J'ai terminé à l'instant ma lecture de
l'Attrape-coeur, en VO, plutôt
The Catcher in the Rye. J'insère d'abord mon commentaire en spoiler, surtout parce que ça prend de la place, et ensuite je vous partage mes réactions par rapport à ce que vos avez écrit.
J’ai lu ce roman dans le cadre de la lecture commune de septembre, aussi et surtout parce que c’est un classique, un livre à controverse, ‘et tout’… En fait, je me suis vite rendu compte que je ne savais pas du tout ce dont ce livre parlait (il n’y avait même pas de résumé sur la quatrième de couverture de mon édition), à part que j’avais l’idée d’un livre vachement transgressif, et c’est dans cet état d’esprit que j’ai lu les premières pages.
Premièrement un peu interloquée mais pas choquée du style plus que direct du narrateur (j’étais bien consciente d’avoir entre les mains un texte écrit dans les années 50), de ses digressions, je me suis vite installée dans l’esprit du roman. L’action en elle-même n’a pas grand intérêt, il faut bien l’avouer, que le personnage principal aille se noyer dans l’alcool ou prendre un taxi, ça ne me faisait ni chaud ni froid. Ce qui m’a fait tourner les pages, c’est toutes les réflexions du narrateur, et ce qu’il y a entre les lignes. Ce livre m’a touchée de façon personnelle parce que, même en ayant eu une adolescence bien différente de celle du héros, j’ai tout de suite compris la vision du monde d’Holden Caulfield, idéaliste en détresse. C’est difficile d’en expliquer la raison, j’imagine que c’est un personnage que l’on prend d’empathie, ou non, et je pense que la façon dont le roman est écrit permet un maximum d’identification (ou pas), tellement on entre dans l’intimité du héros, on nous sert vraiment toutes ses réflexions. Derrière le langage plutôt ordurier, on perçoit beaucoup de douceur et de sensibilité, c’est vraiment trop choupi. J’ai beaucoup aimé les remises en question de la fin, notamment la conversation avec Phoebe, quand on arrive à l’explication du titre, je dois avouer que mon cœur a un peu fondu. (Spoiler) Il ne déteste vraiment personne, Caulfield. Il essaie juste de se faire une place dans la société. Pour moi, c’est ça un peu le truc qui tue de ce roman.
Autres éléments positifs : Premièrement, je me suis surprise à sourire à des passages un peu cocasses ou ironiques, et pourtant je suis loin d’être du genre à rigoler devant un livre, et encore moins devant de l’humour ‘vieux’. Deuxièmement, je trouve que c’est fichtrement bien foutu comme livre parce que, outre le langage simple et répétitif, dans les détails, dans les réactions d’Holden, on a des prises de positions modernes à propos de la société de consommation, le système scolaire, la condition des femmes, et peut-être d’autres probablement. Ça me parait un peu magique de convoyer autant de sens avec si peu de mots.
Je m’attendais aussi à ce que L’Attrape-cœurs soit plus transgressif. Je ne sais pas d’où je tenais l’idée que les drogues dures jouaient un rôle important dans l’intrigue. Certes, Holden boit de l’alcool et fume comme un pompier, mais il se limite à cela.
Je m'attendais à peu près à la même chose, je croyais que c'était vraiment un livre qui avait la volonté de choquer, mais en fait non pas du tout, c'est juste les gens à l'époque qui se choquaient pour un rien vraiment.
Note supplémentaire
J. D. Salinger a écrit une nouvelle (The Ocean Full of Bowling Balls) qui raconte la mort d’Allie, le frère d’Holden. Elle ne sera publiable qu’en 2060 (volonté de l’auteur). Le seul exemplaire du texte est cependant consultable à la bibliothèque de l’université de Princeton aux USA.
Ca pour le coup c'est bien grandiloquent haha, mais très intéressant, merci de l'info, peut-être que dans quarante ans j'aurai cette nouvelle entre les mains ! Peut-être aussi que j'aurais changé de perspective et que je me demanderais ce qui avait bien pu me plaire dans ce roman à vingt-trois ans.
Barbe-Bleue a écrit : ↑mar. 06 sept., 2022 10:05 am
Des tics du langage surgissent souvent comme « Ça m’a tué » ou « je vous jure ». La palme revient à « et tout » — exemple : « Sa porte était ouverte mais j’ai quand même frappé, juste par politesse et tout. » — prononcé plus de 300 fois dans le roman !
