Aaaaahvampiredelivres a écrit : ↑sam. 13 nov., 2021 10:46 am Je disais donc que la partie III est chill…
L'OUBLIÉE
(2/3)
Jacelynn était une vipère. Déjà, je trouve que le prénom est un prénom de vipère Une vipère qui n’était guère venimeuse, aussi peu versée dans l’art du combat que Kyara, mais qui avait quelques années de pratique de plus que la princesse. En l’affrontant, Kyara avait toujours l’impression que Jacelynn cherchait à la mordre, à la blesser, à l’étouffer… bref, à la faire disparaître. Et tous les coups semblaient permis pour arriver à ce but.
Cela ne dérangeait pas l’instructeur de combat pour autant. Au contraire, il aimait la vivacité de Jacelynn, son dynamisme, ses piques moqueuses et son humour grinçant. Il semblait même s’en inspirer, parfois, pour donner à Kyara davantage d’énergie. Et Kyara avait dû abandonner l’idée de lui expliquer qu’elle ne fonctionnait pas ainsi, parce qu’il ne l’entendait jamais de cette oreille.
— Plus vite, Avelke, plus vite… Ton jeu de jambes, tu vas te faire… Ah, trop tard.
Fauchée par un coup retors à l’arrière des genoux, Kyara mordit le sable et la poussière en grognant. Elle crachota, gémit, resta au sol quelques secondes. Jacelynn n’osait peut-être pas frapper trop fort, ou alors elle n’en était pas capable, mais en tout cas, elle était retorse. Et très mauvaise perdante.
— Alors, princesse ? ricana Jacelynn Tu n’as pas la forme, aujourd’hui !
— Elle est lente.
— Oui.
— Comme toi au début.
Kyara eut tout juste le temps de relever la tête pour voir la jeune femme blêmir. De quelques années son aînée, Jacelynn avait un port de tête trop altier, de grands yeux bruns et une mâchoire un peu trop large. Elle était vêtue des tenues qu’on leur avait fournies pour le combat, une chemise blanche à manches longues rentrée dans un pantalon bouffant et léger, serré à la taille par un cordon. Sinon, au quotidien, elle portait plutôt de longues robes couleur pastel, et elle appréciait particulièrement les mélanges de rose et de jaune sur ses jupons. Et Kyara détestait admettre le fait que ça lui allait bien. Elle savait ce qu’elle valait en tant que membre de la famille impériale plutôt proche – elle était après tout une cousine au deuxième degré d’Yngvar – mais elle en voulait toujours plus. Il se disait même parfois dans les couloirs qu’elle voulait le trône, mais elle était loin d’avoir une chance de l’obtenir. Et, pour cela, elle méprisait Kyara autant qu’Yngvar, si ce n’était davantage.
Pour une fois cependant, on aurait dit qu’elle s’était pris un coup dans les dents. Elle fusilla Arelkin du regard, et il lui rendit un sourire éclatant.
— Quoi ? La vérité te blesse, gente demoiselle ?
Pinçant les lèvres, Jacelynn finit par ravaler sa colère envers l’entraîneur… pour plutôt la déverser sur Kyara.
— Allez, debout ! On ne va pas rêvasser toute la journée, non ?
La princesse tendit la main vers son épée en bois, se redressa péniblement. Cela faisait une lune et demie qu’elle supportait les cours d’Arelkin, et au début, tant qu’il n’y avait eu qu’eux deux, cela s’était très bien passé. Même si elle ne faisait pas des progrès fulgurants, elle apprenait, ses gestes se précisaient, sa peur s’évanouissait. Mais, un jour, sur une idée lumineusement désespérante, le maître d’armes avait décidé qu’il fallait à Kyara quelqu’un de son niveau pour éviter qu’elle ne se sente surclassée en permanence. Et de toutes les personnes qui séjournaient à la Cour, il avait choisi la cousine d’Yngvar. Une vipère aigrie par son harpie de mère et ses harpies de tantes et sa harpie de grand-mère. J'aime beaucoup cette dernière phrase
Kyara se secoua, essuya son front trempé de sueur, et chargea avec un hurlement de fureur. L’une des rares choses qui étaient positives avec la verve et l’expressivité de Jacelynn, c’était que Kyara ne mettait guère longtemps à se mettre en colère, et leurs affrontements étaient un excellent moyen d’extérioriser cette rage. Pour frapper, Kyara avait suivi les conseils d’Arelkin, elle puisait profondément dans cette colère lointaine qui la hantait encore parfois, l’obligeait à ressortir, la redirigeait vers son adversaire. Parce que, de toute manière, Jacelynn n’hésitait pas à frapper quand elle le pouvait.
Elles échangèrent une série de passes brutales, et, cette fois-ci, Kyara pensa à ses jambes, et elle esquiva un coup semblable à celui qui l’avait mise à terre quelques instants plus tôt. Ravie, elle asséna un revers de son épée, mais l’autre para, poussa, et faillit bien la renverser d’un coup de pied dans la cheville. Kyara vacilla, répliqua par réflexe, et l’attaque qu’elle porta à son adversaire l’étala par terre comme une chiffe molle.
