Avec toi - Terminé [young adult/Romance]

Postez ici tous vos écrits qui se découpent en plusieurs parties !
Asco20

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Asco20 »

J'aime trooop ! Il faut le suite ! Est ce que tu publiras un chapitre mardi du coup ??
J'aime beaucoup le personnage de Enola et Léo ! J'avoue que je n'ai pas trop trop aimé Antoine...
J'ai été consterné pat l'attitude de Lucie envers sa cousine !
Ton histoire est super, car il y a un beaux suspens que tu as réussis a installer ! Est ce que Leo et Enola vont finir ensemble ? Est ce que Les autres personnages vont découvrir sont identitée...
Bref, c'est super et j'ai hate de lire la suite !
Biz :)
laetitiavolpi

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par laetitiavolpi »

Hey ! :D

Encore une fois, je suis sortie de ton chapitre avec un immense sourire. Tu as un super pouvoir, je crois... ;) Merci beaucoup pour ces moments de lecture insouciante, ils sont incroyablement précieux.

Tu écris définitivement très bien. Tout est travaillé juste comme il faut : les descriptions, les personnages, l'action, l'humour, le suspens. On sent venir les choses (le duel final entre Léo et Nola) mais finalement ça ne se passe jamais exactement comme on s'y attendrait.
J'aime beaucoup voir Nola s'affirmer, oser et révéler sa spontanéité. Ca met vraiment du baume au coeur, je crois que ça nous rappelle à toutes les fois où on a pas osé et à quel point c'est sexy une fille bien dans sa peau et avec les autres. Plus sexy même que ses courbes ou que son visage. Ton histoire redonne espoir, nous donne envie de nous secouer et de partir à la conquête de nos rêves comme Nola. S'il y a des ronces et des araignées géantes sur le chemin ça n'en sera que plus palpitant !

Je comprends ce que tu voulais dire concernant Louise, on s'attache à ses personnages même quand ils sont fondamentalement néfaste. Je comprends bien aussi que l'amitié a ses mystères et que celle de Louise et d'Enola est le fruit de la grande tolérance de cette dernière. Je ne suis pas sûre que Louise soit fondamentalement méchante, juste qu'elle est un peu égocentrique et que la maladresse d'Enola la rassure d'une certaine façon. Ce n'est pas très glorieux, mais c'est humain après tout ... Néanmoins, la façon dont elle a parlé de Nola dans son dos (sur le fait qu'elle n'osait pas dire ce qu'elle pensait aux autres) me la rendue un peu plus sympathique. Je ne crois pas qu'elle pense à mal en disant cela à Lucie, pour moi elle dépeint juste les failles de son amie... J'ai hâte de voir l'évolution de leur relation. J'espère que l'affirmation qu'est en train de gagner Nola lui permettra de rétablir un peu d'équilibre dans celle-ci.

Je sens que la relation Léo-Lucie bascule, j'ai hâte de savoir ce que tu nous as préparé !

Merci encore pour cette histoire si belle et lumineuse, elle fait vraiment du bien (et il me semble que c'est important). Je te fais des bisous en attendant mardi soir ! :D
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Merci pour vos retours ça me touche d’autant plus que je fête aujourd’hui mon anniversaire et que cette journée est remplie de bonnes ondes et d’amour !

Je vais faire mon maximum pour publier ce soir mais je vous avoue que je ne suis pas sûre de pouvoir me relire et me corriger correctement après une (ou deux) coupes de champagne ! (Avec modération bien sûre ! ) Sinon demain sans faute !

Je vous souhaite à tous une agréable fin de journée et je vous dis à ce soir (ou demain !)
AstraD

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par AstraD »

Joyeux anniversaire en retard !!!
Et franchement il n'y a rien à redire :ugeek: ! Ah si pourquoi tu mets une majuscule pour le verbe de parole ?
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Mercredi 1er juillet

Le coup du musicien

Quand elle se réveilla le lendemain, la matinée était déjà bien entamée et la chambre était toujours vide. Poisseuse, Enola prit sa douche en prenant soin de fermer préalablement la porte de la salle de bain à clé. Elle se brossa et sécha ses cheveux. Se sentant un peu plus présentable, elle fit un chignon haut et désordonné qui lui donnait un petit côté espiègle. Sa peau était halée par la journée qu’elle avait passé au grand air et de petites taches de rousseurs apparaissaient ici et là sur ses pommettes. Elle était épuisée et son corps frissonnait à chaque petit courant d’air. Vidée d’énergie, elle ne résista pas à la tentation de son édredon chaud et réconfortant. Plus tard, quelqu’un vint toquer à la porte de la chambre. Elle grommela un vague “oui” sous sa couverture.

- Agatha, tout va bien? On ne t’a pas vu depuis ce matin, on se demandait où tu étais passée.

Enola ne s’attendait pas à entendre la voix d’Antoine. Elle se redressa brusquement et sa tête lui tourna. Le jeune homme était entré dans la chambre et la détailla du regard. Elle avait la terrible impression qu’il pouvait voir à travers la couverture. Heureusement, elle avait pris la peine d’enfiler un t-shirt et une culotte avant de se recoucher.

- Oui, oui ça va ! Enfin je crois, c’est juste que je me sens fatiguée et j’ai un peu froid. J'ai dû attraper le coup du musicien. Répondit-elle en remontant un peu plus la couette sur elle.

Il fit un signe de la main vers le lit en demandant:

- Je peux m’asseoir?

Enola hésita. Elle n’y tenait pas vraiment. Sans attendre son accord, il prit place dans le coin du lit et l'interrogea :

- Le coup du musicien?

Elle passa sa main sur son front d'exaspération et se redressa un peu plus en se forçant à sourire :

- C'est une expression de ma famille, une histoire de fanfare en pleine canicule et de pauvres musiciens attrapant une insolation.
- Il faut croire que tes acrobaties dans l’eau t'ont porté la guigne. Tu devrais venir dehors, il fait beau et chaud ! On a mangé des grillades ce midi et cet après-midi chacun est libre de faire ce qui lui chante !
- Je ne sais pas, je me sens un peu patraque. J'aimerai me reposer un peu là.

Elle avait effectivement la tête qui tournait et n’aspirait qu’à rester sous sa couette. Elle était tellement fatiguée qu’elle ne réagit pas tout de suite quand le garçon se pencha vers elle pour poser sa main sur son front.
Léo passa devant la porte de sa chambre à ce moment là et émit un bruyant son de gorge.

- Que se passe t-il ici ? Demanda t-il avec une voix dure qui ne lui ressemblait pas.

Il remarqua la mine éteinte d’Enola et l’inquiétude marqua son visage. Antoine s’éloigna de la jeune fille, visiblement déçu d’avoir été interrompu et répondit à Léo :

- Je crois qu’Agatha a pris un coup de chaud hier, elle a de la fièvre.

Tout ce que souhaitait la jeune fille à cet instant, c'était de la tranquillité. Moi qui me plaignait de ma solitude...Songea t-elle avec ironie.

- Les garçons s’il vous plait, j’ai vraiment besoin de repos là. Je vous rejoins tout à l’heure d’accord ?
- Viens Koronix, laissons la. Lança rudement le jeune homme brun. Repose toi Agatha. continua t-il d’une voix plus douce qui fit frissonner Enola de plus belle.

Antoine fit mine de se rapprocher d’elle pour lui faire un baiser sur le front mais elle remonta sa couette sur son nez. Il se contenta de lui serrer le bras et se leva du lit pour rejoindre Léo resté, les traits crispés, sur le pas de la porte.
Enola s’endormit dès qu’ils eurent quitté la chambre. Elle émergea deux heures plus tard et constata un verre de jus d’orange, des cachets contre les maux de tête et un bol de soupe encore chaude sur sa table de chevet. Elle songea que Mysteria ou Louise avait dut passer pour les lui déposer mais un petit mot attira son attention.
“A trop vouloir jouer aux grenouilles on finit en barbouille”
La rime était nulle mais elle fit sourire Enola qui se sentait déjà un peu mieux. Elle se rembrunit quand elle réalisa que Léo était sans doute entré dans la chambre alors qu’elle dormait et qu’elle devait avoir eu l’air ridicule.
Après avoir avalé sa collation et les cachets, elle s’habilla pour rejoindre ses amis.

Quand elle arriva dans la grande salle, celle-ci était vide et silencieuse. Elle se rendit sur la terrasse et ferma les yeux, profitant de la douce chaleur estivale sur son visage. Une délicate brise lui caressait les joues. Elle inspira profondément et fut transportée par un parfum d’humus, de terre, de mousse et de feuilles gorgées de soleil. Elle rouvrit les yeux, et un mouvement attira son regard du côté de la grange. Léo était accoudé à une barrière et observait avec attention des oies qui se chamaillaient dans l’enclos. Elle sourit et alla le rejoindre.

- La grenouille te remercie pour les petites attentions. Lui lança t-elle dans le dos.

Il se retourna brusquement et lui fit un sourire à tomber par terre.

- Agatha, tu m’as surpris ! Tu as l’air d’aller mieux. Dit-il en la jaugeant de haut en bas.
- Oui, je pense que ce n’était qu’une petite insolation, où sont les autres ? Répondit-elle en s’appuyant à son tour contre la barrière.
- Ils sont partis en ville, apparemment il y avait une fête de village quelque part et ils ont parlé de manger du boudin. Dit-il en riant.
- Tu n’es pas parti avec eux? S’étonna la jeune fille. Ça a pourtant l’air d'être tout un programme de manger du boudin !
- Disons que Myst m’a expressément demandé de rester ici, pour te surveiller. Lança t- il soudain mal à l’aise.

Sacrée Mystéria...

- C’est injuste, tu n’étais pas obligé d’accepter ! J’aurai pu rester seule ou quelqu’un d’autre serait resté !

Enola se sentit coupable d’avoir privé Léo d’un si belle après-midi.

- Quelqu’un d’autre comme Antoine par exemple? Hasarda Léo nonchalamment.
- Euh, je pensais surtout à Louise en fait. Rougit la jeune fille ne sachant pas trop comment prendre la remarque du garçon.

Il s’agita nerveusement et ajouta:

- Non enfin je veux dire, j'ai cru... Vous aviez l’air très proche dans la forêt. Je pense qu’il aurait été ravi de veiller sur toi. Il s’est proposé mais Mysteria a insisté pour qu’il vienne avec eux pour s’intégrer au groupe.

Il toussota, semblant gêné et détourna le regard. Sans laisser le temps à Enola de répondre, il poursuivit :

- Et Louise semblait très occupée avec Tiboy si tu veux mon avis. Je suis sûr que ta cousine aurait voulu rester mais Frosti s’est plaint en lui disant qu’elle passait trop peu de temps avec eux et il l’a embarqué.

Enola émit un petit rire sans joie qui surprit Léo.

- Tu n’as pas l’air très proche d'elle, je me trompe ?
- Disons qu’elle et moi ne partageons pas grand chose. Si ce n’est notre goût pour les garçons ! songea t-elle caustique . Nous n’avons jamais passé beaucoup de temps ensemble, reprit-elle avec amertume.

Léo la dévisagea un moment, tentant sûrement de comprendre la relation entre les deux jeunes filles. Il prit une inspiration et lança :

- Je peux te parler franchement ?
- Bien sûr. Acquiesça t-elle avec étonnement.
- Je crois comprendre que tu n’as pas très envie de parler d’Enola mais je ne sais pas à qui je peux me confier. Tout le monde l’adore dans la guilde, elle un membre indispensable à la famille. Moi je viens juste d’arriver et j’ai peur que si je me confie à un des membre sur ce que je ressens je me fasse mal voir. Elle est la prunelle des yeux de Christelle et Laurent et je crois bien qu’elle ne laisse pas de marbre Frosti. Toi et moi on se connait depuis longtemps, (Il perçut son regard étonné et continua) Enfin on ne se connait pas vraiment mais on s’est plus ou moins côtoyé au lycée. J’ai l’impression que je peux me confier à toi...

Il grattait nerveusement du lichen qui s'était fondu dans le bois humide de la barrière. Il lança un regard inquiet vers la jeune fille, attendant sûrement une intervention de sa part mais comme celle-ci restait silencieuse il poursuivit :

- Quand je suis avec ta cousine, j’ai beaucoup de mal à retrouver la Nola dont j'ai fais la connaissance sur le jeu et je me sens coupable parce que je lui ai promis qu’elle ne me décevrai jamais. La réalité c’est qu’une part de moi ne s'attendait pas à ça, elle est magnifique et drôle mais je n’arrive pas à la reconnaître. C’est comme si la Enola de la vraie vie et la Nola du jeu étaient deux personnes différentes.

Il lui lança un regard gêné et constatant son air triste. Il essaya de se rattraper :

- Excuse moi, je ne devrais pas te parler de tout ça. C’est juste que j’avais besoin de parler avec une amie et j’aime discuter avec toi.

Le cerveau d’Enola tournait à mille à l’heure. Elle s'attendait presque à ce que Léo remarque de la fumée sortir de ses oreilles. Son nouveau statut de confidente du beau gosse de Mariette ne lui plaisait pas du tout, et ce même si une part d’elle se sentait flatté. Elle avait encore une fois l’impression de n'être qu'un faire valoir auprès de son entourage, la bonne copine avec qui il est facile de discuter. Léo attendait-il d’elle qu’elle lui donne des conseils sur sa relation biaisée avec sa cousine? D’un autre côté elle se sentait coupable, Léo avait clairement remarqué la différence entre elle et sa cousine et elle ne pouvait pas lui en vouloir de se poser des questions. Ignorant quoi lui répondre, elle continuait à fixer les oies de l’enclos. Elle sentit la main de Léo se poser délicatement sur son épaule et tourna la tête vers lui:

- Tout va bien ? Tu as encore froid? Tu veux qu’on rentre?

Elle ne pu s'empêcher de lui sourire. Ce garçon était bien plus charmant qu'elle ne l'avait imaginé, il était tellement plus que "le beau gosse de Mariette"...

- Non ça va, ne t’inquiète pas. Je réfléchissais. Tu sais, je pense que, parfois en ligne, les gens jouent inconsciemment un rôle, une version d’eux même qu’ils aimeraient être dans le monde réel ou du moins, ils font ressortir des traits de caractère qu’ils n’osent pas assumer dans la vrai vie.
- Tu veux dire qu’Enola aimerait être plus… enfin moins... extravertie dans la vie réelle? Sur le jeu, Nola a son petit caractère, elle est vive, piquante. Mais elle a aussi un côté doux et vulnérable qu’elle essaie de ne pas montrer. Je crois que c’est ce que je préfère chez elle et c’est justement ça que je n’arrive pas à retrouver ici. J’ai l’impression qu’elle ne me fait pas assez confiance pour baisser sa garde.

Il semblait sceptique et cela amusa Enola. La clairvoyance de Léo concernant Nola la déconcertait. Il avait décelé chez elle des choses que la jeune fille s'efforçait de cacher quand elle jouait.

- Non, ce que je veux dire c’est que ma cousine peut être parfois déroutante et difficile à suivre.

Ils restèrent silencieux un long moment, bercés par le gazouillis des oiseaux et la caresse du vent s'engouffrant dans l'épais feuillage des arbres.

- Qu’est ce que tu as prévu l’année prochaine? Tu vas à la FAC ?

Enola s'étonna du changement de conversation mais elle fut soulagée de ne plus parler de Lucie.

- Non, je crois que les études et moi ne sommes pas trop faites pour être ensembles. Ma mère est persuadée que j’ai postulé à la FAC d'Arras et mon père veut absolument que je vienne en Région parisienne.
- Et toi, qu’est ce que tu veux vraiment?

Elle ne répondit pas tout de suite et s’assit dans l’herbe au pied de la barrière, personne ne lui avait jamais demandé ce qu'elle souhaitait réellement faire de sa vie. Léo en fit de même. Il ne la lâchait pas du regard.

- J’adore la côte d’Opale, l’odeur de ses dunes et de sa végétation qui danse au gré du vent, ses couleurs, ses sons et sa météo changeante au fil de la journée, le soleil qui perce les nuages en fin d’après-midi et qui baigne le rivage d’une lumière chaleureuse, la mer qui semble si bleu de loin et qui est pourtant si brune et mystérieuse, la forêt plus en retrait qui protège la côte comme une barrière face au reste du monde. J’aime prendre un livre et m’asseoir sur la digue pour lire, voir les plaisanciers râler contre la pluie et le vent, sentir les effluves de la mer et observer l’écume se briser sur le sable fin. Je ne suis pas faite pour la vie parisienne. Je voudrais juste profiter de tout ça, me trouver un petit travail tranquille et voir ce qu’il se passera ensuite.

Elle avait décrit la côte comme on peignait un tableau, Léo pouvait voir et sentir toutes les couleurs et les odeurs rien qu’en imaginant ce qu’elle venait de dépeindre. Il la trouvait attendrissante. Elle leva son regard azuré dans sa direction et cela le troubla. Sans s'apercevoir de son émotion, elle demanda l'air mutin :

- Et toi ? Qu’est ce que Monsieur Parfait a décidé de faire l’année prochaine?
- Encore ce Monsieur Parfait? Demanda t-il dans un sourire au charme ravageur.

Elle haussa les épaules avec amusement et il poursuivit, l'air soudain hésitant à se confier :

- J’ai été accepté pour faire un Master en sciences de la mer à Dunkerque et en rentrant sur la côte je vais travailler en tant que soigneur à l’Aquarium de Nausicaa à Boulogne. J’y ai fais un stage d’été l’année dernière et ils m’ont proposé de revenir sous contrat une fois mon BAC en poche. J’aime la Côte d’Opale, mais ce dont je rêve le plus au monde c’est d’aller étudier la biodiversité marine sur la Grande Barrière de Corail.

Il s’était illuminé et son enthousiasme était contagieux. C'était comme découvrir une nouvelle personne. Le jeune homme populaire et adoré de tous avait fait place à un Léo rêveur, passionné, doté d'une pudeur qu'elle ne lui soupçonnait pas. Enola avait toujours été intimidée par ce garçon qui avait habité ses rêves et ses désirs les plus intimes pendant toute son adolescence et pourtant, cette fois-ci, elle ne s'était jamais sentie aussi proche de lui. Plus elle apprenait à le connaitre, plus Léo la surprenait, et pour la première fois en trois ans, elle avait l'impression d'être son égale.

- C’est vraiment chouette, je suis certaine que tu seras comme un poisson dans l’eau à l’aquarium. Lança t-elle en lui tapant gentiment sur l’épaule et riant de son propre jeu de mot.
- Ou comme une grenouille sur son nénuphars, répliqua t-il en lui chatouillant le creux des reins.

Enola se crispa mais il ne sembla pas s’en apercevoir, elle se refermait toujours comme une huître quand quelqu'un tentait de toucher son ventre potelé. Il prit son léger mouvement de recul pour du défi puis recommença. Chatouilleuse, elle ne put s'empêcher de rire en essayant de repousser ses assauts :

- Je t'en supplie arrête ! Gloussa t-elle sans retenue.
- Tu plaisantes, maintenant que je sais que tu es chatouilleuse tu peux être sûre que je ne vais pas te lâcher !

Elle se retrouva allongée dans l’herbe sans même s’en rendre compte. Léo était au dessus d’elle et continuait ses assauts de guilis, ils riaient comme deux enfants et Enola en oublia complètement d'être gênée. Quand ils furent tout deux à bout de souffle, Léo s’allongea à côté d’elle et ils observèrent les nuages, un sourire radieux sur les lèvres.
La jeune se trouvait sur l’un d’entre eux, dérivant au gré du vent et des courants du ciel. Jamais elle n’avait imaginé passer des moments comme celui-ci avec le beau Léo James de Mariette. Son cœur se serra en songeant qu’il ne voyait en elle qu’une amie et confidente mais elle se persuada qu’elle pouvait se contenter de ça. Quand cette semaine se terminerait, tout le monde rentrerait chez soit. Lucie couperait les pont avec Léo comme elle l’avait dit et Enola et lui pourraient rester amis. Cette pensée agréable fut aussitôt chassée quand Enola se rappela que pour Léo elle était Agatha. Si il venait à découvrir qu’elle lui avait menti sur son prénom et son identité, il ne lui adresserait certainement plus la parole.
Elle se redressa, Léo en fit autant. Elle devait être échevelée et dans un drôle d'état car Léo retira un brin d’herbe perdu dans sa chevelure flamboyante. Sa main resta plus longtemps que nécessaire sur sa mèche et elle cru un instant qu’elle avait une bête dans les cheveux. Léo plongea son regard dans celui de la jeune fille, leur visage étaient très proches. Enola sentait l’odeur boisée et délicate du jeune homme parfaitement accordé au doux parfum de la forêt. Son cœur s’emballa, elle déglutit. Léo se pencha vers elle et Enola ferma instinctivement les yeux.
Des éclats de voix s’élevèrent dans la cour, rompant la magie du moment. Les autres revenaient de leur balade en ville.
Enola sursauta comme prise en faute et se releva rapidement tandis que Léo restait assis sur l’herbe, l’air désemparé.
Après les avoir tous rassuré de son état, elle leur demanda des détails de leur après midi. Frosti, qui tenait Lucie par les épaules, lui raconta à grands coup de gestes et avec une intensité de voix démesurément forte ce qu’ils avaient fait. Enola comprit rapidement avec amusement que certain d’entre eux avaient un peu abusé des dégustations d’alcool. Léo les avait finalement rejoint et regardait d’un œil mauvais Frosti et Lucie. Celle-ci avait l’air aussi éméchée que son partenaire et ne semblait pas du tout mal à l’aise d’être aussi proche de lui devant Léo. Elle gloussait à ses blagues comme une adolescente énamourée et lui déposa un baiser sur la joue quand elle le lâcha pour aller se rafraîchir sans même un regard pour le pauvre Léo qui les observait la mine sombre. Son air déconfit peina tellement Enola qu'elle hésita un instant à lui dire un mot réconfortant. Elle n'eut pas à réfléchir trop longtemps car Antoine se planta devant elle tout sourire: Ses joues étaient rouges et son haleine chargée d’alcool.

- On dirait que notre grande gagnante de la veille va beaucoup mieux ! Avoue que tu ne voulais pas partager le repas avec le petit peuple !

Il lança un coup d’oeil à Léo et haussa la voix:

- Vous vous êtes bien amusés ici tous les deux? Arca il ne faudrait pas que tu fasses des infidélités à notre Enola avec sa jolie cousine. Lança t-il en riant bêtement.

Enola fronça les sourcils et vit Léo blêmir. Agacée, elle murmura les lèvres pincées :

- Tu devrais rentrer et te débarbouiller un peu...

Il la regarda un instant de ses yeux vitreux embués d’alcool, puis il éclata de rire sans raison. Enola songea qu’elle préférait très nettement le Antoine de la veille, réservé et timide. Elle se demanda si elle avait bien fait de lui donner si rapidement son amitié. Elle avait tellement peu l’habitude qu’on s'intéresse à elle qu’elle accordait sa confiance un peu trop facilement.

***



Une bouteille à l’amer


La soirée se passa dans le calme, les éméchés de l’après-midi décuvaient tranquillement en jouant à des jeux de sociétés. Heldadras, Mysteria et Sigrid étaient re-partis en ville, ils étaient fans d’un groupe has been des années 80 qui devait se produire le soir même à la fête du village. Tiboy avait invité Louise au restaurant et les dix autres compagnons avaient préféré rester tranquillement au gîte.
Antoine s’était excusé auprès de Léo et d’Enola, après avoir dé-saoulé il était redevenu le garçon gentil de la veille. La jeune fille aimait passer du temps avec lui quand il était comme ça. Elle n’avait pas l’habitude d’avoir des amis masculins et appréciait particulièrement sa compagnie.
Après une partie particulièrement animée de Pictionary, Lucie, qui avait l’air de s’ennuyer, insista pour jouer au jeu de la bouteille pour pimenter un peu la soirée.

- Je n'ai pas joué à ce jeu depuis le collège ! Plaisanta Frosti, une bière à la main.
- Ce n’est pas un jeu pour les gamins? Demanda prudemment Antoine.
- Allez, ne faites pas les rabats-joie ! On va rigoler !

Enola n’avait pas revu Lucie aussi enthousiaste depuis le soir où elles avaient échafaudé leur plan. Elle était un peu inquiète pour la suite. Encouragés par la jolie brune, ils s’installèrent tous en cercle autour d’une bouteille vide. La jeune femme expliqua les règles même si celles-ci paraissaient plus qu’évidentes :

- La bouteille tourne, tombe sur vous, vous choisissez action ou vérité. Celui ou celle qui a fait tourner la bouteille doit vous poser une question ou vous donner un gage. Si un des gages concerne une action à faire avec une autre personne, on relance la bouteille pour désigner la deuxième victime ! Vous n’avez bien entendu pas le droit de refuser et si vous le faites, vous serez de corvée de vaisselle pour le reste de la semaine !

Enola lança un regard circulaire autour d’elle. Les cinq joyeux lurons comme les appelait affectueusement Mysteria, avaient refusé de jouer et s’affrontaient à la console derrière eux. En réalité, ils s’appelaient respectivement Gulduk, Guldak, Guldok, Guldek et Guldik sur le jeu et restaient la plupart du temps entre eux virtuellement comme dans la vie réelle. Enola n’avait d’ailleurs pas réussi à retenir leurs vrais prénoms mais elle se promit de leur re-demander plus tard dans la soirée. Frosti avait l’air pressé de commencer à jouer, Antoine tripotait la bouteille nerveusement et Léo fixait Lucie, songeur. Antoine l’interrogea :

- Concernant la teneur des questions et des gages, quelles sont les limites?
- On est tous majeurs ou presque, à part des choses dangereuses je pense qu’on peut inclure quelques questions et actions indiscrètes non? Ah et comme nous sommes ici pour mieux nous connaître dans la vraie vie, je propose qu’aucunes des interactions ne concernent le jeu, ça vous va?

Bah voyons, comme c’était pratique, Songea Enola. La jeune fille était nerveuse, ce jeu initié par sa cousine ne lui plaisait pas du tout. Malheureusement pour elle, les garçons avaient encore une fois tous été charmé par Lucie et acquiescèrent avec enthousiasme.

- Très bien, Antoine, puisque tu as la bouteille en mains, à toi l’honneur de la faire tourner et de poser le premier gage ! Lança Lucie en tapant dans ses mains d’excitation.

Il rougit et fit pivoter la bouteille au milieu du cercle. Elle s'arrêta face à Frosti qui s'esclaffa.

- Ok Frosti, action ou vérité?
- Action !

Antoine réfléchit un instant puis montra la bouteille de bière dans la main de Frosti.

- Cul sec du reste de ta bouteille !
- Ahah trop facile !

Il fit mine de trinquer et avala le reste de sa bouteille d’une traite. Quand il eut terminé, il éructa bruyamment et tout le monde explosa de rire. A son tour, il fit tourner la bouteille qui tomba sur Antoine.

- Vengeance ! S’écria Frosti - Action ou vérité?
- Vérité !
- Ok, hmmm à quand remonte ton dernier plaisir solitaire?

Enola recracha la gorgée de coca qu’elle était en train de boire et Lucie gloussait comme une idiote.

- Frosti ! s’exclama Enola, gênée pour son ami.
- Quoi, c’est le jeu ! Il peut ne pas répondre mais dans ce cas là c’est la vaisselle ! Se défendit ce dernier hilare.
- Alors Antoine? Ton dernier plaisir solitaire? Insista Léo avec un sourire narquois.

