effet juste à côté, sourire aux lèvres. Plus d'une année s'était écoulée depuis qu'elles ne s'étaient pas vues, mais Etna n'avait presque pas changé. Minerva se leva pour la saluer, agréablement surprise de tomber sur son ancienne amie.

- Assieds-toi, l'invita-t-elle de la main. Comment vas-tu ?

- Je n'ai pas beaucoup de temps, indiqua Etna en prenant tout de même une chaise. Je me disais bien que je vous avais reconnus. Qu'est-ce que vous devenez ?

Elle commanda un café et se tourna vers Alan qui commençait à raconter sa vie à Sainte-Mangouste. Minerva observa son amie. Elle était toujours aussi jolie, voire plus en ayant grandi. Cependant, elle semblait plus mesurée. Son sourire n'atteignait que très peu son regard bleu clair alors qu'elle écoutait Alan.

- J'ai fini Poudlard en juin dernier, annonça-t-elle alors qu'elle recevait son café. Cela m'a rendue triste, mais je suis contente de ne plus avoir d'examens.

- Comment s'est passé le Quidditch ? demanda Minerva.

Elle avait eu des scrupules à nommer Etna capitaine alors qu'elle avait les ASPICS à travailler, et elle était curieuse de savoir comment elle s'en était sortie. Pas très bien apparemment, car elle grimaça un peu.

- Cela a été compliqué. Audric a pu revenir après sa blessure pour reprendre son rôle d'attrapeur. Heureusement, car Zimmerman n'arrêtait pas d'insister pour prendre sa place.

Etna lui jeta un coup d'œil gêné.

- Il n'était pas question de le sélectionner après ce qu'il s'est passé avec Grace.

Minerva hocha la tête. Elle n'oublierait guère son propre comportement face à cette situation qui l'avait amenée en partie à abandonner le Quidditch.

- Il a fallu trouver ton remplaçant aussi, sourit Etna. Le pauvre Ian a passé son année à être comparé à toi ; il ne l'a pas très bien vécu. Pourtant, il n'est pas mauvais, mais il était un peu jeune.

- Pourquoi l'avoir choisi alors ? fit Alan.

Etna but une gorgée de son café.

- Question pratique aussi. Cette année, Audric et moi sommes partis et il faut donc nous remplacer. L'année prochaine, Alexandra et Fabio seront en dernière année et partiront aussi. Les joueurs tournent trop en ce moment, je voulais qu'un bon joueur comme Ian reste dans l'équipe quelques années.

- C'est une bonne idée, approuva Minerva qui avait appliqué la même stratégie pour Fabio, sélectionné face à un dernière année. Qui est capitaine de l'équipe ?

- Grace, répondit Etna avec un air incertain. Olga n'avait pas assez d'expérience, Fabio m'a dit qu'il ne parviendrait pas à gérer ses ASPICS et le capitanat et Alexandra... eh bien, je ne trouve pas qu'elle a cette fibre pour mener une équipe. J'étais un peu coincée, avoua Etna. Grace est devenue de plus en plus douée, mais elle est toujours... comment dire ? Sanguine. Je pense qu'elle saura faire les bons choix pour nous remplacer, mais, euh...

- S'il y a une bagarre sur le terrain, elle sera dans la mêlée au lieu de calmer tout le monde, termina Minerva avec une tête mi-amusée mi-inquiète.

- Voire, elle sera responsable de la bagarre, sourit Etna.

Elle but une nouvelle gorgée de son café, ce qui attira le regard de Minerva sur sa main.

- Qu'est-ce que c'est que cela ?

- Hum ? Oh !

Etna fit un premier geste pour dissimuler sa main gauche avant de finalement la poser à plat. Une bague scintillait à son annulaire.

- Tu... es mariée ? s'étonna Alan.

Etna cacha sa main gauche sous la table.

- Pas vraiment..., nia-t-elle avec un léger rire. J'ai un copain, mais je ne suis pas mariée. J'ai mis cette bague pour éloigner certaines personnes qui se montraient... trop entreprenantes. Le mariage, ça leur fait peur.

Minerva haussa haut les sourcils. Etna avait effectivement été populaire à Poudlard pour son visage de poupée mais jamais elle n'aurait pensé que la situation se mette à déraper au point de mettre en place des techniques mensongères impliquant un faux mariage.

- J'ai croisé Lewis il n'y a pas longtemps, lança soudainement Etna en changeant de sujet.

Minerva cligna des yeux, surprise que son ex-copain débarque dans la conversation, surtout après qu'ils aient mentionné l'idée de mariage.

- Ah... fit-elle sans savoir quoi rajouter. Et... il va bien ?

Elle vit Alan rouler fort des yeux en face d'elle. Etna haussa une épaule.

- Je pense, oui. Il n'était pas très bavard, il a dû être surpris que je vienne lui parler. Lui aussi a fini Poudlard en juin, il a eu de bons résultats aux ASPICS. J'étais rassurée, parce que nous nous sommes croisés dans une bibliothèque de Pré-au-Lard et je pensais qu'il avait raté un examen et le révisait à nouveau pour son redoublement.

- Lewis était bon élève, acquiesça Minerva, je ne suis pas étonnée qu'il ait bien réussi.

Il était même très bon élève, il le fallait étant donné qu'il passait un quart de son temps au Quidditch, un quart à travailler et les deux autres quarts à chercher des indices sur la mort de son frère.

- Je l'ai quand même toujours trouvé un peu étrange. Toi qui es sortie avec lui, tu ne trouvais pas ? Il y avait quelque chose dans son regard. Comme s'il était à mille lieux de Poudlard par moments.

Lewis n'avait jamais été entièrement à Poudlard. S'il avait un pied à l'école, l'autre vadrouillait en quête de son frère, d'informations, de réponses, poursuivait Jedusor sans jamais le rattraper. Minerva échangea un regard avec Alan, le seul autre au courant de l'histoire complète.

- C'est son côté Serpentard, lança-t-il en rigolant.

Etna secoua la tête.

- Voyons, Alan, ne jamais se fier aux apparences.

Minerva savait très bien qu'Alan pouvait aller au-delà des dires sur les Serpentard. Il n'avait que changé de sujet pour éviter qu'Etna ne s'attarde trop longtemps sur Lewis. S'intéresser de trop près à lui rapprochait irrémédiablement de Jedusor, et il n'y avait rien de bon à cela.

Etna jeta un œil à l'heure et se leva précipitamment.

- Il faut que j'y aille ! Mon copain m'attend.

- Oh, on ne savait pas que tu avais autre chose de prévu, s'excusa Minerva en se levant. Tu aurais dû nous le dire, on ne t'aurait pas retenue.

- Quelque chose de prévu... ? répéta Etna, troublée pendant un bref instant. Ah oui, oui. Pas de souci ! On se recontacte très bientôt !

Et d'un seul coup, aussi soudainement qu'elle était arrivée, Etna avait disparu. Alan se rassit, l'air perplexe tandis que Minerva ne quittait pas la ruelle dans laquelle son ancienne coéquipière était partie.

- Tu as son adresse ? demanda Alan.

Minerva secoua la tête, songeuse.

- Moi non plus. Comment elle veut qu'on se retrouve alors ?

Minerva ne répondit pas. Quelque chose la perturbait. Était-ce sa disparition soudaine, le fait qu'elle ne sache pas comment la retrouver ?

- On ne sait même pas où elle habite, ni où elle travaille, marmonna Alan en terminant sa glace. Tiens, elle fait quoi d'ailleurs dans la vie ?

Minerva releva la tête. C'était donc cela. Au-delà de son copain, Etna n'avait donné aucune nouvelle sur sa vie actuelle. Il lui était étrange de retrouver son ancienne camarade et de ne pas pouvoir la raccrocher à une situation professionnelle, à une activité qu'elle faisait ou autre. Un peu comme si elle avait croisé un fantôme.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 60 : Etna où es-tu partie ?

Depuis que Ross était monté en grade, Minerva ne le voyait que très peu, parfois en simple croisement au détour d’un couloir, lui les bras chargés de dossiers, elle les mains croisées d’expectative. La plupart du temps, il ne la voyait pas et quand il leur arrivait d’échanger un regard, le sien était impassible. Il n’aurait pas pu être plus différent que son autre grand-père décédé, Eugene. Les deux avaient bien coupé les ponts familiaux, mués par la déception et l’incompréhension, mais le premier était revenu au cœur de la famille. A l’inverse, Ross ne percevait que l’échec professionnel de sa fille, admettant tout de même que sa petite-fille Minerva, elle au moins, semblait ne pas s’être éloignée du « droit chemin ». Désormais, malgré les remous occasionnés par sa stratégie manipulatrice, Ross semblait s’être taillé sa place dans les hautes sphères, et personne ne trouvait rien à y redire. Preuve que l’on s’habituait à tout au bout d’un moment. Satya, notamment : celle-ci avait donné de ses nouvelles à travers une courte lettre. Apparemment, elle avait définitivement dû rentrer en Inde faute d’avoir pu trouver un autre emploi ailleurs. Elle s’était mariée avec un homme qui acceptait de verser une mensualité à sa famille afin qu’elle puisse subvenir à ses besoins. S’il fallait mentionner les buts dont parlait Elphinston plus tôt, Satya en avait eu deux : nourrir ses proches et vivre libre autant que possible en évitant son mariage arrangé. Elle semblait avoir été forcée d’en laisser un de côté en priorisant sa famille.

Plus elle y pensait, plus Minerva réalisait que la vie était faite de choix ; ni forcément bons ou mauvais, ceux-ci menaient à une destination en perpétuel changement. Souvent, Minerva songeait aux moments qui auraient pu être. Si elle avait décidé de ne pas devenir Animagus elle n’aurait pas été remarquée par le Ministère, si elle n’avait jamais rejoint l’équipe de Quidditch elle ne serait jamais sortie avec Lewis et aurait évité cette histoire avec Jedusor, si elle repoussé Dougal elle n’aurait pas eu le même choix à effectuer. Ces « si » étaient infinis. Elle ne cherchait pas à les changer ou à les regretter, mais ce simple mot portait en lui tout l’univers des possibilités qui instaurait parfois des regrets ou remords du passé, mais aussi la peur de l’avenir. Si elle quittait le Ministère comme le suggérait Alan, où pourrait-elle bien aller ? Si elle restait, que resterait-il d’elle-même ? Ces incertitudes qui étaient le sel de la vie de certains, empoisonnaient la sienne. Encore que, sa vie, jusqu’à récemment, empruntait une pente plus douce que précédemment. Comme si elle avait eu besoin de brûler pour renaître de ses cendres. Elphinston lui était d’une aide précieuse. Son soutien, sa gentillesse et surtout, sa justesse professionnelle apportaient à Minerva un apaisement qu’elle avait longuement cherché, en vain avec Reckter. Leurs rendez-vous réguliers autour d’un thé lui imposaient un rythme moins effréné et, il fallait bien l’avouer, elle en était plus efficace au travail. Désormais, il lui arrivait de faire des nuits complètes, elle se nourrissait plus et mieux. Inconsciemment peut-être, elle avait l’impression que l’illusion réparatrice d’il y a quelques semaines veillait encore sur elle et s’assurait qu’elle suivait bien ses conseils.

Et puis un jour, ce fut d’elle dont quelqu’un eut besoin. Fin novembre, elle reçut une note qui lui fut donnée lors d’un après-midi au Ministère. Elle ne reconnaissait pas l’écriture et la note n’était pas bien longue. Elle provenait du département des Aurors, plus précisément, du secteur « cohésion territoriale ». De ce que Minerva comprenait, ses agents étaient l’équivalent de la police moldue et se chargeaient du bon fonctionnement et de l’entente dans l’espace public.

« Chère Minerva,

J’ai appris que nous travaillions tous les deux au sein du Ministère, une bonne surprise pour moi. J’espère que tu vas bien. Si tu es d'accord, j'aimerais que l'on se retrouve autour d’un café pour échanger de nos nouvelles. J’avoue avoir besoin de te parler de quelque chose également, je ne peux que le faire face à face.

En attendant ta réponse,

Alfie Johnson »

Minerva eut un mouvement de surprise. Alfie, son ancien camarade et coéquipier de Quidditch, batteur chez les Gryffondor pendant quatre années consécutives, se trouvait à quelques bureaux du sien. Elle griffonna une brève réponse, acceptant sa proposition et se demandant surtout ce dont il avait besoin de lui dire. Elle informa Elphinston que leur thé habituel n’aurait pas lieu et il sembla un peu déçu mais compréhensif.

Alfie n’avait pas changé. Il avait toujours des épaules carrées taillées par son entraînement de batteur qu’il avait dû préserver avec son emploi actuel. Ses cheveux blonds étaient rasés, ce qui faisait ressortir ses traits fins et ses pommettes hautes. Quand il l’aperçut, il se leva de la table du café où ils s’étaient donné rendez-vous et lui fit un grand signe de main, sourire aux lèvres. Il ne lui fit pas d’accolade, il ne la serra pas dans les bras pour la saluer, semblant se souvenir qu’elle n’était pas adepte des effusions de ce genre. Il l’invita à s’installer en face. C’était une sensation étrange pour Minerva : elle s’était toujours bien entendue avec toute l’équipe de Quidditch et Alfie ne faisait pas exception, surtout qu’il était resté bien des années auprès d’elle et était présent lors de leur victoire lorsqu’elle était en sixième année et lui dernière. Mais il n’était pas la première personne à qui elle se confiait à l’époque (si tant soit peu qu’elle se confiait à qui que ce soit), contrairement à Holly. Pourtant, le voir ici dans Londres quelques années après son départ de Poudlard lui faisait chaud au cœur. C’était comme si leur ancienne école réapparaissait entre eux, univers chaleureux et réconfortant qui contrebalançait la froideur du Ministère.

- Quand j’ai appris que tu travaillais aussi au Ministère, au département de la Justice, cela ne m’a même pas étonné, s’amusa Alfie. Cela rentre dans l’ordre naturel des choses, n’est-ce pas ?

Minerva sourit, à la fois flattée mais aussi dans la réserve de recevoir ce compliment. Elle avait bien réussi, effectivement. Elle travaillait dans un département connu et reconnu, prestigieux. Elle commençait à mieux gagner sa vie et cela irait croissant au fur et à mesure de son ancienneté et des postes qu’elle occuperait. Son malaise lui, résidait ailleurs. Comme une sensation d’imposture, non pas à cause d’un manque d’expérience ou autres. L’expérience, elle était en train de l’acquérir. Plutôt comme une impression de mal être. Travaillait-elle au Ministère parce que c’était sa voie ou parce qu’elle s’était mis en tête d’y réussir sa vie professionnelle. Son rêve tournait-il en obsession ?