Dans les gradins, quelques soldats crièrent et applaudirent. Les combats réguliers de Kyara et Jacelynn étaient devenus un petit spectacle privé pour la garde du palais et les hommes des Bataillons, qui venaient souvent les voir. La princesse se doutait bien que, pour eux, c’était comme voir deux chatons s’affronter en prétendant être des lions de montagne, mais elle pouvait comprendre l’attrait du spectacle de deux des plus nobles femmes de la Cour qui se jetaient l’une sur l’autre comme des sauvages. Je serais allée voir aussi
En repérant Uma dans les gradins, Kyara lui adressa un signe de la main, auquel la soldate répondit avec un grand sourire. Peu désireuse de blesser Kyara, Uma avait chargé Arelkin de l’entraîner, en précisant que, au palais, il n’y avait certainement pas meilleur que lui pour transmettre ses connaissances. Au début, Kyara avait été sceptique, mais en constatant les changements progressifs, elle ne pouvait qu’être reconnaissante à son amie pour lui avoir trouvé cet homme. D’après lui, aujourd’hui, elle ne tenait plus son épée comme si c’était une brindille, et elle commençait même à toucher occasionnellement une cible à trois toises d’elle avec un arc. C’était un net progrès par rapport au fait que, au départ, elle n’était même pas capable de bander l’arc correctement.
Absorbée dans ses pensées, elle en avait oublié Jacelynn, mais le violent coup dans le dos qu’elle reçut la ramena bien vite à la réalité. Elle pivota, sonnée, juste à temps pour se prendre un revers dans l’épaule. Défigurée par la rage, la cousine d’Yngvar était comme possédée. Elle frappait aveuglément, et bientôt, malgré toutes ses tentatives pour parer, Kyara fut submergée. Elle encaissa une violente botte dans les côtes, une autre taillade dans la jambe, ouvrit sa défense contre une feinte et se prit un brutal revers de pommeau dans l’abdomen. Le heurt la laissa étourdie, lui coupa le souffle, et elle sentit le goût métallique et amer du sang dans sa bouche. Elle s’effondra.
— Arelkin !
La voix d’Uma déchira la salle. Kyara battit des paupières, les oreilles bourdonnantes, incapable de faire un geste. La coupole de la salle d’entraînement donnait sur un ciel gris, chargé de nuages d’orage. Une contraction dans son bas-ventre, contrecoup du choc qu’elle avait subi, lui voila la vue quelques instants. Quand elle rouvrit les yeux sur le monde, on l’avait légèrement redressée. Elle vit Jacelynn qui se tenait la mâchoire, Arelkin qui lui parlait à voix basse, plus furieux que Kyara ne l’avait jamais vu. Et surtout, elle vit les cheveux courts d’Uma au-dessus d’elle, sa voix douce qui lui murmurait des mots rassurants. Elle serra la main chaude qui s’était glissée dans la sienne, et le visage d’Uma s’éclaira de soulagement.
— Sortez-la d’ici avant que je ne l’assomme, siffla-t-elle néanmoins.
— Comment oses-tu ?! s’insurgea Jacelynn.
Cette fois-ci, Kyara vit clairement Arelkin lever la main sur la jeune femme. Le choc, puis la douleur et les larmes dans les yeux de la cousine d’Yngvar lui parurent bien pâles. Elle savait que Jacelynn s’était emportée. Elle savait qu’elle avait subi un accès de colère, plus féroce qu’elle n’aurait jamais osé lui infliger en retour. Elle savait qu’elle n’était pas en tort elle-même.
Alors elle ferma les yeux, et ne les rouvrit que quand les soldats la sortirent de la salle en la soutenant sous les épaules pour la ramener dans sa suite. Ils l’allongèrent sur son lit, appelèrent un médecin, et Uma et trois autres hommes restèrent à son côté tandis que la femme l’auscultait. Des hématomes commençaient déjà à fleurir sur ses bras, ses épaules et sa poitrine, mais le plus douloureux restait les contractions, qui durant le trajet jusqu’à la chambre s’étaient faites plus fréquentes. Ouuuh smells like
utérus occupé
veuillez repasser dans 9 mois
Dans les brumes du choc qu’elle subissait encore, Kyara vit le froncement sourcils soucieux de la soigneuse, puis sa surprise alors qu’elle palpait doucement son ventre.
— Appelez l’Impératrice, souffla-t-elle d’une voix blanche.
L’un des soldats détala sans poser de questions, pressé par l’urgence dans le ton de la femme. Celle-ci prit doucement la main de Kyara, lui fit respirer des sels pour la ramener à la réalité, et Kyara battit des paupières, l’esprit éclairci.
— Avelke Sen, je vais essayer d’être aussi factuelle que possible en annonçant ceci.
Une contraction, plus forte que les précédentes, fit gémir la princesse, mais elle riva son regard dans les yeux verts pourquoi je vois un écho à LCDS de la femme.
— Je pense que tu es enceinte. Et de plusieurs lunes.
— Comment ça ?
Uma s’était raidie, stupéfaite. Kyara, elle, n’était pas certaine d’avoir entendu correctement. Enceinte ? Mais elle avait fini de saigner quelques jours plus tôt…
— Il existe une condition rare, très rare même, où l’enfant ne se développe pas correctement dans le ventre de sa mère.
Elle enfonça délicatement un doigt dans le ventre de Kyara et, là où, en principe, elle aurait dû ne pas rencontrer de résistance, Kyara sentit quelque chose. Puis, elle perçut un mouvement. En elle. Elle blêmit.
