Concours Jour 15 - Le 16 Mai 2011

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Virgile

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Concours Jour 15 - Le 16 Mai 2011

Message par Virgile »

Voici les textes du quinzième jour du concours "Correspondance avec un inconnu"

Vous pouvez d'ors et déjà poster des nouvelles, vous recevrez un email vous indiquant si votre nouvelle a été acceptée ou non pour participer au concours.

Pour rappel pour que la nouvelle soit acceptée elle doit être correctement écrite en français et correspondre au thème 'Correspondance avec un inconnu".

Pour pouvoir poster sur ce forum pour participer au concours allez avant à la page du concours pour valider votre participation.
ggiselle

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Re: Concours Jour 15 - Le 16 Mai 2011

Message par ggiselle »

Un ascenseur providentiel

« Quelqu’un disait que la providence était le nom de baptême du hasard, quelque dévot dira que le hasard est un sobriquet de la providence ». Chamfort.

Deux ans plus tard, Guillaume, assis à son bureau, tomba sur le dossier rouge en cherchant un document. Aussitôt, le souvenir de cette journée lui revint à l’esprit avec une telle force qu’il crut la revivre. Une journée inoubliable ! Chaque fois qu’il y pensait, un sourire béat apparaissait sur ses lèvres. C’est dans cet état que le retrouva son collaborateur en pénétrant dans la pièce :
-quoi ? Qu’as-tu à sourire comme cela ?
-sourire ? Je ne vois pas de quoi tu parles.
-tu ne te vois pas, c’est normal. Dis, c’est bien de…
Il n’avait pas fini sa phrase que Guillaume, le regard vide, l’abandonnait déjà pour replonger dans cet état second où il semblait respirer le bonheur. En vérité, il avait glissé avec joie dans le monde immatériel du souvenir.



Couché sur le dossier de son siège, Guillaume réfléchissait à ce qu’aurait été sa vie si Valérie était encore en là. Il la menait selon le plan parfait conçu par lui avant que le destin, impitoyable, ne s’en mêle. Aujourd’hui, il était seul à s’occuper des enfants ; heureusement, sa mère lui donnait volontiers un coup de main. Tout de même ! Peut-être devrait-il songer à se remarier, il ne pouvait continuer ainsi. N’en allait-il pas du bonheur de ses enfants ? Quelque peu soucieux, il pianota un moment sur son clavier sans bien savoir ce qu’il cherchait. Puis, il se décida à consulter sa messagerie entreprise, tel qu’il le faisait chaque fin d’après-midi avant de quitter son bureau. Bien qu’il se trouve en plein milieu de la liste, ses yeux tombèrent immédiatement sur son courrier. Voir le nom de cette cliente l’agaça au plus haut point :
-encore elle, pas possible ! Elle nous emmerde, celle-là ! pesta Guillaume en se redressant. Je m’en vais lui dire deux mots à cette emmerdeuse, conclut-il en frappant avec nervosité sur son clavier :
« Bonsoir mademoiselle,
La MALTCIM, après mille investigations, ne reconnait rien vous devoir. Si vous êtes réellement mécontente de ses services, vous devriez sérieusement penser à changer de prestataire. Cela ne vous fera certainement pas de mal.
Merci »
Satisfait du contenu de son message, il éteignit enfin son ordinateur.
-voilà qui est fait, je suis sûr que nous n’allons plus entendre parler d’elle avant très longtemps. Viviane St-clair, et puis quoi encore !
Tout en parlant, il fit glisser en arrière son siège et se leva pour récupérer sa veste qu’il s’empressa d’enfiler. Il était grand temps de rentrer maintenant, il devait encore passer récupérer les jumeaux chez sa mère aussi courut-il presque vers la sortie.



