J'irais en Enfer ( Terminé )

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elohane

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Re: J'irais en Enfer

Message par elohane »

JaneSerpentard a écrit : jeu. 09 mars, 2023 2:57 pm
elohane a écrit : mer. 08 mars, 2023 4:15 pm Plus que quelques chapitres avant la fin !
Je suis tellement fière de toi <3
Et moi de toi
elohane

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Re: J'irais en Enfer

Message par elohane »

Chapitre 34 :

- Tu sais, j’ai un petit ami, annonce t-elle en se mordant la lèvre comme si elle angoissait à propos de ce que je vais en penser.
Adriana et moi sommes toujours assis près de l’étang. Le soleil embrase l’herbe de couleurs tout autour de nous, à présent mes cheveux sont secs et nous nous sommes allongés, le regard rivé vers le ciel, à quelques centimètres l’un de l’autre. Je tourne mon visage vers elle.
- C’est vrai ?
Je sens que cette réponse est minable, mais je ne sais pas quoi dire. Je suis content qu’elle ait un petit ami. Content comme le serait un frère pour sa sœur. Mais j’ai aussi ce petit instinct de jalousie, qui me dit que peut être je vais être remplacé, je ne serais plus son confident, l’être proche d’elle que je suis en ce moment. Ça n’a rien avoir avec de l’amour : Ou si, ça a tout avoir avec. Mais c’est plutôt une sorte d’amitié, de fraternité profonde, ça a toujours été ça entre nous.
- Il s’apelle Basile. Il n’est pas au pensionnat, je l’ai rencontré lors d’une sortie en ville avec mes amies.
Je me redresse et change ma position, allongé sur le ventre, pour la regarder. Elle a les yeux pétillants de bonheur, mais il y a comme quelque chose de fébrile dans sa voix, comme si me raconter ça déclenchait chez elle des palpitations mêlées à de la peur : Elle s’inquiète de quel va être mon jugement.
- Raconte moi, dis – je, ma curiosité piquée.
Je sens qu’elle prend son inspiration pour me raconter l’histoire de sa rencontre avec ce Basile. Je sens à quel point ça la rend nerveuse, et je me promets d’être simplement heureux pour elle.
- Un samedi, moi et mes amies avons décidées de nous rendre en ville pour voir une pièce de théâtre. En fait, c’est notre professeure de français qui nous l’avait conseillée et nous y sommes allés principalement pour en rigoler. Nous savons que les goûts de notre prof de français sont comiques. Mais cette pièce de théâtre qui devait être un moment de rigolade entre amies s’est transformé en le plus beau jour de ma vie.
Elle marque une pause ; me jette un coup d’œil ; puis reprend. Moi, je ne dis pas un mot. Je l’écoute.
- C’était une pièce qui mettait en scène un jeune garçon qui allait en prison pour un crime qu’il n’a pas commis ; je ne me souviens plus de l’intrigue en réalité parce que je n’étais concentré que sur une seule chose : Le comédien. Celui qui jouait le jeune garçon. Un jeune garçon, mais de mon âge à peu près. Que je n’ai pas pu lâcher du regard ! En le voyant j’ai sentit un frissonement le long de mon dos, et mon cœur s’est accéléré.
- Je vois ce que tu veux dire.
Elle a l’air surprise, mais poursuit :
- Je n’avais d’yeux que pour lui, et ni moi ni mes amies n’avont rigolés une seule fois tant la pièce était bien et tant il était bon acteur ! Mais pour elles, ça n’était qu’une déception : Ne pas rigoler à cette pièce comme nous y avions pensés. Nous voulions seulement nous moqués. Alors au moment ou elles allaient partir, j’ai prétexté avoir reconnu un oncle dans le public et je suis restée au théâtre alors qu’elles rentraient.
- Qu’y as tu fait ?
Elle a un sourire joyeux. Je suis, moi, pendu à ses lèvres tellemement je n’en reviens pas d’un tel coup de foudre.
- Tu ne devines pas ?
- Tu es allé voir le comédien ?
Elle hoche la tête, et j’attends patiemment la suite.
- Je suis allé dans la loge. Il était seul. En me voyant entrer il a cru que je m’étais perdue ! Je me sentais tremblante et ridicule, tant il m’impressionnait, mais alors je lui ait dit combien j’avais aimé la pièce et il m’a dit que c’était la première fois qu’il jouait sur scène. Tu te rends compte ? La première fois. Et j’ai eu cet honneur de le voir jouer.
A ces mots, je comprends à quel point son amour pour lui est sérieux. Je sais que voilà, elles est amoureuse, mon amie est amoureuse et moi j’en suis heureux. Je ne ressens pas cette jalousie auquelle je pensais.
- On a continué à parler, et il m’a proposé d’aller boire un café. J’ai vu que je lui plaisais aussi, et dés le lendemain nous nous sommes revus. Je suis même allé le voir un jour en séchant les cours.
En disant ça, un air espiègle s’affiche sur son visage, comme si elle repensait à cette bétise et qu’elle n’en regrettait rien.
- Et pourquoi est ce que tu ne me le dis que maintenant ?
- Je ne pensais pas que c’était sérieux avant il y a deux jours. Avant-hier, je suis allé le revoir au théâtre et il m’a embrassé. Ensuite, il m’a dit qu’il m’aimait et j’ai répondu que moi aussi. Alex, si tu savais ce que je ressentais dans mon cœur ! J’avais l’impression d’être l’heroine d’un roman, ou de faire partir d’un film.
Et à en voir son air, elle en a toujours l’impression. Je ne l’ai jamais vu l’air aussi … heureuse.
- Hmm…
- Tu trouves ça cucu ?
Son visage est empreint d’inquiètude à l’idée que je puisse désaprouver.
- Non. C’est beau, ce que tu dis. Je suis content que tu aies eu la chance de ressentir ça. Décris le moi, maintenant. Ce Basile.
- Oh, il est magnifique. Il a des cheveux noirs, très noirs, qui mettent encore plus en valeur sa peau pâle. J’ai eu tout de suite envie de le toucher, pour savoir quelle température avait sa peau, et comment était la sensation. Et ses yeux sont bleus, moins pâles que les tiens : un bleu foncé. Presque comme de l’encre. Ah, et il ne parle pas beaucoup. Il ne parle que sur scène, et sa voix est puissante, parfaite. Il est assez calme… même si je sais qu’il est très intelligent.
A l’entendre parler de lui, il est parfait. Mais je sais que si je devais expliquer à quelqu’un comment est Julian, j’aurais le même ton qu’elle : un ton admirateur, amoureux, plein d’émotion.
- J’aimerais que tu le rencontres.
On reste silencieux un moment, puis je prends la parole, l’air moins assuré qu’elle :
- Tu sais, moi aussi…
- Toi aussi ?
- Moi aussi je suis amoureux.
Elle ouvre de grands yeux ; ça a l’air de vraiment la surprendre. Elle se redresse immédiatement.
- C’est qui ? Je la connais ?
- Tu connais cette personne, oui.
- Me dis pas que c’est une fille de mon pensionnat, à part mes amies elles sont toutes cruches ! Elle est gentille au moins ?
- Gentil ? Oui. Un peu agaçant parfois, j’y concède. Têtu. Mais alors par contre, il est très beau.
Elle plisse les yeux, comme si un bug se faisait dans son cerveau, et moi j’attends sa réponse, une peur horrible me figeant sur place à mesure que les secondes s’écoulent : la peur qu’elle parte en courant en criant.
- C’est Julian alors ? Demande t-elle sur un ton que je n’identifie pas.
- Oui, dis – je simplement, la bouche un peu sèche.
Elle a trouvé avec une rapidité étonnante.
- Bon choix. C’est vrai qu’il est beau ! Pas aussi beau que Basile. Mais quand même, beau, finit elle par dire.
Un sourire éclaire enfin son visage, et elle me prend dans ses bras.
- Je suis contente pour toi Alex.
A ce moment là, je comprends qu’elle n’aurait jamais pu partir en courant comme je le croyais. Qu’elle n’aurait pas pu me rejetter. C’était juste de la surprise, cette émotion sur son visage : Si elle m’avait par exemple annoncer être amoureuse d’Hannah ou de n’importe quelle autre fille, j’aurais réagis de cette manière. Abasourdi.
Mais, en somme, heureux pour elle, et sans que ce soit différent de si ça avait été un garçon. Alors c’est ce qu’elle fait pour moi : Elle est heureuse, autant que si j’avais dit être amoureux d’une fille.
- Il partage tes sentiments ? Demande t-elle en relachant notre étreinte, un air fier flottant sur son visage.
- Je crois. Enfin, non, je ne crois pas : j’en suis sur. Il m’a même dit que si je le voulais, on pourrait partir loin d’ici rien que tout les deux ! Sans argent. Avec en poche rien que… de la détermination. Tu te rends compte ?
