Je suis arrivé à Ravenswood très tôt ce matin. J’ai pris un vol de nuit, puis le taxi pour me rendre à l’école. La fatigue du voyage cumulée à celle provoquée par le décalage horaire n’a pas joué en ma faveur, mais je devinais qu’une fois sur place, je pourrais me poser et dormir un peu. Dans l’enceinte de l’école, j’ai été surpris mais pas étonné de découvrir que je pouvais me tenir librement sous le soleil. Il est logique qu’un tel établissement, qui accueillent toute sorte d’êtres surnaturels du monde entier, soit paré à toute éventualité, mais c’est assez impressionnant de le voir de ses propres yeux. En plus, à cause de mes origines, je suis très sensible à la magie, et en franchissant la barrière et les protections magiques qui enveloppent Ravenswood, je les ai comme senties me traverser complètement et ça m’a un peu secoué. Ensuite, dans le château, j’ai redouté d’être submergé par les auras magiques, et que mes sens soient saturés, mais il y avait peu de monde réveillé. J’ai été reçu par un surveillant, qui a régularisé ma situation, puis il m’a emmené à ma chambre. Dès qu’il a refermé la porte derrière moi, je me suis écroulé sur le lit inoccupé sans rien pouvoir faire d’autre et je me suis endormi d’un coup.
Je me suis réveillé quelques heures plus tard, encore fatigué, parce que je n’avais pas assez dormi, mais le sommeil a quand même été réparateur. À présent, l’esprit ailleurs, je défais tranquillement mes affaires. Je ne me pose pas trop de questions, je pense simplement à ma famille, à ma mère d’abord, à ma sœur et enfin à mon père. Quand je retournerai à la maison, j’espère qu’on pourra tenir une véritable conversation, sans sentiment négatif débordant. C’est beaucoup demandé, mais j’ose croire à une discussion plus ou moins calme avec mon père pour apaiser les tensions, et faire entendre mon point de vue et celui de Manaow. Entre légers soupirs et bâillements, je finis de tout ranger, avant de mettre mon casque pour sortir de la chambre. J’ai un casque anti-bruit auquel ma mère a associé un charme pour que la réduction de bruit fonctionne sur moi. En tant que vampire, la technologie – même très avancée – du casque n’est pas assez puissante pour vraiment réduire le bruit et protéger mon ouïe surdéveloppée, alors le charme pallie ce souci. D’aussi loin que je me souvienne, je ne supporte pas bien la surcharge sensorielle, et ma mère l’a très vite compris et m’a offert au fil des ans divers objets magiques pour y remédier. Quand je suis entré au lycée, elle m’a donc offert ce casque, dont je ne me sépare jamais.
La réduction de bruit au maximum, je quitte la chambre et m’oblige à respirer doucement en constatant le monde qu’il y a dans les couloirs, partout. Le surveillant qui m’a accueilli m’a dit qu’il préviendrait l’un des délégués pour qu’on me présente Ravenswood et me fasse visiter les lieux, avec pour indication que le délégué me rejoindrait à l’accueil. C’est là-bas que je me poste contre un mur, le regard dirigé vers le sol, concentré sur la musique dans mon casque. Je n’entends aucun bruit extérieur, je suis dans ma bulle, et avec le passage incessant, c’est salvateur. Les mains dans les poches de mon pantalon noir, je patiente, l’esprit dérivant vers mon village, la verdure et la nature éclatantes de la Thaïlande remplacées par celles plus sombres de l’Angleterre.