Bon, je me permets de répondre, parce que je suis aussi consterné (mais par ce genre de rhétorique).
DeadlySin a écrit :
Je suis consternée par cette pratique d’autant plus quand je la vois autant pratiquée par des « amoureux » de la lecture.
Au bout d’un moment, il va falloir comprendre que c’est du vol peu importe les « bonnes » raisons que vous avez. C’est illégal et néfaste pour tout le secteur du livre.
Ce n'est pas du vol, ça a déjà été établi plus haut. Voler, c'est prendre quelque chose qui va manquer à quelqu'un. Un manque à gagner n'est pas du vol. Un "pirate" a le même impact sur l'argent perçu par l'auteur que, juste, un type qui n'achète pas le bouquin parce qu'il a pas envie de le lire.
Et que ce soit légal ou pas n'est pas la question : on parle ici de moralité, pas de légalité.
DeadlySin a écrit :
En téléchargent illégalement :
- Vous ne rémunérez pas l’auteur qui a du bosser sur son livre au moins une bonne centaine d’heures. Qui en dehors du travail intellectuel si on veut être vraiment pratique, c’est de l’électricité pour l’ordinateur ou de l’encre et du papier, c’est des impressions pour se relire et c’est surtout du temps où il ne fait pas un autre travail rémunérateur ! C’est un choix de carrière. Serait-il normal d’aller au restaurant pour manger gratuitement ? Serait-il normal d’aller voir un psychologue sans le payer ? Alors pourquoi, pour les artistes au sens large (vu qu’on a aussi ça dans le domaine de la musique), on se trouve des excuses pour ne pas payer la personne ? Pourquoi eux n’auraient-ils pas droit à être traités comme les autres travailleurs ? Leur travail aurait-il moins de valeur à vos yeux ? Le plaisir que vous apporte ces livres ne mérite-il pas quelque chose en échange ?
Encore des comparaisons trompeuses pour rapprocher ça du vol. Je le répète : pirater ne lèse PAS l'artiste autrement que par un manque à gagner. C'est la magie du numérique. Si tu veux prendre des exemples, prend des exemples dans le numérique.
DeadlySin a écrit :
- Vous ne rémunérez pas une maison d’édition qui a dû investir dans la promotion du livre et qui a fait du travail d’éditage. Il y a des personnes qui gagnent leur vie ainsi au même titre que les auteurs. Eux aussi sont impactés et que l’on vienne pas après se plaindre de la qualité des livres car c’est un cercle vicieux. Moins on paye pour des livres et moins ils ont de l’argent pour investir dans un travail de qualité. Si vous aimez ne serait-ce qu’avoir de « belles » éditions avec des illustrations et de jolies couvertures, vous seriez sensibles à cet argument.
Je pense que tu as une image très idéalisée des maisons d'éditions. Les grandes familles des siècles passés qui ont monté des maisons, le copinage, la logique de rentabilité, la rémunération des auteurs... bref c'est tout autant d'eau au moulin du débat qu'on peut avoir sur l'édition. Mais c'est pas le sujet. En tout cas je vais pas les plaindre, c'est sûr. Mais effectivement, avec des "belles" édition etc je m'en fous un peu ; ce qui m'importe dans un livre c'est son contenu. Donc je ne suis pas sensible à l'argument mais j’admets que d'autres puissent l'être.
DeadlySin a écrit :
- Vous ne rémunérez pas l’éventuel intermédiaire comme le libraire alors que les librairies sont en train de fermées. Leur nombre est en diminution et on pleure de ne plus en trouver mais forcément si tout le monde télécharge et n’achète plus, comment voulez-vous qu’ils maintiennent leur commerce à flot ? Comment voulez-vous qu’ils rémunèrent d’éventuels vendeurs pour les aider ?
Alors... il ne faut pas se tromper de cible et accuser l'individu, comme beaucoup le font dans d'autres domaines. Amazon est le premier coupable (et, sans vouloir balancer, Booknode renvoie aussi vers les librairies dématérialisées). Encore une fois, je suis sidéré par la rhétorique du "Mais donnez leur de l'argent aux marchands ! Sinon ils vont disparaître !". Oui enfin ce sont des marchands. Et l'argent on le pond pas. Mais bon, souvent ce genre d'argument est invoqué par ceux pour qui ce n'es pas un soucis, donc je comprends que le point de vue soit différent.
