Et je commence avec le mien
J’avance dans les bois à pas régulier. Les branches mortes craquent sous mes bottes en un bruit lugubre. Je suis seul, et la lumière du jour décline progressivement.
Je souris en pensant à la situation.
« Un homme seul qui se balade au beau milieu d’une forêt dense à la tombée de la nuit »
Il y a de quoi écrire une histoire.
Je continue à marcher tranquillement, observant chaque arbre, chaque fourré. L’obscurité enveloppe l’espace qui m’entoure un peu plus chaque minute, et je distingue de moins en moins bien les formes, les couleurs.
Il fait noir, je n’y vois rien, le sol est traître et bruyant sous mes pieds, et les loups rôdent.
Je devrais avoir peur.
Pourtant…
Je ne m’arrête pas. Mes jambes bougent toutes seules, animées par un automatiste surprenant. Je ne vois plus les fourrés et heurte de plus en plus souvent des obstacles invisibles. Peu m’importe, je persévère. S’arrêter est de toute façon mortel. Ou presque.
Soudain, un hurlement retentit.
Un loup.
Puis d’autres suivent. Plusieurs loups.
Ils ne sont pas loin. Et ils partent en chasse. Mais qui est leur proie ?
C’est une évidence. Je souris de nouveau.
Apparemment, la proie c’est moi.
Ces cris bestiaux me font frissonner. J’accélère, et ma main se pose instinctivement sur ma joue, là où des loups m’ont marqué au fer rouge il y a maintenant vingt ans…
Je cours. Les bêtes sont derrière moi. Elles sont rapides. Je suis lent.
Je vais mourir.
Je suis essoufflé. Mes poumons brûlent. J’entends leurs souffles rauques pas loin de moi. J’ai peur.
Je vais mourir.
Non ! Je continue. Tout droit. En zigzag. Ne pas tomber. Ne pas s’arrêter.
Je vais mourir !
Mes jambes flageolent. L’adrénaline ne me porte plus. Mes genoux tremblent. Ma tête s’embrume. Je manque d’oxygène.
Je vais mourir…
Les bêtes sont là. Je suis tombé. Elles m’encerclent. Je les entends claquer des dents. Je vois mon reflet dans leurs gros yeux gris. Je sens leur faim. Et je comprends que ce soir, je suis leur proie.
Leurs griffes me lacèrent. Le dos, les jambes, les bras, le visage. Je hurle de douleur. Je crie toujours plus fort. Mais elles continuent.
Je. Vais. Mourir.
Mon cerveau se brouille. Je vais perdre connaissance. Je n’ai plus la force de crier.
Je ne veux pas mourir…
Un coup de feu retentit.
Les hurlements se sont arrêtés. Autour de moi, le silence est complet. Mais je ne suis pas dupe. Ils sont derrière moi, à me traquer, comme l’autre fois.
Il y a vingt ans, je me suis fait attaquer par une meute de loups affamés. Un garde forestier a entendu mes cris et m’a sauvé. J’en suis sorti vivant grâce à lui, mais malheureusement pas indemne.
Il y a vingt ans, j’avais quinze ans.
Et ce soir là, j’étais leur proie, comme aujourd’hui.
Sauf qu’aujourd’hui, c’est différent.
Je n’ai plus quinze ans.
Je m’arrête. Les bêtes m’encerclent. Je souris en apercevant la bave dégouliner le long de leurs dents acérées.
Je me redresse, puis me mets en position.
D’attaque.
Et je charge mon fusil.
Je n’ai plus peur, parce qu’aujourd’hui j’ai grandit, et que je compte bien me venger.
Aujourd’hui, contrairement à il y a vingt ans, la proie c’est eux.
Et le chasseur, c’est moi.
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Pas très long, mais bon...