Antoine lança un regard gêné à Enola et répondit en souriant:

- Il est hors de question que je fasse la vaisselle pour vous !
- Alors vas y, balance !

Il soupira et bredouilla, le regard fuyant :

- Hier soir.
- Mais t’es un porc ! On était dans la chambre pendant que toi tu jouais au solitaire sous la douche ! C'est le patron et sa veste militaire qui t'ont fait de l'effet ?

Frosti lui avait lancé un des coussins du canapé et riait à en perdre haleine. Léo ricanait mais son regard allait et venait entre Antoine et Enola de manière inquisitrice.

- Ça mon ami, tu ne le sauras jamais ! Et ne comptez pas sur moi pour choisir vérité si la bouteille tombe sur moi aux prochains tours !
- Il faut dire que la journée d’hier a été plus qu’excitante, deux filles qui se battent sur une passerelle ça en émoustillerait plus d’un ! Souffla Lucie en ronronnant presque.

Enola ne sut plus où se mettre, elle s'était empourprées et s'agitait nerveusement de honte. Sa cousine n’avait vraiment aucunes limites. Elle n’avait rien contre la sexualité et les plaisirs solitaires, ce qui la dérangeait c’était que Lucie sous-entende qu’elles étaient l’objet du plaisir d’Antoine.

- Et si on continuait. Lança ce dernier dont les joues avaient également pris une teinte cramoisie.

Il lança la bouteille et celle-ci tomba sur Enola qui sentit la panique monter. Antoine lui adressa un sourire encourageant en lui demandant d’une voix douce :

- Action ou vérité?
- Vérité? Répondit Enola timidement.
- Évidemment. Lança Lucie d’une voix cinglante.

La jeune fille ne lui accorda pas un regard, elle se frottait les cuisses nerveusement en attendant la question.

- Accepteras-tu de rester en contact avec moi quand les vacances seront terminées et que nous retournerons à nos vies?

Enola ne comprit pas tout de suite le sens de sa question, bien entendu qu’ils resteraient en contact puisqu’ils parleraient sur le tchat du jeu. Elle réalisa au bout de quelques secondes que pour Antoine et les autres, elle n’avait aucun rapport avec la guilde et que quand la semaine serait terminée elle reprendrait le cours de sa vie. Elle remarqua dans le regard d’Antoine une inquiétude qui lui fendit le coeur. Il semblait réellement tenir à son amitié.

- Evidemment, et avec vous tous d’ailleurs ! Je passe des moments géniaux ici, je suis vraiment heureuse de vous avoir rencontré !

Antoine paru déçu, ce n’était sans doute pas la réponse qu’il attendait. Il tripotait le pompon du coussin avec un sourire forcé.

- On espère bien Miss Agatha ! Tu ne vas pas te débarrasser aussi facilement de nous. Aller tourne donc cette bouteille ! Rétorqua Frosti en lui faisant un clin d’oeil complice.

La jeune fille ne se fit pas prier, ravie de s’en être si bien sortie. La bouteille tomba sur Lucie et les deux cousines échangèrent un regard mauvais. Lucie prit la parole avant qu’Enola ne pose la traditionnelle question :

- Vérité !

Enola réfléchit un instant, elle ne voulait pas que Lucie en fasse des caisses. Il fallait qu’elle trouve quelque chose qui la mette mal à l’aise tout en restant discrète sur l’animosité qui les opposait.

- Ok. Quelle est la chose que tu préfères chez moi?

La jolie brune fut surprise, elle ne s’attendait sans doute pas à devoir faire un compliment à sa cousine devant les garçons.

- Quoi?
- C’est simple, dis moi ce que tu apprécies chez moi. Sur mon caractère, ma personnalité, mon physique. Un truc comme ça.

Enola la regardait sans scier, sa cousine ne souriait plus. Elle devait s’attendre à ce que la jeune fille lui pose une question sur sa vie sexuelle débridée ou sur quelque chose d’honteux qu’elle aurait été ravie d’étaler devant la gente masculine, pas à faire des commentaires élogieux sur sa rivale.

- J’aime bien ton jean. Marmonna Lucie avec un air blasé.
- Non, non ! Intervint Léo, on veut un vrai compliment !

Elle soupira :

- Ok…, Elle fit mine de réfléchir en toisant Enola avec dédain comme si lui trouver une qualité était la chose la plus compliquée qui soit, Je ne sais pas… t’es sexy dans ton genre, tu pourrais faire un peu plus d’efforts mais t’es pas mal.
- Ouais en d’autres termes, et je crois qu’on est tous d’accord la dessus, notre jolie petite rouquine est charmante. Conclut Frosti qui avait perçu la gêne d’Enola.
- Je n’aurais pas mieux dit ! S’exclama Antoine en faisant un clin d’oeil à cette dernière.

Léo fronçait les sourcils, il avait l’air agacé. Quand il croisa le regard d’Enola, dont les joues avaient rosi sous le compliment, il ne pu cependant s'empêcher de lui sourire. Lucie n’ajouta rien et lança rageusement la bouteille. Elle retomba sur Antoine.

- Mais c’est pas possible je suis maudit ! S’exclama t-il en riant.
- Haha alors Action ou Vérité? On veut savoir la suite de l’histoire !

Lucie était redevenue joviale et exaltée.

- C’est mort ! Action !
- Ok ! T’en pis pour toi, tu dois embrasser quelqu’un. Avec la langue bien entendu !
- Mais t’es cruelle! Non ! Imagine que je tombe sur Frosti !
- Crois moi mon Pote, ça serait mon pire cauchemar ! Répondit celui-ci avec une grimace de dégoût.

Lucie fit pivoter la bouteille et Enola eut la terrible impression que son geste n’avait rien de hasardeux. Comme la jeune fille s’y attendait, la bouteille s'arrêta devant elle et Lucie ricana.
Un silence plombant tomba sur le groupe, on entendait plus que les joyeux lurons qui jouaient à la console. Frosti déclara, pour détendre l'atmosphère :

- Fais pas la gueule Koronix, t’aurai pu tomber sur Arca ou moi !
- Un gage est un gage ! Si l’un de vous refuse il doit faire la vaisselle toute la semaine ! S’impatienta Lucie qui semblait très fière d’elle.

Enola ne pipait mot, elle leva les yeux vers Antoine qui semblait à la fois gêné et soulagé, il haussa les épaules comme pour lui dire “C’est le jeu”. Elle risqua un regard vers Léo qui ne laissait paraître aucunes émotions. Il ne souriait pas et la fixait en silence. Elle n’avait pas envie d’embrasser Antoine. Elle hésitait. Si elle refusait, non seulement elle devrait faire la vaisselle mais en plus elle blesserai surement le jeune homme. D’un autre côté ce n’était qu’un jeu et un baiser n’avait jamais fait de mal à personne. Antoine était plutôt beau garçon et ils s'entendaient bien.
Le fil de ses pensées fut interrompu par un mouvement à sa gauche, Lucie s’était rapprochée de Léo et lui susurrait des mots à l’oreille tout en lui caressant la cuisse. Cette vision enflamma le sang d’Enola et elle se tourna vers Antoine :

- Ok allons-y pour un baiser.

Tout le monde sembla surpris, excepté Frosti qui se frottait les mains d’impatience en souriant.
Lucie avait arrêté de roucouler avec Léo et regardait Enola avec défiance, comme pour mettre en doute son courage. Léo s'était agité et semblait vouloir intervenir mais se retint quand Antoine demanda :

- Tu es sûre?
- Oui, aller ! Ce n’est qu’un baiser !

Enola se donnait beaucoup plus d’assurance qu’elle n’en avait vraiment, elle était mue par sa colère et son agacement qui la poussaient en avant.
Elle s’approcha d’Antoine et se mit à genoux face à lui, elle posa délicatement ses mains de part et d’autre de son cou et le regarda dans les yeux.
Il resta interdit quelques instants puis elle vit ses pupilles se dilater, il posa sa main au creux de ses reins et la jeune fille fut parcouru d’un frisson. Antoine sentait les agrumes et le musc, ce n’était pas désagréable mais un peu entêtant. Enola eu la sensation d’être de-nouveau dans la forêt, enveloppée dans son sweat molletonné. Elle ferma les yeux et sentit rapidement les lèvres d’Antoine sur les siennes. Elles étaient humides et avaient un petit goût de bière. La jeune fille entendit vaguement un “on veut la langue” venant de derrière elle. La langue timide d’Antoine lui caressa les lèvres, comme pour demander la permission de rentrer. Elle ouvrit doucement la bouche pour l’accueillir et y mêler la sienne. Étrangement, elle se ressentait rien. C’était un baiser doux et agréable mais elle n’éprouvait aucun frisson, aucune passion qui dévore de l’intérieur, aucun papillon faisant de démonstration aérienne au creux de son ventre. La pression de la main d’Antoine sur son flanc lui fit comprendre qu’il en était autrement pour lui. Sa langue se faisait de plus en plus pressante et Enola eut bien vite l’impression de se faire dévorer la bouche. Elle rompit le baiser et recula, sonnée.
Le jeune homme était hors d’haleine, ses joues étaient rouges et sa bouche gonflée. Enola fut horrifiée quand elle le vit discrètement prendre le coussin que Frosti lui avait lancé pour se cacher le bassin. Elle toussota et se re-coiffa en reprenant sa place. Elle risqua un regard vers Léo dont le visage était fermé, il avait une bouteille de bière dans les mains et la tenait si fort que ses jointures étaient blanches. Frosti fit mine de trinquer dans le vide avec Antoine et Lucie tapait des mains comme une hystérique :

- Et bien et bien ! Pour un baiser c’était un sacré baiser ! Je ne te savais pas si gourmande Cousine !

Enola ne répondit pas. Au lieu de ça, elle lança un regard assassin à sa cousine. La tension était palpable dans le cercle et Frosti intervint bruyamment :

- On enchaîne, vas y mon pote fais nous tourner cette bouteille !

Enola n’avait plus envie de jouer, elle était mal à l’aise de s’être laissée emporter par le défi. Jamais elle n’aurait dû embrasser Antoine. La façon dont il s’était embrasé à son contact la troublait. Elle n’avait pas du tout vécu le baiser de la même manière et s’en voulait de paraître aussi distante maintenant que leur tour était passé.
Antoine cherchait son regard, elle le savait. Comme elle n’arrivait pas à le regarder dans les yeux, elle balaya la pièce et croisa une nouvelle fois le regard de Léo. Il avait l’air déçu. Antoine surpris cet échange silencieux et haussa les épaules, il lança la bouteille qui pointa justement vers le jeune homme brun.

- Action ou vérité?

La voix d’Antoine était dure, Enola ne l’avait jamais entendu parler ainsi.

- Action. Répondit Léo sèchement.
- Même défi que pour moi.

Antoine fit tourner la bouteille et Enola ressentit la même impression désagréable que celle-ci ne tournait pas de manière aléatoire. Elle ne fut même pas surprise quand la bouteille pointa Lucie.
L’ambiance était plus que tendue, Antoine croisait les bras, satisfait de lui, Frosti avait arrêté de tripoter sa bouteille de bière et regardait le couple avec une mine sombre. Léo semblait hors de lui mais ne disait rien, il fixait Antoine d’un air mauvais. Seule Lucie semblait aux anges, elle s’était approchée du jeune homme et faisait mine de se lover contre lui à la manière d'une anguille autour d'une roche. Elle fit un clin d’oeil à Enola qui regardait la scène avec stupeur.
Lucie allait lui voler le premier baiser de Léo James. C’était un cauchemar. Savoir qu’elle ne l’embrasserait que dans ses songes était une chose, voir sa cousine se faisant passer pour elle embrasser le garçon de ses rêves en était une autre. Elle lança un regard implorant à Léo, espérant de lui qu’il préfère faire la vaisselle plutôt que d’embrasser Lucie mais celui-ci ne lui accorda même pas un coup d’oeil. Il se tourna vers Lucie, passa sa main derrière sa nuque et l’embrassa avec fougue. Il devait bien s’y prendre car celle-ci se mit à pousser des petits gémissements de plaisir et lui monta sur les genoux.
Enola avait envie de vomir, elle aurait dû se lever et quitter la pièce. Au lieu de ça elle restait là, assise par terre, paralysée à regarder le garçon qu’elle aimait se donner en spectacle avec sa garce de cousine.
Après un moment qui sembla durer une éternité, quelqu’un se racla bruyamment la gorge derrière eux. Tous sursautèrent et se retournèrent vers le trio qui venait d’entrer dans la salle.

- Je vois qu’on s’amuse bien ici. Lança Mysteria d’une voix sèche qu’Enola ne lui connaissais pas.
- Ouais, d’ailleurs si on s'arrêtait là? Je ne voudrais pas avoir à embrasser Arca au prochain tour. Dit Frosti qui avait perdu sa gaieté naturelle.

Frosti avait un faible pour sa cousine. Enola en était convaincue. Plus qu’une simple attirance physique, il semblait vraiment l’apprécier. Elle ne semblait pas être la seule à être bouleversée par ce baiser.

- Oui c’est une bonne idée, je pense qu’on en a assez vu pour ce soir. Ajouta la jeune fille la voix tremblante.

Lucie était toujours juchée sur les genoux de Léo, elle semblait agacée d’avoir été si promptement interrompue et tentait de capter l’attention du jeune homme. Celui-ci donnait l’impression d’être sorti de sa transe quand Mysteria, Heldadras et Sigrid étaient revenus de leur escapade musicale. Il fit basculer lentement Lucie par terre, se leva, et gagna sa chambre sans un mot. Lucie lui lança un regard noir, elle se releva et s'épousseta de la poussière imaginaire sur son pantalon. Elle s’assit dans un des canapés et commença à pianoter rageusement sur l’écran de son téléphone.
Antoine se leva à son tour et tendit la main à Enola qui n’avait pas bougé. Par réflexe, elle l’attrapa et il la hissa près de lui. Un peu trop près au goût de la jeune fille. Elle se recula brusquement et vit dans ses yeux que son geste le blessa, il haussa les épaules et alla s'affaler sur le canapé avec les Joyeux lurons près de la console.

- Agatha, tu peux venir avec moi dans la cuisine s’il te plait ? Ordonna Mysteria qui n’avait rien raté de la scène.

La jeune fille ne répondit pas et la suivit dans la pièce voisine. Une fois assurée que personne ne les entendait, Mysteria lança :

- Mais à quoi tu joues ? Que vient-il de se passer au salon? On ne peut pas vous laisser cinq minutes sans que vous fassiez n’importe quoi?

Enola n’avait jamais entendu Mysteria aussi en colère. Ses yeux habituellement doux et chaleureux lançaient des étincelles et ses cheveux blonds partaient dans tous les sens.

- Ce n’était qu’un jeu, un action ou vérité. Un jeu idiot. Se défendit Enola.
- Effectivement oui, un jeu idiot. Enola tu dois dire la vérité à Léo, ça va beaucoup trop loin là. Vous vous faites du mal à tous les deux et je vous apprécie trop pour te laisser faire ça sans réagir. Léo est un gentil garçon, il ne mérite pas d’être manipulé ainsi ! Et toi ! Bon sang Enola tu aurais vu ta tête ! J’ai cru que tu allais faire un malaise ! Ça va beaucoup trop loin, il faut que tu lui dises la vérité !

La jeune fille avait les larmes aux yeux, elle savait que son amie avait raison et elle se sentait coupable de mentir à Léo. C’est vrai qu’il avait embrassé Lucie, mais elle avait embrassé Antoine. Il ne lui devait rien, pour lui Lucie était Enola et malgré ses doutes à son sujet, il essayait vraiment de comprendre son comportement.

- Je… je vais y réfléchir Myst.
- Tu vas faire plus qu’y réfléchir ma Grande, sinon c’est moi qui le lui dit et je chasse cette jeune dévergondée d’ici.

Christelle avait dit ça avec une telle véhémence qu’Enola ne pu s'empêcher de glousser. Son amie resta en colère pendant quelques secondes puis se mit à rire aussi.

- Je ne te savais pas aussi autoritaire ! Tu as raison, ça va trop loin. Mais comment pourrais-je lui dire sans qu’il me déteste?
- Ça ma petite Nola, il va falloir que tu ravales ta fierté pour réparer tes bêtises.
- Tu pourrais faire semblant d’être de mon côté…
- Justement, je fais en sorte que vous soyez heureux tous les deux.

Enola soupira, s’assit sur une chaise et se cacha le visage dans ses mains. Elle savait que Mysteria avait raison, il fallait qu’elle mette un terme à toute cette mascarade. Malheureusement elle n’avait pas la moindre idée de la marche à suivre.

***


Chapitre 11 et 12
Dernière modification par Pimfresh le dim. 24 mai, 2020 1:21 pm, modifié 3 fois.
Shirla

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 10 [young adult/Romance]

Message par Shirla »

olala c'est trop bien vivement la suite !
Asco20

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 10 [young adult/Romance]

Message par Asco20 »

C'est troop chouette ! J'ai troop hate d'être a vendredi pour la suite ! (et joyeux anniversaire (en retard!)^^ :D )
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 10 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Bon sang, je suis à la fois consternée, dépitée, effarée et (un peu) amusée.
Vous me croirez ou non... même moi j'ai beaucoup de mal à l'imaginer mais je ne pourrai pas poster ce soir à cause... de mon chat.
Voilà à peu près 3h que je m'échine à vous pondre deux chapitres correctes. A modifier, réécrire, changer, corriger ce passage pourtant si important dans mon histoire et qui me donne tant de file à retordre.
Erreur de débutante surement, j'ai copié mon texte directement de mon Drive Google pour le modifier sur l'éditeur du forum...
Mon chat, un mâle angora de 14 ans dénommé Kitty (Ne le jugez pas, il ne la pas choisi), Félin à tendance boulimique et fortement porté sur la croquette, a tenté de m'émouvoir à coup de miaou persistant pour glaner quelques pitances supplémentaires. Lassé par mon manque de réaction, le voilà qui s'est faufilé dans les branchements électriques au pied de mon lit. Vous commencez à voir le dénouement ?

Plongée dans une confrontation entre mes deux rivales favorites, je n'ai pas porté attention à ses agissements de fourbe. Enfin... jusqu'à ce que j'entende un "clic" et que l'écran de mon ordinateur devienne aussi noir que les agissements de mon compagnon poilu et obèse.

Je travaille sur un vieux coucou portable, dont la batterie a depuis longtemps rendue l'âme et qui ne marche que sur secteur. Je suis passée de la stupeur, au déni ("non c'est pas possible"), aux craquages nerveux pour finir sur un fou rire monstrueux. Très honnêtement, à qui ça arrive dans la vraie vie ce genre de choses ?

Vous le comprendrez surement, je ne pourrais malheureusement pas publier aujourd'hui. C'est un passage de l'histoire qui me pose beaucoup de difficultés, j'en suis insatisfaite et je préfère travailler un peu dessus avant de vous le proposer.

Je vous souhaite une bonne nuit et vous tiens au courant pour la publication du post !

Bises,
Pimfresh, Propriétaire d'un chat potentiellement menacé de finir en civet.
Asco20

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 10 [young adult/Romance]

Message par Asco20 »

T'inquiéte ! Les chats sont décidément pas trés fut fut ! :D Fait a ton aise ! ;)
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 10 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Chapitre 1 et 2
Chapitre 3 et 4
Chapitre 5 et 6
Chapitre 7 et 8
Chapitre 8 (suite)
Chapitre 9 et 10

Chapitre 11 - Jeudi 2 juillet

Un matin presque comme les autres

Enola se réveilla de bonne heure. Elle avait eu beau retourner le problème dans tous les sens, elle n’avait pas trouvé comment avouer son secret à Léo. L'idée de rester sous sa couette jusqu'à la fin du séjour se présentait comme une chouette perspective. C'était une alternative bien alléchante comparée à ce qui l'attendait.
"Bien sûr Alestra, après le bourdon, la grenouille, te voilà prête à faire l'autruche. Un vrai documentaire animalier à toi toute seule." Marmonna t-elle pour elle même dans sa couette.
Elle leva les yeux au ciel, agacée. Quand elle commençait par s'appeler par son patronyme, cela ne prévoyait rien de bon pour la suite. Désormais totalement éveillée, elle se redressa. Son regard balaya la chambre: Lucie dormait encore, formant une silhouette indistincte perdue dans un amas de draps désordonnés. Enola ne pu s'empêcher de sentir la colère monter en elle quand l'image de sa cousine à califourchon sur les genoux de Léo lui revint en tête, elle serra les dents. Elle remarqua avec inquiétude le lit non défait de Louise et soupira. Elle n'était pas d'humeur à se préoccuper des frasques de sa meilleure amie si tôt dans la mâtinée. De mauvaise humeur, elle s'habilla et sortit de la chambre sans bruit.
Le jour se levait à peine et la maison était encore plongée dans un calme apaisant. Un bourdonnement de voix ténues s'élevait de la cuisine quand Enola s’en approcha. Elle reconnu instantanément la voix chaude de Léo. Il parlait tout bas, forçant la jeune fille à tendre l'oreille. Alertée par le ton de sa voix, Enola s'arrêta pour écouter. Elle ne voulais pas fouiner, mais quelque chose dans son inflexion l’avait interpellé. Il avait l’air troublé, presque triste.

- ...Je ne sais pas Held, j'ignore comment être avec elle. L’espace d’un instant j'ai l'impression que nous passons un moment formidable ensemble et l’instant d’après elle est distante et me fuit.

Des moments formidables” Songea Enola avec amertume. Evidemment que sa cousine était distante, elle n’avait aucun cœur et jouait avec lui comme un chat torturant sa proie avant de la dévorer.

- On écoute aux portes? Lança une voix mordante derrière la jeune fille.

Elle sursauta et les deux hommes se turent.

- Oh Sigrid, tu m’as fais peur ! Non pas du tout, je venais d’arriver ! Mentit Enola avec une voix un peu trop aiguë pour être naturelle.

Sigrid affichait un sourire en coin. Depuis son arrivée tardive au gîte, Enola n'avait pas vraiment eu l'occasion de passer du temps avec elle. Sigrid, ou Sylvie, était le genre de femme un peu intimidante, qui ne semblait pas évoluer dans les mêmes sphères que le commun des mortels, affichant constamment un regard scrutateur qui mettait mal à l'aise la jeune fille. Elle possédait ce don inné de débarquer de nul part dans un lieu ou au milieu d'une conversation et maniait le sarcasme comme une arme de pointe. Malgré cela, elle était très appréciée de la guilde et était très loyale envers ses membres. Ce matin là, elle portait un châle en laine immense qui faisait penser aux ailes d'un vautour. La trentenaire poussa Enola dans la cuisine et lança à la volée :

- Bonjour messieurs, j’ai trouvé ce petit oisillon égaré dans le couloir.
- Bonjour Sigrid, bonjour Agatha ! J’espère que vous avez bien dormi ! Tout le monde est tombé du lit ce matin, nous n’avons pas l’habitude de voir nos jeunes debout à cette heure-ci. Claironna joyeusement Heldadras.

Enola esquissa un sourire et tenta un regard timide vers Léo. Il avait l’air abattu et fatigué, comme s’il n’avait pas fermé l'oeil de la nuit.

- Dis Held, tu m’accompagnerais sur la terrasse, il me faut ma dose de nicotine pour commencer la journée. Si on laissait les jeunes préparer le petit déjeuner pour une fois. Après tout, Agatha et Arca devrait faire plus amples connaissances avant que la semaine ne se termine.

Comme à chaque fois qu’elle l’employait, elle avait insisté sur le prénom “Agatha”. Enola savait que Mysteria n’avait pas vendu la mèche, mais le comportement de la trentenaire à son égard lui faisait penser qu'elle l’avait percé à jour. Intuition féminine sûrement.
La jeune fille redoutait de se retrouver seule avec Léo, les événements de la veille et sa promesse de lui avouer la vérité la rendait extrêmement nerveuse. L'attitude de ce dernier ne l'aidait pas à se détendre, il restait silencieux et fuyait son regard.

- Excellente idée, s’enthousiasma Heldadras en frappant dans ses mains, sachez que j’aime mon omelette baveuse !

Enola ne pu s'empêcher de glousser et Sigrid ajouta :

- Attention tout de même à ce qu’ils ne te prennent pas au mot et qu’ils crachent dans ton assiette.
- Je prends le risque, ça me fait toujours plaisir de voir les autres travailler pour moi !

Ils rirent et Enola sentit le noeud installé dans son ventre se dénouer un peu. Quand les deux adultes quittèrent la pièce, la cuisine sembla soudain bien vide et le silence devint pesant. Léo ne semblait pas décidé à regarder Enola et celle-ci ne savait pas comment engager la conversation. Elle haussa les épaules et commença à préparer le petit déjeuner sans un mot.
Elle avisa un gaufrier qui semblait avoir connu bien des printemps sur une étagère poussiéreuse et l'attrapa avec un petit air satisfait. Concentrée sur la recette qu'affichait son téléphone posé en équilibre sur la corbeille de fruits, elle fouettait la pâte avec ardeur.

-Tu sais que tu fronces le nez quand tu es concentrée ? Murmura une voix douce à son oreille.

Avant même qu'elle ne réagisse, Léo lui attrapa délicatement le poignet pour l'arrêter, la fit lentement pivoter vers lui et posa un unique baiser sur ses lèvres. Ils se fixèrent un instant droit dans les yeux, ne comprenant pas tout à fait ce qu’il venait de se passer. Enola le regarda avec stupeur et voulu bredouiller quelque chose mais le jeune homme l’interrompit avec un sourire à fossettes qui lui fit chavirer le cœur. D'un geste vif mais délicat, il lui déposa de la farine sur le bout du nez. Surprise, elle inspira de la poudre qui alla se loger dans ses narines, provocant un éternuement spectaculaire. Léo explosa d'un rire si communicatif que la jeune fille ne pu s’empêcher de glousser à son tour. Tandis que le garçon essayait de reprendre son souffle, Enola attrapa une poignée de farine qu’elle étala sur la tête du jeune homme en représailles. Ils rirent aux éclats et continuèrent de se chamailler comme des enfants en se lançant de la nourriture à travers la pièce. Ils n’avaient quasiment pas échangé un seul mot. C'était un de ces moments hors du temps, tout cela paraissait si naturel pour eux que l'étrangeté de la situation leur échappait totalement.
Léo s’esclaffait encore quand Enola retrouva une mine sérieuse, presque grave, rattrapée par une décharge de lucidité la ramenant à la réalité avec une violence inouïe :

- J'ai quelque chose à te dire. C’est important.

Ce baiser l’avait chamboulé, il avait été si chaste et furtif qu'elle aurait pu penser l'avoir rêvé. Pourtant, elle ne l'avait pas imaginé. Elle sentait encore la marque brûlante des lèvres de Léo sur la pulpe de sa bouche.
Il s'arrêta immédiatement de rire quand il perçu l’incertitude dans la voix de la jeune fille et la regarda avec inquiétude.
Enola avait passé la nuit à essayer de trouver la meilleure façon de tout lui avouer. Toutes ses tergiversations avaient débouché sur la même conclusion: Léo la détesterait quoi qu'elle dise.
Elle décida d’y aller franc jeu et de lui dire la vérité sans l’enrober.

- En fait voilà, je ne suis pas...

Lucie déboula dans la cuisine, comme une tornade dans un magasin de porcelaine. Son regard glissant de Léo à Enola avec suspicion.

