Les personnes à bord de l’hovercraft s’affairent dans la cabine de contrôle. Notre destination est proche. Aucune fenêtre n’est à ma portée, je ne peux pas voir les contours de la Capitale se dessiner, je ne peux pas voir non plus les citoyens qui doivent sauter dans tous les sens en dessous de nous.
Une turbulence. Plus rien.
- Vous êtes arrivés à destinations ! Dit le pilote en faisant descendre la porte de l’hovercraft.
Je me lève, suivie de Lum, et toutes deux, nous aidons Peter à se mettre sur ses jambes. Nous sortons de l’hovercraft doucement, acclamés par la foule de badauds qui nous attend depuis des heures, voire peut-être même des jours. J’avance le plus vite possible, ne regardant rien d’autre que le sol de goudron qui s’offre sous mes pied. L’air frais et apaisant qui s’offre à nous me fait du bien. Cela fait deux semaines que je respire de l’air artificiel, dans un lieu artificiel créé par les juges. Aujourd’hui, enfin, je peux respirer vraiment. Peter boite à côté de moi, je vois que c’est difficile pour lui de marcher. Son corps ne le soutient pas, ou en tout cas, pas longtemps. Lorsque nous arrivons à l’orée d’une porte en verre, il s’effondre au sol. Des cris s’élèvent à droite, à gauche, les gens s’éloignent soudain de nous. Je m’assois à côté de mon acolyte, essayant tant bien que mal de le relever. J’accumule les essais et les défaites. Même avec l’aide de Lum, je n’y arrive pas.
Soudain, je vois les deux battants de la porte s’ouvrir à la volée, puis des jambes se précipiter vers nous. Je redresse ma tête et découvre Jeso, un brancard à côté de lui. Il nous aide à mettre Peter dessus, puis des brancardiers viennent le chercher et l’emmener loin de moi. Je veux le suivre, je veux partir avec lui. Mais des Détorinateurs m’en empêchent, ils me retiennent à l’opposé de Peter. A bout de force, épuisée par les jeux que je viens de quitter, je m’évanouis...
J’ouvre les yeux péniblement sur un visage. Des cheveux blonds au carré encadrent un visage trentenaire, un visage à moitié mangé par une barbe dure, une barbe de trois semaines. C’est Jeso.
- Où est Peter ? Je demande en me redressant brusquement.
- Oh, oh, oh ! Calme-toi Jo, tout va bien. D’accord ?
- Tout va bien ? Vous plaisantez j’espère ! Je vous rappelle que j’ai été enfermée dans une arène et forcée a tuer pendant deux semaines et dès que je reviens on m’enlève Peter, on l’emmène loin de moi ! Et vous me dites que tout va bien !
- Peter à subis une grave blessure à la jambe pendant les Death Games.
- Je sais, c’est moi qui étais avec lui. Dis-je faiblement.
- C’est une blessure très profonde et sérieuse. Les médecins du Farintole l’ont emmené aux urgences. Il est en pleine opération.
- Qu’est-ce qu’ils lui font ?
- Ils vont essayer de recoudre mais si la plaie est bien trop importante, ils seront obligés de...
- De quoi ? Lui demandais-je, affolée.
- De l’amputer. Dit Jeso en un souffle court.
- Qu... quoi ? Il faut absolument qu’ils arrivent à recoudre. Ils lui ont demandé son accord au moins ?
- Non... ils n’ont pas pu. Peter était dans un état second.
Je respire un grand bol d’air et ferme les yeux. Mais quand je les ouvre, c’est sur un électrocardiogramme que je les pose. Puis je suis un fil transparent qui vient d’une brique transparente remplie d’eau et arrive sous mon nez. Je regarde ma main gauche immédiatement et y vois une perfusion.
- Jeso ? Demandais-je très doucement.
- Tu es sous oxygène depuis ton arrivée. Les médecins ont trouvé que tu avais un taux trop faible, à 90 % au lieu de 100 %. Le taux minimum est censé être de 94 %...
Un bip sonore le coupe en pleine explication. Je tourne ma tête sur le coussin et regarde l’électrocardiogramme. C’est ma fréquence cardiaque qui s’est accélérée.
- Reste calme, Jo. Normalement, la fréquence cardiaque maximale est de 40.
- Et minimale ?
- De 13.
- Qu’est-ce que j’ai ? Je demande, inquiète.
