PRISONNIER ✴ 23 ANS ✴ ITALIEN ✴ IRLANDAIS ✴ PERDU DANS SES ERREURS ✴ CHERCHE UNE ISSUE
Explorant le camp des Proies✴ Avec Maggie (Naji2807) ✴ Proie
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La forêt commence à s'éclaircir, je touche au but. Les feuillages autour de moi se font moins denses, je devrais bientôt apercevoir notre camp. Je n'ai pas daigné une seule fois me retourner depuis que j'ai quitté la prairie blanche, je n'ai pas pensé à autre chose que courir, encore et toujours. J'ai besoin de pouvoir réfléchir un moment sur les événements, et, pour ça, j'ai besoin d'être seul. J'ai le mauvais pressentiment qu'à partir de maintenant nous ne seront jamais réellement tranquilles où que l'on soyons dans l'arène. Vérifiant que mon équipe est encore loin derrière, je ralentis le pas, reprenant mon souffle, et, petit à petit, mes esprits.
Courir m'a toujours fait du bien, me permettant d'évacuer mes problèmes. Mais, aujourd'hui, j'ai bel et bien conscience que je ne pourrais pas courir indéfiniment. J'ai délibérément choisi de me plonger dans ces Jeux sans savoir à quoi je devrais faire face, simplement dans l'espoir de revoir un peu à quoi ressemblait le monde extérieur, me sentir enfin libre de bouger comme je le voulais, libre de vivre à nouveau. Ou de nouveau vivre. Ai-je été fou d'avoir espoir en Nihil ? J'ai l'impression d'être encore plus prisonnier qu'avant. Tout ce que je désirais, c'était pouvoir recommencer à zéro, sans même caresser l'illusion de pouvoir faire partie de ma famille comme s'il ne s'était rien passé, simplement pouvoir vivre comme tout le monde, sans que l'on ne me prenne pour un monstre, une bête folle de rage meurtrière.
La prison, c'est un lieu à part, isolé du reste du monde. Tu purges ta peine, tu fais ce qu'il faut pour garder un semblant d'identité malgré les coups ou tu plonges dans la violence pour survivre. Comment ta peine s'est passée, que tu aies été violé ou que tu aies été le violeur, que tu ais démoli des crânes ou que tu te sois gentiment laissé tabasser pour un bout de pain, tout le monde s'en fiche, l'essentiel c'est que ce que tu as fait avant et été pardonné, d'une manière ou d'un autre. J'ai choisi de sombrer. Tout seul. Rien que de penser à tous les coups que j'ai donnés...c'est comme si je me les donnais à moi-même. Je ne cessais de me répéter que je faisais ce qui devait être fait pour survivre, pour passer cette épreuve. Ai-je vraiment survécu, ou n'ai-je fait que me tuer à petit feu ? Que restait-il réellement du Antonio que j'ai un jour connu quand je m'arrangeais pour que personne ne vienne me défier ? Que reste-t-il de ce que j'ai été maintenant ? Je ne suis même plus l'ombre de moi-même, je ne suis qu'une ombre. Une ombre dont le seul nom suffit pour dire que je ne vaux plus rien.
J'ai cru que Nihil pourrait m'offrir la liberté, le salut, ils ont bien dû se rire de moi : je suis plus prisonnier que je ne l'ai jamais été. Je rirais presque de moi si je n'étais pas aussi désespéré. Qu'ils étaient beaux et insouciants mes rêves de détenu ! Une nouvelle vie, une nouvelle existence, un nouveau Antonio, un vingtenaire qui pourrait marcher dans la rue sans évoquer des regards de méfiance, de répulsion ou de crainte. Je ne désirais rien qu'une chance, une opportunité de montrer que je voulais effacer mes erreurs, être un citoyen modèle, vouloir le bien d'autrui. Et la première chose que l'on m'annonce quand je quitte enfin les barreaux de ma prison, que je peux enfin savourer l'air extérieur, c'est qu'il faut maintenant que je retourne en prison ? Une autre, bien plus attrayante, verdoyante, accueillante, aussi belle qu'annonciatrice d'horreurs...
Mon souffle haché par la course se fait de nouveau saccadé, mais pour une toute autre raison désormais. Je passe le dos de ma main sur mon visage, il en ressort humide. Je me suis réellement mis à pleurer ? Mon anxiété doit être plus importante que ce que je pensais, je n'ai plus pleuré depuis des années, encore moins de manière aussi impromptue. Mais est-ce vraiment étonnant au vu des événements que mes larmes se mettent à couler et mes mains à trembler ? J'ai l'impression d'enfin m'apercevoir que je suis au bord d'un précipice qui me ferait sombrer dans la folie. La moindre brise suffirait à ce que je perde l'équilibre et que je chute. Fallait-il vraiment que Nihil me pousse jusque dans mes retranchements pour que je me rende compte que je suis complètement perdu ? Ou alors, en réalité, ils n'ont rien eu d'autres à faire que de ramener hors des murs isolés de la prison pour me montrer à quel point je me suis moi-même perdu sans l'aide de quiconque ? Je n'ai plus rien de ce que j'étais, de ce que j'ai un jour pu être, encore moins de ce que j'aimerais devenir. Je ne suis plus rien.
