Cette fiche parle de prostitution, mais j'ai fait en sorte de ne pas parler de manière trop crue, et normalement il ne devrait rien y avoir de choquant dedans, mais je préfère prévenir avant on ne sait jamais
Rosaleen Kemer
23 ans, rejetée
La vie est dure à New Union, surtout quand on commence en bas, et moi, j’ai commencé tout en bas. Enfin, en vérité, c’est ma mère qui était tout en bas, et du coup, quand je suis née, j’ai hérité de sa classe sociale, ne pouvant pas hériter de celle de mon père. Je ne le connais pas, je ne le connaîtrais jamais, et tout compte fait, ça ne m’intéresse pas. Il n’était qu’un parmi tant d’autres, et puis ma mère ne le reconnaîtrait pas même si elle le voyait, elle ne pourrait pas en être sûre en tous cas, il y en a eu tellement.
Oh oui, vous pouvez dire que ma mère était une fille facile, elle était même plus que ça, elle exerçait le plus vieux métier du monde comme on dit. C’est peut-être affreux pour certains, dégouttant pour d’autres, dégradant, humiliant, tout ce vous voulez, mais il faut bien manger, et croyez-moi, faire la manche rapporte beaucoup moins que faire le trottoir.
Malheureusement, ça apporte aussi son lot de problèmes, et ma mère a fini par attraper un sale truc, une maladie refilée par on ne sait qui. Je n’étais plus une enfant, j’avais 16 quand elle est décédée, mais ça ne faisait pas moins mal, parce qu’on a toujours besoin de sa mère, peu importe l’âge qu’on a. Malgré l’image qu’on aurait pu avoir d’elle, celle d’une femme négligée et négligente, elle avait été tout le contraire avec moi, elle m’avait élevée comme elle avait pu, me protégeant et me nourrissant avec le peu qu’elle gagnait. Elle m’avait apporté autant d’amour qu’elle le pouvait, et je lui en serai toujours reconnaissante.
Mais quand elle m’a quitté, il a fallu que je subvienne à mes besoins. A l’époque, je faisais déjà la manche, pour aider ma mère a gagné un peu plus, surtout dans les dernières semaines de sa maladie, où elle ne pouvait plus travailler et où le peu d’argent que je gagnais en mendiant devait payer notre nourriture. Mais la mendicité ne rapporte rien, ou presque rien, alors j’ai fini par tomber dans la prostitution à mon tour. C’était ça ou mourir de faim, et entre nous, à quoi me servait ma dignité ? Certainement pas à acheter quoi que ce soit. Et puis, les hommes connaissaient ma mère, ils m’avaient déjà vu avec elle, et ils s’attendaient à ce que je prenne la relève, ce que j’ai fait.
Contrairement à elle cependant, j’essayais de faire attention, de me protéger, comme je le pouvais. Mais apparemment, je ne me suis pas assez protégée. Je n’ai rien attrapé de grave, enfin si on peut dire. Je m’en suis rendu compte il y a deux semaines, peut être moins, peut être plus. Mon cycle menstruel n’est pas très stable, mais deux mois sans menstruations, c’est trop long, même pour moi, alors j’ai fait un test. Je suis enceinte, de presque 3 mois. Bien sûr, je n’ai aucune idée de qui est le père, et c’est sans doute tant mieux comme ça. Je ne veux pas d’un homme dans ma vie, et surtout, je ne veux pas que quelqu’un d’autre que moi élève ce bébé. Moi je sais que je l’aimerais, que je le chérirais, alors que je suis sûr que son père n’en aurait rien à faire, je n’ai donc pas essayé de le chercher. De toute façon, je ne saurai pas qui c’était même si je devais le croiser dans la rue. Il faut croire que l’histoire se répète…
Mais contrairement à ma mère, je ne compte pas laisser ce petit orphelin. Le fait de tomber enceinte m’a prouvé une chose, c’est que même en faisant attention, on n’est pas à l’abri d’attraper quelque chose. Ok… une grossesse c’est pas une maladie, mais quand même. Alors j’ai pris la décision bien difficile d’arrêter de faire le trottoir. Je veux pas risquer d’attraper quelque chose, déjà parce que je veux pas perdre ce bébé, et ensuite parce que je peux pas le laisser seul quand il naîtra.
Heureusement pour moi, j’ai toujours été indépendante, j’ai donc pu arrêter sans trop de problème. Les clients continuent de venir me voir de temps en temps, essayant de m’amadouer pour que je reprenne, mais même si certains sont vraiment lourds, aucun n’a essayé de me forcer à quoi que ce soit. Je sais ce que je fais, j’évite les grosses brutes, ceux qui ont l’air de faire mal, les alcooliques aussi, qui peuvent être impulsifs ou violents. Et surtout, j’évite les beaux quartiers, c’est vrai qu’on s’y fait plus d’argent, mais les riches sont complètement fous, ils profitent des filles comme moi pour assouvir tous leurs désirs de mecs frustrés, et ça donne des choses vraiment pas jolies à voir, et pas plaisantes à vivre. Je sais que certaines filles y vont parce qu’elles y sont obligées, par leur protecteur.