— On a tendance à associer cette condition à des grossesses résultat d’évènements…
Le médecin chercha ses mots, mais ne parut pas trouver mieux que ce qu’elle avait.
— … traumatiques, on va dire, et le corps de la mère l’oblige à rester caché. Il peut arriver que les saignements lunaires continuent, que le ventre ne grandisse que très peu, que la mère ne se rende pas compte qu’elle est enceinte. En général, elle le réalise vers la sixième ou septième lune de grossesse, mais dans ton cas, Avelke Sen, je crois que tu n’étais plus qu’à quelques décades du terme. Et je crains que le choc n’ait précipité l’accouchement.
AH OUAIS PAR CONTRE JE PENSAIS PAS QU'ON EN ETAIT LA.
OSKUR
ALED
PAUVRE KYARA
Nan mais vraiment Lokinette je sais même plus quoi dire
Entre les fausses couches et les grossesses terribles d'Eliane, voilà le bon gros déni de grossesse
Décidément, la grossesse et la naissance dans tes histoires, c'est savage
Sous le choc, Kyara laissa retomber sa tête contre le coussin, et ferma les yeux. Elle devait rêver. Elle était certaine de rêver. Ce n’était pas possible autrement.
Quelques minutes plus tard, l’Impératrice déboula dans la pièce et, sous ses traits froids et composés habituels transparaissaient une frénésie et une anxiété que Kyara ne lui avait jamais vues. La soigneuse se planta avec elle près de la fenêtre, la mit au courant en quelques mots, et, même si le soulagement de l’Impératrice fut perceptible, une certaine inquiétude persista dans son attitude.
En renversant la tête en arrière, sourde aux paroles rassurantes et encourageantes de son médecin, la princesse songea à sa mère. Sa mère, qui n’avait quasiment jamais été là pour elle, qui l’avait laissée aux mains de serviteurs et de précepteurs. Elle se demanda si elle avait un jour su combien de peine et de solitude elle lui avait infligé. Elle se demanda si Mara d’Eau, cette femme qui avait accouché d’elle, aurait voulu être là pour le premier et improbable accouchement de sa fille. Elle se demanda si elle avait un jour importé suffisamment à sa mère pour que celle-ci veuille prendre le temps de la connaître, de l’aimer, de s’occuper d’elle dans un moment comme celui-ci.
Quand elle rouvrit les yeux, une main glacée s’était posée sur son épaule, et des yeux d’un azurin limpide, si pâles qu’ils paraissaient irréels, l’observaient. Elle n’écoutait toujours pas le bavardage intempestif de la soigneuse, mais les mots de l’Impératrice, froids et posés, et pourtant si sincères, tranchèrent dans les murs qu’elle s’était inconsciemment érigés.
— De quoi que tu aies besoin, Kyara, dis-le. Je suis là.
Elle ne répondit rien, mais sut intuitivement que, jusqu’à la fin de sa vie, elle n’oublierait pas les mots de cette femme qui avait pourtant détruit sa vie et son royaume. Parce qu'ils portaient promesse muette qu’elle pourrait l’aider à se reconstruire.
Les heures s’étaient dissolues dans les lents mouvements du soleil, puis dans ceux de la lune. Le travail fut laborieux et long, sans être pour autant aussi douloureux qu’elle ne l’aurait craint, mais suffisamment pour lui arracher des cris à chaque spasme. Et, durant ces heures d’incertitudes où l’horloge semblait s’être arrêtée, où les instants s’étiraient à l’infini, l’Impératrice, Uma et le médecin demeurèrent à ses côtés. Elles ne s’éloignèrent que pour aller respirer un peu d’air frais à la fenêtre, ou manger un morceau sur un plateau qu’on leur avait apporté. Kyara elle-même se leva une demi-douzaine de fois, mais la plupart du temps elle demeura amorphe sur son lit, n’attendant que la prochaine vague.
Et puis, finalement, on lui apporta une petite chose enveloppée de langes, rougeaude et un peu bleue par endroits, piaillant faiblement. Instinctivement, Kyara fit ce qu’elle avait vu des dizaines de servantes ou de femmes de la Cour faire : elle l’approcha de sa poitrine, et la petite chose se raccrocha à son sein.
— C’est une petite fille, murmura la soigneuse, l’air soulagé.
— Comment veux-tu l’appeler ? demanda Uma.
Kyara fronça les sourcils. À Helvethras, on ne nommait pas les enfants la première décade, car le risque qu’ils décèdent était trop important. Et cela lui paraissait d’autant plus logique dans le cas de sa fille puisqu’elle n’avait pas grandi correctement, logée à la verticale entre les côtes de sa mère au lieu d’être à l’horizontale dans son ventre. Pourtant, l’Impératrice lui adressa un petit hochement de tête encourageant.
— Et Yngvar ? Est-ce qu’il ne devrait pas…
— Yngvar ne rentrera pas avant au moins quatre jours.
Je sais pas si c'est pire qu'Yngvar ait pas été là ou pas. En soi, selon la temporalité et les dires du médecin, c'est au moment où il la violait non ? Franchement, pas sûre qu'elle veule le père de son enfant (non prévue à l'instant T puisque déni, issue d'un viol) à ses côtés à ce moment-là, où t'es en vulnérabilité et faiblesse extrêmes.