- Oui, c’est une certaine preuve d’amour… Et tu as répondu quoi ?
J’hausse les épaules. Y’a-t-il vraiment besoin de me justifier ?
- Que non, bien sur. C’est une idée folle.
- Pas tant que ça.
Elle me regarde d’un air sérieux, comme si elle pensait que ça pouvait être une bonne idée, et pas juste un rêve d’adolescents stupide. Mais je crois qu’Adriana a toujours eu en quelque sorte une façon de penser plus proche de celle de Julian que de la mienne.
- En tout cas, si un jour je ne te vois plus et que j’entends dire que tu as quitté les lieux, je saurais pourquoi tu es partit, et avec qui.
Je ne sais pas quoi répondre. Si un jour je partait, je ne pourrais pas le faire sans lui en parler. Elle compte trop à mes yeux pour que je lui tourne le dos sans même lui assurer qu’un jour, on se retrouvera. Que notre amitié le mérite.
Nous parlons encore un peu, puis elle rentre à son pensionnat. Je reste quelques minutes encore devant l’étang, à fixer les vaguelettes qui dansent sur l’eau, mes pensées très loin de Harly’s Park.
Je finis par rentrer moi aussi, car le début de soirée s’installe et je ne préfère pas rester seul lorsqu’il commence à faire sombre. Je dois acquir ce réflexe à présent d’être sur mes gardes ; même si ce n’est pas très joyeux.
Lorsque je rentre, la cour du pensionnat est vide de mondes ; les élèves ont déjà regagnés l’intérieur et je m’assois sur un banc, ne souhaitant pas croiser d’autres personnes tout de suite.
Alors que je suis en train de réfléchir à ma conversation avec Adriana, je vois du coin de l’œil Mme Hopkins sortir d’une porte et longer la coursive du rez de chaussée dans ma direction. Je me lève aussitôt. Peut être que c’est déjà l’heure du couvre feu ?
Non, pas déjà. Il n’est que 18h et quelques, voir 19h. Que me veut elle encore ?
Mais j’esquisse un sourire en voyant qu’elle n’est pas seule, et que derrière elle ma mère marche en souriant, un bébé dans les bras ; mon frère.
Je me précipite vers eux.
- Maman, qu’est ce que tu fais là ? On est pas le jour des visites.
- T’es pas content de me voir ? Demande t-elle en me tendant Léonard, que je prends aussitôt.
Le bébé me sourit et ses yeux bleux pétillent ; j’ai l’impression qu’il m’a reconnu.
- Après ce qu’il s’est passé avec Steven, j’ai décidé de revenir te voir. Je ne veux pas que tu restes seul après une chose pareille.
J’hoche la tête ; reconnaissant qu’elle ait fait l’aller retour pour venir me voir, avec Léonard. Je berce l’enfant dans mes bras.
- Bon, je vous laisse. Alex, tu dois être revenu à temps pour le diner, annonce Mme Hopkins en partant.
On attent qu’elle soit complètement rentrée, puis on s’assoit sur le banc. Je dépose un bisou sur le front de mon frère, me sentant débordant d’amour pour ce petit être. Mine de rien, il a déjà grandi depuis la dernière fois que je l’ai vu. Il me paraît plus grand, et les yeux plus écarquillés, comme si il avait hâte de pouvoir tout voir de la vie.
- Paul ne pouvait pas venir, mais il aurait souhaité te saluer.
- Tu lui diras bonjour de ma part.
Elle hoche la tête.
- Promis.
Je plonge mon regard dans celui de Léonard, et je me rends compte à ce moment là à quel point il m’avait manqué.
- Il a déjà grandi, c’est dingue…
- Comme je le vois tout les jours, je ne discerne pas vraiment la différence. Mais il nous réveille chaque nuit, dit elle, l’air un peu dépitée.
Je ne sais pas ce que c’est que d’être mère ; mais je ne peux vouloir qu’une chose pour la mienne : que Léo soit un enfant moins compliqué que je l’ai été.
- Tu es fatiguée ?
- Un peu. Mais c’est la vie de parents. Et Paul est très présent. Comment va Julian ? Je ne l’ai pas vu lorsque je suis venue à l’infirmerie.
- Il… il est un peu chamboulé par tout ça, je crois…
Par « tout ça », j’entends bien évidemment mon altercation avec Steven, et le fait que ce dernier m’ait étranglé. Mais inutile de le redire.
- Il doit vraiment t’aimer.
- Oui. Je crois.
Un long silence s’ensuit, durant lequel je berce le bébé en lui disant des paroles idiotes, le genre de chose que tu dis à un bébé. Ma mère nous couve du regard, avant de prendre la parole. Je me tourne vers elle : à son air grave, ce qu’elle veut me dire a de l’importance.
- Tu sais, Alex… Ta grand-mère, en mourrant…
Je ne crois pas avoir déjà évoqué la mort de ma grand-mère avec ma mère. Jamais. C’est bizarre ; en y pensant, on aurait du en parler. Mais à cette époque, je n’était pas du genre bavard. J’était bien différent de l’Alex que je suis maintenant.
- Ta grand-mère t’a laissé tout son argent.
- Quoi ?
Je m’immobilise, stupéfait. Elle ne m’avait jamais parlé de ça.
- Quelques temps après sa mort, je suis allé voir son notaire, à qui elle avait laissée son testament. En le lisant, j’ai eu un choc. Elle t’a tout légué, toute sa fortune. Elle n’était pas riche, mais elle et ton grand père avaient fait des économies toute leur vie. Et dans la lettre, elle ne me donnait rien. Tout te revenait à toi.
Je reste un moment sans parler, digérant la nouvelle.
- Pourquoi ne me le dire que maintenant ?
- Parce que… parce que je n’ai jamais accepté le fait qu’elle ne me donne rien à moi, sa fille. Mais il n’y a pas longtemps, j’ai compris que tu avais été proche d’elle comme jamais je ne l’avais été. Parfois, on a doit accepter ce genre de choses… Et je crois que tu mérites cet argent. Je me sens bête de ne t’avoir rien dit.
Elle paraît désolée ; honteuse. Mais je la comprends et je ne pense pas qu’il y a avoir honte.
- Merci de me l’avoir dit, maintenant. J’aurais voulu savoir une chose pareille avant, mais c’est pas grave. Je t’assure. Mais, ou est cet argent ?
- Je l’ai mis sur ton compte. C’est 100 000 euros que tu possèdes… Et je peux aller voir le notaire dés demain pour que tu puisses y accéder, maintenant, si c’est ce que tu veux.
Je suis toujours retourné par la nouvelle. Ma grand-mère m’a laissée 100 000 euros… N’est ce pas énorme ? Je n’en sais rien. Je n’ai aucunes notions de quantités, en terme d’argent.
- D’accord, j’aimerais bien.
- D’accord.
Elle me prend dans ses bras et je le lui rends, en faisant tout de même attention de ne pas écraser Léo entre nous. Ce dernier nous fixe d’un air intelligent, comme si il comprenait de quoi nous parlions.
- Fais en bon usage. Comme je n’ai pas beaucoup d’argent à te donner, moi, et qu’il faut que je pense aussi à Léonard, cet argent pourrait te permettre de débuter ta vie d’adulte. Après avoir fini tes études au pensionnat, bien sur.
Nous échangeons un regard entendu.
- Oui, il faut que j’y réfléchisse… C’est une sacrée nouvelle… Je ne sais même pas ce que j’en pense.
Je suis encore abasourdi, je ne peux pas croire que je possède en ce moment même 100 000 euros. Qu’est ce que je pourrais en faire ? Je n’ai jamais possédé une telle somme. Ma mère non plus, je crois.
On finit par changer de sujet, et nous parlons, jusqu’à ce que ce soit l’heure pour moi d’aller diner. Elle me demande encore 10 fois si je vais bien et si j’ai encore mal, ( je lui assure que non ) puis elle finit par partir, par rentrer chez elle, rejoindre Paul.
De mon côté, je rentre pour manger, l’esprit encore occupé par cette histoire de testament. Ma grand-mère ne m’avait jamais dit qu’elle me donnerait tout… Je savais qu’elle avait fait des économies, mais pourquoi moi ?
En fait, j’ai déjà la réponse.
Etant enfant, je n’étais proche que d’une seule personne ; ma grand-mère. Je crois que nous nous ressemblions beaucoup. Je l’adorais. Sa mort a été terrible pour moi. Elle l’est toujours.
Je rentre dans le réfectoire et vais m’asseoir à côté de Julian. Celui-ci me jette un regard interrogateur.
- Ça va ? Je ne t’ai pas vu de l’après midi.
- J’étais allé voir Adriana, puis ma mère est venue…
- Ah bon ?
- Oui, pour avoir de mes nouvelles…
Il me demande si elle allait bien, si Léonard allait bien, je dis que oui, puis il commence à me parler d’autre chose, mais je n’écoute qu’a moitié. Je me sers à manger, mais je n’ai pas très faim.
Je décide de ne pas en parler à Julian, pas tout de suite. Je le lui dirais lorsque j’aurais décidé quoi faire avec cet argent.
elohane