- Et toi, alors ? demanda-t-elle afin qu’il évite de s’épancher plus sur son cas. Ça consiste en quoi exactement le service de cohésion territoriale ?

Alfie passa la main sur son crâne rasé.

- C’est très général. Assurer la sûreté de la population, beaucoup de prévention, régler des conflits de premier degré -ceux pas assez graves dirons-nous pour les envoyer chez vous, en procès. On a de tout, à vrai dire, rit-il, de la grand-mère qui a perdu son chat, aux rixes de rue, en passant par des sorciers alcoolisés sur la voie publique. C’est parfois assez chaotique.

- Mais cela t’intéresse ?

Alfie se prit le menton dans la main.

- Oui, je pense. On y voit l’être humain dans sa bassesse et sa dépravation et c’est vrai que le soir quand j’essaie de dormir, je me demande ce que je fais dans ce travail. Tu n’y as pas de reconnaissance souvent, tu te fais marcher dessus, tu représentes une loi punitive, tu rencontres des cas terribles et malheureux… Et puis, parfois, soudainement, tu aides la vieille dame à retrouver son chat, tu ramènes un mari qui a trop bu à sa femme qui s’inquiétait de ne pas le voir revenir, tu arrêtes une bagarre entre deux vieux amis. Ces événements valent toutes les veillées tourmentées que je peux avoir de temps en temps.

Minerva l’observa un instant. Il avait le regard perdu derrière elle, un léger sourire aux lèvres. Cela l’étonnait que son visage soit aussi expressif d’une telle manière malgré les affres de son travail. Si elle cherchait loin dans ses souvenirs, Minerva ne parvenait pas à trouver une force similaire qui la portait. Même si Marchbank et Elphinston appréciaient son travail et le lui faisaient savoir, elle n’en retirait qu’un soulagement, très peu de joie.

- Être sur le terrain est important pour moi, continua Alfie en perdant son regard rêveur. Je ne supporterais pas d’être dans un bureau, là où se trouve ma hiérarchie. La plupart ne sont jamais allés sur le terrain et ne connaissent pas ses réalités. Ils appliquent la loi de manière automatique sans analyser les cas des individus. Je sais que tu préfères appliquer les règles, excuse-moi si cela te choque.

Minerva sourit à nouveau. Il aurait eu raison s’il s’adressait à la Minerva de Poudlard. Il n’avait pas tort aujourd’hui non plus, mais elle se savait faire preuve de moins de zèle depuis qu’elle avait rencontré Charlotte Pinkstone et qu’elle avait pu se retrouver dans son combat.

Ils restèrent silencieux un moment. Alfie semblait de plus en plus mal à l’aise, comme s’il avait besoin de lui dire quelque chose sans savoir comment. Minerva se douta qu’il s’agissait du fameux sujet qu’il avait dit souhaiter aborder dans sa note. Elle le laissa rassembler son courage, patiemment.

- Dis, commença-t-il finalement. As-tu eu des nouvelles d’Etna récemment ?

Minerva haussa les sourcils, étonnée que leur ancienne coéquipière apparaisse soudainement dans leur conversation.

- C’est drôle que tu m’en parles, je l’ai vue il y a quelques semaines, par un hasard total.

Alfie se mordilla la lèvre.

- Moi aussi, je suis tombée sur elle le week-end dernier. Tu l’as trouvée comment ?

Minerva cligna des yeux, fronça le sourcil. Encore plus étrange qu’il lui pose cette question étant donné du déroulé de ses retrouvailles avec la jeune fille.

- Pressée, finit-elle par répondre. Mais elle a pris le café avec nous sur le Chemin de Traverse -j’étais avec Alan. Je crois qu’elle avait quelque chose à faire après.

- Ah ? Elle a refusé que l’on discute comme toi et moi, cela a semblé la mettre mal à l’aise.

- Vous vous êtes disputés ?

Alfie secoua la tête.

- Pas du tout. La dernière fois que l’on s’est vus, c’était à Poudlard, et on s’est toujours bien entendus. Elle a aussi dit qu’elle avait plein de choses à faire, elle est partie rapidement.

C’était comme si elle était insaisissable. Tel un feu-follet, elle apparaissait et disparaissait sans donner de nouvelles concrètes d’elle.

- Vous étiez bonnes amies à Poudlard, je pensais que tu aurais plus d’informations. J’ai un pressentiment étrange. Mais c’est peut-être de la paranoïa liée à mon travail, plaisanta-t-il même si son visage lui, ne semblait pas rire.

Minerva eut un air pensif.

- Je n’ai eu aucune nouvelle jusqu’à il y a quelques semaines et même maintenant je ne sais comment la contacter ou la retrouver.

Alfie sortit un petit pot marron de sa poche et le mit sur la table.

- Tu auras probablement plus de chances que moi si tu as réussi à prendre un café avec elle mais… Si tu la revois, pourrais-tu lui donner ceci ?

- Qu’est-ce que c’est ? s’enquit Minerva en prenant le pot dans sa main.

- Un onguent pour les contusions, répondit Alfie en faisant redresser brusquement la tête de la jeune fille. Quand je l’ai vue, elle avait un beau bleu sur la pommette. Elle est tombée de son balai en jouant au Quidditch mais je ne crois pas qu’elle ait acheté de pommade pour soigner ça.

Minerva grimaça. Une chute au Quidditch pouvait faire très mal, elle était bien placée pour le savoir.

- Je lui donnerai, assura-t-elle en fourrant l’onguent dans sa poche.

- Ne lui dis pas que c’est de ma part. Elle ne paraissait pas si enchantée de me voir, regretta-t-il. Elle accepterait sûrement plus facilement si cela venait de toi.

Minerva hocha la tête, intriguée par le comportement de son amie.

- Mais je te le redis, je n’ai aucun contact avec elle. Il faudrait un sacré hasard pour que l’on se recroise.

***


Certains auraient pu l’appeler heureux hasard, mais lorsque Minerva croisa à nouveau Etna dans les rues du Chemin de Traverse, elle songea plutôt à une étrange coïncidence. Quelle était la probabilité de se rencontrer ainsi, quasiment au même endroit ? Etna semblait perdue dans ses pensées, les yeux fixés sur une vitrine d’un magasin de balais. Elle portait une épaisse écharpe qui remontait jusqu’à son menton et ses bras étaient croisés sur sa poitrine. Minerva s’approcha tranquillement.

- Etna ?

Celle-ci sursauta à son appel et chercha l’origine de la voix. En apercevant Minerva, elle sembla se détendre, tout en paraissant chercher quelqu’un d’autre autour.

- Alan n’est pas là, plaisanta Minerva pensant qu’elle le cherchait, on ne traîne pas toujours ensemble.

- Alan ? Non ce n’est pas… Je ne cherche personne, assura Etna avec un sourire.

Minerva ne répondit pas. Elle avait tout l’air de quelqu’un qui observait son environnement avec un peu trop d’attention. Son regard dévia vers le bleu sur sa pommette qui avait désormais viré au jaunâtre. Etna la surprit et y porta la main.

- Oh, ça ? Je suis tombée de l’escalier de la mezzanine de notre appartement.

Minerva tiqua. Alfie avait eu un bon pressentiment. Qui mentirait sur un bleu s’il n’y avait rien à cacher ? Minerva se rapprocha de son amie comme si de rien n’était et se tourna avec elle sur la vitrine.

- Ah, le Quidditch, dit-elle avec un soupçon de nostalgie. Tu as besoin d’acheter quelque chose ?

Etna secoua la tête.

- Non, pas du tout. J’imagine que ça me manque un peu, ça me rappelle des souvenirs de Poudlard. J’ai arrêté le Quidditch.

- Oh, récemment ?

Etna leva les yeux au ciel, réfléchissant.

- Non, j’ai arrêté juste après Poudlard. Un balai coûte cher, je n’avais pas encore les moyens de m’en acheter un après avoir rendu celui de l’école. Pourquoi ?

Minerva la regarda à travers la vitrine. Son air doux et ingénu semblait réel alors qu’elle prononçait son probable deuxième mensonge de leur conversation.

- Pour rien.

Elle hésita un instant avant de mettre la main dans sa poche pour y toucher l’onguent du bout des doigts. Etna allait-elle trouver louche que son amie se balade avec une pommade dans la poche ? Elle finit par le sortir, ayant fait une promesse à Alfie et décidant qu’il valait mieux adoucir sa blessure plutôt que de se demander ce qu’elle en penserait.

- J’ai de la pommade si tu veux.

Etna fit un léger pas en arrière en levant la main.

- Merci, c’est gentil. Cela ira.

Minerva soupira.

- Je ne te demandais pas vraiment ton avis. Considère cela comme un ordre de ton ancienne capitaine.

- Moi aussi je suis ancienne capitaine, bougonna Etna en se rapprochant tout de même.

Minerva sourit. Elle plongea l’index dans la crème transparente et un peu grasse et l’appliqua doucement sur la pommette d’Etna. Minerva ne pouvait pas voir ses yeux car elle les avait baissés, mais elle ressentit une forme d’émotion tendue dans son corps crispé et ses épaules recroquevillées. Cela tordit les entrailles de Minerva. Elles étaient amies, mais elle avait aussi été sa capitaine et en tant que telle, elle avait considéré chacun de ses coéquipiers comme une sorte de famille qu’elle avait voulu faire grandir par le Quidditch, un peu comme une grande sœur. Elle n’aimait pas ne pas comprendre ce qu’il se passait dans la vie d’Etna et qui la poussait à mentir ainsi.

- Viens, on va prendre un chocolat chaud. Je t’invite.

Cela sembla faire plaisir à Etna qui cette fois, ne refusa pas. Elle dit non en revanche à une part de cheesecake.

- J’ai tendance à prendre rapidement du poids quand je mange du sucré, expliqua-t-elle.

- Tu es toute fine, répliqua Minerva, tu peux bien te le permettre, non ?

Elle savait qu’elle-même avait un métabolisme plutôt régulier et ne s’embarrassait donc pas sur ces tracas. A cause de son état dépressif, elle avait considérablement maigri, bien trop pour sa santé. Elle avait souvent regretté son corps maigrichon et plat mais avait commencé à l’accepter en réalisant que de toute manière, rien n’irait jamais. Grace avait été critiquée pour son corps trop musclé, Etna l’était si elle prenait du poids, Minerva aussi car trop maigre. Si dans tous les cas, ça n’allait jamais pour les autres, mieux valait se faire plaisir et prendre quelques grammes à cause d’un cheesecake délicieux ou perdre quelques grammes après une session de sport réparatrice.

- Si tu veux du cheesecake, sers-toi, dit-elle simplement en mettant l’assiette au milieu.

Etna y jeta un coup d’œil envieux avant de tremper ses lèvres dans son thé (elle avait renoncé au chocolat chaud au moment de commander).

- Le Quidditch ne te manque pas non plus ? s’enquit Etna à son tour. J’ai compris que tu avais arrêté aussi.

Minerva s’adossa à sa chaise, se remémorant les nombreux matchs qu’elle avait joués.

- Parfois. Mais en tant que spectatrice. Je n’ai plus envie de jouer comme avant. Avec des amis, pour le plaisir, sur un terrain vague, pourquoi pas. Mais pas de compétitions, ni de matchs.

- A cause de ta blessure ?

- En partie, répondit Minerva en posant désormais ses coudes sur la table. Mais tu sais, aussi… Enfin, tu étais là… j’ai fait de mauvais choix sur ma dernière année et je pense que cela m’a fait réaliser qu’il valait mieux que je me retire des compétitions, quels que soient leur niveau. Cela ne fait pas ressortir le meilleur en moi, termina-t-elle à moitié en plaisantant.

Etna eut un sourire compatissant et pendant un instant, Minerva perçut l’ancienne Etna, sa coéquipière de Quidditch et prochaine capitaine.

- Je ne vais pas mentir en disant que tu as tort, répondit Etna, tu n’as pas fait les bons choix sur les derniers moments avec Zimmerman, c’est vrai. Mais Minerva, tu étais née pour être notre capitaine. L’histoire de Zimmerman ne doit pas assombrir tout ce que tu as fait avant.

Minerva leva sa tasse comme pour la saluer. Elle s’était globalement réconciliée avec ce passé mais entendre des mots aussi réconfortants lui faisaient du bien également.

- Et toi ? Si c’était une question de finances, le Quidditch doit bien te manquer non ?

La question de Minerva était bien sûr loin d’être innocente. Etna sourit.

- Je crois qu’il était temps pour moi de retoucher le sol aussi. J’ai un très bon rapport avec ce sport, mais je pense que de toute façon, cela ne vaudra pas le coup d’acheter un balai si c’est pour y jouer trois fois par an. J’ai dû passer trop de temps sur un balai d’ailleurs, mon copain me dit que j’ai une démarche bancale parfois.

Elle rit, sans que son rire n’atteigne ses yeux. Minerva ne trouvait pas qu’elle avait une démarche bancale, mais elle ne dit rien.

Puis, comme la dernière fois, Etna regarda l’heure et se leva.

- Il faut que j’y aille. Minerva, on se reverra, hein ? J’aime bien passer du temps avec toi.

Cette fois, ses yeux pétillaient un peu plus lorsqu’elle disait ses mots. Minerva se leva et sortit sa plume, avant de griffonner son adresse sur la serviette en papier du café.

- Voici mon adresse. Envoie-moi un hibou quand tu seras libre, d’accord ?

- Un hibou ? répéta Etna, comme si l’idée l’inquiétait. Oui, d’accord…

- Et prends ça aussi, ajouta Minerva en lui mettant l’onguent dans la main.

- Non, je ne peux pas…

Minerva referma ses doigts dessus et s’éloigna de quelques pas pour empêcher qu’elle le lui rende. Etna balbutia un remerciement, sourit derrière une mèche de cheveux et lui fit un signe de main. Encore une fois, Minerva l’observa s’éloigner. Un jour, elle découvrirait pourquoi Etna avait menti sur sa blessure, menti sur le Quidditch à Alfie, pourquoi envoyer un hibou était si dérangeant, pourquoi elle semblait errer dans les rues du Chemin de Traverse sans réel but que de regarder à travers les vitrines d’un magasin d’un sport qu’elle ne pratiquait plus, pourquoi accepter un simple onguent lui paraissait si difficile, même, pourquoi accepter d’être soigner lui imposait une première intention de refus. Elle n’aimait pas cette idée d’espionner son amie, mais elle allait devoir faire un compte-rendu à Alfie. Quelque chose ne tournait pas rond.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

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Chapitre 61 : Hellébore noire recherche glaïeul

Minerva n’avait pas encore eu l’occasion de contacter Alfie. Avec l’approche des fêtes, de plus en plus de collègues avaient posé leurs jours de congé et Minerva remarquait bien que l’absence des employés inquiétait Elphinston. Elle aussi avait réalisé que si chacun n’avançait pas plus rapidement dans les dossiers, ceux-ci finiraient par les noyer après leurs retours de congés. A nouveau, la jeune femme avait tardé à se signaler. Dougal avait entamé sa guérison et elle savait devoir faire de même. En étant aussi proche de lui, elle craignait que les souvenirs affiliés à leur environnement commun ne la refassent plonger. Elle avait conscience d’être encore fragile psychologiquement sur ce sujet-là. D’un autre côté, revoir sa famille lui offrirait un réconfort bien mérité après ses derniers mois douloureux.