- Bonjour. Agatha, je peux te parler ? En privé.
- Salut Enola, attends un instant s’il te plait, Agatha et moi étions en train de discuter. Ça avait l’air important. Lui répondit Léo qui semblait agacé par son intrusion.
- Moi aussi j’ai quelque chose de très important à lui dire, ça concerne son père.

Enola s'inquiéta immédiatement et se leva brusquement en lançant un regard désolé vers Léo. Celui-ci lui adressa un sourire rassurant et compréhensif. Elle se tourna vers Lucie, le cœur battant :

- Qui a t-il ? Papa va bien?
- Viens. Ordonna Lucie sans ajouter un mot.

Enola suivit sa cousine dans une des chambres libres, une boule d’angoisse s’était formée au creux de son ventre. Elle s'attendait au pire.

- Qu'est ce que tu étais en train de faire ? Demanda Lucie d'un ton sec et acéré.
- Quoi ? De quoi parles-tu? Qui a-t-il avec mon père ?
- Il n’y a rien, je voulais juste capter ton attention pour qu’on discute. Tu allais vraiment tout balancer à Léo ?

Enola fut instantanément soulagée, puis la colère la submergea :

- Tu plaisantes? Mais quelle genre de personne es-tu pour faire des trucs comme ça !
- Ça va Enola, arrête un peu de chouiner. Réponds-moi, tu allais vraiment tout lui avouer ?

La jeune fille n'en revenait pas, sa cousine était vraiment pire que tout ce qu’elle avait pu imaginer.

- Oui j’allais lui dire la vérité et dans la foulée je t’aurais faite dégager de cette maison, tu es vraiment une personne perfide Lucie ! Cracha t-elle avec une violence qu'elle ne se connaissait pas.
- Vraiment ? Et tu crois qu’il aurait réagi comment le beau Léo ? Qu’il t’aurait toute pardonné et que vous alliez vivre ensemble et heureux jusqu’à la fin de vos jours ? Ecoute-moi bien Enola, si tu oses m’humilier devant les membres de cette maison sache que j’ai de quoi te faire tomber avec moi. Léo me plait d’accord, et je lui plais, ça, n'en doute pas. Tu n’es qu’une petite fille maladroite à ses yeux et crois moi, je compte bien lui montrer ce qu’est une vraie femme. Tu as voulu tout ça, maintenant à toi d'assumer tes décisions. Tu me fais passer pour la méchante de l'histoire mais tu n’as fait que dire que tu le détestais avant de venir ici. Tout ce que je comprends moi, c’est que tu veux ce que tu n’as pas. Mais je vais t’apprendre un truc Enola, Léo est pour moi et tu n’as aucune chance.

- Alors selon toi, s’il t’a choisi toi, pourquoi est-ce qu’il m’a embrassé dans la cuisine tout à l’heure? Lui répondit Enola avec rage.

Lucie haussa les sourcils de surprise. Elle toisa sa cousine avec méfiance pour déceler si celle-ci mentait. Enola était hors d’elle, s'en était trop. Bien que la menace de sa cousine la secouait un peu et qu'elle devait avouer qu’elle n’avait pas tout à fait tort concernant la potentielle réaction de Léo, elle n’en revenait pas que Lucie essaie ainsi de retourner la situation.
Les deux jeunes filles se jaugeaient, chacune troublée par les révélations de l’autre, puis Lucie contre attaqua :

- Il a sans doute eu pitié de toi, c’est un sentiment que tu sembles éveiller chez les gens la première fois que l’on te rencontres. Un peu comme avec moi. Quand je t’ai rencontré, j’ai eu pitié et j’ai accepté de t’aider. Maintenant je vois clair dans ton jeu, tu fais la petite fille effarouchée pour finalement être le centre de l’attention. On est pas si différente toi et moi finalement.
- Je n’ai rien avoir avec toi Lucie. Je ne suis pas une menteuse, une allumeuse et une manipulatrice comme toi.
- Vraiment ? Ni une menteuse ni une manipulatrice ? Toi qui mens à tes prétendus amis depuis une semaine ? Et dis moi, hier soir, quand tu avais la langue fourrée dans la bouche du rouquin, qui était la plus dévergondée de nous deux ?

Enola ne trouva rien à répondre et lança un regard noir à sa cousine. Pour se donner de la contenance, elle demanda :

- Qu’est ce qui te fait penser que tu as quelque chose sur moi qui m'empêcherait de tout avouer à Léo ?

Le sourire mauvais que lui adressa Lucie ne rassura pas du tout la jeune fille.

- J'imagine que si je mentionne le prénom d'Aurélien ça peut te mettre la puce à l'oreille.
- Aurélien ? Questionna Enola, soudain très mal à l'aise.
- Ton ex, Aurélien.

Enola blêmit. Qu’est ce que son ex venait faire dans l’histoire et surtout, comment Lucie pouvait-elle connaître son existence ?
Elle avait rencontré Aurélien sur WOW il y a deux ans de ça. A cette époque, Enola était plus que jamais bercée par les happy ends mielleux des romances qu'elle lisait et c'est naturellement qu'elle lui avait offert sa candeur. La réalité pourtant s'était montrée beaucoup moins idyllique et Aurélien ne s'était pas révélé être le prince charmant qu'elle imaginait. C'était un garçon possessif, jaloux, attendant d'elle des choses qu'elle n'était pas prête à lui offrir du haut de ses seize ans. Au terme d’une ultime dispute, il l’avait menacé de divulguer une vidéo qu'il disait avoir filmé à son insu dans l'intimité de cette première fois. Cette histoire avait grandement affecté la jeune fille, le rapport qu'elle avait avec son corps et sa confiance en elle.
Lucie jubilait, elle savait qu'elle avait atteint sa cible. Elle reprit :

- Tu vois, quand j’ai vu que tu n’étais pas aussi docile que je l’avais pensé et que tu empiétais un peu sur mes plates bandes, je me suis renseignée sur toi. Facebook ce formidable outil d’informations, m’a suggéré Aurélien en ami. C'est fou comme il est facile de dénicher des choses que les gens souhaitent cacher aussi facilement. Quand j’ai réalisé que vous aviez été ensemble, je lui ai posé quelques questions sur toi. Tu dois vraiment avoir été terrible avec lui parce qu'il m’a
très rapidement parlé de cette petite vidéo. Après, je dois avouer que je sais être très convaincante avec les mecs.

Elle fit une petite pause pour ménager son effet.

- Alors, tu trouves toujours que je suis la plus dévergondée de nous deux ?

Enola frissonnait, elle ignorait si c’était de peur ou de colère mais elle était secouée de tremblements. Est-ce que sa cousine bluffait ? Après tout, elle n’avait jamais vraiment eu l’assurance que cette vidéo existait réellement et si ça avait été le cas, Aurélien n'aurait jamais osé la partager. Du moins, elle l'espérait.
Lucie surprit le regard d’Enola sur son téléphone posé sur le lit. Avec un sourire presque sadique, elle entreprit de déverrouiller son écran. Elle farfouilla pendant un court moment sur l’appareil avec une mine satisfaite, puis le leva et le pointa vers Enola.
La vidéo montrait une chambre, la chambre qu’occupait Enola chez son père quand il vivait encore dans son ancien appartement. On y voyait clairement la jeune fille, deux ans plus jeune, allongée sur un lit simplement vêtue de ses sous vêtements. Elle semblait nerveuse et toute petite à l'écran. Dans le présent, la Enola assise sur le lit n'était pas en reste. Ratatinée sous le poids de la honte et de l'angoisse, elle avait le souffle coupé.
Elle se revit deux ans en arrière quand Aurélien l’avait menacé de publier cette vidéo sur le net. Quand les choses avait dérapé, elle avait du se résoudre à tout avouer à sa mère qui avait immédiatement voulu contacter la gendarmerie. Enola étant mineure à cette époque, cette vidéo relevait de la pédopornographie et Aurélien aurait eu de sérieux problèmes avec la justice. Enola avait insisté pour que sa mère n'en face rien, refusant que cette histoire soit étalée dans une petite ville comme Hardelot où les commérages vont bon train. Face à la détresse de sa fille, Hélène s’était résignée mais avait néanmoins exigé avec véhémence que le jeune homme efface ce film s’il ne voulait pas passer les plus belles années de sa vie en prison. L’histoire en était restée là. Jusqu’à aujourd’hui.
Lucie coupa la vidéo qui devenait de plus en plus explicite au fur et à mesure que les minutes défilaient et elle reprit la parole d'un ton doucereux :

- On a donc deux possibilités, soit tu me laisses poursuivre tranquillement mon histoire avec Léo, j’efface cette vidéo et je fais tout pour qu’Aurélien l’efface aussi. Fais moi confiance, comme je te l'ai dis, je sais être très persuasive. Soit tu décides de tout balancer et non seulement Léo et les autres t’en voudront, mais en plus je ferais en sorte que cette vidéo soit visionnée pour montrer à tous qui est la vraie Enola. Crois moi, je n’ai aucune envie de faire ça, je déteste ce que les mecs comme Aurélien font, et si tu es raisonnable je ferais en sorte que cette vidéo disparaisse pour toujours. Par contre je déteste perdre et il est hors de question que je me fasse humiliée en public. Quand je veux quelque chose je suis prête à tout pour l’obtenir.

Enola était horrifiée, c'était un cauchemar. Aucun des événements de la matinée ne pouvait être réel et elle allait surement se réveiller, dans la chaleur réconfortante de son lit, le cœur encore battant à tout rompre du baiser imaginaire de Léo et le terrible souvenir des menaces de sa cousine s'évaporant doucement dans la douceur d'un matin d'été. Jamais elle n’aurait soupçonné une personne de son entourage être dotée de tant de méchanceté. Elle tentait désespérément de retrouver le souffle qui l’avait quitté depuis que Lucie avait prononcé le prénom d'Aurélien. Au bout de quelques minutes elle répondit d’une voix éteinte, les larmes inondant ses beaux yeux bleus :

- Comment peux-tu… Pourquoi Léo ? Tu ne le connaissais pas il y a trois jours. Tu n’es pas le genre à tomber amoureuse au premier regard. Quand cette semaine sera finie, qu’est ce qu’il adviendra de vous ? Tu continueras de te faire passer pour moi ? Pourquoi me faire tant souffrir pour une histoire qui de toute façon ne durera pas?
- Tu ne comprends rien, tu ne me connais pas. Tu ne sais pas tout ce que j’ai enduré dans ma vie. Tu crois que ton ex est un enfoiré pour t’avoir filmé à ton insu ? J’ai passé mon adolescence à me faire avoir par des mecs toxiques. On m’a drogué, battu, manipulé, on s’est servi de moi de bien des manières crois moi. En règle général j’attire les salauds, les mecs sans scrupules. A chaque fois je crois qu’ils sont différents des autres et je finis toujours anéantie et brisée. Lundi j’ai rencontré Léo, un mec beau et intelligent mais surtout un mec attentionné, gentil, qui prends soin des autres et particulièrement de moi. Je le mérite plus que toi Enola, tu passes ton temps à te regarder le nombril et à dire que ta vie est trop nulle. Tu ne sais rien de la vie difficile et je te déteste pour ça. Je veux tenter ma chance avec quelqu’un comme Léo, qu’importe ce que je dois faire ou les gens que j’écrase sur mon passage, je le mérite.

Lucie avait le visage ravagé par les larmes et le désespoir. Si bien que, malgré ses menaces et son horrible comportement, Enola réussit à avoir pitié d'elle. Elle avait imaginé que Lucie avait toujours vécu une vie parfaite avec des gens parfaits mais elle se rendait compte que la jeune femme était hantée par des démons et un passé compliqué. Effectivement, elle ne la connaissait pas.
Lucie renifla bruyamment et rangea son téléphone. Elle reprit une expression froide et dédaigneuse et lança à Enola :

- A toi de voir Enola, tu dois me détester et me prendre pour une garce. Mais pour une fois dans ma vie je fais ce qui est bon pour moi uniquement. Je suis désolée que tu sois sur mon passage, j’aurai aimé qu’il en soit autrement, mais il est hors de question que je laisse passer ma chance.

Elle quitta la chambre et Enola se retrouva seule, avec sa détresse pour seule compagnie. Comment avait-elle pu en arriver là ? Son mensonge, qui au départ ne lui avait semblé être qu'un petit stratagème sans conséquence avait finir par faire ressortir le pire événement de son existence. Ce qu'elle avait prit pour une petite rivalité entre deux jeunes filles étaient devenue incontrôlable. Elle commençait à comprendre ce qui lui avait échappé jusque là, l'attitude excessive de sa cousine, les mises en garde de son père. Pourtant, même si le passé de la jolie brune était marqué de blessures encore douloureuses psychologiquement, les raisons de Lucie n’étaient pas acceptables pour Enola. On ne jette pas son dévolu sur la première personne un tant soit peu attentionnée en écrasant tout le monde sur son passage. Lucie avait peut être souffert, mais Léo n’était pas le seul homme à ne pas être un salaud sur cette planète.
Une part d’elle songea que si Lucie était tombée sur des sales types c’est qu’elle l’avait sûrement cherché et mérité. Ce constat la dérangea, il était injuste et facile. Aucune femme ne mérite d'être traitée comme de la merde par un homme, quel-qu’en soit la raison. Elle songea à Aurélien, qui lui aussi faisait partie de cette catégorie d’hommes et à elle qui était si facilement tombée dans le panneau : Elle n’était finalement peut être pas si différente de sa cousine.
Enola chassa cette idée de son esprit, essaya tant bien que mal de se calmer et explora ses possibilités.
Soit elle avouait la vérité à Léo, ce qui aurait pour conséquence que Lucie dévoile cette horrible vidéo. Léo lui en voudrait et elle serait humiliée à jamais. Elle n’était pas sûre de pouvoir s’en remettre. La deuxième possibilité était qu’elle ne dise pas la vérité et qu’elle laisse le champ libre à sa cousine. Elle en était d'avance malade. Enola avait comprit qu’elle était éperdument amoureuse de Léo quand elle l’avait vu embrasser Lucie la veille. Le baiser qu'ils avaient échangé le matin même avait finit par avoir raison d'elle. Les sensations qu’elle avait ressenti à ce moment là dépassaient tout ce qu’elle avait pu vivre jusque-là. Elle refusait que Léo soit une sorte de jouet de thérapie pour Lucie. Elle était convaincu que si elle laissait faire sa cousine, celle-ci lui ferait du mal et elle ne pouvait le permettre. Cette histoire ne pouvait que mal finir. C'était un fait. Elle ne reprochait pas à Lucie de chercher le bonheur mais elle ne voulait pas que Léo soit victime de sa névrose. Enola savait que malgré tout ce que son aveu allait déclenché et la précarité de sa situation, elle était prête à sacrifier sa dignité et sa relation avec le jeune homme pour le protéger.

Décidée à tout avouer, elle inspira un grand coup, sécha ses larmes, se composa une expression neutre et sortit de la chambre avec détermination.

***


La maisonnée avait finalement émergé de sa torpeur et la grande salle était désormais grouillante de rires et de conversations légères, à des années lumières de ce que ressentait Enola à ce moment là. La jeune fille croisa le regard de sa meilleure amie, assise sur les genoux de Tiboy. Louise lui lança un sourire radieux auquel Enola répondit par un hochement de tête las. Ses yeux tombèrent sur Lucie, en grande conversation avec Frosti que la bonne humeur ne quittait jamais. Celle-ci lui lança un regard entendu quand Léo lui fit signe de s'asseoir près de lui. Ne voulant pas faire de scandale en public et préférant ne pas provoquer la jeune femme. Elle se dirigea le cœur lourd vers Mysteria qui avait l’air un peu plus exaltée que d’habitude. En l’apercevant, celle-ci ouvrit la bouche comme un poisson hors de l’eau. Enola remarqua un éclair de malice passer dans son regard et s’en inquiéta. Mysteria se tourna vers Sigrid et lui demanda la date du jour.
Manquait plus que ça..., songea Enola en se demandant pourquoi le sort s'acharnait ainsi sur elle.
Christelle connaissait le jour de son anniversaire. La jeune fille la lui avait confié un soir sur le jeu. Mysteria était tout à fait le genre de mère poule notant précautionneusement cette date sur un calendrier floqué de chatons couchés dans des paniers en osier accroché dans une cuisine aux carreaux rouges et blancs. Elle essaya d'attirer son attention et agita la tête de gauche à droite pour la faire taire. Malheureusement, la quadragénaire semblait surexcitée et lança tout haut :

- Agatha, tu n’aurais pas oublié de nous annoncer quelque chose aujourd’hui ?

Enola savait très bien où son amie voulait en venir. Elle aurait préféré que Christelle oublie ce détail si insignifiant que représentait la célébration de sa majorité. Surtout en de telles circonstances.
Elle remarqua que Léo fronçait les sourcils, il savait que l'anniversaire d'Enola tombait également ce mois-ci.
Elle avait certes décidé d’avouer la vérité mais il fallait qu’elle trouve une manière de le faire en douceur et surtout, elle ne voulait pas se donner en spectacle. Elle allait encore devoir jouer la comédie pendant quelques temps. Aussi, elle répondit :

- Je ne suis pas la seule concernée ! C’est aussi l’anniversaire d’Enola aujourd’hui !

Elle avait réussi à faire taire les tremblements dans sa voix et Mysteria sembla déçue. La jeune fille se força à sourire mais le cœur n’y était pas. Rien n'allait et tout allait empirer, elle le savait. Encore une chose fabuleuse qu’elle allait devoir partager avec sa cousine irrationnelle à cause de son mensonge.

- Deux cousines nées le même jour, c’est original ça. Lança Sigrid en la dévisageant avec des yeux perçants.

Lucie, qui avait gardé le silence jusque-là, joua le jeu et répondit avec provocation :

- Il paraît que nous avons été conçu le même soir. Ça devait être une sacrée soirée pour nos parents !

Il y eu un blanc de gène et Frosti, fidèle à son rôle de bout-en-train, vint enlacer Enola en lui ébouriffant les cheveux :

- Joyeux anniversaire en tout cas ! On va faire la fête en votre honneur ce soir ! Bande de petites cachottières !

Antoine la serra à son tour dans ses bras et la jeune fille fut une fois de plus happée dans un parfum d’agrumes qui lui fit tourner la tête. Il lui chuchota à l’oreille :

- Joyeux anniversaire Partenaire. Tu as la mine bien sombre ce matin, souris c'est pas tous les jours qu'on a dix-huit ans !

Enola s'empourpra quand il lui déposa un baiser sur la joue. Elle s'éclaircit la voix et s'efforça de garder son calme. Pour changer de conversation, elle lança :

- Merci à tous. Mais si on parlait de ces anniversaires plus tard ? Quel est le programme de la journée?
- Quad en forêt ! Mais ne changez pas de sujet, Jeunes filles, nous n'en avons pas terminé avec vous. Ce soir nous allons faire la fête ! Répondit Heldadras d’une voix tonitruante.

Tous applaudirent, et les conversation reprirent de plus belle. Laissant à Enola le loisir de s'enfermer dans un mutisme providentiel. Un peu avant de partir pour l’activité, chacun alla se préparer dans sa chambre.
Quand Enola et Louise, pénétrèrent dans la leur, Lucie était assise sur le lit. Le nez dans son téléphone portable. Elle leva la tête et lança un regard hostile vers Enola. Elle sembla vouloir balancer une vacherie mais Louise l'interrompit d’un mouvement de main.

- Donc Lucie j’imagine que tu as compris la situation, c’est l’anniversaire d’Enola aujourd’hui. Je veux dire, la fausse, enfin la vraie, enfin vous m'avez compris. Et comme Christelle et sans doute Léo étaient au courant il faut qu’on joue le jeu.

La jeune femme brune sembla dubitative mais elle hocha la tête.

- Je ne suis jamais contre une petite fête. J’ai adoré fêter mes dix-huit ans la première fois, qui a la chance de pouvoir les fêter deux fois?
- Tu éviteras quand même d'en faire trop, s'inquiéta Louise en lançant un regard suspicieux dans sa direction.
- Oh, cessez d’être aussi coincée toutes les deux, c’est ta majorité que je fête Enola ! Répondit Lucie agacée.
- Votre majorité que vous fêtez ensemble. Ok ? Il est hors de question que la vraie Enola soit privée de son anniversaire à cause de cette histoire !

Lucie haussa les épaules et reprit la lecture de son téléphone portable.
Avec une curiosité malsaine, Enola se demanda un instant si elle conversait avec Aurélien mais Louise reprit rapidement son attitude de petit chef tyrannique et Lucie quitta la chambre prétextant qu’elle parlait trop, laissant Enola rongée par le doute.
La jeune fille se tourna vers Louise, prête à s'écrouler en pleurant. Quand elle remarqua l’excitation sur le visage de son amie, elle en oublia un court instant sa détresse et l'interrogea du regard.

- C’était quoi ça quand on est revenu du village hier ! Couina Louise en sautant à moitié sur place.
- Comment ça, ça ? Demanda Enola qui ne comprenait pas à quoi son amie faisait référence.
- Arrête ! Je parle de toi et du beau Léo James occupés à faire des bêtises dans l’herbe ! On vous a vu avec Eric en arrivant, j’ai bien cru qu’il allait t’embrasser le filou !

Louise était déchaînée, sa voix partait dans les aiguës et elle tapait dans ses mains d’excitation.

- En plus Frosti nous a dit que vous aviez été très proches sur les passerelles du lac, petite coquine !

Cette situation n'avait vraiment aucun sens. Enola ne pu s'empêcher de rire face à l’euphorie de son amie. Le contraste entre son désaroi et la gaité de Louise était presque risible tant il était affligeant. Son cœur se serra. Elle répondit :

- Il ne s’est rien passé du tout et il ne se passera rien, je ne suis qu’une amie avec qui il aime bien discuter. Nous nous sommes beaucoup amusé au lac et hier… enfin on discutait voilà tout.

Elle n’était plus très sûre de ce qu’il s’était passé dans l’herbe. Tout cela semblait s'être passé il y a une éternité. Tout comme ce baiser, échangé furtivement dans la cuisine le matin même. Léo lui avait à peine effleuré les lèvres et il s’était tout de suite retranché derrière de l’humour.
Ce dont Enola était sûre en revanche, c’est qu’elle ne voulait pas avouer à Louise que Lucie était en possession de la vidéo qui lui avait pourrie une partie de son adolescence et qu’elle la faisait chanter avec. Elle avait bien trop peur que l’indomptable petite blonde remue ciel et terre pour protéger son amie, causant au passage d’irrémédiables dégâts. Louise était ainsi, toujours dans l'excès, à la fois pour le meilleur et pour le pire.

- M’ouais, vous avez une drôle de manière de discuter, voilà ce que j’en dis ! Rétorqua la jeune fille qui ne semblait pas convaincu par son amie.
- Tu n’aurais pas vu mon sweat ? tenta Enola pour changer de sujet.

Elle balaya la chambre du regard et constata que la valise de Lucie avait disparu.

- Euh Louise, Lucie t’a dit qu’elle partait? Demanda t-elle soudain anxieuse.
- Non, mais je crois qu’elle s’est installée dans une chambre libre. Je l’ai entendu dire à Arthur tout à l’heure qu’elle n’aimait pas trop vivre en colocation et qu’elle aimait avoir de la place pour s’étaler.

Enola mit du temps à comprendre de qui Louise parlait. Elle avait beaucoup de mal à appeler ses compagnons de guilde par leurs vrais prénoms et réalisa que son amie lui parlait de Frosti. Louise poursuivit sans délicatesse :

- Pour moi elle a surtout changé de chambre pour y emmener les garçons en toute tranquillité. Garce. Tu l’aurais vu hier après-midi, elle n’a pas arrêté de tourner autour d’Arthur, c’était presque malaisant.

Enola ne répondit pas, elle ne savait pas trop quoi penser des révélations de son amie. Pourquoi Lucie s’acharnait-elle sur elle et sa relation avec Léo si c’était pour flirter avec Frosti ? “Elle est folle et complètement dérangée.” lança une petite voix dans un coin de sa tête.

***


Quad en duo

Huit quads vrombissants les attendaient dans la cour. Frosti se précipita sur l’un d’eux comme un enfant ouvrant ses cadeaux de noël. Cette image réchauffa le coeur d'Enola. Tous étaient très excités par la balade et cette ambiance joviale apaisa la jeune fille. Comme à son habitude, Heldadras expliqua le déroulé de la journée. Il avait prévu deux ou trois heures de promenade et une heure pour déjeuner. Il proposa également de tirer les binômes au sort pour mélanger les membres de la guilde entre eux en faisant en sorte qu’au moins l’un des deux membres ait son permis de conduire. Enola souhaita de toute ses forces ne pas tomber avec sa cousine, puis elle se rappela que celle-ci ne conduisait pas. A côté d'elle, Louise faisait la moue, elle semblait contrariée de ne pas monter sur le quad avec Tiboy.
Heldadras prit une boîte et commença à tirer les noms des participants:

- Koronix et Gulduk (Enola vit Antoine et un des Joyeux lurons se taper dans la main), Frosti et Nola (la jeune fille lança un coup d’oeil froid à sa cousine qui semblait très contente de son partenaire), Mysteria et Guldik, Tiboy et Louise. Le hasard fait bien les choses, n’est ce pas ? S'arrêta t-il en faisant un clin d’oeil complice à la petite blonde visiblement ravie.

Il poursuivit:

- Je serai avec Guldok, Sigrid avec Guldak, Arcadia avec Agatha et enfin Guldek tu seras en solo sur ton quad !

Enola se demanda un instant si ce tirage était vraiment dû au hasard. Aucun des Joyeux lurons sur le même quad ? Lucie et Frosti ensemble? Louise et Tiboy et enfin elle et Léo? Le destin semblait plutôt ressembler à une quadragénaire blonde dont les yeux pétillants trahissaient son ravissement et son implication.
Lucie n’avait même pas semblé remarquer que Léo et Enola feraient la balade ensemble, elle était en grande conversation avec Frosti qui la dévorait du regard.
Enola n’en revenait pas, elle l’avait menacé de la pire des manière il y a à peine quelques heures et se fichait royalement de Léo ensuite. Elle remarqua qu’Antoine la fixait du regard, l’air légèrement déçu. Elle appréciait sincèrement l'amitié d'Antoine, mais son intérêt pour elle la rendait mal à l'aise. Elle remercia secrètement le “destin” de ne pas les avoir mit ensemble. Elle lui fit un sourire et un petit signe de la main auquel il répondit maladroitement avec précipitation. Elle se tourna vers le quad qui leur était alloué à elle et à Léo. C’était le dernier de la file, il avait l’air beaucoup moins neuf que les autres et Enola fronça les sourcils. Léo était debout à côté du véhicule, il la regarda, un sourire amusé sur les lèvres en haussant les épaules et en lui tendant un casque. Elle s’approcha de lui de manière délibérément neutre pour ne pas contrarier sa cousine qui devait surement les observer.

- Prête pour l’aventure? C’est toi qui conduit ? Lança t-il tout guilleret.

Enola manqua d’exploser de rire tant la remarque était ridicule. Avec sa maladresse de notoriété publique, personne ne l’aurait jamais laissé conduire cet engin. Elle fut néanmoins touchée que Léo le lui propose, il n’était pas de ces mecs voulant prouver quelque chose ou s'octroyant le privilège de conduire sous prétexte qu’ils portent une paire de testicules. Elle ne pu s’empêcher de lui offrir un sourire timide et répondit:

- Je n’ai pas le permis de conduire. En plus de ça, tu sembles oublier que je suis un danger public même quand je suis à pieds alors imagine sur ça !