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Re: J'irais en Enfer

Message par elohane »

Ceci est le dernier chapitre mais il y aura un court épilogue publié Mercredi ou Jeudi !

Chapitre 35 :

Le lendemain, je me fais réveiller en sursaut par des bruits de pas dans le dortoir. La lumière est allumée ; je jette un œil à l’horloge. Il n’est que 7h02.
Les lits autour de moi sont vides, il n’y a plus que moi qui suis couché et je tourne la tête : les autres garçons sont amassés près des fenêtres du dortoir, celles qui donnent sur l’entrée du pensionnat. Pourquoi regardent ils tous par la fenêtre ? En faisant autant de bruit ?
- Ça a l’air sérieux… dit l’un d’eux en se collant encore plus à la vitre pour mieux voir.
- Le directeur a l’air en colère, constate un autre.
Quelques garçons qui n’ont pas accès à la fenêtre jouent des coudes pour se frayer une place devant la vitre. Je me lève du lit, étonné par ce qui est en train de se passer. En cherchant du regard Julian, je comprends qu’il n’est pas là. Ou est-il, à 7h02 du matin ?
Je sens l’inquiètude monter et je vais vers un garçon qui doit avoir 14 ans. Celui-ci jette des regardes curieux par la fenêtre.
- Excuse moi, sais tu ce qu’il se passe ? Je lui demande.
- Non, je ne vois rien, répond celui-ci qui ne m’accord pas un regard, trop occupé à essayer d’atteindre la fenêtre.
Un autre garçon, plus vieux, qui nous a entendu, se tourne vers nous et nous informe :
- C’est Julian.
- Julian ? Je dis avec empressement, sans chercher à cacher l’angoisse qui monte.
- Oui, un surveillant est venu le chercher tout à l’heure. Apparemment, ses parents sont là.
Je me fige. Ais – je bien entendu.
- Les parents de Julian, tu es sur ?
- Oui, d’ailleurs Julian ne voulait pas y aller, mais il s’est laissé convaincre d’aller leur parler.
Tout ça n’a aucun sens. De ce que j’ai compris, les parents de Julian le détestent. Pourquoi viennent ils le voir au pensionnat ? Qu’ont-ils de si important à lui dire ? Je pousse les personnes devant moi, récoltant quelques insultes au passage, et réussi à trouver une place près de la fenêtre.
Dans la cour, le directeur semble discuter peu chaleureusement avec une femme… la mère de Julian. Ce dernier est assis sur un banc et semble regarder la scène avec impuissance. Il y a aussi un homme, mais celui-ci est en retrait, comme si il refusait de s’approcher de son fils.
Je me précipite vers la porte et quitte le dortoir. Je suis encore en pyjama, mais qu’importe. Il faut que je parle à Julian. Immédiatement. Je dévale les escaliers à toute vitesse et dépasse les coursives pour me retrouver, moi aussi, dans la cour.
Je lève les yeux : Par la fenêtre du dortoir, tout les garçons me fixent, semblant regarder la scène d’un air intéressé. Mme Hopkins qui me tourne le dos n’a pas vu mon arrivée, ni les parents de Julian qui sont trop occupés à se disputer avec elle.
Julian, lui, me remarque immédiatement. Je croise son regard. Il semble vouloir s’enterrer sous terre pour ne jamais revenir ; sa peau a pris un teint de cadavre. Cela fait des années qu’il n’a pas vu ses parents, j’imagine que les voir débarquer d’un coup n’est pas de tout repos.
Le pire, ce sont ses yeux rouges qui débordent de larmes. Je me demande ce qui peut causer tant de chagrin, je n’ai jamais vu Julian pleurer ainsi. Je sens mon corps se refroidir à l’idée qu’il ait pu arriver quelque chose de grave.
Je recule un peu pour ne pas me faire voir Mme Hopkins, et observe les parents de Julian.
Je ne leur trouve aucune ressemblance avec leur fils. Bien qu’ils aient tout deux des cheveux bruns et des yeux gris comme lui, ces mêmes yeux sont dépourvus de toute lueur argenté. Ils ont l’air vides, méchants. Et puis ils n’ont pas les mêmes traits doux qu’a Julian, non, eux ont un visage tendu et strié de traits, mais ce n’est pas seulement la veilliesse : C’est comme si leur personnalité se reflétait dans leur physique. Le père est grand et maigre, là ou la mère est petite et corpulente. J’ai du mal à croire que ce sont eux, les parents de Julian.
Celui-ci me fixe toujours. Je reste sur le côté, attendant qu’ils repartent, et au bout de quelques phrases enflammées ça en manque pas : Mme Hopkins leur propose d’aller parler de ça dans son bureau. Ils acceptent d’un air méchant et s’en vont de la cour. Julian est resté là, figé.
Je cours vers lui sans me soucier que nous sommes sans doute observés par une marrée d’élèves, et le prends dans mes bras. J’ignore quel est le problème, mais il faut que ces larmes dans ses yeux disparaissent.
Je le serre contre moi, heureux de sentir sa proximité. Depuis que nous sommes revenus au pensionnat, les contacts physiques sont rares.
- Viens, allons autre part, dis – je en l’entrainant à l’intérieur du batiment.
Il ne bouge pas. Il reste immobile, l’air plus triste que jamais.
- Julian ? Tu viens ?
- Je ne peux pas partir. Je dois les attendre là.
J’hoche la tête. Sa voix mélancolique me brise le cœur.
- D’accord. Allons quand même nous asseoir sur le banc.
On s’assoit et il entreprend de sécher ses larmes, les yeux toujours rouges. Malgré la tristesse sur son visage, il est toujours aussi beau.
- Explique moi ce qu’il se passe.
Il prend son inspiration. Je jette un coup d’œil vers le bureau de Mme Hopkins : J’ignore combien de temps nous avons avant qu’ils reviennent.
- Ces gens… Ce sont mes parents.
- Je sais, on me l’a dit… Je sais que ça doit être étrange de les revoir.
- Ça, je m’en fous. Je les hais.
Je ne dis rien, le laissant parler. Lorsqu’il regarde en direction de là ou était sa mère, ses yeux se remplissent de colère.
- Ils viennent pour me chercher. Je dois aller faire ma valise et partir dés aujourd’hui.
