Avec toi - Terminé [young adult/Romance]

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Pimfresh

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Avec toi - Terminé [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Avec toi

Par L.M.T (Pimfresh)
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Chapitre 1 et 2
Chapitre 3 et 4
Chapitre 5 et 6
Chapitre 7 et 8
Chapitre 8 (suite)
Chapitre 9 et 10
Chapitre 11
Chapitre 11(suite) et 12
Chapitre 13, 14 et 15
Chapitre 16 (fin)


Chapitre 1 - Lundi 25 mai


Un jour à Mariette

Qu’on se le dise, Léo James était le stéréotype même du « parfait mec populaire du Lycée ». Celui qui dans les comédies romantiques américaines serait le quaterback de l’équipe de football et ne sortirait qu’avec la capitaine des cheerleaders prénommée Brenda ou Kimberley.
Ici ce n’était pas les Etats-Unis et Enola, bien qu’ayant un prénom assez original tiré d’un film avec Kevin Costner que ses nerds de parents adoraient, n’avait rien d’une Kimberley.
Enola Alestra était une fille de 17 ans en léger surpoids. Celui-ci ne lui avait jamais empêché d’avoir une vie sociale épanouie mais il était certain qu’elle ne ferait jamais toutes ces fabuleuses pirouettes que les pom-pom girls d’American Girl,(un film qui selon elle était une merveille cinématographique) effectuaient comme s’il n’y avait rien de plus simple au monde. Même si elle était une fille « sympa » il y avait peu de chance qu’un garçon, enfin que LE garçon ne l’invite à un bal de fin d’année ou tout autre événements de ce genre.
Perdu dans le vague des ses pensés, elle regardait le beau Léo assis à une table voisine de la cantine du lycée. Il était toujours entouré de beaucoup de monde, de jolies filles notamment. Enola détestait ces dernières.
Elle jeta un coup d’œil autour d’elle; Non, effectivement, le lycée Mariette de Boulogne-sur-Mer n’avait rien d’un bahut américain dont le nom aurait été Palmbeach Highschool ou quelque chose comme ça. Même son amie Louise Noyon ne pouvait pas paraître moins exotique dans ce décor. Celle-ci s'assit à la table d’Enola, la sortant brusquement de sa rêverie.

- Pourquoi faut-il toujours que les steaks hachés de la cantine ressemblent à de vieilles semelles ! Ils pourraient au moins nous demander la cuisson que l’on souhaite avant de nous servir cette chose infâme ! se plaignit Louise tout en tenant son steak du bout de sa fourchette.

Enola sourit, Louise était une jolie petite blonde menue avec un tempérament tyrannique. Elles se connaissaient depuis le jardin d’enfant. Les garçons l'appréciait beaucoup et Enola avait parfois l’impression de n’être qu’un faire valoir à côté d’elle. Les parents de Louise avaient hérité de l’entreprise familiale Noyon Dentelle de Calai qui était extrêmement réputée dans le monde entier et vivaient avec un maître d’hôtel nommé Georgio dans une villa luxueuse au Touquet. Louise aurait dut aller au Lycée privé de l’autre côté de la ville mais un caprice de petite fille rebelle l’avait envoyé directement au lycée communale de Boulogne-sur-Mer où Enola et elle partageaient une amitié solide à base de films et littératures d’adolescentes rêvant du grand amour.

- Peut être que tu devrais demander à Georgio d’aller leur apprendre à faire la cuisine, ça m’éviterai de t’entendre râler tous les midis de la nourriture qu’on nous sert. Lui répondit Enola moqueuse tout en ne lâchant pas du regard la table d’à côté.
- C’est sûr qu’on ne peut pas toutes être rassasiées par le seul fait de dévorer l’élu de son cœur des yeux, fais attention Nono tu baves un petit peu juste là. Dit Louise en se frottant le coin de la lèvre en riant. Tu devrais lui aller lui parler, au bout de trois ans ce serait déjà un bon début.
- Je lui ai déjà parlé ! S’offusqua Enola en reportant son attention sur son amie. Rien qu’hier il m’a demandé une gomme en études et je lui ai dit « bien sûr, la voilà » et « avec plaisir ! ».

Elle se souvint alors du charmant sourire qu’il lui avait accordé et de ses deux adorables petites fossettes sur les joues qui l’avaient faite bégayer bêtement. Elle s’empourpra à ce souvenir.

- De toute façon, poursuivit-elle, nous arrivons à la fin de l’année et à la fin du lycée, après le BAC il ira certainement dans une université parisienne et je ne pourrais plus que fantasmer sur son souvenir. Autant que je reste là à l’observer de loin pour l’avoir bien en mémoire.
- Tu es pathétique, se moqua Louise, quand on quittera ce satané lycée, tu rencontreras un garçon tout aussi charmant sur la plage, il te fera la cour et tu oublieras une fois pour toute Léo James le beau gosse de Mariette.

Enola éclata d’un rire sans joie. Comme si elle, Enola Alestra, la petite dodue sympathique de terminale, elle qui passait ses soirées à lire des romans d’amour et à s’imaginer une vie sur World of Warcraft pouvait rencontrer quelqu’un sur la plage. (Et ce, certainement vêtue d’un maillot de bain !) L’idée était ridicule ! Bien sûr elle avait déjà eu des copains. Des copains qu’elle avait rencontrés sur son jeu en ligne. Il faut dire que pour une fille ayant si peu confiance en elle, le fait de se présenter derrière les courbes attrayantes d’une elfe de la nuit était un atout majeur. Sa personnalité joyeuse ressortait sans problème quand elle n’était pas cachée derrière une couche de bourrelets disgracieux et elle avait beaucoup de succès auprès de ses compagnons de jeu. Elle avait eu par deux fois le courage de rencontrer « irl », comprenez « dans la vrai vie », deux garçons qui étaient devenus ses petits amis. Elle avait même perdue sa virginité, non sans regrets, avec l’un d’eux.
Elle n’était pas laide, tout au contraire, juste un peu enrobée. Cela lui valait souvent des remarques blessantes qui se voulaient pourtant amicales de la part de sa famille et de ses médecins du genre de « c’est dommage parce que tu as un si joli visage… » Comprenez là « quel gâchis tu pourrais être tellement jolie si tu n’étais pas enlaidie par toute cette graisse ! ».
Elle avait effectivement un très joli visage encadré par une imposante mais soyeuse masse de cheveux auburn ondulés, ses yeux bleus doux et farouches brillaient sous un voile magnifique de longs cils. Son nez était légèrement retroussé et ses lèvres gourmandes avaient une couleur rosé qu’aucun rouge à lèvre ne pouvait imiter. Malheureusement, à dix-sept ans la plupart des garçons avaient un idéal féminin bien précis, et celui là ne comportait pas de kilos en trop sur la balance.
Elle enfourna un bout de pain dans sa bouche et répondit à son amie :

- Il y a peu de chance que sha se passhe comme sha, il est plus probable que je rencontre un nain un peu badashe, qu’il tombe shous mon charme d’elfe et que ma grâshe naturelle fasshe le reshte. »


Elles éclatèrent de rire et finirent le repas en bavardant joyeusement avant de rejoindre leur cours de biologie.

***

À la fin de sa journée de cours, Enola rentra chez elle avec le bus scolaire. Elle habitait une ville voisine à une quinzaine de kilomètres de Boulogne nommée Hardelot-plage. Elle adorait cet endroit. C’était une station balnéaire qui accueillait bon nombre de touristes une fois l’été venu.
Les parents d’Enola étaient divorcés depuis son année de troisième, elle vivait avec sa mère et son grand frère Lucas dans un charmant cottage dans la forêt jouxtant Hardelot. Sa mère tenait une pâtisserie dans le petit centre-ville de la station balnéaire, sa spécialité: une tarte poire chocolat que s’arrachaient les plaisanciers de l’été. Son père quant à lui était parti vivre à Paris où il travaillait en tant qu’ingénieur dans une usine de composants électroniques. Elle n’avait pas souvent de nouvelles de lui mais allait le voir aussi régulièrement que possible.
Elle avait vécu le divorce de ses parents comme une tragédie. Même si elle n’avait jamais considéré avoir eu une jeunesse malheureuse, cette séparation l’avait profondément marqué. Son frère Lucas était de trois ans son aîné, il avait tenté une fac de droit à Paris puis, ayant raté deux fois sa première année, avait finalement abandonné. Il était retourné vivre dans le Pas-de-Calais chez sa mère et avait commencé à travailler dans un magasin de bandes dessinées de Boulogne. Le propriétaire du magasin qui avait de gros problèmes de santé le lui avait finalement cédé pour une bouchée de pain.
Comme à son habitude Enola attrapa une compote et quelques gâteaux pour les manger dans sa chambre. Elle termina ses devoirs et lu l’un des nombreux romans d’amour qui s’accumulaient sur son étagère. Celui là racontait l’histoire d’amour entre une aide à domicile et un riche héritier tétraplégique, elle en était bouleversée.

Vers dix-neuf heures, comme tous les soirs, elle entendit la voiture de sa mère dans l’allée, celle-ci ne lui avait pas demandé de faire le souper, elle devait donc revenir avec les invendus de la pâtisserie.

- Enola viens m’aider ! cria sa mère en bas de l’escalier.

Elle s’empressa de descendre et se trouva nez à nez avec un énorme sac de victuailles qui cachait presque entièrement sa mère.
Hélène Payet anciennement Alestra était une femme élancée et très active. Elle avait les mêmes cheveux flamboyant que sa fille mais ses yeux étaient bruns et perçants. C’était une femme stricte qu’il ne fallait certainement pas contrarier.
La jeune fille s’empressa de lui enlever le sac des bras et l’emmena dans la cuisine pour en vider le contenu. Sa mère la rejoignit suivi de son frère qui venait de rentrer.

- Cool, on va se péter le bide ! Se réjouit-il. Enfin à moins que ma chère petite sœur ne dévore tout !
- La ferme, ce n’est pas moi qui me tape kebab sur kebab quand je suis à la boutique.
- Il faut dire que j’ai de la chance, tu prends tout à ma place Bourdon ! fit-il en assénant une petite tape sur ses fesses potelées en riant.

Bourdon était le surnom affectueux que lui avait donné son père quand elle était petite. Quoi de plus approprié qu’un petit insecte obèse et gauche pour la désigner ?
Enola accusa le coup, comme à son habitude elle faisait tout pour que personne n’ait conscience que les remarques sur son poids la blessait. Son silence soudain interpella Lucas qui lui attrapa gentiment le bras en poursuivant :

- Excuse moi, ce n’était pas très sympa. Tu as raison ces Kebabs ne me réussissent pas, regarde !

En joignant le geste à la parole, il remonta son t-shirt des Red Hot Chili Peppers et se pinça un minuscule morceau de peau avec une grimace peu convaincante.
Elle le regarda en secouant la tête et en souriant. Son frère n’était pas méchant, juste maladroit. Il ne voyait pas en elle la grosse de la famille mais juste sa sœur. Une sœur que son rôle de frère était d’embêter.

- Tu es un idiot gaulé comme un moustique, pas étonnant que ce gentil Monsieur Bensalem veuille te remplumer à coup de Kebab !
- Quand vous aurez terminé de vous chamailler vous deux, vous pourriez peut être mettre la table. intervint Hélène qui se battait avec le four dernier cri de leur cuisine.

Le souper terminé, Enola s’empressa de débarrasser le couvert pour enfin monter dans sa chambre et se connecter sur son jeu en ligne.

Le paladin en pyjama

Dès qu’elle arriva sur tchat vocal du jeu, elle reçu une salve de salutations de ses compagnons de guilde. Une guilde est une communauté de joueurs regroupée autour d'un ou plusieurs jeux et régie par une organisation hiérarchique. Dans cette guilde, il n’y avait que trois femmes: l’une était l’épouse de Heldadras, un elfe de la nuit druide qui n’était autre que le chef de la guilde, la deuxième avait un personnage du nom de Sigrid, c’était une trentenaire en couple avec un militaire de la marine. Elle s’ennuyait beaucoup de l’absence de son mari et aimait « poutrer de l’orc » comme elle le disait elle-même.
Enfin, il y avait Énola. Il fallait être honnête, dans un jeu majoritairement joué par des hommes, toute femme était potentiellement une rivale pour la jeune fille. Elle aimait recevoir l’attention qu’elle n’avait pas dans la vraie vie. Elle appréciait néanmoins ces deux partenaires féminins et les hommes de la guilde ne tarissaient jamais de sollicitude à son égard. Cela lui convenait parfaitement.
Ce soir là était un soir particulier pour la guilde. Ils avaient besoin de recruter de nouveaux joueurs afin de partir à la conquête de zones de jeu inexplorées. La veille, Heldadras avait demandé à Enola (ou Nola sur le jeu) de participer au recrutement sur le tchat vocal. Cela faisait un moment qu’elle était dans la guilde et son avis comptait. Ces recrutements étaient dignes d’entretiens d’embauche et cela lui donnait un profond sentiment d’importance. Une fois son casque vissé sur les oreilles et son micro bien ajusté, Elle attendit les candidats.
Le premier semblait être un jeune garçon à la voix fluette: On appelait ça « un Pyjama » dans le jargon des joueurs en ligne. Il ne devait pas avoir plus de 11 ou 12 ans et ne correspondait pas au profil recherché. Le second était un garçon surexcité qui parlait à une vitesse folle et qui se vantait d’avoir fait partie des meilleures guildes du jeu. Selon lui, il ne faisait aucun doute qu’il donnerai du prestige à la guide rien que par sa présence. Énola soupira et elle le remercia d’avoir postulé. Elle lui annonça que malheureusement il y avait peu de chance qu’il arrive à enfiler le tabard à l’effigie de la guilde tant il avait la grosse tête. Cette remarque froissa immanquablement le joueur qui quitta illico la conversation et fit grandement rire les membres de la guilde. Enfin, quand le dernier postulant prit la parole, Enola fut prise d’un frisson. Il avait une voix posée et chaleureuse, un brin charmeuse. Il ne semblait pas être beaucoup plus âgé qu’elle. Il était courtois, mûr et semblait connaître le jeu comme sa poche. Il jouait un soigneur, un paladin plus exactement. Il avait quitté sa précédente guilde pour faire de nouvelles rencontres et serait ravi d’être accepté parmi eux. Enola su que son intervention n’était pas nécessaire et que ce dernier postulant serait bientôt nouveau membre de la guilde Ishura Mandalas, elle s’en réjouissait. Elle sourit intérieurement car le nouveau membre n’était autre qu’un nain badass avec une grosse masse nommé Arcadia.

- Bienvenu Arcadia, si tu as besoin de quoi que ce soit n’hésite pas à le demander ! Nous fonctionnons comme une famille donc entre nous pas de chichis. Heldadras débitait son discours habituel aux nouveaux arrivants.

Enola adorait passer du temps avec ces gens qu’elle ne connaissait que par des pseudonymes venus d’un autre univers. Chacun avait trouvé sa place dans le groupe et ils formaient à eux tous une drôle de famille. Heldadras et Mysteria représentaient en quelque sorte les parents, ou les Patrons comme ils aimaient le dire.

- Ouais, après si tu as des questions évite de les poser au grand chef. Je dis ça pour toi Mec, tu risques de devoir subir une réponse tellement longue et détaillée que tu en oublieras ta question de départ !

c’était Frosti, un gnome minuscule avec une grande gueule. Il faisait beaucoup rire Enola avec ses vannes à outrance et sa bonne humeur permanente.
Arcadia s’esclaffa dans son micro :

- J’en prends bonne note mais je ne voudrais pas froisser le patron dès mon arrivée ! Pouvez vous me dire où vous en êtes ?

La conversation dura comme ça jusque tard dans la nuit, il en était ainsi tous les soirs. Enola avait l’impression d’avoir deux vies et il fallait bien avouer que sa vie en ligne était bien plus excitante que sa morne vie de lycéenne. À Mariette elle n’avait pas beaucoup d’amis à part Louise. Elle ne fuyait pas les gens mais elle passait la plupart de son temps à lire des livres dans son coin et personne ne se préoccupait d’elle. Elle se contentait d’être Enola Alestra la dodue sympa d’une banalité affligeante. Nola l’elfe, en revanche, représentait tout ce que la jeune fille aurait aimé être, belle et mince (évidemment) mais aussi piquante, charmante et surtout extrêmement sûre d’elle.

***




Chapitre 1 - Mardi 9 juin

Une chance pour les malchanceux

La semaine était rythmée ainsi, les journées au lycée à passer du temps avec Louise, à regarder Léo James à chaque opportunité et le soir venu, à traîner sur son jeu. Deux semaines s’étaient écoulées depuis l'arrivée de Arcadia. Enola et lui passaient énormément de temps à jouer ensemble et à discuter au micro. Ils se retrouvaient très souvent seuls sur le tchat quand leurs compagnons revenaient à leur vie réelle. La jeune fille savait que ce n’était pas une activité très saine, surtout l’année du BAC. Cette obsession du jeu rendait sa mère folle et l’arrivée d’Arcadia n’avait fait qu’empirer sa dépendance. Elle ne l’avait jamais vu et pourtant, il faisait battre son cœur. Il était charmant, drôle et sa voix ... sa voix résonnait en Enola chaque fois qu’il parlait. Un soir où ils n’étaient plus que tous les deux en ligne, la conversation, jusque là très liée à l’univers du jeu, devint plus personnelle :

- Nola, dis moi, je peux te demander ton âge ? S’enquit-il.
- Oh euh... bien sûr. J’ai dix sept-ans, je vais sur mes dix-huit début juillet.

Sa question la mit mal à l’aise, le fait qu’il veuille en savoir plus sur la vraie Enola la rendait nerveuse.

- Et toi ? S’enquit elle a son tour avec prudence.

Il mit un peu de temps avant de répondre mais sa voix semblait trahir un sourire:

- J’ai fêté mes dix huit ans en février. Alors toi aussi l’année du BAC, tu ne culpabilises pas trop de passer plus de temps à bavarder avec moi qu’à réviser ?
- Qui te dit que j’ai besoin de réviser, je suis peut être un génie moi Monsieur !
- Et bien voilà encore une chose à ajouter à ma liste de « pourquoi je tombe de plus en plus sous le charme de Nola ». Murmura t-il d’une voix douce et pleine.

Enola en oublia de respirer, c’était tellement ... charmant ! Personne ne lui avait jamais parlé comme ça sur le jeu et encore moins dans la réalité. Elle marmonna une réponse qu´il ne comprit pas tout de suite:

- Comment ? Je ne comprends pas vraiment l’orc tu sais ! S’exclama t’il.

Elle toussota.

- Je disais que tu pourrais être déçu si un jour l’on venait à se rencontrer. Répéta t-elle si bas qu’il dut se concentrer pour l’écouter.
- Hmm je ne pense pas pouvoir être déçu par une fille qui m’a un jour hurlé dessus pour avoir attaqué le mauvais monstre lors d’un raid ! Tu sais que suis traumatisé depuis ce jour ! Et puis même si je trouve ça triste, il y a quand même peu de chance qu’on se croise un jour. Et si j’avais la chance de te rencontrer, je suis persuadé que la Nola du jeu n'est pas différente en vrai.

Elle remua sur sa chaise de nervosité et lui répondit en riant doucement:

- Il me semble avoir des oreilles relativement plus petites dans la réalité et un teint moins bleuâtre.

Ils rirent tous les deux de bon cœur. Enola se rassura en se disant qu’effectivement, il y avait peu de chance qu’ils se voient un jour. Cette réalité lui fit un léger pincement au cœur mais elle songea que c’était surement mieux comme ça.

***


Le problème avec la chance c’est qu’elle a tendance à sourire à ceux qui s’y attendent le moins. C’est ainsi qu’un soir Mysteria annonça la nouvelle :

- Les amis ! Heldadras et moi avons eu une idée géniale ! Pour certains d’entre nous, cela fait bien cinq ans que nous jouons ensemble. Nous avons parfois l’impression d’être plus proches de vous que de notre propre famille, c’est dingue ! Alors voilà, nous vous proposons de nous rencontrer tous irl et de passer une semaine ensemble dans un gîte de la banlieue parisienne !

Sa voix était pleine d’excitation, ce qui était surprenant venant de Mysteria. Elle était pour Enola l’image même de l’épouse parfaite, calme et douce.
Mysteria et Heldadras, Christelle et Laurent de leurs vrais prénoms étaient deux quadragénaires vivant du côté de Versailles. Lors d’une rare conversation sur leur vie personnelle respective, Christelle avait avoué à Enola qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfant et que cette guilde était en quelque sorte leur bébé. Enola ne les jugeait pas, elle s'étonnait que deux personnes matures comme eux jouent encore à des jeux vidéo en ligne mais elle comprenait plus que quiconque ce besoin de fuir la réalité de temps en temps.
Le brouhaha qui suivit l’annonce fut assourdissant:

- C’est une idée géniale ! S’écria Frosti. Je pourrai enfin voir à quoi ressemble le look du Patron !
- Le Patron t’emmerde, lui répondit l’intéressé en riant.

Sigrid prit la parole :

- J’en serai, je suis curieuse de voir à quoi vous ressemblez. Dites moi la date et je m’arrange pour me faire porter pâle au boulot.

D’autres membres de la guilde approuvèrent joyeusement l’idée. Ils étaient une dizaine de connectés ce soir là et tous avaient l’air ravis.

- Ca risque d’être compliqué pour moi, je dois réviser le BAC mais j’avoue que je suis tenté par l’idée de vous rencontrer, quand est-ce que tu as dis que ça aurait lieu? Intervint Arcadia faisant sursauter Enola derrière son écran.
- Elle ne l’a pas dit, lui répondit Heldadras, mais nous avons organisé tout ça pour la première semaine de juillet dans trois semaines. Je sais que cela est très court pour vous organiser et nous en sommes désolés mais nous avons des impératifs professionnels après cette date !

Enola restait silencieuse, abasourdie par cette nouvelle, bouleversée même. Inquiète par ce silence, Mysteria lui envoya un message privé:

Mysteria: Je sais que tu es jeune mais je peux appeler ta mère si tu le souhaites et discuter de cette invitation avec elle, je suis certaine qu’elle ne refusera pas !

Enola était figée sur sa chaise, son cerveau réfléchissant à tout allure. Il était évident que sa mère ne la laisserai jamais passer une semaine dans une maison avec des inconnus. Mais elle, le voulait-elle ? Elle était déchirée entre deux sentiments, elle voulait les voir tous, les serrer dans ses bras et faire leur connaissance. Ils étaient ses amis après tout. D’un autre côté, elle se demandait ce qu’ils penseraient d’elle en la voyant... Et Arcadia... Bon sang, même si elle l’avait déjà fait à deux reprises avec d’autres elle ne se sentait pas prête pour qu’il la voit en vrai.
Au moment où la panique était en train de l’envahir, un autre message privé apparu :

Arcadia: Tout va bien ? Tu ne dis plus rien. Je vais essayer de tout faire pour venir à ce gîte, j’ai vraiment très envie de passer du temps avec toi tu sais.

Enola cru que son cœur et son cerveau allait exploser, elle fixait les quelques lignes écrites sur son écran comme si celles-ci allaient s’effacer dès qu’elle les quitterai des yeux.
Prenant une respiration saccadée elle écrivit une réponse à Mysteria:

Nola: J’ai très envie de vous voir mais je ne suis pas sûre de vouloir me montrer.

Sur le tchat vocal, les membres de la guilde étaient partis dans des organisations dignes d’un raid sur le boss final du jeu, chacun y allait de son enthousiasme.

Mysteria: Tout le monde t’adore Nola, même si tu étais un monstre gluant et jaune tout le monde t’adorerait quand même. Tu n’as rien à prouver à personne même pas a un certain jeune homme qui n’est pas insensible à tes charmes. Laurent et moi tenons particulièrement à ce que tu sois là.

- Et alors ? Notre adorable chasseuse reste muette ? Nola j’espère que tu comptes ramener ta fraise ! Lança Frosti sur le tchat vocal.

Entendre son pseudo dans le casque lui fit reprendre ses esprits.

- Je... euh... oui je vais essayer d’être là. Bon je dois vous laisser. Bonne soirée à tous et à demain !

Arcadia: Tu t’en vas déjà ? Tout va bien ?

Elle éteignit son ordinateur et alla se coucher étonnamment tôt pour la première fois en deux ans.
***


Chapitre 3 et 4
Chapitre 5 et 6
Chapitre 7 et 8
Chapitre 8 (suite)
Chapitre 9 et 10
Chapitre 11 et 12
Dernière modification par Pimfresh le mer. 26 août, 2020 2:00 pm, modifié 20 fois.
laetitiavolpi

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Re: AVEC TOI - Chapitre 1 et 2 [young adult/Romance]

Message par laetitiavolpi »

Mon Dieu qu'est-ce que j'ai ri ! :lol: Tu as vraiment égayé ma soirée avec le début de ton histoire !