D'ailleurs, je me suis posé la question à ce propos y'a pa longtemps. Puisque Kyara et Yngvar étaient destinés à être mariés, pourquoi il lui a imposé des rapports sexuels avant qu'ils arrivent à Avalaën ? Est-ce que la nécessité d'un héritier était si urgente ? Autrement je vois pas de raison particulière et c'est ce qui fait que j'ai toujours ce morceau de haine contre lui, quoi qu'il se soit passé après x')
Ce n’était pas aussi loin qu’elle l’aurait cru… Mais c’était autant de temps passé avec dans ses bras une petite fille sans nom.
— Je connais les traditions d’Helvethras, ajouta l’Impératrice avec douceur. La naissance ne sera pas annoncée avant au moins une décade. Davantage si tu le souhaites.
Les rares personnes présentes dans la pièce hochèrent la tête gravement pour signifier leur vœu de silence.
— Amali, murmura Kyara. Je voudrais qu’elle s’appelle Amali.
Amali avait un duvet clair au sommet de la tête et des yeux d’un bleu foncé, comme presque tous les bébés apparemment. Leur couleur se préciserait dans les jours qui suivraient la naissance, lui avait-on dit. Kyara savait déjà que, en principe, elle aurait le violet brillant de la dynastie avalonienne. Elle avait aussi une peau bien plus foncée que le peuple de l’ouest, même si elle n’était pas non plus aussi sombre que celle de sa mère.
Mais surtout, elle était légère comme une plume.
Au début, Kyara ne s’en inquiéta pas, trop épuisée par la longue nuit et la journée qui avaient précédé. On cala des coussins dans son dos pour assurer son confort, et elle sombra dans un sommeil agité, occasionnellement réveillée par les pleurs de sa petite fille. Le médecin, l’Impératrice et Uma prirent congé durant son sommeil pour aller elles aussi se reposer, et on laissa ses femmes de chambre assurer sa garde et ses besoins.
Néanmoins, en émergeant de son sommeil, encore assommée par la torpeur, Kyara surprit les murmures des trois vieilles mégères, qui pour une fois paraissaient davantage inquiètes que méprisantes.
— Elle pleure si peu…
— Et elle mange si peu…
— Je vous assure qu’elle va finir par nous claquer entre les doigts !
Elles s’interrompirent en voyant Kyara se réveiller, et ne pipèrent plus un mot durant de longues heures. Mais leurs murmures de serpent avaient atteint la princesse, qui se mit à considérer avec davantage d’inquiétude la petite chose fragile dans ses bras. Elle bougeait peu. Elle dormait presque tout le temps. Et, plus l’heure avançait, plus la princesse se sentait épuisée, prise de frissons, glacée jusqu’aux os. Elle demanda de l’eau chaude, des couvertures supplémentaires, s’en enveloppa en couvrant au passage son bébé et en le serrant contre elle, et elle lui murmura doucement :
— Tiens bon ma chérie… tiens bon.
Des mots qui sonnaient davantage comme une supplique que comme un encouragement.
Arf, c'est clair que sans la médecine d'aujourd'hui... :vv Puis développée de façon pas "normale" elle est peut-être moins robuste qu'un bébé développé "normalement" :'c
Elle sombra dans une fièvre si brûlante et si destructrice que les femmes de chambre appelèrent à nouveau la soigneuse, qui lui donna à boire des herbes et des décoctions, et si les herbes apaisèrent quelque peu sa température, elles ne changèrent rien à son esprit cotonneux. Puis, l’Impératrice revint, un petit coffre dans les mains, et déposa sur le front, la poitrine et les épaules de Kyara et de sa fille des pierres colorées. Les femmes de chambre se tassèrent dans un coin de la pièce, terrifiées, quand elle commença à psalmodier dans une langue inconnue, appelant à une magie ancestrale qu’Avalaën avait depuis longtemps reniée.
Ses incantations finirent par chasser les brumes de l’esprit de Kyara, mais Amali dormait toujours. Et l’Impératrice, exténuée, ne put que souffler :
— Je ne peux pas lui donner la volonté de se battre…
Assommée par l’épuisement, Kyara entendit les mots juste avant de replonger dans le sommeil. Cette fois-ci, elle dormit comme une souche, et non par intermittence, transpirante de fièvre, comme elle l’avait fait jusque-là, mais elle rêva. Dans ses rêves chaotiques, sa fille, lovée dans les bras d’Yngvar, hurlait en tendant ses petites mains vers elle, mais elle la repoussait, s’en détournait, la chassait. Et les paroles du médecin résonnaient jusque dans ses os par-dessus les hurlements d’Amali.
— L’enfant ne se développe pas correctement. Le corps de la mère l’oblige à rester caché.
Elle l’avait repoussée. Elle l’avait rejetée. omg, je veux pas qu'elle se sente coupable, mais en même temps c'est normal qu'elle ressente ça
Kyara avait dû grandir avec une mère qui ne voulait pas vraiment d’elle. Elle connaissait la fatigue que l’on éprouvait quand on se battait pour une cause perdue d’avance, elle s’était résignée à abandonner l’idée que sa mère lui accorde un jour suffisamment d’attention. Elle comprenait l’envie de capituler, l’énergie que cela requérait de se battre.
Mais pourquoi Amali aurait-elle voulu se battre pour l’amour d’une mère qui ne lui avait même pas permis de grandir correctement ?