Il n’ose même pas me regarder. Et moi, je ne sais pas quoi dire. Je suis trop choqué : c’est comme si cette phrase avait été un pieu qu’on enfonce dans mon cœur. Ma bouche est restée ouverte, mais je ne sais pas quoi dire. J’aimerais pouvoir changer le cours des évènements, m’interposer, mais je n’ai que 16 ans et ce sont ses parents, sûrement riches. Je ne peux rien faire.
Le désespoir s’abat sur moi tellement rapidement et de manière si facile que je n’ai plus de mots. C’est donc lui qui ajoute :
- Ils ont décidés de m’envoyer à l’armée, pour… me forger. Je n’en sais rien. Et dés que je serais sortit de l’armée, ils me marieront à une de ces filles idiotes…
- Mais tu peux faire quelque chose, tu ne vas pas accepté ?! Je m’exclame en le prenant par le bras, comme si ça pouvait le retenir.
- Mais je n’y peux rien, Alex ! Ce sont toujours mes parents, ils ont encore le droit de m’envoyer ou ils veulent ! Dit-il en dégageant son bras, l’air dévasté.
Je commence à réfléchir, mais rien ne vient. Je ne peux rien faire pour l’empêcher de partir : je me sens complètement impuissant.
- Ecoute… commence t-il sans m’adresser un regard. Je dois partir aujourd’hui, et je ne sais pas combien d’années cela prendra avant qu’on se revoit, alors sache que…
- Arrête. Ne me fais pas tes adieux. Pas maintenant, je m’écris en me levant.
J’ai compris. Si je veux vraiment empêcher que Julian s’en aille, il ne faut pas que je pleure ou que je le laisse croire qu’il ne va pas s’en sortir. Je vais trouver une solution ; en réalité mon esprit est allé si vite que je vois déjà une solution. Pas question qu’il parte.
Je n’y survivrais pas.
- Alex, ça ne sert à rien de…
- Ecoute moi, je le coupe en le regardant dans les yeux pour vérifier qu’il est attentif. Tu ne vas pas partir.
- Tu crois que j’en ai envie ? Non, bordel ! Je voudrais aussi rester ici, avec toi. Mais voilà, je n’ai pas le choix. Alors facilite moi ces adieux, parce que j’ai des choses à te dire…
J’aimerais entendre ces choses qu’il a à me dire, mais ce n’est pas pour tout de suite. Même si il a l’air d’avoir baissé les bras, moi je l’aime trop pour songer à abandonner aussi vite.
Mon cœur ne me fait plus mal. Parce que je sais que si il m’écoute, on va y arriver.
- Julian, maintenant écoute moi. Tu ne vas pas me faire tes adieux. ( comme il est sur le point de me couper à nouveau, je plaque ma main sur sa bouche, l’air féroce. Il va m’écouter, oui ! ) Je sais comment faire. Ma mère m’a révélée hier que j’ai hérité d’une grosse somme. 100 000 euros. Ils m’appartiennent, ils sont sur un compte et j’y ai accés.
Il m’écoute, à présent, et ne semble plus vouloir me couper la parole. J’ai toute son attention.
- Je veux qu’on parte tout les deux, dés aujourd’hui, pendant que tes parents sont dans le bureau de Mme Hopkins. Maintenant.
- Quoi ? Mais…
- Ecoute. On réfléchira à la suite plus tard. Où aller, je n’en sais rien. Comment, je ne sais pas non plus. Mais il est hors de question que je ne te voies plus, que tu ailles à l’armée, ou nulle part ailleurs. Parce que si tu pars, je serais si triste, seul et en colère que je finirais par en mourir.
Nous échangeons un long regard. Dans le sien, j’y vois d’abord de l’émotion, puis du doute, et enfin de la détermination. Sa machoire se serre et ses poings aussi. Il jette un œil vers le bureau de Mme Hopkins : Ils ne sont toujours pas revenus.
- Ok, allons y. Montons d’abord au dortoir récupérer nos affaires.
Je sens le soulagement s’emparer de moi.
- Julian, attends, dis – je alors qu’il va vers le batiment.
- Hm ? Dit il en se retournant.
Je me dirige vers lui et l’embrasse. Dans ce baiser, je sens le goût des larmes mais aussi celui de l’espoir, que j’ignorais jusque là. On finit par se relacher et on monte. Dans l’escalier, nos pas sont précipités, nous courons, et je me demande, et si nous ne réussissions pas à nous enfuir ?
Et si, finalement, Julian allait bel et bien à l’armée et qu’on ne se revoyait plus ? Mais j’essaie de ne pas y penser.
Nous arrivons dans le dortoir. Celui-ci est encore bondé des élèves qui se sont décrochés de la fenêtre et nous fixe tous à présent. J’y reconnais Gaston, Pierre, Neil et d’autres garçons encore. Ils nous ont sûrement tous vu nous embrasser dehors, mais je m’en fiche. Là, je suis juste concentré sur sortir. Nous en aller.
Julian se précipite sur son lit et commence à rassembler ses affaires dans sa valise. Je fais de même, j’y fourre rapidement mes livres et mes habits. Je sens le regard de tout les élèves sur nous, et quelques chuchotements parcourir les lèvres, mais aucun ne s’interpose. Personne n’ose parler, même si tout le monde à compris.
On ressort, et on va dans la salle de bain. On a échangé aucuns mots, mais on sait quoi faire. Comme je suis encore en pyjama, je m’habille en quatrième vitesse et Julian prend nos affaires de toilettes – serviettes, brosses à dents - , et les fourre aussi dans la valise. Puis, nous sortons.
Le couloir n’est pas vide. Bien que les pensionnaires soient restés dans le dortoir, il y a quelqu’un devant la porte.
Neil.
Il nous fixe d’un regard que je n’identifie pas. Comme il est bras croisés devant nous, je songe une fraction de secondes qu’il va essayer de nous bloquer le passage, peut être alerter des surveillants.
Mais il n’en fait rien. Il se contente de nous observer. Nous continuons donc notre chemin dans le couloir, accélérant le pas, quand soudain je l’entends crier :
- Alex !
J’hésite quelques secondes, mais finalement, je me retourne. C’est plus fort que moi. Julian fait de même.
Neil nous fixe toujours, mais avec un vague sourire aux lèvres. Puis, il dit :
- Bonne chance.
Je reste interloqué un instant. Neil qui nous dit bonne chance ? Je ne sais pas quoi répondre. En fait, même si il est clair qu’il regrette ses actes, je n’ai pas envie de lui répondre.