Le style est à croquer : simple, précis, cynique. Le début est juste magistral, cette dégringolade depuis le film américain jusqu'à la réalité de Nola et de son Boulogne-sur-Mer c'était vraiment bien vu comme accroche. Je me suis dit : "C'est bon, j'achète !" ;)
Plus sérieusement, j'aime beaucoup le piquant et la sincérité avec laquelle tu dépeints tes personnages. En quelques lignes tu leur donne une réelle consistance, et ça me semble un très bon point que ça soit flagrant dès les premiers chapitres. Ensuite, les personnages de Nola et de sa bande sur Wow sont très rapidement attachants. On se moque gentiment d'eux, on rit, et en même temps leurs fragilités déjà apparentes nous touchent. :)

Je suis curieuse de savoir qui se cache derrière le fameux "nain badass" (même si j'ai bien une petite idée :roll: ) et de savoir comment Nola va affronter ses peurs. J'aime beaucoup le fait que malgré ses angoisses adolescentes tu n'en fasses pas un personnage trop naïf. Certes elle est mal à l'aise avec son corps, mais elle est déjà sortie avec quelqu'un et a déjà eu un rapport sexuel, c'est déjà un grand pas quand on est mal dans sa peau comme ça. J'espère juste qu'elle arrivera à prendre confiance en elle, elle est si attachante !
Je compte sur toi pour nous pondre une suite très rapidement, j'ai vraiment adoré cette lecture ! :D

Des bisous en attendant,
Laetitia
AstraD

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Re: AVEC TOI - Chapitre 1 et 2 [young adult/Romance]

Message par AstraD »

Je suis littéralement tombée amoureuse de ton histoire !!! On peut facilement se représenter les personnages car tu nous les décris très bien mais sans nous endormir. J'aime déjà Enola et toute la guilde (d'ailleurs j'ai l'impression que je vais me marrer avec eux :D !) ! Mais j'aime aussi le fait que tu aies choisi une file un peu dodue plutôt qu'une fille mince !
J'attends la suite avec impatience ! À bientôt (enfin j'espère) ;) !!!
Pimfresh

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Re: AVEC TOI - Chapitre 1 et 2 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Bon sang quelle surprise ! J'ai décidé de poster mon récit sans trop de conviction (C'est mon premier. J'ai réellement peur des critiques même si je les sais importantes, constructives et indispensables !) et je suis repassée par ici un peu par hasard. Vous n'imaginez pas comme vos messages m'ont touché et m'encourage pour la suite ! Cette première histoire est déjà terminée depuis un petit moment et j'essai actuellement d'en écrire une suite et j'avoue qu'à force de me relire et de me re-relire mon récit me semblait de plus en plus fade alors quel bonheur de lire de tels retours !
J'espère ne pas vous décevoir pour la suite je vais essayer de poster une partie toutes les semaines.

Des bisous :D ,

Pimfresh
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 et 2 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Chapitre 3 - Mercredi 10 juin

L’abominable Kermit

- Tu devrais y aller! Ce mec a l’air fou de toi, il faut vous rencontrer !

Louise et Enola étaient assises côte à côte en cours de renforcement. La leçon du jour portait sur cette matière insaisisable et incompréhensible que représentaient les mathématiques aux yeux de la jeune fille. Elles détestaient les maths et le prof qui tenait le cours n’aidait en rien à améliorer les choses. Il était un savant mélange entre Einstein et Kermit la grenouille, deux personnages que tout opposait et qu’il avait réussi, juste avec son allure, à combiner en un seul être.
Le renforcement était le seul cours qu’elle partageait avec Léo James. Il était d’ailleurs assis à sa gauche dans la rangée précédant la sienne. Elle intima à Louise de baisser d’un ton et répondit en chuchotant:

- Il n'est pas fou de moi, il est fou de Nola, chasseuse elfe de la nuit de niveau 80.
- C’est toi Nola, t’es peut-être pas une elfe ni une chasseuse mais ça reste toi derrière le personnage. Il est tombé sous TON charme, TA voix, TES mots ! S’impatienta Louise.
- Peut être, mais il y a peu de chance qu’il tombe sous le charme de tout ça. Murmura Enola en se montrant.
- C’est des conneries ! S’emporta son amie un peu trop fort ce qui eu pour effet de faire se retourner les élèves à proximité d’elles (dont le magnifique Léo) et d’interrompre le professeur.
- Peut être que Mademoiselle Noyon et Mademoiselle Alestra veulent intervenir sur les vecteurs ?

C’était bien là une intervention de prof ! Songea Enola.
Elles bredouillèrent de vagues excuses mais Kermit semblait avoir été vexé d’avoir été interrompu dans sa diatribe. Il n’en avait pas fini avec elles. Enola avait toujours eu le sentiment qu’il ne l’appréciait pas beaucoup du fait de ses mauvaises notes, Louise en avait des pires qu’elle mais ses parents étaient de généreux donateurs de l’école ce qui assurait une certaine tranquillité à leur fille.

- Alestra, venez donc nous éblouir de vos talents mathématiques au tableau je vous prie. Lança le terrible Kermit à son encontre.

Quelle horreur, elle allait surtout briller par sa stupidité et se retrouver seule debout devant toute sa classe. Le pire cauchemar de toute introvertie qui se respecte.Tremblante, elle se leva et rejoignit la petite estrade qui surplombait les tables de ses camarades.

- Allons y mademoiselle Alestra, on veut montrer que les vecteurs suivants sont coplanaires. Quelle méthode appliqueriez-vous?

C’était pire que tout. Coplanaires, elle avait lu ça dans son bouquin à la va vite hier soir mais elle avait dû se connecter en urgence. Sa guilde partait en raid et elle n’avait pas eu envie de rater ça. Dans l’instant présent, le redoutable boss était le prof Kermit et elle n’avait pas neuf compagnons pour assurer ses arrières.

- Euh... hmmm... je dirai que les vecteurs sont sur le même plan ils sont donc coplanaires…
- Merci pour cette brillante démonstration de français mais ici vous êtes en mathématiques et vu votre niveau lamentable je ne saurai que trop vous conseiller d’écouter en classe plutôt que de raconter à votre amie comment vous avez trouvé Hugh Grant dans le dernier Bridget Jones. Lui asséna le professeur.

Elle était rouge de honte. Lui intimant de rester là où elle était, il demanda à l’un de ses camarades de venir résoudre l’exercice. Il a fallu que ce soit LUI qui lève la main.

- Merci Monsieur James, j'espère que vous serez plus compétent que votre camarade. Lança Kermit le terrible en la désignant de son menton pointu.

Léo lui lança un regard désolé... ou plutôt condescendant. Oui c’était cela, un regard condescendant. Elle n’osait pas lever la tête pour lui faire face. Bien entendu, lui, le mec parfait en tous points exécuta sans problème l’exercice. Une fois qu’il eu terminé, le prof les renvoya tous les deux à leur place. Morte de honte, elle vit Léo se tourner vers elle et lui lancer un sourire qu’elle prit pour de la moquerie. Cette journée était vraiment pourrie.

***


Echec et mat

De retour sur Hardelot, sa mère lui demanda de la rejoindre à la plage. On avait beau être dans le Nord de la France, chaque soirs, la digue était baignée de la lumière chatoyante du soleil couchant. C’était un spectacle réconfortant pour Enola, elle se sentait chez elle enveloppée dans ce cocon de lumière bercée par le rythme des vagues s’écrasant sur le sable. Assise à côté de sa mère sur un rocher composant l’imposante digue, elle sentit ses muscles se décontracter et sa tension redescendre. La journée avait été éprouvante. Elle s’était sentie diminuée et perdue. Après quelques instants passés à contempler la mer, sa mère se tourna vers elle et lança:

-J’ai reçu un drôle de coup de fil à la pâtisserie aujourd’hui, une jeune femme prénommée Christelle Morens. Elle m’a parlé de votre clan ou tribu ou je ne sais plus quoi. Je n’ai pas bien compris au début mais elle m’a demandé si j’accepterais de te laisser partir en région parisienne pour passer une semaine avec d'autres gens dans un gîte.

Hélène s’interrompit et attendit une explication de sa fille avec un regard sévère.

- Je... C’est à dire ... En fait ce sont mes amis, tu sais dans le jeu ... Bafouilla Enola.
- Oui, Le Jeu. Continua Hélène. Tu sais au début j’étais hors de moi, je me suis demandée pour qui cette femme me prenait-elle si elle imaginait que j’allais laisser ma fille de dix-sept ans avec des inconnus plus âgés qu’elle, on sait déjà ce que ça a donné la dernière fois !

Elle lança un regard dur à sa fille qui se ratatina sur elle même.

- Et puis elle a continué à me parler, de toi, de tout ce que tu semblais partager avec ces gens, tes amis.

Elle soupira et poursuivit :

- Choses que tu ne partages ni avec moi, ni avec ton frère et pas non plus avec Louise. Elle m’a donné des arguments solides sur leur sérieux et sur le fait que ce n’était a priori pas des mauvaises personnes. Je ne comprends pas bien comment on peut jouer à des jeux de gamins quand on est adulte et qu’on travaille dans une banque mais ce couple m’a paru respectable. Je sais qu’en ce moment tu n’es pas bien dans ta peau et je m’en voudrai de t’empêcher de voir tes amis, aussi virtuels soient-ils, si cela peut te rendre heureuse. J’en ai parlé à ton père et il est d’accord avec moi pour te laisser participer à cette réunion à deux conditions: La première, tu ne dors pas dans le gîte et rentres chez ton père à Paris toutes les nuits. La deuxième, je veux te voir réviser ton BAC tous les soirs jusqu’à l’examen et pas d’ordinateur d’ici là.

Enola n’en revenait pas, Mysteria avait réussi là un coup de maître. Pas étonnant qu’elle soit le raid leader dans leurs combats de guilde, elle avait réussit à convaincre sa mère que ce séjour serait bénéfique pour elle et pour son BAC.
Elle était abasourdie. Elle ne pouvait plus reculer, elle devait y aller car maintenant que Mysteria avait placé son pion sa mère la forcerai à passer du temps hors de la maison.

- D’accord... Merci maman. Sont les seules paroles qui réussirent à franchir ses lèvres.

Rentrées chez elles, sa mère l’autorisa à se connecter au jeu pour annoncer la nouvelle de sa venue aux autres membres. Bien sûr, Mysteria avait déjà lâchée l’info avec un enthousiasme débordant.

- Elle a dit ouiiii ! Maman Nola a dit ouiiii! Entonna t-elle à l’arrivée de la jeune fille.
- Et bien oui, il semblerait que je sois présente au gîte, le Raid Leader a encore frappé. Répondit Enola sans s’empêcher de sourire malgré la panique qu’elle ressentait tant le bonheur de son amie était contagieux.
- En voilà une nouvelle géniale ! S’écria Frosti. C’est aussi bon pour moi, j’ai réussi à poser un congé.

Frosti était un dessinateur 3D dans une boîte de Lyon. Il était âgé de vingt cinq ans et Enola l'imaginait toujours habillé de mille couleurs à l’image de son tempérament exubérant.

- Il semble que ce soit bon pour moi aussi. Lança une voix qui provoqua panique et papillons dans le ventre d’Enola.
- Arca mon pote c’est tellement cool ! On va passer une semaine d’enfer ! S’enthousiasma Frosti.

Arcadia: Je suis content que tu viennes ;), tu es parti vite hier, j’espère que tu vas bien.
Nola: Oui tout va bien, je suis désolée, j’ai un peu paniquée.
Arcadia: Paniquée ? Pourquoi ça ? :(
Nola: Et ben ... j’ai peur de vous décevoir, toi particulièrement.
Arcadia : Je t’ai déjà dis que je ne m’attendais pas à te voir avec de longues oreilles alors tu n’as pas de soucis à te faire ! :D plus sérieusement Nola, je te trouve géniale, tu me fais rire, tu es intelligente alors quelque soit le défaut que tu crois avoir je te promet que je peux y faire abstraction parce qu’il se peut bien que je sois irrémédiablement charmé par toi.

Whoaa. C’est tout ce qui vint à l’esprit d’Enola tant elle était touchée par ce qu’il venait de lui écrire.

Nola: Je ne suis pas insensible à ton charme non plus tu sais ...:)
Arcadia: Je n’en suis que plus pressé de te voir alors :D
Nola: Je vais devoir me déco, le deal c’est que je révise mon BAC jusqu’à la fin de l’année scolaire sans ouvrir mon pc ... une torture.
Arcadia: Je devrais en faire autant, tu vas me manquer, il me tarde...
Nola: Moi aussi :$ bisous

Les conversations sur le tchat vocal étaient revenus aux sujets traditionnels du jeu. Enola s’éclaircit la voix et dit d’un ton volontairement solennel qui ne lui ressemblait pas :

- Mes amis, je me vois dans l’obligation de vous quitter pour une durée de deux semaines. Croyez bien que mon cœur et mes pensées volent vers vous et que la seule idée de ne pas vous parler chaque soir me bouleverse.
- Mais quelle comédienne ! S’esclaffa Heldadras.
- L’Oscar de la meilleure actrice est décerné à la jeune Nola pour son incroyable interprétation du désespoir ! Se moqua Frosti.
- Pffff vous n’avez aucune sensibilité, j’espérais un peu plus de tristesse de votre part ! Lança Enola faussement vexée.
- Ne t’inquiète pas ma Belle, poursuivit Mysteria, notre douleur à l’idée de ne pas te parler pendant deux semaines est apaisée par la promesse de te voir passé ce délai, n’est ce pas Arca?

Il y eu quelque rires bienveillants sur le tchat.

- Je n’aurai pas su mieux dire Myst ! Répondit celui-ci avec un détachement feint.
- Bande de fayots ! S’esclaffa Enola. Allez bisous tout le monde, prenez soin de vous !

Elle allait se déconnecter quand un message privé l’interrompit :

Arcadia: Attends !
Nola: Oui?
Arcadia: Dis moi... je peux avoir ton numéro ? Je sais qu’on se connaît pas beaucoup mais on va se voir en vrai dans deux semaines et d’ici là j’aurai beaucoup aimé rester en contact... tu vois ?
Nola: hihi c’est une bonne idée, mon numero est le 0607854755, bonne nuit <3

Sa mère lui cria d’éteindre l’ordinateur de l’étage inférieur, ce qu’elle fit à toute hâte avant d’être tentée de continuer la discussion avec Arcadia.
Elle se glissa sous les draps et son téléphone se mit à vibrer :
Bonne nuit <3

Ce n'était pas quelques papillons qu'elle avait dans le ventre mais une véritable serre, ce mec était une bouffée de bonheur pour elle et elle réalisa qu’elle ne connaissait même pas son prénom. Elle l’enregistra sous le prénom Arca dans son répertoire en attendant d’avoir la réponse à cette question et plongea dans un sommeil profond.

***


Chapitre 4 - Jeudi 11 juin

Mauvais temps pour la chasse

Quand elle se réveilla le matin, Enola était persuadée de deux choses: Sa vie était en train de prendre un tournant positif et elle allait être atrocement en retard en cours. En effet son téléphone n’avait pas chargé pendant la nuit, il semblait même qu’il ne souhaitait plus charger du tout. Quelle plaie ! Elle descendit en trombe dans l’escalier après avoir enfilé un sweat informe et un pantalon slim qui lui semblait avoir perdu six tailles au lavage. Bien sûr sa mère était déjà partie pour le travail et son frère n’était même pas revenu de la nuit. Elle allait devoir prendre le train. Le train qui mettait une heure et demi pour faire Hardelot-Boulogne ! Quelle merde !
Elle prit son sac, y fourra ses bouquins et son ordinateur portable sans réfléchir. Elle courut au garage pour y prendre son vélo et filer à la gare. Une fois assise dans le train, elle se demanda comment avoir du wifi sur son pc, il fallait absolument qu’elle prévienne Arcadia qu’elle n’avait plus de moyens de communication. Impossible bien entendu, à moins de vivre en plein Tokyo, personne n’avait de wifi gratuit dans un ter provincial du Pas-de-Calais ! Rageuse, elle ferma son ordinateur et le posa sur le siège d’à côté. Elle ferma les yeux en fulminant et laissa son esprit divaguer. Plongée dans ses rêveries, elle faillit rater l’arrêt de Boulogne. Elle sorti en courant juste avant que les portes ne se referment derrière elle. Après avoir pris le bus elle arriva à son lycée avec plus d’une heure de retard. Elle aperçu Louise devant la salle de français et ne pu s’empêcher de soupirer. Elle était là, jolie et svelte, à parler avec l’un des mecs qui traînaient avec Léo. A ce moment précis, Enola était persuadée que Louise n’était son amie que parce que les autres filles voyaient en elle une rivale et qu’elles ne l’aimaient pas. Cette scène agaça encore plus la jeune fille qui passa devant la jolie blonde sans lui dire bonjour et alla s´installer directement à sa table.
La prof, une féministe engagée admiratrice de l'auteure Georges Sand, était jeune et dynamique. Enola adorait ses cours, elle avait l’impression de voyager à travers des époques et des univers différents à chaques lectures étudiée.
Louise prit place à ses côté non sans lui demander où elle était passée et ce qui lui prenait de débouler comme ça. Enola n'eut pas besoin de lui répondre car la prof commença le cours à cet instant.

- Ok les jeunes, aujourd’hui Madame Rosa étant absente, certains élèves de la terminale S vont venir avec nous pour le cours. Comme j’imagine que vous ne vous connaissez pas forcément, vous allez former des binômes de mon choix. Vous allez travailler sur un récit d’invention de votre choix avec votre partenaire.

Les élèves de terminale S entrèrent dans la salle. Comme cette journée avait décidé de se dérouler de manière catastrophique il était évident que Léo James faisait parti de ces quelques élèves et bien entendu il fut désigné pour être le binôme d’Enola.
Elle le regarda s’assoir à côté d’elle et décida que cette fois-ci, il était sur son territoire et qu’elle ne le laisserai pas la rabaisser comme il l’avait fait en cours de maths.

- Salut, c’est Agatha c’est ça ? Dit-il en s’accoudant à la table de manière désinvolte.
- Ouai, c’est ça. Bon on commence ?

Elle était en colère, cet idiot ne connaissait même pas son prénom, il se moquait d’elle. Enola se redressa et fit tout pour paraître le plus hostile possible.
Le plus étrange était qu’être dans cette situation avait été son rêve ultime pendant toutes ses années de lycée. Elle pensa qu’avoir fait la connaissance d’Arcadia et de sa gentillesse l’avait peu à peu détourné de ce prétentieux de Léo.

- Ok tout doux ! Dit il en levant les mains, surpris. Alors on part sur quoi, un duel entre Monsieur Darcy et un autre soupirant ?
- Je te demande pardon ? S’offusqua Énola. Je peux savoir de quoi tu parles ?
- Ce n’est pas de ça dont vous parliez avec la jolie blonde en renforcement? Tu sais, ce qui t’a valu de sécher au tableau sur un exercice de vecteurs. Il me semble que le prof a parlé de Bridget Jones, non? Ricana t-il.

Enola n’en revenait pas, mais quel connard prétentieux ! Tout dans sa phrase était insultant. La colère et la déception lui montèrent et elle ne pu s’empêcher de répliquer:

- Mais pour qui te prends-tu ? Tu ne me connais pas et tu te permets de me juger sur quelque chose qu’un prof idiot a balancé ?

Il souriait. Bon sang ! Il souriait ! Il se foutait d’elle et semblait prendre un malin plaisir à la faire sortir de ses gonds. Elle se ressaisit et concentra toute son énergie à ne pas lui coller une gifle. Elle se redressa subitement et se composa une expression neutre. Elle poursuivit le plus sereinement possible:

- Je pensais plutôt partir sur une courte nouvelle à propos d’un détective fauché qui se retrouverait dans un monde parallèle, j’avais une ébauche d’un truc comme ça sur mon ordinateur ...

Elle se pencha et Léo la regardait déconcerté, elle était passé d’une colère explosive à un sérieux indéchiffrable pour finalement perdre toutes les couleurs de son visage.

- Mon ordinateur... J’ai perdu mon ordinateur ! Merde, Merde, Merde ! Elle se leva brusquement et la chaise tomba derrière elle.
- Hé calme toi Agatha ! Lui lança t-il l’air exaspéré en lançant des coups d’œil gêné à leurs camarades.

Elle ne l’écoutait plus. Si elle ne retrouvait pas son ordinateur, elle n'aurait aucun moyen de contacter Arcadia et cette pensée la bouleversa. Elle demanda à la professeure d'aller aux toilettes prétextant qu’elle se sentait mal et couru dans les couloirs pour s’isoler dans un cabinet.
Elle inspira profondément. Il ne lui restait que quelques semaines avant de retrouver ses amis. Ses vrais amis. Sa mère ne lui achèterai sûrement pas de nouveau téléphone d’ici là, voyant là une opportunité de ne pas la distraire de ses révisions et il était inconcevable qu’elle retrouve son ordinateur aux objets trouvés de la gare. C’est déprimée mais résignée qu’elle quitta son havre de paix malodorant pour retrouver sa salle de classe.
Heureusement le cours était terminé et Léo avait déguerpi de là sans demander son reste. Quel idiot celui là. Plus elle y pensait, plus elle se disait qu’il ne valait pas la peine qu’on l’admire autant. C’était un beau mec prétentieux et arrogant, voilà tout.

- Ok, tu nous as fait quoi là tout à l’heure ?

Louise « la jolie blonde » l’avait rattrapé dans le couloir.

- Mon téléphone est hs, j’ai laissé mon ordinateur sur la banquette de ce foutu train et je viens de me rendre compte que le mec dont je rêve depuis trois ans n’est qu’un enfoiré. Ah oui, et ma soit disant meilleure amie passe son temps à draguer tout ce qui bouge. J’imagine que ça te dépeint bien le tableau. Énuméra Enola sur un ton d’exaspération.

- Hé! Je ne t’ai rien fait moi, tu pourrais me parler autrement ! S’insurgea son amie.
- Ouais ben justement, il est là le truc, j’ai pas envie de parler. Lui balança Enola en regardant l’écran désespérément noir de son téléphone.
- Ok, reste dans ton humeur de chien. Je sais pas ce que tu as en ce moment mais tu perds totalement les pédales. Je te laisse, j’ai mieux à faire que de t’écouter m’agresser alors que je n’ai rien fait !

Louise la laissa en plan au milieu du couloir, seule avec sa mauvaise humeur.

Les deux semaines qui suivirent furent tout aussi maussades que ce jour là. Il pleuvait constamment et Enola n’avait plus que ses livres pour s’évader un peu de la montagne de révisions qui l’attendait chaque soir. Louise ne lui avait pas re-parlé depuis leur dispute dans le couloir et pour le moment elle s’en fichait bien. Elle se sentait seule et malheureuse sans ses amis virtuels. Arcadia lui manquait. Elle n’avait pas pu lui parler depuis qu’elle lui avait donné son numéro de téléphone. Quand elle avait enfin réussi à mettre la main sur le numéro de Mysteria dans le journal d’appel de la pâtisserie, celle-ci lui avait annoncé que le jeune homme mettait en stand by le jeu pour ses révisions et qu’elle n’avait pas eu de nouvelles de lui depuis.
***



Chapitre 5 et 6
Chapitre 7 et 8
Chapitre 8 (suite)
Chapitre 9 et 10
Dernière modification par Pimfresh le dim. 24 mai, 2020 12:26 am, modifié 5 fois.
AstraD

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Re: Avec toi - Chapitre 1, 2, 3, 4 [young adult/Romance]

Message par AstraD »

C'est génial ;) tu écris vraiment super bien !!! Et je suis sûre à 200% que la suite n'est absolument pas fade 8-) !! Mais surtout continue à poster (je veux trop la suite!!) ;) :D !!!
Tifennjh

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Re: Avec toi - Chapitre 1, 2, 3, 4 [young adult/Romance]

Message par Tifennjh »

Ouah c'est génial, ton histoire !!! J'espère que tu continuera à poster la suite ! :D :D
Tu pourras me prévenir si c'est le cas ?
Asco20

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Re: Avec toi - Chapitre 1, 2, 3, 4 [young adult/Romance]

Message par Asco20 »

Coucou ! J'aime trooop ton histoire ! Ton style d'écriture, tes personnages,... Tous est super ! Tu pourras me prévenir quand tu met :D la suite ?? J'ai hate ! :D
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1, 2, 3, 4 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Samedi 27 juin

Un train peut en cacher un autre

Les épreuves du Bac étaient passées, Enola ne s’en était pas trop mal sortie compte tenu de ses résultats médiocres au cours de l’année. Sa mère lui avait un peu lâché la bride en attendant les résultats.
Le samedi précédant la rencontre, Énola était stressée, pire, angoissée à l’idée de devoir se montrer. Elle avait passé la semaine à ne pas manger pour essayer de gagner une bataille contre son corps qu’elle n’avait jamais remporté en dix-sept ans. Pour preuve, en représailles, celui-ci lui colla un bon rhume qui acheva un peu plus sa confiance en elle.
Son train pour la Gare du Nord de Paris partait à onze heure, Énola faisait et défaisait sa valise changeant sans cesse d’avis. Quand l’angoisse l’emportait, la valise finissait par terre et quand l’envie essayait de se frayer un chemin à travers ses pensées confuses, elle ramassait tout et y ajoutait ses tenues préférés. C’est finalement cette dernière qui l’emporta. Énola avait réellement envie de rencontrer ses amis et aussi de voir son père.
Dans la voiture, sa mère lui répétait sans cesse les mêmes choses:

- Tu dors chez ton Père, Pas d’alcool, Pas de drogue, Pas de sexe.
- Maman !
- Tu m’as bien entendu Énola, nous te faisons confiance. Si il y a le moindre soucis tu appelles ton père et si tu ne sens pas ces gens tu rentres immédiatement sur Paris !
- Et je fais comment pour appeler mon père sans téléphone ? Répondit Énola avec humeur.
- Regarde dans la boîte à gants. Lança sa mère en gardant les yeux fixés sur la route.

