La Voix des Mots

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Alexia_Dan

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La Voix des Mots

Message par Alexia_Dan »

La plume courait lentement sur la feuille blanche et lisse. Elle dansait, traçait des lignes, des courbes et des traits. La plume était tenue par une main. Elle semblait aussi délicate que sa partenaire d'écriture. La main appartenait à une jeune fille. Elle était assise contre le tronc d'un olivier.Le soleil descendait à l'horizon laissant dans son sillage des traces d'or et d'écarlate qui se reflétaient sur le visage de la jeune fille.

Un homme apparut de derrière les collines verdoyantes qui s’assombrissaient avec le crépuscule. Il trouva d’abord l’olivier puis son regard descendit et trouva la fille. Il la regarda un instant, comme captivé par cette image. Enfin ses lèvres s’entrouvrirent et une série de questions vinrent troubler le silence:

Quel est ton nom ?
Quel âge as-tu ?
Pourquoi es-tu ici ?
Es-tu seule ?
Seul.

À qui avait-il posé cette question ? À elle ? Ou à lui ? Il était seul, il avait toujours été seul. Pourquoi ? Il ne le savait pas. Certaines choses sont faites ainsi. Elles ne changent pas. Jamais. Il était seul. Toujours.
Lentement, il s’approcha de la jeune fille. Une main rugueuse, où couraient des cicatrices, vint toucher le bras de l’enfant. La fille le remarqua alors mais elle ne leva pas la tête, laissant son regard errer sur la main qui la tenait. Puis la main délicate s’agita. La plume recommença à danser et de nouvelles courbes recouvrirent la feuille. La feuille fut ensuite posée dans la main rugueuse. L’homme regarda. Des mots noirs comme le jais reposaient sur une surface blanche comme l’ivoire.
Les traces sur tes mains sont telles les lignes sur la feuille.

Le regard de l’homme alla de la feuille à la fille, de la fille à la feuille. Il prit la plume dans sa main et la trempa dans l’encre. La plume se raidit sous sa prise et sa danse en fut tremblante.
Quel est ton nom ?

La fille regarda les mots. Pourquoi la danse de la plume était-elle si tremblante ? Ses yeux se posèrent de nouveau sur la main de l’homme. Elle reprit la plume et la fit danser sur la feuille.

Tu écris avec tes poings.

Une sorte d’instinct poussa l’homme à regarder ses mains. La fille n’avait pas tort. La douleur, le travail ou peut-être les deux maintenaient ses mains fermées en permanence. Mais était-ce encore des mains ? Ou simplement des poings qui s’ouvraient dans le besoin ? Non. Trop de questions. Trop de souvenirs. Trop de larmes. Il ne voulait pas se souvenir. Plus jamais. Plus de souvenirs. Plus de larmes. Plus de douleur. Non !

Une larme tomba sur la feuille laissant un petit cercle qui assombrit le blanc ivoire. Le cercle était proche d’une des lignes noires, une ligne qu’il n’avait pas remarquée.

La plume ne peut pas danser la nuit.

La fille s’était allongée, le regard rivé sur le ciel qui se remplissait d’étoiles. La nuit, la plume et la main ne dansaient plus. Il n’y avait plus qu’elle. La nuit, son esprit divaguait, s’envolait. Ses pensées se mêlaient, se transformaient en rêves ou en songes. Il n’y avait plus de vérité, plus de mouvement, seulement la beauté et le silence. La nuit, le ressenti remplaçait la vue car nul œil ne peut percer les ténèbres. Il n’y avait rien à craindre, rien à espérer. La nuit n’était qu’émotion. Elle n’était qu’un ciel d’encre parsemé de petites lumières comme des espoirs qui attendaient l’aurore.

Quand les premières traces d’or apparurent dans le ciel, la plume commença sa danse. Elle s’en allait encore et encore traçant des lignes, des courbes et des traits. Mais la danse ne dura pas. La main rugueuse se tendit et sa sœur délicate la prit. La fille ramassa sa plume, sa feuille et son encre. L’homme s’en alla par les collines. Il n’était plus seul.

****

Les jours passèrent lentement. L’homme se plaisait à observer cette enfant qui mêlait le jais et l’ivoire, cette enfant dont les pas dansaient comme la plume sur la feuille. Elle ne lui avait pas dit son nom. Elle ne parlait pas, ne semblait pas entendre. Elle ne s’exprimait que par l’encre, ne comprenait que le toucher, comme elle avait écrit un jour :

Les mots sont ma voix, mon corps est mon ouïe.