En rouvrant les yeux, elle sut, avant même d’avoir vérifié. Mais elle baissa néanmoins la tête vers la petite fille toujours couchée sur sa poitrine, immobile, les yeux fermés. En levant une main tremblante, échauffée par sa fièvre qui peinait toujours à se résorber, elle n’en sentit que davantage la différence avec la peau fripée et glacée du front d’Amali. Un frémissement agita ses lèvres, les tremblements secouèrent son corps, elle se mit à pleurer.
Elle aurait voulu hurler, mais elle ne parvint qu’à subir quand on lui enleva des bras le petit corps froid et raide.
Amali était morte.
J’ai refusé son existence, songea-t-elle, sous le choc.
Je me suis convaincue que je ne voulais pas qu’elle existe.
J’ai tant nié son existence que j’ai fini par l’empêcher de grandir.
Elle est morte par ma faute.
MAIS KYARA NON BICHETTE. MAIS OH BORDEL
JARRIVE EN DM SARAH
Elle assista au retour d’Yngvar depuis sa fenêtre, incapable de s’enjoindre à se présenter en public pour l’accueillir. Elle ne savait même plus pourquoi il revenait, en vérité. Perchée au deuxième étage du palais, elle le vit saluer brièvement sa mère, adresser à peine un regard aux courtisans, et ensuite s’engouffrer dans le château tel une furie. Incapable de suivre son parcours à l’intérieur, elle se résolut à se rasseoir, mais très vite, il débarqua devant elle, haletant, l’air exténué.
Un instant, elle craignit qu’il ne s’énerve contre elle. Elle l’imagina l’assaillant de reproches, hargneux, en colère. C’était de sa faute si leur fille était morte, après tout. C’était elle qui l’avait rejetée au point d’anéantir sa volonté de vivre. Elle se replia sur elle-même, déterminée à accepter les coups, les cris ou les injures.
Mais il n’en fit rien. Au contraire, en la voyant, roulée en boule sur le lit, tremblante et hagarde, les cheveux en bataille, les yeux cernés, il se calma d’un seul coup. Il s’approcha lentement, comme avec un animal effarouché, s’assit à côté d’elle, passa une main sur sa joue. Alors, Kyara ferma les yeux avec un soupir haché, et le torrent de larmes qu’elle avait pensé tari se remit à couler.
Elle émergea d’un sommeil lourd et trouble aux allures de cauchemar, les joues tirées et asséchées. Elle était seule dans la pièce, même si Yngvar était resté auprès d’elle toute la nuit. Il l’avait consolée, bercée, rassurée, comme si c’était elle l’enfant Peut-être parce que t'es encore une enfant quelque part Kyara ? T'as même pas 20 ans non ? x). Il n’avait pas beaucoup parlé, mais les rares mots qu’il avait prononcés s’étaient ancrés en elle. Car il s’était excusé. Il avait dit que c’était de sa faute, à lui. Qu’elle avait le droit de souffrir, qu’elle avait raison de souffrir, mais qu’il était bien davantage responsable de cette mort qu’elle. Elle n’était pas certaine d’avoir compris pourquoi, mais les mots lui avaient fait du bien malgré tout. Alors, elle avait continué à pleurer, lovée contre lui, jusqu’à sombrer dans un rêve brumeux et éreintant.
En enfilant son peignoir, elle se sentait aussi lasse et épuisée que la veille, pourtant, elle percevait également une autre émotion qui avait fait son apparition, plus diffuse, aussi douce qu’amère. La colère. Elle la sentait brûler dans le creux de sa poitrine comme un feu de campement, inoffensif en apparence, qui menaçait de s’étendre à chaque instant. Elle posa sa main sur son cœur, écouta quelques battements, finit par sourire. Un sourire terne, à la fois cruel et empli de désillusions.
Elle prit Kama dans ses bras et, après s’être tortillé quelques instants pour trouver une position confortable, le chat finit par poser la tête sur son épaule et se mettre à ronronner. À l’aveuglette, elle enfila ses chaussons, puis se dirigea vers le petit bureau adjacent au salon. Il était encore tôt, Yngvar s’y trouvait certainement. La porte entr’ouverte laissait filtrer un rayon de soleil matinal timide, curieux. Elle prit une brève inspiration, toqua, puis poussa la porte sans attendre la réponse.
Son époux, assis derrière son bureau, lisait une missive. En la voyant entrer, il leva la tête vers elle, reposa le parchemin, haussa les sourcils.
— Tu es debout tôt.
— Je ne dors plus autant depuis que tu es parti. Puis-je ?
Il haussa les sourcils, ne sachant guère où elle voulait en venir mais, quand elle fit mine de s’installer sur ses genoux, il recula sa chaise pour lui laisser davantage de place. Kama sauta sur la table, guère enclin à se retrouver coincé entre eux, et Kyara passa son bras autour du cou d’Yngvar en blottissant sa tête contre son épaule.
— J’en ai assez de souffrir… murmura-t-elle.
Silencieux, il l’enveloppa dans une étreinte aussi rassurante que protectrice.
— J’en ai assez de prétendre que je vais bien alors que je ne fais que survivre… et de m’obliger à prétendre que je suis toujours celle qui est partie de Ciel…
Même si sa gorge était nouée, ses yeux étaient secs. Elle ne ressentait plus l’envie de pleurer… ou du moins, plus de tristesse. Elle aurait en revanche aimé hurler sa rage d’avoir été abandonnée à la merci d’Avalaën alors qu’elle n’était pas encore prête à affronter les horreurs de la réalité. Elle ne voulait plus faire comme si elle n’était pas une étrangère dans la Citadelle Rouge alors que, l’été auparavant, elle était encore à Ciel, et la menace des armées d’Avalaën se faisait chaque jour plus pesante. Elle se sentait en colère. Furieuse d’avoir été si longtemps à la merci des décisions des autres, enrageant à l’idée des sacrifices qu’on lui avait, sciemment ou non, imposés.