DeadlySin a écrit :
De même pour les plateformes légales de téléchargement. Ça a un coût de maintenance, il y a un informaticien derrière ce boulot.[/list]
- Vous n’encouragez pas le maintien et l’investissement dans des bibliothèques. Encore une fois, si vous faites le choix du téléchargement, c’est que vous faites le choix de ne pas emprunter dans les bibliothèques dont les chiffres de fréquentation sont en baisse. Alors parler d’accès à la culture pour tous pour « défendre » le piratage c’est vachement culotté car vous ne participez pas à faire vivre des lieux de culture.
Je rappelle qu'ici l'idée, en parlant d'accès à la culture, est de permettre l'accès à la culture pour ceux dont le budget ne permet par à la fois de vivre ET d'avoir une vie culturelle. Les biblios ont parfois des tarifs permettant des prix variables ou la gratuité ; dans ces cas là il n'y a absolument pas de frein à leur fréquentation, du coup le "si vous faites le choix du téléchargement, c’est que vous faites le choix de ne pas emprunter dans les bibliothèques" je sais pas d'où ça vient ni quelle réalité ça recouvre. Pourquoi ce serait incompatible ? Si le choix est fait il y a d'autres raisons ; le temps (aller à la bibli selon les gens est plus compliqué, concrètement) ou autre raisons personnelles, psy ou sociales (je connais des gens pas mal agoraphobes)..
DeadlySin a écrit :
Optez pour le téléchargement illégal, c’est participer à laisser un secteur dans lequel il n’est pas toujours aisé de gagner sa vie dans la galère. C’est aussi, plus vicieusement, encourager la quantité (parfois médiocre) à la qualité qui elle demande du temps.
Alors, justement, c'est une des raisons pour lesquelles je défends le livre numérique (ebooks) parfois face à des gens "100% papier" qui parlent en substance de déchéance de la civilisation. Pour moi ton argument s'applique surtout à cela, en fait.
Le livre numérique permet à beaucoup plus d'écrivains de publier (en ligne) sans avoir à se soumettre au rapport de force dégradant et humiliant de l'édition. Je force le trait certes, mais c'est voulu. Quand, en tant qu'auteur, tu t'aperçois que le contenu de ton œuvre (sans quoi il n'y aurait RIEN) est évalué à 10% de son prix pour le papier, tu te dis que oui, le numérique recentre du coup un peu le débat. C'est cela, l'existence de cet échappatoire par le numérique, qui permet à la quantité d'exister, et moi je trouve ça bien. La qualité ne demande pas du temps, elle demande de l'ARGENT. Argent pour payer un correcteur, etc. Les auteurs auto-édités en savent quelque chose.
Dans tout ça, le piratage ne privilégie pas l'un ou l'autre. Je publie mes histoires en licence libre (cc), est-ce que pour autant je lèse le secteur littéraire en proposant une offre gratuite ? Sûrement, de façon infime, pour ceux qui ont du succès et ont commencé comme ça. Est-ce que c'est mal ? Pas de mon point de vue.
Quant à gagner sa vie par l'écriture, là encore on peut débattre, mais pour moi s'y lancer avec ça en tête c'est idiot, et en général les auteurs "piratables" sont déjà bien implantés (car il faut une certaine popularité pour que le piratage puisse être considéré comme impactant le manque à gagner ; un "petit" auteur qui cherche à se rémunérer et qui se plaint du piratage de façon personnelle je trouve ça... enfin c'est erroné, comme raisonnement).
DeadlySin a écrit :
Pour ce qui est des excuses, elles me sont incompréhensibles.
« Je n’ai pas les moyens d’acheter autant de livres ». Alors déjà, c’est très gentils pour toutes ces autres personnes qui ne sont pas dument payées. Elles doivent très bien comprendre ce que c’est que de manquer d’argent. Et puis qui vous force à consommer autant de livres qui vous mettrait autant dans des difficultés d’argent ? Alors qu’il existe des bibliothèques où emprunter vos livres, qu’il existe des actions et des promotions, que vous pouvez encore vous les prêter, attendre que le livre sorte en format poche ou le demander comme cadeau d’anniversaire ou de Noël ! Je vous le demande : Quel est la valeur à vos yeux d’un livre ? De la lecture dans son ensemble ? Pour moi, il y a là un symptôme du phénomène de surconsommation. Il en faut toujours plus ! On télécharge 20/30 livres pour en avoir pour plus tard. On en lit un peu mais on continue d’en télécharger pour encore plus tard. On se retrouve avec une centaine à lire. Et quel est leur valeur à tous ces livres au final ? Rien ? Ils vous distraient, ils vous occupent, ils vous font rêver mais vous ne leur donnez aucune valeur vu que vous n’acceptez pas de payer pour eux.