Il rit et lui mit le casque sur la tête en prenant soin de dégager avec douceur les mèches de cheveux folles encadrant son visage.

- Justement, Madame Maladroite, je me suis dis que si tu t’entrainais à la conduite dès aujourd’hui dans un lieu dépourvu d'êtres humains, les pauvres piétons auraient peut être une chance de s’en sortir le jour où tu seras au volant d'une voiture.

Il passa doucement le doigt le long de la mâchoire de la jeune fille pour fermer l’accroche du casque et celle-ci retint son souffle. Quand il eut terminé, il tapota le casque de sa partenaire en souriant :

- Au moins comme ça, tu ne risques pas de perdre la tête.

Il lui fit un clin d’oeil, enfila son propre casque et enfourcha le quad. Enola resta interdite un instant. Il y avait bien longtemps qu’elle avait perdu la tête face au sourire et aux fossettes de Léo.
Heldadras annonça le signal de départ et la jeune fille s’empressa de grimper derrière son compagnon.
Le vieux quad n’était pas très confortable et Enola se demandait s’il n’était pas fait pour une seule personne tant elle était mal installée. Ne sachant quoi faire de ses mains, elle les positionna derrière elle et agrippa une sorte de porte-bagages bringuebalant.
Le convoi démarra dans un brouhaha de moteur assourdissant. L'odeur d'essence leur piqua le nez et de la poussière troubla l'air ambiant dans un tourbillon aveuglant. Quand Léo appuya sur l'accélérateur, La position plus que précaire d'Enola la déséquilibra et elle agrippa précipitamment le jeune homme pour ne pas tomber en arrière. Elle sentit ses abdominaux se contracter sous ses mains. Le garçon riait. Il tourna légèrement la tête vers elle et parla fort pour couvrir l'épouvantable bruit de l’engin :

- Reste dans cette position sinon tu risques de tomber, je crois bien qu’on a hérité de l’avorton de la portée !
- Je pense aussi. On pourrait peut être demander à Guldek d’échanger, le sien à l’air bien plus récent et fait pour deux personnes.
- Il est tout devant, on lui demandera au prochain arrêt. Par contre si tu pouvais juste desserrer un peu tes mains, tu me laboures le ventre là !

Enola ne s’était pas rendue compte qu’elle serrait Léo aussi fort, elle sentait les muscles de son ventre se contracter sous ses doigts. Honteuse, elle desserra immédiatement son étreinte et elle le sentit se détendre.
Cela faisait presque une demi-heure qu’ils roulaient et leur véhicule perdait petit à petit de la vitesse sur les autres. Bientôt, il ne virent plus le quad de Mysteria et Guldik et Enola aurait juré voir Christelle lui faire un clin d’oeil avant qu’ils ne les distancent et disparaissent dans l’ombre de la forêt.

- Tu parles d’une balade de groupe ! Lança Léo, excédé par l’engin qui perdait dangereusement de la vitesse.
- Pourquoi est-ce qu’on ralentit autant ? Demanda Enola en regardant autour d’elle.
- Je n’en sais rien, ce stupide truc n’avance plus !

Au bout de quelques mètres, le quad s'arrêta et Léo eut beau tenter de faire rugir le moteur, le véhicule ne bougeait plus. Il sauta du siège et tendit la main à Enola pour qu’elle en fasse autant.

- Je vais regarder mais je t’avoue que je n'y connais pas grand chose en mécanique. Dit-il en inspectant le quad.

Ses mains se trouvèrent rapidement couvertes de cambouis et le quad refusait obstinément de démarrer. Il capitula et tenta de joindre les autres au téléphone.

- C’est quand même fabuleux de ne pas capter de réseaux en plein milieu de la région parisienne ! Ragea t-il.

Enola fut prise d'un hoquet. La tension accumulée depuis son réveil se déversa sous forme d'un fou rire incontrôlable et salvateur. Léo la regarda, étonné.

- Qu’est ce qu’il y a de si drôle ? Demanda t-il ne pouvant s'empêcher de lui sourire.
- Tu es sérieux? Tu me fais le coup de la panne en pleine forêt ?
- Euh...

La jeune fille haussa les épaules en riant toujours. Cette journée avait commencé sur les chapeaux de roues et voilà qu’elle se retrouvait perdue, à pied au beau milieu de la forêt avec le beau Léo. Mysteria était vraiment une fine stratège si elle avait manigancé tout ça. Ce n'était plus du talent à ce niveau là !

- Qu'est ce qu'on fait ? Demanda finalement Léo. On peut attendre ici que quelqu’un revienne ou repartir à pieds vers le gîte.

Enola réfléchit un instant. Être seule avec Léo représentait sa seule chance de lui avouer la vérité sans trop redouter de dommages collatéraux.

- A vrai dire, j’ai un peu chaud. On pourrait sortir du sentier et trouver un coin à l’ombre, non? Les autres vont bien finir par repasser. Je n’ai vraiment pas envie de poireauter ici et encore moins envie de repartir à pieds.

Elle sortit une carte de son sac à dos et la consulta.

- Tu as une carte dans ton sac? S'esclaffa Léo. Ton deuxième prénom c’est Dora ?
- Moque toi, je l’ai récupéré après la chasse aux trésors ! En attendant tu seras content de savoir qu’il y a un petit étang à l’ouest, ça te tente ?
- Ça me va, je te suis.

Ils laissèrent le quad sur le sentier et s’enfoncèrent dans la forêt. Au bout de quelques minutes de marche, ils débouchèrent sur une petite prairie bordée d’un étang. L’endroit était beau et lumineux. C’était encore une chaude journée d’été. La prairie s’étendait sur une centaine de mètres, composée d’herbe et de fleurs sauvages grouillant de petits insectes colorés.
Léo couru vers l’eau en enlevant ses chaussures, la jeune fille le dévisagea et souffla :

- Qu’est ce que tu fabriques?
- Un petit bain ? Je suis couvert de cambouis ! Lança t-il en déboutonnant son pantalon sans aucune pudeur.

Enola avait rougit, elle croisa les bras sur la défensive :

- Il en est hors de question, cet étang n’a pas l’air très propre et je n’ai pas de maillot de bain.
- Moi non plus, ricana t-il en retirant son t-shirt

Il se tourna vers elle en boxer et lui fit un clin d’oeil.

- Aller Agatha, il fait chaud et tu te baignes bien dans la Manche ! Ce n’est pas un petit étang qui va te faire peur !

Elle le regardait avec incrédulité et ravissement. Il était tellement beau ! Le soleil reflétait les muscles de son torse et soulignait les lignes diffuses qui encadraient ses abdominaux. Un tracé de poils partait de son nombril et allait se perdre dans l'étoffe de son boxer. Enola ne pu s'empêcher de se mordre la lèvre. Léo éveillait en elle un désir qu’elle n’avait pas eu souvent l’occasion de ressentir. Il entra dans le petit étang sans difficultés en lançant des encouragement à la jeune fille.

- Je ne vais pas me mettre en sous-vêtements devant toi Léo ! S’indigna t-elle d’un ton mi-amusé mi-désespéré.
- Garde ton t-shirt alors! Aller viens, tu vas cuire dans ton sweat !

Enola portait effectivement son fameux sweat noir qui ne mettait pas du tout en valeur les courbes de son corps. Elle admit volontiers qu’elle avait vraiment chaud et concéda de le retirer. Elle se retrouva en débardeur et hésita un instant: allait t-elle vraiment enlever son pantalon devant Léo ? Elle regarda autour d’elle, l’endroit était parfait. Une légère brise faisait danser la cime des arbres dans une chorégraphique délicate que seule Dame Nature pouvait imaginer, les oiseaux gazouillaient de toutes parts. L’étang était bordé de roseaux bruns et de bruyère violette qui donnait à la scène des allures de peinture impressionniste. Enola inspira un grand coup et retira son jean, elle se serait détestée d’avoir manqué une occasion comme celle-ci à cause de ses complexes.
Léo la regardait avec fascination, elle s'empourpra et croisa ses bras sur son ventre. La peau de ses jambes était pâle et ses cuisses aux courbes généreuses joliment galbées. Elle portait une petite culotte noire, bordée de dentelle qui couvrait des fesses rondes et rebondies.
Enola s’approcha de l’eau et y trempa le bout de son doigt de pied. Jugeant la température assez bonne, elle rejoignit Léo qui lança :

- Aucune des grenouilles de cet étang ne t'arrive à la cheville !

Elle l’arrosa et ils se chamaillèrent. De temps en temps, Léo l’attrapait pour feindre de la faire couler, elle sentait son corps chaud et musclé contre elle et le repoussait pour se donner de la contenance.
Après un long moment à s'amuser dans l’eau, il rejoignirent la berge en grelottant.
Enola s’assit dans l’herbe et ferma les yeux pour profiter de la chaleur des rayons de soleil sur son visage et sur ses jambes nues. Quand elle les rouvrit, Léo était à côté d’elle et la regardait intensément. Il lui fit son foutu sourire à fossettes et demanda :

- Au fait, pourquoi Bourdon?
- Quoi ? Comment est-ce que...qui t’a parlé de ça ? Le questionna la jeune fille avec surprise.
- A la gare, quand notre train est arrivé de Boulogne, ton père tenait une pancarte à l’envers. Il me semble qu’il y avait écrit Bourdon dessus, non?

Enola rougit, elle n’avait pas eu conscience que Léo l’avait vu sortir du train ce jour là. Elle resta muette un instant. Taquin, le jeune homme passa doucement un pissenlit sur la peau nue de sa jambe pour la faire réagir.
Elle gloussa et repoussa la fleur :

- C’est comme ça que mon père m’appelle depuis que je suis enfant. Répondit-elle vaguement.
- Ça je l’avais compris, mais pourquoi Bourdon ? Pourquoi pas Abeille ou Coccinelle ? L’interrogea t-il avec insistance.

Enola soupira, l’origine première de ce surnom n'était pas très valorisant et elle se voyait mal l’expliquer à Léo. Elle croisa son regard et y trouva une telle bienveillance qu’elle confessa :

- Tu vois comment c’est un bourdon?
- J’ai une vague idée oui. Répondit t-il avec un sourire affectueux.
- Tu vois, d’un point de vue aérodynamique le bourdon ne devrait pas voler, ses ailes sont trop petites par rapport à son corps. Mais lui il n’en sait rien, du coup il vole. Il est un peu gauche et maladroit quand il se déplace, mais il arrive à voler de fleurs en fleurs et poursuit sa route l'air de rien. J’imagine que le surnom vient de là, je dois avoir quelques points communs avec ce petit insecte dodu et empoté...

Elle leva les yeux vers lui et croisa son regard. Il l’observait sans un mot. Ils étaient seuls au milieu de nul part et cette fois, personne ne risquait de les interrompre. Enola n’aurait pas de meilleure occasion pour lui dire la vérité. Elle inspira profondément, se tourna vers lui et murmura :

- Il faut vraiment que je te dise ...

Sa phrase fut coupée par un baiser. Léo s’était approché d’elle sans crier gare et l’avait embrassé. Ce baiser n’avait rien à voir avec celui de la matinée, il était intense et presque désespéré.
Il s’écarta du visage de la jeune fille pour capter sa réaction avec inquiétude. Enola le regarda un instant, légèrement sonnée. Les doigts de Léo pressaient le dessous de son menton avec douceur. Elle ferma les yeux pour accueillir un autre baiser et sentit rapidement les lèvres du jeune homme sur les siennes ainsi que sa main chaude au creux de son rein. Elle ouvrit la bouche et leur langues se goûtèrent délicatement. Le baiser était incomparable avec celui qu’elle avait échangé la veille avec Antoine et avec tous ceux qu’elle avait connu jusque-là. Il était puissant, passionné et brûlant. Enola sentit une flamme monter dans son bas ventre quand Léo resserra la pression de ses mains sous son menton et sur son flanc. Il émit un petit grognement rauque qui provoqua des frissons dans tout le corps de la jeune fille. Il l’allongea doucement et Enola sentit l’herbe lui caresser la nuque. Elle n’était plus que sensations et désirs, jamais personne n’avait attisé une telle chaleur en elle.
Léo la regarda ainsi allongée pendant un court instant puis il lui caressa la joue avec tendresse. Il déposa un doux baiser sur ses lèvres, continua sur l’arrête de sa mâchoire puis dans son cou. Elle sentit sa main passer sous son débardeur, remonter sur son nombril, glisser sur ses côtes et aller effleurer le tissu soyeux de son soutien-gorge. Elle se crispa et repoussa instinctivement la main du jeune homme de son ventre. Elle rougit de honte mais sentit Léo sourire dans son cou et se détendit. Il retira délicatement sa main et la reposa sur sa petite poignée d’amour. Le cœur de la jeune fille battait à mille à l’heure.
Ils n’avaient pas échangé un seul mot, Enola avait trop peur de briser l’alchimie entre eux. Il lui fit un dernier baiser sur les lèvres et chuchota contre celles-ci en souriant:

- Au fait, Bon anniversaire.

Il s’allongea près d’elle et passa son bras sous sa nuque. Elle sourit et se blottit contre lui. Son odeur l'enivrait. Elle était apaisée dans ses bras, en sécurité. Elle oublia son mensonge, les menaces de Lucie et la vidéo dans son étreinte. Ils n’étaient plus que tous les deux seuls au monde.
Il lui caressait le dos avec tendresse et ils restèrent ainsi sans un mot pendant un long moment, si bien qu’Enola se mit à somnoler.
Elle se réveilla au bout d’un petit quart-d’heure, dans la même position. Elle se redressa pour regarder Léo qui lui aussi s’était assoupi. Elle n’arrivait pas à croire ce qu’il était en train de se passer, comment aurait-elle pu imaginer que Léo ressente quoi que ce soit pour elle. Après tout ça, elle se sentait incapable de faire une croix sur lui en lui avouant la vérité. Elle savait qu’il l’a détesterai et elle se haïssait pour ça.
Elle observa son visage: sa petite barbe naissante, ses cils noirs étalés sur ses joues, ses lèvres parfaites. Elle ne pu s'empêcher d’y déposer un petit baiser. Ses yeux ensommeillés s’ouvrirent péniblement et il lui sourit avec paresse.

- Tu as bien dormi ? Demanda t-il doucement.
- Je crois que je n’ai jamais aussi bien dormi de ma vie. Répondit-elle en se blottissant contre lui.

Il se redressa et s’assit. Enola vint se lover entre ses jambes et s'empourpra quand il lui fit quelques baisers dans le cou.

- Tu es vraiment une fille étonnante, personne d’autre que toi ne serait venu se baigner dans cet étang. D’ailleurs je suis désolé de t’apprendre que tu sens un peu la vase ma chère Petite Grenouille.

Enola gloussa et lui frappa la cuisse :

- Parle pour toi ! On dirait l’odeur d’un crapaud qui aurait des problèmes de sudation !
- C’est mesquin ça ! Les crapauds sont des incompris du royaume animal. Dit-il en l’entourant un peu plus de ses bras.

Il enfouit son visage dans la chevelure au reflet d'ambre de la jeune fille et inspira profondément, il chuchota à son oreille :

- Je voudrais rester ici à tout jamais. J’ai menti, tu sens toujours divinement bon.

La jeune fille rougit de plaisir, elle aussi aurait voulu arrêter le temps. Elle n’osait pas penser à tout ce qui les attendait au delà des arbres. Qu’allait-il arriver quand ils quitteraient cette clairière?
Ils restèrent un moment silencieux, bercés par le clapotis de l’eau et le chant des oiseaux.
C’est comme dans un rêve, songea Enola. Elle murmura :

- C’est drôle que tout ça arrive si loin de chez nous.

Il enlaça ses doigts dans les siens mais ne répondit pas. La jeune fille remua nerveusement contre lui, une question la taraudait mais elle redoutait la réponse.

- Qui a t-il ? s’interrogea t-il.
- Ben… c’est juste que… Tu n’as jamais fait attention à moi là-bas, je n’existais pas pour toi. Je me demande juste pourquoi tu as attendu d’être ici pour me remarquer.

C'était un risque à prendre, elle en était consciente. Elle ne voulait pas le brusquer mais elle avait besoin de savoir. Elle n’arrivait pas à croire que Léo puisse avoir des sentiments pour elle et l’ombre de Lucie planait toujours au dessus d’eux.

- Je te rappelle que c’est toi qui était désagréable avec moi au lycée. Répondit-il sur la défensive et soudain crispé.

Elle se retourna et plongea son regard dans le sien, il semblait nerveux. Il soupira.

- Ecoute c’est juste que... toi et moi on évoluait pas dans les mêmes cercles… au Lycée j’ai un tas d’amis, j’ai toujours besoin d’être le meilleur en tout, d’être constamment entouré de plein de gens… Alors que toi… Tu n’étais pas vraiment faite pour moi. Reprit-il à voix basse.

Enola ressentit une violente douleur dans le cœur, elle savait qu’elle était sur terrain glissant, mais elle n’aurait jamais imaginé une telle réponse. Toutes ses angoisses étaient justifiées, Léo était convaincu qu’elle et lui ne jouait pas dans la même catégorie et venait de le lui balancer à la figure.
Elle s’écarta de lui brusquement et lui lança un regard noir. Il sembla vouloir ajouter quelque chose mais elle le coupa avant qu’il ne la rabaisse encore plus :

- Mais pour qui te prends-tu exactement ? Tu n’avais pas l’air de penser que je n’étais pas à la hauteur tout à l’heure !

Il la regarda sans comprendre et ouvrit la bouche pour parler. Une fois de plus, la jeune fille ne lui en laissa pas l’occasion :

- Comment est-ce que j’ai pu penser que tu n’étais pas le gars prétentieux et imbu de lui même que je croyais au départ.

Léo la regardait, totalement dépassé.

- Non, écoute c’est pas ce que je voulais… Il tenta de se défendre mais Enola lui coupa la parole avec véhémence.
- Alors quoi, je suis une amourette de vacances ? Tu t’es lassé de ma cousine alors tu te rabats sur le lot de consolation ? A moins que la compétition avec Frosti ne te fasse peur, toi qui veut être le meilleur en tout tu t’es dit qu’avec moi ce serait plus facile?

Enola devenait irrationnelle, elle n’arrivait plus à réfléchir tant elle se sentait humiliée. La bulle de bonheur qui s’était formé entre eux venait d’éclater et la jeune fille avait l’impression que chaque débris se plantaient droit dans son cœur.
Elle se leva sous le regard abasourdi de Léo, s’habilla et commença à rebrousser chemin.

- Quoi ? Mais Agatha attends !

Il se leva à son tour et lui couru après, quand il mit la main sur son épaule pour l’arrêter, elle se retourna et lui mit une gifle. Il fut tellement surpris qu’il eut un moment de recul. Enola fut aussi étonnée que lui de son geste et faillit s’excuser. Elle ne le fit pas. Il l’avait mérité après tout. Elle avait cru l’espace d’un instant que Léo allait lui répondre qu’il avait été stupide de ne pas la voir ou quelque chose comme ça, c'était ainsi que ça se passait dans les livres non ? Au lieu de ça il lui avait simplement avoué qu’elle n’était pas assez bien pour lui. Elle avait le cœur en mille morceaux. Elle se détourna du jeune homme et courut à travers la forêt pour rentrer au gîte, le laissant seul au milieu de la clairière.

***


Chapitre 11- suite
Dernière modification par Pimfresh le dim. 24 mai, 2020 12:22 am, modifié 2 fois.
louille

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par louille »

On peut dire que tu es la reine de la frustration. Frustration très douce, j'avoue.
Mais quand même. T'avais pas le droit de nous pondre cette dernière scène :cry: D'un regard extérieur la réaction d'Enola paraît disproportionnée, parce qu'on sait qu'il va ajouter quelque chose, lui dire que, certes il s'était jamais projetée à ses côtés, mais que l'important c'est ce qui se passe maintenant entre eux. Sauf que ce serait oublier les failles d'Enola, chaque petit bout de détresse prêt à surgir à la moindre sollicitation. C'est presque comme si elle demandait à ce qu'il confirme ce qu'elle pense déjà d'elle, et qu'importe ce qu'il peut dire, tant qu'elle ne s'autorisera pas à être douce avec elle-même, elle mésinterprètera ses mots. C'est vrai que ça peut sembler violent comme réponse, mais, après tout, c'est vrai, y'a tellement de codes plus ou moins informulés au lycée, qui tournent autour des sacro-saints cercles d'amis ou réputation de telle personne, que c'est plus un effet involontaire (et totalement stupide obviously) qu'un refus. Et ç'aurait été étrange, sinon de mauvaise foi, de nier ça. Le problème c'est que c'est incroyablement difficile d'accepter d'accéder soudain à la visibilité, quand on a toujours été à côté. Surtout que l'effet bulle de cette maison en dehors de tout pousse Enola à se dire que ce n'est que momentané.
Bref c'est bien vu tout ça. Ce chapitre était vraiment bien, tu nous as tenu en haleine depuis la première scène où se dit : "c'est bon elle va lui avouer, adios Lucie", mais non. Tu sais comment nous torturer (et tes personnages avec), alternant entre les scènes douces avec Léo et les pensées désenchantées.
La révélation de Lucie sur son passé, je l'avais trouvée un peu caricaturale au début, mais au fond, non, elle s'inscrit très bien dans le personnage et dans l'histoire. C'est fin parce que c'est à la fois contre la stéréotypisation (la peste de service) et contre la victimisation ou le misérabilisme : c'est pas parce qu'on a vécu des choses très dures, que le monde est soudain fait selon nos lois. Ça donne à ses actions quelque chose de désespéré qui ne la rend pas plus aimable, mais plus humaine. Et plus susceptible d'attirer, pas nécessairement notre compréhension si on l'entend au sens de justification, mais notre empathie.

Ton histoire reste ce mélange de doux et de drôle mêlé à des réflexions plus graves, que le soleil vient toujours, à la fin, éclairer. J'ai hâte de lire la suite.

ps : j'ai toujours pensé que les chats avaient un prédisposition au satanisme. Jamais chat ne fut plus détesté par la communauté booknote hahaha
Zayana

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par Zayana »

c'est génial , j'ai hâte que Léo découvre qui est la vrai énola !!! :D :D :D
Shirla

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par Shirla »

Oh ban sang, j'ai des milliers de choses à te dire là ! Mais je vais faire court ;) : je HAIS Lucie, J'adore Myst et j'en ai marre de Enola de temps en temps, elle m'énerve à changer constamment d'avis ! Il faut absolument qu'elle lui dise la vérité, sinon c'est moi qui m'en charge :)
Bref, encore deux chapitres magnifiques, avec pleins de frustrations je l'avoue mais aussi de belles révélations et je suis très pressée de lire la suite !
AstraD

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par AstraD »

Bah Pimfresh t'es passée où :roll: ?! Perso j'attends la suite (sans vouloir te mettre la pression bien sûr) :D !!!
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Chapitre 1 et 2
Chapitre 3 et 4
Chapitre 5 et 6
Chapitre 7 et 8
Chapitre 8 (suite)
Chapitre 9 et 10
Chapitre 11

Chapitre 11 (suite) - Jeudi 2 juillet

Bibbidi-Bobbidi-Boo

Quand elle arriva au gîte, hors d'haleine et les jambes en coton d'avoir couru à travers les arbres, Enola s'étonna de voir que tous les Quads (dont l’épave qui les avait lâché dans la forêt) étaient alignés dans la cour. Les autres étaient rentrés. Désireuse de ne voir personne, elle entra par la porte de derrière pour éviter la grande salle et se rendit directement dans sa chambre. La jeune fille s'assit sur son lit, les yeux dans le vague. Elle porta sa main à ses lèvres et ses yeux s'embuèrent de larmes.
Comme alertée par la détresse de son amie, Louise pénétra dans la chambre avec une mine inquiète. Quand elle aperçut Enola, elle s’assit silencieusement près d'elle et la serra dans ses bras.
Surprise par l'étreinte réconfortante de son amie, Enola émit un petit hoquet et éclata en sanglot. Louise n'avait eu ce genre d'attention à son égard que lorsque les parents d'Enola lui avaient annoncé leur divorce et qu'elle s'était réfugiée à la Villa Noyon. La jolie blonde attendit patiemment que son amie se calme. Quand Enola reprit enfin ses esprits, elle leva un regard interrogateur vers Louise.

- Léo est rentré, il avait l'air totalement perdu. J'ai compris qu'il s'était passé quelque chose entre vous et j'ai pensé que tu avais surement besoin de moi. Je suis désolée Nono, on ne peut pas dire que j'ai été très présente pour toi cette semaine. Mais je suis là maintenant. Que s'est-il passé ?

Enola lui raconta l'épisode dans la forêt. Elle garda pour elle quelques moments intimes échangés avec Léo et survola le baiser sans donner trop de détails. Louise fronçait les sourcils à mesure que son récit avançait.

- Tu es sûre que c’est ce qu’il voulait dire ? Peut-être qu'il s'est mal exprimé, c'est un mec après tout...

La jeune fille renifla sans grâce arrachant un sourire à Louise.

- C’est ce qu’il a dit en tout cas. A quoi je m'attendais... Cette semaine est un calvaire pour mes sentiments et mes émotions. Je passe mon temps à passer du bonheur aux larmes. J’ai l’impression que tout ce que je fais part de travers. J’ai vraiment cru, l’espace de quelques heures, que Léo éprouvait quelque chose pour moi. Mais qu'elle idiote je fais... C’est totalement stupide, je réalise maintenant qu'à ses yeux je ne suis qu’une aventure de vacances. Il n’avait pas Lucie sous la main et j’étais là donc...
-Et...

Louise hésita, provoquant la curiosité d'Enola. Son amie n'avait jamais la langue dans sa poche.

- Ecoute, tu ne crois pas que tu as peut être sur-réagis ? Je n'y étais pas bien sûr mais je sais comme tu peux être bornée parfois.
- Attends, tu penses que ma réaction était disproportionnée ? Elle soupira, Pourquoi ne suis-je pas étonnée ? J'imagine qu'aucun garçon ne t'a jamais dit que tu n'étais pas assez bien pour lui.

La réaction de Louise ne fut pas tout à fait celle qu'elle avait envisagé. En temps normal, son amie n'aurait pas apprécié qu'Enola lui tienne tête ainsi et le lui aurait bien fait comprendre. Étonnamment, un sourire timide naquit sur ses lèvres et elle répondit avec douceur :

- Ce que je veux dire, c'est que parfois, tu interprètes les choses à ta manière, parce que tu es convaincue qu'elles sont ainsi. Tu es vraiment certaine que Léo a voulu te dénigrer ?

Enola se renfrogna. Les paroles de Louise raisonnait beaucoup trop en elle et elle n'était pas sûre d'apprécier ça.

- Comme tu l'as dis, tu n'y étais pas. Quand je lui ai demandé pourquoi il ne m'avait jamais remarqué avant, j'ai vu de la pitié dans son regard. Je n'ai pas besoin qu'un mec me rappelle que je suis insipide, je le fais très bien toute seule.
- Tu n'es pas insipide.

La jeune fille haussa les épaules. Le comportement de Louise l'étonnait. Où était passé l'adorable petite peste, la reine du bal recherchant sans cesse l'attention sur elle ? Enola se demanda si ce bon vieux Tiboy n'était pas pour quelque chose dans la sagesse récemment acquise de son amie. Elles restèrent un instant silencieuses, puis une expression malicieuse illumina le visage de la jolie blonde.