Je fais donc un mouvement de tête, comme un hochement, pour qu’il comprenne que j’apprécie ce qu’il dit, et que je sais ce qu’il pense. Puis, je croise une dernière fois son regard, pour la dernière fois de toute ma vie, et je m’en vais.
Nous empruntons la sortie de secours qui est toujours ouverte, celle que nous avions utilisés lorsque nous sortions le soir en cachette. Nous sortons, faisant toujours rouler les valises.
Julian s’apprête à monter le grillage, mais je l’arrête :
- Julian.
Il se retourne, le regard interrogateur.
- Tu ne vas pas regretter ?
Même si je suis plus heureux que jamais, que l’on s’en aille ensembles et qu’on ait pas à se séparer, je ne veux pas qu’il se sente enfermé avec moi.
Il me jette un regard surpris, comme si il ne s’attendait pas à cette question, comme si elle était inutile.
- Regretter ? Jamais ! C’était bien moi qui t’avait proposé qu’on s’en aille non ? Je suis plus heureux que jamais que tu acceptes.
On envoie d’abord les valises par-dessus le grillage ; et elles retombent dans un bruit sourd, puis on l’enjambe et récupérons nos bagages.
Nous passons devant la voiture des parents de Julian, une peugeot blanche étincelante. Ils ne se sont sûrement pas encore rendus compte que celui-ci s’en était allé, car elle est encore en place, vide dans l’allée.
Julian entre dedans, et je le regarde s’animer à l’intérieur comme si il cherchait quelque chose. Il finit par en ressortir, avec quelques billets dans la main.
- Je les ai trouvés dans la boite à gants. Ça pourra nous être utile si on voyage en train, dit il d’un air fier en esquissant un sourire espiègle.
En temps normal, je trouverais ça mal de voler, mais là ce sont les parents de Julian. De véritables connards homophobes, en fait. Et puis ils n’avaient qu’à refermer la voiture.
Il range les billets dans sa poche et on s’en va, nos valises en mains.
En marchant sur le chemin qui mène hors du domaine du pensionnat, je songe à quelle va être la réaction de mes professeurs et des autres camarades quand ils sauront que nous sommes partits pour de bon. Et Adriana… J’espère qu’elle ne m’en voudra pas. A présent, elle a ce Basile, et elle a retrouvé ses amies. Elle s’en sortira sans moi. Intérieurement, je me promet que lui écrirais des lettres.
Mais je sais qu’elle devinera ou je suis allée. Et avec qui.
- Alex, dis au revoir au pensionnat. Je ne sais pas toi, mais moi je ne compte pas y revenir. Jamais, dit Julian en se retournant pour adresser un dernier regard à la batisse.
Je me retourne et fais de même. Je n’arrive pas à croire que nous nous en allons. Tout s’est passé si vite, les décisions ont été si rapides. Et si c’était le mauvais choix ?
Non. Tout plutôt que d’être séparé de Julian.
Je fixe le pensionnat, dont certaines lumières sont allumées, mais qui par cette heure matinale est entourée de quelques nuages gris. Finalement, je ne suis pas malheureux de quitter cet endroit. Bien que j’ai fini par m’y habituer, j’ai besoin d’un nouveau départ, loin des personnes qui m’ont causés tant de soucis.
Le moment me paraît irréel lorsque je me détourne du pensionnat, et marche droit vers la route. On s’éloigne de plus en plus, et bientôt il n’y aura plus de retour en arrière possible.
J’espère que ma mère ne va pas s’inquiéter. Je vais essayer de l’apeller dés que possible, pour tout lui expliquer. Peut être qu’en attendant de trouver une vrai solution à tout ça, on pourra aller loger chez elle et Paul quelques temps. Je serais content de vois un peu plus Léonard, et Julian aussi.
Ensuite… ensuite je ne sais pas. On verra. On verra bien.
Mais en attendant, nous décidons de prendre le train pour nous éloigner le plus possible de n’importe quel endroit ou les parents de Julian pourraient nous retrouver. Loin d’ici. On trouvera sûrement un hotel, un village – et avec l’argent sur mon compte, nous n’avons pas de soucis à nous faire.
On continue de marcher. La gare est loin, mais nous n’avons pas d’autre solution. Nos valises rebondissent sur le sol derrière nous, avec un bruit qui nous accompagne durant notre fuite.
- Je suis content, Alex. C’est tellement inespéré, que ta grand-mère t’ais légué cet argent, que nous partions comme ça…
Oui. Je n’ai jamais été aussi reconnaissant à ma grand-mère. Je l’adore vraiment. J’espère que de là ou elle est, elle est fière de moi.
- Moi aussi, je suis content. Mais, tu ne crois pas que tes parents vont alerter la police ? Essayer de te retrouver ?
- Peut être. Ça m’étonnerait. Mais, il va falloir que nous soyons prudents. Peut être qu’en attendant, on devrait trouver de faux prénoms. Je pourrais m’apeller…
- Jules.
- Et toi Alexis.
On s’échange un sourire complice. C’était les prénoms que nous avions donnés au conducteur qui nous avait pris en stop. Tant de souvenirs…
Malgré tout, cette année a été une belle année. La plus belle de ma vie.
Nous marchons encore longtemps. Lorsque nous arrivons dans la gare enfummée par la vapeur des trains et pleine de mondes, nous avons les jambes en compote. On va voir le monsieur au guichet, on lui explique qu’on veut le premier train qui nous emménera loin. On achète donc de billets pour le prochain train, en provenance de Toulouse. Et qui sait, après Toulouse, nous irons peut être dans des centaines d’autres villes. Marseille, Paris, Lyon…
On passe par la boulangerie, car nous n’avons pas mangés de la matinée et on commence à avoir sérieusement faim. Puis, nous cherchons quelques minutes notre train parmi tout les autres, avec difficulté.
Mais nous finissons par le trouver, et on monte à l’intérieur. Nos places se trouvent près d’une famille et d’un couple de personnes âgés. On s’assoit à nos places, et on se regarde dans les yeux longuement. On sait tout les deux que ce que nous faisons est un peu dingue. Une fugue, en quelque sorte.
- Je t’aime, me dit Julian sans me quitter du regard.
- Je t’aime, je réponds avec un sourire.
Puis, le train démarre.