"Alors déjà, c’est très gentils pour toutes ces autres personnes qui ne sont pas dument payées. Elles doivent très bien comprendre ce que c’est que de manquer d’argent" => Je te trouve plutôt irrespectueuse pour le coup (c'est un euphémisme). Mais soit. Encore une fois je perçois une vision assez romancée/idéalisée des sujets.
Prêter, emprunter, etc ; en terme de manque à gagner, même impact pour l'auteur que ne pas acheter le livre. En gros désolé mais tout en revient là : si on donne pas l'argent à l'auteur (et ses intermédiaires), il ne le perçoit pas. Donc toute pratique, légale ou pas, consistant à partager ou profiter de telle ou telle offre, c'est pareil, concrètement. Donc si tu veux parler légalité, parle légalité sans parler des questions concrètes, et si tu parles moralité alors évite de comparer la misère.
Le problème de surconsommation existe même pour les gens qui achètent tous leurs livres ; je suis sûr que beaucoup de lecteurs sur Booknode pourraient l’attester. En tout cas mes amis IRL le peuvent. C'est un soucis global, et là tu dis que, en gros, si on a pas d'argent, la surconsommation c'est mal, et si on en a, ça va.
Donc tu ne remets pas en cause la surconsommation en fait, mais juste le comportement des pauvres, qu piratent et téléchargent. Parce que si on achète des livres par dizaines en se formant des PAL de folie, ça va, on a payé donc c'est bon. Mouais.
DeadlySin a écrit :
« Je ne sais pas si le livre peut me plaire, je veux juste le tester » ou « J’achète quand même ceux que je préfère alors c’est pas encore trop grave ». Ainsi donc un même travail n’a pas la même valeur à vos yeux. Trouveriez-vous normal d’être moins payer pour un même travail que votre collègue parce que votre patron trouve que votre collègue travaille légèrement mieux que vous ? Et elle est où la ligne ? Ce livre vous l’avez beaucoup aimé mais vu que ce n’est pas un coup de cœur vous n’allez pas l’acheter. Ou pire encore, la couverture est tellement laide que vous n’avez pas envie de la voir dans votre bibliothèque alors que vous avez adoré le livre ! Comment arrivez-vous à justifier que vous n’allez pas payer un travail que vous avez trouvé qualitatif et qui a pu vous plaire ? Et même, vous n’avez pas aimé le livre, il n’empêche que l’auteur, l’éditeur et l’illustrateur... ils ont tous bossé pour que ce livre existe et vous voudriez qu’ils aient bossé pour rien, pour du vent alors que vous avez « profité » du fruit de leur travail ?
Est-ce que tu es en train de dire qu'en fait on devrait se sentir coupable de pas acheter TOUS les livres qu'on voit ?
Un livre piraté dont je lis un quart et abandonne, non, j'en ai pas "profité", en fait je l'ai même commencé uniquement parce que je l'ai piraté, sinon je l'aurais jamais lu (et omg ! L'auteur n'aurait donc rien touché non plus !)
La ligne, est est encore une fois dans la notion du manque à gagner. La comparaison avec le travailleur est erronée, encore, parce que nos forces de travail s'additionnent et produisent plus, et l'employeur n'a pas a choisir. Ça n'a rien à voir. Du tout. Le travail des auteurs a la même valeur, mais les goûts sont différents pour le lecteur. Par exemple, tiens : il y a quelques années j'ai testé un bouquin d'urban fantasy que j'aurais JAMAIS acheté. C'était pour élargir mon horizon littéraire, mais je savais que ça risquait fort de me déplaire, je l'ai lu uniquement parce que je pouvais le pirater. Si je ne l'avais pas piraté, je l'aurais juste jamais lu. Du point de vue de l'auteur donc, idem : il ne touche pas ma part de l'achat dans les deux cas. Quelle différence pour lui donc ? Aucune. Donc le piratage pour "tester" est un argument qui se tient.