- Je sais exactement ce qu’il te faut, là, tout de suite.

Enola lui lança un regard circonspect auquel Louise répondit par une joie mutine :

- Du shopping ! s’exclama Louise en tapant dans ses mains.

La jeune fille souffla. Revoilà la Louise frivole qu'elle connaissait si bien. La dernière chose dont elle avait envie, c’était de se voir dans un miroir et d'essayer des vêtements qui ne lui iraient certainement pas. Elle avait le cœur ratatiné et n’aspirait qu’à rester sous sa couette.

- Désolée Louise mais il n’y qu’à toi que le shopping remonte le moral. Grommela Enola en repliant ses genoux sous son menton .

Louise se leva du lit et posa ses poings sur les hanches. Quand elle la voyait comme ça, Enola ne pouvait s'empêcher de l’imaginer en mini Wonder Woman blonde.

- Je suis sérieuse, ce dont tu as besoin, là, c’est de reprendre confiance en toi. Ce soir on va fêter ton anniversaire dignement. On va danser, on va boire, on va chanter et tu vas être magnifique. Léo t'a dit que tu étais transparente ? Montre lui comme tu sais briller. Si tu me fais confiance, je vais faire de toi la fille la plus belle de la soirée et c’est peu dire car j’y serais aussi !

Malgré son chagrin, la jeune fille ne pu s'empêcher de sourire. Elle adorait son amie. Elles étaient totalement différentes et peu de gens comprenaient leur amitié. Elles étaient tels le sel et le poivre, à la fois différentes et si indissociables l'une de l'autre. Enola savait qu’elle pouvait compter sur Louise dans les moments comme celui-ci. Son amie avait raison, elle devait réagir et montrer à Léo qu’elle aussi pouvait être à la hauteur.
Elle repensa aux moments partagés avec le jeune homme au bord de l’eau et son cœur se serra. Comment tout avait pu basculer en une fraction de secondes ? Était-elle vraiment responsable? Sa réflexion porta sur Lucie et elle sentit son estomac se contracter, qu'arriverait-il si sa cousine apprenait que Léo l'avait embrassé au bord de l'étang?
Elle chassa cette pensée et refoula ses sentiments au fond d’elle même. Elle allait fêter dignement sa majorité avec ses amis. Son mensonge pourrait bien encore tenir le temps d'une soirée, non?
Elle essuya son visage strié de larmes et réussit à lancer un pâle sourire à Louise.

- C'est d’accord, je te fais confiance… Lança timidement Enola.

La blondinette poussa un petit cri aigu et enlaça son amie.

- J'ai attendu ce moment toute ma vie ! S’emporta Louise qui était hors de contrôle lorsqu’il s’agissait de fringues.

***



The show must go on

Louise avait embarqué toutes les filles de la maisonnée avec elle dans une séance de shopping improvisé au centre commercial le plus proche. Elle prenait sa mission de Reine du Shopping très à cœur sous le regard amusé de Mysteria et Sigrid. Au grand déplaisir d’Enola, Lucie avait également insisté pour les accompagner car elle voulait s’acheter une nouvelle robe.
Après presque deux heures passées dans les magasins à essayer une multitude de tenues, les cinq femmes étaient rentrées au gîte. Enola avait dut batailler à plusieurs reprises avec Louise qui lui avait proposé des tenues toutes plus voyantes les unes que les autres. Excédée, la jeune fille avait finit par menacer son amie de tout laisser tomber et de participer à la soirée dans son pyjama Starwars. Mysteria avait choisi une petite robe droite couleur pastel qui faisait ressortir une douceur incomparable dans son regard, Sigrid avait quand à elle opté pour une longue robe orange et fluide cintrée sous la poitrine. Avec sa grande taille et son visage anguleux, elle ressemblait plus que jamais à un bel oiseau majestueux et fier.
Enola adorait la tenue de son amie Louise, elle avait acheté une combi-short couleur prune composée de tulle et de pièces en crochet qui cachaient savamment sa poitrine menue dans un magasin hors de prix. La jolie blonde avait des allures de starlette et une fois encore, Enola s'était sentie un peu diminuée face à l'assurance de son amie. Lucie avait défilé avec toutes les tenues qu’elle trouvait dans les boutiques, évidemment tout lui allait. Elle avait jeté son dévolu sur une robe argentée ultra courte et échancrée dans le dos qui, selon Enola, avait plus sa place dans une boite de nuit que dans un gîte de campagne peuplé de joueurs de jeux vidéos.
Enola observait son reflet dans le miroir de la salle de bain d'un œil critique. Après un nombre incalculables de frustrations et l'envie de balancer tout ce qu'elle essayait à travers le magasin, Louise avait finit par l'emmener dans une boutique indépendante qui vendait des pièces haute couture en série limitée. La vendeuse, une petite femme replète au visage rond et aux airs de Marraine la bonne fée, avait prit la jeune fille son son aile et avait finit par lui proposer la pièce parfaite. C’était une petite robe noire simple mais travaillée. De forme empire, le bas de la robe tombait délicatement à mi cuisse. Le bustier était composé d’un discret décolleté en V qui soulignait délicatement la poitrine généreuse de la jeune fille sans en montrer trop. Les bretelles de la robe étaient larges et décorées d’une fine dentelle au niveau des épaules. “Confection Noyon” Avait déclaré Louise, très fière du savoir-faire de sa famille.
Enola n'avait pas eu à s'inquiéter du prix de la robe car l'adorable vendeuse l’avait soigneusement empaqueté avant de la lui tendre accompagné d'un clin d’œil complice vers Louise.

Le regard d'Enola resta un instant bloqué sur son décolleté, elle n’avait pas l’habitude de mettre ainsi sa poitrine en valeur. Elle avait redessiné les boucles naturelles de ses cheveux et des reflets ambrés cascadaient le long de ses épaules. Un trait de liner et un fard charbonneux faisait ressortir le bleu saphir de ses yeux. Louise entra sans frapper dans la salle de bain (Enola se promit de lui parler de ça quand elle serait moins anxieuse) et resta bouche bée devant son amie.

- Tu es sublime !

Enola savait que son amie était sincère. C'était un fait, Louise aimait être la plus jolie de la pièce et était très avare de compliments pour les autres filles. Elle lui sourit timidement et répondit :

- Qu'est ce que je devrais dire de cette tenue de tapis rouge? Je crois que ce bon vieux Tiboy va défaillir quand il va te voir !

Avec un sourire espiègle, Louise lui tendit une paire d’escarpins noirs. Enola leva si exagérément les yeux au ciel qu'elle faillit se faire mal. Elles s’étaient disputées un peu plus tôt dans la soirée car Enola tenait absolument à mettre sa paire de Converses. Louise avait fait mine de s’évanouir et lui avait assuré que elle vivante, sa tenue ne serait jamais gâchée par ces “horreurs”.

- Oh je t’en prie, tout ça c’est déjà beaucoup pour moi. Implora Enola en montrant sa robe.
- C’est tes dix-huit ans ma Vieille, il faut aller jusqu’au bout ! Et arrête de te plaindre, cette robe est parfaite sur toi. Il y a des femmes qui tueraient pour avoir tes formes !

Enola attrapa les escarpins de manière mélodramatique. Elle savait pertinemment qu’elle ne gagnerait pas cette bataille contre Louise. Elle les enfila sous l’oeil satisfait de son amie et se regarda une nouvelle fois dans la glace. Louise prit la pose à ses côtés et mit son coude sur l’épaule de son amie d'un air nonchalant.

- Il n’y a pas à dire Alestra, on est quand même des canons.

Enola n’était pas tout à fait sûre d'être du même avis la concernant, mais elle était d’accord pour dire que cette robe était vraiment jolie, même sur elle. Elle inspira un grand coup et regarda son portable. Il était déjà vingt-heure et tout le monde devait les attendre dans la grande salle.
Louise quitta la chambre en première et Enola entendit les acclamations du groupe. Elle imaginait son amie défiler comme sur un catwalk et cette vision lui décrocha un sourire.
Elle sortit à son tour de la chambre et percuta Léo qui allait dans l’autre sens les yeux rivés sur son téléphone. Celui-ci se figea quand il aperçut la jeune fille.
Enola le détailla du regard, il portait un jean noir moulant à la perfection ses jambes musclées et une chemise sombre dont le dernier bouton était resté ouvert laissant entrevoir son torse. Il était tellement beau. Enola se mordilla la lèvre inconsciemment en repensant à la douceur de ses mains sur sa peau.

- Agatha tu es… Il se passa la main dans les cheveux et Enola trouva ce geste terriblement sexy. Tu es fabuleuse. Continua t-il en bredouillant.

Elle ne put s’empêcher de rougir au compliment. Mais sa méfiance naturelle concernant son physique la rappela rapidement à l'ordre. Son visage se referma et elle croisa les bras contre elle comme pour se protéger du regard pénétrant de Léo.

- Ecoute, tout à l’heure, ce que je voulais te dire, je crois que tu n’as pas...

Louise apparue sur le seuil de la porte menant à la salle commune et lança un regard noir en direction du pauvre jeune homme qui ne pu terminer sa phrase.

- Bon alors ? Tu viens ? Allons leur montrer comment on sait danser dans le Pas-de-Calai !

Elle tira Enola par la main sans adresser un mot à Léo. La jeune fille se dirigea avec Louise vers la grande salle et fut accueilli par des applaudissements et des sifflements. Elle balaya la pièce du regard et ne put retenir un gloussement amusé. Les garçons avaient disposé des guirlandes “JOYEUX ANNIVERSAIRE” un peu partout. L’ensemble était ridiculement laid et tape à l’oeil mais Enola en fut très touchée. Elle constata avec joie que tout le monde s’était mis sur son trente et un, Heldadras avait fait l’effort de mettre une cravate dont les motifs criards juraient avec la couleur sombre de sa chemise. Frosti, qui était toujours le plus bruyant et le plus exubérant, portait une chemise rose que lui seul pouvait assumer avec élégance. A côté de lui, Lucie semblait sortir tout droit d’un magazine de mode. Elle était juchée sur une paire d’escarpins si haute qu’elle était presque aussi grande que son voisin et son mètre quatre-vingt dix. Louise s’était lovée sur les genoux de Tiboy qui avait revêtu une chemise blanche pour l’occasion. Même les cinq Joyeux Lurons, qui étaient accoudés au bar improvisé pour la soirée avaient tous enfilé un nœud papillon sur leur t-shirt.
Mysteria et Sigrid étaient aux fourneaux avec Antoine. Quand ils la virent débarquer dans la cuisine, Christelle fit tomber son économe et se précipita pour la prendre dans ses bras. Sigrid sourit d'un air appréciateur mais continua de couper stoïquement son concombre et Antoine la dévisagea la bouche ouverte comme si une licorne venait de pénétrer dans la cuisine.
Enola gloussa dans les bras de son amie et lui lança:

- T’es vraiment trop belle dans cette petite robe Myst ! J’ai vu ton mari en venant par ici et j’ai été très impressionnée par la cravate. Se moqua t-elle.
- Tiens, c’est drôle que tu l’appelles Myst. J’aurai pensé qu’une fille qui ne fait pas partie de la guilde l’aurait appelé par son vrai prénom. Lâcha Sigrid d’un ton détaché.

Enola et Mysteria se regardèrent inquiètes, mais avant qu’elles ne puissent dire quoi que ce soit, Antoine intervint :

- Mais quelle vieille grincheuse cette Sigrid ! Tout le monde ici appelle Christelle Myst, pas étonnant qu’Agatha ait pris le pli ! Et puis on a tous adopté cette charmante demoiselle comme une membre à part entière de la guilde, elle fait partie de la famille Ishura Mandalas maintenant !

Il avait saisit Enola par les épaules et celle-ci eut la désagréable impression que son regard fixait son décolleté avec un peu trop d'insistance. Antoine portait un pantalon beige et une chemise blanche dont les manches étaient retroussées sur ses bras. La jeune fille devait reconnaître qu'il était plutôt charmant habillé comme ça mais ses démonstrations d'affection la rendaient toujours un peu mal à l’aise. Elle s’extirpa de son emprise et Mysteria la chassa de la cuisine après qu’elle leur ait proposé son aide. A son grand regret, Antoine la suivit.
Elle retourna dans le salon, une musique assourdissante et le brouahaha des conversations emplissaient désormais la pièce. Léo était revenu dans la grande salle et était assis à côté de Lucie qui se trémoussait sur le canapé en rythme avec la musique. Quand celle-ci remarqua le regard de sa cousine, elle se colla contre Léo et se dandina de plus belle. Il parut surpris et croisa le regard d’Enola, l'air nerveux. Quand il avisa Antoine accroché à elle comme un tique sur le dos d’un chien, il fronça les sourcils, détourna le regard et se concentra sur la jeune fille près de lui. Les cuisinières les rejoignirent, le bruit significatif d'un bouchon sautant d'une bouteille raisonna dans la salle et le champagne coula rapidement à flot.

- A Enola et Agatha. Claironna Laurent en levant sa coupe de champagne. Je pense pouvoir parler au nom de tous pour dire que nous sommes extrêmement heureux d'avoir fait la connaissance de deux jeunes filles aussi pétillantes. C'est une immense joie de pouvoir partager ce jour si spécial avec vous. Vous entrez dans une nouvelle phase de votre vie. Une phase merveilleuse, fascinante mais qui peut aussi être difficile. Je n'aurai alors qu'un seul conseil à vous prodiguer pour vivre pleinement ce passage : rester vous même. (Il lança un regard entendu vers Enola) Je suis persuadé que vous avez tant de belles choses à offrir au monde des adultes qu'il serait dommage que vous changiez.

Il leva sa coupe dans un silence éloquent puis reprit la parole :

- Un joyeux anniversaire à toutes les deux, puisse t-il être accompagné de toute notre amitié. Et n'oubliez pas, tout l'art de grandir réside dans le fait de devenir adulte sans devenir vieux !
- Un combat que notre maître de guilde a perdu depuis longtemps. S'esclaffa Frosti faisant rire l'assemblée.
- Attend que le vieux te provoque en duel mon p'tit gars. Rétorqua Heldadras en souriant malgré lui.

Tous levèrent leur verre et acclamèrent les deux jeunes filles à l'unisson.
L’alcool aidant, les plus téméraires avaient improvisé une piste de danse dans la véranda adjacente à la salle à manger et se déhanchaient sur la musique.
Enola n’avait pas l’habitude de boire et le champagne la désinhiba rapidement. Louise l'avait entraîné sur la piste de danse et bientôt, les deux amis dansèrent et chantèrent à tue tête sans se soucier d'avoir ou non l'air ridicule. Mysteria, Frosti, Antoine et deux des joyeux lurons étaient aussi de la partie tandis que les autres les acclamaient de la salle à manger. Au terme d'une chorégraphie particulièrement endiablée sur “Show must go on” du groupe Queen, tous allèrent trinquer une nouvelle fois au bar improvisé. La piste suivante se lança, et une musique suave se propagea dans la véranda. Lucie s’était levée et avait saisit la main de Léo pour danser. Elle lui tournait autour et se tortillait contre lui comme une danseuse de pôle-dance autour de sa barre. Léo la laissait faire, une bouteille de bière à la main. De temps à autre, il lançait des regards inquiets vers Enola. Celle-ci faisait mine de ne pas regarder ce qu’il se passait sur la piste de danse et essayait vainement de se concentrer sur Antoine qui lui faisait la conversation. La jeune fille n’écoutait que d’une oreille, trop occupée à jeter quelques coups d’oeil du côté de Léo. Lucie surprit le regard d’Enola et lui fit un sourire mauvais. Elle se retourna soudainement vers son partenaire de danse, passa sa main dans ses cheveux bruns en bataille et l’embrassa langoureusement.
Enola sentit le sol se dérober sous ses pieds, elle avait la bouche sèche et cela n’avait rien à voir avec l’alcool. Sans réfléchir, elle attrapa la main d’Antoine qui était toujours près d’elle et l’emmena danser près du couple. Elle n’avait pas la grâce ni la volupté de sa cousine, mais elle était un peu pompette et s’en fichait éperdument. Antoine sembla d'abord surpris de l'entreprise de la jeune ville puis le ravissement illumina ses traits. Il la faisait tourner et valser. Enola bouscula sciemment le couple et partit dans l’autre sens en riant sans un mot d’excuse. Elle se colla contre Antoine et celui-ci en profita largement pour glisser ses mains sur ses hanches. En d’autres lieux et à un autre moment, elle lui aurait certainement collé une gifle. Mais elle était dans un état second et voulait que Léo la regarde.
Elle remarqua du coin de l’oeil que celui-ci s’était légèrement écarté de Lucie et qu’il regardait dans sa direction les sourcils froncés. Elle n’entendit pas la remarque de Lucie qui semblait visiblement très agacée car Antoine lui chuchota à l’oreille :

- Cette robe te va à merveille, tu es vraiment ravissante. Murmura t-il d’une voix rauque.

La jeune fille ne l’écoutait pas, elle était bien trop occupée à observer la scène qui se déroulait non loin d'eux. Elle surprit Léo la désigner de la main et Lucie s’éloigna de lui l’air furieux.
Enola sentit avec stupeur quelque chose de chaud et humide près de l’oreille et elle réalisa qu’Antoine était en train de lui faire des baisers dans le cou. Dans un éclair de lucidité, elle le repoussa. Le jeune homme la regarda sans comprendre l'air véritablement blessé.

- Je… excuse moi Antoine mais je me suis laissée emportée par la musique. Je ne… Elle laissa sa phrase en suspens, ne sachant pas quoi lui dire.

Qu’est ce qui lui était passé par la tête ? Maintenant que la musique était terminée et que Léo et Lucie n’étaient plus visibles elle se sentait idiote et terriblement gênée. Elle avait utilisé Antoine pour atteindre Léo. Tout ça ne lui ressemblait pas, était-elle en train de devenir aussi égoïste et égocentrique que sa cousine ? Prise de remords, elle se recula d'Antoine brusquement mais ce dernier la retint avec un peu trop de force. Il posa ses mains sur les hanches de la jeune fille et lui susurra d’une voix grave surjouée :

- Aller Agatha, laisse toi aller pour une fois ! C’est tes dix-huit ans ce soir il faut marquer le coup. Tu me plait beaucoup et je suis sûr que je ne te laisse pas de marbre.

Elle le regarda, choquée, puis se détourna de lui sans un mot, le laissant seul au milieu de la piste de danse. Elle était dégoûtée et savait que cette situation était de sa faute. Elle n’aurait jamais dû laisser Antoine penser qu’elle le désirait. Voilà ce qui arrivait quand on jouait avec le feu... Elle voulut rejoindre les autres à table mais la pièce tanguait dangereusement et elle avait très envie d’aller aux toilettes. Lorsqu'elle s’assit sur la cuvette, elle comprit rapidement qu’elle ne se lèverait pas de si tôt. La petite pièce tournait autour d’elle et elle posa sa tête contre le mur. Quelle belle démonstration de maturité Alestra... Songea t-elle en fermant les yeux. L’image de Lucie qui embrassait Léo lui revint à l’esprit et elle eut soudain la nausée. Elle remonta sa culotte sans même avoir eu le temps de faire pipi et couru vomir dans le lavabo en face des toilettes. Elle s’essuya la bouche et s’assit par terre en attendant que sa tête ne cesse de tourner, les yeux mi-clos.

Elle se réveilla en sursaut dans une pénombre angoissante, allongée sur un lit. Instinctivement, son premier reflexe fut de vérifier qu'elle était toujours habillée. Elle soupira de soulagement en constatant qu'elle portait toujours sa robe et alluma son téléphone: une heure du matin. Elle éclaira la pièce et fut rassurée de voir qu’elle était dans sa chambre. Elle avait finalement dut finir par sortir des toilettes pour aller s’allonger sur son lit mais elle n’en avait aucuns souvenirs.
Il y avait encore du bruit dans la grande salle, elle décida de se lever malgré les tambours qui lui vrillaient la tête. Elle avait gardé ses escarpins qu’elle retira avec soulagement, enfila ses chaussettes anti-dérapantes en pilou pilou jaune et retourna dans la salle commune. L'ambiance y était beaucoup moins survoltée que tantôt. Tous étaient installés confortablement dans l'immense canapé en face de l'âtre de la cheminée. Ils levèrent la tête vers elle et Sigrid siffla.

- Tu t’étais perdue dans la forêt ? J’aime beaucoup tes chaussettes en passant, c’est beaucoup plus seyant que les talons que tu portais tout à l’heure. Un grand couturier j'imagine ?

Enola fit un effort surhumain pour feindre un rire et déclara, la bouche pâteuse:

- Evidemment. “Confection Noyon” acquiesça t-elle en imitant la voix fluette de Louise, Un modèle unique.

Il rirent ensemble et bien vite, la jeune fille remarqua que certains occupants de la maison manquaient à l'appel :

- Où sont passés les autres?
- Louise et Tiboy sont partis faire un tour en amoureux et Frosti doit cuver tranquillement dans sa chambre, il était pas mal éméché ce soir.

Mysteria lança un regard désolée à Enola qui devina qu’elle ne lui disait pas tout. Antoine répondit à sa question silencieuse avec une inflexion délibérément provocatrice dans la voix :

- Tu as oublié Enola et son Prince Charmant, il me semble qu’ils se sont isolés dans une des chambres inoccupées. Lâcha t-il en se redressant sur le canapé avec un sourire mesquin.

L'estomac d'Enola se contracta violemment et la nausée menaçait de la submeger de-nouveau. L'image de Léo et sa cousine enlacés ensemble la rendait malade.

- Ne mettons pas la charrue avant les bœufs, il ne se passe sûrement pas grand chose dans cette chambre, Ok ? Tout à l’heure la porte était ouverte quand je suis passée, ils ne faisaient que discuter. Enchaîna Mysteria qui se voulait rassurante pour Enola.
- Qui est-ce que ça regarde de toute façon ? Constata Sigrid qui semblait toujours débarquer de nul part. Laissez donc ces jeunes s’amuser un peu. Ils sont en vacances et ils ne font que se tourner autour depuis le début de la semaine. Vraiment, pourquoi les priver de ça !

Elle fixait Enola avec son air d’oiseau de proie et la jeune fille frissonna.
La jeune fille lança un regard dans le couloir menant aux chambres avec une curiosité malsaine. Elle devait savoir. Elle prétexta devoir retourner aux toilettes et se précipita vers les chambres, une chape de plomb au creux du ventre. Elle entendit Mysteria l’appeler mais fit mine de ne pas l'entendre.
Mue par un besoin viscérale de savoir ce qu'il en était, elle posa son oreille sur le battant des chambres qu’elle savait inoccupées. Arrivée devant la chambre que Lucie avait récemment investit, son corps se recouvrit de chair de poule en entendant des murmures ténus derrière la porte. Elle y colla son oreille et fut horrifiée d’entendre des gémissements et des râles provenant de la pièce.
Écœurée, elle courut à toutes jambes dans sa chambre et vomit dans les toilettes. Tout ça était de sa faute, elle en était consciente et ce sentiment ne faisait qu’accroître sa détresse. Pourquoi est-ce que Lucie était entrée dans sa vie ? Pourquoi Enola n'avait-elle pas eu le courage d'avouer la vérité à ses amis ? Et enfin... pourquoi avait-il fallu qu'elle repousse Léo ? Une petite voix dans sa tête raisonna en elle: "Parce que tu ne le mérites pas et qu'il n'a pas hésité une seconde pour rejoindre Lucie dans son lit." Elle se roula sous sa couette et pleura jusqu’à l’épuisement.

***



Chapitre 12 - Vendredi 3 juillet

Mention honorable

Elle se réveilla le lendemain avec deux certitudes. La première était qu’elle ne boirait plus jamais une seule goutte d’alcool et la deuxième qu’elle essaierait par tous les moyens d’oublier Léo. Repenser à ce qu’elle avait entendu la veille après avoir passé un moment si intime dans la clairière avec le jeune homme lui vrillait l’estomac, à moins que ce ne soit les restes d’alcool ? Elle enfonça sa tête dans son oreiller pour essayer de calmer la nausée et ferma les yeux. Quand elle les rouvrit quelques instants plus tard, elle remarqua Louise qui venait vers son lit avec l’air catastrophé. Elle se redressa subitement et le regretta immédiatement quand elle sentit ses entrailles se contracter violemment. Quelque chose dans l’attitude de son amie l’alarma et elle ne prêta pas attention aux protestations de son ventre. Elle paniqua on songeant un instant que Tiboy ait pu lui faire du mal mais fut rassurée de voir que son lit était défait et qu’elle avait dormi là.

- Que se passe t-il Louise? Tu as l’air paniquée. Demanda Enola la bouche pâteuse.
- C’est Lucie, elle est partie ! Antoine m’a raconté qu’elle s’était enfermée dans une chambre avec Léo hier soir, mais quelle garce cette fille ! Et là elle est tout simplement partie ce matin sans rien dire à personne ! Laurent l’a vu monter dans un UBER avec sa valise.

Louise semblait vraiment énervée. La première chose que pensa Enola fut: Bon débarras. Puis elle se souvint que pour la majorité des personnes du gîte ce n’était pas Lucie la cousine dévergondée de Enola qui était partie mais Enola, la Nola chasseuse de niveau 70 du jeu. Elle se passa la main sur le front et les yeux et se rendit compte qu’elle n’était même pas démaquillée. Magnifique, Ajoutons panda à la liste du documentaire animalier Enola Alestra. Pensa t-elle avec abattement.
Louise reprit, toujours aussi agitée, elle avait l'air complètement bouleversé:

- Qu’est ce qu’on fait, est-ce qu’on part nous aussi? Si la prétendue Enola n’est plus là nous n’avons aucune raison valable pour rester aux yeux des autres. Bon sang Nono, je t’avais dis que ton idée était nulle !

Enola voulait que son amie arrête de crier, elle avait l’esprit embué et n’arrivait pas à réfléchir. Elle marmonna avec lassitude :

- Tu as une raison valable de rester, tu as Tiboy. Personne ne va nous mettre à la porte et puis de toute façon Mysteria et Heldadras savent qui je suis. Sigrid doit sûrement le savoir aussi d’ailleurs.
- Quoi ? Comment ça? Depuis quand? Pourquoi tu ne me l’as pas dis avant? L’interrogea Louise qui semblait au bord de la crise de nerfs.
- Mysteria m’a grillé le premier jour et elle l’a dit à Heldadras, je ne te l’ai pas dit parce qu’au début tu étais très proche de Lucie et je t’en voulais. Puis j’ai oublié ensuite. Lui répondit Enola en se levant pour aller dans la salle de bain.

Louise parue surprise du calme inhabituel de son amie et s'enquit avec inquiétude :

- Tu es encore soûle ou tu te fiches vraiment de savoir que Lucie nous a laissé tomber dans cette galère après avoir couché avec Léo ?

Enola accusa le coup. Sa stupeur empira quand elle constata les désastres du mélange de larmes et de maquillage sur son visage, on était loin de la fille joliment maquillée de la veille. Elle prit le temps de se démaquiller avant de répondre à Louise :

- Qu’est ce que tu veux que j’y fasse, maintenant les choses sont faites. Elle s’est amusée et a couché avec Léo, elle a eu ce qu’elle voulait et lui aussi. La Nola du jeu est définitivement passée pour une garce et quoi que je fasse ou dise ça ne changera rien. On va rester ici et profiter des personnes qu’on apprécie jusqu’à la fin du séjour. Je resterai dans mon rôle d’Agatha jusqu’au bout et quand nous rentrerons je quitterai la guilde.