Elle était certaine que son père n’avait pas voulu la laisser à la merci d’Yngvar, mais c’était ce qu’il lui avait infligé en lui cédant la couronne. Elle était presque certaine que sa mère aurait essayé de la soutenir durant une épreuve comme celle de son accouchement, si elle n’avait pas été aussi obnubilée par l’idée de se protéger elle-même.
Dans tous les cas, les décisions des uns et des autres à son sujet, même celles d’Yngvar et de l’Impératrice, avaient fini par l’amener à cet instant, cette fraction de seconde où, d’un seul coup, l’évidence s’imposa. Si elle était ici, aujourd’hui et maintenant, c’était du ressort de ceux qui avaient influencé son destin. Mais si elle voulait rester là, ou même aller ailleurs, devenir celle qu’elle aimerait être, il faudrait qu’elle prenne en main sa vie. Et, de là où elle était, il n’y avait qu’un seul véritable moyen d’y parvenir.
L’oreille appuyée contre la peau chaude d’Yngvar, elle écouta sa respiration, réfléchissant à sa décision. Mais, plus elle y revenait, et plus l’évidence se faisait limpide. C’était la seule solution pour elle.
Sans se redresser, mais haussant le ton pour avoir une voix un peu plus ferme, elle dit :
— Je voudrais devenir la femme qui pourra te seconder, la véritable héritière des trônes unis d’Uvrastryn Oh c'est le nom du continent ? C'est joli !. Une épouse digne de siéger à tes côtés. Accepterais-tu de m’apprendre ? M’enseignerais-tu les jeux de pouvoir de la Cour ?
Il leva un sourcil, la considéra, songeur, mais avant même qu’il ne réponde, elle poursuivit :
— Aussi… Je sais que je ne suis rien pour toi, mais j’aimerais… j’aimerais apprendre à te connaître réellement. Je…
Elle hésita, et la pensée de ce qu’elle allait formuler envoya une décharge nerveuse dans sa nuque. Elle sourit doucement, un sourire camouflé dans le début de barbe d’Yngvar, un sourire qu’il ne pouvait pas voir mais qui, à elle, lui donnait des frissons d’expectative.
— Je t’apprécie. Sincèrement, souffla-t-elle, le cœur battant.
Elle le sentit se crisper sous sa peau, perçut la brusque inspiration qu’il prit et qui résonna au travers de son corps, et l’appréhension l’envahit. C’était certainement déplacé de le formuler ainsi, surtout après tout ce qu’ils avaient dû endurer tous les deux. Aucun d’entre eux n’avait choisi ce mariage, aucun d’entre eux ne l’avait voulu. Leur union n’était qu’une conséquence d’anciennes rancunes, d’un conflit trop longtemps étouffé.
— Si tu n’étais rien pour moi, souffla-t-il enfin avec un sourire dans la voix, je ne serais pas ici en ce moment. J’ai appris à t’apprécier aussi, Kyara.
Son nom, sur ses lèvres, la fit frémir. D’habitude, il l’appelait princesse. Elle recula un peu de l’étreinte, leva le menton pour lui faire face, et le regard qu’il lui offrit la laissa sans voix. Il y avait sur ses traits étrangement adoucis une véritable tendresse, une inquiétude sincère.
Rassérénée, elle reposa sa tête contre son épaule, murmura un simple « merci ». En d’autres circonstances, elle aurait peut-être essayé de véhiculer davantage d’idées, mais au moment où elle le dit, il n’y avait que ce mot pour répondre à l’affirmation. Elle n’était pas rien. Elle comptait pour quelqu’un, au moins pour lui.
— Je voudrais te demander pardon, ajouta-t-il. J’ai été odieux avec toi, et en toute sincérité, je ne sais pas vraiment comment tu peux me regarder en face sans me haïr. Et quoi que tu dises, si tu en es venue à nier autant l’idée qu’Amali naisse, c’est par ma faute. J’aurais dû…
— Arrête.
Elle s’étonna qu’il se taise aussitôt, comme si elle avait une quelconque absurde forme d’autorité sur lui.
— Ma vie sera de toute manière à tes côtés, ajouta-t-elle solennellement. Ce qui est arrivé est passé, désormais, et je ne veux pas vivre dans mes souvenirs de souffrances.
— D’accord, finit-il par acquiescer après un long moment de réflexion. Permets-moi de te proposer quelque chose, alors. Ni toi ni moi ne pouvons oublier ce qui nous a amenés ici, et de toute manière, ce ne serait pas une bonne chose. Mais prenons, ici, aujourd’hui, un nouveau départ.
L’idée aurait pu paraître vide, dénuée de sens ou de raison, mais Kyara la trouva amusante, presque attrayante. Ne pas oublier le passé, mais prendre le parti de se focaliser sur le futur. Une manière pour eux de revenir à une forme de normalité, ou au moins de repartir à la même hauteur. Qui pouvait dire si le chemin qu’ils parcourraient ensemble serait long ? En tout cas, s’ils n’essayaient pas, personne. Et à moins de vouloir rester cloîtrée dans ses appartements pour le restant de ses jours, et de n’être qu’un épouvantail sur le trône aux côtés du Corbeau, Kyara ne voyait pas d’autre manière d’aller de l’avant.