Énola ouvrit la boîte à gant et découvrit un téléphone portable flambant neuf.

- Maman! Il est trop beau ! Merci!

Un sourire à peine perceptible se dessina sur les lèvres de Hélène.

- Je suis fière des efforts que tu as déployé pour ton BAC. Finalement, cette semaine de vacances pour te motiver était une bonne idée. Je ne t’ai jamais vu aussi acharnée sur tes révisions.

Énola était occupée à mettre sa carte SIM dans le nouveau téléphone, combien de sms l’attendaient ? Lui avait t-il écrit ?

- M’ouais, c’était une vraie partie de plaisir.
- As-tu re-parlé avec Louise ? La coupa sa mère.
- Comment tu sais que Louise et moi sommes brouillées? Demanda Enola en levant brusquement la tête vers sa mère.
- Madame Noyon est passée à la pâtisserie l’autre fois. Tu savais que la sœur de Louise vivait dans leur résidence secondaire à Versailles ? À Versailles … Ces gens ne manquent vraiment pas d’argent !
- Tu sais maman, les gens qui vivent à Versailles n’ont pas tous les moyens de vivre au château. Marmonna Énola en pensant avec affection à Mysteria et Heldadras.

Hélène émit un claquement de langue pour exprimer son désaccord.

- Tu feras ça dans la train, nous arrivons. N’oublie rien surtout !

Énola, qui peinait à changer sa carte SIM, fourra son nouveau téléphone dans son sac et sortit de la voiture. Une fois que sa mère l’eut inspecté de haut en bas et vérifié qu’elle n’avait rien oublié, elle la pris dans ses bras de manière mélodramatique.

- Maman, je t’en prie ! Je ne pars qu’une semaine ! Et je vais chez Papa en plus !
- Je n’aime pas te savoir loin de moi et avec des inconnus, surtout après ce qu’il est arrivé la dernière fois.
- Je ne suis pas fragile, tout va bien se passer. Tu ne t’inquiètes pas autant quand tu m’envoies en stage de planche à voile avec des inconnus. (elle détestait la planche à voile.) Je dois me dépêcher Maman, le train arrive !

Énola fit un rapide baiser sur la joue de sa mère et courut sur le quai. Quand elle arriva, l’agent de train sifflait déjà le départ et elle dut s’engouffrer précipitamment dans la rame en bousculant quelqu’un dans son élan.

- Aïe ! Mince! Pardon! Excusez-m…

Son sang ne fit qu’un tour quand elle leva les yeux et vit la personne qu’elle avait bousculé : Léo James.

- Agatha ! Et ben je vois que tu es aussi habile avec des valises qu’avec les maths ! Lui lança t-il en riant.

Elle les détestait, lui et ses fabuleusement belles fossettes rieuses. Elle lui lança un regard noir et lui répondit sèchement.

- Qu'est ce que tu fais là? Tu n’as pas des théorèmes à démontrer Einstein ?
- Whaaa relax je disais ça pour rire ! Tu as besoin d’un coup de main avec ta valise ? Il lança un coup d’œil à son billet. Je suis au 12B et toi ?

Énola bouillait, quelqu’un lui en voulait quelque part c’était certain. Evidemment elle n’avait pas à regarder son billet, sa mère n’avait fait que lui répéter qu’elle était au siège 12A.
Elle souleva sa valise toute seule et s’assit avec mauvaise humeur côté fenêtre sans un mot ni un regard pour le jeune homme.

- Ok, tu prends la fenêtre, pas de soucis. Dit-il surpris en s’asseyant. Tu ne m’aimes pas beaucoup, n’est-ce pas Agatha ?

Énola avait recommencé à tenter de mettre sa carte SIM dans son téléphone et lui répondit entre ses dents :

- M’oui, c’est sans doute ça Léon.

Léo haussa les épaules et se plongea dans la lecture d’un livre. Énola y jeta un bref coup d’œil et constata qu’il s’agissait d’un livre de Jules Vernes. Elle n’était pas calé sur l’auteur mais Arcadia lui avait beaucoup parlé de ses récits d’aventures.
Au moment où elle commençait à désespérer, la carte SIM s’enclencha. Elle alluma le téléphone avec fébrilité et attendit quelques secondes avant qu’une multitude de sonneries ne résonnent dans le wagon.

- Zut, désolée ! Lança elle d’une petite voix en regardant tout autour d’elle.

Elle s’empressa de mettre le téléphone en silencieux et remarqua que Léo la regardait en ricanant.

- Que d’admirateurs ! Tu vivais dans une grotte avant de monter dans ce train ?

Énola piqua un fard, le beau et odieux Léo James lui parlait d'admirateurs fictifs. Elle marmonna un vague “désolée” et se concentra sur la lecture de ses nombreux messages.

Louise: Coucou, j’espère que tu vas bien, tu me manques tu sais. Ma mère m’a dit que tu allais finalement à Paris ! Trop fière de toi ! J’espère que le nain sera Bg ! Et tu sais quoi, je pars chez ma soeur cette semaine, si tu n’es pas trop occupée avec ta bande de geeks on pourrait se voir ! :)
Papa: J’ai hâte que tu arrives à la maison, j’ai une … surprise pour toi!
Lucas: Profite bien de ton We Bourdon!
Mysteria: Trop hâte de te voiiiir !!!
Arca: Hé coucou, je n’ai pas eu de nouvelles depuis un moment? Je n’ose pas t’harceler, j’espère que tu vas bien ? Plus qu’une semaine avant le grand jour !
Arca: J’ai craqué, j’ai essayé de t’appeler mais je tombe directement sur ton répondeur. :( J’espère que tu ne m’as pas bloqué, je n’ai pas eu l’occasion de me connecter sur Wow dernièrement. Donne-moi de tes nouvelles jolie elfe !
Arca: Bon… j’espère te voir la semaine prochaine. Il me tarde…

À la lecture de ses sms Énola passa par toutes les émotions possibles. Elle culpabilisait de ne pas avoir re-parlé à Louise, elle s’interrogeait sur la supposée surprise de son père, elle éprouva une bouffée d’affection pour Mysteria ainsi que pour son frère et enfin, quand elle arriva à ses sms à LUI son cœur rata un battement. Il était tellement gentil et charmant. Elle allait le voir dans deux jours ! La panique revint au triple galop. Avant de sombrer dans l’affolement, elle lui écrivit un sms:

Nola : Je suis vraiment dsl mon téléphone était hs j’ai bien cru que j’allais péter un câble ! Évidemment que je ne t’ai pas bloqué ! J’espère que tu vas bien et que tu viens toujours ! Je t’embrasse, ton elfe vraiment désolée.

Elle appuya sur ENVOYER et entreprit de répondre à ses autres messages. A côté d’elle, le téléphone de Léo vibra. Elle lui jeta un rapide coup d’œil lorsqu’il le pris pour lire son sms et elle le vit sourire de la manière la plus sexy, adorable, insupportable qui soit. Si ce sourire lui avait été destiné, il ne faisait aucun doute qu’elle serait tombée dans les pommes. Dommage que ce type était imbu de lui même et désagréable.
Elle revint à son propre téléphone et reçu une réponse d’Arcadia :

Arca: Tu peux pas savoir comme je suis heureux que tu m’ais écrit, j’étais vraiment inquiet ! Comment s’est passé le BAC ? Moi easy tu sais à quel point je suis un crack :p

Énola émit un petit rire qui interpella Léo.

- Tu sais rire ! Je suis content d’entendre que certains te font plus rire que moi ! Je devrais…

Il fut interrompu par un appel sur son téléphone.

- Alo? Hé salut Myst, tu as reçu mon message finalement ! Je suis dans le train là je suis parti aujourd’hui finalement parce que demain le billet était beaucoup plus cher.

Myst … c’est drôle comme prénom, pensa Énola en fronçant les sourcils tout en essayant de ne pas écouter la conversation de son dérangeant voisin.

- Sérieux? Je peux venir chez vous ce soir ? Le Patron est ok ? C’est top ! Merci Myst on se voit tout à l’heure ! Je dois raccrocher je suis dans la rame et je gêne tout le monde ! Bye à plus !

Énola le regarda, troublée, il était de nouveau concentré sur son téléphone et écrivait à quelqu’un. Myst ? Le Patron ? C’était trop gros pour que ce soit une coïncidence … La vibration de son téléphone la fit sursauter et la sorti de ses réflexions.

Arca: C’est fou ! Ce soir je vais dormir chez Mysteria et Heldadras à Versailles, elle vient de m’appeler pour me le proposer ! Il me tarde de les rencontrer!!! :D

La douche froide. Énola n’aurai pas pu mieux décrire le sentiment qui l’assaillait. Léo était Arcadia … ou plutôt Arcadia était Léo.
Elle resta figée pendant une bonne minute, jusqu’à ce que Léo se rende compte qu’elle le fixait.

- Euh, tout vas bien Agatha? tu te sens mal ? Lui demanda t-il légèrement surpris d’être ainsi dévisagé.
- Hmm non, ça va, enfin je crois. Excuse moi il faut que j’aille… ailleurs. Tu peux… Je peux passer? Balbutia Enola totalement paniquée en essayant de lui passer par dessus pour sortir du siège.
- Euh ok, une seconde! Tu sais, si tu voulais te jeter sur moi il suffisait de demander. Lança t-il narquois en se levant.

Enola ne prit même pas la peine de répondre. La seule chose qu’elle désirait était de sortir du wagon et d’aller le plus loin possible du jeune homme. Elle prit sa valise et se hâta de sortir en direction des toilettes. Elle s’y enferma à double tours. Tant pis pour les autres voyageurs, ils n’auraient qu’à utiliser les toilettes des autres rames. Elle disposa de l’essui-main sur la cuvette d’une propreté douteuse et s’asseya par-dessus.
Comment cela avait-il pu arriver? Quel était le pourcentage de chance pour que la personne dont elle était tombée sous le charme sur le jeu soit également la personne sur qui elle fantasmait depuis trois ans au lycée. C’était inconcevable. Arcadia était gentil, doux et amusant alors que Léo était un abruti fini doublé d’un prétentieux pathologique.
Elle prit son téléphone et appela la seule personne à qui elle pourrait raconter tout ça. Au bout de deux sonneries, la tonalité s’interrompit :

- Alo?
- C’est une catastrophe Louise, tu ne devineras jamais dans quelle mouise je suis !
- Enola ! lança la voix fluette de Louise au bout du fil. Tu as eu mon message? Je suis désolée pour la dernière fois je n’avais pas remarqué que tu n’allais pas bien tu sais ! Tu es déjà arrivée à Paris? Que se passe t-il ?

Enola lui raconta ce qu’elle venait de découvrir. Louise était scotchée et bien plus enthousiaste que son amie.

- Mais c’est un truc de fou Nono ! Le beau Léo qui hante tes rêves est ton charmant soupirant virtuel. C’est un truc de fou ! Vous allez tomber amoureux et faire plein de bébés nains/elfes, c’est trop romantique !
- Louise il est hors de question que j’aille à cette rencontre, il va se foutre de moi. Chaque fois que je l’ai vu il m’a humilié ! Il s’attend à trouver quelqu’un d’autre, pas la petite grosse nulle en maths qui regarde Bridget Jones ! Répondit Enola au bord des larmes.
- Bien sûr que si tu iras à cette rencontre ! Il faut que tu les vois, tu me parles tout le temps de ces gens ! Si tu veux je peux même venir avec toi, je suis dans le coin tu te souviens?

Une idée germa dans l’esprit d’Enola. Une idée folle, le genre qu’on a quand on est désespérée et assise sur les toilettes d’un TGV.

- Louise, tu peux me rendre un immense service? murmura t-elle
- Je connais cette voix, je le sens pas…
- Il faut que tu y ailles à ma place. Ou plutôt, que tu y ailles en te présentant comme Nola la chasseuse. Je dirai que je t’accompagne !

Enola avait parlé tellement vite qu’elle en était essoufflée.

- Il en est hors de question! C’est ridicule! Qu’est ce que ça changerait de toute façon, tu le verrais quand même ! Et puis il me connaît, je suis sortie avec son pote Jules l’année dernière. Je n’y connais rien à ton jeu et puis on a pas du tout la même voix ! Ils ne sont pas idiots, quand ils vont nous entendre toutes les deux ils verront bien que ça ne va pas ! Enola t’es une fille super et tu n’es pas le laideron que tu penses être ! s’emporta Louise.

- Je ne peux pas le voir, pas dans ces conditions… C’est Léo. Je sais qu’il va m’humilier devant toute la guilde et je les perdrais tous et ça tu sais que je m’en remettrais pas.

Elle était désespérée.

- Ecoute, vas chez ton père ce soir. Tu ne les vois que lundi, non? Ca nous laisse deux jours pour trouver une solution à ton problème qui pour moi n’en est vraiment pas un ! Si je peux venir chez ton père ce soir, envois moi un message et je rapplique ! Il vit toujours du côté de Montparnasse?
- Je crois. Soupira Enola.

Le haut parleur du train se mit à grésiller et une voix désincarnée annonça l’arrivée du train en gare du Nord.

- Ton train arrive, je te laisse je dois aller m’acheter quelques babioles avec ma soeur. On se voit ce soir ok?

Enola se représenta l’image de Louise avec ses “quelques babioles” qu’elle imaginait plutôt comme une multitude de sacs de diverses boutiques de luxe. Elle ne put s'empêcher d’esquisser un sourire.

- Ok, à ce soir. Bisous. Et Louise? Excuse moi pour la dernière fois, j’ai été nulle.
- Tu es toute pardonnée, bye !

Elle raccrocha, Enola attendit le dernier moment avant de sortir des toilettes pour ne pas avoir à croiser Léo. Quand la voie fut libre, elle descendit du train. Son père l’attendait avec une pancarte qu’il tenait à l’envers :“BOURDON”.


***


Bourdon et mante religieuse

Christian Alestra était un homme jovial et souriant. Il était plutôt bel homme, avec ses cheveux poivre et sel et ses yeux pétillants du même bleu que sa fille. Dans la cinquantaine, il semblait être au meilleur de sa forme et Enola fut tant heureuse de le voir qu’elle en oublia un moment ce qu’elle venait d’apprendre.
Pendant le trajet du retour, ils discutèrent du lycée, du Bac et des résultats à venir. Quand ils arrivèrent dans la cours d’un immeuble huppé qu’elle ne connaissait pas, elle lança un regard interrogateur à son père, celui-ci semblait agité et inquiet. Après un bref instant d’hésitation il se tourna vers Enola et lui annonça:

- Enola ma chérie, voilà, ça fait un petit moment que je souhaitais t’en parler mais l’occasion ne s’est jamais présentée… tu vois, enfin…il y a quelques temps....

Il hésita un instant en se tordant les mains, Enola l’encouragea.

- Je ne vous en ai pas parlé pour ne pas vous inquiéter ton frère et toi mais j’ai eu d’importants soucis financiers il y quelque mois et je me suis retrouvé comme qui dirait à la rue. A la même période, ta tante Sarah qui vivait à Boston a perdu son mari et elle a décidé de revenir en France pour se rapprocher de la famille. Sarah a beaucoup d’argent car son époux était haut placé et elle m’a proposé de vivre avec elle le temps que ma situation soit stabilisée.

Énola était bouche bée, son père avait failli finir à la rue et elle n’en avait rien su. Elle l’examina un instant et fut rassurée de voir qu’il avait l’air en bonne santé et véritablement heureux.

- Tu aurais du nous le dire Papa, on t’aurai aidé !

Elle remarqua le regard indigné de son père et enchaîna pour ne pas qu’il se fâche.

- Je suis heureuse d'enfin rencontrer tante Sarah.

Christian soupira et se remit à se tordre les mains.

- Tu es gentille, ce n’est pas vraiment tout. Sarah a une fille, Lucie. Elle a un an de plus que toi et fais ses études à la Sorbonne. Il se trouve qu’elle passe un peu de temps chez nous pour le début des vacances pour économiser et partir en Amérique latine. Elle est un peu particulière... Elle n’est pas souvent à l’appartement tu vois, mais il n’y a qu’une chambre...

Enola le coupa:

- Ce n’est pas grave Papa, ça ne me dérange pas de partager avec elle. C’est ma cousine je suis contente de la rencontrer. Et puis tu à l’air de dire qu’elle ne sera jamais là donc il n’y a pas de soucis.

Elle lui sourit. Au fond d’elle elle était un peu contrariée, quitte à ne pas aller à la rencontre, elle aurait profité de cette semaine pour passer du temps avec son père. Voilà qu’elle devait le partager avec une tante qu’elle n’avait jamais rencontré et une cousine globe trotteuse “un peu particulière”. Cette semaine de vacances ne pouvait pas plus mal commencer.
Pendant qu’ils déchargeaient sa valise, son esprit s’égara vers Léo, qui à cette heure-ci avait sans doute rencontré Mysteria et Heldadras. Elle l’imaginait rire avec eux. Elle ressenti un vive pincement au coeur en réalisant qu’elle ne les verrait surement jamais. Il était hors de question que Léo sache qui elle était. Elle repensa à sa conversation avec Louise et demanda à son père si celle-ci pouvait passer la nuit à l’appartement. Son père sembla surpris qu’elle invite une amie sitôt arrivé chez lui, mais il ne s’opposa pas. Il appréciait Louise et savait qu’elle comptait beaucoup pour sa fille.
Quand ils arrivèrent dans le charmant appartement parisien, Enola fut accueillie par une odeur de gâteau brûlé et par un juron marmonné. Son père l'entraîna dans la cuisine dans laquelle une femme d’âge mûre affublée d’un tablier à fleurs jaunes et des maniques du même motif tenait un plat à tarte rempli d’une pâte carbonisée.
C’était une petite femme aux cheveux aussi noirs que la tarte gisant dans le plat. Elle ressemblait énormément au père d’Enola mais avait les yeux d’un marron profond. Elle avait un peu de farine sur le nez et malgré sa gêne elle souriait.

- Oups ! Je crois que j’ai brûlé la tarte ! Dit elle en riant.

Elle posa le plat sur la table et donna une accolade chaleureuse à Enola.

- Je suis absolument ravie de te rencontrer Enola, ton père parle de toi tout le temps ! Christian tu ne m’avais pas dit que ma nièce était aussi jolie !

Enola était légèrement mal à l’aise de tout ce déballage d’attention à son égard, elle trouvait Sarah sympathique mais n’aimait pas beaucoup son étalage de compliments injustifiés. Elle sourit poliment et lança un coup d’oeil au champ de bataille qu’était la cuisine.

- Je suis une calamité en cuisine, c’est une malédiction ! J’aurai mieux fait d’écouter ton père et d’acheter un dessert dans la boulangerie au bout de la rue ! Dit Sarah qui avait surpris le regard d’Enola.
- Rassurez-vous je ne suis pas une grande pâtissière non plus contrairement à ma mère ! Je vous remercie pour la tarte, je suis certaine qu’elle aurait été délicieuse !
- Tu es gentille mais bon sang tutoie moi ! répondit Sarah en souriant. C’est vrai qu'Hélène a toujours été une cuisinière hors pair ! Je te laisse t’installer dans ta chambre, si tu as besoin de quoi que ce soit n’hésite surtout pas à demander. Tu es ici chez toi. Je vais aller chercher de quoi manger correctement pour ce soir. Vietnamien ça vous dit?
- C’est parfait Sarah, prends en une portion de plus, Enola a invité une amie à dîner ce soir. Lucie se joint elle à nous? demanda Christian l’air soucieux.

Sarah ne sembla pas étonnée qu’Enola ait invité une amie dès le premier soir passé chez son père, elle devait avoir l’habitude des allers et venus des amis de sa fille.

- Qui sait, tu connais ta nièce. Elle pense que cet appartement est une auberge ! Elle balaya l’air d’agacement.

Lucie choisit ce moment précis pour rentrer chez elle, elle était au téléphone et parlait avec un anglais parfait à son correspondant.
Énola n’en revenait pas, Lucie était grande, fine et musclée. La beauté de ses traits était incomparable; ses yeux verts en amande, sa frange coupée au millimètre près et son carré de cheveux noirs de jais encadrait un visage fin et harmonieux. Elle était parfaite et Énola senti sa confiance en elle dégringoler, cette fille aurait pu donner des complexes à n’importe quelles nenettes populaires de son lycée.
Quand elle remarqua la petite troupe dans la cuisine, elle raccrocha et leur lança un sourire éclatant. Comme sa mère, elle s’avança vers Énola et la serra dans ses bras.

- Tu dois être Énola ! Je suis teeellement contente de te rencontrer enfin ! S’écria t-elle chaleureusement. Je suis vraiment heureuse qu’on passe un peu de temps ensemble pendant les vacances !

Sa chaleur rassura Énola. Elle s’était attendu à quelqu’un de prétentieux et hautain quand elle l’avait vu rentrer dans l’appartement, l’iPhone dernier cri vissé à l’oreille et les dernières Balenziaga aux pieds.

- Je suis heureuse de te rencontrer aussi, j’espère que tu te plais à Paris, ce n’est pas vraiment Boston !

En disant ça, Énola remarqua que Lucie n’avait aucun accent quand elle parlait le français alors qu’elle avait vécu toute sa vie aux Etats Unis.

- J’aime Paris il y a mille choses à voir ! Viens, je vais te montrer notre chambre, laissons les vieilles personnes en cuisine ! Répondit Lucie en riant.

Énola lança un regard gêné à son père qui ne semblait pas plus vexé par la boutade. Il avait l’air un peu inquiet cependant et fronçait les sourcils. Elle songea que Lucie devait leur en faire voir de toutes les couleurs avec ce tempérament de feu. Elle finit par rire aussi en pensant que finalement, elle apprécierait sûrement la présence de Lucie et la suivit dans la chambre.

La chambre était spacieuse et lumineuse, deux lits jumeaux avaient été collé pour n’en faire qu’un. Au mur, on pouvait admirer de nombreux cadres représentants des destinations lointaines et paradisiaques. Enola contempla longuement un paysage nordique, les couleurs étaient magnifiques.

- Un de mes exs était routard, un photographe. Il a pensé judicieux de m’envoyer ses photos au lieu de m’emmener avec lui. Dit elle blasée.

Elle poursuivit :

- On peut séparer les lits si tu veux. D’habitude je ne dors pas beaucoup ici mais vu que tu es là autant passer du temps à faire connaissance ! Ton père m’a dit que tu avais passé ton BAC, dans quoi comptes tu te spécialiser l’année prochaine ?

Elle s’allongea sur le ventre sur l’un des lit, parfaitement à l’aise de faire la conversation à une personne qu’elle ne connaissait que depuis dix minutes.
Enola ne savait pas trop quoi faire d’elle, elle était réservée avec les personnes qu’elle ne connaissait pas. Après un moment d’hésitation, elle posa sa valise dans un coin et s'assit sur une chaise à côté du lit.

- Je n’aime pas trop les études, j’adore l’art et la littérature particulièrement les romances. Malheureusement, comme me le répète ma mère, ça ne constitue pas un métier en soit. Sauf si bien entendu tu t’appelles Levy, Todd ou Sparks et que tu écris des romans à succès. Je pense que je vais me trouver un travail tranquille sur la côte et voir après. Ma mère en est folle…
- Haha, je vois que nous ne sommes pas cousines pour rien. Je fais des études en langues étrangères à la Sorbonne mais honnêtement mon seul objectif est de repartir parcourir le monde ! Je déteste m'asseoir dans un amphi et écouter un cours !

