Dans ce cas, pourquoi employer le mot politique ? Pourquoi ne pas parler d’œuvres sociétales vu que
« sociétal » est ce qui se rapporte à la structure, à l’organisation ou au fonctionnement de la société ou d’œuvres sociales ? Car je crois sincèrement qu’il y a un problème avec ce terme de politique qui est utilisé soit involontairement de manière erronée, soit par certains groupes de pressions pour pousser une idéologie.
J’avais rédigé une réponse par rapport au message de Theyoubot dans laquelle je développe le problème de l’emploi du terme politique qui s’invite à tort dans des domaines qui ne le concerne pas. La voici :
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Je rejoins assez l’opinion de Theyoubot en particulier sur ceci :
Tu ne peux pas affirmer que toutes les femmes de la planète sont grandes. Pour affirmer que certaines sont grandes, tu dois admettre que certaines sont petites et d'autres moyennes. Si tous les contenus ont une dimension politique, alors aucun n'en a.
De manière générale, j’ai l’impression qu’il y a un problème de définition de ce qui est « politique ».
Si tout est « politique », qu’est-ce qu’est la politique ? Quel est sa définition et son champ d’application si elle s’applique à absolument tout ? Le jour s’oppose à la nuit, la vie à la mort, le meuble à l’immeuble, le bruit au silence, le commun au rare... Toute notion/toute idée se voit limitée par la présence d’une autre : on comprend l’ « idée » du bruit parce qu’il existe le silence, on reconnait un endroit sombre par son absence d’éclairage, on distingue les présomptions réfragables en droit parce qu’il existe des présomptions irréfragables... On ne crée pas une notion et un mot pour la désigner si elle s’applique à tout et qu’elle n’a pas de contraire ou d’autres nuances venant la limiter. Le mot n’aurait aucune raison d’exister. Si tout était tiède, jamais on aurait commencé à parler de froid et de chaud par opposition et le mot tiède ne serait même pas apparu à cause de son absence d’utilité pour décrire une réalité non remarquable par l’homme due à son absence de contraire. Et on ne s’amuse pas non plus à créer des mots vagues aux notions floues pouvant s’appliquer à tout.
La politique, à la base, c’est la science du gouvernement de la cité, comment le gouvernement règle ou devrait régler son action pour organiser une société selon un idéal. C’est une notion qui s’applique aux États et à leurs manières de diriger au sein de leurs sociétés et de diriger leurs relations avec les autres États.
En outre, même si dans la politique on fait appel à de la morale, ces 2 notions sont pas superposables.
La question de la place de la femme au sein d’une société est politique, les questionnements sur les fondements et les bienfaits de la guerre pour un État sont politiques, la remise en doute du mouvement de l’industrialisation et aujourd’hui de la digitalisation de la société est également politique...
La gestion du deuil et des souffrances personnelles, le bonheur de pratiquer une activité et l’épanouissement que l’on peut trouver dedans, les expériences d’amitié à l’école, l’amour d’un parent pour ses enfants (des thèmes et des messages que l’on retrouve dans des livres) ne sont pas politiques.
Les messages du type : « La famille, c’est ultra important », « L’amitié rend plus fort », « L’homme est un loup pour l’homme », « Le mal est partout », « Il faut laisser son passé derrière soi », « L’instant présent doit être chéri », « Rendez grâce à Dieu » etc. sont des messages relevant de la morale, de la philosophie voire de la culture ou de la religion mais ils ne sont pas politiques car ils n’ont pas vocation à redéfinir le fonctionnement d’un État et de la société au sens large...