Sans surprise donc, Urquart vint la retrouver un soir alors qu’elle quittait le Ministère. Il la rattrapa à petites foulées alors qu’elle traversait le hall principal.

- Minerva, attendez !

Sa façon de s’adresser à elle et son visage détendu lui indiquèrent rapidement qu’il avait revêtu sa casquette de « l’ami Elphinston » et non pas « le supérieur Urquart ». Il mettait un point d’honneur à laisser son poste hiérarchique au bureau, ce qui rendait leur relation très saine lorsqu’ils se retrouvaient tous les deux à discuter.

- Pour une fois que nous quittons le bureau en même temps, remarqua-t-il en s’arrêtant à ses côtés. Vous avez reçu ma note ?

L’air interrogateur de Minerva lui répondit, et il sembla soulagé.

- Je vous y proposais d’aller boire quelque chose, puisque nous sommes samedi.

Minerva jeta un coup d’œil à sa montre. Il n’était pas très tard et comme il le disait, demain étant dimanche, ils ne travailleraient pas. Du moins, Minerva n’irait pas au Ministère, car elle emportait souvent avec elle quelques dossiers à rectifier pour le dimanche afin de prendre de l’avance sur sa semaine.

Elle accepta, prévenant qu’elle ne buvait pas d’alcool. Si avant elle refusait d’en boire pour une question de goût, aujourd’hui elle y associait également la période durant laquelle il lui arrivait de boire pour oublier et parfois, parvenir à dormir. Elle y raccrochait trop de mauvais souvenirs.

- Je le sais. Je connais un bon endroit, ne vous en faites pas.

Minerva le regarda de biais.

- Qui vous dit que je n’ai pas fait semblant de ne pas avoir vu votre note ? Partir comme je l’ai fait aurait pu être un moyen délicat de ma part de refuser votre proposition.

Elphinston parut presque trébucher, embarrassé. Il la regarda d’un air mi-inquiet mi-amusé.

- Vous seriez venue me voir, non ?

C’était probablement vrai.

- Vous auriez sûrement inventé une excuse, plaisanta-t-il.

Minerva rougit. Ça aussi, c’était vrai. Il commençait à la connaître.

- Où est-ce que l’on va ? demanda-t-elle lorsqu’il furent sortis chacun des toilettes qui les ramèneraient au monde moldu.

- Un de mes endroits préférés à Londres. Pas très connu, et ce n’est pas plus mal.

- Nous restons chez les moldus ? s’étonna Minerva.

- Je n’emmènerais pas n’importe qui là-bas, sourit-il, la plupart des collègues ou de mes connaissances ne savent pas se tenir dans un monde qui n’est pas sorcier. C’est gênant par moments. Vous, vous y êtes plus que familière, n’est-ce pas ?

Il l’entraîna dans des rues parallèles, loin des rues encombrées de fêtards, de soldats en uniformes apparemment en permission, de femmes pressées à l’allure élégante qui lui rappela sa mère. Elphinston finit par s’arrêter devant une devanture qui avait tout l’air d’une librairie plus que d’un bar. Minerva haussa les sourcils mais Elphinston avança d’un pas assuré, bien habitué par les lieux.

- Les gens ne s’arrêtent pas les samedi soirs pour aller lire un livre, expliqua-t-il en voyant son regard interloqué. La pièce principale se trouve au sous-sol.

- Ce n’est pas très bon pour les affaires ça, si ?

Elphinston referma la porte derrière elle et haussa une épaule.

- L’endroit s’est constitué un groupe d’habitués. Tout va bien pour le gérant. Suivez-moi. Attention à votre tête, ajouta-t-il en posant la main sur l’encadrement de pierre qui menait à un escalier étriqué. Et attention aux marches.

- Si vous vouliez me tuer, il fallait prévenir, vous savez.

Le rire d’Elphinston lui parvint, étouffé entre les murs froids éclairés par quelques lampes aux lueurs orangées.

- Je vous emmène dans un endroit qui sauvait des gens. C’était un ancien abri durant la guerre que les moldus ont réhabilité. Ils sont doués les moldus, à se réapproprier des endroits malheureux. C’est plutôt intelligent.

Minerva sourit. Il était tellement rare qu’un sorcier souligne positivement les actes des moldus. Mais encore une fois, sa femme ayant été moldue, il avait lui aussi vécu avec un pied dans ce monde.

En bas des marches, Minerva entendait une musique de jazz provenant d’un gramophone. Un simple lourd rideau de velours était à écarter afin d’entrer dans la pièce suivante. C’était une grande salle circulaire aux murs étrangement recouverts de bibliothèques et étagères remplies de livres. Quelques personnes dansaient aux sons entraînants mais la plupart discutaient avec entrain sur des tables enfoncées dans des alcôves.

- A la place des clients, dit Elphinston, c’était là qu’ils mettaient les masques à gaz. Et là où se trouve le bar, continua-t-il en pointant sur sa gauche, étaient entreposés des réserves de nourritures, des boîtes de conserve…

- Comment vous savez tout ça ? s’étonna Minerva alors qu’il les entraînait vers une table.

- Je m’y suis réfugié quelques fois durant la guerre. Mes bureaux étaient à côté.

Minerva eut comme un vertige. Elle avait tendance à oublier que son supérieur était bien plus âgé qu’elle et que lorsqu’elle avait quatre ans aux début de la guerre, lui devait déjà avoir fini Poudlard.

Pour se changer les idées elle attrapa la carte et remarqua que toutes les boissons étaient des cocktails sans alcool avec des mélanges qu’elle n’avait jamais vu de sa vie. Du sureau, du pamplemousse, du romarin, de la verveine.

- J’aime la diversité de ce qu’ils offrent. La délicatesse de ce qu’ils préparent.

- C’est-à-dire ?

- Vous connaissez le langage des fleurs, Minerva ?

Minerva haussa les épaules.

- Pas trop. Des choses basiques, peut-être. Pourquoi ?

- J’aime à penser que chacune de leur boisson, en fonction des ingrédients qui s’y trouvent, ont les capacités de vous faire rire, de vous consoler, de vous donner de la force… C’est psychologique, mais c’est une habitude que j’ai prise : boire un verre en y associant une fleur et mes émotions que je ressens.

- Et vous vous y connaissez ? Je veux dire, vous savez à quelle émotion est reliée quelle fleur ?

- A force d’en boire, oui, s’amusa-t-il. Vous avez choisi ?

Minerva n’y connaissait rien au langage des fleurs alors elle prit ce qui lui semblait bon. Elphinston, lui sembla longuement pondérer son choix, comme s’il analysait quelle émotion allait décider de son cocktail. Il finit par se porter sur une base de géranium, avant de partir commander. Elle trouvait cela drôlement surprenant de la part d’Elphinston de s’intéresser au langage des fleurs. Peut-être tout bonnement parce qu’il s’y intéressait pour le simple plaisir, et non pas parce que cela lui apporterait quoique ce soit. Elle se demanda si elle aussi avait des passions de ce genre sans caractère utilitaire. Elle qui buvait fréquemment des infusions aux œillets, que cela voulait-il dire de ses émotions ?

Alors qu’Elphinston revenait avec les verres, elle observa autour d’elle. Il n’y avait pas forte affluence, résultat d’une vitrine en leurre et probablement d’un passé de guerre que trop devaient percevoir dans cet ancien abri anti-aérien. Et pourtant, les gens y dansaient, y discutaient joyeusement en conversations passionnantes, intimes, timides. Pour une fois dans un espace public, il était interdit de fumer en raison des plafonds particulièrement bas.

- Vous avez dit que vous vous étiez retrouvé ici durant la guerre, reprit Minerva après l’avoir remercié pour le verre. Vous travailliez dans quoi ?

- Oh, je faisais partie des rares sorciers enrôlés. Non pas de force bien sûr, les Sang-Pur ne sont pas enregistrés chez les moldus et n’étaient donc pas appelés, contrairement aux Nés-moldu et Sang-Mêlé. Mais quelques rares Sang-Pur ont demandé à rejoindre les forces Alliées. Moi, j’ai eu un accident de balai plus jeune avec dislocation de l’épaule, ce qui m’a rendu inapte. Ils m’ont envoyé dans les bureaux, au service de logistique et ravitaillement du front.

- Quand avez-vous rejoint l’armée ?

Elphinston but une gorgée de son verre avant de répondre.

- Dès que je suis sorti de Poudlard, en 1940.

Il eut un regard doux pendant quelques secondes avant d’enchaîner :

- C’est à ce moment-là que j’ai rencontré ma femme d’ailleurs.

La fameuse femme moldue, songea Minerva.

- Elle travaillait au même endroit ?

Il secoua la tête.

- Elle était institutrice. Pendant le Blitz, elle s’occupait de l’administration et l’accompagnement des enfants qui quittaient la capitale pour se réfugier en campagne. Un jour, elle est venue me réclamer de l’approvisionnement pour les enfants qui partaient de Londres.

Il s’esclaffa, comme s’il revivait la scène.

- Je n’étais pas à l’aise. Elle me faisait passer pour un sans-cœur qui ne voulait pas nourrir des pauvres gamins. Mais il était hors de question de passer en cours-martiale pour avoir détourné de la nourriture destinée à des soldats sur le front. Les sorciers avaient pour principale mission de se faire tout petit au milieu des moldus.

- Et alors, elle est tombée amoureuse d’un homme au cœur de pierre donc ? plaisanta Minerva.

Elphinston sourit.

- J’ai, comment dire, importé de la nourriture du monde magique. Nous avions moins de restrictions à l’époque, la magie nous aidait à faire pousser plus rapidement et plus efficacement ce dont nous avions besoin. Elle n’en a jamais rien su, bien sûr.

Minerva prit le temps de l’observer. En dépit de la mort de sa femme et de la douleur que cela avait dû lui procurer, il ne semblait pas triste. Nostalgique des bons moments, mais il paraissait avoir accepté l’idée qu’elle ne reviendrait pas.

- Je peux vous poser une question d’ordre privé ? demanda-t-elle soudainement.

Il eut l’air surpris mais il acquiesça.

- Comment…

Elle chercha ses mots, le sujet étant délicat et la touchant directement.

- Comment avez-vous fait pour tourner la page ? Vous aviez dit qu’elle était décédée après un an de mariage. C’est si court…

Elphinston eut un éclat dans ses yeux, qu’elle ne parvint pas à déchiffrer.

- Lorsque l’on aime, tout instant vous semble court. Si nous avions vécu quinze années ensemble, sa mort m’aurait semblé tout aussi injuste.

Il posa le menton au creux de sa main.

- Son accident m’a paru injuste. Elle a été renversée par une voiture. Quand vous vivez continuellement sous la menace des bombes en temps de guerre, une telle mort… c’est injuste, oui.

- Mais un an…, insista Minerva. Un an…

- Pendant une guerre, tout est différent, tout se fait plus vite. On se marie plus vite, notamment. Après quelques mois, nous étions mariés, ce qui, même pour nos connaissances, était particulièrement lent. Juste après sa mort, j’ai longtemps regretté ne pas avoir vécu certains événements avec elle. Tout ce qui aurait pu être et qui ne l’a pas été. Mais Minerva, il est douloureux de ressasser ces activités que vous n’avez jamais pu faire, ces évènements qui ne se sont jamais réalisés, ces dates qui ne sont jamais passées. Il est dur de vivre une vie de « et si » et de « peut-être ». Si seulement ma femme Linda n’avait pas oublié son foulard en sortant, elle n’aurait pas été percutée par la voiture. Si seulement le bus des enfants ne partait pas de Tottenham mais de n’importe où ailleurs, elle aurait pris un autre chemin et n’aurait pas perdu la vie. Si seulement, et si, alors peut-être que. J’ai beaucoup pensé à tout cela Minerva, affirma Elphinston après une gorgée tandis que la jeune femme l’écoutait intensément. Cela étant, j’ai pensé : et si elle m’avait vu faire de la magie ? Et si j’avais dû lui avouer ma condition ? Et si ma famille, qui n’était pas au courant de mon mariage, apprenait que j’étais en couple avec une moldue ? Après la guerre, qu’aurions-nous fait ? Vivais-je intensément notre amour parce qu’il était justement compliqué ? Vous comprenez ?

Minerva mit du temps à répondre.

- Oui. Oui, je comprends.

Comment n’aurait-elle pas pu ? Elle était la mieux placée. Le destin avait choisi de tuer Linda tandis que c’était Minerva elle-même qui avait décidé de tuer sa relation avec Dougal. Elle avait vécu ce qu’Elphinston aurait pu vivre un jour dans sa vie. Cette vie, la sienne, celle d’Elphinston ou de n’importe qui, étaient faites de coups du sort, d’enchaînement, de minuscules gestes qui entraînaient des proportions gigantesques. Si Linda n’avait pas oublié ce foulard… elle ne serait pas morte, elle aurait peut-être survécu à la guerre, aurait continué sa vie avec Elphinston, et celui-ci n’aurait jamais rejoint le Ministère, ne venant ainsi jamais à la Foire des Métiers de Poudlard. Minerva n’aurait peut-être jamais pris cette route professionnelle. Ou alors, Elphinston aurait avoué la magie à Linda, ce geste aurait peut-être fait grand bruit dans la communauté magique de la part d’un employé du Ministère. Peut-être que finalement, avouer ce deuxième monde à une moldue n’aurait entraîné aucune répercussion et Minerva aurait songé à cette même vie avec Dougal. Les possibilités étaient infinies. Si Dougal et elle avaient été mariés, leur passion les auraient-ils dévorés ? Minerva l’avait quitté alors qu’ils étaient si heureux ensemble. Sa douleur en était plus que normale. Si elle était restée, se seraient-il lassés de l’autre ? Elle ne le saurait jamais, et probablement, était-ce là le message qu’Elphinston voulait lui faire passer : il était inutile de se faire du mal sur une vie remplie de « si ».