Elles passèrent ainsi une bonne partie de l’après midi à faire connaissance. Enola était légèrement intimidée par sa cousine qui semblait avoir vécu tant de choses. Elle n’arrivait pas à comprendre pourquoi son père l’avait décrite “d’un peu particulière”. Pour Enola, Lucie était simplement la fille parfaite. Elle envoya un sms à Louise et celle-ci débarqua dans l’heure. Elle s’entendit tout de suite avec Lucie. Enola leur enviait leur capacité de se faire des connaissances aussi facilement. Après un long moment de bavardage entre filles, Louise s’exclama :

- C’est drôle que ce soit la première fois que vous vous voyez, vous vous exprimez de la même manière et vos voix se ressemblent beaucoup !

Son sourire s’effaça quand elle croisa le regard d’Enola.

- N’y pense même pas ! Dit elle en lui balançant un des coussins du lit.
- Je n’ai rien dis ! S’offusqua la jeune fille.
- Tu l’as pensé, je l’ai vu dans ton regard ! Tu n’y penses pas, c’est n’importe quoi, ça ne marchera pas. Vas à cette rencontre et montre lui qui tu es Bon sang !

Lucie les regardait sans comprendre:

- Je peux savoir ce qu’il se passe? demanda t-elle, un brin amusée.

Louise ne laissa pas le temps à Enola de répondre et lui raconta toute l’histoire. Lucie buvait ses paroles. Avant qu’elle ne puisse poser une question Enola la coupa :

- Je n’irai pas, il est hors de question que je me ridiculise en arrivant là bas. Quand il découvrira que sa chasseuse grande et sexy est la fille dodue qu’il appelle Agatha et dont il se moque éperdument, comment pensez-vous qu’il va réagir ? Je leur dirai que j’ai été malade et que je n’ai pas pu venir, je préfère que notre relation reste dans le cyber espace. C’est mieux comme ça.

Elle avait les larmes aux yeux. Que s’était-elle imaginée au juste? Un bref instant, elle avait envisagé que sa cousine irait à la rencontre à sa place. Avec son physique de rêve et sa personnalité débordante elle aurait fait une Nola parfaite. Louise s’installa près d’elle et lui pris la main.

- Je sais que tu vas le regretter, mets de côté Léo ou Arcadia. Je suis persuadée que ça te fend le coeur de ne pas voir les autres. Tu m’as toujours dis que tu rêvais de les rencontrer. Tu n’en auras peut être plus l’occasion tu sais. Lui dit elle doucement.

Enola éclata en sanglot, elle était perdue. Tout ça parce qu’elle n’était qu’une fille sans intérêt et lâche. Louise lui pressa la main mais ne su que dire de plus pour la réconforter.

- Et tu dis qu’il ne connait pas ton prénom? s’enquit Lucie, que les pleures de sa cousine ne semblait pas perturber. Elle fronçait les sourcils et regardait le plafond.
Ce fut Louise qui répondit:

- Et bien disons qu’au lycée, Enola ne se mélange pas beaucoup avec les autres et on nous appelle toujours par nos noms en classe. Dans un cours partagé avec Léo, une fois le prof l’a appelé Agatha pour rire. Il faisait référence à Agatha Christie parce qu’elle écrivait une histoire sur son cahier au lieu d’écouter le cours. Je crois qu’il a dut penser que c’était son prénom.
Enola rougit à ce souvenir honteux et se cacha la tête dans ses mains.

- Mais du coup, la seule chose qu’il connaît de Nola la chasseuse c’est sa voix et le fait qu’elle ait dix-sept ans, c’est ça? Poursuivit Lucie.
- Bon sang tu ne vas pas t’y mettre aussi, c’est la pire idée qui soit ! S’emporta Louise. Et puis même si lui ne connaît pas grand chose de la personne derrière le personnage de Nola, tu m’as dis que tu discutais beaucoup avec Mysteria, elle sait que tu vis sur la côte d’Opale et que tu t’appelles Enola. Ca ne marchera pas !

Enola avait arrêté de pleurer et regardait les deux jeunes femmes l’une après l’autre.

- Justement ! Imagine: je me fais passer pour Enola et elle vient sous le prénom d’Agatha comme ça elle verra ses amis ! Tu sais Enola je vois pas bien ce que tu te reproches, personnellement je te trouve canon mais si tu as besoin que j’envoie paître ce malotru à ta place je le ferai ! L’idée, c’est que je fasse comme si j’étais Nola l’elfe et je dirai que tu m’as accompagné parce que ma mère était inquiète que je vois des inconnus toute seule. Elle ricana à cette idée. Toi tu peux rencontrer tes amis et moi ben… Je serais ta couverture.

Lucie s’était mise debout sur le lit et tapait dans ses mains d’excitation. Sa tirade avait sortie Enola de sa torpeur.

- Pourquoi ferais-tu ça pour moi, on se connait à peine et tu as surement d’autres trucs bien plus intéressant à faire que de venir passer une semaine avec des geeks. Demanda t-elle la voix tremblante.
- Et bien on est cousine non? C’est ce que font les gens d’une même famille ! Et puis honnêtement ça pourrait être drôle ! J’adore faire la connaissance de nouvelles personnes !

Elle avait l’air réellement surexcitée par l’idée, cette fille était vraiment différente d’Enola que tout effrayait.

- Vous êtes toutes les deux complètement folles, je sens que ça va mal finir cette histoire… S'inquiéta Louise.
- Louise, je t’en prie, tu sais comme c’est important pour moi de les voir…

Louise leva les yeux au ciel et soupira.

- Ok c’est bon je vous aide, mais à la condition que je vienne aussi ! Capitula la blondinette.
- HIIIIIII tu es la meilleure ! Enola se jeta dans les bras de son amie et remercia vivement Lucie.

Elles rièrent et Lucie lança:

- J’ai une seule condition, il est hors de question qu’on fasse l’aller et retour tous les jours. Il faut qu’on dorme sur place avec les autres.
- Papa ne sera jamais d’accord. affirma Enola.
- Laisse moi le convaincre, je sais y faire et il n’y verra aucun inconvénient.
- Bon d’accord, il faut qu’on soit sûre de l’histoire qu’on va leur vendre, il ne faut rien laisser au hasard si on veut paraître crédibles. Léo nous connaît Enola et moi, donc il faut qu’on ait l’air surprise de le trouver là. Enola tu seras donc Agatha et tu parleras le moins possible. Toi Lucie tu deviendras Enola la cousine d’Agatha. Mysteria a parlé à ta mère donc elle sait qu’elle travaille à Hardelot, il faut donc que Lucie enfin… que la fausse Enola fasse aussi ses études du côté de Boulogne, une idée? Énonça à toute vitesse Louise qui s'était laissée gagner par l’excitation.

- Le lycée privé Saint-Joseph ? Proposa Enola.
- Hmm non, je crois qu’il y connait des gens. Il faudrait un lycée qui ne soit pas sur Boulogne. Je crois qu’il y a un lycée à Calais qui s’appelle Pierre de Coubertin, ça devrait faire l’affaire ! Il faut absolument que tu nous racontes tout ce que tu as pu leur confier sur ta vie Nono.

Elles passèrent à table. Le père d’Enola fut d’abord réticent à la proposition de Lucie, il n’avait pas l’air de lui faire beaucoup confiance. A force de persuasion (et à grand coup d’oeil de cocker) Christian fut d’accord pour qu’elles passent la semaine toutes les trois là bas, à condition qu’Enola l’appelle tous les soirs et qu’elle n’en parle pas à sa mère. Elle discutèrent toute la nuit du moindre détail concernant l’attitude à adopter et les tenues qu’il fallait choisir pour Lucie. Une fois toutes les lumières éteintes et les conversations tardives taries, Enola sorti son téléphone pour lire ses sms.
Elle ouvrit le premier message. Une photo s’afficha sur son téléphone, elle eut un coup au coeur: Sur la photo, Léo arborait son sourire à tomber à la renverse. Enola songea que dans un monde parfait dans lequel Arcadia n’aurait pas été Léo, cette photo l’aurait totalement rendu éperdument amoureuse de lui. A côté de lui se trouvait une femme aux cheveux blonds et courts, elle avait les petites rides d’expression au coin des yeux des gens qui passent leur temps à sourire. Elle tenait par l’épaule un homme brun légèrement dégarni sur le front et portant des lunettes: Mysteria et Heldadras.
La photo était accompagnée d’un petit message :

Arca: Bien arrivé chez les Patrons. Comme tu peux le voir, ils sont bien plus beaux que leurs personnages !

Enola regarda une nouvelle fois la photo et pensa qu’elle faisait le bon choix de monter cette histoire avec Lucie et Louise. Elle avait peur et se sentait légèrement coupable de devoir mentir ainsi, mais elle préférait ça à l’idée de devoir se ridiculiser devant Léo. Elle ferma le message et en ouvrit un autre d’Arcadia.

Arca: J’espère que tu es bien arrivée, c’est drôle Christelle m’a dit que ta mère tenait une pâtisserie à Hardelot, tu sais que je vis à Boulogne ? Dans quel lycée vas-tu ? On vit peut être à côté depuis tout ce temps sans le savoir !

Autre message:

Arca: Tout va bien ? Ton portable est de nouveau hs? Bises

La panique submergea Enola, elle ne s’attendait pas à ce que les hostilités commence aussi vite. Elle devait lui répondre sinon il allait penser que quelque chose n’allait pas. La vérité, c’est que rien n’allait.

Enola: Coucou, dsl je n’ai pas eu une minute depuis que je suis arrivée à Paris, chouette photo ! Tu es sérieux? Je vis à Calais, c’est vraiment tout à côté ! D’ailleurs ma cousine va au lycée à Boulogne peut être que vous vous connaissez !

Elle modifia cinq fois son message avant de l’envoyer pour qu’il ait l’air le plus naturel possible. Dans la foulée en envoya un sms à Mysteria.

Nola: Je vois que vous êtes en bonne compagnie ce soir ! Je suis bien arrivée sur Paris. Dis moi, est ce que ça dérange si ma cousine et son amie vienne avec moi au gîte ? Grâce à mes deux chaperons j’ai la permission de rester dormir avec vous !

La réponse de Mysteria ne se fit pas attendre:

Mysteria : Pas de soucis ma belle, plus on est de fous plus on rit, il y a de la place. Quelle joie de t’avoir avec nous toute la semaine ! Arcadia ne fait que poser des questions sur toi, c’est embarrassant haha ! Surtout que comme lui nous ne connaissons pas la jeune fille derrière la jolie elfe !

Arca: N’écoute pas ce que t’écrit Mysteria elle est saoule ! J’en reviens pas qu’on vive aussi près l’un de l’autre ! Comment s’appelle ta cousine ? Il parait que tu passes toute la semaine avec nous ! On a tous très hâte de te voir !

Malgré son malaise, Enola sourit en lisant ses messages. Elle répondit à Arcadia avant d’éteindre son téléphone:

Enola: Tu verras lundi, mais effectivement elles te connaissent :) Je vais dormir, je vous souhaite à tous une très bonne nuit ! Bises.

Elle relu son message et il lui parut tout à fait approprié. Il était important qu’elle mette de la distance avec Arcadia. Elle espérait qu’il stressait un peu du fait de savoir que sa cousine et son amie le connaissait mais elle ne se faisait pas trop d’illusions, Léo James ne s'inquiétait surement pas de savoir s’il était bien perçu par les autres. Elle mit son téléphone en mode avion et sombra dans un sommeil troublé.

***


Dimanche 28 juin

La mission Nola

Le dimanche passa en un battement de cils. Les filles passèrent leur journée à peaufiner les détails de ce qu’elles appelaient “La mission Nola”. Il fut convenu que Lucie ne se maquillerai pas pour paraître plus jeune, et qu’elle porterai les vêtements d’Enola. Louise avait pris le téléphone d’Enola et l’avait laissé en mode avion tout le dimanche. Elle était persuadée que cela destabiliserait la jeune fille si Arcadia la harcelait de sms. Le soir venu, elles s’affairaient à préparer leur vêtements pour la semaine.

- Très bien, il me semble qu’on est prête ! Affirma Lucie pleine d'enthousiasme.
- Il semblerait oui… Murmura Enola.

Leur idée ne lui paraissait plus du tout aussi géniale maintenant que la rencontre avait lieu le lendemain.
Louise finissait sa valise, elle leva la tête et vit le visage blême de son amie.

- Lucie, souviens toi, quand quelqu’un parle du jeu essaie de changer de sujet. Enola ne parle pas trop, je comblerai pour nous deux.
- Ça ne changera pas beaucoup de d’habitude, maugréa Enola que la panique était en train de gagner. Lucie… je te suis vraiment reconnaissante de faire tout ça pour moi… Est ce que…
- Je t’en prie, la coupa Lucie, on a déjà parlé de ça, ça me fait plaisir. Et quoi de mieux que de faire connaissance avec sa cousine que de faire des manigances avec elle !
- Merci, souffla Enola, et pour Léo…
- Je ne ferai rien pour l’encourager, mais il faut que tu sois conscientes que s’il croit que je suis toi et qu’il est aussi accro à toi que le dit Louise, il va vouloir qu’on discute et je ne peux pas l’envoyer paître devant tout le monde. Dit Lucie en époussetant son jean de manière désinvolte.
- Accro à Nola, pas à moi, et j’en suis bien consciente oui. Je voulais juste dire… enfin tu comprends.
- Ne t'inquiète pas, je ferais tout pour que vous restiez bon ami sur le jeu. Tenta de la rassurer sa cousine.
- De toute façon ce n’est plus le moment de revenir en arrière ! Nous avons rendez-vous demain à dix heure à la gare de Versailles-Chantier c’est bien ça ? On ferait mieux de se coucher et Enola, interdiction d’allumer ton téléphone, tu risquerais de tout foutre en l’air avec un sms maladroit !

Enola bougonna mais n’alluma pas son téléphone. Elle se mit en boule sous sa couette et essaya de toutes ses forces de ne pas sombrer dans la panique. Elle dormit d’un sommeil agité jusqu'à ce que la sonnerie du réveil que Louise avait programmé lui transperça les tympans.

***




Chapitre 7 et 8
Chapitre 8 (suite)
Chapitre 9 et 10
Chapitre 11 et 12
Dernière modification par Pimfresh le mar. 19 mai, 2020 12:27 am, modifié 2 fois.
Zayana

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 6 [young adult/Romance]

Message par Zayana »

cc, est ce que tu sais quand est-ce que tu mettras la suite, si oui pourrais-je être prévenue ??
Asco20

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 6 [young adult/Romance]

Message par Asco20 »

C'est hyper bien ! J'ai vraiment hate desavoir ce qui va se passer par la suite ! :)
laetitiavolpi

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 6 [young adult/Romance]

Message par laetitiavolpi »

Honte à moi, je n'ai pas eu le temps de te laisser un commentaire pour les chapitres 3 et 4 !

Encore une fois j'aime beaucoup. Ton récit se densifie, tu introduit de nouveaux personnages, ça devient très captivant !
Pour les chapitres 3 et 4, j'aime beaucoup le fait que tout ne soit pas parfait dans la vie de Nola (le téléphone hs, les petites bourdes etc) mais qu'elle soit capable de se remettre en cause et de s'excuser quand elle fait quelque chose de travers. Il n'y a rien que je déteste plus que les héroïnes nunuches qui se font passer pour des victimes, mais Nola est vraie, sensible, solide et super courageuse à sa manière (même si elle ne s'en rend pas compte). Je crois que l'important n'est pas vraiment d'être objectivement belle mais de se trouver belle, elle aurait toutes les raisons de prendre confiance en elle !

Bon, la partie Arcadia = Léo je le voyais venir gros comme une maison et, à vrai dire, je l'espérais hihi ! Je croise les doigts pour qu'il ne soit pas un sombre crétin prétentieux comme à l'air de le croire Nola mais juste un ado un peu maladroit. La partie Arcadia a l'air de montrer qu'il est capable de subtilité... Peut-être qu'il ne sait pas comment parler à Enola, qu'il est juste très maladroit ou englué dans ses préjugés ? J'ai hâte de voir la confrontation entre les deux personnages, parce que si une chose est sûre c'est que leur plan ne va pas se dérouler comme prévu (quelle idée aussi :lol: ) !
Je suis sceptique concernant Lucie, je crains qu'elle ne soit pas honnête à 100%. Il y a baleine sous gravillon. Je compte sur toi pour nous réserver de jolies surprises à ce sujet ;)

J'ai hâte d'être vendredi pour lire la suite ! :D
Des bisous
AstraD

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 6 [young adult/Romance]

Message par AstraD »

Super !! Vivement vendredi ! Au fait quand t'auras le temps je te conseille de faire un sommaire c'est plus rapide pour accéder au chapitres qu'on veut ;) !
Tifennjh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 6 [young adult/Romance]

Message par Tifennjh »

Ah, j'ai trop hâte de lire la suite !! C'est tellement génial ^^
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 6 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Chapitre 1 et 2
Chapitre 3 et 4
Chapitre 5 et 6

Lundi 29 juin

Chantier à dix-heure

Lucie marmonna quelque chose à propos de sa mère et du fait qu’elle n’avait pas envie d’aller à l’école tandis que Louise se redressa de son lit comme s’il était devenu brûlant.

- Debout là dedans, c’est le grand jour !

Elle s’activa à travers la chambre pour se préparer et remua ses deux amies encore sous les couvertures.
Lucie se leva en maugréant et alla directement se préparer à devenir Enola dans la salle de bain adjacente.

- Tu avais raison Louise, c’était la pire des idées. Je ne peux pas y aller. Lança la petite voix d’Enola étouffée par les couverture.
- Lève toi, trop tard pour regretter maintenant.

Louise s’assit sur le lit près de son amie.

- Nono, ça va bien se passer je te le promet et plus tard quand on en reparlera on en rira toutes ensemble.
- Contente de voir que ma vie est un sujet risible. Grogna Enola toujours enfouie sous la couette.

Louise leva les yeux au ciel et continua de se préparer.

- Lève toi, ou nous y allons sans toi.

Enola prit une grande inspiration et retira le drap. Elle se redressa et Lucie sortit de la salle de bain au même moment.
La jeune fille resta bouche bée: Lucie était magnifique. Elle portait une robe pull légère de couleur beige qui appartenait à Enola qui lui remontait subtilement sur le haut des cuisses et une paire de converses noires. C’était une tenue que portait souvent la jeune fille bien que celle-ci y ajoutait un collant et que la robe lui tombait mi-cuisse. L’ensemble donnait sur Lucie un côté candide et sexy à la fois. Enola la dévisagea avec envie et lança avec amertume:

- Et ben, voilà une Enola bien mieux que l’original. Léo ne va pas être déçu.
- Arrête tes bêtises, cette robe te va très bien à toi aussi, elle met tes formes en valeur. Lui répondit sèchement Louise en lui balançant un oreiller. Bon sang Enola, lève toi maintenant !

Enola se leva enfin, la panique qui la submergeait lui donnait la nausée. Elle alla s’enfermer dans la salle de bain et se regarda un long moment dans le miroir en soupirant.

- C’est parti...

Elle brossa ses cheveux bruns roux qui re-tombèrent en boucles soyeuses sur ses épaules. Elle piqua du blush , du liner et du mascara dans la trousse de maquillage de Louise. Sa tâche terminée, elle se regarda de nouveau dans le miroir et se trouva étonnamment jolie maquillée et coiffée de la sorte. Son regard s’égara un instant sur son corps à moitié nu et plantureux. Sa gorge se serra. Elle enfila une paire de collant noirs opaques et une petite robe noire qui lui arrivait mi-cuisse. Elle compléta la tenue avec une veste en jean qu’elle affectionnait tout particulièrement et une paire de Doc Martens appartenant à Lucie. Elle jeta un dernier coup d’oeil dans le miroir, se disant que sa tenue ferait l’affaire et sortit de la salle de bain.

- T’es canon ! Tu vas me voler la vedette! Enfin, TE voler la vedette, enfin, whaou ! S’extasia Lucie en tapant dans ses mains.
- J’avoue que tu es pas mal, ajouta Louise en fronçant les sourcils, Je pensais que le but de tout ça c’était qu’on ne te remarque pas, on avait convenu d'un simple jean pull non?

Enola sentit le rouge lui monter aux joues, elle trouvait son amie injuste mais se sentit soudain ridicule. Louise avait l'habitude d'avoir toute l'attention sur elle et elle adorait ça, elle le prouvait d'ailleurs encore aujourd’hui avec sa tenue: Elle portait une blouse en mousseline blanche sur une une petite jupe jaune pissenlit vaporeuse. Ses fines jambes étaient mises en valeur par des escarpins à talons vertigineux qui complétaient la tenue avec goût.
Enola se garda de lui faire la moindre remarque mais elle songea que sa tenue n’était pas vraiment appropriée pour une rencontre de guilde.

- Je ne sais pas, je voulais marquer le coup pour me donner du courage. Mais si tu trouves que c’est trop je vais enfiler un jean. Répondit Enola dont la confiance tout récemment acquise devant le miroir s’écroulait comme un château de cartes.
- N’importe quoi, tu es PAR-FAITE. Ils ne vont plus savoir ou regarder avec trois bombes comme nous ! Affirma Lucie dont l’enthousiasme était contagieux.

Louise haussa les épaules et réajusta son top. La voix de Christian se fit entendre à l’autre bout de l’appartement:

- Il est l’heure d’y aller les filles !

Le père d’Enola devait les déposer à la gare de Montparnasse pour qu’elles prennent le train direction Versailles. Elles échangèrent un regard anxieux et Lucie éclata de rire:

- Aller les filles ! On va s’amuser, haut les cœurs !

***



Quand elles sortirent du train, Enola avait une mine déconfite. Elle n’avait pas parlé de tout le trajet malgré les encouragements de ses amies. La jeune fille se figea avant de sortir des tourniquets. Était-ce vraiment une bonne idée ? Elle inspira profondément et s'avança vers la barrière.
Il était dix heure moins le quart sur la grande horloge de la gare, leur point de rendez-vous se trouvait sur le parvis. Quand elle vit le petit attroupement déjà présent, son estomac failli rendre tout son contenu.
Comme prévu, Lucie, devenue Enola, s’avança vers eux tout sourire tandis que les deux autres restèrent légèrement en retrait. Quand la petite troupe les remarqua, tous les regards se braquèrent sur la jolie brune. A l’écart, Enola pu constater
avec amertume qu’elle faisait son petit effet sur la gente masculine. Elle ne pu s’empêcher de ressentir une pointe de jalousie envers sa cousine si parfaite.
Au milieu du groupe, se tenait la femme blonde et l’homme à lunettes de la photo qu’Arcadia lui avait envoyé: Mysteria et Heldadras, ou plutôt Christelle et Laurent. Le jeune homme se trouvait à leur côté et fixait Lucie avec un regard fasciné. Cela blessa profondément Enola, elle était certaine que son arrivée n’aurait pas provoqué le même effet. Lucie avait reconnu le couple de quadragénaires et elle les enlaça l’un après l’autre feignant de les connaître depuis toujours. Elle fit de même avec Arcadia ou plutôt Léo, non sans rougir. Elle était bonne comédienne et cela ne fit que renforcer la culpabilité d’Enola. Elle aurait voulu les serrer dans ses bras, leur dire à quel point ils comptaient pour elle mais elle devait se contenter de regarder la belle Lucie réciter à la perfection le texte qu’elles avaient mis au point. Celle-ci se tourna vers Enola et Louise et les présenta à leur tour :

- Voici Agatha, ma cousine et son amie Louise. Je crois que tu les connais Arca? Dit-elle en prenant sa cousine par les épaules.

Léo eu un léger mouvement de recul quand ses yeux rencontrèrent ceux d’Enola. Il se reprit et lança:

- Alors ça c’est une surprise ! S’exclama t-il. Si j’avais imaginé ça ! Louise et … Agatha de Mariette.

Sa voix s’était légèrement durcie quand il prononça le faux prénom d’Enola et la jeune fille ne sut plus où se mettre. Elle leva les yeux vers Christelle qui était en train de la dévisager les sourcils froncés. Léo faisait la bise à Louise en lui demandant comment s’était passé ses examens et Lucie faisait le tours des autres membres de la guilde présents. Quand Léo vint vers elle pour la saluer, elle ne put s'empêcher de baisser les yeux. Il sourit et se pencha à son oreille :

- Décidément tu ne peux pas te passer de moi. Murmura t-il.

La jeune fille retint son souffle, elle était submergée d’un tas d’émotions contradictoires. Elle essaya de bafouiller quelque chose mais il poursuivit:

- Je suis vraiment heureux de rencontrer enfin ta cousine, elle était déjà formidable sur le jeu mais là je la trouve parfaite.

