6/ A. Une menace apparaît ! Vous et votre ami/amant êtes pris en chasse par un monstre ou un tueur en série. Vous échappez à la menace. Lisez un livre sans violence.
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*Ding !*
Le couloir du quinzième étage n'est pas très différent de celui du 29, si ce n'est l'omniprésence du vert caca d'oie. Sur les murs, le tapis, les quelques vases ; partout du vert caca d'oie. Chaque fois que je pense avoir atteint ma limite, j'en viens à regretter ma situation précédente. Je frissonne d'imaginer où tout cela va me mener...
Il en va de même pour le volume sonore : plutôt que l'agréable musique d'ambiance du Lounge, cet étage ne propose que des
bzzzzzzzt et des
whoooosh assourdissants qui commencent déjà à me courir sur le haricot.
Passant le porche, j'avise un grand espace empli de badauds et de guichets tandis que l'espace aérien regorge de... chaussures ailées. Ce sont elles les responsables de cette cacophonie. Elles forment des essaims fusant d'un bout à l'autre du hall, toute berzingue, et je n'aurais jamais pensé compatir un jour avec un soulier s'étant fait séparer de sa paire. A-t-on jamais vu sandale de cuir aussi pathétique et affolée ? Peut-être bien...
Détournant les yeux de ce ballet somme toute hypnotisant je me reconcentre sur ma tâche. J'ignore à quoi ressemble le marchand que je suis venue chercher - d'ailleurs, j'espère qu'il s'agit bien d'un marchand - mais l'uniforme, semble-t-il obligatoire, arrange sacrément mes affaires. Uniforme malheureusement aux couleurs de l'étage : képi vert caca d'oie, pantalon et gilet assortis par-dessus une chemise blanche. Malgré la variété de tons des épidermes, je n'en voit pas un à qui cette couleur va au teint.
Après quelques minutes je finis pas dénicher mon contact.
- Excusez-moi ?
- Salutations aventurier ! Franciscus Trencart, directeur de la FT Compagnie, pour vous servir.
- Enchanté. On m'a assuré que vous aviez de quoi rendre les longs trajets en ascenseur plus vivables...
- Oh bien sûr ! Passez du 15 au 1000 d'un claquement de doigts avec le Pass FT ! Il s'agit de mon best seller et, si je puis m'en vanter, son efficacité est loin d'être galvaudée. Garanti sans nausées ni dérèglement de l'oreille interne. 100 HUB Coins, qu'en dîtes-vous ?
- Heu...
- Vous m'avez été référé vous dites ?
- Oui, par PNJ.
- Ce bon vieux Patricius ! En ce cas, 90 HC. Prix d'ami.
- Ah, c'est que je n'ai pas vraiment de liquidité.
- Mmh, voilà qui est embêtant, en effet.
- Il y a peut-être moyen de s'arranger ?
- Paiement en nature ? Pourquoi pas. Traitement spécial pour l'ami d'un ami.
- Et quelle serait la nature de ce paiement en nature ?
Jetant des coups d'œil à gauche puis à droite Franciscus se penche en travers de son étal. L'heure est grave. Reste plus qu'à espérer que l'absence d'administration signifie également l'absence de police.
La négociation se poursuit sur le ton de la confidence. Comme si ce n'était pas déjà suspect en soi...
- Voyez, la FT Compagnie n'est qu'une petite entreprise familiale. Tandis que madame gère l'artisanat, je suis coincé ici du matin au soir. Mes concurrents paieraient cher pour connaître l'ingrédient secret des Pass FT, aussi ne puis-je donc pas m'adresser au premier quidam venu pour me fournir. Mais si PNJ se porte garant de votre intégrité, et j'ai pleine confiance en son jugement, vous me rendriez là un service qui vaut bien un Pass gratuit.
- Je vous assure que vous pouvez comptez sur moi pour garder votre secret. Cependant, je crains de ne pas avoir les compétences nécessaires pour une telle tâche.
- Allons bon ! Ai-je l'allure de quelqu'un capable d'occire trolls et dragons ? Si j'y arrive, alors vous aussi. Tout au plus est-ce une activité fort chronophage.
- En ce cas, que dois-je faire exactement ?
- Étage 216 se trouve le biome des hérissons. De petites bêtes particulièrement vivaces. Ramenez-m'en un sac d'épines et nous serons quittes.
Après avoir trifouillé dans une caisse située sous l'étal, Franciscus me tend un sac en jute, une sorte de ciseau servant sans doute à la découpe des épines ainsi qu'un vaporisateur.
- C'est pour quoi ?
-
Re'Pouss, empêche l'infection et favorise la cicatrisation. À vaporiser après les prélèvements. Vous savez, pour l'économie durable, tout ça, tout ça.