à bientôt pour l'épilogue...
JaneSerpentard

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Re: J'irais en Enfer

Message par JaneSerpentard »

J’ai le visage trempé… je suis tellement soulagée que ça se termine bien, comme ça, hyper fière de toi, du chemin que tu as fait pour en arriver là, à jamais reconnaissante de t’avoir rencontré et d’avoir passé tous ces moments avec Alex et Julian. Je me suis énormément attachée à eux, alors les laisser va être très difficile… je suis plus que fière de toi <3
J’ai hâte de lire l’épilogue pour les retrouver !
elohane

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Re: J'irais en Enfer

Message par elohane »

Epilogue :

1 an plus tard…

La sonnerie de fin de cours retentit dans l’amphitéâtre et je commence à ranger mes affaires. Le professeur est en train de dire quelques derniers mots à propos du devoir à rendre dans deux jours, mais plus aucuns étudiants n’écoutent. La plupart se fraient déjà un chemin pour sortir.
Il est 10h. Nous sommes en été, et c’est une belle journée qui s’annonce. Les cours de l’après midi ont été annulés à cause de plusieurs manifestations qui auront lieu sur le boulevard de l’Université. D’ailleurs, je compte y participer. Cela fait maintenant 1 an que je ne me cache plus, avec Julian.
Ce sont le début des grosses manifestations pour les droits gays et lesbiens, pour enlever cette stupide interdication de l’affichage de presse homosexuel et qu’il y ait la même majorité sexuelle quel que soit l’orientation. Je sens que l’on peut faire changer des choses. Nous sommes en 1987, il est tout de même temps que nous ayons les mêmes droits.