Sa remarque la frappa comme un uppercut donné à pleine vitesse. Enola mit un court instant à reprendre ses esprits et lui lança, agacée :

- Ouais, elle est jolie. Tache d’être un peu moins imbu de ta personne quand tu seras avec elle. Elle n’aime pas beaucoup les mecs prétentieux.

Il l’a regarda, étonné par sa remarque.

- Tu sais Agatha, pour quelqu’un qui n’aime pas qu’on la juge, tu es bien prompt à cataloguer les autres. Tu ne me connais pas alors évite de lui dire du mal de moi tu veux?

Il s’éloigna en secouant la tête pour aller rejoindre Lucie, laissant Enola à son désarroi. Louise s’approcha d’elle et murmura avec un léger sourire :

- Il semblerait que ça se passe bien. Je suis surprise, je m’attendais à une bande de pré-pubères boutonneux.

Elle balaya la petite assemblée du regard et sourit d’un air satisfait.

- La semaine pourrait finalement être intéressante pour moi aussi. Continua t-elle en se frottant les mains.

Enola ne répondit pas, elle avait le cœur dans les chaussettes et les chaussettes perdues quelque part au fond de sa valise. Elle observait Lucie faire son numéro et s’attirer toute l’attention de ses amis. Elle savait que l’idée venait d’elle et qu’elle devait être reconnaissante envers Lucie mais la situation était plus difficile à gérer qu’elle ne l’avait pensé.
Seule Christelle restait à l’écart. De temps en temps, elle lançait des regards intrigués vers Enola. Elle fit d’ailleurs un pas vers elle pour venir discuter et Enola se crispa, Mysteria était probablement la personne qui pourrait le plus facilement la démasquer, il ne fallait surtout pas qu’elles passent trop de temps ensemble. Elle chercha Louise des yeux pour qu’elle fasse diversion mais celle-ci était occupée à parler avec un type barbu d’une trentaine d’années qui se présenta comme Tiboy, un démoniste humain de niveau 70.
Christelle l’avait rejoint quand un jeune homme d’une vingtaine d’année arriva tout essoufflé. Il était grand et musclé, ses cheveux blond était mi-longs et ondulés comme ceux d’un surfeur californien. Il portait une chemise du même orange que les chaussures de Louise et un short bariolé. A ses pieds, Enola fut amusée de le voir porter des tongs. Elle savait déjà qui il était à sa dégaine et en eu la confirmation quand il fit la révérence devant elles:

- Mesdames, Frosti... ou Arthur pour vous servir.

Mysteria éclata d’un rire cristallin et fit la révérence à son tour:

- Mysteria ou Christelle, enchantée Monsieur.

Il lui fit une accolade chaleureuse et se tourna vers Enola qui souriait bêtement. Il était exactement comme elle l’avait imaginé, haut en couleur !

- Et toi tu dois être notre jolie Nola la chasseuse ! Lui dit-il en la serrant affectueusement dans ses bras.

- hmm...je … bafouilla Enola en rougissant.
- Non, Nola, ou plutôt Enola, est là bas avec Arcadia. Je te présente Agatha, sa cousine.

Christelle avait prononcé son faux prénom avec raideur mais Frosti ne sembla pas le remarquer. Il lâcha brusquement Enola en regardant derrière elle. Lui aussi semblait charmé par le physique de Lucie.

- Wouahou, je ne l’imaginais pas comme ça ! S’écria Frosti. Je pensais bien qu’elle devait être une jolie fille mais là… Ce bon vieux Arcadia est un p'tit chanceux !
- Effectivement, je ne l’imaginais pas comme ça non plus. Répondit Christelle en fixant Enola.
- Et oui… ma cousine fait souvent cet effet là quand elle arrive quelque part. Marmonna Enola avec jalousie en fixant le sol.

Frosti alla voir les autres, le groupe était tellement enthousiaste que leurs éclats de voix faisaient se retourner les passants. Enola rejoignit Louise pour éviter de discuter avec Christelle. Avec un dernier regard suspicieux pour la jeune fille, celle-ci était retournée près des autres et semblait parler d’un bus qui devait passer les prendre.
Quand le bus arriva, les quatorze compagnons qui participaient à la rencontre s’étaient tous présentés les uns aux autres. Les rires et les conversations allaient de bon train et Lucie semblait comme un poisson dans l’eau dans son rôle parmi tous ses gens avec qui elle ne partageait pourtant pas le loisir. Même Louise semblait s’être liée d’amitié avec le trentenaire barbu. Enola savait que son amie avait un sérieux penchant pour les hommes mûrs, elle ne s’étonnait pas de la voir ainsi discuter avec Tiboy le démoniste.
Enola se sentait à l’écart. Elle aurait voulu se mélanger au groupe mais elles avaient convenu qu’elle devait rester le plus discrète possible. Elle avait imaginé que la situation allait être difficile pour elle mais elle n’avait pas pensé se sentir si isolée parmi des gens qu'elle considérait comme ses meilleurs amis.
Il montèrent dans le bus et elle se retrouva assise derrière Léo et Lucie. Elle aperçu Christelle qui semblait hésiter à venir s'asseoir près d'elle mais celle-ci se ravisa pour s’asseoir à côté de son époux à l'avant du véhicule. Frosti monta à son tour et se dirigea vers Enola tout sourire :

- La place est libre? Agatha c’est bien ça? Demanda t-il d’un ton enjoué.

Léo se retourna et lança un coup d’oeil à Enola, son regard se porta ensuite sur Frosti et il lui lança en riant:

- Fais attention mon pote, Agatha est très gentille mais un peu maladroite !

Lucie lui donna un coup de coude et Enola senti à nouveau son cœur se ratatiner.

- Oh je prends le risque, et puis je suis le guerrier du groupe, c’est moi qui encaisse les coups souviens toi. Répondit Frosti en riant.

Lucie gloussa et Enola lui lança un regard noir. Elle allait avoir du mal à supporter la comédie de sa cousine toute la semaine. N'avaient elles pas convenu qu’elle devait tenir Léo un peu à l’écart et ne pas l’encourager?
Heureusement pour elle, Frosti, ou Arthur, se trouva être un compagnon de voyage très distrayant et Enola eu moins de mal qu’elle ne le pensait à lui faire la conversation. Elle évitait soigneusement de faire référence au jeu pour ne pas éveiller les soupçons mais se sentait en confiance avec lui, il lui faisait penser à son frère Lucas. Les regards qu’il lançait à sa cousine n’échappèrent pas à la jeune fille et elle ne pu s’empêcher de penser que ces deux là formeraient un très beau couple.
Ses yeux se posèrent sur le profil de Léo à travers les sièges. Lui aussi avait l’air absorbé par le charme de Lucie, comment aurait-il pu en être autrement? Cette fille dégageait quelque chose d’hypnotisant.
Enola profita de cette proximité pour le détailler du regard. Ses cheveux bruns en bataille et sa barbe naissante qui courrait sur l’arrête de sa mâchoire lui donnait des airs de voyou qu’adoucissaient des yeux noisettes doux et rieurs. Il était vraiment très beau. Alarmé par un sixième sens, Léo se retourna et ses yeux rencontrèrent ceux d’Enola. Il lui lança un sourire sincère, il semblait heureux et beaucoup moins arrogant entouré de tous ces gens. Elle lui rendit timidement son sourire et il parut surpris. Décontenancé, il se concentra sur Lucie qui racontait avec enthousiasme la fois où elle, enfin où Enola, avait dut manger des insectes pour un pari. Enola ne se reconnaissait pas du tout dans cette histoire, mais le public de sa cousine ne semblait pas douter du miel qui se déversait de sa bouche.

***



Le gîte dans la forêt

Il arrivèrent au gîte après une bonne demie-heure de route. Il s’agissait d’un grand corps de ferme rénové avec une immense salle commune et quelques dizaine de chambres. Enola songea que Christelle et Laurent avait du dépenser une fortune pour louer cet endroit mais elle fut rassurée en entendant que cette bâtisse appartenait à un vieil oncle de Christelle. Tout le monde s’installa avec une franche camaraderie et ils passèrent l’après midi à se promener dans le domaine qui se révéla être immense et magnifique.

Le soir venu, Enola s’était isolée dans la cuisine prétextant qu’elle voulait mettre la main à la pâte pour le repas. Mysteria l’avait accompagné en râlant que les bonnes femmes finissaient encore en cuisine pendant que ces messieurs se prélassaient dans les canapés. Léo se proposa de venir aider mais, au grand soulagement d’Enola, quand il vit Lucie en grande conversation avec Frosti il resta vissé à son fauteuil.
Dans la cuisine, Christelle lança d’un ton détaché:

- Ta cousine fait fureur avec les garçons. Je crois qu’ils sont tous tombés sous son charme.
- Oui, c’est souvent l’effet qu’elle fait sur la gente masculine. Grommela Enola un brin agacé.
- C’est drôle, je l’avais imaginé différente, plus calme et moins bavarde. Elle est sympa c’est sûr mais je ne lui avais jamais deviné cette assurance.

Enola s’agita nerveusement et fit mine de se concentrer sur le champignon qu’elle était en train d’émincer. Christelle poursuivit:

- Tu sais je l’aime beaucoup, je la considère un peu comme ma fille virtuelle. C’est drôle hein? Je ne la connais pas vraiment et pourtant j’ai un lien très fort avec elle. Enfin assez parlé de ta cousine, c’est vrai que tu ne joues pas sur le jeu mais j’ai l’impression que tu es un peu à l’écart de tout le monde. Comment trouves-tu l’endroit? La chambre te convient? Tiens, peux-tu me passer la salière Enora ?

Instinctivement, la jeune fille attrapa la salière et la tendit à Christelle avec agacement, elle avait horreur qu'on écorche son prénom:

- C’est Enola en fait.

Elle s’arrêta net. Horrifiée par sa stupidité, elle tenta de se rattraper :

- Enfin je veux dire…

Elle leva les yeux vers Christelle qui la regardait avec une expression victorieuse.
C'est malin, son secret n'avait même pas tenu plus de 3h.

- Je le savais ! Je savais que c’était toi, ce n’était pas possible autrement ! Je te connais suffisamment pour savoir que cette fille n’était pas notre petite Nola ! Zut Enola, c’est quoi cette histoire ! s’emballa Christelle.

- Je… pas si fort Myst je t’en supplie ! Je n’avais pas le choix. Léo me connait là-bas à l’école et il ne m’aime pas beaucoup… Enfin tu sais à quel point c’est compliqué pour moi… je n’ai simplement pas eu le courage de dire que c’était moi Nola. Je suis désolée, je ne voulais pas vous mentir et surtout pas à toi. S’il te plait Myst.. Elle leva ses yeux larmoyants vers Christelle et celle-ci la prit dans ses bras.
- Petite sotte, comment as-tu pensé que je n’allais pas te reconnaître. Tu n’imagines pas comme Laurent et moi attendions ce moment, tu comptes énormément pour nous.
- Je suis désolée… Sanglota Enola sur l’épaule de son amie. Je ne voulais pas, je t’assure.

Elle reprit ses esprits, réconfortée par l’étreinte de Christelle et poursuivit avec un petit sourire gêné :

- Je savais que ça allait être difficile avec toi mais je ne pensais pas que tu me démasquerais aussi rapidement.
- J’ai hésité au début, puis j’ai vu comme tu regardais Arca. Tu sais Enola, c’est un bon garçon, vraiment, tu ne devrais pas lui mentir ainsi.
- Il n’est pas si sympa que ça avec Agatha crois moi, et puis tu vois comme il est vite tombé sous le charme de ma cousine. Il aurait été bien déçu de m’avoir moi à la place.

Elle avait dit ça en accélérant la cadence sur son couteau de cuisine, Christelle lui prit des mains et le posa sur le comptoir. Elle regarda Enola dans les yeux et la serra de nouveau dans ses bras.

- Tu n’imagines même pas à quel point tu es jolie, tu es exactement comme nous l’imaginions et je t’assure qu’Arca n’aurait pas été surpris un seul instant si il avait su que tu étais la vraie Nola. Les deux nuits qu’il a passé à la maison, il n’a fait que parler de toi et je t’assure qu’il est vraiment tombé sous ton charme.
- Il est tombé sous le charme d’une personne virtuelle, dans la vraie vie les garçons comme Léo tombent sous le charme des filles comme Lucie ou Louise. Lâcha Enola en soupirant.

Léo débarqua à ce moment dans la cuisine.

- Tout va bien les filles? J’ai entendu dire qu’il vous manquait un cuisinier hors pair ! Plaisanta t-il.

Il s’arrêta net en voyant les deux femmes si proches l’une de l’autre mais Christelle enchaîna :

- Mais quel baratineur ! Tiens attrape donc un tablier et fais bouillir de l’eau. Agatha était justement en train de me dire à quel point tu étais insupportable au lycée, lança t-elle en riant.

Léo resta interdit, il semblait contrarié.

- Sérieux ? Tu me trouves si insupportable que ça Agatha?

Enola rougit mais la présence de Christelle lui donnait du courage. Elle lui répondit en souriant:

- Je n’ai pas dis insupportable, le mot est un peu fort, il me semble que le terme employé était plutôt irritant.

Il la regarda dans les yeux et quand il se rendit compte qu’elle se moquait de lui il lui rendit son sourire.

- Tu es aussi irritante que moi tu sais ! Il prit le tablier et le noua autour de ses hanches fines et musclées. Tu pourrais aussi raconter à Myst la manière dont tu m’as planté un jour en cours de littérature dans lequel j’ai dut écrire une histoire sans queue ni tête, pour finalement la lire à haute voix seul, abandonné de ma partenaire, devant tout le monde. Moi au moins je t’ai porté secours quand l’Homme Grenouille te martyrisait avec ses maths.
Il tourna le dos pour s’occuper de mettre la casserole sur le feu et Christelle lança un torchon à Enola pour attirer son attention. Celle-ci fixait le dos du jeune homme, étonnée qu’il se souvienne de leur cours en commun. Elle se prit le torchon dans l’oeil et laissa tomber sur son pied l’énorme planche à découper en bois qu’elle tenait dans la main. Elle s’était déchaussée dès qu’ils s’étaient installés dans leurs chambres et avait enfilé une paire de chaussettes anti-dérapante jaune canari qui n’amortirent pas du tout le coup.

- Zut, Aïe !

Léo se retourna brusquement, renversant la moitié de l’eau de la casserole par terre et Christelle explosa de rire.

- Merde Agatha ! Quand je dis que tu es maladroite ! Ça va ? Assieds-toi, il faut mettre de la glace avant que ça n'enfle.

Il l’a fit s’asseoir sur un tabouret de bar et alla fouiller dans le congélateur afin de trouver de quoi mettre du froid sur son pied. Christelle se racla la gorge et s’appuya sur le comptoir en lançant un sourire satisfait à Enola. Celle-ci lui répondit par un froncement de sourcils éloquent et une moue réprobatrice. Le jeune homme, débusqua un vieux paquet de petit pois surgelés avec un petit cri de victoire. Il retourna près d’Enola et s'accroupit devant elle.
La jeune fille s'était figée, elle ne savait pas quoi dire ou faire. Elle se contenta de le regarder enlever sa chaussette et lui poser délicatement les petits poids emballés dans un torchon sur le haut du pied. Il était concentré sur sa tâche et ne sembla pas remarquer le trouble de la jeune fille. Enfin, il leva les yeux vers elle et lui fit son sourire à fossettes. Le cœur d’Enola, qui avait été malmené toute la journée, remonta dans sa gorge. Elle déglutit et essaya de formuler une phrase:

- Je … merci, je pense que vais pouvoir éviter l’amputation.
- Je t’en prie, des années d’expérience de coups avec le football. Répondit-il toujours en lui maintenant le pieds et en la regardant dans les yeux.

Ils furent interrompus par Lucie qui entra dans la cuisine, suivi de près par Frosti.
Quand Léo la vit, il lâcha immédiatement le pied d’Enola et se releva brusquement. Il fronça les sourcils en regardant Arthur mais se garda de dire quoi que ce soit. Le jeune homme blond ne remarqua pas son regard et lança à la cantonade:

- Et bien alors, le repas n’avance pas beaucoup par ici ! On meurt littéralement de faim à côté !
- Nous avons eu un petit accident de parcours, s’excusa Christelle en riant et en montrant Enola. Agatha a voulu démontrer la loi de Newton et son pied a subi quelques dommages collatéraux ! Heureusement, Arcadia notre soigneur expérimenté dans le jeu comme dans la vraie vie a su lui prodiguer les premiers soins élémentaires.

La plaisanterie de Christelle détendit l’atmosphère, Enola échangea un regard avec sa cousine mais celle-ci ne souriait pas, elle avait même l’air agacé. Ils finirent de préparer le repas ensemble et furent accueillis comme des héros quand ils passèrent tous à table. En fin de soirée, ils se regroupèrent sur la terrasse pour profiter des derniers instants de la journée en refaisant le monde.
Enola appréciait chacune des personnes présentes. Bien entendu il y en avait avec qui elle n’était pas particulièrement proche mais elle aimait faire partie d’un groupe. Sa bonne humeur n’était entamée que par son agacement envers sa cousine qui ne faisait qu’augmenter d'heure en heure. Celle-ci passait son temps à bavasser et à raconter des histoires plus folles les unes que les autres pour attirer l’attention sur elle. Les hommes du groupe étaient pendus à ses lèvres et Christelle échangeait régulièrement des regards entendus avec Enola. Louise n’était d’ailleurs pas en reste, elle se comportait comme une poulette au milieu d’un cheptel de coqs et gloussait à la moindre blague venant de la gente masculine. Enola trouva soudain ses amies ridicules et regretta un instant que son personnage soit représenté par Lucie. Qu'elle ironie de penser cela alors qu’elle même avait eu honte de s’afficher comme elle était.

Plus tard, Quand elles rejoignirent la chambre qu’elles partageaient à trois, Lucie s’affala sur le lit en soupirant d’aise:

- Et ben ! Quelle journée ! Je me suis drôlement amusée ! Ces gens sont bien plus intéressants que je le pensais. Je m’attendais un peu à tomber sur des obèses boutonneux et malodorants.

Enola fut choquée par sa remarque, elle avait commencé à voir sa cousine autrement au cours de la journée et lui répondit sèchement:

- Les joueurs de World of Warcraft ne sont pas des cas sociaux Lucie. Je suis étonnée que tu ais accepté de m’aider si tu avais de tels aprioris.
- Oh mais ça c’était avant de voir le beau Léo sur la photo ! Sérieux, c’est vrai que ce type est sexy en diable ! Son pote Arthur n’est pas mal non plus ! Et Louise a semblerait-il apprécié le charme brut de la barbe. Répondit elle sans relever la mauvaise humeur d’Enola.

Louise rit et détacha ses cheveux:

- C’est mon côté animal. Affirma t-elle en secouant sa crinière solaire.

Lucie éclata de rire et une fois encore, Enola se sentait à l’écart. Ces deux là s’entendaient vraiment bien, songea-t-elle avec un pincement au cœur. Elle s’assit devant le bureau qui comportait un miroir et entreprit de se démaquiller. Elle lança prudemment:

- J’ai trouvé que tu avais été un peu trop entreprenante avec tout le monde. Je veux dire, tu joues mon rôle et je pense que je n’aurai pas vraiment agit comme ça. Et puis je pensais que tu ne devais pas encourager Léo, vous avez passé la journée à flirter, c’était pas vraiment le plan.

Lucie se redressa sur son lit et la regarda avec un air mesquin.

- Le but que je joue ton rôle Enola c’est que je paraisse une meilleure version de toi, c’est ce que TU voulais. C’est normal que je sois plus ouverte aux gens et “entreprenante”. Si tu veux parler des choses qu’on a pas respecté, qu’est-ce que vous nous avez fait dans la cuisine avec Léo? Je pensais qu’il ne fallait pas que tu attires l’attention sur toi et je le retrouve à genou devant toi à te masser les pieds.

Elle avait été sèche et directe, Enola rougit et bafouilla:

- C’était un accident en fait, la planche m’a échappé des mains et il… enfin il a été sympa c’est tout.

Au fond d'elle, la jeune fille savait qu’elle n’avait pas à se justifier. Après tout, de vraies amies auraient plutôt dû être surexcitée par cette histoire, pas lui faire des reproches. Elle lança un regard à Louise pour trouver du soutien. Celle-ci était occupée à tapoter sur l’écran de son téléphone et ne donnait que guère peu d’attention à la conversation.

- C’est toi qui m’a embarqué là dedans. Je te l’ai dis, je suis là pour rencontrer des gens et m’amuser. Je te déconseille fortement de tout balancer dès le premier jour, tu risquerais de passer pour une idiote. On va continuer à jouer nos rôles respectifs et tout ira pour tout le monde. Et concernant Léo, tu as dis toi même que c’était un abruti fini, il ne t'intéresse donc pas. Ne soit pas égoïste Enola, tout le monde ne partage pas ton avis. Personnellement il me plait bien à moi ce Léo.

Enola était estomaquée, c’était donc ainsi qu’était sa cousine? Une arriviste, une peste doublée d’une manipulatrice? Elle repensa à son père et à sa description de Lucie, elle commençait un peu à comprendre ce qu'il avait voulu dire par "un peu particulière". Elle fut bien contente de ne pas leur avoir dit que Christelle avait découvert leur secret. Elle éprouva un vive pincement au coeur et se sentait trahie. C’est vrai qu’elle avait trouvé le Léo de Mariette prétentieux et détestable, mais le Léo Arcadia ne lui avait pas donné la même impression. Il avait été charmant et extrêmement prévenant. Elle repensa à sa fuite soudaine quand sa cousine était entrée dans la cuisine et cela la déprima encore plus. Elle n’avait aucune chance face à Lucie et elle le savait pertinemment. Elle pensa à son amie Mysteria et cela lui donna un soupçon de courage:

- M’ouais, souviens toi quand même qu’il t’apprécie aussi parce qu’il croit que tu es Nola la chasseuse.
- J’en suis bien consciente, je veux juste m’amuser un peu et quand la semaine se terminera je lui dirai que c’était cool mais que je ne suis pas prête pour une relation sérieuse. J’aurai eu ma part de loisir et toi ce que tu voulais, que demander de plus.

Lucie avait un sourire mauvais, Louise avait levé la tête de son téléphone pour écouter les deux jeunes femmes mais ne fit aucun commentaire. Sa passivité blessa d'autant plus Enola qui se leva et sortit de la chambre sans répondre.

Elle aurait voulu voir Christelle mais celle-ci était dans sa chambre avec Heldadras. Elle se dirigea vers la terrasse baignée de la douce lumière du clair de lune et s'allongea sur une chaise longue. L’air frais de la nuit l’apaisa légèrement, elle s’en voulait d’avoir fait confiance à sa cousine qu’elle ne connaissait même pas. Elle en voulait à Louise de ne pas avoir pris sa défense et elle en voulait à toute la maisonnée de ne pas avoir conscience de son mal être. Songeuse, elle regardait les étoiles quand un bruit la fit se relever brusquement. Léo était sur le seuil de la porte vitrée.

- Excuse moi je ne voulais pas te faire peur, j’ai vu la fenêtre ouverte en allant dans la cuisine et je voulais la fermer pour les moustiques. S’excusa t-il surpris de la trouver là.

Il fronça les sourcils et demanda:

- Qu’est ce que tu fais là toute seule dans le noir?

Elle le fixa un moment, ne sachant pas ce qu’elle pouvait dire ou non, elle opta pour une petite part de vérité :

- Je n’ai pas l’habitude d’être entourée de beaucoup de monde, être un peu seule me rassure.

Elle leva les yeux vers lui pour déceler de la moquerie dans son regard mais fut surprise d’y trouver de la compréhension.

- Je vois, c’est vrai que tu es souvent toute seule au lycée.

Il surprit son regard gêné et poursuivit maladroitement:

- Pas que ce soit une mauvaise chose bien sûr, la plupart du temps, tu sembles totalement absorbée par un bouquin. Je me demande souvent comment tu fais, j’ai toujours besoin d’avoir des gens autour de moi. Rester seul m’oblige à trop réfléchir.

Comme la jeune fille ne répondait toujours pas, il continua :

- Toi et ta cousine êtes vraiment différentes, elle est très… disons que je ne l’imaginais plus introvertie.

Il semblait visiblement mal à la l'aise et cela amusa la jeune fille.

- Ce n’est pas un reproche bien entendu, ta cousine est super !