Me laissant glisser contre un arbre, j'abandonne ma marche vers le camp. Je ferais probablement mieux de me laisser pleurer, cela fait bien trop longtemps que je me retiens de laisser exprimer une quelconque émotion qui montrerait que je suis aussi vulnérable que les autres. La tête enfouie entre mes genoux, je laisse mon corps dicter sa propre voie, abandonnant les défenses que j'ai hissées depuis bien trop longtemps autour de moi-même.
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Combien de temps s'est écoulé exactement quand je redresse enfin la tête ? Je l'ignore, mais la nuit approche. Je n'ai entendu personne approcher, mais les Proies ne devraient pas tarder à atteindre le camp. Je devrais les rejoindre, nous n'allons pas tarder à devoir prendre des décisions tous ensemble.
Pleurer m'a libérer d'un soudain poids, plus que ce que je ne l'aurais espéré. Je l'esprit plus léger, plus clair. Je me trouve non plus au bord du précipice, mais simplement à un carrefour. Et je sais désormais avec certitude quel chemin je dois prendre, même si cela signifie aller à l'encontre de toutes les règles de la Chasse. Je ne peux pas me permettre de blesser qui que ce soit. Je ne supporterais pas l'idée que ma vie soit déterminée par la fin d'une autre. Peu importe qui tient les dés, qu'ils soient pipés ou non, je me refuse à l'idée de faire souffrir qui que ce soit d'autres, de redevenir cet Antonio violent, impulsif, bestial. Je refuse de participer aux Jeux, tout comme Nathan refuse d'y participer. Nathan...si seulement son souhait était possible. J'aimerais tant moi aussi que tout le monde se refuse à attaquer son voisin. Que ces Jeux ne puissent pas avoir lieu parce que l'ensemble des participants auraient refusé d'y prendre part. Mais nous avons déjà eu un mort, cela ne fonctionnera jamais. Ma décision est néanmoins prise : je ne prendrais pas part au combat. Mon seul rôle durant ces Jeux sera de survivre, c'est tout. Et si jamais on venait à m'attaquer...je verrais ce que je ferais alors, mais mieux vaut ne pas y penser. Je rejette l'idée de me battre contre quiconque.
Mes larmes effacées, je m'autorise enfin à sortir des bois et à entrer dans notre camp. Entre les ruines, j'aperçois quelques uns des membres de mon équipe. J'ignore exactement à quoi ressemble le camp des Proies, mais le nôtre semble immense, je doute que nous manquions de quoique ce soit contrairement à ce que nous raconte Finley. Les armes, ce n'est plus mon problème, mais pour ce qui est de vivres, je peux gérer.
Alors que je commence à inspecter la première maison en ruine du village, une voix m'interpelle, me faisant sursauter. Quelques secondes me suffisent pour reconnaître la jeune fille. C'est celle qui s'efforçait à essayer de forcer la porte de la salle du projecteur et qui insistait pour que l'on s'attaque directement aux Prédateurs toute à l'heure. Je n'irai pas dire quelle semble folle parce qu'au vu de ma situation, je suis mal placé pour la juger de quoi que ce soit. Elle a simplement l'air un peu hystérique, mais je ne peux pas lui en vouloir au vu de la situation, je ne suis pas des plus sereins non plus, même si mon esprit est un peu plus apaisé maintenant que j'ai un peu pleurer.
- Bien sûr qu'on va s'entraider, on forme une équipe, convins-je avant de me tourner dans la direction qu'elle avait indiqué pour découvrir le visage du garçon qui a accidentellement entraîné la mort du jeune de l'avion. Fronçant les sourcils, je me tourne de nouveau vers elle. Pourquoi voudrais-tu qu'on le surveille ? Il n'a jamais voulu la mort de ce garçon.
Je n'ai aucun problème avec le fait qu'elle veuille faire en sorte d'unir un peu l'équipe, parce que ça ne semblait pas être vraiment encore ça toute à l'heure dans la prairie, il suffisait de voir le temps qu'il nous avait fallu pour partir, et, encore, ce n'était pas bien synchrone. Je ne désire clairement plus prendre part à un quelconque combat, mais ça ne m'empêchera pas d'aider mon groupe à survivre. Chercher des vivres, puiser l'eau, gérer notre camp, ça ne requiert pas de faire mal à quiconque. Pour sûr, il faut que nous nous rassemblions pour nous occuper de la répartition des tâches, mais je ne comprends pas pourquoi elle a l'air de se méfier de ce gars. Tous les participants de la Chasse ont bien vu qu'il n'y était pour ce qui était arrivé. Alors pourquoi le croit-elle pour autant coupable ?