- Je ne dis pas qu’une vie aurait été mieux que l’autre ou inversement, reprit Elphinston. Elles sont juste différentes et j’ai décidé de mener celle-ci au lieu de me noyer dans la précédente.

Il se pencha légèrement en avant, bras croisés sur la table.

- Tout cela, Minerva, c’est psychologique. Vous aurez beau avoir conscience de devoir tourner la page, si vous n’êtes pas prête, cela ne fonctionnera pas.

Minerva eut un regard troublé et se racla la gorge.

- Le plus important, c’est que vous ayez réussi à tourner la page, alors, j’imagine, balbutia-t-elle.

Il resta silencieux un moment, la fixant impassiblement.

- Oui, j’imagine, finit-il par souffler.

Pour une fois, aucune des deux ne transplanèrent pour rentrer chez eux. Ils empruntèrent le passage du Chaudron Baveur et marchèrent longuement jusque chez Minerva, prolongeant leur discussion.

- Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois à Poudlard, qu’est-ce que vous rêviez d’être ? De faire ?

Surprise par cette question, Minerva mit du temps à rassembler ses pensées. A ce moment-là, elle était en couple avec Lewis mais commençait à s’éloigner de lui, coupable de sa lâcheté et également inquiète de la tournure que prenait l’affaire Jedusor. Elle était bien perdue aussi. En dernière année de Poudlard, elle ne savait pas où elle voulait aller après l’école, elle était également assoiffée de victoire au Quidditch. Ce jour de la Foire aux Métiers, elle avait vu Filius exceller dans les duels, Alan et Lewis se diriger naturellement vers le stand choisi, Pomona avait sa voie toute tracée déjà. Aucun ne semblait s’inquiéter cette année-là, contrairement à Minerva.

- Je ne sais pas trop, répondit-elle finalement. Je voulais réussir, j’imagine, sans trop savoir comment.

Elphinston hocha la tête, pensif.

- De toute façon, continua Minerva, quand j’y réfléchis, beaucoup de choses se sont passées entre cette Foire aux Métiers et mon entrée au Ministère.

Sa rupture avec Lewis, le Quidditch avec le conflit entre Zimmerman et Grace et sa chute qui avaient révélé la tournure malsaine que prenait le sport aux yeux de Minerva, sa relation avec Dougal… Trois évènements principaux qui l’avaient à la fois détruite et construite.

- Tout est imprévisible, conclut-elle. Celle que j’étais il y a deux ans était bien perdue.

- Et aujourd’hui ?

Minerva ne sut que répondre. Perdue, peut-être un peu moins. Mais elle avait une désagréable sensation d’être en transition entre deux tranches de sa vie. Il y avait celle de Poudlard derrière elle… mais l’autre partie lui était inconnue. Et cette transition qui la mettait si mal à l’aise, était exacerbée par l’inconnue de son futur. Vers où allait-elle ?

Elphinston la laissa en bas de chez elle.

- Ne vous tracassez pas la tête, dit-il. Reposez-vous demain.

Minerva le remercia avant de passer le pas de sa porte. Il semblait avoir senti que la question identitaire était un sujet sensible chez elle, car très incertaine, très floue. Qu’elle était capable de ruminer toute la nuit à ce propos.

Elle allait monter les escaliers lorsque la porte du rez -de -chaussée s’ouvrit sur la propriétaire qui y vivait.

- Ah, c’est vous, fit-elle. Tout va bien ?

Minerva papillonna des yeux. C’était bien la première fois que la propriétaire se préoccupait de son bien-être.

- Heu, oui, pourquoi ?

La propriétaire croisa ses mains dans le dos.

- Non, c’est juste que… Enfin, j’ai cru voir la silhouette d’un homme par la fenêtre. Il ne vous embêtait pas ?

- Non, non, il me raccompagnait.

La propriétaire eut un fin sourire complice.

- Votre compagnon, peut-être ?

Minerva eut un hoquet.

- Pas du tout, c’était mon supérieur ! se défendit-elle tout en songeant qu’elle pouvait bien se mêler de ses affaires.

- Oh… Bien. Enfin, je suis sûre que vous trouverez quelqu’un de bien un jour !

Minerva haussa les épaules.

- Je ne sais pas. Je ne cherche pas, répondit-elle simplement.

La propriétaire secoua la tête.

- Non, non. Ce n’est pas bien de rester seule, vous savez. Et puis, vous ne pouvez pas vivre dans une si petite chambre jusqu’à votre mort non plus !

Minerva n’avait pas le cœur de répliquer qu’elle faisait ce qu’elle voulait.

- On verra, dit-elle sèchement en indiquant que leur conversation était terminée. Bonne soirée.

La propriétaire lui fit un signe de main avant de retourner dans son appartement. Minerva grimpa les six étages dans un soupir. Si sa propriétaire commençait à se mêler de sa vie privée, elle n’allait pas s’en sortir.

Dans sa chambre, une chouette qu’elle n’avait jamais vue l’attendait patiemment, à moitié endormie, sa patte posée sur une lettre. Au claquement de la porte d’entrée, Bonnie et la chouette sursautèrent et se mirent à hululer, l’une pour l’accueillir, l’une pour râler de son retard. Minerva caressa la première et donna de la nourriture à la seconde pour la récompenser de son travail.

- Qu’est-ce que tu m’apportes ?

Elle tira la lettre et la décacheta. C’était des nouvelles de Holly.

« Ma très chère Minerva,

Comment te portes-tu ? Nous avons été très silencieuses ces derniers temps. J’espère que tout se passe bien pour toi.

J’ai eu une période un peu compliquée chez les Harpies. Plus de deux ans déjà que je les ai rejointes et j’ai toujours stagné en remplaçante. J’ai été très naïve de penser que mon niveau à Poudlard me donnerait une meilleure chance dans l’équipe. Tout le monde est si doué. J’adore ce sport, ce métier, mais je m’ennuie, assise sur le banc, ou à enchaîner des entraînements où aucun entraîneur ne te regarde, aucune capitaine ne t’observe. C’est frustrant. J’ai beau m’améliorer, et je pense être assez douée pour concourir dans des matchs professionnels, rien n’y fait. On nous ignore.

J’ai préféré quitter l’équipe. Ne t’en fais pas, je travaille toujours chez les Harpies, mais je ne suis plus sur le terrain. J’ai juste changé de voie. »


Minerva s'assit sur son lit pour lire plus confortablement. Holly adorait tellement le Quidditch, il était étonnant qu’elle lâche son poste ainsi.

« Je m’épanouis bien plus, à vrai dire. J’ai rejoint une équipe de recrutement. Bien sûr, je ne suis qu’assistante pour l’instant je gagne moins bien ma vie, mais c’est tout aussi passionnant ! Avec mes collègues, nous nous rendons dans plusieurs pays pour repérer les bons joueurs de Quidditch, dans les matchs, dans les écoles. Les missions sont plus diverses, mes collègues sont très avenants. Et puis, je peux toujours jouer au Quidditch, pour le plaisir. Minerva, j’avais si peur de changer de voie ! J’avais un travail plutôt stable qui me permettait de vivre de ma passion, ce n’est pas donné à tout le monde ! Et j’ai trouvé encore mieux que ce que j’espérais. C’est effrayant aussi, de changer de voie. Suis-je en train de faire le bon choix ? Si je déteste mon nouveau poste, que vais-je devenir ? Je craignais d’être malheureuse.

Ce nouveau travail m’apporte tellement d’opportunités, professionnelles, comme humaines. J’ai rencontré la directrice de l’école de Uagadou, en Ouganda je crois (les avis ne sont pas clairs sur le lieu précis). Là-bas, les élèves apprennent la magie sans baguette ! Tu serais très impressionnée ! Il y a également un nombre phénoménal d’étudiants Animagus. Imagine, des gamins de quatorze ans par centaines, capables de se transformer en Animagus. Si tu as l’occasion de t’y rendre un jour, dis-moi ! Je m’entends très bien avec le professeur de Quidditch (même si ce n’est pas le sport principal de l’école), je lui en toucherai deux mots.

Avec toute mon affection,

Holly »


Minerva soupira d’envie en se laissant tomber sur son lit. Holly était si courageuse. Elle le disait si bien, elle avait été terrifiée de ne pas savoir ce qui l’attendrait en démissionnant de son poste d’attrapeuse. Minerva se demanda même si elle avait ressenti une forme d’échec. Ce n’en n’était pas un techniquement, mais Minerva savait qu’elle-même l’aurait ressenti. Elle relit à nouveau la lettre et tiqua lorsqu’elle parlait de ses doutes. « C’est effrayant aussi, de changer de voie. Suis-je en train de faire le bon choix ? Si je déteste mon nouveau poste, que vais-je devenir ? Je craignais d’être malheureuse. »

Je craignais d’être malheureuse.


C’était ce qui frappait le plus Minerva. Elle n’avait pas écrit « je craignais de ne pas être à la hauteur », ni « je craignais de ne pas être embauchée », « je craignais de ne pas avoir les compétences ». Non, elle avait craint de ne pas être heureuse.

« Lorsque nous nous sommes rencontrés pour la première fois à Poudlard, qu’est-ce que vous rêviez d’être ? » avait demandé Elphinston. Minerva avait répondu qu’elle avait voulu réussir.

Quelle sorte de vie était-ce, lorsque l’on mettait la priorité sur la réussite plus que le bonheur ? Était-elle en train de gâcher la seule vie qu’elle n’aurait jamais ?
PtiteCitrouille

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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

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Chapitre 62 : Un labyrinthe sans issue

D’ici quelques jours, Minerva retournerait à Caithness pour Noël. Elle avait beau craindre la proximité de Dougal, elle ne pouvait décemment pas refuser sans explication l’invitation de ses parents. Elphinston n’avait pu lui donner de jours de congés, car elle les avait tous utilisés durant l’été, croyant qu’elle n’aurait aucune envie de célébrer avec sa famille. Aujourd’hui, elle regrettait son geste, mais elle n’y pouvait plus rien et s’estimait sûrement chanceuse, sans le dire à haute voix, de tout simplement pouvoir passer le 25 manger un bon repas chaud avec ses proches. Quand elle repensait à son état mental de cet été, la situation aurait pu être pire, voire ne jamais exister. En revanche, ce qui la tracassait actuellement n’était pas la perspective de Noël mais plutôt l’absence de nouvelles de la part d’Etna. Minerva regrettait d’avoir donné simplement sa propre adresse sans chercher à prendre les coordonnées de son amie. En voulant prendre soin de son apparente sensibilité, elle s’était retrouvée sans moyen de la contacter. Rien n’y faisait, aucune lettre ne lui parvenait. Hormis de sa mère, elle ne recevait plus rien. Parfois, dans une réminiscence du passé, elle espérait presque recevoir une enveloppe épaisse qui contenait des nouvelles de Dougal. Ensuite, elle se souvenait qu’il n’y aurait plus de lettres tracées de sa main. Il avait annoncé que son silence éteindrait à jamais ses espoirs de la retrouver. Elle se demanda combien de temps il s’était accordé pour accepter qu’à nouveau, sa lettre resterait sans réponse.

Un matin, par acquis de conscience, elle alla frapper à la porte de sa propriétaire. Si Etna avait envoyé une lettre à Minerva alors qu’elle travaillait jusque tard dans la soirée, elle doutait que le hibou soit resté aussi longtemps perché à sa fenêtre. Peut-être avait-il déposé le courrier au rez-de chaussé ? C’était là un faible espoir que Minerva entretenait, car la propriétaire aurait transféré le courrier sans attendre ; bien qu’elle soit friande de commérage, elle restait respectueuse. Ne travaillant pas, elle ne tarda pas à répondre à la porte, des bigoudis encore dans ses cheveux.

- Oui ? Je peux vous aider ?

- Bonjour, Madame Langloy, salua poliment Minerva. J’attends des nouvelles d’une amie, vous n’auriez pas réceptionné du courrier à ma place, par hasard ?

Langloy secoua la tête, étonnée.

- Je vous l’aurais donné la dernière fois que nous nous sommes vues, assura-t-elle avec un sourire en coin. Lorsque vous êtes rentrée avec votre supérieur.

Minerva n’eut pas de mal à saisir l’allusion et s’apprêta à partir quand la propriétaire leva une main en l’air, comme si elle voulait ajouter quelque chose.

- Vous êtes certaine qu’il vous veut du bien, n’est-ce pas ?

- Je vous demande pardon ?

Langloy parut gênée.

- Les filles qui vivent ici ont toutes un travail. Pourtant, en journée, j’entends quelqu’un monter les marches. Je crois qu’elle essaye d’être discrète mais… enfin, j’ai une bonne oreille.

Minerva se tourna complètement vers elle, son attention titillée.

- Que voulez-vous dire ?

- Eh bien… Ces va-et-vient ont fini par m’intriguer. La personne monte puis redescend quelques minutes plus tard, ce sont les mêmes pas silencieux. Alors, après avoir entendu une énième fois la porte de l’immeuble s’ouvrir discrètement, j’ai décidé de sortir de mon appartement pour voir où se dirigeait la personne.

- Et vous l’avez vue ? s’enquit Minerva, à la fois intriguée et inquiète.

Langloy secoua la tête.

- Je ne regarde que d’en bas de l’escalier, mais la personne s’arrête à chaque fois à votre étage pendant quelques minutes, sans rien faire, puis elle redescend.

Langloy tira sur la manche de Minerva.

- Vous êtes donc certaine que votre supérieur ne cherche pas les ennuis, n’est-ce pas ? C’est le seul que vous avez ramené devant l’immeuble.

- Oui, oui, j’en suis sûre, balbutia Minerva.

Elle ne savait comment réagir. La personne n’était jamais entrée chez elle. Mais alors, que faisait-elle sur le palier, sans bouger, sans appeler, sans laisser de mot ni de trace de passage ? Du fond de sa mémoire, lorsqu’elle était au plus mal, elle se souvint de cette personne qui était venue pour déposer un thé et des scones. Ce toucher, cette voix, tout cela pourrait très bien avoir été une illusion. Mais les scones et le thé avaient bien été déposés sur sa table, elle ne les avait pas imaginés. Elle s’en était littéralement nourrie.

- Madame Langloy, reprit Minerva d’un ton plus ferme, il y a quelques mois, j’ai été malade. Quelqu’un est venu m’apporter à manger et à boire, était-ce vous ? Vous avez un double de mes clés, c’est bien cela ?

Langloy parut horrifiée.

- Bien sûr que j’ai un double, mais en aucun cas je ne me permettrai d’entrer chez vous sans votre permission ! Mademoiselle McGonagall, quelqu’un s’est infiltré dans l’appartement ? Dans votre état de faiblesse ? Oh par Merlin, vous avez dû oublier de fermer à clé et il en a profité ! Il faut prévenir la brigade, c’est sûrement la même personne qui rôde dans les couloirs depuis quelques semaines.