Il croisa le regard d’Enola et il y eut un instant de silence entre eux. Elle n’en croyait pas ses oreilles, elle pensait qu’elle était invisible au lycée et Léo James venait tout juste de lui dire qu’il l’avait déjà observé. Elle se sentait à la fois honteuse, ridicule et un brin intriguée. Elle brisa le silence qui s’était installé et parla doucement :

- Ma cousine est… disons qu’elle fait envie à beaucoup de filles. C’est normal que les mecs comme toi la trouve charmante.
- Les mecs comme moi ? Demanda t-il, visiblement blessé.

Enola s'agita sur sa chaise longue, mal à l'aise.

- Tu sais bien ce que je veux dire, les mecs populaires...

Gênée, elle détourna le regard et il lui posa la main sur l’épaule. Enola sursauta et leva les yeux vers lui.

- Il va falloir que tu arrêtes de me coller des étiquettes. Tu sais malgré ta maladresse pathologique et ton antipathie à mon égard, tu n’es pas mal non plus Agatha.

Il plongea son regard dans celui d’Enola et celle-ci se figea. Au bout de quelques secondes, il toussota bruyamment et retira sa main brusquement comme si l'épaule de la jeune fille était devenue brûlante.

- Enfin… Il est tard. On devrait aller se coucher. Je crois que le Patron nous a concocté une chasse au trésor ou un truc comme ça dans la forêt demain.

Il s’écarta de la jeune fille et resta un instant debout sur la terrasse sans rien dire.

- Bonne nuit Agatha, dors bien.

Il rentra dans la bâtisse et Enola se retrouva seule en compagnie de son trouble, elle resta quelques minutes sur sa chaise longue puis alla directement se coucher sans adresser un mot à ses camarades de chambre. Elle attrapa son téléphone et envoya un sms à ses parents ainsi qu’à son frère. Elle constata un nouveau message de Mysteria et l’ouvrit.

Mysteria: Ne te dévalorise pas autant Jolie Enola, tu es une jeune fille charmante. Je suis très heureuse d’avoir enfin pu faire ta connaissance. Je ne dévoilerai pas ton secret mais sache que je le trouve ridicule !

Elle consulta ses autres messages et constata un sms d’Arcadia, son cœur fit un bond dans sa poitrine :

Arcadia: Je suis ravie de t’avoir vu aujourd’hui, j’aimerai passer plus de temps seul à seul avec toi et faire plus connaissance. Tu es ravissante. Bise, ton Arca.

Enola savait au fond d’elle que ce message ne lui était pas vraiment destiné. Elle n’était pas quelqu’un de perfide et ne voulait pas bousiller son amitié virtuelle avec Léo. Pourtant, l’idée que Lucie et Léo flirt ensemble lui était insupportable. Elle choisit de lui répondre:

Nola: Très contente de t’avoir rencontré aussi, je ne suis pas contre passer du temps avec toi mais je dois aussi profiter de ma semaine ici pour voir tout le monde. Passe une bonne nuit, Nola.

Elle éteignit son téléphone sans attendre la réponse. Son sms avait été distant mais aimable, parfait pour la situation. Elle sommeilla un moment en repensant aux événements de la journée et aux moments partagés avec Léo et finit par s'endormir au rythme des légers ronflements de Louise.

***



Mardi 30 juin

Un ewok maladroit

Elle fut brusquement réveillée par des rires provenant du couloir. Elle ouvrit les yeux et la lumière émanant de derrière les rideaux tirés lui indiqua que le jour s’était levé. Elle se redressa et lança un rapide coup d’oeil aux lits encore occupés de ses deux camarades de chambre: elles semblaient profondément endormies.
Curieuse de savoir qui était à l’origine de ce tapage, elle se leva discrètement et alla ouvrir la porte de la chambre sans même penser à passer se rafraîchir dans la salle de bain. Ses cheveux flamboyant étaient en bataille et elle portait un pyjama blanc à l’effigie d’un Ewok, un petit personnage pelucheux de l’univers Star Wars. Après tout, elle n’était qu’Agatha et les autres l’avaient accepté comme telle. Elle y avait réfléchi pendant la nuit et était arrivée à la conclusion qu’il ne servait à rien de se cacher ou de se changer, puisque de toute façon il n’y aurait aucun retour en arrière avec Léo.
Dans le couloir, il régnait une atmosphère joyeuse et détendue. Frosti et Tiboy étaient en train de mimer un combat de boxe tandis que Léo et Heldadras les encourageaient en riant. Derrière eux, Mysteria croisait les bras d’un air réprobateur mais un sourire discret sur ses lèvres trahissait son amusement. Son sourire s’élargit quand elle vit apparaître Enola sur le pas de la porte.

- Bravo les garçons, avec votre vacarme vous avez réveillé notre chambrée de douces jeunes filles !

Tous s’interrompirent et se tournèrent vers Enola. Elle se sentit soudain comme nue accoutrée de son pyjama de gamine et sa tête de saut du lit.

- Je… Non, non ne vous arrêtez pas. Lança t-elle en souriant malgré son malaise. Enfin les filles ne sont pas encore réveillées. Je vais aller me changer et j’arrive…

Heldadras balaya l’air de sa main et la coupa.

- Laisse donc dormir ces belles aux bois dormant, viens prendre ton petit déjeuner tu t'habilleras après.

Enola remarqua que la plupart de ses compagnons étaient encore en pyjama. Bien entendu Léo était habillé et portait ce jean si parfait qui moulait à la perfection les muscles de ses jambes et de ses fesses. Mysteria semblait quand à elle avoir besoin d’une bonne dose de caféine. Ses cheveux blonds courts et indomptés étaient dressés sur sa tête et ses yeux semblaient cerclés de bleu. Elle surprit le regard d’Enola et la prit par le bras.

- Dors une nuit avec Laurent et les cernes feront à jamais partie de ta vie. Je suis étonnée que vous ne l’ayez pas entendu ronfler jusqu’ici ! Aller viens, Agatha, allons prendre ce petit déjeuner.

Elle avait insisté sur le prénom Agatha en faisant un clin d’oeil complice à la jeune fille.
Toute la petite troupe s’installa à table où les attendait un assortiment de pâtisseries et de boissons chaudes à en faire pâlir le plus grand des hôtels.

- Mangez bien les enfants, la journée risque d’être sportive ! Lâcha Heldadras en riant.
- Bon sang Myst, qu’est ce que le Patron nous a encore prévu, j’espère que ce ne sera pas comme la fois où il a voulu qu’on batte le record de vitesse sur le raid de Karazhan ! Fit mine de se plaindre un Frosti toujours guilleret.

Enola gloussa en beurrant sa tartine et lança sans réfléchir :

- C’est sûr que là c’était plus le record de décès et d’utilisation excessives de potions.

Elle leva les yeux et constata avec effroi qu’une fois encore tout le monde la regardait.

- Enfin, j’imagine. Bafouilla t-elle en essayant de se rattraper.

Léo lui demanda:

- Tu as déjà jouer à World of Warcraft Agatha?
- Non! Enfin je veux dire si, vite fais. Mon frère avait un compte et il y a pas mal jouer fut un temps. Du coup, voilà... je connais un peu.

A son grand soulagement, son mensonge sembla passer inaperçu et Frosti lança:

- Tu devrais venir jouer avec nous, ça serait cool ! Et puis, il manque cruellement de femmes dans cette guilde !

Enola se détendit et répondit en souriant :

- Je tâcherai d’y penser oui !

Léo qui était resté debout près de la cafetière, vint s’asseoir à côté de la jeune fille et toucha les oreilles d’Ewok sur la capuche de son pyjama. Il lui glissa à l’oreille:

- Joli pyjama, tu crois qu’ils font le même pour homme ?

Énola s’empourpra et fit tomber sa tartine dans son bol de chocolat chaud, éclaboussant ainsi son beau pyjama immaculé et le t-shirt blanc de Léo.

- Mince ! Je suis tellement désolée !

Paniquée, elle prit une serviette en papier sur la table et entreprit de nettoyer le t-shirt du jeune homme pour faire partir les tâches. Sans réfléchir, elle avait passé une main sous le tissu pour mieux frotter. Il lui attrapa la main en riant et lui lança :

- Hé ! Tu as la main gelée ! Tu sais Agatha, tu aurais pu simplement me demander si je voulais du chocolat chaud.

Il la regarda dans les yeux et y lu de l’affliction. Sans lui lâcher la main, il poursuivit pour la rassurer :

- Ce n’était pas mon t-shirt préféré de toute façon, et puis quoi de mieux que quelques tâches pour aller se rouler dans la boue. En revanche je suis vraiment désolé pour ce pauvre Ewok, je crains qu’il ne veuille plus toucher une seule goutte de chocolat chaud d’ici un bon moment.
Il avait effleuré une des tâches sur le pyjama de la jeune fille et elle s’était figée. Elle se détestait d’être aussi maladroite mais c’était surtout l’idée d’avoir touché le ventre musclé de Léo qui l'horrifiait. Sentir le contact de la main chaude du garçon sur la sienne la paralysait. La sonnerie du micro-onde la sortit de sa torpeur et elle retira brusquement sa main de celle du jeune homme. Elle se concentra sur la tache de lait sur la table qu’elle se mit à essuyer frénétiquement.
Léo sembla vouloir ajouter quelque chose, mais deux jeunes filles toutes apprêtées firent leur apparition dans la salle à manger.
Enola leva les yeux vers son amie et sa cousine. Lucie avait enfilé un mini short très ajusté ainsi qu’un débardeur blanc et moulant qui ne laissaient que peu de place à l’imagination. Louise avait quand à elle opté pour une combinaison noire près du corps qui faisait penser au costume d’une super héroïne de fiction. Elle se sentit plus que misérable dans son pyjama de gamine taché de chocolat. Pour accentuer son malaise, Lucie leva les bras en l’air (ce qui eu pour effet de dévoiler son nombril parfait) et lança à la cantonade un “bonjouuuuuur tout le monde” digne d’une comédie musicale ringarde.
Enola rougit de honte, jamais elle ne se serait habillée comme ça et n’aurait agit de la sorte. Il semblait que sa cousine avait décidé de n’en faire qu’à sa tête et de ne plus respecter leur accord. Enola sentit une bouffée d’affection quand elle vit Mysteria lever les yeux au ciel et soupirer d’agacement mais sa joie passagère s’estompa rapidement quand elle vit les hommes de la tablée baver une nouvelle fois sur sa cousine. Elle risqua un rapide coup d’oeil vers Léo qui souriait aux deux nouvelles arrivantes. Il leur adressa un bonjour charmant et s’empressa de débarrasser la place vide à côté de lui. Enola en eu le ventre noué et repoussa sa tartine, dégoutée.
Tiboy, dont Enola ne savait toujours pas le vrai prénom, siffla et leur lança de sa voix bourrue :

- Et ben les filles, prêtes à aller débusquer des trésors en forêt à ce que je vois, de vraies tenues d’aventurières !

Enola vit Louise minauder et se dandiner pour aller s’asseoir près d’un Tiboy tout sourire. Elle fronça les sourcils, légèrement inquiète pour son amie. Ils avaient quand même une sacrée différence d’âge. Louise n’était pas à son premier coup d’essai avec des hommes mûrs. Malgré ses airs candides et enfantins elle avait un tempérament mature et l’habitude depuis toute petite de fréquenter des gens plus âgés qu’elle. Enola se souvint alors que Louise n’avait pas prit sa défense la veille et qu’elle ne semblait pas dérangée par le comportement de Lucie, elle en oublia instantanément son inquiétude et se renfrogna.
Bien entendu, Lucie s’empressa de venir s’asseoir de l’autre côté de Léo.
A peine assise, elle l’embrassa sur la joue et lança un regard moqueur à Enola qui était rouge de colère.

- Et ben cousine, tu t’es faite attaquer par un Gnoll ?

Tout le monde éclata de rire. Enola n’en revint pas. Elle était sérieuse? Sa cousine qui ne connaissait rien au jeu et à son univers avait osé utiliser une des rares informations communiquées par Enola à propos des monstres présents dans celui-ci et qui plus est, l’avait utilisé pour la ridiculiser. Elle était tentée de répliquer en lui demandant ce qu’elle entendait par là afin de mettre sa cousine en difficulté et mettre en valeur sa méconnaissance du jeu, mais elle savait que si elle rentrait dans ce petit jeu elles tomberaient ensemble. Lucie semblait aussi en être consciente et elle lui lança un regard d’avertissement. Enola se contenta de lui répondre :

- Je pourrais te retourner la question, il ne manque pas un peu de tissu sur ce débardeur?

Cette fois, personne ne rit, certainement alerté par la tension palpable entre les deux jeunes femmes, seule Mysteria s’esclaffa discrètement.
Lucie regardait sa cousine l’air surpris et Enola fut aussi étonnée par son propre aplomb que le reste de l’assemblée. Jamais elle n’aurait imaginé répondre comme ça à quelqu’un en public. Elle toussota et se leva de sa chaise, emportant la vaisselle sale de son petit-déjeuner dans l’évier. Après une minute de silence, les conversations reprirent de plus belle et Enola s’échappa dans sa chambre.

***


La jeune fille mit à tremper son pyjama et profita de sa nudité pour aller se doucher, l’eau sur son visage la détendit instantanément. Elle soupira d’aise.
Un bruit se fit soudain entendre dans la chambre et elle murmura un juron: elle avait oublié de fermer la porte de la salle de bain à clé et la personne présente dans la chambre pouvait à tout moment débouler et la voir dans le plus simple appareil. Elle songea avec ironie que, qui qu’elle soit, cette personne ne serait pas déçu du voyage.
Alors qu’Enola sortait de la douche pour fermer la porte, celle-ci s’ouvrit à la volée et une cascade de boucles blondes surgit dans l’espace embuée de la salle de bain.

- Louise ! Je suis toute nue, sors de là! S’offusqua Enola en tentant de se cacher avec le rideau de douche.
- On s’en fiche, je t’ai déjà vue toute nue Nono, il faut qu’on parle toutes les deux !
- Tu m’as vu toute nue quand on avait sept ans! Je t’en prie sors de là, on discutera après !

Louise, ajusta ses cheveux devant le miroir embué et s’assit sur la cuvette baissée des toilettes sans se soucier des vociférations de son amie.
Enola leva les yeux au ciel et retourna sous la douche en prenant bien soin d’ajuster le rideau. Elle grommela :

- Tu pourrais au moins fermer la porte de la salle de bain.
- Non, je n’arrive pas à respirer avec toute cette vapeur et en plus de ça je ne veux pas que des oreilles indiscrètes nous écoute à notre insu.

Enola soupira et attendit la suite.

- Ecoute, je suis désolée mais ta cousine est une garce.
- Ah vraiment ? Tu ne semblais pas vraiment de cet avis hier soir…
- Ok, je suis désolée. C’est vrai que sur le coup j’ai pensé qu’elle n’avait peut être pas tort. Tu voulais absolument éviter Léo et j’ai pensé qu’au moins, si elle fricotait avec lui et qu’elle le lâchait après, tout serait réglé.
- C’est totalement stupide comme raisonnement, répondit Enola avec lassitude, Le but c’était qu’une fois rentré à la maison tout redevienne comme avant. Là elle me fait passer pour quelqu’un que je ne suis pas devant toute ma guilde.
- Oui justement, il est là le problème ! Elle drague tout ce qui bouge ! Léo, Arthur et maintenant Eric !
- Qui est Eric ? l’interrogea Enola.
- Ben Eric, enfin Tiboy si tu préfères ! Cette fille est une sangsue, rien que tout à l’heure après que tu sois partie elle est venue lui servir son café et exhibant sa poitrine de mannequin sous son nez. Une garce !

Enola sentit la moutarde lui monter au nez, Louise n’avait pas pris sa défense la veille et maintenant que Lucie faisait son petit numéro avec Tiboy il fallait absolument se préoccuper de la situation. Enola était agacée mais elle était également heureuse d’avoir enfin Louise de son côté. Elle était son amie et elle savait que Louise était comme ça. Sa bienveillance naturelle revint au galop et elle lança à la blondinette:

- Tiboy n’a d’yeux que pour toi de toute façon, et ça m'inquiète un peu d’ailleurs, tu ne trouves pas qu’il est un peu vieux pour toi? Enfin, tu vois… je voudrais pas qu’il t’arrive des trucs…
- Je t’en prie Nono arrête de me materner ! Je suis majeure et ce n’est pas le problème ! Le problème c’est ta cousine et sa libido démesurée !

Enola ne put s'empêcher de rire et elle demanda à Louise de lui tendre sa serviette. Elle en fit une robe et sortit de la douche ainsi vêtue. Louise la reluqua avec bienveillance. Elle trouvait sincèrement que les formes de son amie lui allait à merveille. Bien sûr, elle était bien trop fière et prétentieuse pour le lui dire.

- Au fait en parlant d'âge, jeudi c’est ton anniversaire ! Bientôt dans le club sélecte des majeurs ! A nous les soirées en boite de nuit et les verres payés par de beaux inconnus au bar !

Enola s’esclaffa en secouant la tête.

- Merci, mais pas un mot sur mon anniversaire aux autres. J’ai dis à Léo que mon anniversaire tombait au début du mois… enfin l’anniversaire d’Enola. Je n’ai pas très envie qu’il s’en souvienne, il ne manquerait plus que je doive regarder tout le monde célébrer Lucie à ma place ! Et il est hors de question que je mette les pieds en boite. Poursuivit elle en arrosant son amie avec ses cheveux mouillés.
Elles entendirent la porte de la chambre s’ouvrir et Lucie déboula sans gêne dans la salle de bain.

- Ah vous êtes là ! On va pas tarder je crois. Je suis venue chercher une veste parce que le vieux dégarni m’a dit qu’il faisait un peu froid en forêt. Je pense qu’il avait surtout peur que je déconcentre tout le monde avec tout ça. S’exclama t-elle en tournant sur elle-même sans modestie.

Elle poursuivit en voyant l’accoutrement d’Enola.

- Ça te va bien de faire des remarques sur mon débardeur, tu n’avais pas plus petit comme serviette?

Enola piqua un fard et tenta inutilement de tirer sur le bas de la serviette tout en essayant de remonter le haut. Ses formes généreuses n’étaient effectivement pas très cachées par l’étroit bout de tissu. Louise sembla vouloir rétorquer quelque chose mais Léo fit soudain irruption dans la chambre dont la porte était restée grande ouverte sur le couloir en disant qu’ils allaient bientôt partir. Il se figea stupéfait devant la porte ouverte de la salle de bain et les trois filles qui s’y trouvaient. Son regard se posa sur Enola à moitié nue qui était mortifiée. Pendant un instant qui sembla durer une éternité, ils restèrent tous les quatre sans bouger, puis Léo eut la présence d’esprit de se tourner en se confondant en excuses.
Louise sortit de la salle de bain en poussant Lucie et referma la porte sur une Enola au bord de la crise de nerf.

- Merde les filles je suis désolé, la porte était ouverte, je pensais que vous étiez prêtes ! (Il haussa la voix) Agatha je suis désolé ! Je vais euh... rejoindre les autres dans le salon.

Le jeune homme lança un regard à la porte fermée de la salle de bain avec un mélange de culpabilité et de curiosité.

- Ça va, elle n’était pas nue non plus ! Riait Lucie, amusée de la situation.
- Oui, c’est ça, on va tous faire ça, aller au salon. Lâcha Louise en les poussant vers la sortie, non sans jeter un regard inquiet vers la porte de la salle de bain.

Quand Enola entendit la porte de la chambre claquer, elle éclata en sanglot. Elle essuya le miroir embué et se regarda, les larmes coulant encore sur ses joues. Elle était morte de honte, Léo avait vu ça, tout ça. Son reflet la dégoûtait, elle ne voulait plus sortir de la salle de bain et encore moins revoir le jeune homme. Pourquoi est-ce qu’il fallait toujours qu’elle se retrouve dans ce genre de situation?
Elle continua de se regarder dans le miroir et s’essuya les larmes. Qu’est ce que ça pouvait bien changer de toute façon, elle était Agatha, la fille au pyjama taché et à la serviette trop petite pour cacher tout son corps. La fille d’une maladresse pathologique qui ne brille que par ses gaffes. Rester dans cette salle de bain plus longtemps ne servirait à rien, elle devrait en sortir tôt ou tard.
Elle inspira une grande bouffée d’air et alla s’habiller. Autant passer cette journée la tête haute. Une fille comme Lucie ou Louise s’amuserait d’avoir été surprise si peu vêtue. Malheureusement elle n’avait le physique ni de l’une ni de l’autre et elle ne trouvait rien d’hilarant à tout ça. Elle mit un peu de mascara et enfila un jean slim noir ainsi qu’un gros sweat à capuche de la même couleur. Elle chaussa ses Converses usées par les promenades dans les dunes et s’attacha les cheveux en une queue de cheval haute qu’elle coiffa d’une casquette sombre. Elle jeta un coup d’oeil dans le miroir. Elle n’avait rien d’une aventurière sexy mais cette tenue la rassurait, elle avait dépassé son quota d’exhibition pour la journée.
Enfin prête, elle se dirigea vers le salon pour rejoindre ses compagnons et s’assit aux côtés de Mysteria sans adresser le moindre regard autour d’elle. La quadragénaire lui demanda si tout allait bien mais la jeune fille resta silencieuse et s'enfonça de plus belle dans le canapé.


***



Chapitre 8 (suite)
Chapitre 9 et 10
Dernière modification par Pimfresh le mer. 13 mai, 2020 8:01 pm, modifié 1 fois.
Tifennjh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Tifennjh »

Waouh, c'est vraiment TROP bien !!!!!!
J'ai trop hâte pour la suite !!!!! C'est vendredi, c'est ça ?
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Merci pour ton retour ! Je publie deux fois par semaine, le mardi et le vendredi. La suite mardi prochain !
Asco20

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Asco20 »

C'est trooop cool ! Hate d'être a mardi !
Zayana

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Zayana »

je veux la suite !!!! C'est génial ! Bravo !
laetitiavolpi

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par laetitiavolpi »

Hey ! Ces chapitres sont vraiment bons, tu nous en fait voir de toutes les couleurs dis donc !

J'aime beaucoup l'évolution des personnalités, ou du moins de la façon dont on les perçoit. Tu arrives à présenter et à faire interagir de nombreux personnages sans jamais nous perdre, tout en distillant les infos importantes à chaque fois. Chapeau !
Bon, c'est officiel, j'adore Léo, je le trouve vraiment craquant. J'aime bien ce réalisme derrière l'ado populaire au lycée qui roule un peu des mécaniques, mais qui est sensible derrière. J'avais un peu peur que tu en fasses le beau mec détestable, mais finalement pas du tout. Il prend une étonnante profondeur en quelques chapitres, ça me plaît beaucoup !

Ensuite, les ennuis pressentis concernant Lucie sont au rendez-vous, évidemment. J'ai dû mal à comprendre comment une fille aussi géniale que Nola puisse être amie avec Louise, j'ai un peu de mal avec elle, je la trouve fausse... Mais bon, je suppose qu'elle la rassure d'une certaine manière, et Nola a une gentillesse innée. Concernant Lucie, j'espère que la formidable Christelle contribuera à lever l'incertitude sur l'identité de Nola, non mais ho ! :lol:

Encore bravo pour ces chapitres meilleurs les uns que les autres, pour ces dialogues piquants et savoureux, et pour cette façon que tu as de nous transmettre fidèlement les émotions de tes personnages. Je suis passée du rire à l'agacement, et du "ohhh il est vraiment trop mignoooon" infantile concernant Léo à la terrible envie de pendre Lucie avec son string !
Je te fais des bisous, j'ai hâte d'être mardi pour lire la suite ;)
AstraD

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par AstraD »

Fantastique ! Super chapitres par contre j'ai la haine contre Lucie c'est une vraie peste :evil: !! Et Louise :roll: euh... Sans commentaire sur la fidélité et l'amitié.
Mysteria je l'adore c'est la meilleure après Nola !
Vivement mardi prochain ! On dit tous ça mais c'est pas grave :D !
louille

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par louille »

Hola ! C'est LaetitiaVolpi qui m'a conseillée ton histoire alors merci à elle, parce que j'adore. Et merci à toi, surtout, pour cette petite perle de fraîcheur et d'adorable. Enola est si touchante dans ses failles, ses interrogations, son mal-être. C'est facile de s'identifier à elle et, en même temps, voir cette part de nous même incarnée par ce concentré de charme, ça donne envie de peindre des gros coeurs rouges sur la surface de la terre et de dire : "mais aimez-vous, bordel".
Elle est craquante dans sa maladresse, mais aussi dans sa fougue, dissimulée par une timidité qu'apparente... et que le beau Léo fait facilement ressurgir. Le pauvre, lui aussi est adorable. On aimerait que ses foudres tombent sur ces horreurs de Lucie et même de Louise. La première, parce qu'elle révèle son vrai visage, manipulatrice narcissique, on a juste envie qu'elle se noie dans son chocolat chaud. Louise, parce que ces relents d'égocentrisme ne sont vraiment pas bienvenus.
Mysteria est perspicace et sensible comme une mère, sa relation avec Enola est si jolie. Je compte sur elle pour faire surgir la vérité et l'asseoir sur la tête de Lucie.
J'ai hâte de lire la suite, tout me donne le sourire dans ton historie, il y a quelque chose de merveilleusement mignon et réconfortant. Comme si, en voulant écrire sur Enola et son mal-être, tu voulais un peu guérir le nôtre.