Un protecteur, c’est quelqu’un qui trouve les clients, et qui « protège » les filles qui, en contrepartie, lui file une partie de ce qu’elles gagnent. Ma mère m’a toujours dit de me méfier d’eux. Ils sont fourbes, et demander l’aide de l’un d’entre eux, c’est s’enchaîner à jamais, c’est s’endetter, parce qu’ils fournissent un toit et à manger, et qu’il leur en faut toujours plus. Ils volent l’argent des filles, et elles se retrouvent coincées dans un cercle vicieux. Si j’avais eu la faiblesse de demander de l’aide à un protecteur, je n’aurais jamais pu arrêter comme je l’ai fait en apprenant que j’attendais un bébé. Pire encore, il aurait pu me demander de m’en débarrasser. Mais moi je veux le garder ce bébé, comme ma mère m’a gardé, et l’élevé comme elle m’a élevée. Je sais qu’on a pas grand-chose, et qu’il aura peut être une vie de misère, mais c’est toujours une vie non ?
Et puis on ne sait jamais, peut être… peut être qu’il aura mieux que ça. Je ne veux pas trop espérer bien sûr, on est vite déçu quand on espère un peu trop fort, mais il y a ce programme, je l’ai vu sur un écran dans le bar à côté duquel je fais souvent la manche. Le gérant est sympa, il me laisse entrer parfois, quand il fait trop froid dehors. Il a une télé, qui diffuse les infos, comme tout le temps, mais hier, il y avait un nouveau programme, enfin plus exactement, une nouvelle chaîne. Nihil. Inconnue au bataillon. J’étais curieuse, j’ai écouté ce Peter jusqu’au bout, et à la fin, j’ai juste secoué la tête en soupirant d’exaspération. Comme si c’était possible, une émission où n’importe qui peut participer, où n’importe qui peut gagner… C’est ridicule. Et cruel pour tous les misérables qui vont s’inscrire avec l’espoir de gagner quelque chose. C’est ce que je me disais… hier soir encore. Mais ce matin… je vois les gens remplir ces formulaires d’inscriptions, je les vois tous, espérer. Et peut être que ce sont les hormones, ou je ne sais quelles autres bêtises, mais moi aussi, je commence à y croire. J’ai rempli un formulaire, bêtement sans doute, mais je me dis que je serai vraiment c*nne si je passais à côté d’une chance pareille. Qu’est-ce que j’ai à perdre ? Si c’est faux, tant pis, ça restera comme ça. Et si c’est vrai… si c’est vrai et que je gagne, je pourrais offrir une vie meilleure à mon bébé.
Caractère
Je suis plutôt du genre solitaire, mais ça n’a rien à voir avec une quelconque timidité ou une peur des autres, c’est juste que j’aime mon indépendance, et que quand on fait ce que je faisais, il faut savoir mettre une certaine distance avec les gens, pour ne pas se faire marcher sur les pieds. Il m’ait déjà arrivé de jouer les durs d’ailleurs, mais je ne suis pas une vraie dure, je ne pense pas être capable de frapper quelqu’un, à moins que ce soit pour me défendre, mais c’est autre chose. Pourtant j’ai déjà menacé des mecs qui me collaient un peu trop quand je disais non, et heureusement pour moi, on a jamais eu à en arriver réellement aux mains. On peut dire qu’à ce niveau, je suis plutôt chanceuse. Oui c’est idiot de penser comme ça, on pourrait se dire que je devrais pessimiste avec tout ce que je vis, mais ce n’est pas le cas, à quoi ça sert d’être pessimiste ? ça ne fait que rendre la vie encore plus moche qu’elle ne l’est déjà, en tous cas c’est ce que disait souvent ma mère.
Physique
On ne peut pas dire que je sois moche, et ça m’a plutôt bien aidé dans ma vie. Je fais 1m72 et je suis brune. Il parait que quand je souris je suis encore plus jolie.
Concernant ma grossesse, elle ne se voit pas encore trop, en tous cas tant qu'on y fait pas attention. Mon ventre n'est pas totalement plat, mais la petite grosseur qui commence à y naître disparaît très vite sous les gros pulls ou les vestes que je porte pour ne pas avoir froid.
Liens
Hurricane
J’avais 20 ans la première fois que je l’ai vu, et je faisais déjà le trottoir depuis 3-4 ans. Mais elle, elle ne faisait pas vraiment le trottoir, elle mendiait seulement, et en la voyant, je me suis revue plus jeune. Elle ne me ressemblait pas, bien sûr, blonde alors que je suis brune, mais quand même, elle était là, à mendier, et moi j’avais juste peur pour elle, peur qu’elle tombe dans autre chose. Parce qu’elle était beaucoup plus jeune que moi quand j’avais commencé. Elle devait à peine avoir 15 ans, et déjà, les autres filles l’approchaient, mais les autres filles n’étaient pas comme moi, la plupart avait un protecteur, et je savais bien ce qu’elles cherchaient. J’avais une bonne idée de comment ça pourrait finir pour elle, parce qu’au départ, quand j’avais commencé, j’avais été tenté moi aussi, de laisser une de ces filles me convaincre de rejoindre leur protecteur, de me laisser aller à la « sécurité ». Mais ça n’était pas une sécurité, ma mère m’avait assez mise en garde, et pour ne pas souillée sa mémoire, j’ai refusé.
Mais cette fille en revanche, cette petite blonde au visage d’ange, elle n’avait pas l’air de se méfier. Alors à plusieurs reprises je suis allée la voir, pour lui dire de partir. Je lui donnais de l’argent et je lui disais qu’il fallait qu’elle parte, qu’elle s’en aille, que ce quartier n’était pas fait pour elle. Mais elle ne m’écoutait pas, pas vraiment. Ça fait longtemps que je ne l’ai pas revu, j’espère qu’elle est partie comme je le lui ai conseillé, j’espère qu’elle est bien là où elle est maintenant, loin de tout le danger des protecteurs, et peut être, loin de la prostitution.