L’ascenseur se refermait déjà quand l’homme y glissa une main. Heureusement, la jeune femme qui s’y trouvait avait agi avec promptitude et avait pu en bloquer la fermeture. Il se rouvrit immédiatement, faisant place à un homme d’une trentaine d’années au moins.
-bonjour, lança-t-il d’une voix vigoureuse en pénétrant dans l’ascenseur.
Son regard accrocha au passage une chemise cartonnée rouge que tenait la femme contre la poitrine.
-bonjour, répondit la jeune femme qui lui offrit en même temps un charmant sourire.
Elle posa un regard admiratif sur le nouveau venu. Grand et bien de sa personne, il était tout à fait à son goût. En plus, il avait beaucoup de classe, ce qui n’était pas pour lui déplaire. Mais si elle restait attentive à lui, l’homme qui s’était installé dans son dos, à près d’un mètre d’elle semblait ailleurs, préoccupé par un tout autre sujet. L’appareil marchait normalement et poursuivait tranquillement son ascension quand un bruit sourd se fit entendre. Une brève secousse et puis, plus rien. Pourquoi la cabine ne bougeait-elle plus ? La femme se tourna vers l’homme avec qui elle échangea un regard interrogateur. Inquiète, elle s’écria d’une voix tremblante :
-quoi ? Serions-nous pris au piège?
-ça m’en a tout l’air, répondit l’homme en essayant de garder son calme
La jeune femme promena un regard terrifié sur l’intérieur de la cabine avant de revenir à lui :
-et c’est tout l’effet que cela vous fait, je vous envie votre calme.
-calmez-vous … madame, mademoiselle ?
Elle ouvrit de gros yeux, stupéfaite de ce que l’homme se préoccupe de tels détails dans un moment pareil.
-écoutez, je pense qu’il n’y a pas à paniquer. Nous ne manquerons d’air que dans quelques longues minutes, nous devons économiser l’oxygène en demeurant calme.
-calme, c’est facile à dire ! Ai-je jamais été calme dans ma vie, cria-t-elle en se débarrassant de sa veste.
Elle déboutonna également son chemisier jusqu’au niveau du buste en observant son voisin, ce dernier donnait l’alerte en actionnant l’un des boutons du cadran de la cabine. Il commençait à faire chaud et elle avait l’impression d’étouffer dans cette boîte pendant que son voisin respirait la sérénité.
-quand je pense que je ne suis même pas d’ici. En ce moment, mon père n’imagine pas que je suis prisonnière en cet endroit.
Ce serait une bonne idée de la faire parler, pensa l’homme, cela pourrait la distraire de son angoisse.
-vous êtes donc en visite et où allez-vous comme cela ?
-à la MALTCIM. Figurez-vous qu’un certain monsieur, qui se prétend chef de son service contentieux ne sait pas parler aux clients.
En entendant cette remarque qui sonnait comme une plainte, le pouls du jeune homme s’accéléra. Cette personne dont elle parlait de façon si rude ne pouvait être que lui. Il demeura silencieux aussi la femme reprit-elle tout de suite :
-il se prend apparemment pour un caïd pour oser parler aux clients de cette manière.
-vous avez un problème avec la MALTCIM ?
-non, pas avec la MALTCIM, juste avec un de ses salariés qui se croit à l’abri de tout. Je vais de ce pas en toucher deux mots à son DG pour voir ce qu’il pense de son comportement.
Le jeune homme avala difficilement sa salive avant de prendre la parole :
-comment cela ?
-comment ? Eh bien, vous allez comprendre. Depuis près de trois mois maintenant, je suis en contact avec un certain monsieur, censé diriger un service du contentieux qui ne me paraît d’ailleurs pas très bien organisé.
-ha… vous croyez ?
-oui, oui et oui… cet homme, un certain guillaume Aka, si au départ a su se montrer aimable a vite fait de changer de ton en notant ma détermination à me faire rembourser l’indu que j’avais versé à cette société.
Quand elle avait prononcé son nom, Guillaume avait fermé les yeux en détournant le regard. Sans même s’en rendre compte, il se laissa glisser le long du rideau de fer derrière lui et se tint assis. Il ne cessait de se répéter « mon Dieu, aidez-moi ! » car il n’était pas sans ignorer la rigueur de son Directeur Général qui serait bien capable de se passer de ses services après une telle visite. La jeune femme, le croyant au plus mal, et elle n’était pas très loin de la vérité, se baissa à son tour et se mit à l’interroger :
-qu’y a-t-il ? Vous ne vous sentez pas bien ?
-non, ça va…
-ha, vous m’avez fait peur. Il faut tenir le coup, vous me sembliez si serein tout à l’heure. C’est là le malheur des hommes, ils se croient toujours obligés de jouer les courageux. Vous êtes bien là, à présent ? demanda-t-elle en s’installant près de lui.
-oui, ne vous inquiétez pas de moi.
Ce fut à elle de penser que le faire parler pourrait lui rendre un peu de sa sérénité
-dites-moi, reprit-elle dans les secondes qui suivirent, à quoi pensez-vous en ce moment?
-aux jumeaux, ma fille et mon fils, Emma et Marc.
-Emma et Marc, ce sont de beaux prénoms. C’est vous qui les avez trouvés ?
-ce sont les prénoms de mes parents