Enola avait annoncé ça sans émotion, mais elle en était malade. Il était hors de question qu’elle retourne sur le jeu après tout ça, elle en avait beaucoup trop honte.
Elle se regarda une nouvelle fois dans le miroir et retrouva la jeune fille introvertie qu’elle avait laissé sur la Côte. Elle avait fêté ses dix huit ans la veille et pourtant, jamais elle ne s’était sentie si jeune et fragile.

- Et pour Léo? Demanda Louise en secouant la tête d’agacement.
- Il n’y a jamais rien eu entre Léo et moi à part dans mes fantasmes stupides d’adolescente. Il n’a jamais été intéressé par la Enola maladroite et parfaitement banale du Lycée Mariette. Léo m’a bien fait comprendre qu’on ne jouait pas dans la même catégorie. Je ne sais pas à quoi je pensais quand j’ai cru qu’il éprouvait des sentiments pour moi. C’était stupide. Il a couché avec elle quelques heures après m’avoir embrassé dans la clairière. Il ne vaut pas mieux qu’elle s’il se laisse convaincre par une robe ultra courte et une danse lascive. Les cours sont terminés et à la fin de l’été il s’en va à Dunkerque. J’aurai donc tout le loisir de ne plus le voir et de l’oublier pour enfin passer à autre chose. Répliqua Enola avec rage en jetant son coton souillé dans la poubelle.

Une notification sur son portable capta son attention, elle constata avec inquiétude que son père et sa mère avaient tenté de la contacter. Elle avait plutôt intérêt de les rappeler même si elle sentait déjà la tempête arriver. Elle remarqua également un SMS de Lucie et l’ouvrit pour le lire :

Félicitations tu as gagné. Je suis retournée à Paris ce matin, je suis chez des potes. J’espère que tu as bien profité de ta semaine Cousine. Espérons pour toi que ça dure encore...

Enola ne fut même pas surprise qu’elle ne lui donne pas plus d’explications et qu’elle ne s’excuse pas. Et puis Félicitations pour quoi d’ailleurs? Qu’est ce qu’elle avait gagné? Elle effaça le SMS avec rage et écouta le message vocal de son père :

"Bourdon, ta mère et moi t’avons appelé trois fois hier soir et tu n’as pas répondu. Elle a insisté pour t’avoir et j’ai été contraint lui dire que tu ne dormais pas à la maison. J’ai vu que Lucie était repassée à l’appartement ce matin, que se passe t-il ? Rappelle moi."

Une boule d'angoisse se forma au creux de son ventre quand elle constata qu’effectivement elle avait six appels manqués de ses parents, elle ouvrit fébrilement le message vocal de sa mère, s’attendant au pire.

"C’est la dernière fois que je te fais confiance Enola, je t’avais dit que tu dormirais tous les soirs chez ton père et j’apprends que tu n’as pas passé une seule nuit chez lui et en plus tu ne réponds pas au téléphone. Il est hors de question que tu restes une journée de plus avec ces gens. Je te prends des billets pour le train de cet après-midi et tu as plutôt intérêt à me rappeler."

Devant sa mine déconfite, Louise lui demanda ce qui n’allait pas et Enola lui fit un signe de la main. Il fallait absolument qu’elle appelle sa mère. Il était hors de question qu’elle quitte le gîte maintenant. Même si elle était triste et déçue, il restait des gens qu’elle appréciait énormément dans cette maison et elle ne voulait pas les quitter tout de suite.
Sa mère décrocha au bout de la première sonnerie :

- Enola? Où es-tu ! Pourquoi tu ne décrochais pas !
- Bonjour Maman. Répondit la jeune fille avec une petite voix. Je suis désolée, on a fêté mes dix-huit ans tous ensemble hier. Comme il était tard, je ne suis pas rentrée chez Papa.
- Ne me mens pas Enola, je sais pertinemment que tu n’as passé aucunes nuits de la semaine chez ton père. Je t’ai fais confiance et je t’ai laissé rejoindre des inconnus et voilà comment tu me remercies? En me mentant? Et par dessus le marché, je viens de découvrir que tu n’avais fait aucunes demandes d’université ! A quoi tu joues exactement? Tu penses que la vie n’est qu’un divertissement ? Je te préviens, fini l’ordinateur et dès demain on essaie de voir si on peut t’inscrire tardivement à l’Université d’Arras. Ordonna Hélène d’une voix sèche et sans équivoque à l’autre bout du fil.

Enola était blanche comme un linge, sa mère avait toujours été très autoritaire avec elle et en règle générale, elle évitait toujours de la contrarier. La jeune fille avait cependant gagné en assurance ces derniers jours et à son grand étonnement elle lui répondit :

- Je suis désolée Maman, c’est vrai que j’ai dormis ici avec les autres. Louise et ma cousine Lucie sont avec moi, nous partageons une chambre toutes les trois, je ne suis pas qu’avec des inconnus. Papa me fait assez confiance pour m’avoir autorisé ça. Je n’ai plus douze ans Maman et je ne suis plus une enfant. Les gens qui sont ici sont très gentils et veillent sur moi. Je m’excuse de t’avoir menti mais je ne m’excuse pas d’avoir profité de mon séjour et je resterai jusqu’à la fin de la semaine comme prévu.

Elle n’ajouta rien à propos de l’Université car elle savait que quoi qu’elle dirait, cela envenimerait la situation et ce n’était ni moment ni l’endroit de parler de ça.
Sa mère resta silencieuse pendant un court instant et Enola pensa qu’elle avait raccroché mais Hélène finit par lancer sèchement:

- J’ai déjà entendu quelque chose dans ce genre là il y a deux ans et tu as vu comme cela a fini. C’est ça que tu appelles des gens gentils, des gens qui t'incitent à répondre à ta mère et à lui désobéir ? Si tu ne te considères plus comme une enfant arrête d’agir comme telle. Si tu ne rentres pas aujourd’hui, pas la peine de rentrer de l’été. Puisque ton père semble te faire si confiance, je lui laisse le loisir de s’occuper de toi et de ton avenir, on verra bien si tu me trouves toujours aussi dure avec toi.

Enola n’avait aucune envie de passer l’été à Paris, sa mère savait qu’elle détestait les grandes villes. Par ailleurs, elle était persuadée qu'Hélène aussi refusait l’idée de la laisser rester en région parisienne et cet ultimatum n'avait pour seul but que de lui faire peur pour qu’elle rentre.

- Je ne rentrerai pas aujourd’hui Maman, je prendrai le train dimanche comme prévu. Je dois raccrocher, il faut que je me prépare, nous avons prévu de faire une balade dans un château aujourd’hui. Bisous.

Elle ne laissa pas sa mère lui répondre et raccrocha, elle le paierait tôt ou tard mais dans l’immédiat elle n’avait pas envie d’y penser. Elle fut étonnée de voir que celle-ci ne la rappelait pas et composa le numéro de son père. Celui-ci fut beaucoup plus compréhensif et finalement peu étonné du départ de Lucie. Il lui assura qu’il allait discuter avec son ex-femme pour la calmer et lui demanda de le rappeler plus tard dans la journée quand elle aurait eu ses résultats du BAC.

Les résultats du BAC, avec cette semaine riche en émotions elle avait complètement oublié qu’ils seraient affichés le jour même. N’étant pas sur place et Louise non plus, elles avaient chargé le frère d'Enola d’aller les voir pour elles et des les appeler. Comme si cette journée n'était pas déjà suffisamment compliquée à gérer émotionnellement ! Elle songea à Léo et se demanda qui allait lui communiquer ses résultats. Nul doute que le jeune homme aurait son BAC, certainement même avec mention. Repenser à Léo lui donna le vertige et elle essaya de le chasser de son esprit. Elle regarda Louise qui l’observait toujours avec inquiétude dans un silence inhabituel et s’efforça de lui sourire :

- Prête à recevoir les résultats du BAC ? Demanda t-elle faussement enjouée.
- Mince ! C’est aujourd’hui ! Je les avais complètement oublié ceux là ! Tu es sûre que ton frère va nous appeler ? Ils ont affiché à dix heures, il reste une heure à attendre... S’affola soudain Louise en arpentant la pièce.

Malgré toute la nervosité accumulée depuis la veille, Enola éclata d'un rire nerveux. Elles finirent de se préparer et rejoignirent les autres dans la grande salle.
Enola refusait de regarder Léo, elle avait décidé qu’elle ne lui prêterai plus attention jusqu’à la fin du séjour. Malgré sa colère, elle ressentit tout de même de la peine pour lui quand elle réalisa que Lucie était certainement partie sans rien lui dire non plus. Foutue bienveillance... Elle chassa cette pensée de son esprit et s’assit à table avec Louise et les autres. Léo avait informé le groupe que les résultats du BAC allaient bientôt tomber. L'ambiance était fébrile et chacun racontait des anecdotes sur sa propre épreuve. Etonnamment, personne ne parlait du départ précipité de Lucie. Quand Enola en demanda discrètement la raison à Mysteria dans la cuisine, celle-ci répondit dans un sourire qui ne remonta pas à ses yeux :

- J'ai dit à tout le monde que sa mère avait insisté pour qu’elle rentre pour les résultats du BAC et qu’elle avait dû partir précipitamment mais qu’elle m'avait demandé de leur faire à tous un gros bisou de sa part.
- T’es un génie Myst ! Et tu n’étais pas très loin de la vérité. Soupira Enola en lui racontant la conversation qu’elle avait eut avec sa mère. Au moins, les autres n’auront pas une trop mauvaise opinion de Nola.

Son téléphone se mit à vibrer et le nom de Lucas s'afficha sur l’écran, son ventre se serra et elle fit de grands signes à Mysteria pour qu’elle la suive dans le salon. Quand Louise la vit le téléphone à l’oreille elle accourut vers elle et attendit avec appréhension. Enola aperçut brièvement Léo lui aussi au téléphone, un sourire éclatant sur les lèvres et sa tension monta d’un cran. Elle mit le haut parleur en décrochant :

- Salut Bourdoooon ! Je suis devant les tableaux et je peux te dire qu’ici c’est la folie ! Pas trop stressée les filles?

Enola entendait effectivement des gens crier derrière son frère, elle s’imagina les éclats de joie et les pleures de ses camarades de classe devant le lycée. Louise émit un petit cri aigu et intima Lucas de se dépêcher. Il reprit, amusé :

- Ok, ok ! Alors je vais commencer par la jolie Louise … Noyon, Noyon...

Enola était scotchée à son téléphone, attendant le verdict de son frère et Louise trépignait d’impatience à côté d’elle.

- Louise Noyon ! Je t’ai trouvé ! Vous êtes admise Mademoiselle Noyon ! Toutes mes félicitations !

La jeune fille poussa un cri strident et se jeta dans les bras de Tiboy qui s'était rapproché. Plus loin, Léo semblait lui aussi avoir été admis et tout le monde les applaudissait.
Lucas ne disait plus rien au bout du fil et Enola se demandait si ce n’était pas mauvais signe, elle entendait le brouhaha des lycéens derrière lui. Elle reporta son attention sur son téléphone et demanda d’une petite voix:

- Et moi ?
- Je suis désolé Bourdon.

Il laissa un blanc. Enola sentit toutes les couleurs quitter son visage.

- Je suis vraiment désolé de ne pas être là pour fêter ça avec toi.

Enola mit un certain temps avant de comprendre ce que son frère disait, il haussa la voix et s’exclama :

- Tu es admise Bourdon ! Je suis trop fier de toi Enola !

Heureusement, la fin de sa phrase se noya dans l’explosion de joie qui éclata dans la grande salle et personne n’entendit le prénom qu’il lui avait donné.
Enola se faisait enlacer de toutes parts et pendant une fraction de minutes, toutes ses contrariétés avaient disparu. Elle remercia chaleureusement son frère et se promit de lui faire un énorme bisou quand elle le reverrait. Elle ne s'était pas rendu compte qu'il lui manquait autant. Quand elle raccrocha, tout le monde était en effervescence et elle fut profondément heureuse d’avoir tenue tête à sa mère et de ne pas devoir partir dans la journée.
Léo s'approcha d'elle pour la féliciter et se contenta de lui adresser un signe de tête froid. Il parut décontenancé et déçu mais Enola n’eu pas le temps de s’en préoccuper car elle devait appeler ses parents. Son père la félicita chaleureusement et lui promit de lui acheter un nouvel ordinateur portable pour la récompenser. Quand Enola appela sa mère, deux heures après lui avoir raccroché au nez, elle sentit son allégresse redescendre à toute allure. Hélène lui répondit froidement. Elle lui annonça les résultats et sa mère lui fit remarquer que si elle avait réussit son épreuve, c’était parce qu’elle s’était concentrée sur ses révisions avec sérieux au lieu de passer tout son temps scotchée à l’ordinateur. Elle ne lui re-parla pas de la conversation de la matinée et Enola se contenta de cette réaction plus que pondérée.

***


Télé réalitée

Quelques heures suivant l'annonce des résultats du Bac, ils se regroupèrent dans la grande salle près de la grande cheminée pour partir à l'activité de groupe de l'après-midi. Enola avait à peine accordé un regard à Léo qui semblait totalement dérouté par la froideur de la jeune fille. Pour le reste du groupe, l’ambiance était bon enfant et détendue, le séjour touchait à sa fin et tous profitaient des derniers moments passés ensemble.

- Salut Agatha.

Enola se tourna vers Antoine. Il avait l’air si misérable qu’Enola se sentit mal pour lui.

- Ecoute... je suis vraiment désolé pour hier soir. J'ai cru... enfin excuse moi. Je ne voulais pas être aussi grossier.
- C'est moi qui m'excuse. J'ai mal agit avec toi. Penses-tu qu'on puisse mettre tout ça sur le compte de l'alcool et passer l'éponge ? Demanda Enola timidement.

Il sourit, et la jeune fille prit sont expression amical pour un acquiescement. Antoine se pencha pour lacer ses chaussures près de l’immense télévision. Une enveloppe posée sur la table basse attira son attention.

- Hé les gars, il y a marqué “Pour vous dire aurevoir” sur cette enveloppe, c’est peut-être un mot d’Enola. Lança t-il en attrapant le courrier.

A la surprise générale, Frosti se précipita sur lui et lui arracha presque l’enveloppe des mains pour la lire. Il parut perplexe puis lu à haute voix :

Je suis désolée d’être partie comme une voleuse, j’ai passé une semaine vraiment chouette. Je tenais à vous passer un petit message en vidéo avant de partir. La clé USB se trouve sur la télévision. Prenez soin de vous, Bises. L.”

- C’est bizarre, pourquoi a t-elle signé L. ? s’enquit Frosti en retournant la lettre dans tous les sens afin de voir si rien d’autre n’était écrit dessus.

Enola eut à peine le temps de lancer un regard paniqué à Louise qu’elle vit Antoine allumer la télé et lancer la vidéo. Elle aperçut avec horreur son ancienne chambre à l’écran et comprit avec angoisse ce qu’il était en train de se passer. Elle hurla au garçon d'arrêter la télévision et tout le monde se retourna vers elle l’air étonné. Elle couru vers lui pour lui arracher la télécommande des mains. Lorsqu’elle se vit apparaître à l’écran en sous vêtement, elle fit tomber le boitier qui s'éclata au sol. Les piles roulèrent de toutes parts. Elle se jeta par terre pour les ramasser et la voix désincarnée d’Aurélien se fit entendre dans les enceintes de la télévision :

- Enola ? T’es bien certaine que ton père ne va pas nous surprendre hein?

C'est très distinctement que la Enola de la vidéo répondit d'une voix mal-assurée :

- Il est en déplacement à l’étranger et Lucas est parti chez des amis.

Aurélien entra dans le champ de la caméra et ils le virent la détailler du regard.

- En voilà une bonne nouvelle !

Heldadras cria à Antoine d’éteindre la télévision et celui-ci s’efforçait de remettre les piles dans la télécommande avec fébrilité. Enola était paralysée, l'horreur de la situation la clouait au sol. A l'écran, la vidéo se déroulait inexorablement et bientôt, Aurélien se positionna au dessus d’elle et commença à la déshabiller en l’embrassant. La télévision devint brusquement toute noire.
Le regard remplit de larmes de la jeune fille glissa vers Léo, debout près du mur. Il était blême. Il tenait d'une main tremblante la prise électrique de la télé tandis qu’Heldadras avait arraché la télécommande des mains d’Antoine et s’était précipité vers le bouton d’alimentation de la télévision.
Un silence pesant tomba sur la pièce, personne n'osait dire quoi que ce soit. C'était comme si quelqu'un avait appuyé sur le bouton MUTE d'une télécommande. Tous s’étaient tournés vers Enola et la dévisageaient avec incompréhension et stupeur.
Au bout de quelques secondes qui parurent une éternité, la voix de Léo résonna à travers la pièce :

- Enola? Demanda t-il secoué.

La jeune fille se sentait acculée, elle était la proie de tous les regards et avait l’impression d’être aussi nue que sur la vidéo. Elle sentit la panique l’envahir. Elle essaya de dire quelque chose puis éclata en sanglots en sortant précipitamment de la salle.
Enola courut vers la grange et se recroquevilla derrière un ballot de paille. Elle n’arrivait plus à respirer et avait l’impression que son corps ne lui répondait plus. Elle allait mourir d’asphyxie, ou de honte, ou peut être même des deux, derrière ce ballot de paille. Sa vision s'était brouillée. Tout devenait de plus en plus blanc. Son cœur se mit à battre à une vitesse folle et une sueur froide coulait dans le creux de son dos. Tous ses sens étaient sans dessus dessous : Elle était en pleine crise d’angoisse. Elle sentit des bras tendres et chaleureux l’étreindre et la voix douce de Mysteria la ramena un peu à la réalité :

- Respire ma chérie, respire. Sens tes doigts de pieds, sens tes mains. Respire.

Elles passèrent un long moment ainsi enlacée, la présence maternelle de Christelle l'apaisant doucement. Elle retrouvait petit à petit une respiration normale et des sensations dans le corps. Christelle lui caressait les cheveux en murmurant d’une voix douce :

- Ça va aller, je suis là. Calme-toi. Dis-moi ce que tu veux que je fasse, tu peux tout me demander.

Enola alla chercher au plus profond d’elle pour pouvoir sortir un son, elle balbutia d’une voix faible et enrouée:

- Je veux rentrer chez moi.

Elle ne pouvait pas revoir les autres après ce qu’il venait de se passer. Elle se sentait sale et humiliée. De plus, il ne faudrait pas longtemps pour que tout le monde comprenne qu’elle avait menti et qu’elle était en réalité la vraie Enola. Elle avait passé des heures à réfléchir à la meilleure façon de leur avouer la vérité et voilà que celle-ci avait éclaté de la pire des manières. Elle repensa au visage confus de Léo dans le salon et se remit à pleurer. Elles restèrent presque une heure dans la grange. Christelle tentait de comprendre tout ce qu’il s’était passé tout en essayant de réconforter la jeune fille anéantie. Quand Enola lui raconta à demi-mot les menaces de Lucie, Mysteria devint folle de rage.

- Je ne comprends même pas pourquoi elle a fait ça, sanglota Enola, elle avait gagné, elle a eu Léo et je n’ai rien fait pour empêcher ça.
- Tu aurais dû m’en parler Enola ! Ta cousine a un problème ma chérie, tu n’y es pour rien. C’est une mauvaise personne. Le garçon qui a filmé ça devrait pourrir en enfer, je te jure que si je l’avais devant moi il ne paierait rien pour attendre.
- Louise et toi aviez raison depuis le début, c’était une idée stupide dès le départ. Myst tout le monde m’a vu me faire tripoter à moitié nue sur cette vidéo, c’est un cauchemar... Ils doivent tous me détester. J’ai tout gâché, je suis tellement désolée… Se lamenta la jeune fille en se cachant le visage dans les mains.
- Tu es jeune, tu fais des erreurs et c’est normal. J’aurai dut être plus vigilante et arrêter ce petit jeu dès le début, c’est aussi de ma faute. J’étais responsable de toi. Ne t’inquiète pas pour les autres, personne ne te tiendra rigueur pour cette vidéo et compte sur moi pour leur expliquer les choses. Rien n’a été gâché, à part peut être cet après-midi ennuyant au château. Tout le monde ici a adoré Agatha, comme ils adorent Nola en ligne, nous avons tous passé de très bons moments durant ce séjour. Tu verras que tout ira bien et que dans quelques temps tout le monde aura oublié cet incident.
- Mais Léo…
- Tu dois laisser le temps au temps Enola, laisse le digérer tout ça.

Enola s’essuya les yeux, elle regarda Christelle avec tendresse. Elle se sentait légèrement mieux, elle était toujours aussi dévastée mais elle ne pleurait plus. Elles entendirent des pneus crisser sur les graviers de la cour.

- C’est surement ton Papa, tu es prête à sortir de là ? J’ai envoyé un sms à Laurent pour qu’il l’appelle et demandé à Louise de faire ta valise. Ajouta t-elle devant le regard interrogateur d’Enola.

Elle hésita un instant et reprit.

- Tu es sûre de vouloir t’en aller ? Nous pourrions leur expliquer, je suis certaine qu’ils ne t’en voudront pas.

Enola fit non de la tête, elle était incapable de se retrouver face à eux.
Elles sortirent de la grange. Au grand soulagement d’Enola, il n’y avait personne dans la cour à part Louise et son père. Celui-ci la prit dans ses bras et lui caressa les cheveux avec tendresse. Enola ne savait pas ce qu’Heldadras lui avait dit mais il devait savoir qu’il s’était passé quelque chose de grave car il la regardait avec inquiétude. Il la lâcha et alla s’entretenir avec Mysteria restée en arrière. Louise s’approcha prudemment de son amie, la mine grave et la serra contre elle.

- Je suis tellement désolée Nono, si j’avais su... jamais ne n’aurai imaginé qu’elle puisse aller jusque là. Comment a t-elle pu mettre la main sur cette vidéo? Je pensais qu’elle avait été effacée.

Elle lui déposa un baiser sur la joue et Enola sentit les larmes couler de ses yeux.

- Je te jure que si je la revoie je la tue, s’emporta la petite blondinette avec véhémence.
- Merci d’être restée avec moi dans cette galère. Bredouilla avec difficultés Enola à l’oreille de son amie. Tu as vu Léo ? Demanda t-elle avant que sa voix ne se brise.

Louise lui lança un regard peiné.

- Il m’a demandé de lui avouer toute la vérité, il était furax... oui vraiment en colère. Il s’est disputé avec Antoine, l’accusant d’être de mèche avec Lucie et d’avoir volontairement lancé la vidéo. Il m’a demandé qui était Aurélien et m’a ordonné de lui donner le numéro de Lucie. Je ne sais pas ce qui la mit le plus hors de lui, découvrir le mensonge ou la vidéo. Il a voulu faire sa valise pour partir mais Heldadras a passé une heure dans sa chambre à discuter avec lui. Il avait l’air plus calme quand ils sont sortis.

Enola ne répondit pas, elle se sentait minable.

- Il est temps Bourdon, tu veux que j’attende le temps que tu dises au revoir à tout le monde ? S’enquit son père avec douceur.

Enola lança un coup d’oeil triste vers la bâtisse et secoua la tête. Elle se jeta dans les bras de Mysteria qui la serra contre elle avec tendresse en chuchotant :

- Tu reviens nous voir quand tu veux ma petite Nola, ne nous oublie pas dans tes dunes. Tu es une jeune femme formidable, ne l’oublie jamais.
- C’est impossible de vous oublier, merci pour tout. Tu embrasseras Heldadras et les autres pour moi, s’ils sont d’accord... Et tu leur diras que je suis vraiment désolée... pour tout.

Enola monta dans la voiture de son père. Elle lança un dernier regard à la demeure à travers la vitre et vit Léo qui l’observait derrière une des fenêtres de la maison. Son coeur se serra et ils se fixèrent un long moment avant que son père ne démarre et ne s’enfonce dans la forêt.

- Papa ? Demanda la jeune fille d’une toute petite voix étanglée.
- Oui Bourdon ?
- Tu pourras ne pas parler de tout ça à Maman...

Son père la dévisagea un instant et lui fit un sourire compatissant.

- Je ne lui en parlerai pas, ce qu’il s’est passé dans cette forêt y restera. Je suis tellement désolée pour Lucie, j’aurais dut être plus vigilant.

Enola le regarda sans comprendre. Il poursuivit :

- Lucie est sous antidépresseurs depuis que son père est décédé. Elle fait n’importe quoi et sa mère ne sait plus quoi faire. Quand vous m’avez demandé de partir ensemble, j’ai pensé que ce séjour lui permettrait d’aller mieux, que ta compagnie l’aiderait à chasser ses démons. Tu es tellement gentille, je ne comprends pas comment elle a pu te faire ça… Et ce maudit film... Je suis tellement désolé ma chérie.

Les doigts de Christian s’étaient blanchis tant il serrait le volant de colère à l’évocation de la vidéo.
La jeune fille fixait ses mains sur ses genoux. Quel gâchis. Elle se détourna et regarda les arbres défiler de long de la route. Des larmes coulaient silencieusement le long de ses joues.

***


Chapitre 13, 14 et 15
Dernière modification par Pimfresh le lun. 25 mai, 2020 9:37 am, modifié 6 fois.
Shirla

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par Shirla »

je...je ne sais pas quoi dire...
stp mets nous vite la suite
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Bonjour à tous,

Comme certaines ont pu le constater, je ne suis pas très rigoureuse concernant mes publications du moment ! Pour me rattraper, j'ai posté le chapitre de vendredi hier soir et les chapitres suivants sont d'ores et déjà prêts à être publiés. J'attends avec impatience vos retours pour décider si je le poste ce dimanche ou si j'attends mardi.
L'histoire arrive doucement à son terme, il ne me reste plus qu'un ultime chapitre à retravailler avant de vous le proposer.

Avez-vous déjà des attentes particulières concernant la suite ? Comment imaginez-vous la fin de l'histoire ?

Au plaisir de vous lire,
Je vous embrasse,

Pimfresh
Tifennjh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par Tifennjh »

Salut !!
J'adore ce chapitre, il est absolument fantastique !!!!! J'ai trop hâte de connaître la suite ^^
Le prochain chapitre sera le dernier ? Oh, non !!!!
Je ne sais pas quand tu veux le publier, Pimfresh, mais tu fais comme tu veux. Moi ça me va pour aujourd'hui, et mardi me convient également.
Je pense que ce serait mieux mardi, je saurais contenir mon impatience de connaître la suite :D

Je ne sais pas trop comment j'imaginerais la fin, mis j'espère que Enola et Léo finiront ensemble !!!!