Elle semblait affolée, murmurant des mots incompréhensibles et semblant chercher une plume et du parchemin pour un signalement à la police sorcière. Minerva lui attrapa le bras.

- Ne vous embêtez pas, dit-elle fermement. J’irai les voir moi-même, ce sera plus efficace.

- Vous êtes certaine ?

Minerva hocha la tête et la remercia après s’être assurée qu’elle ne préviendrait pas la brigade. Lorsqu’elle sortit de l’immeuble, elle ne put s’empêcher de jeter un coup d’œil dans la ruelle. Y avait-il quelqu’un qui observait ses faits et gestes jour et nuit et attendait patiemment que l’immeuble se vide de ses occupants pour s’y infiltrer ? Minerva sentit un frisson lui parcourir le dos. Cette conversation avec la propriétaire avait soulevé deux mystères : celui de l’inconnu découvert par Madame Langloy, et celui qui avait déposé scones et thé chez Minerva. Étaient-ils liés ? Dans tous les cas, Elphinston n’avait rien à voir avec les soupçons de la propriétaire. En journée, il travaillait deux bureaux à côté de celui de Minerva. Il ne pouvait pas être à deux endroits à la fois.

Au travail, cette histoire la perturba longuement, au point qu’Elphinston lui demanda plusieurs fois si elle avait bien mangé, bien dormi car elle était « bien pâle ». Elle n’avait pas encore l’intention de prévenir la brigade. Si la personne lui voulait du mal, elle aurait déjà pénétré dans son appartement, non ? Cependant, elle ne pouvait s’empêcher d’avoir des bouffées d’angoisse par moments lorsqu’elle s’imaginait une silhouette silencieuse se positionner sans un bruit devant sa porte d’appartement. Et s’il rentrait la nuit ? Ou elle ? Pour autant qu’elle sache, cela pourrait être n’importe qui.

Son esprit avait tendance à s’imaginer des théories qu’elle savait farfelues. Mais, et si… ? C’était stupide mais… Et si Dougal… ?

Le fait était qu’elle n’arrivait pas à oublier son illusion. Qui avait bien pu rentrer dans son appartement pour prendre soin d’elle ? Elle essayait de se convaincre qu’elle avait été victime de délire, mais cette voix, cette main… elle était persuadée qu’elle les reconnaissait. Son cœur, son esprit, sa rationalité, elle ne savait plus qui créait ces spéculations. Et si Dougal essayait de venir la voir chez elle, parce que d’une manière ou d’une autre, il avait pris connaissance de son identité, du monde sorcier ? Mais c’était insensé de songer cela, comment aurait-il pu ? Et comment serait-il entré chez les sorciers ? Il fallait être convié par un sorcier pour cela. Il ne connaissait qu’Isobel qui aurait pu lui ouvrir le passage et pour cela, il aurait fallu parler de la relation qui s’était tissée entre lui et Minerva. C’était impossible, Isobel aurait mentionné cet aveu dans une lettre.

Elle s’imaginait des histoires. Peut-être n’osait-il pas entrer, de peur de lui avouer qu’il connaissait toute la vérité ? Ou alors avait-il peur de voir la magie opérer devant ses yeux ? Craignait-il de la revoir après tout ce temps ? Doutait-il de sa réaction ? C’était possible : de son point de vue, elle pourrait l’avoir quitté pour être avec un autre, ou alors parce qu’elle ne l’aimait plus. Ou alors, avait-il deviné qu’elle avait rompu sans le vouloir, tiraillée par sa double identité ? Comprenait-il qu’elle avait le cœur brisé autant que lui ?

- Arrête ça ! lâcha-t-elle à haute voix, entre agacement et tristesse.

Elle imaginait n’importe quoi. Rien de tout cela n’avait de sens.

***


Le 25 décembre au midi, Minerva put rentrer chez ses parents et c’était avec un certain malaise qu’elle trainait le plus loin possible des fenêtres vitrées. L’an dernier, sous couvert de la nuit, elle avait eu moins de mal à se dissimuler mais cette fois-ci, elle avait l’impression que n’importe quel McGregor pouvait apparaître par surprise pour donner des œufs de leurs poules ou quelques légumes qu’ils avaient en trop et qu’ils souhaitaient partager.

Elle avait trouvé de quoi s’occuper pour la journée. Bien sûr, elle ne l’avait jamais remarqué avant car elle ne connaissait pas le sujet, mais elle avait déniché un livre sur le langage des fleurs. Songeant à Elphinston, elle s’était installée sur un canapé, avait replié ses pieds sous sa jupe et avait commencé à lire sous le regard étonné de sa mère.

- Tu t’intéresses à ça toi ?

Minerva haussa les épaules.

- Ça m'intrigue, répondit-elle simplement.

- C’est ton père qui me l’a offert il y a bien longtemps, expliqua Isobel en repliant du linge sec. Il s’amusait à me parler en langage des fleurs parfois à l’époque.

Elle sourit, comme si elle se remémorait sa jeunesse à décrypter la signification des bégonias ou des tulipes. Prise d’une inspiration soudaine, Minerva lui demanda :

- Ça signifie quoi, le coquelicot ?

Isobel passa sa main à plat sur un torchon avant de le ranger et réfléchit quelques secondes.

- Les fleurs ont souvent plusieurs significations. Le coquelicot représente l’apaisement, la consolation, car elle fait partie de la même famille que le pavot, qui a des vertus calmantes.

- Le langage des fleurs peut être scientifique ? s’étonna Minerva. Je pensais que c’étaient des pures inventions.

Isobel sourit.

- Je te reconnais bien, tiens. C’est en partie des inventions comme de la science. C’est pour cela que je dis que les fleurs ont plusieurs significations. On y associe les caractéristiques d’une plante par rapport à sa composante, mais également la couleur de ses pétales, sa forme. Si tu reprends ton coquelicot, on dit aussi qu’il représente l’ardeur fragile.

- L’ardeur fragile ? répéta Minerva en levant un sourcil dubitatif.

- Ne fais pas cette tête-là, rit Isobel. C’est une manière de dire qu’il faut profiter de la vie. Un coquelicot c’est vif, c’est rouge sanglant, mais une fois cueilli, il meurt rapidement et se fane, se flétrit.

Minerva finit par hocher la tête, pensive. La personne qui avait laissé ce thé au coquelicot, souhaitait-elle lui enjoindre de reprendre sa vie en main tout en lui apportant une touche de réconfort ? Elle songea aux mots de Dougal : « Que tes pas te mènent vers la prospérité et que tes épreuves de la vie éclosent de bonheur. » Il était probablement la personne qui la connaissait le plus. Le seul qui aurait pu détecter cette ardeur amoureuse qu’elle avait éprouvée et qui s’était effondrée dès qu’elle avait osé la cueillir et en vivre.

Elle tourna la tête avec regret vers l’emplacement où se tenait le cerisier, désormais abattu. Plus loin derrière, elle pouvait voir l’annexe où vivait Dougal. En cinq minutes, elle pouvait se tenir sur le pas de la porte, tout abandonner, tout lâcher et tout dire à Dougal, au risque qu’il prenne peur. Pire, au risque qu’elle y découvre une autre femme.

- Comment vont les voisins ? demanda-t-elle d’un ton qu’elle voulait nonchalant mais qu’elle sentait empreint de crainte.

- Ils vont bien. Le fils Dougal demande de tes nouvelles.

- Ah bon ? éructa-t-elle dans un filet de voix.

- Je sais que votre relation était un peu compliquée, mais c’est un gentil jeune homme. Il a dû être réellement perturbé par ton départ soudain pour en venir à parler de toi.

Minerva sentit chez sa mère un reproche et une demande cachée qu’elle aille leur rendre visite, par simple politesse.

- Et qu’est-ce que vous lui dites ?

Isobel haussa les épaules.

- On essaie de pas trop s’étendre ; moins on en dit, plus les mensonges sont crédibles. On leur assure juste que tu es très satisfaite par ton travail et que tu vas bien. Bon, je vais voir où ton père en est avec ses panais, j’ai le repas à préparer.

Minerva répondit à peine et la laissa partir. Elle était satisfaite de son travail. Elle allait bien. Donc, aux yeux de Dougal, elle l’avait quitté parce qu’elle avait estimé qu’elle ne serait pas heureuse avec lui. Après tout, c’était en partie vrai. Si elle avait choisi le Ministère, c’était bien parce qu’elle sentait qu’une vie de moldue ne lui conviendrait pas. Il avait beau savoir cela, il persistait à s’assurer qu’elle allait bien. Et les parents de Minerva, dans leur ignorance, l’affirmaient, alors que Minerva avait pris place depuis plus d’un an dans un manège infernal émotionnel et ne parvenait pas à en sortir. Le prix à payer pour ne pas savoir exprimer ses sentiments et ses émotions, était de devoir apprendre à les gérer seule.

Une autre personne dans sa famille subissait la même souffrance. Robert Jr apparut en bas des escaliers, sa tête enfantine arborant un intéressant mélange d’air craintif et bougon. Comme s’il en voulait toujours à sa sœur d’effectuer de rares aller-retours trop brefs chez eux et qu’il vivait avec la peur qu’elle disparaisse à nouveau. Ce qui allait arriver, irrémédiablement, mais les explications que sa sœur lui apportait ne semblaient pas suffire à trouver raison et logique à ses yeux.

- Tu es triste, marmonna-t-il tout en portant son regard sur la cheminée, la cuisine puis le tapis.

Il tripotait un autre soldat de plomb, similaire à celui qu’il avait donné à sa sœur lors de son départ pour le Ministère il y a un an et demi. Contrairement au soldat qui trônait sur le bureau de Minerva, le sien portait un tambour et des baguettes et marchait au pas.

- Pourquoi serais-je triste ? demanda Minerva en tendant une main qu’il ne prit pas.

Il vint s’asseoir à côté d’elle, se trémoussant.

- Je ne suis pas dans ta tête, répondit-il en posant son soldat sur la table basse.

Il le fit avancer en silence, comme s’il s’imaginait dans la tête une fanfare accompagnant son soldat préféré.

- Tu es juste triste.

Il aurait pu lui dire n’importe quoi qu’elle l’aurait très certainement cru. Il ne parlait que très peu et mettait à profit son mutisme pour observer. Sûrement se souvenait-il dans quel état sa sœur s’était trouvée à chaque fois qu’elle venait à Caithness.

Il ne décrocha plus un mot. En avait-il besoin ? Prendre la parole par lui-même avait déjà été un exploit en soi et Minerva n’avait guère besoin de le forcer à plus. Mais comment ferait-il à Poudlard ? Comment trouvera-t-il la force d’aller vers les autres ? Pire, comment supportera-t-il la proximité d’étrangers ? S’il avait déjà du mal avec les voisins, il serait terrifié par tous ces élèves à l’énergie débordante qui n'auraient aucune compréhension de son caractère. C’était là une inquiétude qui préoccupait Minerva et elle se demanda si ses parents avaient pensé à ce futur qui se rapprochait à grands pas. Robert Sr était toujours aussi perdu et éloigné du monde magique alors il n’aurait rien à suggérer. Isobel, quant à elle… Minerva gardait encore en tête les reproches et l’humiliation qu’elle avait subis lorsque son plus jeune fils avait fait une crise en pleine fête du village. Dougal était venu rompre la tension en s’interposant contre les vieilles villageoises faisant de lui la seule personne externe à la famille que Robert Jr ne craignait pas. Elle doutait qu’Isobel ait ouvert les yeux sur son fils. Dépassée et surtout, ne voulant pas donner raison aux villageoises en acceptant que son fils ait besoin d’un parcours adapté, elle n’avait probablement rien prévu d’autre que la route toute tracée du chemin de Poudlard.

Minerva tourna la tête vers la fenêtre. Le ciel était clair et lumineux, les nuages pâles, haut dans le ciel, éclaboussaient de leur éclat l’herbe grasse et verdoyante des champs aux alentours. A nouveau, le cerisier manquait au décor. Si elle ouvrait la fenêtre, Minerva savait qu’elle entendrait les oiseaux de la lettre de Dougal chantonner. Ce soir, le soleil se coucherait derrière les arbres et Minerva serait déjà repartie dans son appartement.

Une silhouette apparut au loin. Une grande carrure, des cheveux bruns légèrement décoiffés par le vent. L’homme portait un pull tricoté vert émeraude. Il rentrait la tête dans ses épaules pour protéger son cou du froid. Sa main gauche s’agrippait à sa manche dans une tentative de couvrir son poignet, et l’autre portait un panier tressé.

- Tu vas tomber malade, soupira Minerva avec un sourire attendri.

Elle devait avoir une écharpe qui traînait quelque part. Mieux, le plaid qu’il avait déposé sur ses épaules après le drame de la fête du village. Elle ne lui avait jamais rendu, peut-être était-il temps ? Elle décroisa ses jambes, se leva, riant déjà de son regard outré alors qu’il l’accuserait d’avoir volé ses affaires.

- Tu vas où ? fit la voix de Robert Jr.

Minerva papillonna des yeux, un bras dans une manche de son manteau. Elle sentit un frisson lui remonter dans le dos alors qu’elle revenait à ses esprits. Où allait-elle ? Par Merlin, est-ce qu’elle devenait folle ? Elle laissa retomber son bras, comme vidé de toute vie. De là où elle était, elle pouvait toujours le voir, marchant face au vent. Il s’arrêta devant un parterre de mimosa et s’accroupit.

Elle réalisa que c’était la première fois qu’elle le voyait depuis son départ. Durant tout un été, elle avait été si habituée à le rejoindre dans ses bras, à adapter sa vie sur celle de Dougal, à rythmer ses journées sur les siennes… Comment le simple fait de le revoir pouvait prendre contrôle de son corps ainsi ? Pourquoi, après un an et demi, ne parvenait-elle pas à tourner la page ? A Poudlard, elle aurait été la première à ne pas comprendre comment une personne pouvait être autant attachée à une autre, et aujourd’hui, c’était elle qui se retrouvait dans cette situation. Il était si proche, juste à quelques mètres d’elle. Si elle ouvrait la fenêtre et criait son nom, il l’entendrait. Si elle sortait de la maison, il la verrait. Si elle lui adressait la parole, il lui répondrait et elle entendrait sa voix. Si elle lui prenait la main, peut-être la repousserait-il, mais au moins aurait-elle eu la sensation de sa peau sur la sienne. Tout ce qu’elle avait à faire, c’était continuer à mettre son manteau. Mettre une paire de chaussure. Ouvrir une porte. C’était tout.