-très original ! Et leur mère, elle n’a pas eu son mot à dire, on dirait. Elle doit avoir des parents aussi.
-Valérie est morte en couche, souligna-t-il d’une voix monocorde.
L’homme gardait le regard fixé sur la porte de l’ascenseur en parlant, mais la femme pouvait deviner au son de sa voix qu’il avait été très marqué par ce douloureux évènement.
-ho, pardon !
-vous n’avez rien à vous faire pardonner, vous ne pouviez pas savoir et d’ailleurs, cela fait deux ans maintenant. J’ai oublié.
Un silence pesant s’installa entre eux ; ce fut l’homme qui, le premier, prit la parole :
-écoutez, je crois que vous devriez rencontrer ce monsieur.
-comment ? demanda la jeune femme, un peu perdue.
-cet homme, ce Guillaume Aka.
-ha, ce malotru ! Il n’en est pas question, je vais vous montrer de quoi il est capable.
Tout en parlant, elle tira un lot de feuilles de la chemise cartonnée qu’elle tenait à la main et qui avait tout à l’heure inexplicablement attiré son regard. Avait-il, par une révélation divine, senti que ce qu’il contenait pouvait entrainer sa perte. Le souffle coupé, l’homme desserra nerveusement sa cravate. Plus brusque qu’il ne l’aurait souhaité, son geste n’échappa pas à sa voisine. Inquiète, elle leva son regard sur lui. Il avait les yeux exorbités et le regard effrayé. Cet homme était peut-être claustrophobe et ne supportait pas du tout d’être enfermé, songea-t-elle. Choisissant de ne point relever ce fait, elle continua à parler en procédant à une séparation des feuilles en deux lots:
-là, ce sont mes messages et là, les siens, expliqua-t-elle en passant d’un lot à un autre. Ecoutez ceci ! Au départ, c’était le baratinage habituel… et nous nous excusons, et nous allons faire ce qui est en notre pouvoir pour vous satisfaire dans les plus brefs délais, et nous allons procéder aux vérifications nécessaires, et patati et patata… Tout cela est bien beau ! On pouvait croire que cela allait durer. Tout d’un coup, depuis près d’un mois maintenant, ce monsieur se permet les pires impertinences. Son dernier message est de loin le plus acerbe et c’est le premier, croyez-moi, que je présenterai à son chef.
Le pauvre guillaume qui commençait à manquer d’air, se mit à respirer de façon perceptible. Cependant, emportée comme elle l’était par ses propos, son interlocutrice, sans plus faire attention à lui, continua sur sa lancée :
-je ne sortirai du bureau de son chef que lorsqu’il sera prié de plier bagage ; cela, je vous le promets.
-comme vous y allez ! Je continue à croire, après ce que j’ai entendu, que vous devriez lui parler.
-lui parler ? reprit-elle en levant à nouveau les yeux sur lui.
Comme il continuait à éviter les siens, elle ne put avoir accès qu’à son profil qu’elle observait avec beaucoup d’intérêt. Ses longs cils dessinaient un mouvement de va-et-vient qui sembla la fasciner. Elle en était encore à le contempler quand il se tourna lentement vers elle. Elle remarqua comme il était beau avec ses grands yeux qui lui ouvraient le regard. La ligne de ses sourcils était si bien dessinée qu’on aurait pu croire que ce fut l’œuvre d’un artiste. Et ses lèvres ? Mon Dieu, quelles lèvres ! Toutes gonflées et légèrement rosées, elles donnaient l’impression d’être mûres, juteuses, prêtes à être croquées. Et ce n’était pas l’envie qui lui manquait à cette jeune personne si impétueuse. Mais non, sa réputation de fille à papa si holé holé ne pouvait, ne devait la rattraper ici. Elle se reprit donc bien vite. Elle venait pour une affaire trop sérieuse et de plus, elle ne connaissait pas ce jeune homme qui ne semblait, en outre, pas très intéressé par une quelconque aventure.
-oui, le faire renvoyer de son emploi ne vous rendra pas justice. Le rencontrer, par contre, vous permettra peut-être de comprendre ce qui s’est passé.
-vous croyez ?
-j’en suis sûr. Ecoutez, parlez avec cet homme, voulez-vous ?
-hum… d’accord, vous me le demandez si gentiment que je ne peux refuser. Et puis, entre compagnons d’infortune, je vous dois bien cela.
Puis la conversation prit une autre tournure, chacun des protagonistes semblant préoccupé par un sujet tout à fait différent
-comment c’est d’avoir deux enfants en même temps ?
-éprouvant quelquefois, surtout quand on est seul à les élever.
-et comment vous débrouillez-vous quand vous travaillez comme aujourd’hui?
-ma mère me donne un coup de main.
-un amour de mère, vous en avez de la chance !
Deux enfants et une mère, tout ce qui me manque, faillit-elle ajouter, mais se garda de le faire. Son histoire n’appartenait qu’à elle ; de toutes les façons, il n’y entendrait rien même si elle désirait en parler. L’homme n’est-il pas, en effet, essentiellement un MOI ?
-vos enfants, vous les aimez quand même ?
-bien sûr, ils sont ma raison de vivre.
-ha je préfère cela, j’avais cru entendre des plaintes…
-non, qu’allez-vous cher…
Divers sons, des voix et d’autres bruits plus difficiles à reconnaître, leur parvenant de la porte de l’ascenseur, ne permirent pas à l’homme de préciser sa pensée.