- Je vois...
Franciscus me tend également un carré de plastique qu'il vient de piocher dans une des panières de son étal. Je le fixe sans oser poser la question qui me taraude.
- Pour vous épargner un bien long voyage. Je vous fais confiance pour remplir votre part du marché.
- ... Sinon...
- Nous sommes au HUB. Il se trouvera bien un aventurier pour vous faire votre affaire, monsieur...
- ......... Aliquis Per... Perdita.....
- Monsieur Perdita. Au plaisir !
Son sourire que je considérais jusqu'à présent comme avenant me fait tout à coup froid dans le dos. Sans demander mon reste je m'empare du Pass et m'enfuis, la queue entre le jambes, jusqu'à l'ascenseur.
Une fois les portes refermées, j'avise le panneau de contrôle en proie à l'hésitation. Numéro 216 ou 186 ? Je calme ma respiration un poil effrénée et prends le temps de la réflexion. Observant le fameux Pass, je remarque en passant que ce que je prenais pour du plastique s'avère en fait être de la résine. Encapsulée, se trouve une poudre noire que j'identifie sans peine, maintenant que je suis au fait du secret de fabrication, comme étant des épines concassées. La poudre est disposée sous forme de U aux angles très aigus.
Bah ! Franciscus n'a jamais dit que sa commande était urgente, si ? Et puis je me sentirais bien mieux avec un compagnon à mes côtés. Ni une, ni deux, j'enfonce le bouton 186. Même pas un clin d'œil plus tard le
Ding retentit. Qu'on se le dise : Fanciscus Trencart ne fait pas dans la camelote !
Tangerine. Il s'agit là de ma toute nouvelle agression oculaire. Finirais-je par m'y habituer ? Je ne pense pas.
Après le capharnaüm du quinzième, le hall du 186 avec son unique guichet circulaire et ses deux autres clients silencieux me paraît presque irréel. Avisant la seule employée des lieux, chevelure rousse foisonnante et robe vaporeuse aux couleurs de l'étage masquant les traits de sa forte corpulence, je percute que je n'ai toujours pas un rond...
- Miss SPA pour vous servir. Est-ce votre premier compagnon ?
- Enchanté. C'est mon tout premier séjour à l'Hôtel. Est-ce qu'il y a des frais d'adoption ?
- Les frais sont fonction de la classe du compagnon mais je constate que vous avez déjà pris vos dispositions.
- Je vous demande pardon ?
- Votre rubis sur l'ongle ! Durant l'enregistrement les aventuriers ont la possibilité de souscrire à divers packs donnant lieu à des avantages dès leur arrivée à l'Hôtel. Dans votre cas ce rubis vous donne droit à un compagnon de la même classe. À moins que vous ayez changé d'avis ?
- Pas du tout ! Je n'étais pas sûr que toutes les informations aient bien été transmises. Tout a été payé, on est d'accord ?
- Parfaitement. Les compagnons Rubis possèdent des capacités très spéciales. De fait, ils sont généralement appariés selon la personnalité de l'aventurier, mais peut-être avez-vous une certaine préférence ?
- Pas vraiment. Comment se passe l'attribution ?
- Nous utilisons un système de miroirs. Certains biomes étant dangereux voire inaccessibles aux nouveaux arrivants, et après plusieurs cas d'accident, il a été jugé préférable d'installer des miroirs pour chaque groupe animal. Ils agissent comme des portails.
- Il faut donc traverser ?
- À vos risques et périls ! Non, non. Le miroir du compagnon qui vous sied le mieux se mettra à briller. Sur le cadre de chacun des miroirs se trouvent des broches assorties. Choisissez-en une, épinglez-la à vos vêtement et voilà ! Votre compagnon finira par apparaître tôt ou tard. Bien entendu, vous n'êtes pas obligé de vous en tenir à votre match ; vous pouvez choisir n'importe quel animal de la section Rubis. Si vous en choisissez plusieurs cependant, vous devrez vous acquittez des frais d'adoption une fois de retour dans le hall. La section effectue un circuit fermé ; inutile de rebrousser chemin.
Sur ces paroles débitées à toute allure elle m'abandonne devant une porte marquée "Rubis" pour s'en aller accueillir un autre aventurier. Soulagé de m'en sortir à moindre mal, je mets sous cloche toute mes interrogations et pénètre dans la section Rubis.
Des miroirs, de toutes tailles et de toutes formes - la plupart animalières - décorent les murs d'un étroit corridor. Si tant est que l'on peut qualifier de miroir quelque chose qui ne reflète rien... De mauvais souvenirs du rez-de-chaussée me reviennent en mémoire. Suivant le chemin prévu par le fameux circuit fermé je finis par me plaire à admirer ces travaux d'orfèvrerie : qu'il s'agisse des miroirs eux-mêmes, des broches ou encore des plaques nominatives, il faut admettre que certaines pièces sont magnifiques.