Alors elle se releva, lissa les pans de son peignoir comme si c’était une robe de cérémonie, esquissa une élégante révérence avalonienne, qu’elle maîtrisait désormais sur le bout des orteils.
— Kaleko Sen, c’est un honneur d’être ton épouse.
— Avelke Sen, dit-il après s’être redressé et incliné, le plaisir et l’honneur sont pour moi. Déjeuneras-tu avec moi ce midi ?
Un éclat de rire de connivence les secoua tous les deux alors qu’elle acquiesçait et, malgré une infime hésitation, Kyara se prit à croire que cette idée pourrait peut-être même fonctionner.
Ils passèrent le reste de la matinée dans le petit bureau, dans un calme souverain que même l’annonce d’une nouvelle guerre n’aurait pu rompre. Kyara s’installa sur son fauteuil favori avec Kama sur les genoux et un livre ouvert, tandis qu’Yngvar rédigeait missive après missive, concentré mais étrangement détendu. Ils déjeunèrent ensemble dans une petite salle cossue mais confortable, partirent se promener dans les jardins impériaux l’après-midi, et finirent leur soirée avec une petite réception organisée par la Duchesse de Tragr. Quelques jours filèrent dans un calme apaisant, et malgré ses doutes, Kyara réalisa que tout était plus simple avec Yngvar quand elle ne s’obligeait pas à prétendre qu’elle forçait ses émotions. Elle souriait sincèrement à ses plaisanteries, n’essayait plus de rester froide, composée et discrète comme auparavant.
Les femmes, qui jusque-là ne l’avaient guère vues aux soirées en petit comité, parurent surprises de son changement. Bien sûr, aucune d’entre elles n’osa ne serait-ce que murmurer le mot « bébé » autour d’elle, mais elle sut rien qu’en les observant que, d’une manière ou d’une autre, la rumeur s’était propagée. Et ses apparitions de plus en plus fréquentes au bras de son époux, ainsi que la facilité avec laquelle elle parvenait à sourire, soulevaient des milliers de questions muettes auxquelles elle ne répondrait jamais.
Car la vérité était qu’elle en souffrait toujours. Ah bah ça va pas partir en une prise de décision et un nouveau départ malheureusement... Le souvenir d’Amali restait brûlant et vif dans son esprit, et parfois, juste en serrant les doigts, elle pouvait toujours sentir la petite menotte potelée dans sa paume. Les images rémanentes, quoique troublées par la fièvre, la hantaient toujours dans ses rêves, lui laissaient à son réveil la sensation de suffoquer de larmes alors que ses joues étaient sèches.
Yngvar était souvent là à ses côtés quand elle se réveillait ainsi, et s’il n’était pas là, elle allait le retrouver dans le petit bureau. Mais vint le moment où il dut repartir, reprendre l’affaire qu’il avait abandonnée pour l’accouchement, et elle se retrouva à nouveau seule. Alors elle se laissa emporter dans le tourbillon des longues robes fluides, des danses de salon et des parties de cartes, jusqu’à rentrer si tard le soir qu’elle se laissait tomber habillée sur son lit, et écoutait ses mégères de femmes de chambres pester le lendemain matin quand elles devaient s’occuper des caftans froissés. Elle sortit du palais de plus en plus souvent, toujours encadrée par ses gardes, s’aventura en ville, découvrit les petits marchés et les expressions radieuses des passants quand ils l’apercevaient en plein milieu de la rue, les spectacles de marionnettes et la joie des enfants quand elle rapportait des pâtisseries depuis les cuisines du palais. Elle prit le temps d’apprendre à revivre, pas à pas, instant par instant.
Et enfin, quand elle réalisa qu’elle n’essayait plus d’occuper son esprit pour oublier la blessure, quand le souvenir du poids de l’infante infante ? dans ses bras ne revint plus hanter ses nuits, elle franchit la porte du bureau de l’Impératrice et annonça :
— Je veux apprendre.
◊~◊~◊
Aaaaah
J'hésite entre pleurer et rire, car t'as quand même oublié cette histoire de mort infantile en disant que cette partie était chill
C'est légèrement le genre de truc qui va hanter Kyara jusqu'à la fin, quelle que soit la remontée qu'elle fait sur son état mental x) Autrement, évidemment que ça fait plaisir et que ça soulage de la voir se relever, vouloir aller de l'avant et vouloir reprendre les rênes de son destin.
Pour ce qui est de sa relation avec Yngvar... Je suis toujours mitigée, je pense que je le serai jusqu'à la fin de l'histoire. Pour moi, les violences sexuelles et psychologiques qu'il a fait subir à Kyara au début ne sont pas justifiées. Ils y seraient venus dans tous les cas puisque c'est un mariage arrangé, mais les conditions auraient été différentes je pense. Et ma façon de considérer Yngvar aurait été différente aussi. Je vois bien la personne qu'il est, ce qu'il essaie de construire. Je vois l'affection et le respect grandir entre eux, mais l'ombre de ce qu'il lui a fait subir recouvre l'ensemble et me met mal à l'aise.