Deux minutes plus tard, ils étaient en liberté. Jetant un rapide coup d’œil à sa montre, la jeune femme nota avec surprise que leur isolement n’avait duré qu’un peu plus de cinq minutes. Elle lissa le pli disgracieux qui venait d’apparaître sur le bas de sa jupe avant de suivre la secrétaire. Quel genre d’homme allait-elle rencontrer ? Elle n’aurait jamais dû accéder à cette demande, un tel homme ne méritait pas une seconde chance. De la chance, il faut reconnaître qu’il en avait eu avec cet incident dans l’ascenseur, pensait-elle en franchissant la porte de son bureau :
-mademoiselle St-Clair, monsieur !
La visiteuse posa un regard méfiant sur cet homme qui se tenait de dos devant la baie vitrée dont les rideaux avaient été entièrement tirés, faisant ainsi baigner l’ensemble de la pièce dans la lumière.
-merci, fit l’homme en se tournant.
-vous ! ne put s’empêcher de relever la visiteuse, ignorant complètement la présence de la secrétaire.
-ce sera tout Aïda, laissez-nous !
Une fois la porte fermée, Monsieur Aka se dirigea vers sa visiteuse en esquissant un mouvement des lèvres censé être un sourire. En fait, il ne réussit qu’à dessiner une mimique bien étrange qui enleva beaucoup à son charme naturel.
-veuillez-vous asseoir mademoiselle !
-ho non, sûrement pas ! lança la visiteuse en décrivant deux pas en arrière. A quoi rime tout ceci ? Vous vous moquez de moi ?
-non… écoutez, asseyez-vous ! Nous allons finir par nous comprendre.
-je vous ai dis non. Non, c’est non ! Vous allez m’expliquer à quoi vous jouez ?
-je ne demande que cela, je vous en prie, calmez-vous !
-alors ? interrogea la jeune femme avec une fermeté que traduisait bien son visage fermé.
-écoutez mademoiselle, nous avons cherché sans succès cette seconde facture que vous semblez vraiment être la seule à avoir vue.
-ce qui est tout à fait normal …
-non, ce n’est point ce que j’ai voulu dire…
-c’est pourtant bien ce que je dis, moi. Cette facture, vous n’auriez jamais pu la trouver malgré votre bonne volonté parce qu’elle n’existe pas.
-non… comment ? Que dites-vous ?
-elle n’existe pas.
-alors pourquoi… pourquoi toutes ces histoires ?
-hum… histoire ! Je voulais vous tester, avoir une idée de la manière dont vous recevez le client insatisfait, difficile, voire même impossible et j’en ai été édifiée. Comme je serai bientôt en charge des fonctions de mon père au sein de cette entreprise et que je ne désire travailler qu’avec les meilleurs, vous comprenez donc ma démarche.
-mademoiselle St-Clair ! s’écria-t-il comme si un détail précis quittait enfin les tréfonds embourbés de son subconscient pour remonter à la surface.
-eh oui, c’est bien moi ! J’ai été assez honnête pour vous dévoiler mon vrai nom, mais cela vous semblait trop beau pour être vrai ?
-mon Dieu ! fit l’homme en se prenant la bouche.
Se sentant impuissant en face de cette situation, il se laissa tomber dans le siège, près de lui.
Juste quelques secondes et la femme reprit :
-alors ? Je peux m’en aller à présent, vous n’avez plus rien à dire pour votre défense ?
Elle se dirigeait déjà vers la sortie quand l’homme la rattrapa à grands pas :
-non, écoutez… je ne sais pas si cela peut venir à ma décharge… je suis si perturbé ces temps-ci, je ne suis pas très bien, vous savez, lui confia-t-il en se déplaçant devant elle de façon à constituer un barrage entre la porte et elle. J’en suis même à la limite de la dépression, des fois.
-hé bien, cet aveu au lieu de vous aider mon bon ami, vous dessert au contraire. Peut-être n’êtes-vous plus capable d’assumer vos fonctions…
-je vous en prie, murmura-t-il en lui saisissant un poignet
-mais qu’est-ce qui vous prend ? s’indigna-t-elle et elle décrivit un geste de la main pour se libérer. Vous avez raison, vous n’avez plus toute votre tête.
-écoutez, j’ai perdu ma femme…
-il y a deux ans et vous avez déjà oublié, avais-je cru comprendre.
-mais il y a mes enfants et je n’ai plus que ce salaire pour les prendre en charge.
Les pauvres chéris, pensa-t-elle. Guillaume, en fin observateur, ayant remarqué qu’il venait de toucher à une corde sensible en faisant allusion aux enfants, insista :
-je vous en prie, faites-le pour eux. Pardonnez-moi, je vous promets que je saurai me montrer très patient à l’avenir. Je l’ai d’ailleurs toujours été, seulement vous avez été une vraie em…
Il se rendit trop tard compte de ce qu’il disait.
-emmerdeuse, n’est-ce pas ? Dites-le donc ! Vous en êtes bien capable et vous voulez que je vous pardonne ?
Guillaume baissa la tête, dépassé par ce qu’il venait de faire. Comment avait-il osé ? Mademoiselle St-Clair, contre toute attente, posa en ce moment-là un regard attendri sur lui. Il ne l’avait pas fait sciemment ; dans sa ferveur pour se disculper, ses paroles avaient dépassé sa pensée. Elle ne pouvait lui en tenir rigueur :
-ok, finit-elle par dire, ce n’est pas dans mes habitudes mais je veux bien passer l’éponge cette fois.
-merci, merci…
-ok, à présent, voulez-vous me céder le passage ?
-ho, excusez-moi ! laissa entendre Guillaume en s’effaçant.
Une fois dehors, Mademoiselle St-Clair, au lieu d’emprunter le chemin de la sortie, se dirigea vers la direction :
-la sortie ne se trouve pas par là, rectifia Guillaume qui demeurait sur ses gardes.
-je le sais, je peux au moins aller embrasser mon père.
-bien sûr, faîtes donc ! Puis-je vous débarrasser de cet encombrant colis, demanda-t-il en montrant du doigt le dossier qu’elle tenait toujours contre la poitrine.
-je n’ai pas l’habitude de manquer à ma parole enfin, si cela peut vous rassurer, répliqua-t-elle avec un sourire d’amusement en lui tendant le dossier.
-je ne mets point en doute votre parole, on ne sait jamais. Si le chef venait par inadvertance à tomber sur ce dossier et à l’ouvrir, je risque fort de passer un mauvais quart d’heure.
-ok, alors à tantôt !