C’était si peu. Et pourtant, pourtant, sa vie ne serait plus jamais la même. Peu importait la tournure que ce choix prendrait, sa vie serait à nouveau bouleversée. Elle ne comprenait pas, elle avait déjà fait un choix. Un an et demi auparavant elle avait fait son choix. Pourquoi y revenir ?

- Tu es encore triste, observa Robert Jr.

Minerva décrocha brièvement son regard de Dougal qui cueillait ses fleurs. Elle avait oublié son frère. Elle retourna sur le canapé, retourna à sa contemplation.

- Il fait si froid dehors, répondit-elle.

Il ne répondit pas. Probablement, ne comprenait-il pas pourquoi sa sœur serait triste de la météo hivernale. Dougal déposait ses fleurs, une à une, dans son panier. Était-ce ainsi qu’il avait décidé de l’oublier ? En retournant à sa vie habituelle ? A sa routine réconfortante qui lui plaisait ? Réussissait-il à passer à autre chose ?

Isobel rentra dans la maison, claquant la porte d’entrée dans son dos. Attiré par le bruit, Dougal releva la tête, la tourna vers la maison des McGonagall. Minerva se laissa glisser contre le canapé pour se cacher.

- Il fait un froid de canard dehors ! s’exclama Isobel en tapant des pieds.

Elle ramenait un panier rempli de légumes pour le dîner.

- Maman ? appela Minerva alors qu’elle déposait son butin sur le comptoir. Ça veut dire quoi, le mimosa ?

Isobel réfléchit un instant.

- Un amour secret.

- Un amour secret ?

Isobel acquiesça.

- Le mimosa, c’est la sensibilité, la certitude de l’amour, et l’élégance. Un amour caché que l’on a l’élégance de dissimuler pour le bien de l’autre. Offrir un bouquet de mimosa, c’est signifier à son amour que l’on espère des retrouvailles, et que l’on attendra toute sa vie s’il le faut.

Sa mère sourit.

- C’est amusant de te voir t’intéresser à ce sujet.

- Maman, fit Minerva sans prêter attention à sa remarque. Y a-t-il beaucoup de personnes qui connaissent le langage des fleurs ?

- J’en doute. C’est cela aussi qui rend ce langage intéressant. Si tu crains de t’exprimer verbalement, les fleurs peuvent parler pour toi. Tu m’aides avec le dîner, s’il te plaît ?

Minerva eut la tête ailleurs durant les prochaines heures. Dougal connaissait-il le langage des fleurs ? Il y avait forcément des choses qu’elle ne savait pas de lui. Elphinston, lui, s’y intéressait bien, alors pourquoi pas Dougal ? Il disait bien avoir un attachement à un cerisier, donc il devait y avoir rattaché l’idée de la représentation des fleurs de cerisier.

Au bout d’une heure, Robert Sr rentra à son tour, frigorifié. Dans sa main gauche, sa paire de bottes sales de terre, dans sa main droite, un bouquet. Un bouquet de mimosa.

- Tu es allé voler chez les voisins ? plaisanta Isobel.

- Bien sûr que non, s’offusqua Robert tandis que le regard de Minerva se perdait dans les fleurs jaunes. C’est le jeune Dougal qui les offre.

- Dougal ? répéta Minerva.

Robert Sr pointa un doigt vers elle.

- Tu vois que c’est un très gentil jeune homme. Contrairement à ce que tu n’arrêtais pas de dire à une période. Il nous souhaite un très joyeux Noël, et a pensé que ce bouquet égaierait la pièce, ajouta Robert à sa femme, l’air satisfait.

Dougal l’avait-il vue à travers la fenêtre ? Envoyait-il ce bouquet pour elle, ou par simple politesse ? Elle sentit ses oreilles bourdonner, son esprit seulement focalisé sur cet éclat lumineux posé sur la table.

- Il en avait trop cueilli et voulait en offrir à son père et Helen. Il a oublié que la pauvre femme était allergique, disait son père en arrière-plan.

Le bouquet des retrouvailles et de l’amour secret. S’il l’avait bel et bien vue par la fenêtre, lui envoyait-il un message ? Elle l’imagina en tant que visiteur secret, s’assurer qu’elle allait bien, lui offrir un thé de réconfort et des scones. Puis venir jusqu’à son appartement, espérer tomber par hasard sur elle, n’osant jamais frapper à sa porte par égard pour sa décision de partir.

- Je peux en prendre un peu ? demanda-t-elle en pointant le bouquet. Pour mon appartement.

Le soir, elle partit avec une large partie du bouquet soigneusement confectionné par Dougal. Chez elle, elle l’observa tendrement, comme s’il renfermait tous les mots que Dougal aurait voulu lui dire face à face. Demain, elle n’irait pas travailler. Si Langloy disait vrai, Dougal viendrait devant chez elle. Cette fois, elle serait là pour l’accueillir.

***


Quand elle se réveilla ce matin-là, elle souriait comme jamais elle n’avait souri depuis son arrivée au Ministère. A quelle heure viendrait-il ? Était-ce toujours au même moment ? Peut-être, aurait-elle dû demander des précisions à Madame Langloy.

Minerva s’était bien habillée et pour une fois, elle avait coiffé son chignon haut sur son crâne. Le bouquet de mimosa avait été mis dans un vase, posé en évidence sur la table de chevet. Elle ne parvenait pas à se concentrer. Elle n’avait même eu aucun scrupule à mentir à Elphinston sur son soi-disant rhume qui l’empêchait de venir travailler. Impossible d’attendre sans rien faire, de lire un livre ou le journal, encore moins de sortir quelques minutes. Et s’il décidait de venir pile à ce moment-là ?

La porte de l’immeuble claqua, résonnait dans la cage d’escalier. Minerva se redressa, l’oreille tendue, le cœur battant. Était-ce lui ? Une de ses voisines ? Elle entendit des pas légers monter les marches. Un étage, deux étages, trois… Les pas continuaient leur ascension, jusqu’à atteindre le sixième et dernier palier.

Minerva retint son souffle. Dougal était silencieux de l’autre côté, seul un léger craquement du parquet indiquait qu’il ne savait pas comment se tenir. Elle l’imagina avancer vers la porte, une main prête à frapper le battant, puis reculer, hésiter. Se passer une main dans les cheveux, sur le visage. Elle se demanda comment il était habillé. En moldu, il devait sacrément détonner dans les rues du Chemin de Traverse. Elle se visualisa ses yeux noisette à la fois inquiets et envieux de la voir ouvrir la porte. Que dirait-il ? Son prénom ? Qu’il lui pardonne ? Qu’il avait toujours su qu’elle était étrange mais pas à ce point ? Qu’il était content de voir son mimosa sur la table ? Ou alors, il ne dirait rien et l’embrasserait ? Rien qu’à l’idée d’imaginer ses lèvres tendres effleurer les siennes, Minerva eut des frissons d’envie.

Elle se leva, main tremblante, le cœur affolé tel un oiseau en cage. Elle pouvait presque le voir à travers le bois massif de la porte, presque le sentir par les interstices. Puis, d’un seul coup tout en retenant son souffle, elle ouvrit la porte.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 63 : 136, ruelle des sorciers errants

- Etna ?

Ce n’était pas Dougal qui se tenait devant elle. Ce n’était pas non plus Dougal qui venait tous les jours devant sa porte, hésitant à frapper. C’était Etna. En voyant la jeune rouquine recroquevillée sur place, les mains tordues entre elles, Minerva se sentit stupide. Le mimosa dans son dos lui parut plus fade. Elle aurait souhaité se frapper, jeter quelque chose. Évidemment que Dougal ne venait pas ! Il ne viendrait jamais. Elle n’arrivait pas à croire que durant un bref instant, un bref et absurde moment, elle avait pu penser que Dougal, un moldu, avait pu fouler les ruelles du Chemin de Traverse, trouver son adresse, se fondre chez les sorciers. Si seulement elle pouvait jeter quelque chose, n’importe quoi, casser quelque chose. Elle s’en voulait tellement de s’être laissée emporter ainsi. Tout ça à cause d’une histoire de langage des fleurs et de mimosa !

- Je te dérange… Pardonne-moi, je reviendrai.

Minerva revint à ses esprits. Etna paraissait réellement embarrassée, les yeux baissés.

- Non, reste. Désolée, j’étais… j’étais ailleurs.

Minerva parvint à se concentrer sur son amie. Quelque chose n’allait pas. Son attitude, son dos voûté et ses dents qui mordillaient ses lèvres, tout dans son attitude le criait. Cela suffit à lui faire oublier quelques instants ses espoirs illusoires et déraisonnables.

- Entre. Tu vas m’expliquer.

Etna sembla soulagée, car elle se précipita à petits pas dans la chambre, comme si elle avait peur que quelqu’un ne la voit entrer chez son amie (probablement Madame Langloy était déjà au courant). Minerva referma la porte, le cœur encore erratique. Elle inspira, expira, puis se retourna et désigna son lit.

- Installe-toi. Désolée, je n’ai que ça.

- Tu as emménagé récemment ? demanda Etna en s’asseyant sur le bord du matelas.

Sûrement, devait-elle penser que cela expliquerait pourquoi son studio était aussi peu meublé. En transition, lui aussi, comme sa propriétaire. Minerva préféra ne pas répondre et se concentra sur la préparation d’un thé. Elle essayait d’effacer de son esprit sa profonde désillusion. Elle était si désabusée par son comportement, ses réactions, l’absurdité de ses pensées. Elle se tourna vers Etna, la surprit dans un geste intriguant : sa main droite tirait sur la bague qu’elle portait à la main gauche mais son annulaire se crispait, comme si ces deux parties de son corps étaient en conflit. La bouche crispée, Etna sursauta lorsque Minerva lui demanda si elle allait bien. Ses mains retombèrent sur ses genoux, sages.

- Oui, oui.

Minerva resta silencieuse. Elle reconnaissait ce visage. C’était celui qu’elle avait arboré durant des mois et qu’elle essayait encore de porter lorsqu’elle se sentait dériver. Prétendre aller bien pouvait durer longtemps ; des mois, des années à convaincre les autres au point de réussir à se convaincre soi-même. Jusqu’à atteindre le point de non-retour que Minerva avait heurté cet été. Dans le regard d’Etna, elle décelait le début du tourbillon qui l’avait engloutie durant un moment.

- C’est toi qui viens presque tous les jours devant chez moi ?

Etna ouvrit de grands yeux. Soit elle n’était au courant de rien, soit elle pensait avoir été discrète et s’étonnait que Minerva ait eu vent de ses passages.

- Ma propriétaire au rez-de-chaussée m’a informée que quelqu’un venait devant mon appartement régulièrement, expliqua Minerva.

Etna se leva d’un bond, les yeux navrés.

- Pardonne-moi, j’imagine que cela a dû te faire peur…

Pas tant que cela, puisque Minerva s’était vite imaginée une histoire trop belle pour être vraie. Elle lui tendit une tasse de thé.

- Je voulais juste te voir…, se justifia Etna.

- Pourquoi ne pas envoyer un hibou ?

Etna se mordilla la lèvre, ce qui sembla avoir pour effet de la coudre, car elle ne dit plus rien. Minerva se demanda ce que faisait Etna dans la vie ; si elle avait le temps de venir n’importe quand aux heures de travail, c’était qu’elle n’avait probablement pas d’emploi.

- Comment va ta blessure ? s’enquit Minerva en changeant de sujet.

Etna porta la main à sa pommette et sourit légèrement.

- Ça va mieux, merci.

- Fais attention la prochaine fois. Ça peut être dangereux le Quidditch.

Etna promit en acquiesçant. Bingo, songea tristement Minerva.

- Ou les escaliers d’une mezzanine, pour autant que je sache.

Etna ne réagit pas immédiatement, et Minerva vit très distinctement le moment où la jeune fille réalisa qu’elle s’était mélangée entre ses mensonges. Pâle, elle se redressa, sa main se portant encore à sa bague.

- C’est juste… mon copain me dit aussi de faire attention à cet… escalier.

- Etna…

- Merci pour le thé, coupa-t-elle brusquement en lui rendant sa tasse encore pleine.

Elle atteignit la porte et tira brusquement la poignée.

- Attends ! s’exclama Minerva en la rejoignant. Donne-moi une adresse, un lieu pour te retrouver, quelque chose.

Elle sentit que son amie hésitait. Ses yeux fixés au sol semblaient vouloir percer le parquet.

- 136, ruelle des sorciers errants, lâcha-t-elle avant de disparaître dans les escaliers.

Minerva ne chercha pas à la suivre et nota rapidement l’adresse sur un bout de parchemin. Elle ne savait pas où cela pouvait mener mais il n’y avait aucun doute qu’elle irait vérifier. Malgré son inquiétude pour son amie, Minerva sentit une flamme brûler dans son cœur. Cette fois, au lieu de la consumer, elle semblait raviver une once de vie chez la jeune fille. Comme si son cerveau réalisait qu’avec Etna, elle allait pouvoir vivre pour autre chose que travailler. Il était gênant de songer que le malheur de son amie pourrait la ressusciter mais… dans la détresse de la jeune fille, elle voyait son ancienne camarade de Poudlard, son ancienne poursuiveuse qui l’estimait et qui cherchait son approbation dans l’équipe. Cette fille qui lui avait dit vouloir être « plus qu’un joli visage » et qui aujourd’hui avait besoin de son aide.

***


Pour la seconde fois, Minerva fut contrainte d’annuler son rendez-vous quotidien avec Elphinston qui avait pris l’initiative de proposer un thé au Chemin de Traverse et non pas au sein de leur département. La jeune fille retrouvait Alfie, à sa demande, suite à sa rencontre inopinée avec Etna.

- Je vous accompagne, suggéra Elphinston, je dois racheter des plumes.

Minerva commençait à s’habituer à sa présence en dehors du travail. Leur relation avait cette dynamique appréciable où ils pouvaient désormais rester un long moment sans ressentir le besoin de discuter et se laisser porter par le silence.

Alfie attendait déjà à la sortie du passage au menait au Chemin de Traverse. Ses mains étaient enfoncées dans ses poches pour se protéger du froid et un bonnet rouge recouvrait son crâne rasé. Minerva le désigna de la main à Elphinston.

- Je vous laisse à partir d’ici.

Urquart suivit du regard la personne désignée et eut un sursaut de surprise.

- Ah bien sûr, vous retrouvez quelqu’un, commenta-t-il.

Minerva hocha la tête, simplement. Elle n’avait pas expliqué la raison de son annulation. Pouvait-il être vexé d’avoir été remplacé ?

- C’est une nécessité de dernière minute, expliqua-t-elle.

Elphinston sourit alors qu’Alfie venait à leur rencontre.

- Vous avez une vie. C’est bien aussi que vous voyiez du monde en dehors du travail.