Elle essaya de lui apprendre la danse de la plume mais celle-ci ne trouva jamais sa main seulement son poing. Certaines choses ne pouvaient plus être changées. D’elle, il apprit à apprécier le silence et les rêves de la nuit, à ne plus craindre, à se laisser emporter par la brise ou la joie. De lui, elle apprit à aimer le voyage et les routes, à chercher de nouveaux chemins, de nouvelles voies inexplorées, à être l’amie d’un autre. Qui aurait pu deviner ce leur rencontre avait changé ? Qui aurait pu croire que leur destin allait s’entrelaçait jusqu’à se mêler ? Qui aurait pu ne serait-ce qu’envisager que la Fille de l’Olivier et l’Homme des Collines se trouveraient, qu’ils s’uniraient ? Comment nommer ce lien qui les unit désormais, ce lien invisible, invincible ? Ils étaient bien différents. Trop différents. Jusqu’où pourront-ils aller jusqu’à ce que les choses restées derrière les rattrapent ?

****

Aux premières lueurs, la plume commença sa danse matinale. Elle courait gracieusement sur la feuille, dansant avec la main délicate.

Olivier

La plume trembla. La main s’agitait, faisait des faux pas dans leur danse.

Olivier, mon ami

La plume trembla plus fort. Les tremblements se répercutaient sur la main qui s’agitait de plus en plus. La danse était devenue saccadée, désordonnée, frénétique. Quelque chose n’allait pas. La fille pouvait le sentir au plus profond de son être. Quelque chose n’allait pas.

Olivier, mon ami, où es-tu ?

La plume tremblait si fort qu’il était devenu impossible de comprendre le sens de ses lignes. Ce n’était plus qu’une masse d’encre. La fille comprit. Elle comprit qu’elle ne pouvait pas s’éloigner de l’olivier, que là était sa place. Malgré son amour nouveau pour le voyage, malgré son ami, elle était la Fille de l’Olivier. Cette pensée la frappa, la percuta comme un arbre tombé. Elle avait mal. Elle n’avait jamais eu mal. Elle ne devrait pas avoir mal. Sans qu’aucun cri ne traverse ses lèvres, elle s’effondra, inerte.

L’homme arriva à son côté. Il trouva la feuille. Il lut les mots de jais. Il comprit. Pourquoi n’avait-il pas compris plus tôt ? Elle n’était pas faite pour les collines et les routes. C’était sa vie, pas la sienne. Il n’aurait jamais dû l’emmener. Pourquoi ne l’avait-il pas compris ? Mais pourquoi se posait-il ces questions maintenant ? Plus de questions. C’était cela. Il ne voulait plus se poser de questions. Il ne se posait jamais de questions. Alors il n’avait pas compris. Et il était peut-être trop tard.

Le chemin du retour fut long, angoissant, terrible. Chaque jour, elle s’affaiblissait. Chaque jour, il craignait plus. Chaque jour, la plume ne dansait pas. Mais il refusait d’abandonner. Il n’allait pas la laisser s’en aller. Il la ramènerait à l’olivier. Même si c’était la dernière chose qu’il ferait.

Le soleil descendait à l'horizon laissant dans son sillage des traces d'or et d'écarlate qui se reflétait sur le visage de l’homme. Son regard trouva l’olivier. Enfin. Il déposa tendrement la jeune fille contre son tronc. Elle ouvrit les yeux. Elle n’avait plus mal. Elle le regarda, deux larmes coulant sur ses joues comme des perles. Il ne l’avait jamais vu pleurer. Elle prit sa plume, sa feuille et son encre et les déposa dans sa main rugueuse. Puis elle s’allongea, attendant la venue des étoiles. Au matin, il disparut. Certaines choses sont faites ainsi. Elles ne changent pas. Jamais. Elle devait rester là. Il devait être seul. Toujours.

La fille s’appelle Harmonie. L’homme s’appelle Douleur.

Même si leur rencontre fut courte, même s’ils devaient être seuls à nouveau, même s’il écrivait toujours avec ses poings, il y avait une chose avait changé. Il avait appris à écouter la voix des mots.


Bonjour tout le monde. Voici un texte que j'avais écrit pour un concours que je n'ai malheureusement pas gagné mais je retente ma chance cette année. Je voudrais donc savoir ce que vous pensez de ce texte. Les avis constructifs sont appréciés: dîtes moi ce qui marche bien ou ce qui ne va pas. Je souhaite vraiment m'améliorer. Merci d'avance.
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