-hé ho, hé ho, chantonnait presque l’autre qui était demeuré là, à l’observer d’un œil curieux durant ses quelques secondes d’évasion.
-comment ? demanda Guillaume qui reprenait difficilement contact avec la réalité.
-Hé, tu es encore aller te réfugier dans tes pensées.
-Mais non, que disais-tu déjà ?
-c’est bien demain qu’elle commence, ta femme ?
-Hum hum.
-et comment tu comptes gérer cela, ce n’est pas facile.
-ho que si ! Elle est le chef ici et moi, à la maison.
-c’est vrai, vu comme cela, c’est plutôt équilibré, reconnut son interlocuteur avant de filer vers la sortie.
-équilibré est bien le mot, commenta Guillaume à son intention au moment où il passait la porte de son bureau. Puis il poursuivit un peu plus bas - tu peux bien te moquer mon ami, vous pouvez tous vous moquer de moi. J’ai, pourtant, frappé en plein dans le mil et gagné d’un coup une femme exceptionnelle, en plus d’une chef qui sera toujours compréhensive à mon égard. Alors qui est le mieux loti ici, dites-moi ? Exigeante comme elle l’est, je vous assure qu’il vaut mieux avoir cette femme pour soi que contre soi.
Guillaume s’adressait ainsi à un public imaginaire constitué des membres du personnel de la maison qui seraient bien tentés de critiquer son ménage, pourtant, très heureux.

Fin.
ggiselle Amély.
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