Il salua Alfie d’une poignée de main.

- Mon supérieur, présenta Minerva à son ami.

- Entre autres, lâcha Elphinston avec un sourire blanc éclatant. Vous êtes ?

- Hum, un ami de Poudlard. On était au Quidditch ensemble.

Elphinston fit une tête que Minerva plaça entre le faux intérêt et l’ennui dissimulé. Il se tourna vers elle et posa, étrangement, une main affectueuse sur son bras.

- On se retrouve au travail ?

Minerva cligna trois fois des yeux avant d’acquiescer. Lorsqu’il fut parti, par réflexe, elle porta sa propre main sur son bras tandis qu’Alfie faisait la moue.

- Il est sympa ton patron ?

- Mmh ? Ah, oui, répondit Minerva après un instant de balbutiement. Il m’a beaucoup aidée au travail quand j’ai eu des soucis.

Alfie ne chercha pas plus de précisions concernant ses soucis, ce dont elle fut reconnaissante. Directement, il embraya sur le sujet qui les concernait tous les deux.

- Tu as découvert des choses sur Etna ?

- Je ne sais pas trop. Elle m’intrigue sincèrement. Je viens d’apprendre qu’elle se rend devant chez moi plusieurs fois par semaine sans jamais toquer à ma porte.

Alfie plissa les yeux d’incompréhension et Minerva lui expliqua ce que Langloy lui avait racontée et les informations qu’elle avait réussi à glaner chez Etna.

- Mais elle doit bien savoir que tu ne serais pas chez toi à ces heures, non ? C’est comme si elle cherchait ton aide sans oser réellement la demander.

- Tu veux dire… faire la démarche de demander de l’aide tout en sachant que cela n’aboutirait pas, juste pour se donner bonne conscience ? Mais c’est… enfin… c’est, heu, illogique, non ?

Alfie croisa les bras.

- Ce n’est pas logique, mais dans un autre sens ça l’est aussi.

- Sois plus clair, je t’en prie, soupira Minerva.

- Disons que ce n’est pas censé être logique car lorsque tu cherches de l’aide, tu as de grandes chances de la trouver quand tu es bien entourée. Dans le cas d’Etna… eh bien, je ne connais pas sa vie actuelle, mais elle a été physiquement blessée, fuit la compagnie… Elle te cherche, ne te trouve évidemment pas chez toi sauf une seule fois et ce jour-là, elle finit par fuir. Elle aurait pu utiliser un hibou, mais elle a décidé de venir plusieurs fois devant ton appartement en espérant d’y trouver une aide. Il n’est pas facile de demander de l’aide, Minerva. Beaucoup ne s’en sentent pas légitime, ou amoindrissent leurs problèmes. Tout le monde a des problèmes. L’important n’est pas de hiérarchiser ces problèmes mais de reconnaître que pour une certaine personne, une difficulté paraîtra plus insurmontable qu’elle ne le serait pour une autre. Et cela, beaucoup ne le réalise pas et finissent par se dire « ça finira par aller mieux, un jour ».

Minerva sentit les mots d’Alfie frémir dans son esprit. Ils lui rappelaient ceux qui avaient été prononcés, non pas par Dougal mais par l’inconnu qui s’était rendu à son chevet. « Promets-moi que tu iras demander de l’aide lorsque tu comprendras que tu en as le droit, que tu en as toujours eu le droit. Ce n’est pas grave de crier à l’aide, au contraire. Ce n’est pas grave de ne pas pouvoir tout gérer toute seule, de ne pas pouvoir tout supporter toute seule. » Finalement, Minerva elle-même n’avait-elle pas été illogique également ?

- Donc, tu penses qu’Etna se sent illégitime de demander assistance ? fit-elle.

- Très probablement, le problème est de savoir quel ou quels soucis sont à régler. Au moins, nous savons que quelque chose ne tourne pas rond et qu’elle est ouverte à ce qu’on l’aide. Enfin… à ce que tu l’aides, rectifia Alfie. Elle m’a évité la dernière fois et c’est toi qu’elle cherche visiblement.

- Elle m’a donnée une adresse…, se souvint Minerva en fouillant ses poches. Pour la contacter.

Alfie l’arrêta de la main.

- Elle ne l’a donnée qu’à toi. C’est de toi dont elle a besoin. Je vais t’aider également, mais ne brise pas sa confiance en me donnant cette adresse. En plus, si tu me la donnes, je ne sais pas si je pourrai m’empêcher de m’y rendre, avoua-t-il avec un sourire embarrassé.

Minerva rangea le bout de parchemin sur lequel elle avait écrit l’adresse, troublée.

- Tu as des hypothèses ? s’enquit-elle, espérant que son flair d’agent de sécurité ait été efficace.

Alfie hésita. Elle voyait avec son regard qu’il cherchait ses mots.

- Il n’est pas prudent de tirer des conclusions hâtives… Ce ne sont que des suppositions mais… as-tu déjà rencontré son copain ?

Minerva secoua la tête tandis qu’un malaise montait dans le creux de son ventre. Bizarrement, elle s’attendait à une réponse du genre. Elle gardait en tête le bleu sur la pommette, les mensonges sur sa chute, sa bague de fiançailles qu’elle portait comme si c’était une menotte, ses disparitions brutales arrivée une certaine heure, comme si elle était attendue quelque part et que, telle une Cendrillon sorcière, elle venait de dépasser son heure. Son copain exerçait-il une pression quelconque qui empêchait Etna de sortir en dehors des heures de travail ? Cherchait-elle consciemment et secrètement à sortir lorsque son copain était au travail ?

- Tu as dit qu’elle n’a pas voulu discuter avec toi ? répéta Minerva d’un ton songeur alors qu’Alfie acquiesçait. Je me souviens qu’elle était aussi distante avec Alan. Si je n’avais pas été là, je doute qu’elle se serait arrêtée pour discuter avec lui.

- Tu songes au copain toxique ? Et que la bague serait aussi un moyen de laisser les autres hommes loin d’elle ?

Minerva eut un frisson. Jamais elle ne se serait imaginée qu’Etna ferait une rencontre aussi malheureuse, si leurs suppositions s’avéraient vraies.

-Il y a quelque chose qui m’inquiète aussi, ajouta Minerva. Même si elle semble chercher mon aide, j’ai l’impression qu’elle est très apeurée de la recevoir. J’ai dû beaucoup insister pour qu’elle garde ta pommade. Qui refuserait d’être soignée ?

- Probablement quelqu’un qui se sentirait justement illégitime de recevoir de l’aide, ou qui étoufferait ses besoins.

Minerva imagina sa pauvre amie enfermée dans un appartement au propriétaire toxique, voire violent physiquement par moment, et elle se sentit attristée et apeurée en même temps. Elle essayait également de ne pas éprouver de colère trop forte sachant que leurs accusations ne reposaient que sur des hypothèses mais… toutes celles-ci additionnées construisaient une situation plus que douteuse autour du copain.

- Si je me rends à l’adresse donnée ? suggéra Minerva soudainement.

- Si tu le fais, sois prudente. Ne va pas te créer des problèmes à cause de simples soupçons. Tu ne sais pas ce qu’il y a derrière cette adresse.

- C’est promis. Je te tiendrai au courant.

Alfie sursauta.

- Mais… Tu y vas maintenant ?

- Pourquoi attendre ? Je serai incapable de dormir cette nuit en imaginant mon amie coincée possiblement chez lui, malheureuse et en danger. Plus tôt on agit, plus vite le problème sera réglé, non ?

- Heu, oui, c’est vrai.

Il n’était probablement pas habitué à voir une Minerva pro-active alors qu’à Poudlard elle avait été plutôt du genre à toujours trop longtemps réfléchir avant d’agir. Au risque de parfois rater des occasions.

Le 136 ruelle des sorciers errants se trouvait à l’écart des rues bondées, dans un quartier tranquille. Il semblait être un simple rez-de-chaussée, une façade somme toutes très simple, semblable à n’importe quelle façade de n’importe quel bâtiment des environs. Peut-être, Minerva avait-elle imaginé inconsciemment des fissures dans les murs, des vitres crasseuses, une porte lourde en bois sombre… Quelque chose qui ne ferait que confirmer de la maltraitance que pourrait subir Etna. Elle jeta un coup d’œil à sa montre. Les horaires de travail étaient terminés pour la majorité des sorciers. Alors, qu’allait-elle trouver derrière cette porte ? Le copain rentré chez lui ? Etna à moitié cachée derrière le battant de la porte ? Une tout autre personne ?

Son poing était ferme lorsqu’elle frappa à la porte. Etna avait-elle donné une fausse adresse, dans sa fameuse stratégie d’évitement ? Minerva entendit des pas derrière la porte. Celle-ci s’ouvrit finalement, et une tête masculine passa dans l’entrebâillement. Il était jeune, peut-être un peu plus âgé que Minerva. Il était habillé simplement. En aucun aspect physique il ne détonnait. Au milieu d’une foule, Minerva ne lui aurait pas jeté un seul regard. Les yeux foncés du jeune homme se plissèrent, intrigués.

- Bonjour ? C’est pour ?

Il n’y avait aucune trace d’Etna. Du peu qu’elle voyait derrière lui, il n’y avait aucun signe qu’une jeune fille pouvait vivre ici.

- Je cherche mon amie, dit simplement Minerva. Une rousse, aux yeux bleus. Etna. On m’a dit qu’elle pouvait se trouver ici.

Elle perçut l’attitude du garçon virer. Ses yeux s’assombrirent très légèrement ; une personne qui n’avait pas le sens de l’observation de Minerva ne l’aurait pas remarqué. Ses sourcils se froncèrent également et la main qui retenait le battant de la porte se raffermit.

- Etna ? finit par dire le garçon. Je ne connais pas. On vous a donné une mauvaise adresse. Bonne soirée.

Et il referma le battant de la porte de manière sèche. Minerva resta immobile un instant, le cœur battant et le sang quittant lentement son cerveau. Pas de doute, le jeune homme du 136, ruelle des sorciers errants était le copain. Et le jeune homme du 136, ruelle des sorciers errants étaient également suspect.
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Re: Minerva McGonagall [Harry Potter]

Message par PtiteCitrouille »

Chapitre 64 : L'étau se resserre

Elle se demandait si elle n'avait pas agi de manière impulsive. Etna allait-elle avoir des problèmes à la suite de sa venue ? Ou, au contraire, son copain allait-il être méfiant et faire profil bas durant quelques temps ? Il avait été prompt à refermer sa porte d'entrée au nez de Minerva. En outre, si elle songeait à ses dernières rencontres avec son amie, certains détails ne jouaient pas en la faveur du copain. Comment expliquer qu'Etna préfère se rendre en journée devant l'appartement de Minerva au lieu d'envoyer un hibou ? Comment appréhender les mensonges prononcés, ce bleu sur la pommette ? Quid des départs de la jeune fille précipités, de son malaise et de son refus de revoir Alfie, pourtant un ami ? Était-ce à cause de son statut de policier ? Enfin, Minerva se souvenait de la remarque du copain sur la prétendue démarche bancale d'Etna, sans compter l'attention que portait la jeune fille sur son poids. Était-il responsable de cette détresse psychologique ? Était-il celui qui avait donné cette bague, prétendument pour éloigner les sorciers insistants ? N'était-ce pas là juste un moyen de la garder dans son giron, dans son cercle de surveillance ?

- Vous allez bien ?

Minerva sursauta et retourna dans son bureau du Ministère. Marchbank et Elphinston la regardaient d'un air mi-inquiet, mi-intrigué alors que cela faisait plusieurs minutes qu'elle tenait en l'air sa plume sans rien écrire. Elle se racla la gorge et se pencha sur son dossier sans rien dire.

Etna était-elle en danger immédiat ? Ce bleu sur la pommette, était-il un réel accident ou un coup porté sciemment ? Était-ce le premier, une habitude ? Minerva devait-elle craindre une pire scène dans un futur proche ? Devait-elle prévenir la police ? Alfie n'avait pas le pouvoir d'intervenir, mais très certainement sa hiérarchie supérieure l'avait, non ?

***


- Non, ils ne feront rien.

Minerva cligna des yeux.

- Comment ça ?

Alfie soupira et fit tourner son jus dans son verre pendant quelques secondes de silence. A nouveau, ils s'étaient retrouvés tous les deux afin d'échanger sur leur amie commune. Minerva lui avait fait le récit de sa rencontre avec le copain et comme elle, il avait très rapidement choisi le même fil de pensée. Mais sa dernière demande se retrouvait face à un mur.

- Si j'étais assuré d'une action de leur part, j'aurais déjà commencé à leur en parler. Mais nous ne disposons que de soupçons, rien de ce que nous avons ne consiste en des preuves.

- Tout me semble clair pourtant, répliqua vertement Minerva. Une fille réapparaît soudainement semblant avoir besoin d'aide, un bleu sur la pommette dont la raison reste encore floue car elle ment sur sa provenance, elle vit avec un copain qui pour une raison ou une autre refuse qu'elle utilise des hiboux pour communiquer.

- Je sais Minerva, ce n'est pas moi qu'il faut convaincre, je suis de ton côté mais... si tu réfléchis bien, tu viens d'utiliser des mots qui eux-mêmes sont peu clairs, paradoxalement. Tout cela, ce sont des soupçons.

- Alfie, tu n'as pas vu ce que j'ai vu. Elle rôdait pendant des jours devant mon appartement, ne sachant pas comment m'aborder. Et puis... cette histoire de bague me chiffonne, sincèrement.

Elle songea à nouveau à la manière dont ses deux mains semblaient se battre contre cette alliance stratégique, l'une déterminée à la garder, l'autre à l'arracher. Son regard qui la fuyait et la cherchait en même temps. Elle avait vécu ce sentiment et rien que pour cela, elle était persuadée que la situation d'Etna nécessitait une aide immédiate. Une aide qui s'opposerait audit copain.

Alfis soupira à nouveau, paraissant en conflit. Il pressa ses doigts contre ses yeux, comme pour empêcher une future migraine de surgir.

- Oui mais... pourquoi te donner cette adresse ? L'adresse du copain ? Tu l'as dit, cela peut la mettre en danger.

Minerva réfléchit un instant.

- Peut-être qu'elle voulait que je puisse le reconnaître et le décrire, tout simplement.

Alfie ne parut pas convaincu, ce qui agaça Minerva.

- Ecoute, je crains pour elle. Ta hiérarchie ne peut vraiment rien faire ?

- Tu dis ça comme si je m'en fichais de son cas. Si quelqu'un peut s'inquiéter aussi, c'est bien moi.

Cette fois-ci, c'était lui qui semblait agacé et probablement désespéré en même temps.