Même si je suis ouvertement gay avec mes amis, j’essaie tout de même de ne pas en parler à l’Université. Je ne tiens pas me faire renvoyer alors qu’il a déjà été compliqué que je puisse m’y inscrire sans avoir eu mon bac.
Mais depuis que j’étudie ici, j’ai sans surprises les meilleures notes de la classe. Je ne suis pas prêt de me faire renvoyer. Je suis à l’Université de Toulouse, en faculté de Droit. Qui sait, c’est peut être moi qui vait accorder de nouveaux droits aux homosexuels, dans quelques années…
Je ferme mon sac et marche jusqu’au bureau du professeur. Celui-ci a la tête baissée vers son bureau et relit des fiches. En sentant ma présence juste en face, il lève la tête.
- Oui, Alexandre ?
- Je me demandais si vous aviez eu les résultats du Concours pour aller étudier le droit à Paris, l’année prochaine, Monsieur.
Il hoche la tête et regarde quelques secondes quelque chose dans ses papiers.
- Non, pas encore. Mais il n’y a aucuns doutes que tu réussiras. Mais, tu veux déjà partir ? Tu es à Toulouse depuis combien de temps ?
- Un an tout pile.
Si je veux aller dans cette autre université, ce n’est pas parce que celle-ci est mauvaise, bien qu’elle soit moins célébre que celle de Paris : Mais c’est parce que Julian, qui veut devenir écrivain, a été accepté à la Sorbonne à la faculté de Lettres. C’est une nouvelle inespérée et il faut que je trouve un moyen de le suivre là bas. Mais je sais que l’on va réussir. Si je ne suis pas accepté à l’université de droit à Paris, j’en trouverais une autre, je trouverais un moyen. Pas question que l’on soit séparés.
- Bon, eh bien, bon après midi, dit mon professeur avec un sourire.
- Merci, vous aussi.
Je m’en vais. En traversant le couloir de l’amphithéâtre, je ne peux pas m’empêcher d’être impressionné, comme d’habitude. L’architecture du bâtiment, les moulures au plafond et les couleurs… C’est si beau, si magique. J’ai tellement de chance d’être ici.
Nous avons vraiment eu de la chance en nous enfuyant du pensionnat. Bien que nous ayons dû changer d’appartement 2 fois et que les parents de Julian se soient mis à sa recherche, nous n’avons jamais manqué de rien. Et à présent, il a 18 ans et ne risque plus rien. Il est majeur et ses parents ne peuvent plus rien faire pour le récupérer. Moi je les aurais bientôt.
Mais même à mes 18 ans, je continuerais de rendre visite à Paul et maman. On s’entend de mieux en mieux, et ils nous ont accueillis à des moments plus compliqués que d’autres ou l’argent manquait. L’année a été riche en évènements.
Léonard a grandit, il a déjà 1 an, mais je ne m’en rends pas bien compte car je le vois souvent. Il a déjà des cheveux, par contre, des blonds comme moi.
Plongé dans mes pensées, je n’entends pas immédiatement la voix qui m’appelle :
- Hé, Alex !
Je me retourne au bout de la deuxième fois. C’est Nina, qui arrive à ma hauteur. Ses cheveux blonds se balancent dans son dos tandis qu’elle court pour me rattraper. Je lui souris.
- Ça va ?
- Oui. Le cours était plutôt intéressant, aujourd’hui, dit elle en remettant une mèche de cheveux derrière son oreille.
En arrivant à l’Université, j’étais perdu et surtout j’étais le plus jeune de tous. Il n’y a que Nina qui a mon âge ici ; et même ; elle est plus grande, elle a eu 18 ans la semaine dernière. Mais c’est une de mes meilleures amies et elle vient souvent à la maison. Quand Adriana aura son bac, ce qui ne va pas tarder, je l’inviterais dans notre appartement à moi et à Julian pour un séjour et il faudra qu’elle rencontre Nina. Ces deux là sont pareilles.
- Tu fais quoi, cet après midi ? Demande t-elle alors que nous descendons les marches du campus.
- Je vais à la manifestation avec Julian.
- J’y vais aussi ! On se verra peut être là bas.
On arrive dans le boulevard, déjà bondé. Certains jeunes que je reconnais pour être dans ma classe préparent des pancartes, à genoux sur le trottoir, avec des bombes de peinture.
- Oui, j’espère. Mais apparemment il y aura beaucoup de monde, alors pas sur qu’on se retrouvera dans cette foule.
- Oui, mais c’est rassurant. Ça veut dire que nos idées sont partagées par beaucoup de gens et que nous ne sommes pas les seuls à nous battre pour certains combats…
J’esquisse un sourire. Elle a raison, et ça me rends heureux.
- Bon, j’y vais, ma sœur m’attends, s’exclame t-elle en me faisant la bise. Tu passeras le bonjour à Julian de ma part ?
- Bien sur. Alors, peut être à tout à l’heure !
Elle s’en va et je traverse la route pour me rendre chez moi. J’ai hâte de voir Julian. C’est vrai qu’entre mon université et le fait qu’il écrit toute la journée, on se voit un peu moins qu’on le voudrait. Mais si c’est pour qu’il devienne un écrivain célèbre et moi un avocat reconnu, alors ça vaut peut être le coup. Même si pour l’instant, il refuse encore de me faire lire son livre : il ne veut même pas me dire quelle en est l’histoire.
Je remonte la rue qui mène à notre appartement, appréciant la chaleur d’été qui n’est pas encore épouvantable. Mais je suis sur que dans quelques semaines, ce sera la canicule. Et puis, j’adore cette rue. Bordée d’arbres, avec peu de monde, c’est parfait.
Arrivé devant mon appartement, je sors mes clés et ouvre la porte. Aussitôt, j’apprécie l’ombre et la fraicheur de la cage d’escalier, ainsi que l’odeur de gâteaux qui émane de l’appartement du rez de chaussé, celui de Miss Fibling. Cette voisine est sans doute ma préférée, puisqu’elle ne manque pas de nous apporter de la nourriture presque chaque jour. Mais je soupçonne qu’elle s’ennuie beaucoup, depuis la mort de son mari. C’est une vieille dame, et j’essaie de lui tenir un peu compagnie, le week end.
Je monte les escaliers ; de miteux escaliers dont la rambarde est recouverte de peinture verte écaillée. C’est un vieil immeuble, mais je m’y sens bien.
J’arrive au troisième étage, le notre. Sans même avoir encore ouvert la porte, j’entends, à travers les murs, la musique de Chopin retentir dans l’appartement. La Nocturne No.13 In C Minor, Op 48 No.1.
Mince, Julian est devenu fan de Chopin à présent. C’est ça de vivre avec moi.
J’entre à l’intérieur et me débarrasse de mon sac de cours. J’enlève mon t-shirt, car la chaleur est vraiment épouvantable, et me sers un verre d’eau. Julian doit être dans la pièce qu’il s’est faite comme bureau pour écrire. D’ailleurs, c’est Mme Fibling qui lui a offert la machine à écrire dont il se sert. Je crois qu’elle a un petit béguin pour nous, bien qu’une fois elle m’ait confondue avec son fils Thierry. Je pense qu’elle perd un peu la tête, aussi.
L’appartement n’est pas très grand c’est un appartement pour étudiants, avec une seule chambre, une salle de bain et un bureau en plus des pièces de bases. Chose plutôt bien, il y a un balcon qui donne une vue imprenable sur le canal de Brienne.
Je toque à la porte de son bureau et au bout de quelques secondes j’entends « entre ». J’ouvre et reste debout dans l’encadrement de la porte, regardant Julian écrire de manière concentrée, à son bureau.
Il est magnifique, encore plus lorsqu’il fait quelque chose qui le fascine.
Ses cheveux ont poussés ces derniers temps et il refuse que je le lui coupe, et finalement il a raison. Ça me rappelle des souvenirs. Ses yeux gris sont rivés sur la machine à écrire ; il réfléchit intensément. Il a coincé sa langue entre ses dents, signe qu’il est particulièrement occupé.
- Salut, beau gosse, dis – je pour plaisanter ( bien qu’il soit réellement beau ).
Il pousse un soupir exaspéré, mais un grand sourire s’affiche sur son visage néanmoins et il se tourne sur sa chaise pour me regarder.
- Salut, beau gosse toi-même. ( Il hausse un sourcil en voyant que je n’ai pas de t-shirt ) Très, très beau gosse d’ailleurs. Ça me plait cette mode qu’ont les gens d’enlever leurs habits lorsqu’il fait chaud, dit il en rigolant.
Je souris et m’approche de lui pour l’entourer de mes bras, et essayer au passage de jeter un œil à ce qu’il écrit. Mais au moment ou je m’approche, il enlève sa feuille de la machine et la met face cachée.
- Quand est ce que je pourrais lire ton livre ?
- Mmmh, je sais pas. Si t’es sage.
- Mais je suis sage, dis – je en essayant d’avoir l’air innocent.
Il parait troublé un instant, et lève les yeux vers moi.
- Tu es particulièrement excitant quand tu dis ça, dit il avec un sourire malicieux.
- C’est un atout pour que je puisse lire ton livre, ça.
Il me jette un coup d’œil espiègle et se lève de sa chaise pour m’embrasser, enfin. Je réponds à son baiser vivement, empoignant ses cheveux bruns dans ma main. J’adore sa langue, j’adore sa peau. Je suis content d’être rentré des cours…
- Tu devrais remettre ton t-shirt avant de m’allumer pour de bon, observe t-il en s’écartant.
- Quoi, ça te plairait pas ? Je ricane en obéissant toutefois.
- Si, mais là je dois travailler. Je dois envoyer mes textes au directeur de la Sorbonne pour demain matin.
- Mais, je croyais que tu étais déjà accepté ? Dis – je en m’asseyant sur le canapé qui trône au centre de la pièce.
- Je le suis, mais il veut quand même savoir quelle est mon niveau et mon genre d’écriture.
Je m’allonge sur le canapé et croise les bras derrière ma tête, toujours en le regardant.
- Alors, je t’attends sur le canapé, et quand tu as fini d’écrire, tu viens me rejoindre ?
- Ok ! Dit il avec hâte.
Je le regarde s’affairer sur son texte avec concentration. J’adore toute l’attention qu’il porte à ce qu’il fait.
J’attends un quart d’heure entier avant qu’il range ses papiers et vienne me rejoindre sur le canapé. Il s’allonge près de moi et passe sa main dans mes cheveux. Même si ça va faire 2 ans que je le connais à présent, mon cœur s’affole toujours autant lorsque je le vois. J’ai encore ce frisson le long du corps et cette excitation qui m’électrise le sang quand on se touche. Je l’aime encore, si ce n’est même plus. Et lui aussi m’aime. Je ne vois pas de vie plus parfaite que lorsque l’être aimé t’aime en retour.
Et franchement, je ne pense pas que j’arrêterais de l’aimer un jour. Je ne m’en sens pas capable.
Je plonge mes yeux bleus dans ses yeux gris, et les contemple profondément.
Je n’ai aucune envie de quitter la contemplation de son regard. C’est le plus beau qu’il m’ait été donné de voir.

