Le roman s'ouvre sur un chapitre plein de créativité au niveau de l'écriture, avec ces deux scènes parallèles construites sur des formulations quasi identiques. L'exercice de style passe plutôt bien (malgré quelques maladresses que je mettrai sur le compte de la traduction, de même que certaines images que je n'ai pas comprises), cependant sur le fond je n'ai pas compris l'intérêt de commencer par une scène érotique - à part captiver l'attention du lecteur qui a soif de sang et de sexe, or cela ne m'intéresse pas sauf s'il y a une véritable justification, ce qui n'était pas le cas ici. Et de manière générale, de nombreux passages ont recours à cette débauche gore de manière totalement gratuite, juste pour faire plaisir aux potentiels lecteurs. De plus, la créativité stylistique qui m'a plu disparaît au fur et à mesure, comme si l'auteur avait concentré tous ses efforts d'écriture au début de son travail pour ensuite se laisser aller à la fainéantise parce qu'une fois que le lecteur est captivé, plus besoin de faire des efforts...
J'ai apprécié la narration à deux niveaux : l'histoire de Mia est racontée à la première personne, par un narrateur fictif qui se permet lui aussi des interventions personnelles. J'ai moins aimé l'abondance de notes de bas de page qui accompagne ce procédé, il y en a tellement dans la première partie que j'ai eu du mal à avancer, étant sans cesse interrompue par les digressions du narrateur. D'autant plus que la plupart sont soit complètement inutiles soit trop longues, au point de recouvrir quasiment une page entière (c'est plus digeste en ebook apparemment, sur mon édition papier j'ai vraiment fait une overdose). Les notes se calment à partir de la deuxième partie (ouf !) mais là encore la créativité stylistique finit aux oubliettes à peu près au même moment. Idem pour l'humour du narrateur, qui se fait de plus en plus rare mais en l'occurrence ce n'est pas plus mal car si certaines piques m'ont fait rire, la plupart était assez lourdes et m'ont paru forcées.
Sur le fond, j'ai trouvé l'univers original et bien développé, pas de problème de créativité de ce côté-là. Surtout que pas mal d'éléments géographiques, historiques et politiques sont étoffés, avec des anecdotes (dans des notes de bas de page, eh oui, mais celles-ci sont pertinentes pour le coup) qui ne sont pas nécessaires à la compréhension de l'histoire mais qui contribuent à appréhender ce monde imaginaire, à le rendre concret, tangible. En revanche, l'intrigue n'est pas originale du tout, je ne compte plus le nombre de fois où je me suis dit que tel personnage ou tel événement me faisait penser à une autre œuvre de fantasy : Harry Potter pour le concept de l'école évidemment, les cours de potions, la poudre de cheminette sanguine, etc. mais aussi Game of Thrones (Mia m'a beaucoup rappelé Arya), un peu de The Witcher (la transformation de Marielle) et énormément de Keleana (l'héroïne et ses stratégies, la compétition entre assassins jusqu'à ce qu'il n'en reste que quatre, l'ambiance... quasiment tout en fait).
Mais une fois passés tous ces points négatifs et une fois que j'ai accepté le côté Young Adult (grosso modo à partir du deuxième livre), j'ai été complètement embarquée dans le récit et j'ai eu du mal à lâcher le livre pour dormir. L'apprentissage de Mia n'est pas de tout repos et entre la découverte des leçons et ses diverses mésaventures, je ne me suis pas ennuyée une seule seconde. J'ai adoré le sarcasme de Gentilhomme et beaucoup apprécié le personnage de Tric, les dialogues de l'héroïne avec ces deux compagnons sont mordants et très addictifs. En revanche, le développement des sentiments amoureux est très maladroit et tombe parfois comme un cheveu sur la soupe. D'ailleurs, je me serais bien passée des scènes érotiques sur lesquelles débouche cette romance... Je veux bien que Mia mette en pratique les leçons d'Aalea, mais de là à en faire trois scènes sexuelles d'affilée ultra détaillées et avec des choses pas très crédibles pour une jeune fille aussi inexpérimentée, désolée mais c'était trop pour moi.
D'ailleurs, ce manque de crédibilité peut s'appliquer au caractère de Mia dans son intégralité. Certes j'ai apprécié l'héroïne mais à plusieurs reprises je n'ai pas compris certaines de ses actions. Non pas parce qu'elle a une personnalité nuancée (chose que j'adore en général) mais parce qu'elle est carrément incohérente. Le narrateur nous bassine au début pour nous faire comprendre que Mia ne ressent pas la moindre pitié, qu'elle n'est jamais compatissante, qu'elle est tout simplement impitoyable. Puis à un moment elle fait preuve de compassion et de pitié et se justifie en expliquant qu'elle doit conserver cette part d'elle-même. Mais conserver quoi exactement, puisqu'elle était censée être dépourvue de toute compassion et pitié ? Et comme par hasard cette action permet un rebondissement scénaristique plus tard... Idem pour Tric : un coup elle semble totalement indifférente, au point qu'il disparaît quasiment de l'histoire, puis quelques pages plus tard elle a soudainement des papillons dans le ventre. Elle dit tenir à lui (mais elle ne l'aime pas surtout hein, et le répète à l'envi histoire d'être bien chiante) puis agit avec une cruauté vraiment pas nécessaire... en ayant le culot de faire passer ça pour de l'altruisme. Euh... Je suis un peu perdue, là.
Il y a quelques autres incohérences dans l'intrigue elle-même qui dénotent sans doute d'un manque de relecture mais cela reste du détail. Ce qui m'a davantage dérangée, c'est qu'à part l'héroïne et ses deux acolytes, les autres personnages sont très peu développés. Carlotta et Cassius, notamment, ont beaucoup de potentiel mais manquent de développement voire carrément de présence, ce qui est vraiment dommage car ce sont typiquement des personnages auxquels j'aurais pu m'attacher. J'ai été également mitigée concernant la fin car après le gros plot twist, quasiment tout était prévisible, à part le sort d'un personnage qui m'a énormément déçue car je m'attendais à ce qu'il soit mis à l'honneur dans le tome suivant et c'était une fin très abrupte pour lui. Le plot twist en lui-même était à moitié réussi car j'avais deviné depuis longtemps sa culpabilité, cependant je n'avais pas vu venir l'ampleur du truc ni l'action commise au moment où ce rebondissement se produit. Dommage d'ailleurs qu'on change de point de vue uniquement pour cette scène alors que l'intégralité du récit est du point de vue de Mia, il y avait largement moyen de s'en passer et même de créer davantage de suspense en conservant la focalisation sur l'héroïne.
Je me rends compte avec le recul qu'il y a tout de même pas mal de choses qui ne m'ont pas convaincue, et pourtant je ne ressors pas complètement déçue de cette lecture. Je suis loin du coup de cœur que j'espérais, certes, mais j'ai dévoré ce pavé en trois jours et à part la première partie qui cumulait les défauts, le reste est passé tout seul, en particulier le deuxième livre où je ne me rendais à peine compte que je tournais les pages. Je pense que je lirai la suite un jour, je suis curieuse de savoir ce qu'il va se passer par la suite, si mes soupçons concernant une mort vont s'avérer, comment ça va se passer entre Gentilhomme et Éclipse et si Bâtard va revenir montrer son affection "mordillante" pour Mia !
.