Kayra subit déjà un paquet de violences psychologiques et physiques qui lui demandent déjà des mois (voire des années) pour se reconstruire. Mais j'avoue que les violences sexuelles qui sont venues se rajouter à ça... ben elle s'en relèvera jamais complètement, quels que soient ses efforts.
Vraiment, on parle d'un décalage de quelques mois. Je comprends la nécessité de l'héritier pour assurer la lignée d'Yngvar sur le trône. Mais ce point-là aurait pu attendre leur mariage, que la confiance s'installe entre eux comme elle l'a fait. Peut-être qu'il y aurait toujours pas eu le désir mutuel, mais bordel ça aurait été moins violent.
Je pense qu'on sera en désaccord là-dessus et que l'un des pans de cette histoire est de montrer l'histoire d'amour naissante entre Kayra et Yngvar. Mais pour moi cet amour naît d'un fruit pourri et contient donc forcément du toxique x')
Je sais pas si tu es incapable de considérer ce duo et leur dynamique sans ce qui se passe au début et je suis pas en position de te dire ce qui est bien ou pas bien, mais là je pense qu'on est sur un croisement à deux voies où les voies de rejoignent tout en empruntant des chemins +/- difficiles. Même sans les viols avant le mariage, il y aurait eu la colère, la tristesse et la rage de Kyara. Elle aurait quand même subi tout le reste. Il y aurait quand même eu la violence affective, émotionnelle et psychique du mariage forcé avec un ennemi.
Ça peut paraître bizarre que je ressorte tout ça maintenant, mais Amali m'y a fait penser. Amali est née d'un de ces viols. Kyara se sent coupable de l'avoir rejetée, de ne pas l'avoir acceptée en elle, mais comment en aurait-il aller autrement ? J'ai pas eu le sentiment dans le chapitre que Kayra faisait cette corrélation. Alors, soit c'est moi qui me trompe dans la temporalité et Amali naît suite à un rapport ""consenti"" (je vois pas comment tu peux consentir à ça après 1/2 mois de mariage forcé haha, ça restera toujours un viol domestique par obligation), soit on parle vraiment d'un déni de grossesse suite à un viol et le pire truc c'est la culpabilité de la mère. J'ai vraiment pas vu la remise en question de Kyara par rapport à ce qui lui est arrivé et non pas par rapport au fait qu'elle soit une mauvaise mère (car c'est ce qu'elle fait ressortir, en parallèle de son enfance pourrie sans sa mère). Je suis désolée d'écrire un pavé aussi long, surtout aussi tardivement dans l'historie, mais ça me met vraiment mal à l'aise depuis le début. Je sais que t'es là pour le drame, pas pour parler de bisounours, et je te parlerais pas de tout ça si je voyais pas d'autres possibilités/façons de parler des événements.
Je veux pas être à côté de la plaque, je suis même allée relire le chap 2 pour m'assurer qu'il y avait bien ces viols et ils sont là. Et on remarque que ce sujet est ultra tabou dans Kyara. Autant elle parle sans mal des autres formes de violence, autant elle internalise sa souffrance et sa culpabilité pour ce qui est du viol. Et, ajd, dans la vraie vie, c'est un comportement assez "typique" de victime de viol pour qui ça va bouffer tout un pan de sa vie.
Et le déni de grossesse est un truc très marqué là aussi dans ce chapitre. Vraiment, j'ai bien "aimé" en quelque sorte le parallèle que tu fais avec la mère de Kyara, où Kyara se voit elle-même en mauvaise mère, où elle s'en veut et s'accuse d'avoir tué sa fille. C'est si violent, car personne ne lui dit de ne pas s'en vouloir. La seule personne, c'est Yngvar, mais Kyara l'empêche de présenter ses propres torts (car évidemment qu'il est aussi responsable du déni de grossesse mdr). Donc en fin de compte, la responsabilité de Yngvar dans les souffrances de Kyara n'est jamais posé clairement sur table. Mais Kyara n'a pas à porter cette souffrance et cette culpabilité seule. Que ce soit pour les viols ou la mort d'Amali. Et c'est ce qui me gêne, car il se passe vraiment ce qui se passe pour trop de femmes victimes de tout ça. La culpabilisation de la victime, la remise en question de son statut, de ses actes. La culpabilité qu'elles ressentent est bien présente, c'est quelque chose qui ressort énormément dans les témoignages. Mais, justement, elles n'ont pas à se sentir coupables, car les fautives ne sont pas elles.
Je m'égare, mais tout ça pour dire qu'il y a pour moi un décalage entre la gravité de ce qui arrive à Kyara (les viols, le déni de grossesse, la mort de son enfant ; des sujets liés à son corps de femme, son statut de femme, à sa sexualité) et la façon dont c'est traité dans le texte. Je suis vraiment peinée, car c'est à toi Lokinette que ça s'adresse directement et non pas aux personnages, mais voilà, pour moi il y a ce truc qui flotte dans l'air et me met mal à l'aise.
A mes yeux, c'est vraiment l'histoire de chemins qui arrivent au même point d'arrivée mais qui auraient pu trouver d'autres itinéraires qui entretiennent pas la culture du viol....
Si tu veux en parler plus précisément sur Discord un de ces 4, c'est avec plaisir.
Je te fais la bise, j'ai hâte de lire la suite, car je veux voir Kyara en meilleure forme, c'est clair