De plus,
décrire la réalité comme elle est, ne rend pas notre message politique. On peut reprocher aux auteurs plus anciens d’avoir écrit des livres où les femmes étaient reléguées au second plan. Ce n’est pas pour autant qu’ils ont écrit leurs livres avec l’intention politique de dépeindre une société idéalisée où la femme est subordonnée à l’homme. Certains auteurs l’ont fait mais pour la plupart, c’est juste parce que les choses étaient ainsi à leur époque. Un auteur qui met en scène des protagonistes qui se déplacent en vélo n’a pas forcément une intention politique de promouvoir la mobilité douce si il ne fait que décrire les habitudes de ces co-citoyens. Écrire un livre historique à une époque où l’esclavage existait n’est pas forcément synonyme pour l’auteur de prendre position pour ou contre l’esclavage ou synonyme pour le livre d’avoir un discours sur l’esclavage s’il n’est qu’un élément contextuel de l’histoire. Parenthèse amusante, la question de l’esclavage est justement un bel exemple de confusion entre les notions de politique et de morale dans l’esprit des gens. Aujourd’hui, des personnes expliquent que l’esclavage est mauvais et inacceptable sur le plan politique alors qu’en réalité l’esclavage est mauvais sur un plan moral à dimension humaniste et universaliste. Sur le plan politique, l’esclavage peut être "bon" car
il n’y a ni bien, ni mal en politique ; il n’y a que des positionnements et des décisions efficaces/inefficaces pour parvenir à organiser la société selon un modèle théorique pré-établi. La politique étant une science à l’origine elle s’abstient de toute dimension émotionnelle.
Cependant, on étend aujourd’hui la notion de politique à tout et surtout à la morale et aux opinions personnelles. Chaque geste, chaque parole et même les silences et les absences sont interprétés sous le prisme de la politique. Au point d’en devenir absurde. Petite exemple de l’absurdité : Quand il a été annoncé que le
casting des personnages principaux dans Final Fantasy XV ne seraient composés que d’hommes, ça a fait scandale. Plusieurs personnes ont interprété cela comme un mouvement réactionnaire masculiniste, une mise en avant des hommes, un désir d’invisibilisation des femmes, une remise en doute de leurs capacités à être des héroïnes d’histoire, une honte de faire ça au XIXe siècle... Bref, ces personnes ont donné une portée politique à un choix artistique de vouloir raconter une forme de
roadtrip, une histoire d’amitié entre 4 personnages.
Et c’est là, le problème lorsqu’on vient dire que tout est politique, on finit par faire des procès d’intention et même pas pour des éléments présents mais pour des choses qui seraient absentes des créations. Chaque décision prise devient un choix politique et non plus artistique. Et même des choix narratifs dus à des limitations techniques et/ou budgétaires arrivent à être réinterprétés politiquement.
Et on en revient au questionnement de départ, si des choix artistiques sont politiques, si faire un simple constat à un temps t est politique, si des messages relevant de la morale sont classés dans la case politique... c’est quoi la politique aujourd’hui ? Et quelle est son utilité ? Qu’est-ce qui la distingue de la morale qui auparavant était placée sur un autre plan que celui de la politique ? Et quelle est la place de l’art et de l’émotion dans tout cela ?
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Parler d’œuvres sociétales/sociales car influencées par la société entourant l’auteur ne serait-il pas plus juste ? Cela permettrait de les distinguer et de les opposer aux œuvres engagées qui elles cherchent à influencer la société et son organisation et donc qui cherchent à jouer sur un plan politique.
De plus,
parler d’œuvres sociétales/sociales inviterait uniquement à reconnaitre une influence du contexte dans lequel un auteur écrit sur son œuvre mais sans inviter à porter un jugement et à prendre position sur l’œuvre car malheureusement
la politique d'aujourd'hui est connotée comme engagée. On ne peut plus se contenter d'étudier la politique, la forme des différents gouvernements existants... il est demandé au gens de s'engager et de prendre position. Dire qu'une œuvre est politique, c'est l'assimiler à une prise de position, ce qui peut porter préjudice à certains auteurs. C'est sous-entendre qu'ils cherchent à faire passer un message politique alors que ce n'est pas toujours le cas.