Bonjour,
J’arrive un peu tard mais la façon d’approfondir les réflexions dans ce topic me plait bien
Voilà donc les 4 qualités d’un roman qui comptent le plus à mes yeux.
1. Un contenu qui apporte quelque chose au lecteur. J’entends par là un roman qui véhicule des idées, plus ou moins développées, plus ou moins explicites, mais qui pousseront le lecteur à la réflexion. J’apprécierai toujours un roman si celui-ci m’apporte de la culture, de nouvelles connaissance (à noter ici que je parle bien d’un roman, et non pas d’un livre qui se veut purement éducatif comme un livre d’histoire, ou de vulgarisation scientifique par exemple). Mais au-delà d’apport de connaissances pures, les livres que je considère comme mes préférés sont ceux qui, au moment où je les ai lus, m’ont « construite », en m’apportant des valeurs et des façons de voir le monde que j’ignorais avant leur lecture. En résumé, les lectures dont je ressors changée sont aussi celles que j’apprécie le plus.
2. La profondeur psychologique des personnages. Comme cela a beaucoup été mentionné, cette qualité sous-entend pour moi que les personnages doivent être complexes, nuancés (les protagonistes tout blancs et les antagonistes tout noirs, c’est surement un des défauts qui m’irrite le plus dans n’importe quelle œuvre de fiction), leur psychologie doit être construite en lien avec leur passé et l’univers dans lequel ils évoluent. J’inclus aussi dans ce critère l’aspect des relations entre les différents personnages, parce que les liens que forment les humains font aussi partie de leur psychologie. J’aime quand les relations sont complexes et quand elles dégagent quelque chose, ce qui est compliqué à expliquer avec des mots, mais parfois, deux personnages interagissent et « l’alchimie » se fait, quelle que soit la nature de leur relation. Si ces qualités sont présentes, elles entraineront l’identification avec le ou les personnages, l’implication du lecteur dans le récit, et c’est ce qui rend la lecture plaisante.
3. L’immersion dans l’univers. Par univers, j’entends tout ce qui sert de cadre au roman, c’est-à-dire pour beaucoup les lieux, mais aussi les règles qui régissent le monde, en particulier dans les livres de fantasy. J’aime les univers étendus, c’est-à-dire ceux dans lesquels il existe des éléments sans impact sur le récit (exemple des cartes au début des livres, lorsqu’elles comportent des endroits, des noms de lieux qui seront mentionnés sans que jamais les personnages ne s’y rendent). La multiplicité de petits détails d’apparence insignifiante fait la richesse de l’univers, et permet au lecteur d’y être transporté. C’est vrai pour les romans se passant dans des « mondes parallèles », c’est aussi vrai pour ceux qui se déroulent au bout de la rue. Cependant, la densité d’un univers doit être maitrisée, pour ne pas être noyé par des descriptions formelles et rébarbatives. Univers complexe, donc, mais de façon subtile. Enfin, j’inclus aussi dans ce critère une sensation plus subjective : parfois, certains univers sont accueillants. Je ne saurais pas définir pourquoi ou comment, mais indépendamment de tout ce que je viens de dire dans ce paragraphe, il y a des livres qui, quand je les ouvre, me projettent dans un monde que je trouve chaleureux, qui « m’accroche », et c’est effectivement quelque chose qui me fait adorer un récit.
4. Une intrigue avec de grands enjeux. Pour moi, ce critère est un plus, j’apprécie des romans qui ne le remplissent pas. Toutefois, j’adore quand la portée d’un récit dépasse les intérêts individuels des quelques protagonistes et s’étend à l’échelle de toute une population, de tout un monde. Ce genre d’intrigue oblige les personnages à faire face à des enjeux qui les dépassent, les font généralement vivre des difficultés qui les feront évoluer, et qui ne rendront le dénouement que plus fort. En particulier, j’aime quand un livre débute par une situation stable qui va évoluer de plus en plus vers des bouleversements, des conflits larges, jusqu’à ce que ce qui constituait la « stabilité » de départ ne puisse plus exister, et que les personnages doivent traverser ces difficultés pour qu’on obtienne un dénouement marquant le retour à une situation stable différente du début. En résumé, une intrigue développée de A à Z, qui sait où elle va et qui y parvient, mais en passant par quelque chose de grand.
A ces 4 critères, on peut ajouter celui de l’écriture. Toutefois, j’estime qu’un roman qui remplit les 4 critères ci-dessus possède obligatoirement une bonne écriture, puisqu’elle est nécessaire pour mettre en place toutes ces qualités. Concernant l’aspect poétique et la beauté des mots, disons que c’est un plus. De plus, sans parler purement de qualité littéraire, il y a des plumes auxquelles on accroche, d’autre pas.
Enfin, je voulais rebondir sur des débats lancés plus haut dans cette discussion, à propos du fait que les attentes des lecteurs seraient aujourd’hui trop basses. A mon sens, ça n’est pas le cas, d’abord parce qu’il y aura toujours des lecteurs pour avoir, au contraire, des attentes très hautes. Mais surtout, je ne vois pas en quoi c’est un problème de ne pas attendre beaucoup de ses lectures. Lire, c’est avant tout une histoire de plaisir, et c’est très personnel. Pourquoi ne devrait-on pas pouvoir prendre plaisir à lire des romans jugés moyens voir médiocres en terme de qualités littéraires ? Parfois, on tombe sur des livres à l’écriture assez pauvre, à l’intrigue un peu bancale, aux personnages clichés, voire tout ça à la fois, mais qui sont « suffisamment bons » pour nous faire passer d’agréables moments de lecture. Si des auteurs prennent plaisir à les écrire, que des éditeurs choisissent de les éditer et que des lecteurs les apprécient, à mon sens ça ne pose de problème à personne. C’est à chaque lecteur de chercher au bon endroit, de se tourner vers les bons éditeurs, bons auteurs, bons conseils, pour trouver des lectures correspondant à ses recherches.
De plus, s’ajoute une histoire d’âge, de maturité et, si on peut l’appeler comme ça, « d’expérience de lecteur ». Par exemple, beaucoup de livres que j’ai lus sont classés parmi mes listes de Diamant et d’Or parce qu’ils ont remplis mes 4 critères ci-dessus,
au moment où je les ai lus. Et je sais que pour beaucoup d’entre eux, si je devais les relire aujourd’hui, je ne retrouverais plus ces qualités et serais déçue. Est-ce que cela change quelque chose au fait que, au moment où je les ai découvert, je les ai adorés, et qu’ils ont contribué à faire de moi la personne que je suis ?
Tout ça pour dire que certains romans qui vont nous paraitre pauvres, et nous faire penser que le monde de la littérature régresse, peuvent être de vraies révélations pour un public différent.
À la suite de ce long message (et merci à ceux qui l’auront lu du début à la fin !), je vous souhaite la bonne journée !