Bonne journée ^^

Tifennjh
AstraD

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par AstraD »

Eh bien eh bien... Difficile de ne pas avoir le coeur secoué dans tous les sens avec ces nouveaux chapitres :roll: ! J'ai été heureuse qund Lucie est partie mais furieuse et triste pour Enola quand tout le monde voit la vidéo.
Tu fais comme tu le sens pour les prochains chapitres surtout ne te mets pas la pression ;) ! Et pour la fin Enola et Léo ensemble évidemment :D !!!
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 12 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Chapitre 13 - Dimanche 4 juillet

Les Gardiens du Bosquet

Enola avait passé un week-end pénible chez sa tante. Celle-ci s’en voulait tellement pour le comportement de Lucie qu’elle avait harcelé sa nièce de petites attentions et de sollicitudes. La jeune fille en fut vite agacée et passait la majorité de son temps enfermée dans sa chambre à se morfondre.
Elle avait voulu rentrer tout de suite sur la côte, mais son père avait tenu à ce qu’elle passe un peu de temps avec lui et elle n’avait pas su lui refuser.
Antoine lui avait envoyé un long message, s’excusant pour avoir lancé la vidéo et lui assurant qu’il ne lui en voulait pas d’avoir menti. Il l’avait rassuré en lui disant qu’elle pourrait toujours compter sur son amitié et qu’il avait été plus qu’heureux de faire sa connaissance. Enola avait reçu ce sms comme un baume sur son cœur et son moral en mille morceaux. Elle ne méritait pas l’amitié d’Antoine mais lui était profondément reconnaissante de la lui accorder après tout ce qu’il s’était passé.
Un peu plus tôt dans la matinée, elle avait également reçu des nouvelles par Louise. La séjour au gîte touchait à sa fin et le bus allait les reconduire à la gare pour quatorze heure. Tous allaient retourner à leur vie et garderaient des souvenirs uniques de cette semaine. Son amie lui avait assuré que personne ne lui en voulait, à part Léo qui ne lui avait pas adressé un mot pendant deux jours et que tous avait déjà pardonné Enola d’avoir menti. La jeune fille en doutait.
Son propre train pour la côte partait à seize heure. Elle était assise par terre au milieu de ses affaires et préparait sa valise quand elle reçu un message d’un numéro inconnu.

Coucou Enola, j’espère sincèrement que tu vas bien après tout ça. Je tenais à te dire que j’étais désolé pour toi. Je n’aurai jamais imaginé que Lucie (Louise m’a dit que c’était son prénom) puisse faire une telle chose, je la croyais différente. Mais après tout, je ne la connaissais pas. Je ne vous en veux pas pour toute cette histoire, on fait tous des choses stupides par amour ;) Mais ma petite Enola, ait confiance en toi. J’ai trouvé la jeune Agatha pétillante et pleine de vie, belle et adorable exactement comme la Nola du jeu. Crois moi, tu n’as besoin de personne pour te mettre en valeur.
Donne nous de tes nouvelles, on est une famille et une famille pardonne tout. Même les complots de jeunes demoiselles effarouchées ! ;)
Affectueusement, Frosti.


Enola resta un moment immobile, les yeux rivés sur ton téléphone, lisant et relisant le message. Son cœur jusque là en miettes s’était gorgé d’affection. Comment était-il possible que ses amis pardonnent son mensonge aussi facilement ?
Son regard balaya la pièce et se posa sur la boite en carton qui contenait le tabard offert par Laurent et Christelle. Elle repensa à ce qu’ils lui avaient dit quand ils le lui avaient donné: “C’est pour te rappeler que tu as des amis virtuels qui t’apprécient et qui seront là pour toi si tu as besoin d’eux dans la vraie vie”. Elle relut une dernière fois le sms de Frosti tout en caressant le tissu soyeux du tabard. Ça ne pouvait se terminer comme ça.
Elle se releva précipitamment et appela son père à travers l’appartement :

- Papa ! Je dois aller en urgence à la gare de Versailles !

***


Enola avait prit sa décision si rapidement qu’elle n’eut guère le temps de la regretter. Son père l’avait déposé sur le parvis de la gare avec sa valise. Elle avait deux heures pour faire ses excuses, subir les remontrances de ses amis et filer Gare du Nord pour prendre son train. Elle jeta un coup d’oeil à la grande horloge du bâtiment : Deux heure moins cinq.
La jeune fille arpentait nerveusement les pavés, sursautant chaque fois qu’elle entendait le moteur d’un bus. La gare était bondée de touristes, notamment de japonais équipés d’appareils photos derniers cris venant photographier le château. Elle regardait ce balai incessant d’allées et venues avec fascination.
Un coup de klaxon la sortit de sa rêverie. Elle était arrivé près du parking poids lourd quand un bus bleu se gara devant elle. La porte s’ouvrit et elle tomba nez à nez avec Heldadras qui descendait en riant. Il s'arrêta brusquement quand il aperçut la jeune fille et Mysteria, qui le suivait de près, lui rentra dedans.
Enola n’osait pas parler, ses joues étaient rougies par la gène et la culpabilité. Laurent l'observa un moment, puis lui fit un sourire réconfortant. Il finit par descendre complètement les marches pour venir prendre la jeune fille dans ses bras. Elle ne pu s'empêcher de rire et pleurer de soulagement.
Mysteria les regardait avec tendresse, Enola s’écarta d’Heldadras pour faire face à tous ses compagnons. Tous avaient gardé le silence. Certains comme Antoine affichaient un sourire sincère sur les lèvres alors que d’autres semblaient attendre quelques explications.
Enola balaya ses amis du regard, Léo n’y était pas. Elle prit une grande inspiration et lança :

- Je suis désolée de vous avoir menti… J’ai été idiote de croire que vous ne m’aimeriez pas pour ce que je suis. Je n’ai pas d’excuses, je voulais juste être à la hauteur de vous tous et j’ai tout gâché. Vous m’avez tant apporté en l’espace d’une semaine…

Elle s'interrompit, ne sachant pas quoi ajouter de plus. Son regard se posa sur Frosti qui lui fit un clin d’oeil d’encouragement, puis reprit :

- Je m’appelle Enola Alestra, je vis à Hardelot, sur la Côte d’Opale. Dans le jeu je joue Nola, une intrépide elfe de la nuit chasseuse. Dans la vraie vie, on m’appelle parfois Nono, ou Bourdon, ou plus récemment Agatha. Je viens d’avoir dix-huit ans et je ne suis pas courageuse, j’ai peur des nouvelles choses, du jugement des gens et des défis. Je ne me sens jamais à la hauteur et préfère me cacher derrière un livre ou dans un univers virtuel pour ne pas avoir à affronter le monde. Je suis tombée amoureuse d’un garçon sur un jeu en ligne et il s’est avéré être aussi le garçon de mes rêves dans la vraie vie.

Sa voix se brisa et une larme coula sur sa joue, elle inspira profondément et continua d’une voix étranglée :

- On m’a filmé à mon insu dans un moment qui aurait dû rester intime et c’est quelque chose dont j’ai affreusement honte... Je fais souvent des erreurs, je suis maladroite et pourtant aujourd’hui j’ai compris quelque chose de très important.

Elle fit une pause et lança un regard affectueux vers Heldadras et Mysteria.

- J’ai compris que malgré tout ce que j’étais ou que ce je n’étais pas, vous m’aviez toujours accepté parmi vous sans jugements. Vous m’avez permis de m’épanouir et de surpasser mes craintes. J’ai plus appris sur moi même pendant une semaine avec vous que durant toute ma vie. Vous êtes mes amis, dans le virtuel et au delà. Je ne pouvais pas vous quitter comme ça. Il fallait que je vous dise au revoir...

Sa gorge s’était serrée d’émotion, Mysteria passa un bras autour de ses épaules et lui embrassa la joue.
Il y eu un petit flottement dans le groupe, puis une voix mordante lança :

- Tu aurais au moins pu trouver une fausse Enola plus crédible et moins névrosée.

La jeune fille échangea un regard surpris avec Sigrid puis vit que celle-ci lui souriait. Elle lui rendit son sourire et la trentenaire lui fit un clin d’oeil complice.
Frosti vint se placer devant elle et lui tendit la main :

- J’aurais dû me fier à mon instinct la première fois que je t’ai salué sur cette place. Enchantée Enola, je suis vraiment heureux de faire enfin ta connaissance.

Elle lui fit un sourire timide et lui tendit la main à son tour, il la balaya d’un revers et l’enlaça chaleureusement, lui ébouriffant les cheveux affectueusement. Son soulagement était si intense que la jeune fille ne put s'empécher de glousser.
Louise et Tiboy toujours dans les bras l’un de l’autre la regardaient en souriant, l’atmosphère s’était détendue et la bonne humeur était revenue dans le groupe. Même les cinq Joyeux Lurons avaient étreint Enola avant d’aller prendre leur train. Antoine s’était approché de la jeune fille pendant que les autres échangeaient quelques derniers précieux instants ensemble.

- Je ne suis pas tout à fait d’accord avec ce que tu as dit. Lança t-il tout bas.

Enola lui lança un regard interrogateur et il répondit :

- Je trouve la Enola de la vraie vie bien plus courageuse et intéressante que celle du jeu. Il faut être intrépide pour venir s’excuser et se livrer comme tu l’as fais devant douze personnes.
- Je ne sais pas si on peut appeler ça du courage, je n’ai pas vraiment réfléchis. Il fallait que je le fasse.
- De l'audace alors ? En tout cas, à mon tour de faire preuve d’un peu de courage alors. Je sais que pour toi il n’y a toujours eu qu’Arcadia et tu as été plutôt claire pendant la soirée de ton anniversaire… mais pour moi, que tu sois Agatha ou Enola ne change rien. Je suis tombé sous ton charme la première fois que je t’ai vu sur ce parvis.

Elle lui lança un regard gêné et voulut répondre mais il l'interrompit :

- Je ne m’attends pas à quoi que ce soit, rassure-toi. Dit-il en haussant les épaules et en souriant. Je me contenterai d’être ton ami si tu l’acceptes.

Enola se détendit et répondit par l’affirmative. Antoine la prit affectueusement dans ses bras, il lui fit un baiser dans les cheveux et lança :

- Tu vas me manquer Partenaire !
- Tu vas me manquer aussi, n’hésite pas à venir sur la Côte si tu en as l’occasion, on y fait de fabuleuses chasses aux trésors.
- N’oublie pas de nous inscrire pour la prochaine alors, je ne raterai ça pour rien au monde ! Répondit-il en s'esclaffant.

La jeune fille avait le cœur léger, elle n’avait pas réfléchit à ce qu’elle allait dire à ses amis quand elle se retrouverait devant eux mais elle n’avait pas voulu que cette semaine se termine ainsi. Elle s’était armée de tout le courage dont elle disposait et leur avait ouvert son cœur. Ils lui avaient pardonné avec une telle facilité que son mensonge lui paraissait encore plus stupide.
Antoine s’était éloigné pour dire au revoir à tout le monde et Mysteria, qui était restée près d’elle, lança tout bas :

- Je suis si fière de toi, je n’aurai jamais imaginé te voir ici aujourd’hui. Tu es bien plus courageuse que tu ne le penses.
- J’aurai aimé que tout le monde soit là...

Mysteria afficha un sourire compréhensif.

- Le train de Léo partait plus tôt dans la matinée, Laurent l’a emmené en voiture.
- Comment allait-il? Demanda la jeune fille.
- Lui non plus n’a pas passé un très bon week-end.

Elles échangèrent un regard entendu et Christelle haussa les épaules en soupirant. La jeune fille voulut en savoir plus mais Louise s’était approchée des deux femmes, elle avait les yeux rougis comme après avoir pleuré. Enola n'avait jamais vu son amie comme ça et la voir dans cet état la bouleversait.

- Je ne rentre pas tout de suite à Boulogne, Eric m’accompagne chez ma sœur quelques jours. Ça va aller toi?

La tristesse marquait son visage, Enola se sentit coupable de ne pas avoir plus prêté attention à la jolie blonde ces derniers jours. Elle songea qu'elle faisait une piètre amie. Elle avait passé la moitié de la semaine à se morfondre à propos de Léo et Louise avait fait preuve d'un soutient sans faille envers elle, son égoïsme la frappa brutalement. C'était comme si les rôles entre elles s'étaient inversés. Encore aujourd'hui, alors que Louise souffrait de devoir quitter Tiboy très prochainement, elle s'inquiétait pour son amie.

- Ne t’inquiète pas pour moi, profite de ton beau barbu. Je suis sincèrement heureuse de vous voir ensemble. Répondit Enola en embrassant son amie sur la joue.

Ils passèrent de longues minutes sur le parvis de la gare, à rire et discuter, s’enlacer et pleurer, repoussant le moment où ils allaient devoir se quitter définitivement. Ils se firent la promesse de se revoir au moins une fois par an. Chacun s’en alla de son côté, laissant derrière eux cette parenthèse enchantée pour reprendre le cour de leur vie.

***



Chapitre 14 - Lundi 12 juillet

De bleu et d’Opale


Plus d’une semaine s’était écoulée depuis la fin du séjour. Enola n’avait pas eu beaucoup l’occasion de se connecter sur le jeu et prendre des nouvelles de ses amis. La saison touristique était belle et bien lancée sur la petite station balnéaire d’Hardelot-Plage et les touristes avaient envahit les lieux. La petite rue piétonne était revenue à la vie après de longs mois dans la grisaille et la pluie. Nombre de petits commerces fermés durant la basse saison exhibaient désormais leur marchandises colorées sur le trottoir. Une odeur alléchante de poulet rôtis flottait devant la petite boucherie du coin. On entendait des rires d’enfants à travers la vitrine du vieux marchand de jouets et une mélodie guillerette s’échappait du petit manège qui trônait fièrement au milieu de la place. Le parfum doux et sucré des gaufres et des crêpes glissait au gré du vent jusque sur la digue, les terrasses des restaurants étaient prises d'assaut par les estivants désireux de manger des moules frites et autres spécialités du coin.
Enola aimait cette atmosphère, elle adorait flâner à travers la petite ville, s'asseoir dans le sable et lire un roman. Du moins quand sa mère lui en laissait l’occasion.
La semaine avait été déprimante. Quand elle était rentrée de Région Parisienne, Hélène lui était tombée dessus pour qu’elle s’inscrive à l’université. Devant l’opposition féroce et le peu de motivation d’Enola, elle avait rapidement lâcher l’affaire. Elle avait toutefois menacé la jeune fille de trouver un travail pour l’été si elle ne voulait pas passer ses journées avec elle à la petite pâtisserie bondée de clients à cette période de l’année. Elle lui avait laissé une semaine pour trouver un emploi.
Enola détestait travailler à la pâtisserie, elle était une vraie calamité quand il s’agissait de gâteaux et sa mère était toujours sur son dos à la surveiller. Elle avait postulé dans tous les petits commerces du coin et avait malheureusement accusé bon nombre de refus. Il était clair qu'elle allait avoir beaucoup de difficultés à trouver quelque chose si tard.
C’est résignée à devoir faire de la cuisine tout l’été, qu’elle se rendait à la petite boutique bleue d’où s’échappait un parfum de tartes et de gourmandise.
Quand elle pénétra dans l’échoppe, une petite cloche retentit et elle vit sa mère affublée d’un petit tablier bleu et d’une toque blanche sortir de la cuisine. Quand elle aperçut sa fille, le visage d’Hélène s’illumina.

- Enola, tu tombes bien ! Viens m’aider dans la cuisine.

Enola leva les yeux aux ciel et la suivit. A l'image de la cheffe, la petite cuisine de la pâtisserie était un modèle de propreté et d'organisation. Chaque surface et chaque instrument étincelaient sous les néons blanchâtres de la pièce, Hélène était aussi exigeante avec sa cuisine qu’avec sa fille. La première était cependant bien plus facile à modeler que l'autre. Elle demanda à Enola de fourrer quelques choux pour une commande spéciale et l'interrogea :

- Alors, ces recherches? Tu as trouvé quelque chose?

La jeune fille soupira. Toujours la même rengaine avec sa mère.

- Il faut croire que tu avais raison, la saison est déjà bien entamée et personne n’a besoin de personnel. J’espère que ta clientèle aime les nouvelles saveurs car ils ne vont pas être déçus avec moi. Répondit elle déprimée.
- Je suis navrée de constater que l’idée de passer du temps ici avec moi t’enchante si peu. Heureusement pour toi j’ai de meilleures nouvelles. Ce matin Monsieur Valette est venu chercher sa commande, je lui ai parlé de toi et il m’a dit qu’une de ses employés l’avait planté au dernier moment. Il cherchait justement quelqu’un en urgence pour un emploi saisonnier. Tu commences demain.
- Quoi ? Qui est Monsieur Valette ? C’est quoi comme travail ? Maman ! Tu as accepté sans m’en parler?
- Arrête un peu de te plaindre Enola, tu ne voulais pas travailler ici et je t’ai trouvé un emploi. Tu devrais me remercier. Monsieur Valette est le directeur général de Nausicaa, c’est quelqu’un de très haut placé alors estime toi chanceuse qu’il m’ait proposé ce poste à la petite boutique souvenirs de l’aquarium.

Enola essaya de rassembler ses idées, confuse elle demanda:

- Attends, tu as dis Nausicaa ? L’aquarium de Boulogne ?
- Oui, on peut dire que tu as vraiment de la chance !

La jeune fille sentit une panique familière s'insinuer en elle. La chance avait vraiment tendance à lui jouer de vilains tours ces temps-ci. Elle n’avait pas eu de nouvelles de Léo depuis le jour de son départ chaotique du gîte. Il ne s’était jamais reconnecté sur WOW et la seule information qu’elle avait de lui et de ce qu’il faisait cet été était qu’il avait été embauché comme soigneur à l’aquarium. Enola se demanda si le destin n’avait pas décidé de s’acharner sur elle. Sa mère la regardait avec insistance, attendant une réponse de sa part.

- Je ne peux pas aller travailler à Nausicaa Maman, ici ce n'est pas si mal. J’ai peut être été un peu dure avec ta boutique mais je te jure que je vais faire des efforts. Tenta t-elle de convaincre sa mère l’air désespéré.
- Tu me fatigues. S’impatienta Hélène dont le regard commençait à lancer des étincelles.
- Mais Maman…
- La conversation est close, tu te présenteras à l’aquarium demain à huit heure. C’est une chance pour toi Enola alors estime toi heureuse. Et soit présentable et ponctuelle, Monsieur Valette est un très bon client.

Hélène se détourna pour enfourner les deux tartes qu’elle était en train de préparer. Enola savait qu’il n’était pas la peine d’insister: comme souvent, sa mère serait intransigeante sur ce coup là.

***


Chapitre 15 - Mardi 13 juillet

Des raies et des sardines

Son frère l’avait déposé sur le port de Boulogne avant de partir à la boutique de BD. Durant le trajet, elle l’avait supplié de faire demi-tour à plusieurs reprises.
Depuis son retour à la maison, Lucas avait remarqué la morosité de sa sœur. Il ne cessait de lui poser des questions sur ce qu'il s’était passé au cours de son séjour et Enola avait finit par tout lui raconter.
Il l’avait sermonné pour son mensonge et l’avait traité de petite idiote. Il s’était néanmoins radoucit avec elle quand la jeune fille lui avait parlé de Lucie et de la vidéo d’Aurélien et les avait gracieusement insulté de tous les noms.

- Concentre toi sur ton travail, si ce Léo est assez stupide pour coucher avec notre cousine quelques heures après t’avoir embrassé, c’est qu’il n’était vraiment pas assez bien pour toi Bourdon. Lui avait-il dit dans la voiture.
- Et s’il raconte à tout le monde ce que j’ai fais, et ce qu’il a vu sur cette vidéo? Je sais pas si je pourrais le supporter.
- Ne te préoccupe pas de lui et s’il te fait quoi que ce soit, il aura affaire à moi. Lui avait-il répondu en lui serrant la main avec affection.

Enola se présenta au bureau d'accueil de l’aquarium à huit heure tapante. Un jeune homme dans la vingtaine au style androgyne la fit patienter d’un signe de main pendant qu’il terminait sa conversation téléphonique. Le garçon affichait la mine hautaine de ceux qui savent où ils vont dans la vie. Il portait une casquette gavroche sur sa tignasse noire et frisée, une barbe courte savamment taillée encadrait sa peau basanée. Il était habillé d’une chemise blanche accessoirisée par une paire de bretelles noires qui lui donnait des airs bobo. Sa voix était chantante et ponctuée d’intonations efféminées. La jeune fille lut le badge accroché sur sa poitrine : Mickael.
Il raccrocha le téléphone et lui lança un sourire éclatant :

- Tu dois être notre nouvelle vendeuse ?
- Oui, je suis Enola Alestra. Je dois commencer aujourd’hui. Répondit-elle en rougissant.
- Bienvenue Enola ! Moi c’est Mickael ! Je suis les yeux et les oreilles de cet endroit. Si tu as besoin de quelque chose tu viens me voir, je connais tout le monde ici.

Il avait dit ça sans prétention, pourtant Enola ne douta pas un seul instant de ce qu’il affirmait. Mickael semblait finalement très sympathique et très avenant, nul doute que tous les employés de l'aquarium s'entendaient bien avec lui.

- Je vais te préparer un badge et nous allons visiter les lieux. L’aquarium ouvre ses portes à neuf heure trente jusqu’à vingt heure. Pour les visiteurs, l’aquarium est divisé en deux univers: "Voyage en Haute Mer" et "des Rivages et des Hommes". Ils y trouvent plus de mille six cent espèces marines. Le centre dispose de trois restaurants qui sont toujours bondés lors de la saison touristique. Enfin, et c’est ce qui te concerne le plus, il y a la boutique souvenirs que tu peux voir derrière toi. On y vend des jouets, des livres, des textiles, des produits d’artisanat, des produits gastronomiques locaux et même les dents que nos requins perdent régulièrement. Tu feras équipe avec Candice, Guillaume et Jeanne la responsable. Ils ne vont pas tarder à arriver mais en attendant je t’invite à me suivre !

Il s’était levé et lui avait tendu son badge qu’il avait préparé pendant sa présentation. Enola fut amusée de voir qu’il portait des chaussures de ville impeccablement cirées qui dénotaient avec l’ambiance de l’endroit. Elle commençait à apprécier Mickael et son côté décalé. Il l’emmena à travers les différents bassins et les aquariums plus grands et vivants les uns que les autres. Enola était déjà venue quand elle était à l’école mais elle n'en resta pas moins émerveillée par ce qui l’entourait. Ils croisèrent plusieurs employés qui vinrent la saluer chaleureusement. Mickael lui présenta Monsieur Valette, celui-ci insista pour qu’elle l’appelle Philippe et lui souhaita de bonnes choses pour la suite.
Quand ils arrivèrent dans le grand tunnel immergé, elle était tellement fascinée par tout ce qui l’entourait qu’elle percuta quelqu’un arrivant en sens inverse.

- Excusez moi, je suis vraiment désolée je ne regardais …

Elle se trouva nez à nez avec Léo vêtu d’une combinaison de plongée. La lumière de l’aquarium projetait des reflets bleutés sur sa peau. Enola eut le souffle coupé. Il parut surpris et fronça les sourcils en la voyant.

- Tiens Léo ! Comment vont nos raies ce matin ? Lança Mickael en éclatant de rire.
Je te présente Enola! Enola je te présente le charmant Léo ! Il est saisonnier comme toi et s’occupe de nourrir les animaux. Ajouta le réceptionniste soudainement surexcité et dont la voix montait désormais dans les aiguës.

Il y eut un silence gêné pendant lequel Enola fixait honteusement ses pieds. Elle savait que Léo l'observait, il déclara d’une voix sans émotions qui ne lui ressemblait pas :

- Enola. Que fais-tu là ?

Elle risqua un regard vers lui, il avait prononcé son prénom avec une telle froideur qu’elle en avait des frissons dans le dos. Dans sa bouche, il sonnait presque comme une insulte. Elle tenta de donner une explication mais Mickael la devança :

- Vous vous connaissez? Philippe l’a embauché à la dernière minute, une des filles de la boutique souvenirs nous a planté pour partir en vacances. Tu imagines ? C’est hallucinant les gens n’ont donc aucune conscience professionnelle.

Mickael continuait de jacasser tandis que les deux jeunes gens se regardaient sans un mot. Léo soupira et coupa son collègue :

- J’ai du travail. Mickael on se voit au déjeuner... à plus.

Il rebroussa chemin, les laissant seuls au milieu des raies et des sardines. Mickael ne cessait de regarder Léo puis Enola l’un après l’autre, l’air circonspect. Comme Enola semblait pétrifiée et ne disait mot, il demanda :

- Ok, c’est un ex ou quelque chose comme ça? Il y a une tension entre vous qu’on ne retrouve que chez les gens ayant partagé quelque chose d’hyper intense !
- Je… On devrait retourner à l’entrée non ? Le centre va bientôt ouvrir. Esquiva la jeune fille peu encline à raconter sa relation tortueuse avec Léo à un inconnu.
- On appelle ça noyer le poisson, et c’est de circonstance ! Plaisanta Mickael avec bonne humeur. Tu as raison, excuse-moi ça ne me regarde pas ! Allons à la boutique, tu auras l’occasion de visiter le reste pendant l’été.

Elle ne pu s'empêcher de sourire, le jeune réceptionniste lui plaisait, il était joyeux, exubérant et drôle. Malgré sa rencontre incommodante avec Léo, la jeune fille se sentait bien ici et pour la première fois depuis longtemps, la nouveauté ne l'effrayait pas.
Ils retournèrent à l’entrée, l’aquarium allait ouvrir ses portes d’ici une trentaine de minutes et Enola appréhendait de rencontrer ses nouveaux collègues de travail. La boutique souvenirs était désormais ouverte et Mickael la guida vers la caisse. Comme il l’avait indiqué lors de sa présentation, la boutique étaient composée de toutes sortes d’articles en lien avec la mer. Une femme à la forte corpulence se tenait derrière la caisse enregistreuse, elle avait le nez plongé dans ce qui semblait être un livre de comptes. Elle sursauta quand elle s'aperçut de leur présence et lança avec un fort accent du nord :

- Mickael ! Comment va mon réceptionniste préféré ? Elle se tourna vers Enola avec un sourire chaleureux. Je suppose que tu dois être Enola, je suis Jeanne la responsable de la boutique. Le grand costaud là-bas du côté des livres c’est Guillaume et la tiote aux cheveux roses c’est ma fille Candice. Bienvenue dans l’équipe !

Enola lui serra la main et observa ses deux nouveaux collègues dans la boutique. Guillaume était effectivement très grand et très baraqué, il devait avoir trente ou trente-cinq ans. Il avait des cheveux longs et bruns qu’il portait en catogan. Enola le trouvait intimidant. La jeune femme qui s’était approchée n’avait en revanche rien d’effrayant. Ses cheveux roses vifs contrastaient avec son teint laiteux et ses yeux pâles. Elle devait avoir la vingtaine bien qu’elle en faisait cinq de moins. Elle parlait avec une petite voix flûtée et enjouée :

- Salut Enola, moi c’est Candice. Bienvenue à Nausicaa ! Je vais t’expliquer le fonctionnement de la boutique et ma mère te formera à l’encaissement. Surtout n’hésite pas à poser des questions !

La jeune fille hocha la tête, rassurée de constater qu'elle n'aurait pas trop de difficultés à s'entendre avec ses nouveaux collègues. Ses premières heures à l'aquarium étaient plutôt encourageantes pour la suite. Son séjour l'avait changé, elle n'en avait pas encore vraiment conscience, mais elle avait gagné en assurance et en maturité pendant cette semaine au gîte.
Candice la détailla du regard, et demanda en souriant :

- Et dis moi, Enola ça vient du film Waterworld non? Tu étais destinée à travailler ici en fait !

Enola rit timidement :

- Peu de gens ont la référence. C’était le film préféré de mes parents.
- Ils ont de très bons goûts. Lui dit-elle avec un clin d’oeil complice.