Des bisous, et préviens-moi pour la suite !

Ps : Enola, c'est pour "alone" ?
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Vous êtes des puits de perspicacité ! Je prends tellement de plaisir à lire vos retours toujours justes et pertinents !
On aimerait que ses foudres tombent sur ces horreurs de Lucie et même de Louise. La première, parce qu'elle révèle son vrai visage, manipulatrice narcissique, on a juste envie qu'elle se noie dans son chocolat chaud. Louise, parce que ces relents d'égocentrisme ne sont vraiment pas bienvenus.
J'ai dû mal à comprendre comment une fille aussi géniale que Nola puisse être amie avec Louise, j'ai un peu de mal avec elle, je la trouve fausse...
par contre j'ai la haine contre Lucie c'est une vraie peste :evil: !! Et Louise :roll: euh... Sans commentaire sur la fidélité et l'amitié.
Je suis vraiment impressionnée de voir à quel point vous arrivez à saisir l'âme que j'ai voulu donner à chacun de mes personnages. Comme je l'ai dis en mp à certaines, quand j'ai commencé à écrire cette histoire, à part pour mes deux héros, je n'avais pas trop imaginé mes personnages secondaires. Ils se sont imposés à moi avec leur caractère et le rôle qu'ils allaient jouer dans l'histoire. Personnellement Louise est l'un de mes personnages préférés (quoi qu'ils le sont tous à leur manière... :D ), Lucie est née dans ma tête alors que je prenais une douche et au départ elle n'avait rien de la peste qu'elle est !

Bienvenue Louille et merci encore pour ton commentaire !
J'ai hâte de lire la suite, tout me donne le sourire dans ton historie, il y a quelque chose de merveilleusement mignon et réconfortant. Comme si, en voulant écrire sur Enola et son mal-être, tu voulais un peu guérir le nôtre.
Je suis très touchée de voir que vous appréhendez mon histoire comme telle parce que c'est exactement comme ça que je l'ai écrite. Je suis une fan incontestée de téléfilms à l'eau de rose où tout est toujours beau et pétillant et où le seul problème majeur de l'héroïne est qu'elle vient de se faire larguer ou que son patron lui met beaucoup trop la pression (en bonus tout ça le jour de Noël !) C'est très cucul la praline je vous l'accorde mais ça me rend joyeuse de regarder de tels films et c'est cette légèreté que je voulais retranscrire dans cette histoire. J'ai toujours adoré l'idée qu'une personne évolue en sortant de son train train quotidien, en rencontrant des gens d'horizons différents et en essayant de se dépasser loin de son cocon habituel pour finalement s'épanouir. C'est en tout cas tout ce que je souhaite à mes personnages !

Concernant la suite de l'histoire, à part le chapitre suivant que j'ai beaucoup aimé écrire, j'ai eu quelques difficultés à écrire l’enchaînement du récit, j'attends donc vos retours et vos conseils avec impatience !
Ps : Enola, c'est pour "alone" ?
Je pourrais me la jouer à la J.K Rowling (han l'autre :lol: ) et valider la théorie sans même y avoir pensé moi même (roooh mais on l'aime quand même cette grande Dame :oops: !) Mais je n'y avais même pas songé, c'est très bien trouvé pourtant !
Pimfresh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Pimfresh »

Chapitre 3 et 4
Chapitre 5 et 6
Chapitre 7 et 8

Mardi 30 juin (Suite)

Le prince et la grenouille

Heldadras les avait emmené dans une grande clairière dans la forêt. Le temps était ensoleillé et la température grimpait rapidement au fur et à mesure que la matinée avançait. Des arbres immenses aux feuilles luxuriantes s'élevaient de tous côtés, projetant au sol des ombres salutaires. Aux pieds de Laurent se trouvait une boite avec des chasubles. Enola compta six couleurs différentes. A côté, deux autres boîtes étaient disposées : l’une contenait des cartes et l’autre des boussoles.
Le groupe attendait les explications du quadragénaire dans un joyeux brouhaha. Pour l’occasion, il avait revêtu une veste de pêche sans manches à l’imprimé militaire qui lui avait valu bon nombre de moqueries pendant le trajet. Il leur intima le silence et commença à donner ses instructions à la manière d'un présentateur de jeu télévisé. Enola avait l’impression d’être en ligne devant son ordinateur lors des nombreuses fois où sa guilde s’apprêtait à se lancer dans une quête compliquée et que le Patron donnait les consignes.

- J’espère que vous êtes prêts pour la grande chasse au trésor ! Les consignes sont simples, il y aura cinq équipes de deux personnes et une de trois personnes. Chaque équipe aura à disposition une carte ainsi qu’une boussole. Vous devrez trouver les différentes balises propres à votre équipe avant de trouver le trésor. Pour pimenter un peu le jeu, les balises sont protégées par des casses-tête et des défis ayant ou non un rapport avec WOW. Si par malheur, l’un ou l’une d’entre vous ne veut pas faire l’un des défis ou n’arrive pas à résoudre un casse tête, il sera éliminé et son acolyte devra continuer la chasse au trésor seul. Si les deux partenaires arrivent ensemble au trésor en premier, ils auront droit à l’intégralité de la récompense. En revanche, si un seul des membres de l’équipe atteint le trésor avant les autres équipes, il n’aura que la moitié de cette récompense. Vous l’aurez compris, le but est de rester le plus longtemps possible avec votre partenaire et de vous dépêcher pour arriver avant les autres !

L’excitation était palpable dans le groupe, Enola constata que certains membres se mettaient inconsciemment par deux en se rapprochant les uns des autres. Elle regarda Léo, qui lui regardait lucie. Peinée, elle dirigea son regard vers Louise qui était déjà collée à Tiboy, puis vers Mysteria mais elle comprit rapidement que celle-ci ne ferait pas partie des concurrents car elle devait certainement s’occuper des épreuves. Elle surprit Frosti lancer un regard déçu en direction de Lucie et eu l’espoir qu’il viendrait faire équipe avec elle. Malheureusement, il se dirigea vers Sigrid, ou Sylvie la trentenaire qui aimait "poutrer de l’orc", qui était arrivée tardivement le matin même.
Enola eu l’impression de se retrouver à l’école primaire, quand elle était la dernière à être choisie pour les équipes de sport. Elle regardait ses pieds, blessée. Encore invisible. Quelqu’un s’approcha d’elle, elle leva les yeux et vit un jeune homme à qui elle n’avait pas vraiment parlé jusque là. Il devait avoir la vingtaine, pas plus. Ses cheveux étaient blonds avec des nuances de roux. Blond vénitien, se rappela Enola qui avait lu le nom de cette couleur dans un roman concernant la renaissance italienne. De stature grande et élancée, il avait le teint mat et bronzé des gens ayant passé beaucoup de temps au soleil. Son regard était fuyant et son sourire timide. Il n'arborait pas cette aisance naturelle qu'affichait les garçons comme Léo ou Frosti. Enola songea qu’il y avait un certain charme derrière son manque d’assurance. Elle rit intérieurement, qui était elle pour juger le manque d’assurance des autres? Elle lui sourit en retour.

- Salut, moi c'est Antoine, ou Koronix dans le jeu mais tu n’y joues pas donc je pense qu’on peut rester sur Antoine. Déclara t-il nerveusement.

Koronix... Tenta de se rappeler Enola, Il lui semblait qu’il n’était pas dans la guilde depuis très longtemps et elle ne lui avait pas beaucoup parler en dehors des sorties de groupe. Dans le jeu, elle se souvint qu’il jouait un nain (lui aussi, songea-t-elle), un mage si ses souvenirs étaient bons. Bien sûr, elle fit semblant de ne pas savoir ces éléments, car comme il venait de le dire : elle n’était pas censée jouer à WOW.

- Agatha, ravie de faire ta connaissance. Lui répondit-elle chaleureusement.
- Tu veux bien faire équipe avec moi? Je ne sais pas si on va réussir à aller très loin vu que tu ne connais pas trop le jeu et que moi je n’y joue pas depuis très longtemps mais je pense qu’on peut quand même se marrer.

Enola fut surprise qu’il veuille se mettre avec elle alors qu’il ne la connaissait pas et qu’effectivement, si on partait du principe qu’elle était Agatha, elle aurait été un gros handicape pour lui. C’est à ce moment qu’elle prit conscience de sa supériorité sur Lucie dans ce jeu. En effet, si les casses-têtes portaient sur le jeu, Lucie aurait bien des difficultés à les réaliser. Cette prise de conscience détermina Enola à gagner. Ce n’était pas un trait de caractère qu’elle affichait dans la vraie vie, mais sur le jeu, elle aimait la compétition et les challenges.

- Tu sais quoi? J’espère que tu es quand même prêt à leur mettre la pâté, on ne va pas se laisser intimider !

Antoine eu l’air étonné et éclata d’un rire sincère qui fit se retourner les personnes les plus proches. Enola remarqua Léo regarder dans leur direction et froncer les sourcils mais il détourna la tête quand il croisa son regard.

Affublés d’un chasuble bleu roi qui jurait avec la couleur cuivrée de leur cheveux, Enola et Antoine s’étaient équipés de leur carte et d’une boussole. La jeune fille était déterminée à gagner cette course, elle avait eu un début de semaine difficile et était décidée à leur montrer ce qu’elle valait. Antoine était de bonne compagnie, il avait l’air aussi introverti qu’elle mais lâchait parfois des blagues à mourir de rire. Enola se sentait bien avec lui, elle n’avait pas l’impression d’être une moins que rien. Peut-être était-ce parce qu’elle avait le sentiment d’être avec quelqu’un de son niveau. Elle trouvait cette idée détestable et très dégradante pour Antoine mais elle était tout de même persuadée que les gens comme Lucie ou Léo ne jouaient pas dans la même catégorie qu’eux.
Ils analysèrent la carte pour trouver la première balise le plus rapidement possible. Enola était habituée aux cartes et aux boussoles. Quand elle était petite, son père les emmenait elle et son frère dans les dunes pour faire des chasses au trésor dans les blockhaus, un genre de bunker allemand de la deuxième Guerre mondiale enterrés dans le sable.
Au coup de sifflet de Heldadras, ils filèrent en courant en direction du nord vers la première balise, laissant derrière eux bon nombre des autres équipes. Du coin de l’oeil, Enola vit Léo et Lucie partir vers l’ouest.
La première balise fut plutôt simple à débusquer, il s’agissait d’une sorte de bannière de l’Alliance, l'une des deux factions ennemies du jeu.
Arrivés sur place, un homme déguisé en villageois les attendait. Enola échangea un regard à la fois amusé et surexcité à Antoine dont le sourire ne quittait jamais le visage. Heldadras et Mysteria avaient fait les choses en grand et avaient embauché des acteurs !
Ils s’approchèrent du villageois qui leur montra une table sur laquelle six bocaux opaques étaient posés.

“Dans la forêt, nul ne sait quoi manger. Pour continuer la quête, il suffit de découvrir la recette. Pour chaque bleusaille, trois bocaux de victuailles. Attention de ne pas perdre le goût, ou vous finirez au trou.”

Ils écoutèrent attentivement et Antoine s’avança vers la table :

- Je pense qu’il faut que nous goûtions chacun trois bocaux et que nous devinions ce qu’il y a dedans, j’espère que tu as l’estomac bien accroché parce que ce type me parait un peu cinglé. Désolé Monsieur. S’excusa t-il auprès de l’homme faisant ainsi rire la jeune fille.
- Toi aussi tu te mets aux rimes ! Dit elle en gloussant, Pas de soucis, je peux même commencer !

Elle s’approcha pleine d’assurance vers le premier bocal. Elle allait l’ouvrir, quand le villageois lui fit signe de s'arrêter et lui mit un bandeau sur les yeux.

- Ok, c’est partie ! Si je ne devine pas j’ai perdu, c’est bien ça?

Elle entendit l’homme à sa gauche lui baragouiner un vague “Ainsi va le destin”.

- Je dois me servir toute seule? s’enquit Enola.
- Non, je crois que je vais devoir te donner la becquée, il vient de me donner une cuillère.
- Sache que si je vomis, je t’en voudrais à toi personnellement. S’amusa Enola.

Elle sentit Antoine s’approcher près d’elle et ne put s'empêcher de frissonner. Elle n’eut pas le temps de s’interroger sur ce qui provoquait ces frissons, l’adrénaline du défi ou le fait que le jeune homme se tenait si près d’elle, car Antoine lui porta la première cuillère à la bouche. C’était salé, et ça piquait ! Elle n’eut pas besoin de réfléchir trop longtemps.

- Urg, c’est de la moutarde ! Tu aurais pu m’en donner une plus petite cuillère !
- Je suis désolé, je ne voyais pas non plus ce que c’était dans le pot ! C’est bien ça Monsieur le villageois, de la moutarde? Demanda Antoine secoué d'un fou rire incontrôlable.

Le vieil homme toujours à la gauche d’Enola émit une sorte de grognement affirmatif.

- Aller, vite donne moi la deuxième, s’empressa Enola, On a une course à gagner!

Cette fois-ci, il lui caressa délicatement les lèvres avec la cuillère pour qu’elle les entrouvre. Enola trouva ce geste tellement troublant qu’elle oublia un instant où elle était et ce qu’elle faisait. Elle fut ramenée à la réalité par un goût amer.

- Il faut vous servir de vos dents mademoiselle. Asséna le villageois.

Enola était déjà dégoûtée par le goût mais elle pris son courage à deux mains et croqua dans la graine qu’elle avait dans la bouche et recracha aussitôt.

- Mais c’est dégueu, je vais être malade ! C’est un grain de café ! Antoine, donne moi la gourde !

Le jeune homme posa sa main sur l’épaule d’Enola avec compassion mais celle-ci l'entendait très nettement ricaner, elle ne pu s'empêcher de rire à son tour.

- Tu riras moins dans cinq minutes je te le dis ! Lança t-elle en voulant lui donner une tape. Aveugle, elle le rata et il se mit à s’esclaffer de plus belle.
- Aller le dernier, courage tu pourras te moquer de moi après !

Il lui tendit une dernière cuillère et elle sentit l’odeur avant le goût, c’était quelque chose de visqueux et de salé qui sentait la mer… une huître.

- Un peu de citron dessus n'aurait pas fait de mal ! C’est trop facile ! C’est une huître !

Elle enleva son bandeau et tomba nez à nez avec un Antoine hilare qui la regardait impressionné. Son nez était parsemé de petite tâche de rousseur qui lui donnait un air enfantin.

- Ok, il semblerait que tu ne sois pas éliminée d’office. Je crois que c’est mon tour?

Elle lui mit le bandeau sans ménagement et s’empressa de prendre la première cuillère. Il tomba tour à tour sur du miel (ce qui ne manqua pas d'agacer la jeune fille dont le goût âcre de la graine de café emplissait encore la bouche), de la sauce barbecue et un piment. Antoine trouva la bonne réponse à chaque fois bien le piment lui arracha quelques larmes. Le villageois leur donna une nouvelle destination et ils s’y rendirent en riant encore du précédent défi.
Au niveau de la deuxième balise, ils tombèrent sur un chevalier en armure près d’un petit lac. Au milieu du lac il y avait une plateforme et deux armes longues en mousse. Enola comprit rapidement qu’ils allaient certainement finir mouillés mais à moins de se battre contre le chevalier elle ne voyait pas comment remporter l’épreuve.

“Oyé jeunes gens, ici seuls les plus audacieux et les plus courageux viennent s’affronter. Pour l’instant vous n’avez guère de compétiteurs, mais ceux-ci sont en route. Quand ils arriveront, le combat pourra commencer”

Antoine fronça les sourcils pour comprendre la tirade du chevalier et du bruit se fit entendre derrière eux. Ils se retournèrent et virent Lucie et Léo qui débouchaient de la forêt.

“Bien, nos compétiteurs sont au complet, que le combat commence ! Chaque combattant doit faire tomber son adversaire dans l’eau à l’aide de ces hallebardes. Les règles sont simples, pas de coup en dessous de la ceinture ou au visage, fille contre fille, garçon contre garçon. Si une équipe remporte les deux combats elle gagne, si il y a une équipe victorieuse par combat, un combat final opposera les vainqueurs de chaque équipe. Ici pas d’éliminations possibles. Le gagnant permet à son équipe de passer à la balise suivante. Le perdant impose à son équipe une balise et un défi supplémentaire avant le trésor. ”

Enola était bouche bée, elle allait devoir se battre contre sa cousine. Antoine lui passa le bras autour des épaules et s’exclama fièrement:

- Préparez-vous à être mouillés, on est les meilleurs.

Léo lui lança un regard noir, qui parut un peu disproportionné à Enola, ce n’était qu’un jeu après tout.

- Oh oui c’est sûr, je suis certaine que je peux compter sur la maladresse légendaire de ma cousine pour me faire gagner. Lui répondit Lucie non sans lancer un sourire hypocrite à Enola.

Enola lui rendit son sourire et rétorqua:

- Dommage que tu ais mis un débardeur blanc aujourd’hui, ça fait tout de suite mauvais genre quand c’est mouillé.

Lucie éclata d’un rire faux et répondit, piquée au vif:

- Tu sauras que rien ne fais mauvais genre sur moi, Chère cousine, et je n'ai nullement l'intention de tomber à l'eau.

Elle s’approcha d’elle et lui dit plus bas:

- Il y a certaines personnes qui ne seraient pas dérangées de voir mes sous-vêtements.

Enola bouillait de rage, s’en était trop ! Elle allait descendre sa peste de cousine de son piédestal. Dans tous les sens du terme.
Elle enleva sa casquette et son sweat avec un air de défi. Elle portait un débardeur noir en dessous qui mettait joliment en valeur ses formes pulpeuses tout en les couvrant correctement.

- Il faut nager pour monter sur ces trucs? s’impatienta la jeune fille qui avait hâte d'en découdre.

Léo intervint avant Antoine.

- Non, regarde il y a un bateau.

Il s’approcha d’Enola et lui murmura à l’oreille :

- Vas-y doucement quand même, j’ai encore besoin de ma coéquipière.

Antoine le poussa gentiment en riant:

- Hé Arca, arrête de déconcentrer ma partenaire !

Il remit son bras autour des épaules d’Enola comme pour marquer son territoire et cette attitude déplut fortement à la jeune fille qui fit semblant de se baisser pour refaire ses lacets.
Léo esquissa un sourire en coin et rejoignit Lucie qui était près d’une embarcation. Les deux jeunes filles montèrent et le chevalier les emmena directement sur la plateforme qui semblait beaucoup moins stable maintenant qu’elles étaient toutes les deux dessus. Enola prit l’arme à ses pieds et se mit en position. Lucie fit de même et elle se regardèrent d’un œil mauvais en attendant le coup de sifflet.

- Sérieusement, pourquoi m'en vouloir autant ? C’est vrai regarde, il semblerait que ton partenaire ait bien envie de partir en quête avec toi. Tu l’as dis toi même, Léo n’est pas fait pour toi, il mérite mieux. Alors contente toi du gentil rouquin.
- C’est pas vraiment ce que tu disais quand tu m’as rencontré, je pensais que tu ne comprenais pas pourquoi je me dévalorisais autant… J’ai failli croire à ton numéro de gentille cousine. Et puis, je n’aime pas ce pour quoi tu me fais passer aux yeux de MES amis. C'est quoi cette manie de les vouloir tous à tes pieds?
- Alors c’est ça? Tu es jalouse de moi parce que j’ai l’attention que tu semblais avoir virtuellement? Et TES amis, c’est toi qui leur ment depuis le début, estime toi heureuse que je te fasse passer pour une fille cool et audacieuse. Ici c’est la vraie vie Enola, on est pas sur ton jeu stupide et dans la vraie vie JE gagne.
- Ça c’est ce qu’on va voir. Maugréa Enola pour elle-même.

Le coup de sifflet retentit et les deux jeunes femmes se mirent à tourner l’une autour de l’autre à la manière de deux chats hostiles. Enola s’élança vers Lucie mais celle-ci fut plus rapide et se détourna. Elle manqua de basculer dans l’eau mais elle reprit son équilibre et lança un regard mauvais à son adversaire.

- Tu sais, je suis quand même surprise. Je ne m’attendais pas à te voir si déterminée et farouche. Quand Louise m’a dit que tu n’osais pas dire ce que tu pensais aux gens je me suis dis que ce serait facile de m’amuser un peu. Mais je dois te reconnaître un certain tempérament. Le grand air sûrement?

Enola savait que Lucie tentait de la déstabiliser mais elle ne se sentait pas moins blessée que Louise lui ait parlé d’elle dans son dos.
Elles se rapprochèrent lentement l’une de l’autre et se percutèrent brusquement à coup de hallebarde en mousse. Enola entendit les garçons les encourager sur la rive mais elle était concentrée sur sa colère contre Lucie et sa frustration de lui avoir fait confiance. Lucie gagnait du terrain sur Enola et la poussait inexorablement vers le bord de la plateforme. La jeune fille puisa dans ses dernières ressources et poussa de toutes ses forces sur son armes ce qui incita Lucie à en faire autant. Elle lâcha soudainement la hallebarde en mousse et se décala sur le côté avec une agilité qu’elle ne se soupçonnait pas. Lucie fut emportée par sa poussée et bascula dans l’eau, non sans faire vaciller dangereusement Enola toujours debout sur la plateforme. Celle-ci poussa un cri de victoire en brandissant son arme au dessus d’elle et en faisant de grands signes à Antoine sur la rive. Elle avait l’impression d’avoir gagner la plus grosse épreuve du jour et n’était pas peu fière d’elle. Sans même attendre l’embarcation, elle sauta dans l’eau pour rejoindre la clairière. Quoi de mieux qu'un bain rafraîchissant pour savourer une telle victoire ! Lucie était montée dans l’embarcation et semblait abattue. Enola arriva sur la berge et se jeta dans les bras de son coéquipier en hurlant de joie.

- Hé ! T’es trempée Agatha ! Lança t-il en riant. Le but c’est que je ne sois pas mouillé tu te souviens?

Léo s’était approché d’eux et Enola se tourna vers lui avec un sourire éclatant.

- Je suis vraiment navrée mais je crois que vous allez devoir rebrousser chemin. Lui dit-elle pleine de malice.
- J’avoue que je suis impressionné ! Mais les jeux ne sont pas faits et qui sait j’aurai peut être l’honneur de te mettre à l’eau. Surtout maintenant que je sais que tu nages aussi bien.

Il la détailla de haut en bas, lui offrit son plus beau sourire à fossettes et lui mit une petite pichenette affectueuse sur le nez.
Enola se troubla, comme à son habitude, mais son allégresse prit le dessus quand elle vit Lucie les rejoindre avec ses cheveux mouillés tout plats, sa parfaite petite frange collée à son front et son soutien-gorge apparent. Bien fait pour elle. La jeune fille sentit la frustration monter de-nouveau en elle quand Léo l'enlaça et lui déposa un baiser sur la joue pour la réconforter. Elle se tourna vers son partenaire et la joie sur son visage lui fit reprendre du poil de la bête.

- Aller à toi ! Fais nous honneur Koronix ! Lui lança t-elle affectueusement.
- A votre service M’dame !
- Ne t’enflamme pas trop le Mage, tu vas tâter de ma hallebarde ! Plaisanta Léo.
- Vous les mecs, il faut toujours que vous rapportiez tout à votre machin ! S’offusqua faussement Enola les larmes aux yeux tant elle riait.
- Il me tarde que tu nous montres de quoi est capable ta hallebarde. Poursuivit Lucie dans un roucoulement qu’Enola trouva grotesque.

Léo et Antoine éclatèrent de rire et montèrent à leur tour dans l’embarcation.
Enola s’éloigna le plus possible de sa cousine sur la rive et soutint son coéquipier en lui criant des encouragements. Elle avait effectivement plus qu'intérêt à ce qu’Antoine gagne si elle ne voulait pas se retrouver de-nouveau sur la plateforme et affronter Léo.
Le sifflet retentit et les deux jeunes hommes foncèrent l’un sur l’autre. Leur combat était beaucoup moins subtile que celui des filles et Enola était persuadée que eux s’amusaient beaucoup plus.
Malheureusement pour Enola, Léo prit rapidement l’avantage et Antoine finit en vol plané dans l’eau du lac. Il monta sur l’embarcation et serra chaleureusement la main de Léo qui était resté sur la passerelle pour son combat final, avec Enola.
Quand il arriva sur la berge il s’ébroua à côté de la jeune fille et lui lança :

- Désolé, j’ai bien peur qu’on doive faire un défi supplémentaire !
- Qui te dit que je vais perdre, fanfaronna t-elle avec une assurance feinte.