A suivre, peut être…
Fin.
elohane

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Re: J'irais en Enfer

Message par elohane »

JaneSerpentard a écrit : mer. 15 mars, 2023 7:17 pm J’ai le visage trempé… je suis tellement soulagée que ça se termine bien, comme ça, hyper fière de toi, du chemin que tu as fait pour en arriver là, à jamais reconnaissante de t’avoir rencontré et d’avoir passé tous ces moments avec Alex et Julian. Je me suis énormément attachée à eux, alors les laisser va être très difficile… je suis plus que fière de toi <3
J’ai hâte de lire l’épilogue pour les retrouver !
Merci pour ce message, j'ai été ravie de partager cette histoire avec toi :D
Je t'aime !
JaneSerpentard

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Re: J'irais en Enfer ( Terminé )

Message par JaneSerpentard »

Incroyable fin ! Cet épilogue est juste parfait. J’ai les larmes aux yeux parce que je suis juste extrêmement fière de toi et que tu aies aboutie ce roman. C’est une véritable pépite et je suis sincère en disant qu’il rentre dans mes livres préférés. Tout est parfait. Tu peux être fière de toi et de ton travail, vraiment ! Tu mérites toutes les bonnes critiques que tu as reçu et que tu recevras dans l’avenir. Ce roman est une merveilleuse idée, et la personne qui l’a écrite est une excellente écrivaine. Je t’aime bestie, sois fière de toi, parce que moi je le suis <3
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