C'est drôle de mon côté j'ai surtout 'goddam', 'phony' 'sonuvabitch' et 'Old'... 'and all'
Pas exactement les mêmes termes
J’aimerais bien avoir l’avis d’autres lecteurs à propos du geste de M. Antolini
Je pense que c'est un passage qui a pour but de justement laisser dans le doute, au vu de la réaction d'Holden et de M. Antolini lui-même. Personnellement je suis également partagée : d'un côté un adulte responsable, intelligent, un prof de surcroît se doit de savoir qu'on ne touche pas un mineur dans son sommeil donc de facto sans son consentement, même si c'est pour un geste innocent. Mais bon d'un autre côté il y a effectivement l'affection paternelle que vous mentionnez, et pis le fait d'être sacrément alcoolisé qui a pu altérer son jugement.
J'ai trouvé où sont les canards de Central Park en hiver… Ils sont dans ce coin… coin ! coin !
Je dois avouer que je me suis sérieusement posé la question des canards (et des poissons) aussi pour le coup, merci de ta réponse !
Pour les aspects homophobes et misogynes du personnage que vous avez pu trouver, je ne suis pas trop d'accord. Bon déjà, si 'flits' a été traduit par 'p*dés', selon moi ça change franchement tout le sens du mot. Le dernier terme a un but vraiment insultant, tandis que 'flits', selon moi est juste un mot d'argot employé pour les hommes gays, un peu comme queer aujourd'hui peut-être. Enfin c'est difficile à vérifier parce que sur internet je n'ai pas trouvé d'autres cas où le terme a été employé, à part dans l'Attrape-Coeur. Bref, en gros 'flit' ça veut dire 'personne volage', on reste dans le cliché mine de rien. Après, il place les 'flits' dans le même sac que les 'pervers', ça c'est beaucoup moins cool, mais malheureusement c'est le point de vue moyen de l'époque. Sauf que chez Caulfield, rien n'est le point de vue moyen, et on voit bien qu'à part ça il n'a absolument rien à reprocher aux homosexuels, et vers la fin, avec Antonini on le voit même reconnaitre presque que 'ça ne le dérange pas' (bon on va pas lui accrocher une médaille non plus hein)
Pour ce qui est de la misogynie, là je comprends pas trop ce que vous voulez dire. De mon point de vue, justement, Holden était moins misogyne que ses amis puisqu'il estimé qu'il vaut mieux connaître une fille vraiment avant de coucher avec elle.
RazKiss a écrit : ↑ven. 16 sept., 2022 9:15 pm
J'aime cette narration à la première personne, même si Holden a parfois des réflexions assez énervantes ou déconcertantes. Par contre, je pense que l'idéal aurait été de le lire en version originale. J'ai lu la traduction d'Annie Saumont, par moment les tics de langage d'Holden me semblaient un peu exagérés (est-ce que les ados des années 50 disaient vraiment "la môme Phoebe", "la môme Jane", "la môme Sally" en parlant des filles, hum ?). Et évidemment, certaines expressions argotiques semblent maintenant bien ringardes ("bigophoner", j'adore). Dans mon édition, le prénom de la sœur est "Phoebé", ça m'a perturbée. Si une toute nouvelle traduction était un jour publiée, je serais vraiment curieuse de la découvrir.
Pour le terme "la môme", c'est vraiment surprenant parce qu'en VO on a très souvent (je dirais même peut-être plus que "et tout") Old Stradlater, Old Phoebe, et tout, peu importe le genre du personnage. Personnellement j'aurais traduit par "ce bon vieux Stradlater" mais pas tout le temps, ou alors peut-être juste "c'te Phoebe".
Je pense que Phoebé avec l'accent c'est pour montrer la prononciation au lecteur pour qu'il lise plus Fibé dans sa tête que Feuob (ce que je faisais quand j'étais jeune et ignorante de toutes les subtilités de la prononciation anglaise).
Bigophoner je ne vois pas de quoi ça peut être la traduction haha, à part téléphoner, si tu peux me donner un peu de contexte je peux essayer de retrouver.
Sinon je voulais dire que dans ce roman, je retrouve pas mal d'éléments que j'ai appréciés dans d'autres livres qui sont dans ma liste de diamant. Le sentiment de n'être comme personne de
Rubyfruit Jungle, la société de consommation de
Fight Club et le langage direct de
Nous rêvions juste de liberté. Peut être que les auteurs de ces romans se sont inspirés de ce classique ?