Elle savait pertinemment qu’elle ne gagnerai pas ce combat mais elle était tout de même déterminée à ne pas faciliter la tâche à son opposant.
Elle gagna la passerelle et le chevalier leur donna quelques consignes supplémentaires.

“Aucun coup violent vous ne porterez, l’équilibre et l’agilité seules vous feront triompher. Si vous tombez, il suffit de remonter.”

Ils ne comprirent pas immédiatement et le chevalier leur montra deux rangées de quatre petites passerelles d’un mètre de diamètre chacune qui menait vers une poutre au dessus de l’eau.

- Euh attendez, il faut qu’on saute de passerelles en passerelles et qu’on arrive sur la poutre? s'inquiéta Léo qui avait perdu toute arrogance sur son beau visage.

Le chevalier acquiesça.

- Et, une fois arrivés sur la poutre? s’enquit Enola qui doutait fort arriver jusque là.

“Sur la poutre vous tiendrez debout, tel le Pic de Rochenoire qui a eu à de maintes reprises raison de vous. Le dernier qui perd l’équilibre de toute défaite sera libre”

Léo et Enola se regardèrent et éclatèrent de rire.

- Et ben … voilà qui promet d’être comique ! Lança le jeune homme entre deux éclats.

Ils se mirent en place sur la grande passerelle et attendaient fébrilement le coup de sifflet. Léo tenta de déconcentrer Enola en lui balançant de l’eau et en lui faisant des blagues idiotes à propos de grenouilles et de nénuphars. Malgré la compétition et son désir d'emporter la victoire, Enola appréciait ce moment de complicité. C’était la première fois qu’elle avait l’impression que tout était normal entre Léo et elle, sans secrets, sans pression, sans Lucie.
Le coup de sifflet strident la fit sortir de sa rêverie et elle s’élança sans grâce vers la première passerelle. Léo semblait beaucoup plus agile qu’elle et sa grande taille l’avantageait. Enola ne se préoccupait pas de lui. Avec sa technique plus qu’approximative, elle avait réussi à bondir sur la deuxième passerelle non sans se retrouver la moitié des fesses dans l’eau. Elle se tourna hilare vers Léo qui venait d’atterrir brutalement sur la deuxième passerelle de son parcours. Elle lui tira la langue et tenta un saut digne d’un crapaud qui se solda par une glissade et un plat dans l’eau. Sur sa passerelle, Léo se moquait d’elle. Elle nagea vers lui et fit basculer la plateforme, il perdit l’équilibre et tomba dans l’eau projetant des gerbes d'eau autour de lui.

- Tricheuse ! L’accusa Léo tout en s'esclaffant.
- Le gentil Monsieur en armure n’a pas parlé de règles contre ça, lui répondit elle en l’arrosant de plus belle.

Elle retourna vers sa troisième passerelle et se hissa non sans mal dessus, derrière elle, Léo eu moins de difficulté à remonter sur son îlot et il sauta d’un bond élégant sur la suivante.
Il s'apprêtait à accomplir une nouvelle performance de saut quand la jeune fille l’interpella. Il la dévisagea et ne put s'empêcher de penser qu’elle était rayonnante ainsi trempée et tout sourire.

- Quoi ? Tu vas encore tricher? Railla t-il en la défiant du regard.
- Je n’ai pas triché, j’ai simplement rétablit l’équilibre entre nous, en te faisant perdre le tien ! Rétorqua t-elle en gloussant. Non, je voulais te dire que ton histoire de grenouille était totalement ridicule, regarde c’est comme ça que saute un batracien.

Elle joignit le geste à la parole et fit un saut de grenouille ridicule qui lui permit d'accéder à la quatrième passerelle.
Enola s’amusait follement, si une semaine en arrière on lui avait dit qu’elle se rendrait volontairement aussi ridicule en présence de Léo, elle aurait certainement fait pipi dans sa culotte tant elle aurait rit. Quelque chose dans ce moment la rendait profondément heureuse et spontanée, elle retrouvait son insouciance d’enfant et était encore grisée de sa précédente victoire contre sa cousine.
Léo l’applaudit exagérément et elle lui fit une révérence. Sans qu’elle s’y attende, il prit son élan et sauta sur la passerelle où elle se trouvait.
Elle tituba dangereusement. Il la saisi par la taille pour ne pas qu'elle tombe, elle lui donna une tape sur le torse et il resserra son emprise.

- Hé ! C’est ma passerelle, tu n’as pas le droit de venir là !

Il la regarda avec un air délibérément innocent sans la lâcher et déclara, faussement gêné:

- Ah vraiment ? Je n’ai pas fais exprès...Oups?

Elle gloussa et tenta de le mettre à l’eau dans un effort vain.

- Attends d’être sur la poutre pour ça tu veux ! Dit-il en ricanant.

Essayant de garder l'équilibre, ils restèrent dans les bras l’un de l’autre un court instant, oubliant l'étrangeté de la situation. Enola aperçu leurs compagnons sur la rive, d’autres équipes les avait rejoint et ils attendaient pour passer les épreuves à leur tour. Elle toussota et se dégagea de Léo essayant de de ne pas glisser de la passerelle devenue toute petite pour eux deux. Sans ajouter un mot, elle prit son élan et agrippa la poutre pour ne pas tomber à l’eau. La passerelle tangua dangereusement mais Léo resta dessus. Il fit un bond élégant et la rejoignit sur la poutre. Tous deux se relevèrent et la jeune fille lui lança avec un air de défi :

- Finissons en, Monsieur Parfait.

Il sembla surpris par le pseudonyme et la regarda en fronçant les sourcils.

- Monsieur parfait ? Demanda t-il.
- Ben, tu sais, tu es le mec parfait. Celui dont rêve toutes les filles du Lycée Mariette. Pour elles tu es le but ultime, tu es beau, populaire, bon en maths et en tout ce que tu entreprends. Tu déchaînent les troupeau de filles chaque fois que tu vas quelque part, tu es l’ami de tous et tout le monde t’adore. Monsieur Parfait quoi.

Il avait l’air abasourdi.

- Je ne suis pas... Attends, tu fais partie de ces filles?

Enola secoua la tête en souriant, elle songea qu’elle devrait être mortifiée par son aplomb, mais étonnamment cela l’amusait. Elle savait qu’elle n’avait aucune chance dans un duel de force avec le beau Léo, sa seule chance était de s’approcher de lui tout en le distrayant pour réussir à l’atteindre. Elle en était malade, mais elle n’avait rien trouvé de mieux que de le décontenancer. Son plan marchait à merveille, Léo la fixait intensément. Elle ignorait ce qu’il pensait mais il était assurément distrait, il ne semblait pas remarquer qu’elle avançait petit à petit sur la poutre.

- On ne parle pas de moi, mais de toi. Tu donnes des complexes aux autres tu sais Léo. Heureusement, il y a peut être un truc pour lequel tu n’es pas doué.

Elle était tout près de lui, elle puisa du courage au plus profond d’elle et plongea son regard azuré dans le sien. Elle y lut de la stupeur. Certainement se demandait-il en quoi lui, le beau Léo James, n’était il pas doué. Si elle n’avait pas été animé par l’envie de gagner, elle aurait été troublée. Ils étaient si proches l’un de l’autre qu’elle pouvait sentir son souffle chaud lui caresser le visage. Il voulut dire quelque chose mais elle lui fit son plus beau sourire et le poussa sans ménagement. Surpris, il perdit l’équilibre et tomba pour la seconde fois de la journée dans l’eau. Enola entendit les acclamations des autres équipes sur la rive et elle leur fit une courbette en riant. Léo émergea de l'eau et elle lui tendit la main avec un regard faussement accusateur.

- Je suis désolée, mais effectivement il semble que tu ne sois pas très doué pour garder ta concentration !

Il grommela et lui attrapa la main. Au lieu de se hisser à ses côtés, il la tira dans l’eau. Elle bascula sans grâce en éclatant de rire et avala de l’eau du lac. Dégoûtée, elle toussa exagérément et il la laissa s’appuyer contre lui le temps qu’elle retrouve son souffle. Il lui mit la main sur la joue en souriant et lui dit tout bas.

- Voilà ma Agatha préférée, maladroite et ridiculement adorable.

Enola oublia de respirer tant elle était surprise, ce qui eu pour effet d’intensifier sa toux. Léo fit signe au chevalier de venir avec l’embarcation et il aida la jeune fille à se hisser dessus. Le chevalier lui tendit une grande serviette dans laquelle elle s'emmitoufla avec plaisir. Il faisait doux mais l’eau du lac était relativement froide. Léo se hissa à son tour et lança en plaisantant :

- C’est quand même drôle de te voir à deux reprises vêtue d’une serviette de bain dans la même journée.

Le sourire d’Enola s’effaça immédiatement, elle rougit en repensant à l’épisode de la salle de bain de la matinée et aurait presque voulu retourner dans l’eau froide pour rentrer à la nage tant elle se sentait gênée.
Léo ne perçut pas son malaise, il souriait et parlait avec l’acteur en armure. Quand il aperçut le petit attroupement sur la berge il sembla soudain nerveux et demanda:

- Ça fait longtemps qu’ils sont là?

Le chevalier lui répondit mornement:

- Depuis votre troisième passerelle je dirais.

Enola vit Léo se décomposer et devina qu’il devait être mal à l’aise que tous aient assisté à leur grande complicité dans l’eau alors que sa partenaire, et potentielle petite amie au yeux de toute la guilde, se trouvait sur la rive de l’autre côté du lac. Il s’écarta d’elle le plus possible et son geste blessa Enola. Toujours ce foutu ascenseur émotionnel avec Léo James. Elle évita son regard et se concentra sur les vaguelettes que provoquait l'embarcation sur l’eau.
Quand ils arrivèrent auprès de leurs amis, Antoine prit Enola dans ses bras et l’acclama bruyamment !

- T’es la meilleure Agatha, tu leur as mis une belle correction !

Il se tourna vers Léo en lui tendant la main.

- Désolé Vieux mais ma partenaire c’est une machine de guerre !

Léo haussa les épaules et rejoignit Lucie qui boudait dans un coin. Tout le monde félicitait Enola pour sa performance, celle-ci ne pouvait s’empêcher d'observer le couple qui semblait se disputer un peu plus loin.
Le chevalier leur tendit la dernière carte et son esprit de compétition reprit le dessus, elle avait passé un fabuleux moment avec Léo dans l’eau mais tant que Lucie était dans les parages, il n’avait d’yeux que pour elle et son corps de déesse. Elle se détourna d’eux et alla rejoindre un Antoine surexcité pour réaliser la dernière épreuve avant le trésor.

Les deux partenaires n’avaient aucune idée du classement. Ils avaient passé énormément de temps sur le lac mais Enola songeait que si toutes les équipes devaient passer par là ils étaient plutôt bien placés dans la course. La dernière balise fut plus compliquée que les deux précédentes à trouver. Ils avaient dû passer dans des fourrés denses et la jeune fille, qui avait oublié son sweat au bord du lac, fut écorchée de partout. Son débardeur fut également troué et déchiré à plusieurs endroits et elle songea amusée qu’elle devait vraiment avoir l’air de s’être faite attaquer par un Gnoll. Après une longue marche dans la forêt, Enola grelottait de froid. Ils arrivèrent enfin près d’un petit ruisseau où se tenait un homme grimé en vieillard. Il portait une longue barbe blanche et un vieux livre sous le bras.
Enola était épuisée par ses efforts au lac et elle espérait que la dernière épreuve ne soit pas trop physique. Elle ne pu réprimer un soupir de soulagement quand le vieillard leur annonça que la dernière épreuve était une énigme à résoudre chacun.
Le vieillard s’adressa à Antoine qui se concentra immédiatement :

“Il a neigé la veille sur Dun Morogh. Un nain regarde le terrain de son voisin et remarque qu'il y a deux fois plus de neige chez celui-ci que sur son propre terrain. Pourquoi n'est-il pas étonné ?”

Enola connaissait la réponse à cette énigme, son frère avait toujours été un fan de casse-tête et de torture d’esprit en tout genre. Elle avait dut supporter les énigmes qu’il lui posait constamment et se rendre à l’évidence qu’elle n’avait pas un esprit très logique. Elle n’avait malheureusement pas le droit d’aider son compagnon et le regardait se creuser les méninges pour trouver une solution. Il avait droit à deux essais avant d’être éliminé. Il répondit bêtement sans même avoir prit le temps de régléchir :

- Ses enfants ont fait des bonhommes de neige?

"C'est une réponse incorrecte."

Il lança un regard désespéré à Enola qui haussa les épaules d'impuissance.

- Ben… je vois pas, peut être que c’est un démoniste et que son démon à foutu le feu au terrain?

Enola soupira de déception et le vieillard referma brusquement son livre.

“Vous avez échoué voyageur, votre route s’arrête ici.”

- Merde… désolé Agatha, tu avais la réponse toi?

Il semblait sincèrement désolé de son échec et elle ne voulu pas l’enfoncer encore plus, elle secoua la tête et lança un regard faussement interrogateur vers le vieillard.

“Le terrain de son voisin est deux fois plus grand que le sien. Il y a donc forcément deux fois plus de neige.”

Enola posa sa main sur l’épaule d’Antoine qui semblait abattu.

- Bien sûr, c’est évident. Dit-il en ronchonnant. Je peux au moins rester pour écouter son énigme?

Le vieillard acquiesça et rouvrit son livre en s’adressant à Enola.

“Je vous rend faible mais sans moi vous mourrez. Il fait chaud, je vous fait frissonner. Il fait froid je vous fait transpirer. Sans moi nul ne peut différencier le couard du brave.”

Mince, celle-ci Enola ne la connaissait pas. Elle avait du mal à réfléchir, elle avait froid, elle était épuisée et elle appréhendait de se retrouver dans la même chambre que sa cousine le soir venu. Elle lança un coup d’oeil à son partenaire qui ne semblait pas plus avancé qu’elle. Elle essaya de repasser l'énigme dans sa tête :

“Je vous rends faible mais sans moi vous mourrez” Bien, qu’est ce qui rend faible mais qui empêche de mourir...deuxième phrase "Il fait chaud, je vous fais frissonner, il fait froid je vous fait transpirer"... L’amour, l’amour c’est bien non? Songea t-elle. Ça rend faible mais ça peut empêcher de mourir et puis quand on aime même si il fait chaud on frissonne quand on est amoureux et pareil quand il fait froid on peut être amené à transpirer.
Enfin c’est ce qu’il lui semblait. Elle allait annoncer sa réponse mais la dernière phrase lui revint en mémoire “Sans moi nul ne peut différencier le couard du brave” Du coup là ça n’a plus rien avoir avec l’amour. Mais ça doit quand même être un sentiment, la colère? Non ça ne marche pas non plus. La joie ne rend pas faible et la tristesse n’empêche pas de mourir. Il reste donc…

- La peur, chuchota Enola.
- Quoi? questionna Antoine qui semblait lui aussi en pleine réflexion.

“C’est votre réponse Aventurière?” s’enquit le vieillard.

- Je crois. La peur rend faible mais sans elle on peut mourir, elle fait frissonner quand il fait chaud et transpirer quand il fait froid. Enfin, la peur permet de différencier le froussard du courageux. Oui, ma réponse est: La peur.

Antoine la regardait intensément, il semblait totalement abasourdi.
Le vieillard fit un clin d’oeil à Enola et lui tendit la dernière carte sans un mot. Il referma son livre et s’en alla tranquillement. Enola se tourna vers son ami l’air désolé :

- Je crois que nos chemins se séparent ici, j’ai passé une matinée incroyable je te remercie de m’avoir choisi comme équipière !
- C’était un plaisir pour moi aussi, même si j’aurai aimé sauter sur ces quatre maudites passerelles et gagner ce fabuleux trésor avec toi ! Lui répondit il avec douceur.

Enola contempla son visage et ses yeux pétillants, elle était heureuse d’avoir fait sa connaissance et regrettait de ne pas lui avoir adressé plus la parole dans le jeu. Il la rendait cependant légèrement mal à l’aise. Le jeune homme la regardait avec une intensité et un émerveillement qu’elle n’avait pas l’habitude d’attiser chez les gens, surtout en tant qu’Enola de la vraie vie. Il lui fit une rapide accolade, et malgré sa chaleur et l’amitié nouvelle qu’elle avait pour lui, elle ne ressentit pas les mêmes sensations que plus tôt sur la passerelle dans les bras de Léo. Elle se dégagea en riant nerveusement, un peu gênée et fit mine de devoir se dépêcher de partir pour avoir un bon classement dans la course.

- Attends Agatha, tu es trempée et tu grelottes. Prends mon pull.

Antoine retira son sweat et le tendit à la jeune fille. Elle hésita un instant, puis, estimant qu’elle avait vraiment froid elle enfila le vêtement. Il sentait légèrement la transpiration et les agrumes. Enola remercia Antoine qui lui embrassa la joue avant de rebrousser chemin. Elle se retrouva seule dans la forêt, troublée par ce qui venait de se passer.
Quelle journée ! songea t-elle.
Encore ce matin elle avait eu l’impression de n'être qu'une moins que rien, puis elle s’était retrouvé presque nue sous le regard du beau Léo, elle s’était faite un nouvel ami, elle avait balancé sa cousine dans l’eau, s’était retrouvée dans les bras de Léo sur une passerelle d’un mètre de diamètre et elle se retrouvait là, seule en plein milieu de la forêt emmitouflée dans le pull d’un garçon qu'elle connaissait à peine avec sa carte et sa boussole.
Plongée dans ses pensées, elle ne remarqua pas que son chemin bifurquait vers la clairière où le jeu avait commencé. Interpellée par des voix, elle leva la tête et vit Heldadras qui lui souriait au centre de la clairière. Un peu plus loin, elle repéra le duo nouvellement inséparable Louise et Tiboy, trois gars à qui elle n’avait pas beaucoup parlé et Lucie. Elle se demanda si l’un d’entre eux avait gagné la course mais quand ils se levèrent et que Laurent l’acclama, elle comprit qu’elle avait remporté la victoire. L'homme l'enlaça et lui lança un regard affectueux, Enola comprit soudainement que Mysteria avait sans doute raconté la vérité à son mari et la culpabilité l'accabla de-nouveau.
Elle vit Léo arriver en courant sur sa droite mais il s'arrêta net et sourit sincèrement quand il vit qu'elle l’avait devancé. Il les rejoignit et tendit pompeusement la main à la jeune fille. Elle fut surprise, il était soudain bien distant pour un type qui l’avait serré dans ses bras une heure plus tôt. Elle surprit le regard qu’il lança vers Lucie et comprit qu’il tentait de se racheter après l'épisode du lac. Elle soupira et lui tendit la main pour la lui serrer.

- Félicitation Madame Maladroite, il semble que sur ce coup là tu nous ais tous surpassé, même ton coéquipier apparemment, tu l’as abandonné dans la forêt? Il fronça les sourcils en la détaillant et eu l’air soudainement contrarié, Joli pull en passant.

Il jeta un regard noir à Antoine qui sortait justement de la forêt et s’écarta d’elle.

- Maladroite mais courageuse, bagarreuse, aventurière, audacieuse, ingénieuse et astucieuse ! Poursuivit Heldadras dont la tirade de compliments fit rougir la jeune fille. Je te dois donc un demi trésor si je m’en remet à mes propres règles !
- Elle mérite un trésor entier, cette fille a été géniale sur toutes les épreuves !

Mysteria les avait rejoint, ainsi que tous les autres membres de la guilde. Enola fut amusée de voir qu’elle n’était pas la seule à être dans un sale état. Frosti semblait être tombé dans la boue et bon nombre d’entre eux étaient trempés de l’eau du lac. Elle enleva son sweat pour le rendre à son propriétaire et Antoine passa doucement son doigt sur une des éraflures de son bras, l’air inquiet. Elle frissonna.

- Et bien Agatha ! On m’a dit que tu t’étais donné à fond mais je ne m’attendais pas à te trouver dans un tel état ! s’exclama Mysteria à la fois amusée et un peu inquiète. Il va falloir qu’on te désinfecte tout ça sinon tes parents vont me tuer !

Enola fit un signe à Mysteria pour qu’elle se taise mais personne ne sembla se soucier de savoir comment Christelle pouvait connaître les parents d’Agatha. Antoine prit sa partenaire par les épaules et avoua à Mysteria :

- C’est que la demoiselle a jugé bon de nous faire passer par un raccourci, un raccourci plein de ronces, de fougères et certainement quelques araignées géantes. Cette fille est une aventurière !

Enola songea qu’Antoine semblait beaucoup moins introvertie qu’au début de la journée, elle aussi d’ailleurs, ces épreuves lui avaient fait du bien. Elle lança un coup d’oeil circulaire et vit Léo, un peu en retrait qui regardait vers eux le visage fermé, elle essaya de ne pas s’en soucier et regarda avec affection le couple de quadragénaires qui se tenaient devant elle. Ils avaient organisé tout ça pour les souder tous et vu l’ambiance joviale qu’il y avait dans la clairière le pari était réussi. Seule Lucie restait dans son coin et ne semblait pas heureuse. Léo s’était assis près d’elle, l’air bougon. Lucie croisa le regard d’Enola et lui fit un sourire mauvais en se blottissant contre Léo. Rincée de sa journée et comblée de joie, même cette image ne réussit pas à déprimer la jeune fille.


***


Un cadeau particulier

Ils rentrèrent au gîte après avoir dîné et passé une soirée au coin du feu dans la clairière. Heldadras avait remis sa récompense à Enola, c’était une énorme boite de chocolat qui aurait pu nourrir la tablée entière pendant une semaine. Tout le monde était allé dans sa chambre pour se changer et se reposer un peu mais Mysteria et Heldadras retinrent Enola dans la grande salle.

- En vérité ce n’est pas le seul cadeau que nous devions offrir aux gagnants mais au vu de la situation il aurait été bizarre de t’offrir notre cadeau devant tout le monde. Lança tout bas Laurent en regardant la jeune fille avec tendresse.
- Oui, vue qu’officiellement Agatha ne joue pas à WOW les autres n’auraient pas compris. Ajouta Christelle avec un sourire complice.

Ils lui tendirent une grande boîte rectangulaire joliment emballée dans du papier cadeau. Elle l’ouvrit précautionneusement et retint son souffle. Dans la boite, il y avait un magnifique tabard vert forêt, dont les rebords couleur or contrastaient avec la teinte émeraude du tissu. Au centre du tabard était brodé de fil d’or un magnifique saule pleureur surplombant un lettrage fin et délicat: Ishura Mandalas, les gardiens du bosquet.
C’était le tabard de leur guilde, le symbole fictif de son appartenance à ce groupe qu’elle aimait tant. Elle leva ses yeux remplis de larmes et vit le regard embué de Christelle.

- On est très content que ce soit toi qui l’ait, c’est très symbolique. Tu sais Enola, pour nous cette guilde c’est comme notre famille. C’est idiot mais c’est comme ça. Toi tu es la fille qu’on aurait toujours voulu avoir. Bien entendu, on refuse que tu passes ta vie dans un monde fictif et que tu passes à côté de la vie réelle. Nous sommes persuadés que bientôt tu nous quitteras pour prendre ton envol pour la vie. Ce tabard, c’est pour te rappeler que tu as des amis virtuels qui t’apprécient et qui seront là pour toi si tu as besoin d’eux dans la vraie vie. Souffla Heldadras avec émotion.
- Il faut juste que tu te fasses confiance et que tu fasses confiance aux gens qui t’entourent.

Enola essuya une larme qui avait coulé sur sa joue. C’était la première fois dans cette maison qu’elle se sentait vraiment elle même et à sa place. Elle enlaça ses deux amis et les remercia sincèrement pour tout ce qu’ils avaient fait. Mysteria l’envoya se changer car elle grelottait de froid et lui donna de quoi nettoyer ses égratignures. Elle retourna dans sa chambre et fut à la fois surprise et soulagée de n’y trouver personne. Elle s’écroula sur le lit sans prendre la peine de changer ses vêtements et s’endormit en un clin d’oeil.

***



Chapitre 9 et 10
Dernière modification par Pimfresh le mer. 13 mai, 2020 8:03 pm, modifié 1 fois.
Shirla

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Shirla »

j'ai adoré, il me faut vite la suiteeee
Tifennjh

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Re: Avec toi - Chapitre 1 à 8 [young adult/Romance]

Message par Tifennjh »

C'est vraiment trop super génial !! vite, la suite !
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