Miroir aux Corbeaux, Miroir aux Loups, Miroir aux Aigles, Miroir aux Papillons, Miroir aux Holothuries... Les possibilités semblent être infinies. Et finalement, juste lorsque je débattais du fait de choisir une broche au hasard, un des miroirs se met à rayonner.
Le Miroir aux Méduses.
.... J'ignore comment le prendre... Fatigue mentale à son paroxysme, je me promets de méditer plus tard sur la symbolique de la chose. J'examine les différentes options de broches disponibles et porte mon choix sur un exemplaire petit mais élégant. Peut-être de l'opale ? L'épinglant au revers de ma veste, j'exulte du fait accompli...
... Si ce n'est que dans le corridor jusqu'à présent extrêmement silencieux se met à retentir un son des plus étranges. Ce qui commence par un miaulement rauque se mue en un mélange des plus alarmants de mugissements et de mitraillettes. Le son semble venir de nulle part et de partout à la fois. Les sens en alerte je pondère sur la provenance d'un tel cri lorsque le mur par derrière moi vole en éclats !!
Gurp ! Nope ! Je débarrasse le plancher vitesse grand V. Finalement je ne suis pas venu ici pour mourir et il est hors de question que je laisse la créature qui s'est lancée à ma poursuite me rattraper. Le cœur au bord des lèvres je résiste à la tentation de me retourner pour en avoir le cœur net sur l'identité de ladite créature. Les corridors ont beau sinuer et s'enchaîner, pas un seul abri en vue et, bien sûr, pas de porte ramenant à l'accueil non plus. Satané circuit fermé !
Foirant mon virage, mon pied se prend dans l'arête du mur et je suis envoyé tête la première dans un des miroirs. Une étrange sensation mouillée mais pas mouillée me traverse de long en large, puis c'est la chute...
J'atterris, totalement déboussolé mais indemne, sur un pouf géant........ tout compte fait, il s'agit plutôt d'une méduse géante..... Mon compagnon ? Ça expliquerait peut-être pourquoi je ne m'en porte pas plus mal, avachi sur une méduse de plus de 2 mètres. Effectuant un roulé-boulé jusqu'à la terre ferme, j'ignore s'il me faut remercier ma bonne étoile d'être sain et sauf ou l'invectiver de m'apporter autant de péripéties.
J'ai vraiment besoin d'une pause...
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Promis, la prochaine je fais plus court. N'empêche je me suis bien amusée, aussi bien avec ma lecture qu'avec le RP.
Comme l'indique le titre, il s'agit ici d'un écrit scientifique sur Gorgone Méduse et les méduses. Certes, Méduse est loin d'être morte dans son sommeil et les méduses sont de sacrés carnivores, mais la violence en elle-même est loin d'être le propos.
Les Miroirs de Méduse : Biologie et mythologie de Jacqueline Goy
Un ouvrage magnifique, que ce soit par la beauté des photographies et de leurs sujets éthérés et envoûtants ou par la prose de Jacqueline Goy qui parvient à expliquer de façon simple et passionnée des phénomènes qu'on pourrait croire magiques.
Dans les faits, l'auteur décortique d'abord le mythe de la Gorgone Méduse avant de se pencher sur l'invention des méduses - ou comment, devant la singularité de tels organismes, même les savants les plus récalcitrants ont dû se résoudre à accepter la création de nouvelles catégories animales -, puis viennent les apports que les méduses et ceux qui les ont étudiées ont fait à la science moderne pour finir par la persistance de Méduse dans l'histoire de l'art.
Le tout émaillé de chapitres mettant en lumière les caractéristiques étonnantes de ces créatures. De quoi passer pour un expert en soirée...
Saviez-vous qu'au lieu des symétries à 6 branches comme les flocons de neige les méduses favorisaient les symétries à 4 branches ? Qu'elles sont bioluminescentes ? Qu'elles possèdent, malgré leur apparente simplicité et leur composition faite à 98% d'eau, des nez, des oreilles internes ou encore des yeux ? Que le corail rouge "né du sang répandu de Méduse" appartient réellement au groupe des Cnidaires - celui des méduses ? Et bien plus encore...
Il semblerait que les Grecs aient élaboré leurs mythes en se basant sur leurs observations de la nature et que les naturalistes qui ont suivi, devant la justesse de ces observations, ont eut à cœur de leur rendre hommage. Après tout, "méduse" est une appellation tellement plus noble que "jellyfish"...
Une lecture que je recommande chaleureusement !
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Consignes : 02.5/08
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