Mickael les laissa pour retourner au guichet d’accueil, l’aquarium allait ouvrir ses portes d’une minute à l’autre. Enola passa la matinée à écouter les explications de Candice et de Jeanne sur le fonctionnement de la boutique. Elle espérait être à la hauteur de ce qu’on lui demandait et s’appliquait dans toutes les tâches qu’on lui confiait. Guillaume n’était pas très bavard, il restait dans son coin la plupart du temps. Candice en revanche parlait tout le temps, elle était de ces personnalités lumineuses qui rendent le quotidien agréable.
Le rythme était soutenu à la petite boutique et cela empêcha la jeune fille de songer à sa rencontre avec Léo. Elle s’était attendue à le voir et s’y était même préparée mais quand il s’était trouvé devant elle, froid et distant, elle avait perdu tous ses moyens.
Quand vint l’heure de manger, Jeanne envoya ses trois employés en pause déjeuner.
Dans la salle de pause, ils retrouvèrent Mickael attablé avec quelques employés de l’aquarium. Léo était assis parmi eux.
Enola esquissa un petit mouvement de recul quand elle s’en aperçut mais Candice la tira pour s’asseoir avec les autres, sans se rendre compte de son trouble.

- Pour ceux qui ne l’ont pas encore rencontré, je vous présente Enola qui va rester avec nous jusqu’à la fin de l’été. Lança joyeusement la jeune femme aux cheveux fluo à la tablée.

Les salutations fusèrent et le cœur d’Enola se serra quand Léo demanda d'une voix dure :

- Enola ? C’est sympa comme prénom mais je trouve que tu as plus une tête à t’appeler Agatha ou quelque chose comme ça.

Il la fixait d’un air sombre, provocateur. Enola avait l’impression de se retrouver au lycée, quand Léo se montrait condescendant et moqueur avec elle. Les autres personnes présentes à table riaient sans comprendre la remarque du jeune homme. Seul Mickael, qui avait deviné que les deux jeunes gens avait un passé commun, les regardait avec une curiosité flagrante.
Candice balaya l’air de la main en gloussant et répliqua :

- N’importe quoi, c’est naze Agatha comme prénom. On ne vit plus dans les années trente ! Enola c’est stylé, ça donne envie de se faire sauver de la noyade par Kevin Costner et d’avoir un tatouage de carte au trésor dans le dos !

Léo esquissa un sourire qui n'atteignit pas ses yeux et se concentra sur son assiette. La conversation continua sur le film Waterworld et chacun y allait de son avis. Enola était gênée que son prénom soit ainsi au centre de l’attention. Quelle ironie du sort… Elle avait dû le cacher pendant toute une semaine et voilà qu’il était le sujet principal du repas.
La jeune fille trouvait néanmoins ses collègues très sympathiques. Excepté Léo, tous étaient plus âgés qu’elle et elle avait l’impression d’être revenue deux semaines en arrière, entourée par son groupe d'ami. Elle surprit le regard du jeune homme sur elle à plusieurs reprises et ne pouvait s’empêcher de se demander ce qu’il était en train de penser. Plusieurs sentiments la tourmentaient, elle se sentait terriblement coupable de lui avoir menti et aurait voulu s’excuser comme elle l’avait fait avec les autres mais sa gène et sa colère étaient encore trop présentes pour qu’elle ravale sa fierté. Elle lui avait peut être menti sur son identité mais lui l’avait rabaissé et s’était empressé d’aller passer du bon temps avec sa cousine quelques heures après. Ce souvenir lui pinça le cœur, elle détourna le regard.

L’après-midi passa à une vitesse folle et l’heure de fermer la boutique arriva rapidement. Enola et Candice retrouvèrent Mickael dans le hall qui leur proposa d’aller boire un verre avant de rentrer. Candice accepta en tapant des mains avec enthousiasme et supplia la jeune fille de les accompagner.

- Oh aller Enola ! Dis oui ! Pour fêter ton arrivée parmi nous ! Insista la jeune femme.
- Tu n’as pas le choix, ce sera en quelque sorte ton bizutage de bleusaille ! Ajouta Mickael en enfilant un petit foulard de manière méthodique. En plus il y aura d’autres membres de l’équipe, vois ça comme une manière de t’intégrer.

Enola savait qu’elle ne pourrait pas éternellement refuser les invitations de ses nouveaux collègues mais elle était fatiguée de sa journée et n’avait pas autant l’habitude de passer du temps entourée de monde. Revoir Léo l’avait aussi chamboulé et elle n’aspirait qu’à rentrer chez elle pour appeler Louise et le lui raconter. Elle tenta une dernière excuse :

- J’habite à Hardelot, si je rentre trop tard il n’y aura plus de trains, ma mère se lève beaucoup trop tôt pour que je lui demande de venir me chercher et mon frère n’est pas disponible pour jouer au taxi ce soir.

Ils étaient arrivés sur le parking et ses deux nouveaux amis se dirigeaient vers le garage à vélo. Enola ajouta dans un sourire :

- Et je doute que l’un d’entre vous puisse me ramener chez moi avec de tels bolides.
- Moque toi Tiote ! Au moins nous roulons écolo nous. Et arrête de nous servir tes salades, il y aura bien quelqu’un pour te reconduire chez toi au bar. De toute façon, si tu t’obstines, on te kidnappe. Alors à toi de voir. Riposta Mickael avec de grands airs de diva.

Enola ne pu s'empêcher de rire et capitula. Elle envoya un SMS à sa mère pour la prévenir, espérant ne pas devoir subir de remontrances de sa part. Après tout, elle avait insisté pour qu’elle aille travailler à Nausicaa, c'était naturel qu'elle s'intègre à ses nouveaux collègues. Elle passa tout de même sous silence le fait qu’elle n’avait encore personne pour la ramener chez elle. Sa mère lui répondit dans la seconde en lui disant de ne pas boire d’alcool, de ne pas rentrer tard et d’appeler Lucas en cas de problème.

***


Gigue au Red Bar

Les trois amis se rendirent dans le quartier de la vieille ville de Boulogne, ils arrivèrent face à la devanture rouge d’un bar duquel s’échappait une musique assourdissante. Le bar était petit et bondé, on y trouvait un baby-foot sur lequel s’affrontait quatre gars déjà bien alcoolisés. Un groupe de rock se produisait au fond de la salle sous les acclamations exaltées des clients. Ils rejoignirent leurs collègues déjà assis à l’une des tables, ceux-ci les saluèrent avec enthousiasme. Enola reconnu quelques personnes déjà présentes durant le repas du midi et constata avec stupeur que Léo se trouvait parmi eux. Elle lui fit un petit signe de la main en s’asseyant entre Candice et Mickael et il lui répondit par un signe de tête désinvolte. Le serveur leur apporta trois énormes pintes de bière offertes par la maison. Enola regarda la sienne avec appréhension comme si elle allait s’y noyer à tout instant. Candice et Mickael se moquèrent devant son expression et insistèrent pour trinquer.

- A notre nouvelle recrue Enola ! Scanda Candice avec effervescence.

La conversation allait bon train et l’alcool coulait à flot. Le jeu grand jeu de la soirée consistait à boire une gorgée de bière dès que Mickael prononçait le mot “genre”. Enola se rendit rapidement compte que son nouvel ami avait un vilain tique de langage et elle se sentit vite pompette. Candice était déchaînée, elle montait sur sa chaise en dansant sur la musique du groupe et en chantant à tue tête. Elle faisait beaucoup rire Enola qui se dandinait plus sobrement sur sa chaise. Quand le groupe commença à interpréter une musique aux influences celtiques, la jeune femme au cheveux roses entraîna la jeune fille dans une danse folklorique ridicule. D’autres clients les rejoignirent sur la piste de danse improvisée tandis que Mickael les filmait en riant de sa place. La jeune fille sentait le regard de Léo sur elle, l’alcool cependant, la rendait beaucoup moins nerveuse et elle s’amusait follement. Candice lui faisait penser à une Louise complètement déjantée et elle commençait sincèrement à l’apprécier. Quand la chanson se termina sous les acclamations de la salle, elles quittèrent la piste de danse avec une révérence. Échevelée, Enola alla s'asseoir sur l’un des tabourets du bar pour demander un verre d’eau. Il était déjà très tard et le bar commençait à tourner. Elle reposa un instant sa tête sur ses bras et quelqu’un lui effleura l’épaule. Elle se releva brusquement. Un homme lui faisait face avec un sourire salace. Il était le cliché même du pilier de bar. Plutôt costaux, une pinte de bière à la main et une barbe mal-entretenue, il lui proposa un autre verre qu’elle refusa poliment en lui montrant son verre d’eau. Il lui fit la conversation pendant un petit moment. Enola ne l'écoutait que d'une oreille tant son haleine alcoolisée lui donnait des hauts de cœur, elle apprit malgré tout que son inopportun compagnon de bar s’appelait Christophe, qu’il aimait la moto et le rock. Épuisée elle voulut prendre congé de lui en lui disant qu’elle allait rentrer chez elle et qu’il fallait qu’elle appelle un UBER. Il insista lourdement pour la raccompagner et commençait à être un peu trop tactile quand quelqu’un passa son bras sur les épaules d’Enola dans un geste protecteur. Elle sentit l’odeur familière boisée avant de se tourner et de voir le plus beau sourire à fossettes qu’elle connaissait.

- Je vais m’occuper de la demoiselle si ça ne t’embête pas Chris, j’allais aussi partir. Lança Léo, un sourire parfaitement étudié sur les lèvres. Enola remarqua cependant qu’il contractait la mâchoire d’agacement.
- Comme tu veux Gamin. Répondit l’homme en maugréant l’air frustré.

Il se tourna vers le barman et lui commanda une autre pinte, Léo emmena Enola un peu plus loin et demanda, l’air sincèrement inquiet :

- Ça va ?

Son inquiétude surprit la jeune fille, il semblait vraiment se soucier d’elle alors qu’il ne lui avait pas accordé un seul mot de la soirée. Elle répondit d’une petite voix :

- Il n’était pas méchant, juste un peu insistant. Je vais appeler un UBER pour rentrer, c’était vraiment sympa mais je crois que je vais m'arrêter là pour ce soir. Dit-elle en se passant la main sur le visage.
- Je vais te ramener chez toi, je suis en voiture et je n’ai bu qu’une bière.
- Non, tu n’es pas obligé. Ce n’est même pas sur ta route. Tu devrais retourner avec les autres, je t’assure que ça va, je peux me débrouiller.

Il la regarda un instant sans un mot puis retourna vers la table. Au lieu de s’y asseoir, Enola le vit prendre son blouson et se pencher à l’oreille de Candice pour lui parler. La jeune femme se retourna vers elle en souriant et hocha la tête. Il revint vers elle en jouant avec ses clés de voiture d’un air désinvolte.
Enola leva les yeux au ciel mais ne put s'empêcher de sourire, elle détestait la manière dont son cœur tambourinait dans sa poitrine chaque fois qu’ils passaient du temps ensemble.

Dans la voiture, un silence pesant s’était installé entre eux. Pour le combler, Léo avait lancé la radio qui crachouillait une musique populaire en grésillant. Enola s’agita sur son siège et tenta de briser la glace :

- Ils sont vraiment sympas à Nausicaa, j’ai passé une journée formidable. Murmura t-elle d’une petite voix.

Léo gardait les yeux concentrés sur la route, il fronçait les sourcils, semblant réfléchir.

- Ouais, ils sont cools. J’en connais certains depuis l’année dernière c’est des gars sympas.

Le silence enveloppa de-nouveau l’habitacle de la voiture. Enola demanda doucement :

- Tu ne t’es pas reconnecté sur le jeu depuis le séjour...
- Je n’en ai pas eu le temps, ni l’envie. Rétorqua Léo abruptement.

Il s’était agité sur son siège et s'obstinait à ne pas regarder la jeune fille. Celle-ci murmura tout bas :

- Je suis désolée...

Les doigts de Léo se contractèrent sur le volant et les muscles de sa mâchoire se crispèrent, Enola continua :

- Je sais que je n’ai pas d’excuses pour t’avoir menti, toutes les raisons qui m’ont poussé à le faire te sembleraient futiles et dérisoires mais je t’assure que si j’en avais l’occasion, je souhaiterai revenir en arrière pour tout effacer… Tout est entièrement ma faute, pas celle des autres, tu as toutes les raisons de m’en vouloir mais je t’en prie, n’en veux pas à la guilde.

Il ne pipa mot pendant un long moment. Son silence était pire que des reproches aux yeux de la jeune fille.

- Léo ?
- Ecoute Enola, tu t’es joué de moi avec tes amies. C’était quoi, un pari ? Un défi que vous vous êtes lancé parce que vous trouviez votre vie ennuyante ? Comment veux-tu que je réagisse ? Tu m’as ridiculisé en me faisant croire que ta cousine était la fille dont j’étais tombée sous le charme. Tu m’as repoussé sans me laisser t’expliquer ce que je ressentais pour toi, pour finalement allumer Antoine devant moi le soir même. Alors oui Agat… Enola, je t’en veux et j’en veux au destin ou je ne sais quelle magie qui te met toujours sur mon chemin.

Il avait haussé le ton et ses yeux noisettes d’habitude doux et rieurs étaient devenus sombres. La jeune fille comprenait son mécontentement, mais tout de même il était gonflé de lui parler d’Antoine. Elle lui répondit sèchement :

- Ça n’avait rien d’un quelconque pari, j’ai eu peur voilà tout. Tu l’as dis toi même dans la clairière, je n’étais pas assez bien pour toi. Que crois-tu que j’ai ressenti quand j’ai découvert que tu étais Arcadia dans le train ? J’ai paniqué. D’ailleurs tu as prouvé que tu attendais mieux que moi en te jetant dans les bras de Lucie. Tu veux qu’on parle du soir de mon anniversaire ? Le soir où, quelques heures après m’avoir fait me sentir plus vivante que jamais au bord de l’eau, tu as embrassé ma cousine devant moi. Le soir où vous vous êtes enfermés pour prendre du bon temps ensemble dans une chambre? Tu veux parler de sincérité Léo ? A plusieurs reprises j’ai essayé de t’avouer la vérité, j’ai voulu te dire à quel point je t’ai toujours aimé, à quel point j’ai l’impression d’être une meilleure version de moi même quand je suis avec toi et à chaque fois quelque chose m’en a empêché. Je n’ai peut être pas été sincère sur mon prénom et mon identité mais je n’ai jamais menti sur le reste, je n’ai pas jouer à devenir quelqu’un d’autre, et c’est avec ma cousine que tu as terminé. Avant d’arriver dans ce gîte je n’étais rien pour toi, tu ne connaissais même pas mon vrai prénom. C’est facile pour toi de me juger, Monsieur Parfait, tu ne sais pas ce que c’est que d’être moi.

Ils étaient arrivés près du cottage de sa mère. Elle ignorait comment Léo connaissait l’adresse mais cela lui importait peu sur le moment. Le jeune homme avait arrêté la voiture et la regardait sans comprendre.

- Dans la clairière ce n’est pas ce que j’ai voulu te dire et tu ne m’as jamais laissé l’occasion de m’expliquer. Tu passes ton temps à me repousser. Avec toi j’ai l’impression de faire un pas en avant et deux pas en arrière. Tu me prêtes des propos que je n’ai jamais eu et tu interprètes à ta manière tout ce que je dis. Et de quoi parles-tu avec Lucie ? C’est quoi encore cette histoire de chambre?

Enola s'esclaffa d’un rire sans joie et lui lança un regard noir :

- Je t’en prie Léo, je vous ai entendu ce soir là dans la chambre. Mysteria a dit que vous vous étiez isolés pour discuter et Antoine a vu la porte fermée. Je suis passée devant et je vous ai entendu…

Sa voix s’était brisée et une larme perla sur sa joue. Léo fit un bref mouvement pour l’essuyer mais il s'interrompit brusquement. Il lui répondit d’une voix grave :

- Je ne sais pas ce que tu as entendu Enola, mais ce n’était pas moi.

Elle voulut répliquer mais il la fit taire d’un signe de main :

- J’ai effectivement discuté avec Lucie ce soir là, je lui ai dit qu’elle et moi ça n’allait pas le faire. Elle m’a chassé de sa chambre et je t’ai cherché. Je t’ai trouvé inconsciente dans la salle de bain alors je t’ai emmené dans ton lit. Je suis resté un peu près de toi pour m’assurer que tu allais bien. Quand j’ai constaté que tu dormais profondément je suis allé me coucher. Encore une fois, tu fais des interprétations sur des choses qui ne sont pas. Quoi que tu ais entendu dans cette chambre, je peux t’assurer que ce n’étais pas moi.

Sa voix était dure et il semblait en colère, il se pencha vers elle et Enola eut l'audace de penser l’espace d’un instant qu’il allait l’embrasser. Au lieu de ça, il ouvrit sa porte et lui lança implacablement :

- Il est tard, tu ferais mieux de rentrer chez toi. Passe une bonne soirée Enola.

La jeune fille le dévisagea bouche bée. Elle n’arrivait pas à croire ce qu’il venait de lui dire. Etait-ce possible qu’il dise la vérité ou était-ce un mensonge destiné à lui rendre l’appareil ? Son regard noir rempli de reproches lui fit reprendre ses esprits. Elle descendit de la voiture sans un mot et il claqua la porte derrière elle. Elle voulut le remercier de l’avoir ramener mais il démarra en trombe et la laissa seule sur le trottoir.

Malgré sa fatigue et l’heure tardive, Enola s’empressa d’allumer son ordinateur. Elle se connecta au jeu et ne fut pas surprise de voir qu’il restait encore beaucoup de joueurs connectés sur la guilde.

- Nola ! Qu’est ce qui t’amène sur le jeu aussi tard ? Demanda Heldadras à travers son micro.
- Coucou, je dois parler à Frosti. Répondit la jeune fille avec empressement.
- Je suis là, qu’est ce que je peux faire pour toi ma belle ? S’enquit Frosti légèrement inquiet par le ton pressant d’Enola.

Elle lui envoya un message privé lui demandant de n’utiliser son micro qu’avec elle, il s'exécuta.

- Tu es inquiétante tu sais, tout va bien ?
- J’ai vu Léo aujourd’hui… Le coupa t-elle précipitamment.
- Oh. Comment va t-il ?
- Bien… Enfin je crois. Frosti je dois te poser une question un peu gênante. C’est super important. Déclara t-elle d’une petite voix.
- Je t’écoute, c’est quoi ta question? Demanda t-il de plus en plus inquiet.
- As-tu couché avec Lucie le soir de mon anniversaire ? Finit-elle par lâcher de but en blanc.

Enola n’avait pas mit longtemps à comprendre que si Léo n’était pas celui qui accompagnait Lucie ce soir là, seul Arthur aurait pu être dans cette chambre. Tous les autres membres de la guilde se trouvaient soit dans le salon soit en balade dans la forêt.
Il y eu un long silence gêné et Frosti soupira dans son casque.

- Ecoute Enola… Je ne voulais pas te blesser après ce qu’elle t’a fait. Le truc c’est qu’elle et moi… Enfin ce soir là quand je suis passée devant sa chambre elle pleurait. Je suis venu voir ce qu’il se passait et elle m’a raconté ce que Léo lui avait dit. On a longuement discuté et elle m’a parlé de son passé, de ce qu’elle a vécu avec les hommes et du vide que son père avait laissé quand il est décédé. Je ne vais pas te mentir, j’ai été charmé par Lucie dès le début du séjour. Je m’en voulais parce que je pensais qu’elle était Nola et qu’elle était destinée à Arca. Quand j’ai vu comment il te regardait, enfin comment il regardait Agatha, j’ai tenté ma chance avec elle. L’après-midi qu’on a passé sur le quad m’a rendu encore plus fou d’elle. Je savais qu’elle jouait un jeu avec Léo, je ne savais pas lequel mais j’ai vite comprit qu’elle n’éprouvait aucuns sentiments pour lui. Ce soir-là les choses sont arrivées comme ça, j’aimerai te dire que je le regrette après l’histoire de la vidéo mais la vérité c’est que je passe mon temps à penser à elle.

Enola sentit son corps s’engourdir. Ainsi Léo avait dit vrai, il n’avait jamais couché avec Lucie. Cette pensée réchauffa le cœur de la jeune fille qui se mit à rire nerveusement de la situation.

- Euh, tu es en train de rire ? Demanda Frosti troublé.
- Oui ! Elle riait désormais à en avoir les larmes aux yeux. Cette situation est ridicule !

Elle reprit son souffle et enchaîna plus sérieusement :

- Mince Frosti, j’étais persuadée que Léo était dans cette maudite chambre avec Lucie et je l’ai détesté pour ça ! Si tu m’avais dis ça plus tôt ça m’aurait évité bien des déconvenues !
- Vraiment ? Mais tu ne m’en veux pas ? Je sais que tu détestes ta cousine, ce qu’elle t’a fait est impardonnable et moi je te dis que je suis encore fou d’elle…
- T’en vouloir ? Bien sûr que non ! J’en veux à Lucie pour ce qu'elle a fait, mais qui suis-je pour te juger ? J'ai mentis à tous mes amis pendant une semaine et vous m'avez tous pardonné. De plus, tu viens de m’annoncer que le garçon que j’aime n’a pas couché avec une autre fille, comment veux-tu que je t’en veuille après ça ! Je suis responsable de toute cette mascarade, si je n’avais pas monté cette histoire ridicule dès le départ il n’y aurait pas eu tous ces malentendus et ces quiproquos…
- Merde Enola… Si j’avais su tout ça je t’en aurais parlé depuis bien plus longtemps. S'il y a une chose que je peux te dire c’est qu'Arcadia ne faisait que parler de toi pendant tout le séjour. Un soir où l'on faisait la vaisselle tout les deux, il m’a avoué qu’il t'observait souvent au lycée mais qu’il n’osait jamais venir te déranger. Tu lui paraissais inaccessible, pas à sa portée. Quand il t’a vu arriver avec ta cousine, il ne savait plus quoi faire. D’un côté il y avait la fille avec qui il flirtait en ligne et de l’autre il y avait toi. J’espère sincèrement que ça va s’arranger entre vous, crois moi, vous êtes fait pour être ensemble tous les deux.

Enola soupira, elle se sentait tellement stupide. Elle avait eu faux sur toute la ligne. Si Frosti disait vrai, les paroles de Léo dans la clairière n’étaient pas insultantes. Il avait simplement voulu lui dire que LUI n’était pas assez bien pour elle. La jeune fille se sentait vidée, dépassée par la situation. Une petite flamme s’était néanmoins allumée en elle, Léo avait véritablement eut des sentiments pour elle. Il y avait t-il une infime chance pour que ce soit toujours le cas ?

- Merci Frosti… Lui dit-elle d’une voix tremblante.
- Avec plaisir ma belle, tu mérites le meilleur. Fais toi confiance et tout ira mieux. Si ça ne t’ennuie pas, je vais retourner sur le tchat vocal du groupe, nous allons partir en raid. Tu ne viens pas avec nous?
- Non, la journée a été très riche en émotions et il est tard, je vais aller méditer sur tout ça et rejoindre les bras de Morphée.

Il rit et lui souhaita bonne nuit.

- Et Frosti attends !
- hmm ?
- Ma cousine s’appelle Lucie Frayser sur Facebook et son numéro est le 0685874865 Je crois qu’elle a besoin de toi dans sa vie, essaie de la rendre heureuse pour moi d’accord ?

La jeune fille en voulait toujours profondément à sa cousine, mais au fil du temps et de ce qu’elle avait appris sur elle, elle avait réalisé que Lucie était très mal dans sa peau, bien plus qu'Enola ne l'avait jamais été, et qu’elle avait certainement besoin de personnes bienveillantes dans sa vie. La méchanceté résulte souvent d'un profond mal-être, elle trouve sa source dans la faiblesse et se nourrit de doutes et d'incertitudes. Enola aurait pu être rancunière et la détester, mais sa bonté naturelle lui soufflait que Frosti était la personne idéale pour guérir sa cousine de ses démons.
Frosti ne répondit pas tout de suite mais Enola entendait sa respiration dans son casque, il finit par déclarer avec émotions :

- Tu es vraiment la fille la plus gentille du monde Enola. Merci.

Enola éteignit son ordinateur, se déshabilla et se glissa dans les draps frais de son lit. Elle regarda un long moment son téléphone posé sur sa table de chevet, hésitante. Finalement, elle prit son courage à deux main et composa un message :

Il était une fois une petite grenouille qui avait la trouille. Elle avait rendez-vous avec le Prince et élabora une magouille car elle n’était qu’un simple petit batracien qui aimait les grattouilles. Effrayée par la perspective d’être rejetée, elle engagea sa cousine la Princesse Niquedouille, bien plus jolie et attrayante qu’elle pour duper le Prince. Elle n’avait pas comprit que le prince aimait les grenouilles et celui-ci se trouva fort déçu quand la belle se présenta à lui. La magouille tourna mal, elle cru que le Prince s’était acoquiné avec la Princesse Niquedouille et son petit cœur de grenouille eut la trouille. La brouille éclata et la petite grenouille s’en voulu d’avoir ainsi menti au Prince. Cependant, elle restait persuadée que malgré toutes ses belles paroles et ses léchouilles, la fripouille lui avait préféré la Princesse Niquedouille. C’est alors qu'une gargouille en patrouille lui avoua l'embrouille: c’était Frosti la fripouille qui s’était acoquiné de la Princesse Niquedouille. Le Prince n’avait rien avoir avec la souille. La petite grenouille était décidément la pire des andouilles.

La jeune fille appuya sur la touche ENVOYER, espérant que Léo soit sensible au conte aux rimes douteuses. Elle se sentait stupide, il n’y avait vraiment qu’elle pour se mettre dans de telles situations.
Elle repensa à l’après-midi passée au bord de l’étang et une douce sensation l’envahit. Elle songea avec fièvre au corps musclé du jeune homme contre le sien, la douceur de ses caresses et la tendresse de ses baisers. Elle fut tirée de sa rêverie par la sonnerie de son téléphone. Son cœur s’emballa quand elle ouvrit le message :

Demain, 7h00 à la grande faille.
Ps: Je bafouille car n’ai pas de mots en -ouille


Enola sentit tous les muscles de son corps se dénouer. Léo lui avait répondu. Son message était court mais sonnait comme la promesse d'un lendemain heureux. Il lui tendait un rameau d'olivier. Plus question de se cacher sous un faux nom, cette fois-ci, elle avait bien l’intention de lui faire face en étant elle même. Elle verrouilla son téléphone et s’endormit en serrant son oreiller contre elle.

***


Chapitre 16 (fin)
Dernière modification par Pimfresh le mer. 27 mai, 2020 12:52 am, modifié 1 fois.
Tifennjh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 15 [young adult/Romance]

Message par Tifennjh »

Trop trop trop bien !!!!!!!!
Argh !!! je veux savoir la suite tout de suite !!!
:D :D :D :D :D :roll: :roll:
Esmeralda1265

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 15 [young adult/Romance]

Message par Esmeralda1265 »

superbe, je veuuuuuux la suite !
Zayana

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 15 [young adult/Romance]

Message par Zayana »

j'ai adoré cette histoire et j’espère que le tome 2 avance bien et que tu le publiera ( car si j'ai bien compris tu est en train de l'écrire) :lol:
AstraD

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 15 [young adult/Romance]

Message par AstraD »

La suite ! La suite ! La suite !!!
Donc au final c'était Frosti... Ben je m'y attendais pas du tout :D on va de surprise en surprise !
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