- Les médecins ont diagnostiqué un pneumothorax complet. C’est un décollement de ton poumon droit sur toute la longueur. Ils vont être obligés de te poser un drain dans la journée.
- C’est grave ?
- C’est quelque chose qui se guérit ! Répond-il avec un sourire aux lèvres.
- Ce drain, il sert à quoi ?
- A aspirer l’air entre ton poumon et ta cage thoracique.
- Je pourrais rentrer chez moi ?
- Bien sûr... Ils vont t’opérer aujourd’hui et demain il y a l’interview. Ensuite, tu rentreras chez toi. Avec Peter.
- Merci. Je lui prend la main et lui souris. Et comment va Lum ?
- Très bien, elle avait une côte fêlée mais elle va beaucoup mieux désormais.
Je détourne le visage. Nous sommes trois vainqueurs blessés... D’abord Peter et son amputation, ensuite Lum et sa fêlure et maintenant moi avec un pneumothorax. Nous ne sommes pas sortis des jeux indemnes ! Quand nous assistions aux victoires, chaque année, on ne voit que ce que le Farintole nous montre : les jeux, la victoire, l’interview. On ne voit pas l’arrière de la médaille, tout ce qui se passe réellement. Quand nous sommes devant la caméra, nous faisons du cinéma, mais dès que nous sommes seuls, nous sommes meurtris.
- Je dois te laisser. Dit Jeso. Mais je te promets de revenir dès que je peux.
Il se lève et sort de la chambre d’hôpital dans laquelle je suis. Je ferme les yeux, bien décidé à enfin me reposer.
Quand je me réveille, je ne suis plus dans ma chambre d’hôpital. Je suis dans une autre pièce, encadrée par des rideaux fins et blancs. J’arrive à voir deux autres lits autour de moi. L’un a ma droite, l’autre à ma gauche. Je suis trop faible pour me lever ou même me redresser.
- Fille des eaux ! Prononce Vinna avec soulagement en s’asseyant sur le lit.
- Vinna !
Je la prend dans mes bras, ne pouvant attendre plus longtemps.
- Je savais que tu y arriverais... Souffle-t-elle.
- Merci d’avoir cru en moi.
- Tu veux voir Peter ? Me demande-t-elle.
J’acquisse d’un signe de tête discret. Elle fait glisser le rideau sur ma droite et je vois Peter, allongé dans un lit semblable au mien. Il n’a pas les yeux clos, il observe le plafond.
- Jo ? Demande-t-il en tournant son visage vers moi. Comment vas-tu ?
- Ce n’est pas important... Toi, comment tu vas ?
- Je... Commence-t-il en regardant sa jambe.
Je me redresse un peu sur mon coude et ne vois qu’un pied et une jambe sous la couverture. Où est l’autre ? Ils ont donc vraiment décidé de l’amputer ?
- C’était la seule et unique solution. Dit-il avec une grimace. Pas jolie, hein ?
- Peter...
Encore sous le choc, je n’arrive pas à trouver les mots qui pourraient le réconforter. Je me dis finalement que les mots qui auraient pu le faire n’existe pas. Que ce ne sont pas des mots. Qu’en réalité, il suffit d’un regard entre nous pour qu’il comprenne.
- Comment tu vas ? Répète-t-il.
- J’ai le poumon droit décollé... mais disons que c’est quelque chose qui peut s’arranger.
- Tu as subis une intervention cet après-midi. M’explique Vinna. Les médecins ont évacués 420 mL d’air ! Ils t’ont fait une radio et ton poumon s’est complètement recollé. En revanche, tu ne pourras pas faire de sport, pas de plongée, de course, d’effort, pendant encore deux mois. Après ça, ils te referont une radio et si tout va toujours bien, tu pourras reprendre tes activités.
- 420 mL d’air ? Je répète, incrédule. Ça fait beaucoup !
- C’est pour ça qu’ils t’ont opérés. Ils ne voulaient pas que tu aies une trop grande gêne respiratoire. En tout cas, tu devrais pouvoir te lever demain normalement !
Ma styliste se lève et nous laisse tous les deux. Il ne fait pas encore nuit mais nous avons tous les deux besoins de sommeil. Après ce que nous avons vécu ensemble dans cette arène, le repos se présente comme un ami. Je tend le bras vers lui et entrelace mes doigts entre les siens. Il me regarde et sourit faiblement. Puis nous nous endormons.
***
La fin du premier tome est proche ! (l’écriture est déjà complètement terminée…)