- Je ne suis rien dans le Ministère, rien pour mes collègues. Je suis en bas de la hiérarchie donc même s'il y avait possibilité que mes supérieurs interviennent, ils se moqueraient bien de moi. C'est difficile pour moi aussi, Minerva.

Minerva ne répondit rien. Le département de la Justice n'était pas le seul qui faisait passer sa sécurité avant celle des autres. Effrayant que cela concerne les deux juridictions censées apporter la justice aux populations.

- Alors ? On fait quoi ?

Alfie pinça les lèvres.

- Que tu sois allée voir le copain n'est pas nécessairement mauvais. Nous n'avons pas de preuves concrètes mais au moins sait-il que quelqu'un se méfie. Cela va probablement le calmer. Si jamais il frappe bien Etna, il craindrait que l'on remarque les coups. Il devrait faire profil bas désormais. Du moins, pendant quelque temps, ce qui nous laisserait une chance pour trouver des preuves, ou si possible, un témoignage d'Etna.

Attendre et subir, c'était ce qu'elle avait fait pendant trop longtemps au Ministère. Devoir reproduire ce comportement alors que son amie était probablement en danger lui était insupportable. Et ce qui l'était encore plus, c'était de savoir qu'elle ne pouvait actuellement rien faire à part garder un œil sur Etna.

Alfie finit par partir, laissant la jeune fille à ses réflexions. Ses glaçons avaient fondu depuis bien longtemps et de la condensation s'était formée à la base du verre. Les clients autour d'elle étaient arrivés puis repartis sans qu'elle ne bouge d'un pouce. Etna accepterait-elle de témoigner ? Elle craignait qu'elle ne trouve pas le courage. Elle semblait déjà avoir rassemblé toutes ses forces pour s'enfuir quelques heures et aller chez Minerva. A quel point était-elle prisonnière des griffes de son copain ? Et à quelle échelle Minerva pouvait-elle l'aider ?

- Minerva !

Minerva reconnut immédiatement la voix et se figea. Elle se retourna pour voir apparaître Etna, accompagnée de deux adultes. Minerva ne réagit pas. Il y avait parfois des moments où l'on pouvait apprécier ce que le hasard créait dans la vie. D'autres moments où il semblait travailler un peu trop au point de devenir suspicieux. Minerva vivait dans un de ces moments-là. Alors qu'Etna s'approchait, Minerva l'observa, ce visage à la façade souriante mais dont les fondations étaient bancales. Ce visage qui cherchait de l'aide. Ce visage qui semblait toujours la trouver au bon moment et au bon endroit. Le hasard était-il en cause? Ou était-ce les tentatives inlassables d'Etna qui espérait que Minerva perçoive que c'était bien un appel qu'elle lançait ? Leur première rencontre était-elle réellement due au hasard ?

- Minerva, quelle surprise.

Peut-être était-ce à cause de ses doutes, mais Minerva y sentait une fausse note dans sa voix lorsqu'elle prononça ces mots. Les deux adultes arrivaient derrière, un homme et une femme qui portaient un visage curieux mais avenant à Minerva.

- Minerva, voici mes parents. Papa, maman, c'est une amie de Poudlard, c'était ma capitaine de Quidditch.

Les yeux qu'Etna porta ensuite sur Minerva devinrent plus intenses, comme si elle essayait de lui faire passer un message. Son amie tenta de les déchiffrer alors qu'elle serrait la main à des parents souriants. "Voici mes parents, essaie de parler de mon copain" ?

- Ravie de vous rencontrer, fit la mère. On ne voit pas beaucoup les amis d'Etna, encore moins ceux du Quidditch.

- Hormis Leo, bien sûr.

- Leo ? répéta Minerva en saisissant l'occasion.

Probablement parlait-il du copain.

- Son meilleur ami, expliqua le père. Il vit dans le même quartier que chez nous. Ils traînent ensemble depuis leur enfance !

Etna sembla mal à l'aise.

- Je t'ai parlé de lui, celui qui habite aussi près du chemin de Traverse. La ruelle des sorciers errants...

Elle y ajouta un message silencieux qui, cette fois-ci, parut très clair : les parents ne sont pas au courant de la vraie relation entre Etna et le fameux Leo. Et vu le regard de son amie, ils ne devaient pas être courant de suite. Pourquoi cela ? Minerva l'ignorait encore, mais un nouveau mystère s'ajoutait à la longue liste qu'Etna traînait à sa cheville. Espérait-elle gérer cette situation sans l'aide de ses parents ? Minerva commençait à avoir l'esprit embrouillé.

- Il faut que vous veniez à la maison un midi, on serait ravie qu'une amie d'Etna nous rende visite.

- Tu n'as qu'à proposer à Leo de venir aussi, suggéra le père. Cela fait un moment qu'il n'est pas passé dire bonjour.

Etna sembla pâlir. Mais peut-être était-ce là la seule occasion qui permettrait à Minerva d'acculer Leo face aux parents. Qu'oserait-il faire face au père et à la mère de la victime ? Le repas n'aurait aucune chance de lui être agréable, surtout lorsqu'il verrait Minerva, et celle-ci s'en réjouissait d'avance.

- Je serais très heureuse de venir, assura-t-elle avec un sourire de remerciement.

La mère sembla agréablement surprise.

- Nous conviendrons d'une date alors ! sourit-elle sous le visage encore plus pâle de sa fille.

Un jour, il faudra lancer l'engrenage, Etna, songea Minerva en l'observant. Si tu ne peux pas le faire seule, je le ferai à ta place.

***


La maison des Stevenson était une belle bâtisse de pierres recouvertes de lierre verdoyant qui grimpait sur l'étage supérieur. Quelques marches menaient vers l'entrée, une magnifique porte de bois gravée.

Etna et Leo n'étaient étrangement pas encore arrivés, aussi ce fut Madame Stevenson qui l'accueillit avec un large sourire avenant.

- Cela me fait plaisir de voir enfin une amie d'Etna à la maison ! Entre, entre. Je peux te tutoyer, n'est-ce pas ?

Elle semblait tellement ravie, avec sa fossette qui ressortait dans le creux de sa joue, que Minerva se sentit obligée d'accepter. Elle lui tendit les fleurs en bredouillant des remerciements pour l'invitation, ce qui eut pour effet de mettre encore plus en joie la femme. M. Stevenson se leva du fauteuil dans le salon dans lequel il semblait engoncé depuis un moment pour la saluer d'une franche poignée de main.

- Etna et Leo devraient arriver sous peu. Etna avait une course à faire. Installe-toi donc !

Minerva s'assit de manière raide sur le bord du canapé, un sourire de convenance sur les lèvres. Elle rassembla ses mains entre elles sur ses genoux, puis passa ses doigts dans ses cheveux pour remettre une mèche derrière l'oreille, se racla la gorge, fit mine d'observer la pièce, cherchant une remarque à faire pour briser le silence.

- C'est très propre chez vous, dit-elle lourdement.

Pile à ce moment-là, des coups furent frappés à la porte, ce qui était plutôt étrange de la part d'Etna de prévenir de sa présence alors que c'était encore sa maison. Au moins, cela ramena Minerva à la réalité, et son cœur s'accéléra à l'idée de croiser enfin le regard de celui qui persécutait son amie. Les deux jeunes apparurent sous un esclaffement du père.

- Toujours collés l'un à l'autre vous deux ! C'est bien, c'est important les meilleurs amis.

Minerva croisa le regard d'Etna mais comme promis tacitement quelques jours plus tôt, ne dit rien. Son silence n'était qu'une question de temps, par égard pour son amie. Cependant un jour, elle informerait les parents de la problématique du couple de leur fille. Si Etna n'osait pas avouer à sa propre famille que Leo était en réalité son copain, c'était qu'elle avait conscience de sa toxicité. Elle espérait juste qu'Etna aurait le courage de s'en défaire avant l'intervention d'autrui, ou pire, avant qu'un drame ne se produise.

Etna détourna le regard et fit un sourire crispé à son père tandis que Minerva se tournait vers Leo, qui la fixait déjà. Comme prévu, c'était le même garçon qui lui avait ouvert la porte au 136, ruelle des sorciers errants qui se tenait dans la maison des Stevenson. Minerva ne put empêcher de dessiner un sourire en coin alors qu'il semblait se raidir. Sûrement, n'avait-il pas prévu de la retrouver ici. Il était presque satisfaisant de voir son regard virevolter de son visage à celui des parents, comme s'il s'attendait à ce qu'elle déballe tout devant eux. En les regardant entrer ensemble dans le salon, personne ne pouvait déduire du drame qui se jouait entre eux. Minerva se demanda également, puisque les parents n'étaient pas au courant de leur relation, où pensaient-ils qu'Etna vivait ? N'avaient-ils jamais souhaité voir l'appartement de leur fille ? N'avaient-ils pas des questions auxquelles elle était incapable de répondre ? Comment parvenait-elle à dissimuler cette double vie ? Peut-être qu'un repas familial en compagnie de Minerva et de Leo était trop pour elle finalement. Son mensonge serait bien plus exposé que d'habitude et peut-être qu'elle aurait souhaité avouer la vérité sans la présence de Leo, dont elle avait très certainement peur.

La table était mise, mais le placement avait été désigné comme libre. Avec un sourire innocent, Minerva prit soin de voler la seule place disponible à côté d'Etna alors que Leo s'apprêtait à s'y installer. Il ne dit rien mais Minerva remarqua un léger tic à son œil droit. Il prit une autre chaise sans un mot de plus. Sûrement n'appréciait-il pas de se retrouver à côté du père. Minerva n'apprécierait pas non plus si elle abusait mentalement et physiquement de l'enfant unique de la famille. Elle dressa un sourcil à son encontre ce qui le fit inspirer fort par le nez.

- Sers-toi, Minerva, n'hésite pas, fais comme chez toi, dit la mère en lui tendant un plat de pommes de terre.

Leo eut un haussement de sourcils dédaigneux et Minerva ne put s'empêcher de répondre d'un ton mielleux :

- Merci de cet accueil chaleureux.

- Alors, Minerva, que fais-tu dans la vie ? engagea le père alors qu'elle se servait allègrement.

- Je travaille au Ministère, au département de la Justice, répondit-elle d'un ton faussement enjoué, car il n'y avait aucune joyeuseté à donner cette information.

- Cela semble très intéressant.

- Ça l'est, mentit Minerva. On a à coeur le sens de la Justice, et puis on travaille avec toutes sortes de personnes, allant des avocats, à la police pour certaines affaires... C'est très divers !

Elle dégaina de derrière ses lèvres une rangée de dents innocentes à Leo qui ne montra aucune émotion. A côté d'elle, Etna paraissait tendue et grignotait passivement son déjeuner. Les yeux sombres du jeune homme sautaient d'une personne à l'autre. Lui non plus ne semblait pas serein. Globalement, Minerva ressentait une forme de tension de la part de tout le monde autour, sans savoir quelle personne craignait le plus l'autre. Probablement que les parents la ressentaient aussi, dans le silence lourd d'Etna et Leo, censés être meilleurs amis dans leur esprit.

Elle apprit que le père travaillait dans une entreprise de livraison magiques. Chaque colis envoyé par un sorcier devait effectuer un passage de transition dans son entrepôt pour vérification de sécurité. La mère, elle, s'occupait des enfants sorciers de parents trop occupés par leur travail.

- J'ai souvent des enfants d'employés du Ministère, ajouta-t-elle à l'intention de Minerva.

Celle-ci n'en doutait pas. Elle s'imagina avec des enfants en même temps que son emploi au Ministère, chose qui lui parut impossible. Elle en mourrait d'épuisement.

-Tu vis seule Minerva ? enchaîna rapidement la mère au point que la jeune fille se crut dans un interrogatoire. Pas de copain ?

- Heu, oui, je vis seule.

- Ah... qu'est-ce que vous avez tous à vivre seule ainsi ? N'est-ce pas triste ? Etna est pareille.

Minerva ne put s'empêcher de regarder son amie qui fixait sa mère. Minerva ne parvenait pas à lire son visage.

-Tu n'as personne toi non plus ? demanda Minerva, espérant tendre la perche.

- Non, elle n'a personne.

Minerva sursauta et se tourna vers Leo qui venait de prononcer ses premiers mots. Les deux se fixèrent pendant de longues secondes avant qu'il ne dessine un sourire sur ses lèvres en se tournant vers les parents.

- En tant que meilleur ami, je serais le premier au courant, sans vouloir vous offenser.

La plaisanterie atteint les parents qui s'esclaffèrent avant de plonger leur fourchette dans leurs légumes.

- Ah, Etna et ses secrets, fit le père en secouant la tête.

Etna était toujours silencieuse. Minerva sentait que quelque chose clochait. Un détail sur lequel elle ne parvenait pas à mettre le doigt. En tout cas, le malaise était là. Leo était raide sur sa chaise et elle entendait Etna respirer lourdement. Quelque chose d'autre n'allait pas.

***


Le déjeuner n'avait pas traîné. Leo et Etna étaient partis plus tôt, soit disant qu'ils avaient d'autres achats à faire ensemble alors qu'ils devaient probablement rentrer chez eux, dans l'appartement secret aux parents. Etna avait pris le départ digne de quelqu'un qui fuyait et Minerva eut comme le sentiment que c'était de sa faute d'une manière ou d'une autre. Elle avait finalement quitté la belle maison peu après, les parents la saluant de l'entrée avec le sourire. Minerva se demanda quand est-ce qu'elle verrait Etna pour la prochaine fois. Elle avait beaucoup d'autres questions à lui poser afin de dissiper tout doute. Son esprit ne parvenait pas à se concentrer sur son travail. Il arrivait même qu'Elphinston lui demande si Alfie en était la raison, puisqu'elle le voyait fréquemment et ressortait de leur rencontre avec des tensions plus que de l'apaisement.

Plusieurs jours plus tard, elle reçut une nouvelle lettre au Ministère, non pas d'Alfie ou d'Etna, mais de quelqu'un dont elle pensait ne plus jamais avoir de nouvelles.

« Bonjour Minerva, j'espère que tu te portes bien.

J'ai appris que tu avais intégré le Ministère, à la Justice apparemment ? Toutes mes félicitations. Ma lettre doit te surprendre un peu. A vrai dire, si je n'avais pas croisé le chemin de ton ancienne coéquipière de Quidditch Stevenson, je n'aurais pas pensé à te contacter. Je me suis dit qu'il serait bien de prendre de tes nouvelles, après tout ce temps. Si jamais tu ne le souhaites pas, sache que j'aimerais te parler de quelque chose concernant Etna. Cela me paraît important.

J'attendrai ton hibou,

A bientôt j'espère,

Lewis
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