DeadlySin a écrit :
« Je ne veux pas participer à un secteur que je trouve nocif pour les auteurs ». Parce qu’en ne les payant pas du tout, ce serait mieux que de les payer de la misère ? Vous pensez que ça va encourager les « mauvais » éditeurs à mieux les rémunérer ? Au contraire, vous renforcez leur position. Les livres se vendent pas alors pourquoi donc augmenter les auteurs ? Si réellement vous souhaitez faire changer les autres, investissez dans les petites maisons d’édition plus équitables, les livres autoédités... Montrez que sous cette forme, les livres se vendent.
Je suis plutôt d'accord dans le sens où ce n'est pas un argument pour le piratage. En revanche, c'est un argument pour le boycott. Du coup, on en revient au manque à gagner, idem, ça lèse l'auteur, du coup je m'attends à ce que tu dises qu'il faut acheter TOUS les livres pour soutenir les auteurs.
Mais je suis d'accord, il faut acheter aux petites maisons d'édition ou des livres auto-édités... si le livre vous plaît.
Ah et encourager les éditeurs à augmenter la marge des auteurs, c'est une logique de m*rde, c'est pas comme ça qu'on construit une justice sociale (comme dire que les patrons augmenteront leurs employés si la boite fait du fric, haha). Mais bon.
DeadlySin a écrit :
« Je ne veux pas rémunérer un auteur que je trouve problématique » ou « Pas grave cet auteur est déjà riche, un peu d’argent en moins ne lui fera pas de mal ». Encore une fois, il n’y a pas que l’auteur qui peut pâtir de cette pratique. Il y a d’autres personnes dans la chaine de vente qui gagnent leur vie par la vente de livres. Et c’est tout un secteur qui en souffre. Quand vous n’achetez pas, ça fait des statistiques en moins ! Ça donne l’impression que le livre (en particulier et en général) vend moins.
J'imagine donc que ta critique va aussi sur le livre numérique, qui ne rémunère pas tous les acteurs du livre papier et donc les lèse pareillement. Défendre le status quo sous prétexte que "ça fonctionne comme ça", c'est pas forcément un bonne chose ; on peut aussi critiquer cette façon de fonctionner ; pourquoi le libraire devrait avoir une telle marge par exemple ? Mais là on parle du système.
Si on parle de l'auteur, je suis d'accord pour un autre raison : ne pas vouloir le rémunérer, le trouver problématique, mais lire son livre, je trouve ça un peu hypocrite. S'il est déjà riche par contre, les autres acteurs se sont fait les c... en or bien plus que lui sur son dos, tu peux être sûre. Donc ça va quoi, côté culpabilisation.
DeadlySin a écrit :
Vous rendez-vous compte de la chance que vous avez de vous être amouraché de la lecture au lieu de l’équitation ou du ski ?
Encore des exemples qui me font penser que la question financière doit pas être trop un soucis pour certains.
DeadlySin a écrit :
C'est de l’égoïsme a l'état pur que ne pas vouloir faire preuve de patience, de ne pas attendre pour pouvoir acheter un livre pour rendre à l'auteur un équivalent de ce qu'il nous apporte. La reconnaissance, l'admiration et la visibilité, c'est pas ça qui nourrit les gens.
Parler d'égoïsme en disant cela c'est presque indécent. "Les pauvres, attendez ! Si vous avez de l'argent par contre bah vous avez pas besoin, la culture est à vos pieds". C'est là toute la question du piratage, en fait ; l'accès à la culture. Tu justifies donc que ceux qui n'ont pas les moyens n'ont pas le même accès et qu'il est juste qu'ils ne l'aient pas. Ok.
DeadlySin a écrit :
Et la comparaison entre téléchargement illégal et emprunt à la bibliothèque/achat seconde main/prêt entre amis est absurde. Un livre physique qui passe entre différentes mains ne rapportent certes pas d’argent à l’auteur, à l’éditeur, au vendeur initial... mais ça reste une copie et une seule qui transite. Le téléchargement illégal n’a pas cette limite, c’est autant de copies démultipliées qui ne rapportent absolument rien et qui n'existent pas dans les statistiques.
Et pourtant, le plaisir est là... donc la comparaison fonctionne. J'ai pas le temps de finir et je vais pas encore revenir sur ma réponse, elle a trop duré. Je renvoie encore une fois à la question concrète du manque à gagner, de ce qui lèse l'auteur, et de ce qui ne fait aucune différence.